Notes
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[1]
Voir, par exemple, Paolo Monelli, Roma 1943, Rome, Migliaresi, 1945 ; Leo Longanesi, In piedi e seduti (1919-1943), Milan, Longanesi, 1948.
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[2]
Indro Montanelli (1909-2001) fut l’un des plus importants journalistes italiens du siècle dernier. Il a fortement influencé l’opinion publique modérée au cours de la seconde moitié du 20e siècle, en tant que journaliste et en tant que vulgarisateur de l’histoire italienne avec son style conservateur anticonformiste.
-
[3]
Cité dans Sandro Gerbi et Roberto Liucci, Lo stregone : la prima vita di Indro Montanelli, Turin, Einaudi, 2006, p. 200. Ce livre est une réfutation documentée de l’image que le journaliste a donnée de lui-même dès 1943 : un jeune fasciste déçu, devenu antifasciste dès 1937. Il s’est référé à des faits et à des situations qui ne correspondaient pas à la réalité. À ce sujet, voir aussi Renata Broggini, Passaggio in Svizzera : l’anno nascosto di Indro Montanelli, Milan, Feltrinelli, 2007.
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[4]
Voir Emilio Gentile, La grande Italia : il mito della nazione nel xx secolo, Bari/Rome, Laterza, 2006, p. 261-267. Le lien entre fascisme et « caractère des Italiens » – renvoyant au fascisme comme « autobiographie de la nation » –, proposée en 1925 par Piero Gobetti, a été un thème récurrent chez les journalistes et dans l’historiographie italienne d’orientation diverse. Voir Ernesto Galli della Loggia et Lucio Caracciolo, Intervista sulla destra, Bari/Rome, Laterza, 1994.
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[5]
Sur le thème de la « continuité de l’État » comme principal héritage fasciste dans l’Italie républicaine, voir Claudio Pavone, Alle origini della Repubblica : scritti su fascismo, antifascismo e continuità dello Stato, Turin, Bollati Boringhieri, 1995 ; sur la « continuité réactionnaire » dans l’histoire italienne, voir Guido Quazza, Resistenza e storia d’Italia : problemi e ipotesi di ricerca, Milan, Feltrinelli, 1976.
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[6]
Norberto Bobbio, « Il regime fascista », in Trent’anni di storia italiana (1915-1945), Turin, Einaudi, 1961, p. 154.
-
[7]
Ibid., p. 185-186.
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[8]
Norberto Bobbio, « La cultura e il fascismo », in Fascismo e società italiana, Turin, Einaudi, 1973, p. 211.
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[9]
Guido Quazza, « Introduzione : storia del fascismo e storia d’Italia », in Fascismo e società italiana, op. cit., p. 11.
-
[10]
Guido Quazza, « Antifascismo e fascismo nel nodo delle origini », in Nicola Tranfaglia (dir.), Fascismo e capitalismo, de Milan, Feltrinelli, 1976, p. 65. Référence est faite au livre d’Emilio Gentile, Le origini dell’ideologia fascista, Bari/Rome, Laterza, 1975, Bologne, Il Mulino 1996.
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[11]
Paolo Alatri, « Morte apparente del fascismo », La Nuova Europa, 17 juin 1945.
-
[12]
Indro Montanelli, Il buonuomo Mussolini, Milan, Riunite, 1947, p. 105.
-
[13]
Felice Chilanti, 1919-1945 : inchiesta sul fascismo, Florence, Mastellone, 1953, p. 7.
-
[14]
Mario Bucciarelli, « Democrazia Fascismo Totalitarismo », La Rivolta Ideale, 4 janvier 1951.
-
[15]
Giuseppe Bottai (1895-1959) fut un des intellectuels et des hommes politiques fascistes les plus influents. Il fonda et dirigea des revues comme Critica fascista (1923-1943) et Primato (1940-1943). Il organisa des événements culturels et fut ministre des Corporations (1929-1932), puis de l’Éducation nationale (1936-1943). Le 25 juillet 1943, il vota en faveur de l’ordre du jour Grandi qui provoqua la chute de Mussolini et la fin du régime fasciste. Volontaire dans la Légion étrangère après 1943, il fonda dans l’Italie de l’après-guerre, la revue ABC. Camillo Pellizzi (1896-1979) fut l’un des penseurs les plus originaux du fascisme, tout en exerçant de 1920 à 1939 sa profession de journaliste et de professeur principalement à Londres. En 1940, il fut nommé président de l’Institut national de culture fasciste (Istituto nazionale di cultura fascista), charge qu’il conserva jusqu’en 1943. Après la seconde guerre mondiale, outre la poursuite de ses activités journalistiques, il devint professeur de sociologie et travailla notamment sur la dimension rituelle, mythique et symbolique de la politique.
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[16]
Giuseppe Bottai, Vent’anni e un giorno, Milan, Garzanti, 1949, 1977, p. 56.
-
[17]
Camillo Pellizzi, Una rivoluzione mancata, Milan, Longanesi, 1949, p. 133.
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[18]
Camillo Pellizzi, « Democrazia e politica di massa », Studi politici, juin-août 1952, p. 192.
-
[19]
Représentant nationaliste de l’irrédentisme adriatique, Attilio Tamaro (1884-1956) fut diplomate et historien de la République sociale et de la période fasciste.
-
[20]
Attilio Tamaro, Venti anni di storia 1922-1943, Rome, Tiber, 1953, vol. 2, p. 72-73.
-
[21]
Ibid., vol. 3, p. 218.
-
[22]
Pour une discussion critique de l’interprétation de Hannah Arendt, je me permets de renvoyer à Emilio Gentile, I silenzi di Hannah Arendt, à paraître. En français, voir Emilio Gentile, « Le silence de Hannah Arendt : l’interprétation du fascisme dans Les Origines du totalitarisme », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 55 (3), juillet-septembre 2008, p. 11-34.
-
[23]
Renzo De Felice, Mussolini il fascista : l’organizzazione dello Stato totalitario, Turin, Einaudi, 1968, p. 9. Sur l’interprétation d’Aquarone et De Felice, voir Emilio Gentile, La via italiana al totalitarismo : il partito e lo Stato nel regime fascista, Rome, NIS, 1995 ; trad. fr., id., La Voie italienne au totalitarisme : le parti et l’État sous le régime fasciste, trad. de l’it. par Philippe Baillet, Monaco, Éd. du Rocher, 2004, p. 124 sq. Au cours de sa production historiographique, Renzo De Felice a modifié son jugement sur le fascisme et a reconnu sa nature totalitaire (voir Renzo De Felice, Le Fascisme : un totalitarisme à l’italienne ?, Paris, Presses de Sciences Po, 1988, p. 32).
-
[24]
Aurelia Pedio est un exemple de cette tendance, La cultura del totalitarismo imperfetto : il Dizionario di politica del Partito nazionale fascista [1940], Milan, Unicopli, 2000 ; Mauro Forno, La stampa del ventennio : strutture e trasformazioni nello Stato totalitario, Soveria Mannelli, Rubettino, 2005.
-
[25]
Hannah Arendt, The Origins of Totalitarianism, New York, Harcourt, 1951 ; trad. fr., id., Les Origines du totalitarisme. Eichmann à Jérusalem, Pierre Bouretz (éd. sous la dir.), Paris, Gallimard, « Quarto », 2002 ; Raymond Aron, Démocratie et totalitarisme, Paris, Gallimard, 1965 ; trad. it., id., Teoria dei regimi politici, trad. du fr. par M. Lucioni, Milan, Edizione di Comunità, 1973 ; Juan J. Linz, Totalitarian and Authoritarian Regimes, Boulder, Rienner, 2000 ; trad. fr., id., Régimes totalitaires et autoritaires, préf. de Guy Hermet, trad. de l’angl. par Mohammad-Saïd Darviche, William Genieys et Guy Hermet, Paris, Armand Colin, 2006.
-
[26]
Voir Emilio Gentile, La Voie italienne…, op. cit., p. 15 sq. ; id., Fascismo : storia e interpretazione, Bari/Rome, Laterza, 2002, trad. fr., id., Qu’est-ce que le fascisme ? Histoire et interprétation, trad. de l’it. par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Gallimard, 2004, p. 107 sq.
-
[27]
Luigi Sturzo, Nazionalismo e internazionalismo, Bologne, Zanichelli, 1946, 1971. Luigi Sturzo (1871-1959), prêtre catholique, fonda en 1919 le parti populaire italien, catholique sans être confessionnel. En 1924, il fut contraint de quitter l’Italie à la suite des accords passés entre le gouvernement fasciste et le Saint-Siège. Il vécut pendant vingt ans en exil à Londres, Paris et, au début de la seconde guerre mondiale, à New York où il continua son activité antifasciste en publiant de nombreux ouvrages de sociologie et d’analyse politique.
-
[28]
« Le difese della libertà », Il Risorgimento liberale, 28 mai 1946. De même, l’essai Lo Stato totalitario n’eut pratiquement aucun écho. Publié en 1947 par Vittorio Zincone, ancien intellectuel fasciste devenu libéral, il reprenait les thèmes les plus importants des études sur le totalitarisme publiées à l’étranger dans les années 1930 et 1940 : le parti unique, l’embrigadement et la mobilisation des masses, la mystique du chef, la « religiosité politique ».
-
[29]
Voir Luca La Rovere, « L’eredità del fascismo » : gli intellettuali, i giovani e la transizione al postfascismo, 1943-1948, Turin, Bollati-Boringhieri, à paraître.
-
[30]
Mario Nigro, « I giovani e il fascismo », Il Commento, 16 mars 1945.
-
[31]
Ruggero Zangrandi, Il lungo viaggio : contributo alla storia di una generazione, Turin, Einaudi, 1948, p. 15. Ruggero Zangrandi (1915-1970), journaliste et historien, fut un jeune militant fasciste, ami du fils du Duce, qui lui demanda, à à peine 17 ans, de collaborer au Popolo d’Italia. Très engagé dans les activités du régime, il s’en détacha à la fin des années 1930 et fonda en 1939 un parti socialiste révolutionnaire, avant d’adhérer au parti communiste. Son livre de Mémoires sur le fascisme suscita de vives discussions et fut réédité plusieurs fois.
-
[32]
Vitaliano Brancati, « Il diavolo nel cassetto », Risorgimento Liberale, 19 septembre 1945.
-
[33]
Ricimero, « Cosa faremo dei neo-fascisti ? », Risorgimento Liberale, 18 mai 1946.
-
[34]
Guido De Ruggero, Il ritorno alla ragione, Bari/Rome, Laterza, 1946, p. 147-148.
-
[35]
Voir Silvio Lanaro, Storia dell’Italia repubblicana : dalla fine della guerra agli anni novanta, Venise, Marsilio, 1992 ; Aurelio Lepre, Storia della prima Repubblica : l’Italia dal 1942 al 1992, Bologne, Il Mulino 1993.
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[36]
Cité dans Salvatore Lupo, Partito e antipartito : una storia politica della prima Repubblica (1946-78), Rome, Donzelli, 2004, p. 15.
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[37]
Ce thème est amplement étudié par Emilio Gentile, La grande Italia…, op. cit.
-
[38]
Voir Emilio Gentile, La Voie italienne…, op. cit., p. 109-132, 319-334.
-
[39]
Claudio Pavone, « Fascismo e dittature : problemi di una definizione », in Marcello Flores (dir.), Nazismo, fascismo, comunismo : totalitarismi a confronto, Milan, Mondadori, 1998, p. 78-79.
-
[40]
Salvatore Lupo, Il fascismo : la politica in un regime totalitario, Rome, Donzelli, 2000, p. 27 ; trad. fr., id., Le Fascisme italien : la politique dans un régime totalitaire, trad. de l’it. par Laure Raffaëlli-Fournel et Jean-Claude Zancarini, Paris, Flammarion, 2003.
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[41]
Alberto De Bernardi, Una dittatura moderna : il fascismo come problema storico, Milan, Mondadori, 2001, p. 81.
-
[42]
Emilio Gentile propose une réélaboration du concept de totalitarisme au sens où nous l’avons indiqué, pensée à travers la recherche historique et l’analyse théorique (Emilio Gentile, Qu’est-ce que le fascisme ?, op. cit.)
Le château de sable ou la fausse mémoire
1« Le régime fasciste s’écroula comme un château de sable et le fascisme fondit comme neige au soleil. » Aujourd’hui encore, c’est ainsi que l’on décrit souvent, dans des travaux d’histoire, dans les journaux, les médias, dans les manuels scolaires et dans des textes de vulgarisation, la fin du régime fasciste en Italie, au lendemain du 25 juillet 1943, à la suite de l’arrestation de Mussolini, de la nomination du général Pietro Badoglio comme chef du gouvernement, de la dissolution du parti fasciste et de l’abolition des organisations politiques, militaires, sociales et culturelles du régime. Pendant presque un demi-siècle, l’image d’un système qui exerça son pouvoir durant vingt ans et qui se désagrégea en quelques heures fut associée à celle de tout un peuple qui, à l’annonce de la fin du gouvernement fasciste, descendit dans les rues et exulta d’avoir retrouvé sa liberté après ces années d’oppression et de répression, s’en prenant avec rage à tous les symboles du fascisme disséminés dans les rues, sur les places et les immeubles. Les Italiens pensèrent ainsi pouvoir se libérer de toute trace d’héritage fasciste, aussi facilement qu’ils jetèrent leurs insignes, leurs chemises noires, leurs uniformes, leurs cartes du parti fasciste, symboles d’un régime burlesque à la fin tragique [1].
2À cette image d’un régime qui dura vingt ans et qui s’écroula comme un château de sable, fondant comme neige au soleil, prirent également part de nombreux intellectuels fascistes devenus antifascistes de diverses tendances, lesquels, dans leurs écrits sur l’expérience fasciste, soutinrent que ce régime était destiné à disparaître sans laisser de traces, car il ne reposait sur rien. Un des premiers qui appuya cette thèse fut le journaliste Indro Montanelli, ancien intellectuel fasciste fervent, apologiste de Mussolini et ancien journaliste populaire [2]. Au lendemain du 8 Septembre, Montanelli, devenu antifasciste conservateur, écrivait sous couvert d’un pseudonyme :
« Les faits ont prouvé que le Fascisme en Italie n’avait pas le moindre semblant de consensus populaire. Ministres fascistes, squadristes, journalistes fascistes et militants se sont tous évaporés sans même tenter d’opposer la plus petite résistance ; Mussolini a été arrêté comme un quelconque malfaiteur et personne n’a levé le petit doigt pour le défendre ; le seul à avoir été fidèle, monsieur Farinacci, a dû s’échapper à l’étranger. Le Fascisme n’était même pas une minorité ; ce n’était rien et le fait qu’il ait duré vingt ans ne s’explique que par le fonctionnement d’un État moderne qui, par l’équipement de ses forces de police, rend toute insurrection populaire impossible [3]. »
4Fondé sur rien, le fascisme aurait disparu en ne transmettant aucun héritage si ce n’est la mémoire d’une expérience plus burlesque que tragique, bien qu’elle se fût conclue en tragédie, à laquelle les Italiens avaient participé en victimes inconscientes, se laissant parfois séduire par un Duce bouffi d’orgueil et histrion, qu’ils avaient acclamé comme un grand homme plus par naïveté et conformisme que par réelle adhésion à ses idées et à son régime. Si l’on considérait le fascisme comme une « nullité historique », le problème de son héritage perdait également de son importance, car il se résumait à des questions marginales ou relevait du problème du « tempérament des Italiens », terme générique indiquant surtout les vices, les manques, les faiblesses des mentalités et des mœurs italiennes : le fascisme aurait été le fruit du caractère des Italiens et aurait contribué à en aggraver les défauts, laissant comme héritage le plus lourd et persistant, une vocation au transformisme et au conformisme [4].
5Dans le camp adverse de la culture antifasciste, l’image de « nullité historique » du fascisme a été véhiculée par une interprétation variant selon les orientations politiques et idéologiques. L’expérience fasciste y était décrite comme une période de l’histoire italienne durant laquelle une bande de violents, menée par un démagogue opportuniste et soutenue par les franges les plus réactionnaires de la société, avait fait main basse sur le pouvoir avec la complicité des classes dominantes, et avait imposé sa dictature sur une population plutôt passive qui se soumit car dépourvue de solides traditions libérales et démocratiques, cédant ainsi aux pressions de la force et aux charmes de la démagogie. De ce point de vue, le problème de l’héritage du fascisme dans l’historiographie antifasciste des premières années de l’Italie républicaine a été presque exclusivement abordé soit en dénonçant le rôle des classes dominantes, qui avaient permis aux fascistes de prendre le pouvoir et d’y rester pendant vingt ans, soit en enquêtant sur la « continuité de l’État » entre le fascisme et la République, lequel était fondé sur la domination constante de la bourgeoisie réactionnaire, égale à elle-même depuis la naissance de l’État libéral jusqu’à l’instauration de l’hégémonie parlementaire de la Démocratie chrétienne [5].
Défascisation rétroactive du fascisme
6Dans le domaine historiographique, la conséquence la plus grave de la banalisation du fascisme transformé en « nullité historique » fut la tendance à la « défascisation rétroactive » du fascisme. On nia toute consistance et toute autonomie au fascisme en tant qu’idéologie, parti, régime politique et à cela collaborèrent, avec diverses intentions, des antifascistes, des néofascistes et des ex-fascistes non repentis. En 1961, le philosophe Norberto Bobbio affirmait que le fascisme n’avait été qu’« une idéologie de la négation [6] ». Se référant à cette définition, l’historien Franco Venturi déclara que les racines du fascisme étaient « dans cette grande fabrique du vide, dans ce volontarisme aveugle, dans cette mythologie de la conquête et de la violence qui avait explosé dans les années qui précédèrent et qui préparèrent la première guerre mondiale ». Mais, continuait l’historien, même ces idées produites par la « fabrique du vide » étaient déjà mortes dans les années 1930 : « Rhétorique et ignorance furent leur héritage. […] Le régime totalitaire fut le règne des mots. Ou mieux, des mots plus le haut-parleur [7]. » Plus de dix ans après, en 1974, Bobbio répétait avec force qu’aucune culture fasciste n’avait existé. Le philosophe affirmait que ce que l’on nomme culture fasciste n’était rien d’autre que de la propagande rituelle « à l’intérieur de laquelle de petits et grands écrivains, vieux et jeunes, répétèrent pendant environ vingt ans les mêmes formules en associant de façon différente une centaine de mots au maximum [8] ». Sans idéologie, sans culture et sans autonomie politique comme parti et comme régime, le fascisme n’avait été que la « forme contingente » du pouvoir des classes réactionnaires dominantes et, ainsi considéré, affirmait l’historien Guido Quazza, il « relevait du domaine des épiphénomènes politiques [9] ».
7Jusqu’au milieu des années 1970, interroger la thèse de la « nullité historique » équivalait, pour ceux qui la soutenaient, à faire l’apologie du fascisme. Et c’est effectivement cette accusation que Quazza lança contre l’auteur d’un livre publié en 1975 et qui présentait, pour la première fois, une enquête historique sur l’idéologie fasciste. Il le jugea coupable de produire une historiographie « qui, à travers un philologisme intéressée et un empirisme objectiviste, conduit en fait à la réhabilitation du fascisme [10] ».
8L’aspect le plus stupéfiant, voire le plus ridicule, d’une telle accusation était qu’elle était dirigée contre un chercheur qui définissait l’idéologie fasciste comme la rationalisation la plus cohérente de l’État totalitaire, et qui considérait l’idéologie fasciste non pas comme un système d’idées à réaliser ou un programme d’action à mettre en œuvre resté au stade des intentions, mais comme une conséquence et un reflet de son action concrète, de la façon d’être et d’agir du fascisme et ce depuis qu’il s’était formé en tant que parti politique. Le fait que l’on puisse considérer en 1975 l’idée que le fascisme fût un totalitarisme comme une réhabilitation du fascisme était la preuve que la banalisation et la défascisation du fascisme jouaient encore un rôle important, même dans le domaine de l’historiographie qui se définissait comme « antifasciste militante ».
9La banalisation du fascisme transformé en « nullité historique » et sa défascisation rétroactive présentaient des arguments qui pouvaient facilement conduire, comme l’avait ironiquement remarqué en juin 1945 l’historien antifasciste Paolo Alatri, à la conclusion qu’en réalité « le fascisme n’existait pas » :
« Le peuple dans son ensemble n’était pas fasciste ; les dignitaires et les fonctionnaires de l’État fasciste n’étaient pas fascistes mais ils étaient obligés de jouer leur rôle pour mendier le droit de vivre ; les ministres et les plus hauts fonctionnaires de l’État n’étaient pas fascistes mais ils avaient endossé ce masque pour que la res publica bénéficiât de leur précieuse compétence technique ou plus simplement, de leur soutien patriotique ; même les plus hauts hiérarques du régime, comme Starace et les autres, n’étaient pas fascistes et ils avaient été eux aussi corrompus et trompés, mais ils avaient changé d’avis à temps ; et l’on aurait presque envie de dire que même Mussolini n’était pas fasciste car à deux pas du peloton d’exécution il implorait qu’on le laissât s’adresser au peuple italien qui est un peuple gentil et intelligent qui aurait tout de suite compris quels incidents banals et quelles petites équivoques l’avaient contraint à étouffer la liberté, à l’engager dans une guerre qu’il ne voulait pas et qui était contraire à ses intérêts, à confirmer son alliance monstrueuse avec les Allemands, ennemis et envahisseurs après le 8 Septembre, à approuver et même à commander et à organiser les plus horribles massacres d’Italiens que l’histoire a rapportés depuis des siècles et des siècles [11]. »
Dictature d’opérette
11La conséquence principale de cette interprétation du fascisme présenté comme une « nullité historique » était que le problème du totalitarisme disparaissait de l’historiographie sur le fascisme. Une fois de plus, Indro Montanelli fut pionnier. Dans un livre publié en 1946 et intitulé Il buonuomo Mussolini, écrit sous forme de testament autographe du Duce, le journaliste faisait écrire à son Mussolini imaginaire :
« Le fascisme est l’instrument que l’Italie et moi-même avons forgé pour neutraliser un cancer qui dévorait désormais depuis longtemps la société italienne contemporaine. Les démocraties croient avoir vaincu le totalitarisme avec leurs canons et avec leurs bombes atomiques. Mensonge présomptueux ! C’est nous qui l’avons anéanti, même si cela n’a duré que vingt ans, c’est nous qui avons donné un visage humain à ce monstre en le rendant protagoniste d’une opérette [12]. »
13Un autre intellectuel ex-fasciste, Felice Chilanti, devenu communiste, exprima un jugement analogue en 1953. Dans une « enquête journalistique sur le fascisme », il soutenait qu’il avait fait apparaître « la substance un peu cachée de la vive réaction de mauvaise qualité ainsi que celle, moins bien camouflée, de la stupide tyrannie d’opérette [13] ». Les néofascistes contribuèrent également à éradiquer le totalitarisme du fascisme, par la création en 1946 du Mouvement social italien, un parti qui revendiquait ouvertement son statut d’héritier et de continuateur du fascisme. Même s’ils ne démentaient pas que le fascisme utilisât des méthodes totalitaires, les néofascistes niaient que le fascisme eût été un mouvement dictatorial et totalitaire. Le fascisme « en tant qu’idée, n’a rien de totalitaire », affirmait le journal du Mouvement social en 1950, mais il « devint totalitaire en 1924-1925 lorsque les partis d’opposition quittèrent la Chambre des députés et laissèrent le fascisme seul face à l’opinion publique italienne et face à l’étranger. Le totalitarisme fasciste fut possible car il y avait un Homme qui, à tort ou à raison, sut prendre les rênes du Gouvernement et les garder pendant plus de vingt ans ». C’est pour cela, affirmait le journal qu’« il est objectivement faux de dire que les idées du Fascisme sont totalitaires car le totalitarisme du Fascisme fut une conséquence et non une cause [14] ».
14Cette interprétation fut renforcée, durant les premières années de l’Italie républicaine, par les mémoires de certains hauts dignitaires et de certains intellectuels fascistes qui, pendant ces vingt ans, avaient compté parmi les défenseurs les plus convaincus et les plus ardents du totalitarisme fasciste. C’est le cas, par exemple, de Giuseppe Bottai et de Camillo Pellizzi [15]. Bottai soutint en 1949 que le totalitarisme n’avait « rien à voir avec l’inspiration originelle de notre mouvement et son idéal [16] », tandis que Pellizzi définissait le fascisme, par une argumentation qui allait devenir très conventionnelle dans l’historiographie sur le fascisme : c’était « une révolution technocratique manquée », car elle avait été étouffée par l’étatisme d’un « régime dictatorial, autocratique, totalitaire (en tendance et par principe, bien que cela ne fût pas toujours le cas dans la réalité) [17] », même si la présence de la monarchie et de l’Église empêchèrent la mise en place d’« un régime de masse totalitaire au vrai sens du terme, où le chef concentre en sa personne tous les pouvoirs, au nom du mythe et donc au nom des masses supposées avoir le culte de ce mythe. Le fascisme italien se développa donc comme un régime non libéral et bien souvent inconstitutionnel au regard de la Constitution fasciste ; mais, pour être précis, ce ne fut pas un régime totalitaire de masse, comme on en vit et on en voit aujourd’hui encore dans d’autres pays [18] ».
15Attilio Tamaro essaya, en 1953, de conférer une dignité historique à la thèse du fascisme non totalitaire [19]. Il soutenait que c’étaient les circonstances qui avaient poussé Mussolini à devenir dictateur, alors que le « fascisme en soi ne deviendra pas une dictature : il conservera au contraire une Constitution normale avec le Roi, le président du Conseil, le gouvernement, le Sénat, la Chambre et les corporations [20] ». Grâce à la présence de la monarchie et de la « progressive dépolitisation du parti », le fascisme n’aurait pas été en mesure de « mettre en place, malgré les intentions de Mussolini, un véritable État totalitaire ». Telle était l’argumentation de Tamaro qui allait avoir un certain succès dans l’historiographie sur le fascisme au cours des décennies suivantes. Afin de donner encore plus de poids à sa thèse, Tamaro citait le livre de Hannah Arendt sur les origines du totalitarisme : « Les spécialistes nient que, jusqu’à la guerre, l’Italie ait été gouvernée par un régime totalitaire : le régime fasciste ne serait rien de plus qu’une “dictature nationaliste ordinaire” [21]. »
L’inertie de l’historiographie
16L’interprétation du fascisme proposée par cet historien national-fasciste et corroborée du jugement d’Arendt fut prise en compte directement ou indirectement au cours des années 1950, y compris dans l’historiographie antifasciste. En effet, malgré la fragilité des bases sur lesquelles Arendt avait fondé son interprétation du fascisme comme régime non totalitaire [22], ce jugement influença longuement l’interprétation historique du fascisme et conditionna même les premières recherches historiographiques faites au début des années 1960 par des historiens tels qu’Alberto Aquarone et Renzo De Felice. Tous deux soutinrent que le régime fasciste n’avait pas été totalitaire et n’avait été en fait qu’une monocratie personnelle, une dictature mussolinienne, un régime qui, au fond, était resté « le vieux régime traditionnel, même avec les chemises noires et toute une série de transformations de type autoritaire (mais il s’agissait d’un autoritarisme somme toute “classique”, à l’intérieur duquel les ajouts modernes, démagogiques et sociaux, n’auraient pas suffit, à la longue, à en faire un véritable totalitarisme) [23] ».
17Par le biais de l’interprétation d’Aquarone et de De Felice, ce rejet du totalitarisme par l’historiographie du fascisme a continué jusque dans les années 1970 et persiste aujourd’hui chez des chercheurs qui n’abordent le problème du totalitarisme fasciste que pour en nier l’existence. En d’autres termes, selon cette interprétation, le fascisme aurait eu, si l’on veut, une idéologie, un projet, une tendance, une aspiration ou une vocation totalitaire, mais il n’aurait jamais été en mesure de la transposer dans la réalité [24]. Tous ces travaux de recherche ont en commun la conviction que le problème du totalitarisme fasciste consiste à confronter une idéologie ou une théorie fasciste du totalitarisme avec la réalité du régime fasciste et avec les totalitarismes nazi et stalinien, pour aboutir immanquablement à la conclusion que le fascisme ne fut pas totalitaire comme le furent le nazisme et le communisme, mais fut un « totalitarisme imparfait », un « totalitarisme inachevé », un « totalitarisme boiteux », un « totalitarisme manchot », un « totalitarisme partiel ». Avec de telles définitions, le concept de totalitarisme devient une catégorie évanescente et vaine.
18Ce rejet du totalitarisme dans l’analyse du fascisme a eu des effets à long terme dans l’historiographie italienne et l’a condamnée à une sorte d’inertie conceptuelle et interprétative. Les historiens italiens se sont engagés avec un grand retard dans des recherches sur les aspects spécifiques et originaux du fascisme en tant que parti, idéologie, régime, ou politique de masse. Durant les premières décennies de l’Italie républicaine, la culture italienne a quasiment ignoré le problème du totalitarisme. De tous les livres sur le totalitarisme publiés avant et après la deuxième guerre mondiale, le seul qui ait été traduit en Italie fut celui de Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme, en 1967, quinze ans après sa première édition aux États-Unis et sans susciter pour autant un débat de fond. Il se passa la même chose pour le livre de Raymond Aron, Démocratie et Totalitarisme, publié en France en 1965 et édité en italien en 1973 sous le titre ascétique de Teoria dei regimi politici (théorie des régimes politiques), tandis que l’essai fondamental de Juan J. Linz sur le totalitarisme et l’autoritarisme a dû attendre plus de trente ans avant d’être publié en version italienne [25].
Antifascisme et totalitarisme fasciste, un patrimoine oublié
19Le rejet du problème du totalitarisme dans l’analyse du fascisme a empêché pendant presque trente ans l’historiographie italienne de profiter d’un héritage consistant de réflexions originales et pertinentes sur la nature totalitaire du fascisme et sur le phénomène totalitaire, alors que la culture antifasciste italienne l’avait fait dès la première moitié des années 1920 et ce jusqu’à la fin de la guerre, renouvelant sans cesse ses intuitions et obtenant de bons résultats. Comme chacun sait, le mot et le concept de totalitarisme furent inventés dans les années 1920 par certains antifascistes pour définir l’action concrète et les méthodes de gouvernement mises en œuvre par le parti fasciste dans le but de s’assurer du monopole du pouvoir en instaurant un régime et un parti unique. La culture antifasciste élabora ce concept-là de totalitarisme dans les années 1930 et 1940, pour interpréter la réalité et non l’idéologie du régime fasciste. Elle la comparait à la réalité d’autres régimes à parti unique nés, après la première guerre mondiale, de mouvements révolutionnaires et les regroupait sous l’étiquette d’« États totalitaires [26] ».
20Avec la « défascisation a posteriori » du fascisme, un important patrimoine de réflexions audacieuses et originales sur le totalitarisme fasciste, issues de la culture antifasciste italienne de l’entre-deux-guerres, fut jeté aux oubliettes. Ne citons qu’un exemple parmi les plus importants : les analyses originales que Luigi Sturzo, un des représentants les plus marquants de l’antifascisme catholique, fit sur le totalitarisme pendant presque vingt ans restèrent longtemps sans effet. Il les résuma et les publia en 1946 dans un livre sur le nationalisme, sans que cela ne suscite de vrai débat et sans que cela n’influence l’historiographie [27]. De la même façon, certaines études pénétrantes sur la nature du totalitarisme fasciste effectuées à la fin de la guerre ne trouvèrent aucun écho dans l’historiographie. Elles auraient pu fortement stimuler les enquêtes sur l’héritage du fascisme dans l’État, dans la politique et dans la société italienne républicaine. Ainsi, l’organe du parti libéral Risorgimento Liberale formula, en mai 1946, une interprétation synthétique et réaliste du totalitarisme fasciste en l’associant justement au problème de l’héritage du fascisme dans la nouvelle Italie des partis. C’est la crainte d’une « dangereuse involution de la démocratie contemporaine vers le totalitarisme » qui suscita cette étude. Le mécanisme de l’État totalitaire, observait l’organe du parti libéral, se fondait sur trois éléments : premièrement, « l’attribution des pouvoirs publics à un parti politique », ce qui créait « une première distinction entre les citoyens de droit et les citoyens non inscrits au parti, lesquels sont privés d’une partie de leurs droits » ; deuxièmement, « l’identification des fins et des moyens de l’État avec ceux du parti dominant ». Par exemple, une partie des recettes de l’État est dépensée pour la propagande du parti au pouvoir ; la police nationale est utilisée pour combattre les adversaires politiques du parti et même les membres du parti qui s’opposent à la direction ; les organes d’État se mélangent aux organes du parti et se confondent avec eux (cas typique, le grand conseil fasciste) ; les fonctions du chef du gouvernement ne font qu’une avec celles du chef du parti ; troisièmement, « l’enchevêtrement des pouvoirs » s’oppose parfaitement à la « division des pouvoirs », car « le “Grand Chef” de l’État totalitaire […] concentre sur sa personne les pouvoirs législatif et exécutif, le commandement de l’armée, et il prétend que la justice se rend, non selon les principes d’équité naturelle mais selon les intérêts politiques du parti » [28].
L’autre mémoire
21Au-delà de ces premières réflexions sur le totalitarisme fasciste, les témoignages d’une autre mémoire de l’expérience fasciste ne manquèrent pas dans les années qui suivirent la deuxième guerre mondiale. Ils auraient pu orienter la recherche historique dans une direction opposée à celle qui dominait alors : celle de la banalisation et de la défascisation du fascisme. Il s’agissait de témoignages de jeunes qui, après avoir été fascistes, étaient devenus antifascistes et ne tentaient pas d’effacer a posteriori le sérieux de leur engagement. Ils ne voulaient pas non plus banaliser et vider de son sens leur expérience, mais simplement l’évoquer telle qu’elle fut vraiment, dans le but de contribuer à affronter sérieusement le problème de l’héritage fasciste [29]. Les générations de jeunes ayant grandi sous le régime fasciste, écrivait en 1945 un jeune intellectuel catholique, n’avaient pas connu d’autre expérience politique que celle du fascisme et ils avaient « mûri dans le climat totalitaire du régime. Chacun sait combien ce climat était dévorant, compromettant et intolérant » :
Les jeunes éduqués par le fascisme, se souvenait en 1948 l’un d’entre eux, Ruggero Zangrandi, devenu communiste, « se trouvèrent face à un fascisme totalitaire, intégral, omniprésent, fort d’une longue expérience gouvernementale, fort de la soumission de presque tous les Italiens et de la reconnaissance des pays du monde entier [31] ».« Le fascisme avait imprégné l’État à un tel point, il s’était si profondément infiltré dans la vie nationale en la recouvrant d’un réseau d’interventions et de contrôles si dense, que seule la fierté d’un ermite solitaire pouvait y échapper. La famille, les groupes professionnels, les administrations publiques, les sports et même les loisirs, la littérature ou tout autre activité sociale étaient fascistes ou fascisés. […] Et tout cela n’était pas seulement extérieur et mécanique. Les régimes totalitaires modernes ne se contentent pas de dominer les corps ; ils emprisonnent les esprits au moyen d’une propagande vraiment totalitaire [30]. »
Partitocratie et conformisme, un nouveau totalitarisme ?
22Ces témoignages sont l’expression d’une autre mémoire de l’expérience fasciste qui ne défascisait pas le fascisme et faisait ressortir son action persistante, englobante et séduisante sur la conscience de millions d’hommes et de femmes et surtout sur de millions d’enfants, d’adolescents et de jeunes auxquels il insufflait la haine de la démocratie, le mépris de la liberté, la beauté de la violence, le culte de la guerre, l’obéissance aveugle et absolue, le dévouement fidéiste au chef et ainsi de suite. « Le fascisme, je pensais que c’était une religion », disait, en 1945, Vittorio Brancati, lorsqu’il évoquait avec une sincérité impitoyable son engouement idéologique : « L’Italie fasciste, je pensais que c’était un temple : en effet, aucune société n’avait jamais déclaré la guerre à la Pensée avec un tel soutien de son peuple, avec autant de grandeur et de fracas, à travers ses places, sa radio, ses journaux, ses Chambres, son école [32]. » Ces témoignages fournissaient des informations fondamentales pour analyser l’effet que cette expérience totalitaire avait eu sur des millions d’Italiens. Cela permettait d’analyser de façon plus réelle, sans indulgence et sans polémique, les traces laissées dans la mentalité, dans les mœurs, dans le comportement de bon nombre d’Italiens, par vingt ans de soumission de la pensée critique à une foi irrationnelle, l’embrigadement de l’individu dans des organisations de masse, la prévarication des hiérarchies fascistes sur les citoyens ordinaires ou la violation des institutions d’État par un parti prévaricateur et envahissant.
23Dès la chute du fascisme, ces problèmes ne manquèrent pas de susciter des réflexions pionnières pour la recherche et la réflexion historiographique, mais ils restèrent pendant longtemps sans résultats. Et il est intéressant de remarquer que la majeure partie de ces réflexions indiquaient que le pire héritage du fascisme n’était pas tant la continuité des institutions étatiques et publiques créées par le régime, puis englobées dans l’État républicain, qu’une certaine conception et une certaine pratique de la politique que le parti fasciste avait cultivées pendant vingt ans en rassemblant, pour la première fois dans l’histoire italienne, des millions d’hommes et de femmes dans ses organisations de masse.
24C’est surtout la culture politique démocratique et libérale qui repéra les traces laissées par l’héritage fasciste et ce, essentiellement, dans les mentalités, le comportement, l’organisation des nouveaux partis de masse, les formes médiocres de prévarication des partis sur les institutions parlementaires ainsi qu’au sein de l’État, auquel on donna le nom de « partitocratie », dès les premières années de l’Italie républicaine.
« Lorsque l’on dit qu’il existe en Italie une dangereuse tendance au totalitarisme, observait le journal libéral Domenica en mars 1945, on n’emploie ni une figure de rhétorique, ni un expédient polémique illicite ; on constate objectivement la vérité. C’est pour cela que les partis libéraux doivent revoir leurs positions et comprendre que la lutte entre le totalitarisme et la liberté ne peut pas être utilisée seulement en cas de nécessité extrême. Tout ce qui sépare le citoyen et l’État, tout ce qui tend à créer des médiations et des cloisons entre la volonté individuelle librement exprimée et sa représentation, est un pas vers le gouffre du totalitarisme. »
26Et par héritage du totalitarisme fasciste, la culture libérale entendait « l’intolérance, la domination, la soumission à la mystique du parti avec son corollaire selon lequel la fin justifie les moyens, la tendance de certains mouvements à devenir des États dans l’État et à agir comme des armées d’occupation dont la seule loi est leur nécessité [33] ». Allant en ce sens, le philosophe Guido De Ruggiero, un des principaux membres du parti d’action, voyait dans le conformisme l’héritage le plus nuisible et le plus commun du fascisme, qui s’était répandu non seulement dans les nouveaux partis de l’Italie postfasciste, mais également dans un sentiment « antiparti » diffus au sein d’une opinion publique largement opposée et mécontente des partis, en quête de soumission à un nouveau guide.
« La fin du fascisme, écrivait De Ruggiero en 1946, a laissé une société modelée par le conformisme et habituée à cela, mais désormais dépourvue d’une norme unique et commune à laquelle se référer. […] Dans le domaine politique, ce phénomène est palpable dans les partis car chacun d’entre eux conserve des traces indélébiles du “Parti”, que ce soit dans sa hiérarchie, dans sa complicité tacite, dans son intolérance. […] Mais, puisque les conformismes partiels, pour autant qu’ils s’efforcent de mimer le totalitarisme qui se trouve à leur source commune, lui sont forcément inférieurs, un sentiment de mécontentement et de déception, pouvant prêter à confusion, se développe dans l’opinion publique. L’hostilité et la désaffection vis-à-vis des partis cache en grande partie, sous couvert d’entente nationale et d’union, des nostalgies conformistes non confessées. C’est le troupeau qui chercher son berger et, comme il ne peut pas le trouver en un individu en chair et en os, il le trouve au sein d’une institution, dans une norme, dans une idée [34]. »
La voie italienne vers le totalitarisme ou la recherche d’un héritage enfoui
28Presque un demi siècle plus tard, certaines de ces intuitions ont trouvé un écho et ont été développées dans des études récentes sur les origines de l’Italie républicaine et sur la crise permanente du système démocratique italien, dont on recherche également les origines dans l’héritage du fascisme. Cet héritage ne réside pas seulement dans la continuité des appareils d’État et du personnel dirigeant qui passa de l’État fasciste à l’État républicain sans souffrir de l’épuration, ou dans la présence du plus fort parti néofasciste européen qui, après s’être transformé en parti postfasciste, est entré dans le gouvernement et s’est octroyé des ministères importants ainsi que la vice-présidence du Conseil ; il se trouve aussi dans la perpétuation d’une mentalité collective, d’une façon de concevoir et de faire de la politique de masse, dans le primat accordé au parti sur les institutions parlementaires, dans la tendance à cultiver cette pratique de la « partitisation » des institutions publiques. Que ces faits trouvent leurs origines dans l’expérience fasciste devient d’autant plus évident que l’on connaît davantage la réalité du totalitarisme fasciste [35]. En 1993, Giuliano Amato, président du Conseil, socialiste et professeur de droit, parla explicitement, après la fin de la soit-disant Première République consécutive à la désagrégation des partis politiques qui l’avaient dominée, de la mort de « ce modèle de parti-État que le fascisme introduisit en Italie et dont la République avait fini par hériter en se limitant à transformer le singulier en pluriel [36] ». Le débat et les réflexions provoqués, à la fin des années 1990, par la découverte d’une crise d’identité nationale et la désintégration de l’État national, ont également contribué à jeter un nouveau regard sur l’héritage fasciste : des recherches ont démontré combien le totalitarisme fasciste, en subordonnant l’État au parti et en identifiant la nation avec le fascisme et son destin, a été néfaste en minant, dans la conscience collective italienne, le sentiment d’une appartenance nationale commune, par-delà les idéologies des partis [37].
29Ces enquêtes ont permis à une nouvelle historiographie de réagir à la banalisation et à la défascisation du fascisme, mettant à profit les idées sur le totalitarisme élaborées par la culture antifasciste pendant et après les vingt années fascistes [38]. La pertinence de l’interprétation du régime fasciste comme expérience totalitaire est attestée par sa reprise dans l’historiographie italienne la plus sérieuse et la plus récente. Elle accepte cette hypothèse en observant avec justesse que « l’on ne peut pas oublier que le fascisme a été le premier totalitarisme qui s’est affirmé dans un pays qui avait tout de même expérimenté un régime parlementaire libéral qui se transformait petit à petit en démocratie libérale. […] Mais cette antériorité du fascisme italien est un fait historique qui n’est pas indifférent, même pour ce qui est du succès du mot “totalitarisme” [39] ». Deux ans plus tard, dans une analyse de la politique du fascisme en tant que régime totalitaire, Salvatore Lupo a affirmé sans hésiter que : « L’historien du fascisme ne peut faire abstraction de la catégorie du totalitarisme [40]. » Et l’année suivante, en réfléchissant au problème historique du fascisme, Alberto De Bernardi a observé que la différence entre le fascisme, le nazisme et le stalinisme « ne doit pas cependant amener à éliminer l’expérience politique du fascisme du cadre historique totalitaire du 20e siècle [41] ».
30Toutefois, nous devons ajouter qu’afin que cette catégorie soit vraiment heuristique dans l’analyse du fascisme et de son héritage, il faut la clarifier et la réélaborer de façon critique dans le but de retrouver sa signification historique d’origine. C’est justement cette signification qui, à la suite du refoulement du fascisme comme phénomène totalitaire, a été perdue ou dénaturée, causant un malentendu fondamental au sujet du phénomène totalitaire. Dans la lignée d’une telle tradition, il faut donc réélaborer la catégorie du totalitarisme, afin de mettre en valeur son sens d’expérience de domination politique dans sa réalité même, et non comme seul projet historique ou aspiration idéologique. En bref, le totalitarisme ne fut pas un but à atteindre, mais un moyen pour atteindre un but. Avec ce moyen, né de l’expérience du parti milice au cours de la lutte violente pour l’élimination des adversaires et la conquête du monopole du gouvernement et de la politique, le fascisme construisit son régime et imposa sa domination sur l’État et sur la société [42].
31Les résultats de la nouvelle historiographie sur le fascisme en tant que « voie italienne vers le totalitarisme » permettent aujourd’hui d’aborder le problème de l’héritage fasciste avec une conscience historique aiguë. Ceci ne sera possible que si nous parvenons à une connaissance historique plus approfondie et plus authentique de ce que fut l’expérience fasciste dans sa dimension proprement totalitaire. Continuer à soutenir que l’expérience totalitaire instituée par le fascisme pendant vingt ans a fondu comme neige au soleil, équivaut vraiment à affirmer que le fascisme n’a jamais existé.
32(traduit de l’italien par Agnès Roche)
Notes
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[1]
Voir, par exemple, Paolo Monelli, Roma 1943, Rome, Migliaresi, 1945 ; Leo Longanesi, In piedi e seduti (1919-1943), Milan, Longanesi, 1948.
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[2]
Indro Montanelli (1909-2001) fut l’un des plus importants journalistes italiens du siècle dernier. Il a fortement influencé l’opinion publique modérée au cours de la seconde moitié du 20e siècle, en tant que journaliste et en tant que vulgarisateur de l’histoire italienne avec son style conservateur anticonformiste.
-
[3]
Cité dans Sandro Gerbi et Roberto Liucci, Lo stregone : la prima vita di Indro Montanelli, Turin, Einaudi, 2006, p. 200. Ce livre est une réfutation documentée de l’image que le journaliste a donnée de lui-même dès 1943 : un jeune fasciste déçu, devenu antifasciste dès 1937. Il s’est référé à des faits et à des situations qui ne correspondaient pas à la réalité. À ce sujet, voir aussi Renata Broggini, Passaggio in Svizzera : l’anno nascosto di Indro Montanelli, Milan, Feltrinelli, 2007.
-
[4]
Voir Emilio Gentile, La grande Italia : il mito della nazione nel xx secolo, Bari/Rome, Laterza, 2006, p. 261-267. Le lien entre fascisme et « caractère des Italiens » – renvoyant au fascisme comme « autobiographie de la nation » –, proposée en 1925 par Piero Gobetti, a été un thème récurrent chez les journalistes et dans l’historiographie italienne d’orientation diverse. Voir Ernesto Galli della Loggia et Lucio Caracciolo, Intervista sulla destra, Bari/Rome, Laterza, 1994.
-
[5]
Sur le thème de la « continuité de l’État » comme principal héritage fasciste dans l’Italie républicaine, voir Claudio Pavone, Alle origini della Repubblica : scritti su fascismo, antifascismo e continuità dello Stato, Turin, Bollati Boringhieri, 1995 ; sur la « continuité réactionnaire » dans l’histoire italienne, voir Guido Quazza, Resistenza e storia d’Italia : problemi e ipotesi di ricerca, Milan, Feltrinelli, 1976.
-
[6]
Norberto Bobbio, « Il regime fascista », in Trent’anni di storia italiana (1915-1945), Turin, Einaudi, 1961, p. 154.
-
[7]
Ibid., p. 185-186.
-
[8]
Norberto Bobbio, « La cultura e il fascismo », in Fascismo e società italiana, Turin, Einaudi, 1973, p. 211.
-
[9]
Guido Quazza, « Introduzione : storia del fascismo e storia d’Italia », in Fascismo e società italiana, op. cit., p. 11.
-
[10]
Guido Quazza, « Antifascismo e fascismo nel nodo delle origini », in Nicola Tranfaglia (dir.), Fascismo e capitalismo, de Milan, Feltrinelli, 1976, p. 65. Référence est faite au livre d’Emilio Gentile, Le origini dell’ideologia fascista, Bari/Rome, Laterza, 1975, Bologne, Il Mulino 1996.
-
[11]
Paolo Alatri, « Morte apparente del fascismo », La Nuova Europa, 17 juin 1945.
-
[12]
Indro Montanelli, Il buonuomo Mussolini, Milan, Riunite, 1947, p. 105.
-
[13]
Felice Chilanti, 1919-1945 : inchiesta sul fascismo, Florence, Mastellone, 1953, p. 7.
-
[14]
Mario Bucciarelli, « Democrazia Fascismo Totalitarismo », La Rivolta Ideale, 4 janvier 1951.
-
[15]
Giuseppe Bottai (1895-1959) fut un des intellectuels et des hommes politiques fascistes les plus influents. Il fonda et dirigea des revues comme Critica fascista (1923-1943) et Primato (1940-1943). Il organisa des événements culturels et fut ministre des Corporations (1929-1932), puis de l’Éducation nationale (1936-1943). Le 25 juillet 1943, il vota en faveur de l’ordre du jour Grandi qui provoqua la chute de Mussolini et la fin du régime fasciste. Volontaire dans la Légion étrangère après 1943, il fonda dans l’Italie de l’après-guerre, la revue ABC. Camillo Pellizzi (1896-1979) fut l’un des penseurs les plus originaux du fascisme, tout en exerçant de 1920 à 1939 sa profession de journaliste et de professeur principalement à Londres. En 1940, il fut nommé président de l’Institut national de culture fasciste (Istituto nazionale di cultura fascista), charge qu’il conserva jusqu’en 1943. Après la seconde guerre mondiale, outre la poursuite de ses activités journalistiques, il devint professeur de sociologie et travailla notamment sur la dimension rituelle, mythique et symbolique de la politique.
-
[16]
Giuseppe Bottai, Vent’anni e un giorno, Milan, Garzanti, 1949, 1977, p. 56.
-
[17]
Camillo Pellizzi, Una rivoluzione mancata, Milan, Longanesi, 1949, p. 133.
-
[18]
Camillo Pellizzi, « Democrazia e politica di massa », Studi politici, juin-août 1952, p. 192.
-
[19]
Représentant nationaliste de l’irrédentisme adriatique, Attilio Tamaro (1884-1956) fut diplomate et historien de la République sociale et de la période fasciste.
-
[20]
Attilio Tamaro, Venti anni di storia 1922-1943, Rome, Tiber, 1953, vol. 2, p. 72-73.
-
[21]
Ibid., vol. 3, p. 218.
-
[22]
Pour une discussion critique de l’interprétation de Hannah Arendt, je me permets de renvoyer à Emilio Gentile, I silenzi di Hannah Arendt, à paraître. En français, voir Emilio Gentile, « Le silence de Hannah Arendt : l’interprétation du fascisme dans Les Origines du totalitarisme », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 55 (3), juillet-septembre 2008, p. 11-34.
-
[23]
Renzo De Felice, Mussolini il fascista : l’organizzazione dello Stato totalitario, Turin, Einaudi, 1968, p. 9. Sur l’interprétation d’Aquarone et De Felice, voir Emilio Gentile, La via italiana al totalitarismo : il partito e lo Stato nel regime fascista, Rome, NIS, 1995 ; trad. fr., id., La Voie italienne au totalitarisme : le parti et l’État sous le régime fasciste, trad. de l’it. par Philippe Baillet, Monaco, Éd. du Rocher, 2004, p. 124 sq. Au cours de sa production historiographique, Renzo De Felice a modifié son jugement sur le fascisme et a reconnu sa nature totalitaire (voir Renzo De Felice, Le Fascisme : un totalitarisme à l’italienne ?, Paris, Presses de Sciences Po, 1988, p. 32).
-
[24]
Aurelia Pedio est un exemple de cette tendance, La cultura del totalitarismo imperfetto : il Dizionario di politica del Partito nazionale fascista [1940], Milan, Unicopli, 2000 ; Mauro Forno, La stampa del ventennio : strutture e trasformazioni nello Stato totalitario, Soveria Mannelli, Rubettino, 2005.
-
[25]
Hannah Arendt, The Origins of Totalitarianism, New York, Harcourt, 1951 ; trad. fr., id., Les Origines du totalitarisme. Eichmann à Jérusalem, Pierre Bouretz (éd. sous la dir.), Paris, Gallimard, « Quarto », 2002 ; Raymond Aron, Démocratie et totalitarisme, Paris, Gallimard, 1965 ; trad. it., id., Teoria dei regimi politici, trad. du fr. par M. Lucioni, Milan, Edizione di Comunità, 1973 ; Juan J. Linz, Totalitarian and Authoritarian Regimes, Boulder, Rienner, 2000 ; trad. fr., id., Régimes totalitaires et autoritaires, préf. de Guy Hermet, trad. de l’angl. par Mohammad-Saïd Darviche, William Genieys et Guy Hermet, Paris, Armand Colin, 2006.
-
[26]
Voir Emilio Gentile, La Voie italienne…, op. cit., p. 15 sq. ; id., Fascismo : storia e interpretazione, Bari/Rome, Laterza, 2002, trad. fr., id., Qu’est-ce que le fascisme ? Histoire et interprétation, trad. de l’it. par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Gallimard, 2004, p. 107 sq.
-
[27]
Luigi Sturzo, Nazionalismo e internazionalismo, Bologne, Zanichelli, 1946, 1971. Luigi Sturzo (1871-1959), prêtre catholique, fonda en 1919 le parti populaire italien, catholique sans être confessionnel. En 1924, il fut contraint de quitter l’Italie à la suite des accords passés entre le gouvernement fasciste et le Saint-Siège. Il vécut pendant vingt ans en exil à Londres, Paris et, au début de la seconde guerre mondiale, à New York où il continua son activité antifasciste en publiant de nombreux ouvrages de sociologie et d’analyse politique.
-
[28]
« Le difese della libertà », Il Risorgimento liberale, 28 mai 1946. De même, l’essai Lo Stato totalitario n’eut pratiquement aucun écho. Publié en 1947 par Vittorio Zincone, ancien intellectuel fasciste devenu libéral, il reprenait les thèmes les plus importants des études sur le totalitarisme publiées à l’étranger dans les années 1930 et 1940 : le parti unique, l’embrigadement et la mobilisation des masses, la mystique du chef, la « religiosité politique ».
-
[29]
Voir Luca La Rovere, « L’eredità del fascismo » : gli intellettuali, i giovani e la transizione al postfascismo, 1943-1948, Turin, Bollati-Boringhieri, à paraître.
-
[30]
Mario Nigro, « I giovani e il fascismo », Il Commento, 16 mars 1945.
-
[31]
Ruggero Zangrandi, Il lungo viaggio : contributo alla storia di una generazione, Turin, Einaudi, 1948, p. 15. Ruggero Zangrandi (1915-1970), journaliste et historien, fut un jeune militant fasciste, ami du fils du Duce, qui lui demanda, à à peine 17 ans, de collaborer au Popolo d’Italia. Très engagé dans les activités du régime, il s’en détacha à la fin des années 1930 et fonda en 1939 un parti socialiste révolutionnaire, avant d’adhérer au parti communiste. Son livre de Mémoires sur le fascisme suscita de vives discussions et fut réédité plusieurs fois.
-
[32]
Vitaliano Brancati, « Il diavolo nel cassetto », Risorgimento Liberale, 19 septembre 1945.
-
[33]
Ricimero, « Cosa faremo dei neo-fascisti ? », Risorgimento Liberale, 18 mai 1946.
-
[34]
Guido De Ruggero, Il ritorno alla ragione, Bari/Rome, Laterza, 1946, p. 147-148.
-
[35]
Voir Silvio Lanaro, Storia dell’Italia repubblicana : dalla fine della guerra agli anni novanta, Venise, Marsilio, 1992 ; Aurelio Lepre, Storia della prima Repubblica : l’Italia dal 1942 al 1992, Bologne, Il Mulino 1993.
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[36]
Cité dans Salvatore Lupo, Partito e antipartito : una storia politica della prima Repubblica (1946-78), Rome, Donzelli, 2004, p. 15.
-
[37]
Ce thème est amplement étudié par Emilio Gentile, La grande Italia…, op. cit.
-
[38]
Voir Emilio Gentile, La Voie italienne…, op. cit., p. 109-132, 319-334.
-
[39]
Claudio Pavone, « Fascismo e dittature : problemi di una definizione », in Marcello Flores (dir.), Nazismo, fascismo, comunismo : totalitarismi a confronto, Milan, Mondadori, 1998, p. 78-79.
-
[40]
Salvatore Lupo, Il fascismo : la politica in un regime totalitario, Rome, Donzelli, 2000, p. 27 ; trad. fr., id., Le Fascisme italien : la politique dans un régime totalitaire, trad. de l’it. par Laure Raffaëlli-Fournel et Jean-Claude Zancarini, Paris, Flammarion, 2003.
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[41]
Alberto De Bernardi, Una dittatura moderna : il fascismo come problema storico, Milan, Mondadori, 2001, p. 81.
-
[42]
Emilio Gentile propose une réélaboration du concept de totalitarisme au sens où nous l’avons indiqué, pensée à travers la recherche historique et l’analyse théorique (Emilio Gentile, Qu’est-ce que le fascisme ?, op. cit.)