Couverture de PDC_HS01

Article de revue

Une discipline qui ne fait pas de bruit ?

Remarques sur la construction sociale des sound studies

Pages 5 à 30

Notes

English version
« We shouldn’t be too literalistic in staking out boundaries – defining a field is tricky and too often gets overtaken by contests for academic authority. It would be both wrong and insulting to say that the current generation of scholars has invented the academic study of sound. It would be even more ridiculous for a single scholar to claim to have invented or defined the field […] » (Sterne, 2012, p. 10).

1 En novembre 2016, deux collègues de l’université de Copenhague spécialistes des sound studies – Holger Schulze et Morten Michelsen – m’avaient proposé de répondre à une commande un peu singulière : « Présenter en dix minutes une réflexion provocatrice sur de nouvelles manières d’écouter ». Je m’étais résolu à parler non pas de ce dont j’étais spécialiste – les liens entre la musique et le numérique – mais de ce qui me concernait à titre personnel : le fait de perdre peu à peu l’ouïe et de souffrir d’acouphènes (et je note que je ne suis pas le seul parmi les auteurs de ce numéro à avoir porté un intérêt au son en raison notamment de problèmes physiologiques, Jonah Raskin avouant souffrir d’acouphènes et Bernie Krause du syndrome d’hyperactivité avec déficit de l’attention). Si ce sujet me concernait tant, c’est à la fois parce que la perspective d’une dégradation significative des capacités auditives compliquait déjà ma vie sociale, mais aussi parce que j’avais le sentiment qu’une part de la richesse du monde qui m’entourait m’échappait désormais. Par exemple, pour moi qui avait jadis passé tant de temps, avec mes amis, à disséquer tel ou tel album et notamment les arrangements et la prise de son, comment être certain que ce que j’entendais désormais n’était pas une version amputée et donc appauvrie de la musique enregistrée ? En y réfléchissant, j’ai réalisé que cette attention aux détails sonores ne remontait pas à mes premières expériences musicales, mais à bien plus loin. Très jeune, j’envisageais l’écoute comme une des conditions nécessaires d’une relation aboutie de l’homme au monde, influencé notamment par la lecture du Dernier des Mohicans et l’imaginaire des Westerns, genre alors très populaire à la télévision : les Indiens habitaient un monde où avoir l’ouïe fine était une vertu cardinale, pour qui voulait déjouer les assauts des cow-boys, traquer le gibier, et assurer plus généralement les conditions de sa survie [1]. Extrapolant à partir de ces éléments personnels, j’avais décidé de communiquer à Copenhague sur les sons a priori inaudibles pour l’oreille humaine, soit parce qu’ils nécessitaient pour être entendus des artefacts spécifiques (le logiciel Batsound pour les cris de chauve-souris, ou les dispositifs conçus par l’artiste Kristina Kubisch pour rendre audibles les champs électromagnétiques), soit parce que, appartenant aux siècles passés, ils n’avaient pu être entendus que par leurs contemporains et faisaient aujourd’hui l’objet de reconstitutions. Ce qui m’intéressait, dans ces trois exemples, concernait non seulement la manière dont des opérations de « traduction » rendaient audibles de tels sons, mais également la signification politique de telles opérations : pouvoir entendre les chauves-souris devenait un important levier de l’action écologique et environnementale, rendre sensible l’omniprésence des champs électromagnétiques éclairait la dimension techno-scientifique du capitalisme, et les sons reconstitués du passé interrogeaient la fabrication de nos imaginaires historiques par les médias.

2 Le texte qui suit a trouvé son origine dans ces « dix minutes sur de nouvelles façons d’écouter », qui ont confronté le spécialiste des musiques populaires à la question des paradigmes et des concepts que je pouvais mobiliser, à la lecture de textes qui m’étaient peu ou pas familiers, à une série d’interrogations sur cette discipline émergente baptisée sound studies dont je ne parvenais pas à tracer les frontières. C’est par conséquent à la question de savoir ce qu’est une discipline académique, comment elle se constitue, et quels en sont les enjeux spécifiques lorsqu’il s’agit de son, que je voudrais traiter ici, afin de donner à un lecteur peu averti quelques clés de compréhension de ce que sont les sound studies. Et dans une perspective plus générale, c’est une réflexion sur l’écoute du social qu’entreprend ce premier numéro hors-série de Politiques de Communication, démontrant que la dimension du sonore peut offrir une alternative crédible ou du moins un complément heuristique aux grilles de lecture à partir desquelles nous analysons la vie sociale.

Figure 1. Nouvelles approches de l’écoute

Figure 1. Nouvelles approches de l’écoute

Figure 1. Nouvelles approches de l’écoute

La structuration du champ académique français est-elle homologue au paysage de la recherche anglophone ? Car parler de sound studies, c’est non seulement évoquer une discipline qui n’a pas d’équivalent conceptuel et terminologique en France, mais c’est également mesurer à quel point la constitution des domaines scientifiques diverge, de part et d’autre de la Manche et de l’Atlantique. On a ainsi vu fleurir depuis plusieurs décennies une série d’intitulés – Disability Studies, Ethnic Studies, Heavy Metal Studies, etc. – qui consacrent l’apparition de questions et de mouvements sociaux dans le champ de la recherche en même temps qu’ils interrogent la capacité des disciplines traditionnelles à se saisir de cultures ou de sous-cultures souvent considérées comme subalternes, triviales ou anecdotiques (Albrecht, Ravaud, Stiker, 2001). Les interrogations suscitées par ce mouvement d’extension des domaines disciplinaires, hors des frontières habituelles tracées par ce que l’on nomme habituellement les humanités et les sciences sociales, sont connues et rejoignent assez largement les questions et critiques posées aux Cultural Studies : d’un côté, on peut se réjouir que de nouveaux objets conduisent au décloisonnement de disciplines faiblement poreuses et dont l’orthodoxie, du moins en France, est garantie par les commissions nationales universitaires. On peut en effet penser que ce processus de cloisonnement institutionnel est peu favorable à la prise en compte de phénomènes complexes qui nécessitent, pour être étudiés, un appareillage méthodologique et conceptuel interdisciplinaire. Un autre élément d’appréciation positive découle de ce que les disciplines traditionnelles, privilégiant habituellement les corpus les plus classiques / légitimes, et ne tenant compte des formes les plus populaires ou les moins consacrées – dont l’importance sociale est pourtant indiscutable – qu’avec circonspection ou parcimonie, doivent admettre de nouveaux objets, souvent marqués par leur inscription dans la culture populaire : la manière dont Hoggart, fondant le CCCS à l’université de Birmingham dans les années 1960, dut apprivoiser des collègues sociologues et littéraires défiants, donne un bon exemple des résistances que peuvent susciter les objets considérés comme subalternes, et il n’est pas certain que l’université française ait totalement réalisé son aggiornamento en la matière. A contrario, des auteurs comme Mattelart et Neveu ont souligné les limites de cette expansion d’objets parfois « micro- », que leurs promoteurs tentent d’ériger en nouveaux socles disciplinaires, ou de phénomènes culturels sous objectivés et sur-interprétés, comme c’est le cas avec la chanteuse Madonna (Mattelart et Neveu, 2003, p. 102) : « Les gains de connaissance bien réels nés de l’attention à des composantes plus diverses de la mosaïque du culturel ont comme contrepartie l’obsession du petit objet, de la banalité des petites histoires dans l’amnésie des mécanismes sociaux qui président à leur production » (Mattelart et Neveu, 2003, p. 100).
Pour résumer, la promotion de toute une série de pratiques sociales et d’esthétiques au rang d’objets subculturels – de la musique metal aux cultures fans, plus rien ne semble devoir arrêter ce mouvement de subculturalisation effréné et on attend avec amusement la création de nouveaux domaines sub-disciplinaires : il n’est pas besoin d’esprit baroque pour imaginer l’émergence de dog studies ou d’accordéon-musette studies – mérite d’être analysée comme un nouveau symptôme des efforts entrepris pour institutionnaliser et autonomiser à peu près toutes les dimensions sociales apparemment marginales comme objets d’études. Loin de moi l’idée de considérer que les cultures opposées aux cultures dominantes sont dénuées d’intérêt et de valeur, tout au contraire. Mais il faut bien reconnaître qu’il y a quelque chose d’ironique et en tout cas de paradoxal dans le désir d’institutionnalisation de phénomènes subculturels qui par définition cherchent à contourner ou à subvertir les styles dominants.
Pour en prendre un exemple, dans un article sur l’institutionnalisation des metal studies, Guibert et Sklower (2013) pointaient les ambiguïtés suscitées par l’émergence de ce « nouvel » objet d’étude sur la scène académique. Si je cite ce travail, c’est autant parce qu’il présente un panorama très informé des travaux menés dans ce champ que par sa conclusion elle-même ambiguë et que je cite en partie : « Ces ambiguïtés peuvent être la force de ce champ : réseau mondialisé de chercheurs tiraillés entre les impératifs de scientificité et ceux d’une fidélité à des pratiques et un imaginaire marginal, il interroge justement la place du chercheur d’un point de vue réflexif et performatif, ainsi que son rapport au savoir et à son objet ». Mais encore faut-il démontrer que le métal est une musique illégitime (et pour quelles instances ?), ce qui ne va pas de soi puisque, comme l’établissent les auteurs eux-mêmes, on trouve un grand nombre de travaux publiés sur le métal, et que le succès des festivals de métal semble relativiser l’illégitimité proclamée de ces musiques. En outre, on est en droit de se demander si la double revendication – en réalité très classique dans l’histoire des cultural studies (Van Damme, 2004) – d’internationalisation des réseaux de recherche et d’interdisciplinarité d’une part et d’autonomie de l’objet d’autre part ouvrira à de nouveaux outils théoriques et à de nouveaux espaces de réflexion sans céder à la tentation de la fétichisation des derniers concepts à la mode et à la balkanisation des objets étudiés ou si elle n’est pas plutôt un énième avatar des stratégies de légitimation qui recyclent des appareillages théoriques déjà « rentabilisés » en promouvant à nouveaux frais des objets présentés comme marginaux, selon la logique des profits de victimisation. L’attention portée aux expressions culturelles tenues à la marge est en soi une intention louable, mais rien n’indique que cela constitue une condition nécessaire et suffisante pour en faire des objets autonomes et amenant des questions réellement nouvelles. À ce compte, on a un peu le sentiment que le post-académisme revendiqué par les studies n’est que l’envers de l’hyper-académisme des logiques disciplinaires, mais pas sa solution. Dès lors, que dire de l’autonomisation en cours des sound studies ? Y-a t-il nécessité à inventer une nouvelle discipline, alors que le son est par essence au carrefour de multiples disciplines, telles l’histoire, la géographie, la sociologie, l’acoustique ? Toute la question, me semble-t-il, est de savoir si ces nouveaux territoires dont participent les sound studies permettent de faire bouger les frontières disciplinaires instituées, d’acheminer vers de nouveaux modèles théoriques, et de renouveler notre compréhension des phénomènes sociaux, ou s’il s’agit juste de tirer de nouveaux profits d’objets prétendument relégués – à tort ou à raison – dans les coulisses de la recherche académique.

3 La promotion (relativement) récente des sound studies au rang de discipline, du moins dans les pays anglophones, constitue un fait objectif mais également un symptôme qui mérite d’être décrypté : pourquoi et à quel titre le sonore devrait-il constituer la matière d’un (sous-)champ de recherche autonome ? Quel est le périmètre et quelles sont les frontières de ce champ ? Se définit-il par un type de questionnement, des concepts, des objets ou un type d’approche ou de méthodologie spécifique ? Pourquoi le son a-t-il, par comparaison avec l’image et la culture visuelle, tardé à s’imposer comme objet à part entière ? Il en va en effet des champs académiques comme des autres champs, qui constituent autant de découpages du monde social et de ses expressions concrètes ou symboliques : le différent fait la différence pour ceux qui font la différence. L’émergence et la constitution d’un nouveau domaine du savoir comme champ ne manquent jamais de signaler que les frontières bougent, se déplacent et se recomposent, que non seulement de nouvelles questions s’imposent mais aussi que de nouveaux impétrants font leur entrée dans le monde académique, et que l’autonomie se gagne ou se manifeste toujours par la conquête de territoires et l’instauration de frontières, l’usage de libellés, le déploiement de catégories, la mise en œuvre de parapets institutionnels. À ce titre, il n’y a guère de raison pour que les sound studies échappent à cette logique que Durkheim, Weber, Elias puis Bourdieu notamment ont cherché à analyser, tout d’abord pour théoriser la division sociale du travail puis pour décrire des domaines d’activité où des individus entrent en relation de concurrence ou de solidarité les uns avec les autres, dans la mesure même où ils perçoivent plus ou moins consciemment les règles propres et les enjeux spécifiques à leur champ d’appartenance. Disant cela, on l’aura compris, c’est autant une réflexion sur les apports des sound studies à la compréhension du social qu’une analyse sociologique des sound studies comme part du social – et plus précisément du champ académique – que ce premier dossier hors série se donne comme horizon : non seulement le social saisi par les sound studies, mais également les sound studies saisies par les sciences sociales. Il ne s’agit donc pas de décréter ce que sont les sound studies, mais bien plutôt d’identifier un certain nombre des processus à l’œuvre dans cette légitimation en cours des sound studies.

4 Parmi ces processus, on notera la multiplication des publications, la structuration de réseaux de chercheurs, la traduction de textes considérés comme fondateurs ou encore l’organisation d’expositions dédiées au son… Pour en donner quelques exemples, on a assisté à la création récente – à partir des années 2010 – de revues dédiées telles que Sound Studies (Routledge) ou encore Journal of Sonic Studies (University of Leiden Press), à la publication de numéros spéciaux tels le « Politiques sonores » édité par la revue Poli en 2015, à la création de revues en ligne ou encore à la mise en archives et exposition d’un patrimoine sonore. La publication récente de plusieurs anthologies – genre éditorial dont Tim Boon, dans une recension d’ouvrages consacrés aux sound studies, se demande si elle « n’est pas un acte de construction disciplinaire » (2015) –, constitue sans doute l’exemple le plus marquant de cette volonté de baliser le champ. Par ailleurs, des colloques ont complété ce dispositif d’institutionnalisation : par exemple, celui qui s’est tenu sur les archives sonores et l’ethnomusicologie, en juin 2010 au musée du quai Branly ; en octobre 2015, c’était au tour de la Bibliothèque nationale de France, de mettre en valeur le patrimoine sonore et musical de l’Europe grâce au projet Europeana Sounds. Le choix opéré par la Fondation Cartier pour l’art contemporain d’inviter en résidence Bernie Krause, de juin 2016 à janvier 2017, constituait un autre exemple de l’intérêt croissant pour le son comme grille de lecture esthétique, scientifique et anthropologique des questions environnementales et de la raréfaction des espèces animales : il ne s’agissait plus simplement d’expositions dédiées à tel ou tel musicien passé à la postérité (Lennon, Hendrix, Bowie, etc.) comme en organise régulièrement la Cité de la Musique, mais bien de la reconnaissance du son dans une acception étendue à tous les domaines de la vie sociale et non plus simplement à la musique et à l’esthétique. Enfin, l’institutionnalisation des sound studies a pris appui sur la constitution de réseaux de chercheurs réunis autour de thématiques fédératrices comme la European Sound Studies Association ou la Nordic Research Network for Sound Studies. Bref, avec le recul, on a un peu le sentiment d’assister à ce qui s’est passé il y a plus de 20 ans en France pour l’étude de la télévision et plus récemment des musiques populaires (Le Guern, 2014) : la sociologie des loisirs de Dumazedier, Friedmann ou encore Morin n’avait pas saisi, dans les années 1960, à quel point la télévision pouvait constituer un divertissement de masse et un opérateur de transformation culturelle. Suivirent les années 1970 où la sociologie de la domination envisagea la télévision essentiellement comme une forme illégitime de la culture et un vecteur d’enfermement culturel. C’est ce contexte, intellectuellement peu favorable à la télévision et aux médias de masse en général, qui expliquait pour bonne part la lente et difficile entrée du petit écran dans la sphère des objets dignes d’être étudiés (Pasquier, 2003). Dans un article consacré à l’émergence des musiques populaires dans la sphère académique française, j’ai montré comment leur légitimation mettait en jeu des processus complexes qui touchaient pêle-mêle à l’importation progressive des auteurs anglophones de référence, à des formes de stratégies militantes développées par certains auteurs, à des débats prolongés sur la terminologie la plus adaptée pour désigner leur objet, tantôt musiques populaires, de jeunes, électro-amplifiées, etc. (Le Guern, 2007). Des logiques structurantes en partie homologues se recoupent lorsque des processus de légitimation sont à l’œuvre dans la sphère académique. Dans le cas des sound studies, il est trop tôt, en France, pour envisager les effets que pourrait produire l’institutionnalisation de cette discipline, mais du moins peut-on, d’ores et déjà, identifier certains traits caractéristiques du processus de légitimation en cours, en particulier la traduction d’auteurs considérés comme fondateurs ou du moins comme incontournables dans le champ. C’est notamment le cas de l’ouvrage de Jonathan Sterne, Une histoire de la modernité sonore, initialement publié en 2003 sous le titre The audible past. Cultural origins of sound reproduction, puis traduit en français en 2015 dans une édition conjointe La Découverte / La Philarmonie de Paris. Cette traduction donnera lieu quelques mois plus tard à un entretien avec l’auteur publié dans le numéro de Poli cité plus haut, qui éclairait certaines des options théoriques et conceptuelles déployées par l’auteur et qui permettait de comprendre les raisons de l’intérêt accordé à Sterne en France : premièrement, son approche autonomisait les cultures sonores tout en les distinguant d’une perspective de type musicologique. Le son pouvait exister et être étudié comme tel, la musique étant elle-même subsumée sous la catégorie englobante des cultures sonores. Deuxièmement, et en conséquence, les phénomènes sonores pouvaient être envisagés comme un matériau par lequel le social pouvait signifier en tant que tel : les sound studies, contrairement à une tradition dominante en matière d’études musicales, n’étaient pas seulement redevables de questionnements esthétiques ou musicologiques mais se trouvaient au point de convergence de thèmes traités par les Cultural Studies, les Science and Technology Studies ou les Media Studies notamment. Le sonore, et les sound studies comme discipline, pouvaient rencontrer les sciences humaines sur des terrains aussi variés que le post-colonialisme, le développement du capitalisme, l’aménagement urbain, les rapports de classes ou de pouvoirs, l’écologie, etc. Bref, le son offrait une prise originale sur le social. Bien entendu, cette mise en convergence du sonore et du social n’avait pas attendu Sterne pour se manifester en France, comme en attestent les travaux pionniers menés au sein d’un laboratoire comme le CRESSON explorant les liens entre espaces sonores et environnements urbains. Mais ce qu’il est important de souligner ici, c’est qu’on assiste bel et bien à l’émergence d’un champ de recherches qui se dote peu à peu d’une autonomie propre, situé à l’intersection de la technologie, du culturel et du social.

5 L’hétérogénéité des termes utilisés pour définir ce nouveau champ ou certaines de ses subdivisions témoigne en tout cas des points d’accord ou de tension autour de sa définition et de sa stabilisation : Holger Schülze (2008) parle d’anthropologie sonore (Klanganthropologie) ; Jonathan Sterne (2015) emploie occasionnellement « études sonores » et affirme dans une note que, bien qu’il ait utilisé le terme sound studies depuis une décennie, il aime aussi la notion d’« auralité » dont le seul défaut est de pouvoir être confondue avec « oralité » ; Michael Bull et Les Back (2003) utilisent l’expression « auditory culture » tandis que Christoph Cox et Daniel Warner (2013) parlent de « audio culture ». Dans un registre voisin, la « sound studies course map » dessinée par Leonardo Cardoso en 2013 [2] pour tenter de cartographier le champ, témoigne de la complexité d’un tel projet (https://leonardocardoso.me/2013/04/30/sound-studies-spring-2013-course-map) : faut-il distinguer sons musicaux et sons non musicaux ? Sons et bruits sont-ils emblématiques de l’ère industrielle et post-industrielle ? L’espace urbain constitue-t-il le territoire de prédilection pour l’observation des phénomènes sonores ? Doit-on considérer les sound studies comme une sorte de pendant des visual studies, et faut-il alors les subsumer sous l’étiquette plus générale des cultural studies, au risque de ce que Mattelart et Neveu (2003) ont qualifié d’« effet Babel », c’est-à-dire d’hyperfragmentation du savoir sur des objets de plus en plus pointus ?

6 D’ailleurs, peut-on parler stricto sensu de discipline ? Une série de phénomènes renvoyant aux manifestations du sonore suffit-elle à qualifier une discipline, avec ses questionnements spécifiques, ses paradigmes et concepts, ses outils méthodologiques ? En outre, les phénomènes sonores ayant partie liée avec la majorité des activités naturelles ou humaines, ne risque-t-on pas d’assister à une dérive expansionniste des sound studies qui pourraient considérer que tout ou presque tombe sous leur coupe, en sorte que leurs territoires et objets seraient infinis, sinon indéfinis ? En définitive, les sound studies ne sont-elles rien de plus qu’une de ces micro-communautés académiques tirant leur justification de leur hyper spécialisation, ou bien témoignent-elles d’une inventivité propre ?

7 Pour répondre à de telles questions, il est intéressant de voir comment les principaux auteurs concernés – eux-mêmes issus de champs disciplinaires très variés – définissent leur domaine de recherche. À la suite de Jonathan Sterne qui a noté le caractère conceptuellement fragmenté d’une vaste littérature sur le son, Trevor Pinch et Karin Bijsterveld (2004) ont dessiné les frontières du champ de la manière suivante : « Les sound studies sont un domaine interdisciplinaire émergeant qui s’intéresse à la production matérielle et à la consommation de la musique, au son, au bruit, et au silence, et à la manière dont ceux-ci se sont transformés au fil de l’histoire et dans différentes sociétés, mais dans une perspective bien plus étendue que celle offerte par les disciplines classiques telles que l’ethnomusicologie, l’histoire de la musique, et la sociologie de la musique. Pour mentionner quelques travaux emblématiques des sound studies, on pourrait citer : la notion pionnière de paysage sonore (soundscape) chez Murray Schafer ; l’étude consacrée par James Johnson à la manière dont les publics apprennent à écouter d’une manière renouvelée l’opéra, à Paris, après la révolution française, et comment se constitue un public bourgeois […] [3] ». La « fragmentation conceptuelle » sur laquelle revient Sterne en introduction du Sound Studies Reader s’explique en grande partie par une constellation d’auteurs rattachés au domaine mais provenant de champs disciplinaires diversifiés, et aussi par la motivation intrinsèque de ces auteurs pour le son : s’agit-il d’étudier le son pour lui-même ? Ou plutôt de faire du son un opérateur heuristique dans l’étude de domaines spécifiques, par exemple les transformations environnementales, les mutations d’un tissu urbain, ou bien d’autres phénomènes relevant de l’histoire, de la géographie, de la sociologie, etc. ? Ou bien les sound studies ne sont-elles pas « la combinaison d’un objet et d’une approche » ? (Sterne, 2012, p. 4) S’agissant du premier point, la diversité des auteurs et des approches mobilisées apparaît clairement dans la liste des auteurs retenus par Sterne pour composer son Reader : on peine certes à trouver un point commun entre Jacques Attali – un auteur manifestement important pour la plupart des théoriciens nord-américains des sound studies –, Michel Chion, Murray Schafer et Frantz Fanon, pour ne citer qu’eux. Pourtant, cette diversité reflète bien l’état d’un champ où cohabitent économie politique de la musique, phénoménologie de l’écoute des bandes-son des films, écologie sonore, étude de la radio et des identités nationales, etc. Quant au second point, à savoir l’absence apparente d’unité sur le plan conceptuel, on remarquera que si la diversité des champs auxquels s’arrime la discipline rend problématique l’existence d’un ensemble de méthodes estampillées sound studies – Sterne affirme que c’est la nature des questions posées qui devrait ici induire les méthodes et non l’inverse –, il n’en existe pas moins des outils et des approches spécifiques au domaine. On mentionnera ici la pratique du field recording, la constitution de fonds d’archives sonores, le géoréférencement de sources sonores, la création de cartes sonores collaboratives, l’élaboration d’applications dédiées pour téléphones mobiles [4], de systèmes informatisés de reconnaissance et d’indexation automatiques de sons [5], de reconstitutions multidimensionnelles de sons du passé [6], le développement de l’Auditory Scene Analysis (Bregman, 1990) en lien avec la science computationnelle, et jusqu’à la création d’une revue internationale spécifiquement dédiée à la cartographie sonore [7]. À cet égard, la sophistication croissante des dispositifs d’enregistrement – le micro parabolique ou l’enregistrement binaural par exemple – ou le raffinement des systèmes de représentation des sons [8] ont suscité des questions passionnantes, sur la valeur du son comme donnée objective ou comme perçu subjectif [9], sur la pertinence d’isoler des sons dans un biotope donné ou au contraire de les saisir ensemble en tant qu’ils sont l’expression d’interactions inter‑espèces, sur les différences d’appréciation analytique d’un paysage sonore selon la fréquence des récoltes d’échantillons sonores et même le placement du microphone (Guastavino, Larcher, Catusseau, Boussard, 2007), etc.

8 À défaut d’unité conceptuelle et de cohérence disciplinaire, faut-il alors considérer que ce serait en creux, dans la dissymétrie entre l’intérêt porté au visuel et celui accordé au sonore, que se trouve le principe unificateur des sound studies ? De fait, on retrouve fréquemment cet argument chez les promoteurs de ce champ. Veit Erlmann (2004), dans un chapitre intitulé « But what of the ethnographic ear ? Anthropolgy sound and the senses », convoque la figure tutélaire de James Clifford s’interrogeant : « Mais quid de l’oreille ethnographique ? ». Que le fameux « regard ethnographique » ait pu s’imposer comme un impératif méthodologique témoigne-t-il du primat de la vision sur l’ouïe et est-il constitutif de la modernité ? La question ne date pas d’aujourd’hui : dans la comédie antique, les sens et le sens, c’est-à-dire la vérité, semblent étroitement liés : chez Térence, par exemple, l’erreur est littéralement une erreur d’entendement, puisque ce n’est pas la vue qui trompe mais l’ouïe (Faure-Ribreau, 2014). Cette dévalorisation ou du moins minoration de l’oreille trouvera son prolongement dans les débats nourris qui, au Moyen Âge, cherchent à ordonner les différents sens selon leur proximité supposée avec l’âme et qui mettent l’image au premier plan (Chrystel Lupant, 2010), puis dans l’établissement progressif d’une modernité occidentale réputée avoir affirmé le primat de la vue sur l’ouïe et construit un rapport fondamentalement oculo-centré du sujet au monde qui l’entoure (La Rocca, 2011), primat qui semble aujourd’hui trouver son apogée dans le triomphe de la culture des écrans. En dépit d’un auteur comme Derrida (1967) qui a mené une critique vigoureuse du phonocentrisme [10], l’idée qui veut que la culture visuelle jouisse d’un privilège au sein des sciences humaines semble faire consensus, comme en atteste l’ouvrage de Levin consacré à ce sujet (1993). Comme le fait remarquer Sterne, « de nombreuses études classiques du son débutent sur la distinction des registres auditifs et visuels » (2012, p. 7).

9 Mais s’il est courant d’envisager les profits de victimisation comme de puissants ressorts stratégiques pour légitimer une nouvelle discipline, il faut admettre que plusieurs auteurs au sein des sound studies ont perçu les limites d’une telle posture et s’emploient à la relativiser de différentes manières : Sterne note que les tentatives pour rétablir une symétrie entre la vue et l’ouïe ont pu conduire à des typifications caricaturales. Ainsi, il est courant d’affirmer que « l’écoute immerge le sujet tandis que la vision lui offre une perspective ; que le son vient à nous alors que la vision se déplace vers ses objets ; que l’écoute tend vers la subjectivité tandis que la vision tend à l’objectivité ; que la vision nous situe du côté des affects et l’écoute du côté de l’intellect » (Sterne, 2012, p. 9), etc. Mais cette « litanie audiovisuelle », selon le mot de Sterne, ne va pas sans poser problème : en effet, les propriétés prêtées au son et à l’image n’ont aucun fondement objectif. Tout au plus relèvent-elles de prénotions culturelles. Or, il est fréquent qu’elles soient prises pour argent comptant et qu’elles servent de socle à telle ou telle analyse. Erigé en système, ce modèle classificatoire binaire pose en effet question à plusieurs titres. Un premier problème manifeste, avec ce type de prédication faussement phénoménologique mais vraiment culturaliste, est qu’elle peut conduire à opposer un tropisme visualiste prétendument caractéristique de la modernité occidentale à un registre auditif pré-moderne, voire primitif. Prenant appui sur l’idée d’une mutation anthropologique et historique qui aurait vu l’homme passer du monde de l’écoute au monde du regard, cette thèse n’est-elle pas tout simplement une nouvelle variante du « Grand Partage » dont Philippe Descola notamment a montré comment il correspondait à une vision typiquement occidentale de la Nature (Descola, 2005), où les représentations du monde se scindent entre nature/culture, pré-logique/logique, non-humains/humains mais aussi vue/ouïe ? À cet égard, les travaux de Marshall McLuhan (2017) me semblent assez représentatifs de cette tendance : en théorisant les effets des changements de systèmes médiatiques dominants sur notre rapport au monde, McLuhan cherche à comprendre comment se transforment nos systèmes de représentations. Toutefois, l’analyse de cette mutation anthropologique [11] a pour corollaire un changement dans la hiérarchie des sens et dans nos manières de percevoir le monde. Pour McLuhan, le virage décisif qui s’opère à la Renaissance, en raison de la diffusion de l’imprimerie, est celui qui fait passer l’homme du monde de l’oralité au monde de la vue. Ce primat nouveau de la vision est ce qui rend possible de nouvelles formes de catégorisation du réel : le réel spatial mais également le réel social deviennent quantifiables, assimilables par des opérations logiques de découpage. Mais en passant ainsi de l’espace hétérogène à un espace homogène, un basculement advient, nous dit l’auteur, entre un homme « naturel » structuré par l’audition et un homme « social » marqué par le primat de la vision : « l’Afrique intérieure » serait, selon McLuhan, cette part « originelle » de l’humain associée au régime de l’oralité, hypothèse qui ressemble fort au fantasme naïvement romantique d’un monde pré ou anti-moderne où la vérité de l’être-au-monde passe par une ouïe idéalisée et où la pseudo-naturalité des sons primitifs contraste avec la surdité non moins fictionnelle de l’homme moderne, devenu incapable d’écouter.

10 Il me semble que cette nouvelle hiérarchie sensorielle, qui marque un grand partage entre nature et culture, primitivisme collectif et individualisme croissant, ouïe et vision, n’est pas dénuée d’ambiguïtés, comme l’indique la fin de La Galaxie Gutenberg : si avec l’ère de l’électronique, le sonore semble à nouveau s’imposer face au visuel, les conditions propres au village global rendent problématique la coexistence de l’écoute et du regard, un rapprochement avec l’esprit « tribal » de l’homme auditif se payant d’un sentiment de perte de maîtrise sur le monde qu’avait instaurée la culture visuelle. Ainsi, cette manière d’articuler mutations techno-médiatiques et transformations de l’être culturel et social a une vraie valeur heuristique, mais elle repose sur une vision de la hiérarchie des sens exagérément durcie et que les travaux de nombreux historiens ont relativisé voire infirmé. En outre, le fait de prêter des propriétés spécifiques à la vision et à l’ouïe – le monde audible serait hétérogène et non mathématisable tandis que le monde typographique serait homogène et catégorisable – reconduit ce « grand partage » sous-tendu par une vision typiquement occidentale et moderniste de la hiérarchie des sens.

11 Ce que je veux suggérer ici, c’est que le projet d’édifier les sound studies en discipline autonome renvoie à au moins trois écueils, bien aperçus par des auteurs comme Sterne ou Erlmann notamment : premièrement, prêter aux sons des qualités spécifiques en oubliant que ces qualités sont le produit d’une construction socio-historique qu’il convient de dénaturaliser [12]. Deuxièmement, perdre de vue que la majorité des travaux en sound studies est issue d’une aire culturelle spécifique, le monde anglophone pour dire vite, et que cet ancrage a nécessairement des incidences sur la manière d’envisager, de formuler et de conceptualiser les questions posées, les catégories et les limites par lesquelles se construit une discipline étant aussi toujours affaire de contexte intellectuel. C’est exactement ce que vise Michele Hilmes (2005) quand elle met en garde contre un essentialisme transculturel et transhistorique d’inspiration… typiquement nord-américaine : « Les deux ouvrages que je viens de recenser, et la plupart des auteurs cités par les auteurs de ces ouvrages et ma propre recension, ont partie liée de près ou de loin avec l’expérience américaine […]. Mais si nos enquêtes sur le son – certainement un des médias les plus insaisissables – doivent être contenues dans des frontières nationales […], nous finirons par croire que la manière spécifique dont se sont développées les sound studies en Amérique est nécessaire et naturelle. Or, ce n’est manifestement pas le cas » (Hilmes, 2005, p. 258). Enfin, rendre la frontière entre l’ouïe et les autres sens si étanche que plus aucune perspective analytique inter sensorielle n’est possible ne saurait tenir lieu de programme disciplinaire :

12 – d’une part, parce que l’idée selon laquelle la condition de l’homme moderne serait d’être « sourd » ne va pas de soi. Certes, les ingénieurs du son, grâce à leurs écrans d’ordinateurs et aux logiciels d’édition, regardent aujourd’hui autant les sons enregistrés qu’ils ne les écoutent. Certes, les écrans de téléphones, d’ordinateurs, de consoles de jeux peuplent nos existences quotidiennes. Pour autant, l’écoute est-elle vraiment déclassée ? N’assiste-t-on pas plutôt à une intrication des différents régimes sensoriels ? Les enquêtes sur les pratiques culturelles des Français menées par le DEPS concluent à une montée en puissance de la culture d’écran. Toutefois, cette montée en puissance ne signifie pas la mise en crise des pratiques liées à l’écoute mais plutôt la convergence de la plupart des pratiques vers les écrans, qu’il s’agisse de lire, visionner des films mais aussi écouter de la musique, cette dernière pratique continuant de progresser et s’inscrivant désormais – grâce à la multiplication des supports d’écoute et à l’internet – dans une musicalisation du quotidien élargie et mobile (Bull, 2007) qui en fait la pratique préférée des Français (Donnat, 2009). Et sur bien d’autres plans, il est clair que nos existences sont peuplées de sons, parfois conçus par des designers sonores, de la voix synthétique nous commandant de choisir notre essence à une station service automatisée aux chatbots utilisés dans les plateformes de messagerie (Domino’s, Pizza Hut, Aeromexico, etc. mobilisent ces programmes vocaux pour offrir des recommandations aux usagers), dans l’Internet des objets, l’éducation, les jeux…

13 – d’autre part, on peut faire l’hypothèse que si les phénomènes sonores ont été moins traités que la matière visuelle, c’est aussi parce que les chercheurs sont généralement moins formés à l’analyse des sons – exception faite des musicologues dont l’aire d’activité ne représente qu’une portion réduite des sound studies – qu’à celle des images, ces dernières étant souvent interprétées à l’aune des paradigmes textuels. Un autre problème méthodologique découle de l’accessibilité des matériaux : si on a accumulé au fil des siècles des archives visuelles et écrites, rien de tel n’existe pour le son, dont la matérialité ne devient tangible et analysable – encore une fois exception faite de la musicologie lorsqu’elle travaille sur des partitions – qu’à partir du moment où sont inventées les techniques d’enregistrement et de reproduction sonore. La dépendance des chercheurs à l’égard d’archives sonores, somme toute récentes, est un fait objectif et trivial dont les implications doivent être soulignées, et ce fait est particulièrement marquant dans certains secteurs : lors du second Congrès mondial d’écologie sonore, des auteurs notaient par exemple que « la mémoire sonore déposée officiellement existe pour la radio, pour la musique et l’oralité (documents parlés, langues régionales, etc.), mais fait défaut pour les sons du paysage, de la faune et de l’activité humaine. L’espace et les contextes sonores pouvant être désignés par le terme de géosonorité est également totalement délaissé dans le cadre de la conservation. Par comparaison, l’espace visuel (photographies) est riche et source de multiples publications (touristiques, historiques, sociologiques…) » (Guittet, Le Du et Ollivier, 2012, p. 85).

14 J’ai jusqu’ici tenté d’apporter un éclairage sur les logiques internes au champ des sound studies. Un lecteur familier de la sociologie critique pourrait m’adresser la remarque qu’il ne s’agit après tout que d’un exemple supplémentaire venant confirmer ce que nous savons de la logique des champs académiques et de leur structuration. Néanmoins, l’intérêt que présentent les sound studies comme discipline est évident : d’une part, le caractère encore émergent de la discipline constitue, pour un observateur attentif, une sorte d’équivalent de ce que la naissance récente d’une île issue de l’activité volcanique représente pour un géomorphologue. Le caractère encore inachevé de la discipline offre ainsi une opportunité sans pareille pour observer les manières de clôturer ou d’ouvrir le champ, de le délimiter et de le légitimer, de le penser réflexivement comme le font certains des auteurs que j’ai cités ici. D’autre part, il existe sans doute peu de champs qui engagent autant la question de l’interdisciplinarité : comme je l’ai suggéré, la raison en est que le son est un phénomène singulier qui relève autant de la physique acoustique que des sciences sociales, qui s’infiltre dans toutes les strates de l’activité humaine, qui met en jeu le rapport de l’en-soi et du pour-soi, et qui ne saurait constituer une discipline mais qui traverse de nombreuses disciplines. Il découle des différentes propriétés du son que l’édification d’une discipline qui s’intitulerait sound studies apparaît presque paradoxale : comme le fait remarquer Jonathan Sterne, « d’une certaine façon, nous n’avons pas le choix : l’étude du son doit bien commencer quelque part et elle appartient à de nombreuses chapelles dans de nombreuses disciplines […] mais l’enjeu n’est pas de créer des écoles de sound studies à défendre ou à promouvoir dans des revues ou lors de conférences, mais plutôt que les chercheurs débutants ou avancés puissent situer leurs propres travaux par rapport à différentes traditions de recherche sur le son, selon le type de question auquel ils se confrontent […] » (Sterne, 2012, p. 10).

15 Les sound studies sont-elles une famille accueillante, ou dans une variante moins positive, une auberge espagnole ? À cette question, Sterne répond qu’il ne suffit pas de travailler sur le son pour qu’il s’agisse de sound studies. Autrement dit, s’intéresser au système harmonique dans le trio N° 1 opus 49 de Mendelssohn, ou encore enregistrer et décrire le paysage sonore du parc de Mesa Verde dans le Colorada, sont-elles des activités relevant nécessairement des sound studies ? On pourra répondre que le premier exemple relève d’une discipline déjà instituée – la musicologie – tandis que le second semble bien participer du mouvement de la sound ecology, elle-même incluse dans les sound studies. Pourtant, une telle réponse me semble peu convaincante en raison de son caractère proprement tautologique et parce qu’elle naturalise les découpages disciplinaires sans en voir le caractère socialement construit. Faut-il considérer qu’il s’agit simplement du regroupement d’une multitude de disciplines et d’approches dont le son serait le seul dénominateur commun ? Je ne le crois pas et je voudrais ici apporter quelques arguments en faveur des sound studies comme discipline indisciplinée. Mon premier argument est qu’il ne suffit pas de parler du social pour faire de la sociologie. Ce qui spécifie la sociologie en tant que telle, c’est aussi et peut-être avant tout la posture critique et réflexive qui l’anime : comme le dit Norbert Elias, en ouverture de Qu’est-ce que la sociologie, « si l’on veut comprendre quel est l’objet de la sociologie, il faut être en mesure de prendre mentalement ses distances avec soi et de se percevoir comme un homme parmi d’autres » (Elias, 1991). Peut-être en va-t-il de même avec les sound studies ? Peut-être existe-t-il une manière critique de parler des différents phénomènes sociaux à l’aide du son ? Par exemple, en montrant que le paysage sonore du Mesa Verde est affecté par des bruits d’origine anthropique qui mettent en danger les espèces animales [13]. Ou encore, qu’il existe une manière socialement et acoustiquement différenciée d’habiter un quartier bourgeois ou populaire, que les équipements technoscientifiques qui transcodent les cris de baleines ou les ultrasons des chauves-souris mais aussi les haut-parleurs utilisés pour diffuser des prêches religieux sont redevables, chacun à leur manière, d’une lecture politique de l’écologie ou du religieux, etc. Mon premier argument en faveur des sound studies est donc qu’il est possible de parler du sonore dans une optique résolument critique, dans la mesure où le son entre – si j’ose dire – en résonance avec des dimensions telles que le genre, l’ethnie, les inégalités sociales, l’attention à l’environnement, l’emprise du capitalisme, etc. Dit autrement, les sound studies se définiraient en tant que politique du sonore. En ce sens, et pour prendre un exemple, il devient alors inutile d’exclure la musicologie ou de la subsumer dans les sound studies : l’enjeu est plutôt de savoir si les questions qu’aborde la musicologie, ou les Science and Technology Studies, ou toute discipline concernée par le sonore, comportent une dimension politique, au sens critique du terme. Pour illustrer mon propos, je voudrais faire référence à des historiens tels que Alain Corbin (1994), Arlette Farge (2009), John Picker (2003), Richard Cullen Rath (2003) : ceux-ci ont montré comment notre rapport à la matière sonore s’est progressivement modifié en même temps que la société bourgeoise et les dispositifs administratif transformaient le sens de l’espace public et nos sensibilités auditives. Ce que leurs recherches indiquent, c’est que le son produit et révèle le tissu social dans lequel il opère : ainsi, le son est politique parce qu’il peut constituer un outil efficace des actions menées par différentes institutions, par exemple dans le contrôle du bruit urbain et la régulation normative de certaines activités. C’est précisément ce que j’ai montré à l’occasion d’une enquête sur la gestion du bruit par la politique municipale de la ville où j’habite (Le Guern, 2012) : non seulement les bruits jugés intempestifs – pour l’essentiel, le tapage nocturne occasionné par les étudiants – mettaient en jeu une redéfinition de l’espace public, mais je suggérais également que les instruments utilisés pour mesurer le niveau des bruits et les catégoriser, loin d’être neutres, révélaient par leur usage la dimension socialement construite et politiquement normative des nuisances sonores, moins objectives et plus relatives qu’il y paraissait à première vue. De son côté, le philosophe Matthew Crawford a montré comment les rapports de classe se matérialisaient dans la privatisation du silence, devenu un bien rare mis à disposition des élites (Crawford, 2016).

16 Ceci m’amène à un second argument : déchiffrer le monde à partir de sa trame sonore, c’est faire un pas de côté susceptible d’enrichir notre compréhension du social. Certes, il n’y a pas que le sonore qui offre un tel enrichissement heuristique. Mais cela n’enlève rien au fait que repenser le monde à partir des sons peut constituer une expérience singulière, originale et féconde. Si je puis dire, écouter le monde permet de le voir autrement. C’est ce que j’appelle « l’effet scorpion » : il y a peu, je me trouvais en Malaisie, en compagnie de Stephen Hogg, un des meilleurs spécialistes de la faune sauvage de ce pays. Celui-ci me montra comment, lorsqu’on éclaire un scorpion noir avec une lampe à ultraviolets, il prend une couleur bleu vert. Son hypothèse était que, à l’exception des humains, la plupart des animaux sont capables de détecter les fréquences ultraviolettes dans l’obscurité. Je pense qu’écouter le monde offre une perspective comparable : nous pouvons renouveler notre appréhension des phénomènes naturels et sociaux. En cela, les sound studies pourraient être rapprochées de l’anthropologie lorsque celle-ci nous amène à considérer qu’il n’existe pas un point de vue unique et universaliste sur le monde mais des manières culturellement différenciées de penser les ontologies : regarder ou entendre un phénomène modifie-t-il la perception que nous avons ? Ne sommes-nous pas conduits à réélaborer les catégories à partir desquelles nous percevons habituellement le monde et qui sont essentiellement visuelles ? C’est exactement ce que veut dire Bernie Krause, lorsqu’il découvre à partir de ses enregistrements dans la forêt du Costa Rica que « la combinaison des voix animales définissait les limites territoriales très différemment des cartes géographiques détaillées que nous avions en main » (Krause, 2012, p. 113). Je dois ajouter ici que mon propos ne vise pas à accorder un degré supérieur d’objectivité au sonore, comme si la saisie du monde par le regard était moins fiable que par l’ouïe, mais simplement à l’envisager comme un renouvellement de notre expérience du monde. Il est en effet assez évident que les sound studies doivent se prémunir d’un certain nombre d’idées toutes faites : par exemple, que les villes s’opposeraient aux espaces naturels parce que les premières seraient bruyantes et les seconds silencieux, d’un silence originel quasiment édénique, représentation dont on trouve la trace ambiguë par exemple chez Schafer avec la notion de soundscape. Comme le note Elise Geissler, « le soundscape selon Schafer est une critique du monde moderne selon laquelle les sons de la civilisation post-industrielle sont presque toujours considérés comme négatifs. La théorie du soundscape, comme celle du paysage, entretient une relation confuse avec la notion de nature puisqu’elle propose d’entendre la réalité comme une œuvre de cette dernière. Ainsi, selon Schafer, la nature est comprise comme une immense « composition musicale » que l’on doit pouvoir harmoniser en valorisant les sons naturels […]. Ce parti pris naturaliste est secondé chez Schafer par une approche esthétisante, qui distingue les paysages sonores « hi-fi », c’est-à-dire de qualité (ceux de la nature idéalisée, avec des sonorités cycliques et originales), des paysages sonores « lo-fi » (ceux de la ville industrielle, aux sonorités répétitives et monotones). Dans un contexte naturel, toujours selon Schafer, le rapport entre le signal et le bruit de fond est tel que chaque son est entendu distinctement, ce qui n’est pas le cas en ville. Cette approche sous-entend que seuls les paysages naturels remarquables pourraient être appréciés » (Geisler, 2013).

17 Les exemples de ces nouvelles expériences sensibles et intellectuelles portées par l’écoute ne manquent pas, et j’espère qu’elles convaincront le lecteur de la valeur heuristique des sound studies, notamment lorsqu’elles inspirent ou sont inspirées par des propositions esthétiques : je pense par exemple à la façon dont l’artiste berlinoise Kristina Kubisch a converti des signaux électromagnétiques en sons, lors de ses « Electrical walks [14] ». En équipant le public de casques lors de ces déambulations urbaines, elle dessine une cartographie inédite des villes à partir du réseau invisible des champs électromagnétiques générés par des distributeurs d’argent, des portiques de sécurité, des radars, etc. Cette expérience révèle non seulement que chaque ville est dotée d’une signature sonore propre, mais que cette signature est reliée à l’omniprésence des systèmes de surveillance. Une des découvertes les plus troublantes de Kubisch est que les signaux électromagnétiques les plus anciens sont aussi les plus musicaux, les plus harmonieux, à l’inverse des sons les plus actuels, comme s’il existait une échelle des valeurs esthétiques qui se superposait à l’emprise croissante de la technologie et du néolibéralisme. Un autre exemple nous est proposé par des artistes comme Martin Howse, lequel donne à entendre la signature acoustique d’entités considérées comme inexpressives, tels les champignons, ou par Rudy Decelière qui cherche à faire entendre le bruissement de la nature ou encore Marcus Maeder, lequel enregistre avec des capteurs hyper-sensibles la vie intérieure des plantes [15]. Ici, l’étude de sons s’inscrit dans une démarche de type philosophique qui reconsidère la nature des plantes, envisagées non pas simplement comme des créatures organiques mais comme des êtres doués de sensibilité. Dans tous les cas, ce que j’ai cherché ici à souligner est le fait qu’une expérience sensible qui met en avant l’écoute du monde est susceptible de nous révéler ce monde sous un jour original et renouvelé, un peu comme Jean-Christophe Bailly suggère qu’il serait possible de « désanthropiser » imaginairement un paysage en en établissant la cartographie par la somme des trajectoires que les animaux qui le peuplent, le survolent, le parcourent réalisent : « De la sorte, au lieu de ressembler à une surface finie, comme celles que présentent les cartes, et à quelque échelle qu’on l’envisage, le pays apparaîtrait comme une sorte d’espace all over, chacune des lignes de cet espace, quoiqu’écrite dans la chair du monde, ne laissant aucune trace : dans l’air pas même un sillage, dans l’eau, quelques bulles et, sur terre, un peu d’herbe froissée [16] ».

18 En conclusion, il est possible que ce numéro de la revue Politiques de la communication soit une première au sein des Sciences de l’Information-Communication, puisque les sound studies n’y ont pas encore ou de manière très marginale fait leur apparition. Ceci démontre que là comme dans d’autres domaines – l’étude des cultures populaires par exemple –, la France n’est guère en avance sur les pays anglophones où les sound studies ne sont déjà plus émergentes mais assez largement émergées. Et qu’Attali, Barthes et Derrida soient à ce jour les seuls représentants de la pensée hexagonale dans les anthologies consacrées au domaine en dit assez long sur le retard pris.

19 Les textes réunis ici ne prétendent bien entendu pas constituer un état des lieux de la recherche dans le domaine : c’est là la fonction des anthologies, qui ne manquent d’ailleurs pas. Mon projet éditorial est autre : montrer comment différentes disciplines – l’histoire, la science politique, la sociologie, les cultural studies, l’ethnomusicologie, la littérature – peuvent traiter de questions sociales en s’appuyant sur le sonore, ou traiter du sonore en montrant comment il constitue une des dimensions du social. Qu’il s’agisse de l’histoire de l’enfermement asilaire en Australie (Dolly Mcinnon), de l’instrumentalisation de la musique à des fins politiques et religieuses en Malaisie (David Delfolie), des expressions sonores et sociales dans un quartier irlandais (Linda O’Keefe), de la culture populaire des fêtes foraines au Royaume-Uni (Ian Trowell), du thème de la musique dans la littérature américaine (Jonah Raskin), de l’écologie sonore (Bernie Krause), du lien entre musique et numérique au Mali (Emmanuelle Olivier), ou encore d’une proto-histoire des sound studies en France (Jean-François Augoyard), ces articles proposent des approches différenciées du sonore non seulement sur le plan disciplinaire mais également sur le plan des aires culturelles représentées. Au bout du compte, chercher à décrire la logique interne d’un champ est une chose. En être acteur en est une autre : c’est sur la ligne de crête entre ces deux postures que ce numéro se situe, ne définissant pas les sound studies, mais prenant acte des débats autour d’une discipline qui n’en est pourtant pas une [17].

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Date de mise en ligne : 18/01/2018

https://doi.org/10.3917/pdc.hs01.0005

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