L’inceste que les représentations désignent aujourd’hui comme une violence sexuelle commise par un parent sur un enfant est une construction relativement récente dans nos sociétés contemporaines. L’objet de cette présentation est de retracer succinctement les grandes étapes qui ont amené non seulement à la construction de cette définition contemporaine de l’inceste mais également à la construction des discours sur le tabou qui l’accompagne. De quelle manière est-on passé du crime d’inceste à la veille de la Révolution française aux violences incestueuses telles qu’on les conçoit aujourd’hui ?
L’inceste, avant 1791, n’est pas conçu comme une violence sur des enfants mais comme une sexualité criminelle. C’est un crime contre la parenté qui se commet au sein de la famille biologique, par alliance ou spirituelle. La législation d’Ancien régime ne distingue pas un agresseur et une victime. C’est la relation, dans son entier, qui est incestueuse et les degrés de parenté séparant le couple servent alors d’échelle pour définir la gravité du crime et de sa sentence. Plus l’inceste se situe au premier degré, plus le châtiment est grave. Ainsi, les relations entre frère et sœur ou entre père et fille sont punis de la peine capitale avec, là encore, une gradation dans la mort : un père et sa fille peuvent être condamnés à la brûlure vive tandis qu’un frère et une sœur peuvent être punis par pendaison ou décapitation. À noter cependant que si les lois d’Ancien Régime sont d’une sévérité exemplaire, l’application réelle des peines n’est pas systématique…