La notion de « techniques de soi » s’est imposée avec le travail entrepris par Michel Foucault au début des années 1980 pour « esquisser une histoire des différentes manières dont les hommes, dans notre culture, élaborent un savoir sur eux-mêmes » (Foucault, 2001a, p. 1603). À côté des techniques de production, des techniques de systèmes de signes, des techniques de pouvoir,
les techniques de soi sont des techniques qui permettent aux individus d’effectuer, seuls ou avec d’autres, un certain nombre d’opérations sur leur corps et leur âme, leurs pensées, leurs conduites, leur mode d’être ; de se transformer afin d’atteindre un certain état de bonheur, de pureté, de sagesse, de perfection ou d’immortalité (Foucault, 2001a, p. 1604).
L’« herméneutique du sujet » à laquelle s’attelle Foucault, conjointement avec ses études sur la sexualité, lui fait rechercher dans le monde antique les origines ou les fondements d’un rapport des hommes à eux-mêmes définissant les termes d’une « culture de soi » (Foucault, 1984 ; 2001b). Traversant toutes les écoles philosophiques, du platonisme à l’épicurisme, au cynisme et au stoïcisme, cette culture de soi prend en particulier la forme d’une recommandation à « s’occuper de soi-même », à « prendre soin de soi ». Selon Épictète, « l’homme est dans la nature l’être qui a été commis au souci de lui-même » (Foucault, 1984, p. 66).
Il ne faut évidemment pas confondre le « souci de soi » (epimeleia heautou, cura sui) des Anciens ni avec le « culte du moi » romantique, ni avec la « quête de soi » des humanistes modernes, ni avec les injonctions à l’autoréalisation de l’individualisme postmoderne…