Il y a près de vingt ans, le sociologue Didier Lapeyronnie
publiait dans la Revue française de sociologie un article
qui fit polémique : consacré à « l’académisme radical », il
analysait la tendance de la sociologie française, depuis le
début des années 1990, à importer le « combat politique »
dans l’espace scientifique conçu comme un espace de
« lutte » pour le « monopole » de la « vérité ». Ce vocabulaire identifie clairement l’origine du phénomène : il s’agit
du courant « bourdieusien » issu de la « sociologie critique » de Pierre Bourdieu et de ses disciples telle qu’elle
s’est infléchie dans la dernière décennie du xxe siècle en
direction de l’« engagement » (notamment à partir de La
Misère du monde en 1993), par quoi le célèbre sociologue
renouait avec la tradition sartrienne expérimentée lors des
deux premières glaciations.
Au-delà de ses thèmes privilégiés – les « phénomènes
de domination », les « pauvres » et les « inégalités », les
« processus de ségrégation » ou la « logique d’exclusion »
au sein des établissements scolaires –, ce qui caractérise
cette production universitaire est, selon Lapeyronnie,
l’« auto-référence comme “radical” » : « Les débats ne
portent jamais sur la science, sur le contenu des observations ou sur l’interprétation qu’il s’agit de leur donner.
La seule question qui vaille et l’unique préoccupation
sont de déterminer qui est vraiment radical et de montrer sa propre radicalité », quitte à « mettre en permanence en accusation les “autres”, à développer le soupço…
Date de mise en ligne : 15/12/2021