Depuis sa naissance en 1972 et son émergence en tant que puissance électorale en 1984, le Front national est pensé la plupart du temps comme une extrême droite – donc à concevoir uniquement dans l’univers référentiel de ce courant politique dans la longue période historique ou dans son insertion dans un ensemble plus large, celui de la droite et de ses différentes composantes. L’approche se focalise alors sur la transmission des éléments fondamentaux de cette culture politique d’une génération à l’autre, sur la reproduction de corpus idéologiques, d’attitudes et de comportements caractéristiques de cette famille de pensée. Au plan électoral, on s’intéresse à la pérennité d’ancrages territoriaux, à la transmission d’héritages anciens au sein des familles et aux processus de transferts et de recyclage à l’œuvre au sein des droites et, particulièrement, à la manière dont certains électeurs de droite peuvent être tentés par leur extrême. Nombre d’ouvrages qui ont été consacrés au développement du Front national s’inscrivent essentiellement dans cette perspective. Sans renier la pertinence de cette approche, il est nécessaire de penser le choix frontiste non pas uniquement à partir de la droite et de ses composantes mais aussi à partir de la gauche et des flux d’idées, de thématiques, d’inspirations, de militants et d’électeurs qui peuvent en provenir. Tout courant politique, surtout lorsqu’il connaît une dynamique aussi importante que celle qui nourrit le Front national, s’alimente à de multiples sources hétérogènes…