On entendra ici, par « individu », un sujet, un être attaché à sa propre identité par la conscience ou la connaissance de soi. Supposons que ce sujet, en ce sens philosophique du mot, soit également un sujet au sens politique du même mot ; supposons qu’il soit le « sujet » d’un roi : en ce cas, il n’obéira pas dans l’inconscience, comme le font vraisemblablement les animaux : il pensera quelque chose de son obéissance et de son maître, et aussi de lui-même comme sujet docile ou indocile de son roi.
Au sens convenu ici, donc, un individu n’est pas une bête dans le troupeau ; c’est au contraire un être qui attache du prix à l’image qu’il a de lui-même. Le souci de cette image peut le pousser à désobéir, à se révolter, mais il peut aussi bien, et même plus souvent, le pousser à obéir encore davantage ; entendue en ce sens, la notion d’invididu ne s’oppose pas du tout à celle de société ni à celle d’État. On peut dire alors que cet individu est atteint au cœur par la puissance publique lorsqu’il est atteint dans son image de soi, dans la relation qu’il a avec lui-même lorsqu’il obéit à l’État ou à la société. Nous voudrions distinguer cette atteinte de l’image de soi, qui a toujours été un des plus grands enjeux des conflits historiques, d’autres enjeux non moins importants, par exemple les enjeux économiques ou les enjeux de partage du pouvoir. Lorsqu’un individu est ainsi atteint dans sa propre idée de lui-même, on peut dire que sa relation avec la puissance publique est la même que celle qu’il aurait avec un autre individu qui l’aurait humilié ou, au contraire, conforté dans sa fierté…
Chapitre d’ouvrage
L’individu atteint au cœur par la puissance publique
- Par Paul Veyne
Pages 7 à 19
Citer ce chapitre
- VEYNE, Paul.
- Veyne, Paul.
- Veyne, P.
- Veyne, P.,
- Vernant, J.,
- Dumont, L.,
- Ricœur, P.,
- Dolto, F.,
- Varela, F.
- et Percheron, G.
https://doi.org/10.3917/ls.veyne.1987.01.0007
128 pages, format électronique (HTML et feuilletage, par chapitre)
