La situation contemporaine de la lecture fait l'objet de diagnostics contrastés. À bien des égards, on n'a sans doute jamais autant lu que dans les sociétés occidentales contemporaines, dans l'environnement desquelles l'écrit est omniprésent [Horellou-Lafarge et Segré, 2007], mais cette « massification » de la lecture recouvre une diffusion très inégale des pratiques de lecture, dans leur diversité.
Les milieux de la culture et de l'éducation s'alarment régulièrement d'une « crise » de la lecture, imputée notamment à l'influence de l'industrie du divertissement et des mass media, de la télévision en particulier. Bien que le volume des publications et des ventes de livres ne cesse de s'accroître, le constat dominant est, en France comme aux États-Unis [Robinson et Godbey, 1997] ou encore aux Pays-Bas [Knulst et Van den Broek, 2003], celui d'un recul de la lecture. Quelle est la réalité de cette crise ? Et comment analyser l'attention particulière dont elle fait l'objet ?
Bien loin des perversions prêtées à la télévision, au cinéma ou même à la musique (incitation à la violence ou à la paresse, dépravation des mœurs, etc., cf. chapitre II), la lecture apparaît comme la plus légitime des pratiques culturelles. Qu'elle soit scolaire ou de loisir, professionnelle ou distractive, la lecture est aujourd'hui parée de vertus que nul excès ne semble assombrir. Il n'en a pourtant pas toujours été ainsi.
Alors qu'elle symbolise aujourd'hui l'univers des pratiques savantes, la lecture a historiquement été l'un des vecteurs de la diffusion de la culture de masse, à travers la diffusion des illustrés, des feuilletons ou des romans sentimentaux [Kalifa, 2001]…
Mise en ligne 01/01/2011