Toute personne se déplaçant le fait avec son corps. Sauf en esprit ou en
songe, il ne lui est pas possible de se déprendre de son enveloppe corporelle, alors même qu’elle peut, dans des circonstances bien précises,
l’entraver ou la signaler à une autorité répressive chargée d’en mesurer la recevabilité, d’en assurer la protection ou l’agression, le maintien en liberté ou en
détention . La qualité des individus incarnés qui se déplacent conduit à distinguer ceux qui subiront la limitation de leur mobilité et éventuellement une
contrainte par corps et ceux qui bénéficieront d’un régime de circulation
favorable, inconditionnel, libérant leur corps de toute entrave légale ou spatiale. Selon ce régime tranché, seuls certains corps font frontière, se heurtant
à la solide matérialité de l’érection, en de multiples points du globe, de murs
physiques, liquides parfois, dotés d’une sophistication technologique
illimitée.
Là où d’autres traversent ces limites plus ou moins opaques distraitement, sans remarquer leur présence aléatoire, glissant sans heurt d’une latitude à une autre, d’un topos à un autre, d’autres entrent en collision frontale
avec ces obstacles modulés. Il n’est que d’avoir essuyé une seule fois le regard
interrogateur ou suspicieux d’un officier de police en présentant des documents d’identité et/ou de voyage pour prendre la mesure exacte de la frontière, de sa présence physique et mentale dans les lieux les plus imprévisibles
et de sa possible apparition brutale dans un paysage demeuré paisible pour
tous les autres, si d’aventure, les « papiers » présentés n’étaient pas les bons…