Les économistes sont « partout » et n’ont eu cesse de voir leur influence grandir dans l’université, la science, l’État et les entreprises. En Suisse comme dans d’autres cas nationaux, peu de lieux de pouvoir échappent à la représentation de cette discipline dont l’histoire moderne semble s’appuyer sur l’usage qu’elle fait des mathématiques et des statistiques pour « refléter le progrès inexorable d’une scientificité supérieure et décontextualisée, sans géographie ni temporalité propres ». Si elle est devenue de plus en plus importante au long d’un processus historique d’affirmation, elle n’en demeure pas moins soumise aux hiérarchies sociales qui structurent les institutions académiques, à commencer par les disciplines.
Conséquence de leur rôle central dans l’enseignement de la discipline, les professeur·es d’économie forment la base de sa structure, autant en termes de (re)production des idées que des modalités institutionnelles d’accès à la crédibilité scientifique. Leur pouvoir peut s’exercer au sein d’une institution donnée, par la présence d’économistes aux postes exécutifs (décanats et rectorats par exemple), mais aussi par l’accroissement de leur rôle en tant que « partenaires externes » des gouvernements académiques favorisant l’intégration d’enjeux poursuivis par des acteurs économiques et politiques. Ces professeur·es compris comme agent·es dominant·es peuvent, plus largement, exercer un pouvoir sur le capital en agissant sur les critères de sélection au sein de la discipline et les chemins d’accès aux différentes fonctions académiques…