Notes
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[1]
L’expression « sociétés de plantation » désigne l’ensemble des sociétés coloniales dont la production agricole (coton aux États-Unis, canne à sucre dans les colonies françaises, café au Brésil…) était permise par l’exploitation de la main-d’œuvre fournie par l’esclavage.
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[2]
Dans leurs langues, ce terme est moins courant que celui de « Bushikondesamas », « personnes du pays de la forêt ».
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[3]
Selon des estimations de Richard et Sally Price, dans Les Marrons, éd. Vents d’ailleurs, 2003.
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[4]
Les Marrons boni de Guyane : luttes et survie en logique coloniale (1712-1880), Jean Moomou, éd. Ibis Rouge, 2013.
1Le marronnage, entendu comme auto-émancipation des Africain·es déporté·es mis·es en esclavage, a existé dans toutes les sociétés de plantation [1]. Au Suriname et en Guyane, les communautés issues de cette histoire continuent d’exister et de parler leurs propres langues. En Guyane, les Bushinengué·es, littéralement « personnes noires de la forêt » [2], seraient actuellement une centaine de milliers [3].
2Au xviiie siècle, une partie des 300 000 Africain·es esclaves au Suriname s’échappent des plantations et créent des villages sur l’amont des fleuves, loin des côtes maîtrisées par les puissances coloniales anglaise puis néerlandaise. Les héritages culturels propres à chaque région d’origine ont été abîmés par les Blanc·hes qui mélangeaient volontairement les esclaves dans les bateaux comme à l’arrivée sur les plantations.
3Ce sont donc de nouvelles identités qui sont inventées sur le sol américain. Les esclaves qui résistent à l’intérieur des plantations jusqu’à l’abolition deviendront des Créoles, celles et ceux qui parviennent à s’échapper, des Bushinengué·es. Les guérillas de ces derniers contre les esclavagistes contraignent finalement les Provinces-Unies à négocier la paix grâce à des traités. Les un·es comme les autres parlent des langues à base lexicale anglaise hybridées de langues africaines, ainsi que des langues européennes des anciens maîtres. Les sociétés bushinenguées se forgent aussi dans la rencontre avec les Amérindien·nes dans l’intérieur des terres, où se tissent des relations de commerce et de voisinage, mais naissent aussi des conflits. Les techniques de navigation, les usages des plantes ou la connaissance des divinités peuplant la forêt se transmettent et se transforment à cette période.
4Sur le fleuve Maroni où s’installent Ndjukas, Paramakas et Alukus (aussi appelés Bonis), la vie s’organise sur les deux rives dès le xviiie siècle, indépendamment de la frontière qui sépare le Suriname (britannique puis néerlandais) de la Guyane (française). Une réalité transfrontalière qui perdure jusqu’à aujourd’hui.
Quand l’empire colonial néerlandais accepta de négocier la paix avec ses esclaves fugitifs
5Les Saramakas, Matawaïs et Kwintis, dont les territoires traditionnels se trouvent au centre et dans l’ouest du Suriname, ont aussi une tradition d’allers-retours réguliers entre l’un et l’autre pays qui remonte à 1860. C’est alors la ruée vers l’or et de nombreux hommes viennent quelques mois ou quelques années en Guyane pour travailler comme piroguiers. Certains s’installent et fondent une famille, souvent avec des femmes créoles. Au milieu du xxe siècle, l’exploitation de l’or connaît un sérieux ralentissement qui va pousser une partie des populations bushinenguées vers les centres urbains. À Saint-Laurent-du-Maroni, elles se font embaucher dans l’industrie forestière, et à Kourou, pour la construction du tout nouveau Centre spatial guyanais qui s’installe. La guerre civile éclatant en 1986 au Suriname [lire p. 167], qui pousse des milliers de personnes, en grande majorité bushinenguées, à se réfugier côté français, n’est donc que le dernier épisode d’une longue histoire transfrontalière.
6Si les Alukus (dont les ancêtres ont été des allié·es historiques de la France [4]) sont reconnu·es comme citoyen·nes, de nombreux·ses autres Bushinengué·es sont aujourd’hui installé·es du côté français, sans pour autant réussir à obtenir des papiers. Malgré leur ancrage dans le pays, les Bushinengué·es subissent toujours de nombreuses discriminations [lire p. 162].
Notes
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[1]
L’expression « sociétés de plantation » désigne l’ensemble des sociétés coloniales dont la production agricole (coton aux États-Unis, canne à sucre dans les colonies françaises, café au Brésil…) était permise par l’exploitation de la main-d’œuvre fournie par l’esclavage.
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[2]
Dans leurs langues, ce terme est moins courant que celui de « Bushikondesamas », « personnes du pays de la forêt ».
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[3]
Selon des estimations de Richard et Sally Price, dans Les Marrons, éd. Vents d’ailleurs, 2003.
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[4]
Les Marrons boni de Guyane : luttes et survie en logique coloniale (1712-1880), Jean Moomou, éd. Ibis Rouge, 2013.