Notes
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[1]
Sur l’historiographie du néolibéralisme en France, voir l’introduction de ce numéro.
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[2]
Voir les articles de Florence Descamps et de Mathieu Fulla dans ce numéro.
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[3]
Il s’agit des témoignages recueillis lors du séminaire organisé à l’École pratiques des hautes études (EPHE) par Florence Descamps et Laure Quennouëlle-Corre sur « L’histoire du ministère des Finances au 20e siècle » et conservés au Comité pour l’histoire économique et financière de la France (CHEFF), ainsi que des témoignages recueillis par l’auteure pour ses propres recherches.
-
[4]
Le rationnement financier qui a conduit au dirigisme fut plus intense en France qu’ailleurs. Voir Frederic Mishkin, Christian Bordes, Dominique Lacoue-Labarthe, Nicolas Leboisne et Jean-Christophe Poutineau, The Economics of Money, Banking and Financial Markets, Paris, Pearson Education, 2013.
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[5]
Notamment par Michel Margairaz, « Les nationalisations : la fin d’une culture politique ? », in Serge Berstein, Pierre Milza et Jean-Louis Bianco (dir.), François Mitterrand : les années du changement, 1981-1984, Paris, Perrin, 2001, p. 344-384. Voir aussi André Delion et Michel Durupty, Les Nationalisations de 1982, Paris, Economica, 1982. Sur un cas précis voir Laure Quennouëlle-Corre, « Paribas et le monde : les enjeux de la nationalisation de 1982 », in Florence Descamps, Roger Nougaret et Laure Quennouëlle-Corre (dir.), Banque et société, xixe-xxe siècle : identités croisées, Bruxelles, Peter Lang, 2016, p. 165-179.
-
[6]
Pour reprendre la distinction faite par M. Margairaz, « Les nationalisations… », op. cit., p. 351. Les minimalistes étaient partisans d’une nationalisation à 51 % pour les banques de plus d’un milliard de francs de dépôts.
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[7]
Jacques Delors, Mémoires, Paris, Plon, 2003, p. 137.
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[8]
Archives privées Jean-Yves Haberer (AP JYH), note du 22 juin 1981 sur la compatibilité de la nationalisation de l’ensemble des banques inscrites avec le traité de Rome, 27 p.
-
[9]
AP JYH, note du 2 décembre 1981.
-
[10]
AP JYH, note pour le ministre du 11 décembre 1981.
-
[11]
Ibid.
-
[12]
Sur le détail du projet, voir M. Margairaz, « Les nationalisations… », op. cit., p. 376.
-
[13]
Michel Durupty, Les Privatisations en France, Paris, La Documentation française, « Notes et études documentaires, 4857 », 1988.
-
[14]
Note du 17 février 1982, citée par ibid., p. 24. M. Margairaz relève aussi un objectif de « gestion assainie » des entreprises publiques, bien avant l’arrivée de Laurent Fabius comme ministre de l’Industrie en 1983 (M. Margairaz, « Les nationalisations… », op. cit., p. 369 sqq.).
-
[15]
Alain Plessis, « État et système bancaire », Vingtième Siècle : revue d’histoire, 52, octobre-décembre 1996, p. 85-93.
-
[16]
La distinction faite par la loi de 1941 entre banques inscrites et établissements à statut légal spécial comprend sous cette appellation des institutions semi-publiques comme le Crédit national, le Crédit foncier, le Crédit agricole et les caisses d’épargne. Elle ne sont pas soumises au contrôle de la Banque de France mais à celui du Trésor.
-
[17]
Pierre-René Cassou, « La réglementation bancaire, entre intérêt général et intérêts particuliers », in Hubert Bonin et Jean-Marc Figuet (dir.), Crises et régulations bancaires : les chemins de l’instabilité et de la stabilité bancaire, Genève, Droz, 2016, p. 252.
-
[18]
Éric Monnet, « La politique de la Banque de France au sortir des Trente Glorieuses : un tournant monétariste ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 62(1), 2015, p. 147-174.
-
[19]
Il s’agit de prêts bancaires dont l’intérêt est partiellement pris en charge par l’État (bonification d’intérêt).
-
[20]
Marianne Bertrand, Antoinette Schoar et David Thesmar, « Banking Deregulation and Industry Structure : Evidence from the French Banking Reforms of 1985 », The Journal of Finance, 62 (2), avril 2007, p. 597-628.
-
[21]
Marie-Claude Esposito, « Le moment Thatcher », in Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l’Europe libérale : libéraux et libéralisme en Europe xviiie-xxie siècle, Paris, Nouveau Monde éditions, 2016, p. 299-317.
-
[22]
Archives de Sciences Po, fonds David Dautresme, dossier D 54, lettre de Jacques Delors et Laurent Fabius au président de la Commission, 10 septembre 1981.
-
[23]
Archives de Sciences Po, fonds David Dautresme, résumé du rapport de la Commission de l’épargne.
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[24]
Voir le détail des mesures dans Joël Métais et Philippe Szymczak, Les Mutations du système financier français, Paris, La Documentation française, « Notes et études documentaires, 4820 », 1986.
-
[25]
Voir l’article de Florence Descamps dans ce numéro.
-
[26]
Ancien élève de l’École normale supérieure en sciences, agrégé de sciences physiques, diplômé de l’Université de Princeton, inspecteur des Finances, Claude Rubinowicz était alors chef de bureau à la Caisse des dépôts et consignations en charge des placements de la Caisse.
-
[27]
Ancien élève de l’École normale supérieure en sciences, diplômé d’un master en économie de l’Université Harvard, inspecteur des Finances, chargé de mission à la direction du Trésor, Jean-Charles Naouri est le directeur de cabinet de Claude Rubinowicz aux Affaires sociales puis à l’Économie et aux Finances en 1984.
-
[28]
Ancien élève de l’École centrale, André Gauron a fait sa carrière à l’INSEE, au Commissariat au Plan et à la Direction de la prévision. Syndicaliste affilié à la CFDT, il s’est préoccupé des questions de financement de l’économie puis de la Sécurité sociale.
-
[29]
Jacques Desponts offre un parcours atypique pour un homme de cabinet : militant socialiste, candidat aux élections législatives en Normandie, employé de banque à la BNP. Il est le seul membre du cabinet Delors à avoir accepté de rester dans celui de Pierre Bérégovoy. Ce dernier le nommera directeur des relations économiques extérieures au ministère de l’Économie et des Finances en novembre 1989.
-
[30]
La tension entre le cabinet politique et l’administration est manifeste : « Le Trésor, un pouvoir négatif », selon Jacques Desponts, intervention au séminaire organisé à l’École pratique des hautes études (EPHE) par Florence Descamps et Laure Quennouëlle-Corre « Histoire du ministère des Finances au 20e siècle », 4 mars 2015.
-
[31]
Selon les termes de Christian Sautter, « Introduction », in Comité pour l’histoire économique et financière (dir.), Pierre Bérégovoy, une volonté de réforme au service de l’économie : 1984-1993, Paris, CHEFF, 1998, p. ix.
-
[32]
Jean-Charles Naouri (dir.), Livre blanc sur la réforme du financement de l’économie, Paris, La Documentation française, 1986.
-
[33]
Laure Quennouëlle-Corre, La Place financière de Paris au xxe siècle : des ambitions contrariées, Paris, CHEFF/IGPDE, 2015, p. 365.
-
[34]
Sans entrer dans des détails techniques, rappelons que le développement de ces nouveaux produits financiers était destiné à mutualiser les risques et donc à les limiter tant pour leurs émetteurs que pour les investisseurs. Face à la forte volatilité des taux de change et des taux d’intérêt en cours à l’époque, ces innovations financières paraissent alors bénéfiques.
-
[35]
Témoignage de Claude Rubinowicz, entretien avec l’auteure, mars 2012 ; intervention du directeur du Trésor entre 1984 et 1987, Daniel Lebègue, au séminaire organisé à l’EPHE par Florence Descamps et Laure Quennouëlle-Corre « Histoire du ministère des Finances au 20e siècle », 10 avril 2013.
-
[36]
À l’image des autres pays industrialisés, le besoin de ressources budgétaires nouvelles et l’accroissement de la dette publique ont clairement poussé à la libéralisation des marchés de capitaux. La réduction de la dette publique n’est pas un marqueur libéral à l’époque.
-
[37]
Rocher Chinaud, « Rapport sur le projet de loi sur les Bourses de valeurs », Sénat, décembre 1987-janvier 1988.
-
[38]
Les témoignages oraux cités ici ont été recueillis lors d’interventions au séminaire organisé à l’EPHE par Florence Descamps et Laure Quennouëlle-Corre « Histoire du ministère des Finances au 20e siècle », 2012-2016, ou par l’auteure.
-
[39]
Christiane Rambaud, Bérégovoy, Paris, Perrin, 1994.
-
[40]
Ibid., p. 54 sqq.
-
[41]
Frédéric Fogacci, « Le dernier des mendésistes ? Pierre Bérégovoy et Pierre Mendès France », in Noëlline Castagnez et Gilles Morin (dir.), Pierre Bérégovoy en politique, Paris, L’Harmattan, « Cliopolis », 2013, p. 87-97.
-
[42]
Alain Chatriot, Pierre Mendès France, pour une république moderne, Paris, Armand Colin, 2015.
-
[43]
Voir Michel Margairaz (dir.), Pierre Mendès France et l’économie : pensée et action, Paris, Odile Jacob, 1989.
-
[44]
François Stasse, L’Héritage de Mendès France : une éthique de la République, Paris Éd. du Seuil, 2004, p. 97. Toutefois, le conseiller économique à l’Élysée de Mitterrand ne cite pas Bérégovoy parmi les dirigeants politiques qui se sont inscrits dans une même approche.
-
[45]
Mathieu Fulla, « Le politique-expert : du Parti socialiste au Conseil économique et social », in N. Castagnez et G. Morin (dir.), Pierre Bérégovoy…, op. cit., p. 123-141.
-
[46]
Selon Pierre-Yves Cossé, Le Vermeil et la Vie, Paris, Sépia, 1998, p. 228. Pierre-Yves Cossé, inspecteur des Finances, est chargé de mission auprès de Jacques Delors jusqu’en 1982, date à laquelle il entre à la BNP.
-
[47]
Entretien de l’auteure avec Claude Rubinowicz.
-
[48]
Voir les mémoires de Régis Paranque, proche collaborateur de Pierre Mendès France, de Jacques Chaban-Delmas puis de Pierre Bérégovoy : Régis Paranque, De Mendès France à Bérégovoy : l’honneur en politique, Paris, Pascal Galodé éditeurs, 2011, chap. 8.
-
[49]
Préface de Pierre Bérégovoy dans J.-C. Naouri (dir.), Livre blanc…, op. cit., p. 6.
-
[50]
Cité par Éric Israelewicz dans « Pierre Bérégovoy : une politique économique », colloque du 25 avril 1996 au Conseil économique et social, association des anciens membres de cabinet de Pierre Bérégovoy, exemplaire dactylographié, p. 23.
-
[51]
Voir Emmanuel Masset-Denèvre, « Le franc fort : instrument ou enjeu de la désinflation compétitive », in Comité pour l’histoire économique et financière (dir.), Pierre Bérégovoy…, op. cit., p. 129-225. Cet ouvrage réunit des discours de Bérégovoy commentés par des chercheurs.
-
[52]
Témoignage d’André Gauron, dans ibid.
-
[53]
Ministère de l’Économie et des Finances, direction du Trésor, Philippe Jurgensen, note de la direction du Trésor, « 47 questions sur la réforme monétaire internationale », 30 janvier 1980, 13 p. ; Floriane Galeazzi, « La France et la réforme du système monétaire international (1961-1987) : le rôle des experts du Groupe de travail n° 3 de l’OCDE », thèse pour le doctorat en histoire, Université de Rouen, 2015.
-
[54]
Voir la conclusion de Benjamin Ménard, in Comité pour l’histoire économique et financière (dir.), Pierre Bérégovoy…, op. cit., p. 125-127.
-
[55]
Marie-Claude Esposito, « Le moment Thatcher », in D. Barjot et al. (dir.), Histoire de l’Europe libérale…, op. cit., p. 298-317.
-
[56]
Les corporatismes, qui constituent autant de nœuds de résistance au néolibéralisme, s’opposent à ce dernier, qui se fonde sur un ordre de la concurrence. Celui en place au ministère des Finances en est un bel exemple.
1Y a-t-il réellement eu un tournant de la rigueur en 1983 pendant le premier septennat de François Mitterrand, élu en 1981 sur un programme économique socialiste ? Laure Quenouëlle-Corre revient sur ce lieu commun de l’histoire économique en étudiant en détail la politique financière du gouvernement socialiste. Revisitant la chronologie, elle montre de subtiles continuités avec les politiques financières précédentes et nuance la thèse d’une prétendue conversion des décideurs au « néolibéralisme ».
2Parmi les axes de la politique économique qui ont subi des changements majeurs durant le premier septennat de François Mitterrand, la politique bancaire et financière tient une place à part. D’abord, elle évolue dans le sens d’une libéralisation de manière distincte d’autres éléments essentiels de la politique économique que sont la fiscalité et le budget. Elle subit ensuite en quelques années des inflexions importantes tout en montrant sous certains aspects des continuités plus surprenantes. Enfin, l’enjeu dépasse ce seul secteur puisque les mesures prises par les socialistes dans le domaine financier sont considérées par de nombreux chercheurs comme le point de départ de la financiarisation de l’économie française dans les années 1980 et du tournant libéral qui serait intervenu en France au milieu de la décennie [1].
3L’histoire bancaire et financière pose ainsi de manière différente la question du tournant éventuel opéré en mars 1983. Elle révèle également l’évolution du rapport de force au sein de l’État et du Parti socialiste entre les tenants du maintien des engagements de 1981, les partisans d’une pause dans les réformes et ceux qui entendent réformer l’économie de marché [2].
4Notre propos centré sur les modifications de la politique bancaire et financière, entendue ici comme l’ensemble des initiatives et des réformes des mécanismes d’intervention publique sur les marchés de l’argent, souhaite répondre à la question de l’inflexion, voire du tournant éventuel pris dans ce domaine au cours des années 1982-1985. S’agit-il véritablement d’une conversion des décideurs politiques au libéralisme ? Notre étude entend également revisiter la coupure établie par l’historiographie autour du plan de mars 1983, pour la replacer dans une périodisation élargie. Dans ce même numéro, l’article de Jean-Charles Asselain souligne les très fortes continuités entre la politique du gouvernement Barre avant 1981 et celle du gouvernement socialiste à partir de 1983, tant du point de vue des objectifs que des principaux résultats. Ses conclusions sont élaborées à partir des chiffres clés de l’évolution de l’économie française entre 1973 et 1990 : taux de croissance, niveau des emplois, des investissements et des exportations. À travers l’étude de la sphère financière et monétaire, nous souhaitons remettre en question les ruptures chronologiques fondées sur les changements de gouvernement pour élargir la focale à l’ensemble de la décennie 1978-1986.
5Après l’article de Florence Descamps sur les hauts fonctionnaires des Finances dans ce numéro, il s’agit, à travers l’étude de la politique menée, de situer les actes des décideurs publics dans une perspective plus longue, d’analyser les fondements et les objectifs de leurs démarches ainsi que leurs effets à court et à moyen terme. Les sources écrites utilisées sont diverses et avaient été peu explorées jusqu’à présent : archives de la direction du Trésor, fonds Euronext, archives personnelles de Jean-Yves Haberer, de Jacques de Fouchier et de David Dautresme, hauts fonctionnaires et anciens banquiers, et de nombreux témoignages oraux [3] ou mémoires. Cet article se concentre sur deux aspects qui offrent des chronologies contrastées, bien loin du tournant symbolique de mars 1983 : les réformes bancaires et l’ensemble de la politique financière conduite tour à tour par Jacques Delors et par Pierre Bérégovoy. D’une part, ces moments illustrent tantôt des changements d’orientation, tantôt des continuités, et in fine remettent en question l’idée d’un tournant de la politique bancaire et financière sur le moyen terme. D’autre part, l’analyse fine des ressorts de la décision fait apparaître des inflexions contradictoires et des mouvements complexes qui s’apparentent à un processus de libéralisation à plusieurs vitesses, dicté par les contraintes d’une conjoncture tourmentée plutôt que par des choix idéologiques. Ces éléments conduisent à remettre en question à la fois l’idée d’un tournant et celle d’une inflexion libérale des réformes menées, et contribuent à proposer une nouvelle périodisation du premier septennat de François Mitterrand.
De Monory à Delors, une approche gestionnaire
6Cette partie se propose de revisiter la conduite de la politique financière de Mitterrand, en mettant l’accent sur son décalage temporel avec le discours politique et sur les faces cachées de la politique économique menée entre 1981 et 1983. Deux points importants sont abordés : d’abord la rupture avec l’équipe politique barriste sur la question des nationalisations bancaires et industrielles, ensuite, la continuité entre René Monory, ministre de l’Économie de Valéry Giscard d’Estaing, et Jacques Delors, occupant le même poste au sein du gouvernement socialiste, en matière de politique de l’offre et de réforme des marchés financiers.
Banque et crédit : dirigisme ou libéralisation ?
7Le terme de « dirigisme financier » couramment utilisé par les chercheurs [4] pour caractériser la politique financière française depuis 1945 recouvre bien des nuances de l’intervention publique. Il peut se décliner dans trois grands domaines d’action : la propriété du capital par l’État, la réglementation de la concurrence bancaire et la segmentation du crédit et, enfin, l’administration des taux et des quantités de crédit par les autorités monétaires. Par ces différents canaux, l’État (et non une banque centrale indépendante) contrôle la distribution du crédit, une politique dont l’efficacité est remise en question en France dans les années 1970. La crise économique de 1974 révèle des goulots d’étranglement en matière de financement des entreprises et des travaux d’experts de la Banque de France et du ministère des Finances appellent à une réorientation des ressources financières vers la Bourse. Existe-t-il là des continuités d’une décennie à l’autre, en dépit d’un changement de majorité politique ? Si c’est le cas, peut-on encore parler d’une inflexion libérale ?
8Considérées comme le pilier du programme économique du candidat Mitterrand, les nationalisations de 1981 ont déjà été bien étudiées [5]. Il s’agit seulement ici de les remettre en perspective par rapport au soi-disant dirigisme financier du gouvernement socialiste, en se focalisant sur la nationalisation d’un secteur emblématique du capitalisme, celui des banques. Dès les années 1970, au sein du Parti socialiste, les projets divergent dans leur philosophie et leur conception. Il n’y a pas de rupture au sein de la majorité politique, mais un changement des rapports de force entre les « minimalistes » qui tendent à minorer le périmètre et la portée des nationalisations et les « maximalistes », favorables à une nationalisation à 100 % de toutes les banques [6]. C’est surtout dans l’entourage de Jacques Delors [7], de Pierre Mauroy et au ministère des Finances que l’on retrouve les positions minimalistes. Dans un premier temps, le rapport de force est défavorable aux hauts fonctionnaires des Finances et à la direction du Trésor, qui incarne une position modérée sur le pourcentage de nationalisation et sur le périmètre du secteur bancaire nationalisable. Les notes de la direction reflètent toutefois une attitude légitimiste et une obéissance au nouveau pouvoir. Le Trésor se contente alors de mettre en garde le législateur sur le risque de recours de la part des instances européennes en cas de nationalisation de l’ensemble du système bancaire français, car elle pourrait conduire à une discrimination entre Français et étrangers [8]. In fine, les positions maximalistes en faveur d’un vaste périmètre d’entreprises à nationaliser (notamment dans le secteur bancaire) l’emportent après d’intenses débats au Parlement : les lois de février 1982 touchent 39 banques et 2 compagnies financières.
9Les lois sont suivies d’un renouvellement complet des conseils d’administration de ces établissements. Matignon et le ministère des Finances, rue de Rivoli, avec l’aval de l’Élysée, ont joué un rôle décisif dans les nominations des présidents des entreprises nationalisées, une opération chronophage qui a monopolisé les énergies de conseillers techniques et de ministres de juillet 1981 à février 1982. Chaque conseil d’administration de banque doit se composer de cinq représentants de l’État et de cinq personnalités choisies en fonction de leur compétence. Les nominations aboutissent donc de fait à faire entrer des hommes de sensibilité de gauche certes, mais surtout des hauts fonctionnaires du Trésor et de l’Inspection des finances (selon les recommandations du Trésor). Le directeur du Trésor, Jean-Yves Haberer, alerte également le ministre de l’Économie et des Finances sur le fait que les membres choisis ès qualité devront aussi être désignés par le ministre, « seul tuteur des banques nationales » et seul responsable de la gestion des participations de l’État [9]. Elles devront être « compétentes en matière bancaire et financière ». « Le ministre doit rester seul juge du choix de huit au moins des membres du Conseil, pour les grands établissements à tout le moins. » [10] Il n’a pas été possible de recenser toutes les nominations dans les conseils d’administration des banques, mais il semble bien que le cabinet de Jacques Delors ait accepté la manière de voir du directeur du Trésor et que, exceptées les nominations des présidents, l’homogénéité professionnelle des membres de conseil ait entretenu une certaine continuité de leur composition.
10La situation particulière des compagnies financières, dont le cœur de métier est d’acheter et de vendre des participations, fait l’objet de toutes les attentions. La cession d’actifs à des partenaires étrangers pour limiter les conséquences de la nationalisation est défendue dès la fin de l’année 1981 par le directeur du Trésor : « Sur le fond, il m’apparaît que même en cas de nationalisations extensives, nous avons intérêt à maintenir notre politique traditionnelle d’accueil libérale des étrangers, afin de maintenir et de développer le rôle international de la place financière de Paris, bénéfique à tous égards pour notre économie. » [11] Il conclut : « Ici encore la meilleure solution pourrait consister à adopter une politique dilatoire, au moins pour les affaires “nouvelles” (les affaires anciennes pouvant être autorisées), par pression sur l’AFB [Association française de banques] et utilisation de la réglementation des changes. » Et Jean-Yves Haberer agite la menace de difficultés avec la Commission européenne en cas de refus de cession à des ressortissants de la CEE. Subtilement, le Trésor fait remonter son avis au ministre et lui donne des arguments pour peser face aux partisans maximalistes d’un large périmètre de nationalisation.
11En 1982, lors de la présentation du projet de loi sur la « respiration du service public [12] », le débat se focalise à nouveau sur les cessions ou achats de participations des compagnies financières nationalisées. Cependant, le projet de loi censé réglementer cette question soulève des obstacles à la fois techniques et politiques de mise en œuvre et est finalement abandonné dès 1983. De fait, les frontières entre public et privé, entre national et étranger s’estompent progressivement à travers des mesures entérinées par le gouvernement : environ soixante-dix filiales d’entreprises nationalisées sont cédées au secteur privé entre 1983 et 1985. Par un accord tacite sur une forme de privatisation, la dilution progressive du capital de l’État s’opère par la mise en place de titres participatifs (loi de janvier 1983) et d’actions sans droits de vote. Elles permettront par la suite aux entreprises nationalisées de lever 25 milliards de francs entre 1983 et 1986 [13]. Le seuil de 100 % de capital public n’est déjà plus de mise. Par le biais des privatisations rampantes, l’infléchissement vers ce que l’on a appelé à l’époque la « respiration du service public » existe bel et bien, mais il n’est pas reconnu.
12Au-delà de ce que l’on sait de l’autonomie de gestion des entreprises nationalisées très rapidement affirmée par Jacques Delors puis, par Laurent Fabius, on assiste de fait au recul des nationalisations et à la limitation du périmètre du secteur public. Cela s’accompagne d’un discours gestionnaire sur ces entreprises et sur la recherche de rentabilité économique prônée par Jean-Pierre Chevènement lui-même dès février 1982 [14]. Le dirigisme du crédit affiché en 1981, dont les nationalisations bancaires devaient être un vecteur essentiel, s’est transformé en gestion pragmatique des entreprises nationalisées.
13Ces éléments concourent à accréditer l’idée d’une chronologie des nationalisations beaucoup plus fluctuante qu’on a pu le dire ou l’écrire. Elle trouve son aboutissement dans les orientations du second septennat de 1988-1993 à travers le slogan « ni nationalisations, ni privatisations ». Néanmoins, il existe une différence de fond entre l’approche gestionnaire des entreprises nationales de plusieurs membres du gouvernement en 1982-1983 et la doctrine libérale qui entend privatiser et réduire le périmètre de l’État et qui est affichée et mise en œuvre par le gouvernement Chirac en 1986. L’étude d’autres volets de la politique financière permet de démontrer le décalage entre les objectifs politiques énoncés et la poursuite d’une modernisation à petit pas du secteur.
14Depuis 1945, le secteur bancaire commercial, particulièrement protégé par l’État, est à la fois concurrencé par un secteur bancaire public et semi-public imposant et soumis à une réglementation stricte des taux d’intérêt, à une segmentation de ses activités et à une sélectivité du crédit destinée à favoriser certains secteurs économiques [15]. En résumé, la coexistence des banques commerciales nationalisées mais soumises à des règles de gouvernance de comptabilité et de crédit différentes de celle des « établissements à statut légal spécial [16] » montre la permanence d’un système bancaire français segmenté et peu concurrentiel depuis la loi bancaire de 1941. En 1985, les établissements à statut légal spécial collectent encore plus de 50 % des dépôts et distribuent près de 40 % des crédits [17]. En préparation depuis 1980 et élaborée par les équipes de Jacques Delors, la loi bancaire de janvier 1984 marque une volonté de rendre le secteur bancaire plus concurrentiel, en alignant les statuts des banques commerciales avec ceux d’établissements mutualistes du point de vue de la réglementation et de la surveillance des établissements. Partant d’un constat d’inefficacité du système bancaire, elle ne constitue qu’une homogénéisation du secteur et un petit pas vers sa libéralisation. Du détricotage du système bancaire élaboré en 1941 à la libéralisation complète du système dans les années 2000, il subsiste une marge importante qui n’a pas été franchie dans la première moitié des années 1980.
15Autre aspect de la politique bancaire, la politique du crédit menée alors en France peut-elle être assimilée à une politique libérale ? Ce domaine reste particulièrement soumis à l’injonction des pouvoirs publics, via l’administration des taux d’intérêt et surtout le canal de l’encadrement du crédit. Le maniement des taux était le moyen d’intervention privilégié par la Banque de France depuis le 19e siècle. À partir de 1948, c’est le contrôle par les quantités qui devient l’arme d’intervention la plus utilisée par la banque centrale. La tentative libérale de réformer les réglementations quantitatives et de créer un marché monétaire en 1969 tourne court, la France renouant très vite avec sa traditionnelle politique du crédit [18]. Plus encore, l’encadrement du crédit qui avait été utilisé ponctuellement depuis 1958 est mis en place de manière permanente à partir de 1973. Il s’agit alors de fixer mensuellement un plafond pour la croissance des crédits de chaque banque, mais, en revanche, les prêts subventionnés par l’État [19] ne sont pas soumis à plafonnement. Or, à partir de 1981, pour accompagner la politique industrielle de soutien à l’emploi, les prêts subventionnés aux entreprises en difficulté augmentent considérablement, rendant la mise en place de l’encadrement du crédit de plus en plus complexe et la politique des taux d’intérêt inefficace [20].
16Du point de vue des banques, donc, la période 1981-1984 est caractérisée par un double mouvement : la poursuite d’une politique du crédit dirigiste, en même temps qu’une politique feutrée de libéralisation, qui ne peut pourtant être assimilée à une politique libérale telle qu’elle se conçoit à l’époque aux États-Unis ou au Royaume-Uni [21].
Orienter l’épargne vers les entreprises
17Si la réforme des structures et des circuits bancaires n’est pas à l’ordre du jour, l’idée de développer l’épargne et de l’orienter vers les entreprises continue de faire son chemin : après le succès des mesures de René Monory en faveur des sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) et des actions placées en Bourse, le nouveau ministre des Finances Jacques Delors entend bien imprimer sa marque en faveur du financement des investissements.
18Dans un premier temps, l’accent est mis sur le développement de l’épargne pour financer les entreprises. Dès octobre 1981, Jacques Delors et Laurent Fabius commandent à la Commission de l’épargne un rapport proposant des mesures pour accroître « le volume d’épargne destiné au financement de l’effort d’investissement » et favoriser la création d’emplois [22]. La lettre de mission envoyée au président de ladite Commission, David Dautresme, alors directeur-général adjoint du Crédit Lyonnais, montre la volonté de favoriser l’épargne à long terme (leitmotiv des recommandations depuis les années 1960), mais aussi, de manière plus originale, d’encourager et de protéger l’épargne populaire. Le défi que la Commission de l’épargne doit relever est d’articuler l’équité et la justice sociale avec l’efficacité économique et la limitation du coût global pour les finances publiques. Bel exemple d’approche social-démocrate… D’emblée, la composition de la Commission de l’épargne tranche avec celle des habituelles instances chargées de rapports publics et truffées de hauts fonctionnaires. À sa tête, David Dautresme, alors directeur-général adjoint du Crédit lyonnais, est un ami de longue date de Jacques Delors ; parmi les treize membres de la Commission, on retrouve des proches du ministre en place Jacques Delors et de son association Échanges et projets (les hauts fonctionnaires Jean-Michel Bloch-Lainé, Jean-Baptiste de Foucauld, Bernard Tricot), des syndicalistes (Pierre Valerenberghe, UCC-CFDT) et des experts économistes proches des socialistes (Pierre Uri, Dominique Strauss-Kahn). Sans pouvoir développer tous les aspects du volumineux rapport de cinq cents pages, signalons que les discussions de la commission révèlent des préoccupations sociales qui incitent notamment les rapporteurs à se démarquer des lois Monory sur la question de la défiscalisation, « les dépenses fiscales ayant des effets redistributifs regrettables [23] ».
19Même s’il ne prend pas en compte toutes les recommandations du rapport Dautresme, le train de mesures décidé ensuite par Jacques Delors les reprend en grande partie. Une première série de mesures en 1982-1983 concerne l’épargne des ménages qui est incitée à opter pour des placements longs. Dès avril 1982, avant la publication du rapport, le livret d’épargne populaire est créé. La loi de finances pour 1983 institue le compte d’épargne en actions avec crédit d’impôt, la loi du 3 janvier 1983 sur le développement des investissements et la création de l’épargne offre de nouveaux instruments d’épargne et simplifie l’imposition des plus-values de cession mobilières. La loi du 8 juillet 1983 institue le compte pour le développement industriel (CODEVI), placement à vue défiscalisé qui connaîtra un franc succès, puis le livret d’épargne entreprise (LEE) est mis en place par la loi du 8 juillet 1984 [24].
20En complément de ces mesures, pour renforcer les fonds propres des entreprises, trois nouveaux types de placement sont créés à mi-chemin entre actions et obligations par la loi du 3 janvier 1983. En corollaire, une politique sélective du crédit pour soutenir l’investissement productif est relancée.
21En définitive, l’orientation de l’épargne vers les entreprises qui est décidée en 1982-1984 se situe par certains côtés dans la continuité de la politique de René Monory en faveur de l’investissement des entreprises. L’inflexion favorable à l’épargne populaire et l’optique affichée de créer des emplois apparaissent cependant comme neuves. De ce point de vue, la politique financière de Jacques Delors, guidée par des préoccupations économiques et sociales, est caractéristique de la recherche d’une troisième voie entre dirigisme et libéralisme.
22Dans les faits, on voit bien que la majorité des acteurs ont pris conscience au plus tard à partir de la moitié de l’année 1982 que l’insertion de l’économie française dans l’économie mondiale obligeait à améliorer la compétitivité des entreprises françaises via l’investissement et la réforme des circuits financiers. Pour autant cette conscience des limites du Programme commun n’est pas guidée par des principes néolibéraux. En effet, à côté de la politique de l’offre en faveur de l’investissement, la politique de relance est toujours active, menée par un budget en faveur de l’emploi et de la consommation. Il n’est toujours pas question de dénationaliser, tandis que le gouvernement maintient une politique industrielle volontariste. La nomination de Laurent Fabius comme Premier ministre et de Pierre Bérégovoy comme ministre de l’Économie et des Finances en juillet 1984 entraîne-t-elle un tournant de la politique économique ?
Libérer la finance pour libérer l’économie (1984-1986)
23À son arrivée au pouvoir, Pierre Bérégovoy prend en dix-huit mois des mesures qui marquent une véritable accélération de la libéralisation financière : ne s’agit-il pas là du véritable tournant, du moins sur ce terrain ? Après avoir rapidement passé en revue les mesures prises, nous tenterons d’en évaluer la portée et de rechercher la pensée économique qui a guidé le principal instigateur, Pierre Bérégovoy.
24Tout d’abord, évoquons brièvement l’entourage du nouveau ministre de l’Économie, des Finances et du Budget, qui constitue à son arrivée rue de Rivoli un cabinet iconoclaste. À la différence du cabinet de Jacques Delors, assez habituel dans sa composition [25], celui de Bérégovoy forme un ensemble composite, réunissant des personnes n’appartenant pas au milieu habituel de recrutement ou nourris par d’autres influences. On y retrouve sa volonté de bousculer l’establishment : des conseillers techniques issus des directions d’administration centrale classique (Yves Mansion, Gilles Guitton, Guy Worms, François Monier) ; ceux issus de l’administration centrale mais non du sérail : Claude Rubinowicz [26] et Jean-Charles Naouri (promu directeur de cabinet alors qu’il était chef de bureau [27]) ; enfin, des conseillers d’origine syndicale ou politique : André Gauron [28], Jacques Desponts [29] ainsi qu’un ancien mendésiste, Harris Puisais. Parmi eux, les hommes forts du cabinet que sont Gauron, Naouri et Rubinowicz n’hésitent pas à mener les réformes tambour battant, au grand dam de l’administration [30]. Pierre Bérégovoy a-t-il été pour autant un ministre sous influence ? S’il s’est entouré très tôt de conseillers compétents, cet autodidacte (comme René Monory) s’est forgé au fil du temps ses propres convictions. C’était à l’évidence un « homme de caractère [31] » qui savait décider.
Des réformes financières précipitées
25Dans sa conception et dans son rythme, la politique des petits pas sur la réforme des marchés de capitaux menée depuis les années 1960 est rompue en 1984. Dans ce domaine, le ministre va beaucoup plus loin et plus vite que ses prédécesseurs et bouscule le corporatisme des opérateurs bancaires et financiers.
26Pour mettre en œuvre cette modernisation économique et financière, la méthode utilisée est celle de réformes techniques prises par décrets, avec l’aval de l’Élysée et du Premier ministre et qui ne sont donc pas soumises au Parlement, puisqu’elles ne nécessitent pas de loi pour la plupart. La tactique est de faire les choses sans les dire et hormis Jean-Charles Naouri, Claude Rubinowicz et André Gauron, le cabinet du ministre n’est pas tenu au courant. De fait, l’ensemble passe inaperçu du grand public jusqu’à la publication du Livre blanc [32] en 1986. Cette discrétion explique largement la rapidité de mise en place des mesures.
27Le 12 septembre 1984, le nouveau ministre de l’Économie, des Finances et du Budget demande à Bernard Tricot, ancien président de la Commission des opérations de Bourse (COB), d’engager une réflexion sur les conditions de rémunération des agents de change. Le rapport Tricot, remis en mars 1985, ouvre la porte à une réforme d’ensemble du système, avec comme philosophie au départ « d’éviter que des considérations relatives aux habitudes des intermédiaires soient un frein à la modernisation et faire la place la plus large possible aux solutions de liberté et de concurrence [33] ».
28La réforme des marchés financiers se traduit d’abord par l’ouverture de deux marchés de capitaux à terme : le marché à terme international de France (MATIF) et le marché des options négociables de Paris (MONEP) [34]. Surtout, la grande réforme menée par Pierre Bérégovoy sur le marché monétaire entend décloisonner des marchés de capitaux jusque-là réservés à certains investisseurs et à certains types de valeurs mobilières. En 1985, le marché monétaire s’ouvre aux entreprises non financières qui ont la possibilité d’y émettre des billets de trésorerie, tandis que les banques peuvent émettre des certificats de dépôts négociables, et le Trésor, des bons du Trésor négociables. Tous ces titres sont ouverts à tous les investisseurs, même individuels. La véritable innovation consiste à donner l’autorisation aux entreprises d’émettre des billets de trésorerie : en recourant à des émissions à court terme sur le marché, souples et rapides, les entreprises peuvent ainsi éviter le recours au crédit bancaire.
29La création d’un marché des capitaux unifié allant du court au très long terme et ouvert à tous les agents économiques met de fait en péril le monopole des agents de change. En effet, le développement de nouveaux marchés porte en germe la fin du numerus clausus et du monopole des agents de change, qui ne peuvent pas faire face à la montée de compétiteurs français et étrangers et au volume d’affaires généré. Discrètement évoquée dans le rapport Pérouse de 1980, cette mort annoncée devient réalité à partir de 1984, alors que l’ouverture du capital des charges d’agents de change est enfin acceptée par la profession. La dissolution de la Compagnie des agents de change et la transformation des charges en sociétés de bourse sera officiellement annoncée en mars 1987 et votée le 22 janvier 1988. La cotation automatisée en continu (CAC) remplace la cotation à la criée et la Corbeille en juillet 1987. Sur l’ensemble de la décennie, la réforme de la Bourse est l’œuvre du socialiste Pierre Bérégovoy et du libéral Édouard Balladur.
30Parallèlement, faisant fi de l’opposition des professionnels de la Bourse, le ministre des Finances décide en 1985 d’entamer la libération des taux de commission pour les transactions boursières. Elle ne sera totale que le 1er juillet 1989. L’objectif du ministre est de réduire le coût de l’intermédiation financière, ce qui se traduit aussi par une remise en question des pratiques bancaires en matière d’émissions de titres. Les commissions bancaires sont en grande partie libres, l’organisation des émissions des valeurs est également assouplie. Grâce à une intervention directe du conseiller du ministre auprès des banques, la baisse des taux d’emprunts du Trésor est amorcée, au grand dam du Trésor qui n’a pas été mis dans la confidence [35]. En 1985, le financement de la dette publique est aussi entièrement repensé avec la création de produits simplifiés (comme les obligations assimilables du Trésor) et l’institution de spécialistes en valeurs du Trésor (banques françaises et étrangères principalement) qui se substituent aux agents de change pour le placement des titres publics [36].
31Rappelons rapidement les premiers effets de ces réformes, qui se font sentir d’abord à travers la baisse du pourcentage de l’intermédiation financière – ce qui signifie a contrario une montée en puissance des marchés financiers comme source de financement de l’économie : en 1979, le taux d’intermédiation financière s’élevait à 80 %, en 1983, à 71 %, en 1985, 59 %, et en 1987, à 48 %. En parallèle, la valeur des émissions d’actions est multipliée par trois entre 1980 et 1986. Enfin, le volume des transactions sur le marché financier passe de 70 milliards de francs en 1975 à 900 milliards en 1985 [37]. Le rapprochement de ces chiffres souligne l’importance du moment 1984-1985 dans la libéralisation financière de moyenne durée.
32Même si l’idée de décartelliser les banques et de libérer la finance peut apparaître comme la suite des mesures prises par Jacques Delors en matière d’épargne et de banque, une véritable rupture se manifeste entre le ministère Bérégovoy et ceux qui l’ont précédé sur le rythme des réformes et les méthodes comme on l’a vu, mais aussi sur la philosophie économique du ministre. Le décloisonnement des marchés et la fin du monopole de la profession réglementée ne peuvent pour autant être assimilés à une politique libérale. Il s’agit seulement de supprimer une organisation qui n’est plus adaptée au contexte mondial et dénoncée à la fois par le Plan, le Conseil économique et social et par de nombreux rapports publiés entre 1960 et 1980. Dans les décennies qui suivent, la réforme ouvrira la porte à un bouleversement complet de la finance, de sa place dans l’économie et dans la gouvernance des entreprises. La question est de savoir si les acteurs, dont, au premier chef, le ministre en poste, avaient conscience des changements induits par ces réformes.
Bérégovoy, mendésiste ou sociolibéral ?
33Personnage complexe que sa mort tragique a rendu encore plus difficile à cerner, Pierre Bérégovoy a fait l’objet de plusieurs ouvrages et travaux scientifiques ainsi que de nombreux témoignages [38] qui permettent de comprendre un peu mieux son cheminement intellectuel et, par-là, sa conception de l’économie et de la finance.
34On connaît le parcours du fils d’un Russe blanc émigré en Normandie, devenu militant SFIO et employé à Électricité et Gaz de France [39]. Toutefois, l’on retiendra ici qu’il a été marqué par l’expérience de Pierre Mendès France en 1954, un Pierre Mendès France qu’il retrouve au sein du Parti socialiste autonome en 1959 [40]. S’ils divergent par la suite quant à la stratégie politique à suivre, la proximité intellectuelle des deux hommes reste forte, notamment sur les questions économiques et monétaires [41].
35Les idées de Bérégovoy en matière d’économie sont proches de celles de Mendès France sous plusieurs aspects : d’un côté, le souci de bonne gestion financière et le pragmatisme économique du ministre apparaît inspiré de la ligne mendésiste [42] et se traduit dans la même sémantique du discours contre « les rentiers », en l’occurrence les banques accusées de rente de situation sur les taux d’intérêt fixes et les prêts bonifiés. On retrouve également chez les deux hommes la nécessité d’une politique fondée sur l’orthodoxie financière et la lutte contre l’inflation, sur fond de refus du laisser-faire et des rentes de situation [43]. De l’autre côté, la recherche par Bérégovoy d’une modernisation et d’une libéralisation de l’économie destinée in fine aux plus défavorisés fait écho à l’objectif mendésiste d’un progrès économique qui permet de mener à la justice sociale [44].
36Son intérêt pour l’économie ne se démentira pas et il est loin d’être un néophyte en la matière quand il arrive au ministère des Affaires sociales en 1982 : dans les années 1970, il traite des questions économiques et sociales en tant que « politique-expert » au Parti socialiste [45]. Lorsqu’il occupe les fonctions de secrétaire général de l’Élysée, il bénéficie de l’expertise de Jean-Yves Haberer, alors directeur du Trésor, qu’il consulte régulièrement notamment sur les questions monétaires [46].
37Ministre des Affaires sociales, il s’initie déjà aux enjeux complexes de la monnaie et de la finance grâce à Jean-Charles Naouri et à Claude Rubinowicz [47]. Il établit un plan de remise en ordre des comptes de la Sécurité sociale et des Assedic [48], et amorce une baisse des taux d’intérêt jusque-là imposés par le Trésor et les banques.
38Quand il arrive dans son nouveau ministère, rue de Rivoli, il a déjà ses idées sur les réformes à entreprendre et il entend bien imprimer sa marque. Sa capacité de travail et son esprit de décision font le reste. La démarche qui préside aux décisions du nouveau ministre est claire : dans un contexte de déficit budgétaire et de hausse des taux d’intérêt, il s’agit de réduire le coût de financement de l’économie française, aussi bien pour l’État que pour les entreprises. Pour cela, il faut restaurer la concurrence au sein d’un système financier cloisonné et réglementé. L’objectif du ministre est clairement expliqué dans le Livre blanc paru en 1986 : loin de la pratique dirigiste et étatique auquel est soumis le système financier français, il s’agit de rendre à l’argent sa mobilité « pour apporter aux prêteurs et aux emprunteurs une liberté de choix et d’arbitrage essentielle à une économie moderne. Dès lors, il devient possible de clarifier le rôle de l’État en recentrant ses concours sur les vraies priorités, en premier lieu la recherche et le développement des PME et en limitant ses interventions réglementaires à l’organisation générale et à la surveillance du marché des capitaux [49] ». Sa vision est celle d’un État limité à ses fonctions d’organisation de la concurrence. Selon André Gauron, il n’était « pas un étatiste », « il avait la vision d’une économie de marché régulée. C’était le Mendès de l’époque ». Bérégovoy lui-même déclarait : « Le marché, cruel, est irremplaçable. Il ne peut fonctionner sans règles, dans un État qui corrige ses excès [50]. »
39Pour le ministre, la restauration de la concurrence en matière d’accès aux financements a pour but de lutter contre ce qui lui apparaît comme une source majeure d’inflation : le coût du crédit. C’est toute l’argumentation autour de la désinflation qui est au cœur de sa démarche : l’inflation, « cet impôt sur les pauvres », nuit aux plus démunis, il faut donc restaurer la monnaie. Si le terme « Pinay de gauche » a été employé, c’est bien dans ce sens de défenseur des petits épargnants et de la monnaie.
40En effet, Pierre Bérégovoy est l’homme du « franc indépendant » avant de devenir l’homme du franc fort à partir de 1984 [51]. On retrouve là aussi l’idée mendésiste d’une gestion orthodoxe et rigoureuse alliée à une monnaie forte, pour une France forte et indépendante, ici surtout vis-à-vis de l’Allemagne. Ainsi peut s’expliquer le ralliement tardif de Bérégovoy au Système monétaire européen (SME), alors qu’avant mars 1983, il était l’un des « visiteurs du soir » prêt à faire flotter le franc, considérant intenable politiquement de rester dans le SME. Son idée était alors d’en sortir et de revenir avec un franc regonflé qui aurait permis des négociations plus équilibrées avec la République fédérale d’Allemagne [52]. Redoutant la suprématie de cette dernière dans la Communauté européenne, Pierre Bérégovoy se révèle un Européen de raison et non de cœur, en tout cas moins européen que Jacques Delors.
41Quand il arrive au ministère des Finances, la participation à des organisations internationales lui font prendre conscience de l’isolement économique de la France et de la nécessité de restaurer sa place dans le concert des nations via une monnaie forte. Ainsi, les accords du Plaza en septembre 1985, qui consacrent une stabilisation des changes entre les cinq grands pays industrialisés, le font connaître sur la scène internationale ; il devient alors le chantre du franc fort. « Ce fut une consécration pour Bérégovoy », se souvient Daniel Lebègue qui l’accompagne à la réunion du G5 en tant que directeur du Trésor. Il y défend en même temps les positions traditionnelles de la France en faveur d’une stabilisation des taux de change, que la direction du Trésor porte encore à l’aube des années 1980 à contre-courant des positions monétaristes états-uniennes [53]. Il privilégie l’influence internationale de la France, ce qui implique d’adapter son économie au contexte mondial, l’enjeu crucial du moment étant le choix d’une économie ouverte ou fermée. Pour lui, l’impératif économique n’est pas une contrainte, mais un atout, une arme.
42Peut-on qualifier la démarche de Pierre Bérégovoy de libérale ? Certes, il adhère à certains marqueurs libéraux des années 1980 qui ont été définis dans l’introduction : restauration de la concurrence dans les marchés, priorité à la lutte contre l’inflation et retour d’une monnaie forte, réduction des déficits budgétaires et sociaux. Le programme qu’il a mis en œuvre entre 1982 et 1986 est également fortement marqué du sceau de la libéralisation sur le plan financier. Toutefois, le libéralisme économique de Bérégovoy ne cherche pas à réduire le rôle et le périmètre de l’État, mais à remettre en cause des rigidités, des rentes de situation et des corporatismes qui, selon lui, nuisent à la concurrence. Pour contribuer à la lutte contre ces derniers, il faut un État fort : son idée est de recentrer le rôle de l’État et non de le réduire [54]. Enfin, si les mesures de Bérégovoy apparaissent en soi libérales, les arrière-plans idéologiques sont très différents de ceux alors en vogue aux États-Unis et en Grande-Bretagne. L’idée de bonne gestion financière, de libération de la finance pour abaisser le coût du crédit pour tous et de réduire les inégalités face à l’argent a peu à voir avec celle des conseillers de Ronald Reagan ou de Margaret Thatcher qui est de rendre au marché une place centrale dénuée de contraintes et d’intervention publique [55].
43Plutôt qu’un avatar du libéralisme, il incarne un mélange de pragmatisme et de réformisme sur fond de préoccupations égalitaires. Voulait-il et pouvait-il aller plus loin dans l’économie de marché ? Il a agi habilement, en menant des réformes techniques disséminées dans un domaine peu sensible politiquement, au sein duquel il n’y avait pas de revendications sociales ou syndicales. Il est difficile de savoir s’il voulait les prolonger par des réformes de l’économie en profondeur. Il n’a pas eu l’occasion de le prouver lors de son retour au pouvoir.
44Par ailleurs, le processus de décision à l’œuvre infirme une vision trop technocratique de la période, au cours de laquelle l’expertise et le conservatisme du ministère des Finances l’emporterait sur les volontés réformatrices ; c’est bien Pierre Bérégovoy et son cabinet qui imposent le rythme des réformes de 1984-1986. Contrairement aux idées reçues, le politique est allé bien au-delà du réformisme lent des experts, qui, en l’occurrence, ne se sont pas révélés très libéraux [56].
45Une première série de conclusions s’impose sur la question des chronologies décalées autour du tournant pris dans la décennie, alors qu’une double temporalité se dessine sur le plan bancaire et financier. D’une part, la continuité des politiques menées entre l’avant et l’après 1981 peut être élargie à la décennie 1978-1992, celle d’une transformation progressive des structures financières, avec son point d’acmé en 1984-1987. D’autre part, on peut souligner la cohérence de la séquence 1984-1993 sur le plan des réformes de libéralisation financière, qui enjambe les alternances politiques de 1986 (à l’exception notable des privatisations) et de 1988. S’est ainsi opéré un enchevêtrement de mouvements, l’un s’inspirant de la politique de relance par l’investissement et la dépense publique en 1982, l’autre à partir de 1984, accélérant les réformes financières dans les tuyaux depuis plusieurs années, orientant la politique économique vers plus de rigueur et moins de dirigisme financier et restaurant la place de la Bourse dans le financement de l’économie.
46La deuxième série de réponses concerne la portée des mesures de libéralisation financière, dans le contexte du mouvement libéral alors en vogue dans plusieurs pays. Est-on passé en quelques années du socialisme au libéralisme économique et financier ? C’est sans doute aller un peu vite en besogne.
47Premièrement, les réformes menées dans les années 1981-1985 doivent être mesurées à l’aune de l’État particulièrement dirigiste qui caractérisait la France depuis la guerre et qui n’a été remis en question que partiellement à partir des années 1960-1970. Ainsi doit-on se garder d’y voir un tournant libéral, à tout le moins un rattrapage nécessaire, un premier pas vers la déréglementation d’un secteur très (trop) encadré. Si la mondialisation financière portait aussi en germe la libéralisation de pans entiers de l’économie, cette dernière n’a pas éclos dans la première moitié des années 1980 en France, loin de là.
48Ainsi, l’analyse de la politique de Pierre Bérégovoy montre à la fois les particularités de sa pensée et sa traduction dans les faits, qui a pu paraître ambiguë. Les ressorts intellectuels et idéologiques de l’homme apparaissent plus « keynésiano-mendésistes » que néolibéraux, et ses réformes sont marquées du sceau d’un social-libéralisme revendiqué. À l’échelle du siècle, si la France rejoint les pays industrialisés qui sont entrés dans la seconde mondialisation une décennie plus tôt, elle l’a fait à son rythme, avec sa tradition intellectuelle et politique, sans qu’une éventuelle circulation des idées et des théories d’outre-Manche n’ait pu être démontrée.
49Ces constats renvoient à des questionnements plus larges. D’une part, l’accusation a posteriori qui pèse sur les socialistes d’avoir ouvert la boîte de Pandore de la financiarisation de l’économie peut-elle être retenue ? Certes, plusieurs d’entre eux ont enclenché la déréglementation des activités financières qui a conduit trente ans après à la plus grande crise économique mondiale depuis 1929. Pour autant, étaient-ils conscients des conséquences de leur action en faveur d’un desserrement financier de l’économie ? À l’inverse d’autres gouvernants convaincus des bienfaits d’un ordre libéral, ils ont joué aux apprentis sorciers. Rappelons qu’à l’époque, pour la majorité des experts du ministère des Finances ou de la Banque de France, voire de l’étranger, l’essor des marchés financiers était censé compenser le coût et les goulots d’étranglement du crédit bancaire et limiter les risques liés à l’endettement en les mutualisant par le marché.
50Enfin, en se référant toujours aux marqueurs du libéralisme de l’époque, on peut parler d’un « non-tournant » libéral en matière de fiscalité et de périmètre du domaine d’intervention de l’État. Le décalage entre la libéralisation monétaire et financière et la résistance d’un État interventionniste dans l’économie est prégnant. Plus largement, la relance d’un État-providence généreux (traitement social du chômage, retraite à 60 ans, etc.) remet en question la pertinence des comparaisons avec les politiques néolibérales menées alors dans les pays anglo-saxons. Du plan Barre de 1976 aux années 1990, l’entrée de la France dans le libéralisme s’est faite par à-coups, elle a été limitée et fragmentaire. Elle reste encore largement à approfondir sur d’autres secteurs de l’économie et sur les années 1986-1993.
Mots-clés éditeurs : finances, réforme, banque, 1983, néolibéralisme
Mise en ligne 23/04/2018
https://doi.org/10.3917/ving.138.0065Notes
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[1]
Sur l’historiographie du néolibéralisme en France, voir l’introduction de ce numéro.
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[2]
Voir les articles de Florence Descamps et de Mathieu Fulla dans ce numéro.
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[3]
Il s’agit des témoignages recueillis lors du séminaire organisé à l’École pratiques des hautes études (EPHE) par Florence Descamps et Laure Quennouëlle-Corre sur « L’histoire du ministère des Finances au 20e siècle » et conservés au Comité pour l’histoire économique et financière de la France (CHEFF), ainsi que des témoignages recueillis par l’auteure pour ses propres recherches.
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[4]
Le rationnement financier qui a conduit au dirigisme fut plus intense en France qu’ailleurs. Voir Frederic Mishkin, Christian Bordes, Dominique Lacoue-Labarthe, Nicolas Leboisne et Jean-Christophe Poutineau, The Economics of Money, Banking and Financial Markets, Paris, Pearson Education, 2013.
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[5]
Notamment par Michel Margairaz, « Les nationalisations : la fin d’une culture politique ? », in Serge Berstein, Pierre Milza et Jean-Louis Bianco (dir.), François Mitterrand : les années du changement, 1981-1984, Paris, Perrin, 2001, p. 344-384. Voir aussi André Delion et Michel Durupty, Les Nationalisations de 1982, Paris, Economica, 1982. Sur un cas précis voir Laure Quennouëlle-Corre, « Paribas et le monde : les enjeux de la nationalisation de 1982 », in Florence Descamps, Roger Nougaret et Laure Quennouëlle-Corre (dir.), Banque et société, xixe-xxe siècle : identités croisées, Bruxelles, Peter Lang, 2016, p. 165-179.
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[6]
Pour reprendre la distinction faite par M. Margairaz, « Les nationalisations… », op. cit., p. 351. Les minimalistes étaient partisans d’une nationalisation à 51 % pour les banques de plus d’un milliard de francs de dépôts.
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[7]
Jacques Delors, Mémoires, Paris, Plon, 2003, p. 137.
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[8]
Archives privées Jean-Yves Haberer (AP JYH), note du 22 juin 1981 sur la compatibilité de la nationalisation de l’ensemble des banques inscrites avec le traité de Rome, 27 p.
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[9]
AP JYH, note du 2 décembre 1981.
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[10]
AP JYH, note pour le ministre du 11 décembre 1981.
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[11]
Ibid.
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[12]
Sur le détail du projet, voir M. Margairaz, « Les nationalisations… », op. cit., p. 376.
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[13]
Michel Durupty, Les Privatisations en France, Paris, La Documentation française, « Notes et études documentaires, 4857 », 1988.
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[14]
Note du 17 février 1982, citée par ibid., p. 24. M. Margairaz relève aussi un objectif de « gestion assainie » des entreprises publiques, bien avant l’arrivée de Laurent Fabius comme ministre de l’Industrie en 1983 (M. Margairaz, « Les nationalisations… », op. cit., p. 369 sqq.).
-
[15]
Alain Plessis, « État et système bancaire », Vingtième Siècle : revue d’histoire, 52, octobre-décembre 1996, p. 85-93.
-
[16]
La distinction faite par la loi de 1941 entre banques inscrites et établissements à statut légal spécial comprend sous cette appellation des institutions semi-publiques comme le Crédit national, le Crédit foncier, le Crédit agricole et les caisses d’épargne. Elle ne sont pas soumises au contrôle de la Banque de France mais à celui du Trésor.
-
[17]
Pierre-René Cassou, « La réglementation bancaire, entre intérêt général et intérêts particuliers », in Hubert Bonin et Jean-Marc Figuet (dir.), Crises et régulations bancaires : les chemins de l’instabilité et de la stabilité bancaire, Genève, Droz, 2016, p. 252.
-
[18]
Éric Monnet, « La politique de la Banque de France au sortir des Trente Glorieuses : un tournant monétariste ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 62(1), 2015, p. 147-174.
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[19]
Il s’agit de prêts bancaires dont l’intérêt est partiellement pris en charge par l’État (bonification d’intérêt).
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[20]
Marianne Bertrand, Antoinette Schoar et David Thesmar, « Banking Deregulation and Industry Structure : Evidence from the French Banking Reforms of 1985 », The Journal of Finance, 62 (2), avril 2007, p. 597-628.
-
[21]
Marie-Claude Esposito, « Le moment Thatcher », in Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l’Europe libérale : libéraux et libéralisme en Europe xviiie-xxie siècle, Paris, Nouveau Monde éditions, 2016, p. 299-317.
-
[22]
Archives de Sciences Po, fonds David Dautresme, dossier D 54, lettre de Jacques Delors et Laurent Fabius au président de la Commission, 10 septembre 1981.
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[23]
Archives de Sciences Po, fonds David Dautresme, résumé du rapport de la Commission de l’épargne.
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[24]
Voir le détail des mesures dans Joël Métais et Philippe Szymczak, Les Mutations du système financier français, Paris, La Documentation française, « Notes et études documentaires, 4820 », 1986.
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[25]
Voir l’article de Florence Descamps dans ce numéro.
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[26]
Ancien élève de l’École normale supérieure en sciences, agrégé de sciences physiques, diplômé de l’Université de Princeton, inspecteur des Finances, Claude Rubinowicz était alors chef de bureau à la Caisse des dépôts et consignations en charge des placements de la Caisse.
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[27]
Ancien élève de l’École normale supérieure en sciences, diplômé d’un master en économie de l’Université Harvard, inspecteur des Finances, chargé de mission à la direction du Trésor, Jean-Charles Naouri est le directeur de cabinet de Claude Rubinowicz aux Affaires sociales puis à l’Économie et aux Finances en 1984.
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[28]
Ancien élève de l’École centrale, André Gauron a fait sa carrière à l’INSEE, au Commissariat au Plan et à la Direction de la prévision. Syndicaliste affilié à la CFDT, il s’est préoccupé des questions de financement de l’économie puis de la Sécurité sociale.
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[29]
Jacques Desponts offre un parcours atypique pour un homme de cabinet : militant socialiste, candidat aux élections législatives en Normandie, employé de banque à la BNP. Il est le seul membre du cabinet Delors à avoir accepté de rester dans celui de Pierre Bérégovoy. Ce dernier le nommera directeur des relations économiques extérieures au ministère de l’Économie et des Finances en novembre 1989.
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[30]
La tension entre le cabinet politique et l’administration est manifeste : « Le Trésor, un pouvoir négatif », selon Jacques Desponts, intervention au séminaire organisé à l’École pratique des hautes études (EPHE) par Florence Descamps et Laure Quennouëlle-Corre « Histoire du ministère des Finances au 20e siècle », 4 mars 2015.
-
[31]
Selon les termes de Christian Sautter, « Introduction », in Comité pour l’histoire économique et financière (dir.), Pierre Bérégovoy, une volonté de réforme au service de l’économie : 1984-1993, Paris, CHEFF, 1998, p. ix.
-
[32]
Jean-Charles Naouri (dir.), Livre blanc sur la réforme du financement de l’économie, Paris, La Documentation française, 1986.
-
[33]
Laure Quennouëlle-Corre, La Place financière de Paris au xxe siècle : des ambitions contrariées, Paris, CHEFF/IGPDE, 2015, p. 365.
-
[34]
Sans entrer dans des détails techniques, rappelons que le développement de ces nouveaux produits financiers était destiné à mutualiser les risques et donc à les limiter tant pour leurs émetteurs que pour les investisseurs. Face à la forte volatilité des taux de change et des taux d’intérêt en cours à l’époque, ces innovations financières paraissent alors bénéfiques.
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[35]
Témoignage de Claude Rubinowicz, entretien avec l’auteure, mars 2012 ; intervention du directeur du Trésor entre 1984 et 1987, Daniel Lebègue, au séminaire organisé à l’EPHE par Florence Descamps et Laure Quennouëlle-Corre « Histoire du ministère des Finances au 20e siècle », 10 avril 2013.
-
[36]
À l’image des autres pays industrialisés, le besoin de ressources budgétaires nouvelles et l’accroissement de la dette publique ont clairement poussé à la libéralisation des marchés de capitaux. La réduction de la dette publique n’est pas un marqueur libéral à l’époque.
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[37]
Rocher Chinaud, « Rapport sur le projet de loi sur les Bourses de valeurs », Sénat, décembre 1987-janvier 1988.
-
[38]
Les témoignages oraux cités ici ont été recueillis lors d’interventions au séminaire organisé à l’EPHE par Florence Descamps et Laure Quennouëlle-Corre « Histoire du ministère des Finances au 20e siècle », 2012-2016, ou par l’auteure.
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[39]
Christiane Rambaud, Bérégovoy, Paris, Perrin, 1994.
-
[40]
Ibid., p. 54 sqq.
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[41]
Frédéric Fogacci, « Le dernier des mendésistes ? Pierre Bérégovoy et Pierre Mendès France », in Noëlline Castagnez et Gilles Morin (dir.), Pierre Bérégovoy en politique, Paris, L’Harmattan, « Cliopolis », 2013, p. 87-97.
-
[42]
Alain Chatriot, Pierre Mendès France, pour une république moderne, Paris, Armand Colin, 2015.
-
[43]
Voir Michel Margairaz (dir.), Pierre Mendès France et l’économie : pensée et action, Paris, Odile Jacob, 1989.
-
[44]
François Stasse, L’Héritage de Mendès France : une éthique de la République, Paris Éd. du Seuil, 2004, p. 97. Toutefois, le conseiller économique à l’Élysée de Mitterrand ne cite pas Bérégovoy parmi les dirigeants politiques qui se sont inscrits dans une même approche.
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[45]
Mathieu Fulla, « Le politique-expert : du Parti socialiste au Conseil économique et social », in N. Castagnez et G. Morin (dir.), Pierre Bérégovoy…, op. cit., p. 123-141.
-
[46]
Selon Pierre-Yves Cossé, Le Vermeil et la Vie, Paris, Sépia, 1998, p. 228. Pierre-Yves Cossé, inspecteur des Finances, est chargé de mission auprès de Jacques Delors jusqu’en 1982, date à laquelle il entre à la BNP.
-
[47]
Entretien de l’auteure avec Claude Rubinowicz.
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[48]
Voir les mémoires de Régis Paranque, proche collaborateur de Pierre Mendès France, de Jacques Chaban-Delmas puis de Pierre Bérégovoy : Régis Paranque, De Mendès France à Bérégovoy : l’honneur en politique, Paris, Pascal Galodé éditeurs, 2011, chap. 8.
-
[49]
Préface de Pierre Bérégovoy dans J.-C. Naouri (dir.), Livre blanc…, op. cit., p. 6.
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[50]
Cité par Éric Israelewicz dans « Pierre Bérégovoy : une politique économique », colloque du 25 avril 1996 au Conseil économique et social, association des anciens membres de cabinet de Pierre Bérégovoy, exemplaire dactylographié, p. 23.
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[51]
Voir Emmanuel Masset-Denèvre, « Le franc fort : instrument ou enjeu de la désinflation compétitive », in Comité pour l’histoire économique et financière (dir.), Pierre Bérégovoy…, op. cit., p. 129-225. Cet ouvrage réunit des discours de Bérégovoy commentés par des chercheurs.
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[52]
Témoignage d’André Gauron, dans ibid.
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[53]
Ministère de l’Économie et des Finances, direction du Trésor, Philippe Jurgensen, note de la direction du Trésor, « 47 questions sur la réforme monétaire internationale », 30 janvier 1980, 13 p. ; Floriane Galeazzi, « La France et la réforme du système monétaire international (1961-1987) : le rôle des experts du Groupe de travail n° 3 de l’OCDE », thèse pour le doctorat en histoire, Université de Rouen, 2015.
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[54]
Voir la conclusion de Benjamin Ménard, in Comité pour l’histoire économique et financière (dir.), Pierre Bérégovoy…, op. cit., p. 125-127.
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[55]
Marie-Claude Esposito, « Le moment Thatcher », in D. Barjot et al. (dir.), Histoire de l’Europe libérale…, op. cit., p. 298-317.
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[56]
Les corporatismes, qui constituent autant de nœuds de résistance au néolibéralisme, s’opposent à ce dernier, qui se fonde sur un ordre de la concurrence. Celui en place au ministère des Finances en est un bel exemple.