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Article de revue

La mémoire, mauvais objet de l’historien ?

Pages 113 à 128

Notes

  • [1]
    Pour une mise en contexte de cette crise, voir Patrick Garcia, « France 2005 : une “crise historique” en perspective », in Bogumil Jewsiewicki et Erika Nimis (dir.), Expériences et mémoire : partager en français la diversité du monde, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 337-352.
  • [2]
    « Collectif des Antillais, Guyanais, Réunionnais et Mahorais » présidé alors par Patrick Karam.
  • [3]
    Sur les circonstances de la création de Liberté pour l’histoire, voir François Dosse, Pierre Nora : homo historicus, Paris, Perrin, 2011.
  • [4]
    Rappelons les lois visées : loi dite Gayssot du 13 juillet 1990 « tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe » ; loi du 29 janvier 2001 « relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 » ; loi dite Taubira du 21 mai 2001 « tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité » ; loi du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». Sur ce positionnement d’historiens à l’encontre des « lois mémorielles », voir la critique de Marc Olivier Baruch, Des lois indignes ? Les historiens, la politique et le droit, Paris, Tallandier, 2013.
  • [5]
    Pour rappel, il s’agit de Jean-Pierre Azéma, Jean-Jacques Becker, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet et Michel Winock, auxquels il faut ajouter Élisabeth Badinter et Françoise Chandernagor.
  • [6]
    « Liberté pour l’histoire », Libération, 13 décembre 2005. La pétition recueillera plus de 1 100 signatures.
  • [7]
    Entretien dans Le Figaro littéraire, 22 décembre 2005.
  • [8]
    Pierre Nora, « L’ère de la commémoration », in Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1992, « Quarto », 1997, t. III, p. 4715.
  • [9]
    Pierre Nora, « Malaise dans l’identité historique », Le Débat, 141, septembre-octobre 2006, texte réédité dans Liberté pour l’histoire, Paris, CNRS éditions, « Débats », 2008, p. 15.
  • [10]
    Ibid., p. 21.
  • [11]
    Ibid., p. 19.
  • [12]
    Ibid., p. 16.
  • [13]
    « […L]a liste de ces lois mémorielles montre bien quelles ont été les considérations à l’origine de leur adoption : des considérations essentiellement électorales, qui ne sont assurément pas méprisables, mais qui relèvent plus de l’émotion que de la raison, qui n’ont aucune légitimité scientifique et qui confondent la mémoire avec l’histoire. Elles procèdent toutes de la même aspiration de communautés particulières, religieuses ou ethniques, à faire prendre en considération par la communauté nationale leur mémoire particulière par l’intermédiaire de l’histoire qui est prise en otage » (René Rémond, « L’Histoire et la Loi », Études, 404 (6), 2006, p. 772-773). Voir également René Rémond, « Pourquoi abroger les lois mémorielles ? », Regards sur l’actualité, « L’État et les mémoires » dossier dirigé par Isabelle Flahault, 325, 2006, p. 17-25.
  • [14]
    Communiqué des signataires de l’appel « Liberté pour l’histoire », 29 janvier 2006.
  • [15]
    L’article 4 de la loi du 23 février 2005 entraîne une pétition demandant l’abrogation de la loi : Claude Liauzu, Gilbert Meynier, Gérard Noiriel, Frédéric Régent, Trin Van Thao et Lucette Valensi, « Colonisation : non à l’enseignement de l’histoire officielle », Le Monde, 25 mars 2005. La pétition est relayée par la Ligue des droits de l’homme et compte 1 020 signataires au 25 avril 2005.
  • [16]
    Manifeste du CVUH, 17 juin 2005, en ligne sur le site du CVUH.
  • [17]
    Michel Giraud, Gérard Noiriel, Nicolas Offenstadt et Michèle Riot-Sarcey, L’Humanité, 21 décembre 2005.
  • [18]
    P. Garcia, « France 2005… », op. cit., p. 10. Outre la création des deux associations déjà mentionnées, l’historien relève ainsi le nombre important de pétitions adressées aux historiens en quelques mois (sept), de leurs signataires, ainsi que des réunions organisées dans de nombreuses universités marquées par la présence de spécialistes de différentes périodes.
  • [19]
    Claire Andrieu, « Mémoire », in Christian Delporte, Jean-Yves Mollier et Jean-François Sirinelli (dir.), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine, Paris, PUF, 2010, p. 528-530.
  • [20]
    Philippe Joutard, « Mémoire collective », in Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia et Nicolas Offenstadt (dir.), Historiographies, II, Paris, Gallimard, « Folio histoire », 2010, p. 789. Son dernier ouvrage marque la volonté de dépasser cette opposition entre histoire et mémoire : Philippe Joutard, Histoire et mémoires, conflits et alliance, Paris, La Découverte, 2013.
  • [21]
    P. Nora, « Malaise dans l’identité historique », op. cit., p. 15.
  • [22]
    Ibid., p. 16.
  • [23]
    L’ouvrage est divisé en trois parties : « Nouveaux problèmes », « Nouvelles approches », « Nouveaux objets ». (Jacques Le Goff et Pierre Nora (dir.), Faire de l’histoire, Paris, Gallimard, 1974.)
  • [24]
    Pierre Nora, « Mémoire collective », in Jacques Le Goff, Roger Chartier et Jacques Revel (dir.), La Nouvelle Histoire, Paris, CEPL, 1978, p. 398-401.
  • [25]
    Ibid., p. 401.
  • [26]
    Ibid., p. 400.
  • [27]
    Pierre Nora « Entre mémoire et histoire », in Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, t. I : La République, Gallimard, « Quarto », 1984, 1997, p. 23-43, p. 24.
  • [28]
    P. Nora, « Mémoire collective », op. cit., p. 400.
  • [29]
    Si le livre de Maurice Halbwachs, La Mémoire collective, est cité dans l’article de 1978, en termes incorrects d’ailleurs (Mémoires collectives), les travaux du sociologue ne sont pas discutés.
  • [30]
    Pierre Nora suit le séminaire de René Rémond à Sciences Po en 1964-1965, intitulé « Durée, mémoire et politique », ce qui lui inspire un article sur le rôle du passé aux États-Unis dans lequel il utilise la notion de mémoire collective sans encore la définir. Voir Pierre Nora, « Le “fardeau de l’histoire” aux États-Unis », in Mélanges Pierre Renouvin : études d’histoire des relations internationales, Paris, PUF, 1966, p. 51-74.
  • [31]
    Voir F. Dosse, Pierre Nora…, op. cit.
  • [32]
    Pierre Nora, « Topologie d’une mémoire fantôme », Les Nouvelles littéraires, « Notre mémoire populaire », dossier dirigé par Jean-Pierre Rioux, 2620, 26 janvier-2 février 1978, p. 17-18, p. 18.
  • [33]
    Pierre Nora, entretien avec Jean-Baptiste Pontalis, « Mémoire de l’historien, mémoire de l’histoire », Nouvelle Revue de la psychanalyse, 15, printemps 1977, p. 221-232, p. 225.
  • [34]
    P. Nora, « Topologie d’une mémoire fantôme », op. cit., p. 18.
  • [35]
    Jacques Revel, Un parcours critique : douze exercices d’histoire sociale, Paris, Galaade, 2006, p. 11-12.
  • [36]
    Michel Foucault, entretien avec Pascal Bonitzer et Serge Toubiana, « Anti-Rétro », Cahiers du cinéma, 251-252, juillet-août 1974, réédité dans Michel Foucault, Dits et écrits, Paris, Gallimard, « Quarto », 2001, t. I, p. 1514-1528, p. 1516.
  • [37]
    Voir Pascal Ory, L’Entre-deux-Mai : histoire culturelle de la France, Mai 1968-Mai 1981, Paris, Éd. du Seuil, 1983.
  • [38]
    Claude Dubar, La Crise des identités : l’interprétation d’une mutation, Paris, PUF, 2000, p. xi.
  • [39]
    Les Nouvelles littéraires, « Notre mémoire populaire », dossier dirigé par Jean-Pierre Rioux, 2620, 26 janvier-2 février 1978, p. 15-22.
  • [40]
    Jean-Pierre Rioux, « Le cri des hommes », Les Nouvelles littéraires, « Notre mémoire populaire », dossier dirigé par Jean-Pierre Rioux, 2620, 26 janvier-2 février 1978, p. 16.
  • [41]
    Madeleine Rebérioux, « Le miroir des travailleurs », Les Nouvelles littéraires, « Notre mémoire populaire », dossier dirigé par Jean-Pierre Rioux (dir.), 2620, 26 janvier-2 février 1978, p. 18-19, p. 19.
  • [42]
    Jacques Rancière, « Les mirages de l’histoire immobile », Les Nouvelles littéraires, « Notre mémoire populaire », dossier dirigé par Jean-Pierre Rioux (dir.), 2620, 26 janvier-2 février 1978, p. 21.
  • [43]
    Laurent Théis, « Note aux lecteurs », H. Histoire, 1, mars 1979, p. 3.
  • [44]
    Commentaire du magazine Télérama lors de la diffusion de la première émission le 7 novembre 1978 (Télérama, 1503, semaine du 4 au 10 novembre 1978, p. 59).
  • [45]
    « Ceux qui se souviennent », « 1. La revanche : 1880-1900 » 7 novembre 1978, « 2. 1900-1914 : les enfants de la République », 14 novembre 1978, « 3. 1914-1918 : ils ont tenu », 15 novembre 1978 (INA).
  • [46]
    « Ceux qui se souviennent », « 4. Le printemps 1919 : les Français racontent », 2 juillet 1981, « 5. Mémoires populaires chantantes et sentimentales des années 1920 », 9 juillet 1981, « 6. Chronique de la mémoire ouvrière avant le Front populaire », 16 juillet 1981 (INA).
  • [47]
    Télérama, 1503, semaine du 4 au 10 novembre 1978, p. 19.
  • [48]
    « Et pourtant, ces peines, ces joies, ces surprises constituent une mémoire collective parfois fragmentaire, parfois hésitante, mais toujours tissée d’émotions » (Télérama, 1503, semaine du 4 au 10 novembre 1978, p. 59).
  • [49]
    « Les émissions historiques sur la guerre de Quatorze ne manquent pas. Rappelons que celle-ci est originale puisqu’elle laisse quelques témoins raconter leurs propres souvenirs, contribuant ainsi à créer la mémoire collective. Comme des grands-parents, à la veillée. Et c’est passionnant. » (Télérama, 1504, semaine du 11 au 17 novembre 1978, p. 75.)
  • [50]
    P. Nora, « Mémoire collective », op. cit., p. 400.
  • [51]
    Marie-Claire Lavabre, « Usages du passé, usages de la mémoire », Revue française de science politique, 3, 1994, p. 480-493, p. 481.
  • [52]
    Des entreprises analogues ont été menées en Allemagne et en Italie par exemple.
  • [53]
    Pour Bernard Lepetit, le projet des Lieux de mémoire constitue une « histoire spéculaire, attentive non pas à restituer le passé, mais qui trouve sa fin dans l’établissement d’une distance critique avec les modalités sociales de sa muséification ». (Bernard Lepetit, « Le présent de l’histoire », in id., Les Formes de l’expérience : une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995, 2013, p. 349-380, p. 380.)
  • [54]
    Voir les remarques d’Henry Rousso qui relève l’absence de certains passés traumatiques dans l’inventaire des Lieux de mémoire, « Un jeu de l’oie de l’identité française », Vingtième Siècle : revue d’histoire, 15, juillet-septembre 1987, p. 151-154.
  • [55]
    On remarquera ici que cette question de l’articulation entre mémoire individuelle et mémoire collective a représenté l’un des axes principaux des études mémorielles à partir des années 1980, et l’un des points de départ de la constitution d’un nouveau champ de recherche sur la mémoire dans les pays anglo-saxons, les memory studies, au cours des années 2000. Pour une présentation critique des memory studies, voir Sarah Gensburger, « Réflexion sur l’institutionnalisation récente des memory studies », Revue de synthèse, 132 (3), 2011, p. 411-433.
  • [56]
    Voir Sébastien Ledoux, « Les historiens face aux nouveaux usages du mot mémoire », Mots : les langages du politique, 103, novembre 2013, p. 137-143.
  • [57]
    Parmi d’innombrables exemples, notons l’intitulé du service de l’UNESCO chargé de référencer le patrimoine documentaire mondial : « Registre de la Mémoire du Monde ».
  • [58]
    Voir Didier Fassin et Richard Rechtman, L’Empire du traumatisme : enquête sur la condition de victime, Paris, Flammarion, 2007.
  • [59]
    Cette notion de « politique du passé » provient de l’expression allemande « Vergangenheitspolitik ». Voir Norbert Frei, Vergangenheitspolitik : Die Anfänge der Bundesrepublik und die NS-Vergangenheit, Munich, Beck, 1996. Pour le cas français, nous renvoyons à Claire Andrieu, Marie-Claire Lavabre et Danielle Tartakowsky (dir.), Politiques du passé : usages politiques du passé dans la France contemporaine, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2006.
  • [60]
    Voir le rôle de Serge Barcellini au sein du secrétariat d’État aux Anciens Combattants qui présente la mémoire comme un « créneau » (Sébastien Ledoux, Le Devoir de mémoire : une formule et son histoire, Paris, CNRS éditions, 2016, p. 59-78).
  • [61]
    Notons par exemple la formulation des médias lors de la condamnation de Klaus Barbie pour crimes contre l’humanité : « Le verdict de la mémoire », Le Monde et le journal télévisé d’Antenne 2, 4 juillet 1987.
  • [62]
    Entendu ici comme la mise en récit publique d’événements du passé dans le présent et pour l’avenir. Voir Denis Peschanski (dir.), Mémoire et mémorialisation, Paris, Hermann, 2013.
  • [63]
    Voir Renaud Dulong, Le Témoin oculaire : les conditions sociales de l’attestation personnelle, Paris, Éd. de l’EHESS, 1998.
  • [64]
    En 1994, Henry Rousso souhaite ainsi préciser que l’« on n’écrit pas l’histoire en ne se fiant qu’aux témoins. Le respect du droit à la mémoire […] ne signifie pas qu’il faille prendre ces voix qui nous viennent du passé comme des paroles d’évangile. Ce sont là des rappels simples que des journalistes ou des militants bien intentionnés oublient parfois lorsqu’ils tendent leur micro à ces grands témoins mais se refusent à toute analyse critique de leurs propos » (Henry Rousso et Éric Conan, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994, Gallimard, « Folio Histoire », 2001, p. 317). Voir à ce sujet la mise en perspective de Danièle Voldman, « Le témoignage dans l’histoire française du temps présent », Bulletin de l’IHTP, 75, juin 2000, p. 41-54.
  • [65]
    Voir Daniel Levy et Natan Sznaider, The Holocaust and Memory in a Global Age, Philadelphie, Philadelphia Temple University Press, 2006.
  • [66]
    Pour une approche critique de ces dispositifs, voir notamment Sandrine Lefranc, Politiques du pardon, Paris, PUF, 2002.
  • [67]
    Nous renvoyons à notre étude : S. Ledoux, Le Devoir de mémoire…, op. cit.
  • [68]
    Voir Axel Honneth, Kampf um Anerkennung, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1992 ; trad. fr., id., La Lutte pour la reconnaissance, trad. de l’all. par Pierre Rusch, Paris, Éd. du Cerf, 2000.
  • [69]
    Voir les actions de l’association Au nom de la mémoire pour la reconnaissance du 17 octobre 1961 et du Comité devoir de mémoire pour la reconnaissance de la traite transatlantique et de l’esclavage comme crimes contre l’humanité dans les années 1990, ou celles des Indigènes de la République et du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) à partir de 2005.
  • [70]
    Pour cette évolution vers l’historien-expert, voir Olivier Dumoulin, Le Rôle social de l’historien, Paris, Albin Michel, 2003.
  • [71]
    Par exemple, dans son livre Douze Leçons d’histoire paru en 1996, Antoine Prost critique en conclusion le « devoir de mémoire » et plaide pour un « devoir d’histoire », une formule très vite reprise par d’autres historiens (voir S. Ledoux, Le Devoir de mémoire…, op. cit.). Pour autant, Antoine Prost participe avec d’autres historiens (Claire Andrieu, Jean Favier et Annette Wieviorka) à la Mission Mattéoli relative aux biens juifs spoliés sous l’Occupation qui est créée en 1997 par le pouvoir exécutif au nom du « devoir de mémoire » dû aux victimes de la Shoah (déclarations de Jacques Chirac et de Lionel Jospin). Cette mission associe un travail de connaissance historique mené par ces historiens, des réparations financières (indemnisation des orphelins juifs) et la création de la Fondation pour la mémoire de la Shoah qui mettra en place ultérieurement un conseil scientifique rassemblant des historiens.
  • [72]
    Saint Augustin, Les Confessions, trad. par Joseph Trabucco, Paris, Garnier Flammarion, 1994, p. 269.
  • [73]
    Voir à ce sujet les remarques de Nicolas Offenstadt qui plaide pour une multiplication des lieux d’échanges entre les historiens de métier et les autres narrateurs du passé : « Histoires et historiens dans l’espace public », in Christophe Granger (dir.), À quoi pensent les historiens ? Faire de l’histoire au 21e siècle, Paris, Autrement, 2013, p. 80-97.
  • [74]
    Voir Marie-Claire Lavabre, « Paradigmes de la mémoire », Transcontinentales, 5, 2e sem. 2007, p. 139-147.
  • [75]
    Philippe Joutard, La Légende des Camisards : une sensibilité au passé, Paris, Gallimard, 1977 ; Antoine Prost, Les Anciens Combattants et la société française, Paris, Presses de Sciences Po, 1977, 3 vol.
  • [76]
    Raphaëlle Branche, La Guerre d’Algérie : une histoire apaisée ?, Paris, Éd. du Seuil, « Points Histoire », 2005.
  • [77]
    En particulier Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris, Éd. du Seuil, « Points Histoire », 1987, 1990 ; id., Vichy : l’événement, la mémoire, l’histoire, Paris, Éd. du Seuil, « Points Histoire », 2001.
  • [78]
    Voir, entre autres, Jean-Clément Martin, La Vendée et la Révolution : accepter la mémoire pour écrire l’histoire, Paris, Perrin, 2007.
  • [79]
    Lucette Valensi, Fables de la mémoire : la glorieuse bataille des Trois Rois, Paris, Éd. du Seuil, 1992.
  • [80]
    En particulier Patrick Garcia, Le Bicentenaire de la Révolution française : pratiques sociales d’une commémoration, Paris, CNRS éditions, 2000.
  • [81]
    Voir notamment le champ de l’histoire orale introduit en France par Philippe Joutard à la fin des années 1970 et développé également par les enquêtes de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale au début des années 1980.
  • [82]
    Un constat dressé en 2013 par François Dosse et Catherine Goldentstein dans l’ouvrage collectif qu’ils ont dirigé : François Dosse et Catherine Goldentstein (dir.), Paul Ricœur : penser la mémoire, Paris, Éd. du Seuil, 2013.
  • [83]
    Paul Ricœur, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Éd. du Seuil, « Points Essais », 2000, 2003, p. 8.
  • [84]
    Ibid., p. 226-227.
  • [85]
    Dans leur rapport rendu en 2000, les historiens qui ont participé à la commission Mattéoli sur la spoliation des juifs de France affirment leur attachement à la notion de « travail de mémoire » (Mission d’étude sur la spoliation des juifs de France, Paris, La Documentation française, 2000, p. 168).
  • [86]
    Cette idée était déjà présente dans l’ouvrage de Paul Ricœur intitulé Temps et récit : « À travers le document et au moyen de la preuve documentaire, l’historien est soumis à ce qui, un jour, fut. Il a une dette à l’égard du passé, une dette de reconnaissance à l’égard des morts, qui fait de lui un débiteur insolvable. » (Paul Ricœur, Temps et récit : le temps raconté, Paris, Éd. du Seuil, « Points Essais », 1985, 1991, p. 253.)
  • [87]
    Marc Bloch, « Mémoire collective, tradition et coutume : à propos d’un livre récent », Revue de synthèse historique, 40, 1925, p. 73-83 ; de Maurice Halbwachs, voir en particulier Les Cadres sociaux de la mémoire, Paris, Albin Michel, 1925, 1994 ; id., La Mémoire collective, Paris, Albin Michel, 1950, 1997 ; id., La Topographie légendaire des évangiles en Terre sainte, Paris, PUF, « Quadrige », 1941, 2008.
  • [88]
    Voir les remarques du sociologue Jeffrey K. Olick dans son article « Collective Memory : The Two Cultures », Sociological Theory, 17 (3), 1999, p. 333-348.
  • [89]
    « Si la mémoire collective tire sa force et sa durée de ce qu’elle a pour support un ensemble d’hommes, ce sont cependant des individus qui se souviennent, en tant que membres du groupe. […] Nous dirions volontiers que chaque mémoire individuelle est un point de vue sur la mémoire collective, que ce point de vue change suivant la place que j’y occupe, et que cette place elle-même change suivant les relations que j’entretiens avec d’autres milieux. » (M. Halbwachs, La Mémoire collective, op. cit., p. 94-95.)
  • [90]
    M. Bloch, « Mémoire collective… », op. cit., p. 79.
  • [91]
    « Pour que notre mémoire s’aide de celle des autres, il ne suffit pas que ceux-ci nous apportent leurs témoignages : il faut encore qu’elle n’ait pas cessé de s’accorder avec leurs mémoires et qu’il y ait assez de points de contact entre l’une et les autres pour que le souvenir qu’ils nous rappellent puisse être reconstruit sur un fondement commun. » (M. Halbwachs, La Mémoire collective, op. cit., p. 63.)
  • [92]
    M.-C. Lavabre, « Paradigmes de la mémoire », op. cit., p. 147.
  • [93]
    B. Lepetit, « Le présent de l’histoire », op. cit., p. 378.
  • [94]
    Michel de Certeau, « Prendre la parole », Études, juin-juillet 1968, réédité in id., La Prise de parole et autres écrits politiques, Paris, Éd. du Seuil, « Points », 1994, p. 40-57, p. 51.
  • [95]
    M. Bloch, « Mémoire collective… », op. cit., p. 77.
  • [96]
    Michael Rothberg, Multidirectional Memory : Remembering the Holocaust in the Age of Decolonization, Stanford, Stanford University Press, 2009.
  • [97]
    Michael Rothberg, « Le témoignage à l’âge de la décolonisation : chronique d’un été, cinéma-vérité et émergence du survivant de l’holocauste », Littérature, 144, 2006, p. 56-80.
  • [98]
    Michael Pollak, « Mémoire, oubli, silence », dans Une identité blessée, Paris, Métailié, 1993, p. 15-39, p. 30. Voir également de l’historien son travail sur les conditions de production des souvenirs chez les rescapés des camps de concentration dans L’Expérience concentrationnaire : essai sur le maintien de l’identité sociale, Paris, Métailié, 1990.
  • [99]
    Voir Reinhart Koselleck, Le Futur passé : contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Éd. de l’EHESS, 1990.
  • [100]
    Notion conçue au départ par l’historien Edward P. Thompson dans son ouvrage devenu classique, La Formation de la classe ouvrière anglaise, qui montre le rôle déterminant des processus socioculturels dans l’histoire de cette classe pendant la révolution industrielle, en mettant notamment en exergue la capacité des ouvriers à mobiliser traditions et expériences communes pour agir et résister en tant qu’acteurs de l’histoire. La notion est ensuite reprise par les subaltern studies pour analyser la capacité des minorités en situation postcoloniale à mettre en cause les grandes narrations occidentales dans une dynamique transnationale. Voir à ce sujet, en particulier, Homi K. Bhabha, « The Postcolonial and The Postmodern : The Question of Agency », in id., The Location of Culture, Londres, Routledge, 1994 ; trad. fr., id., Les Lieux de la culture : une théorie postcoloniale, trad. de l’anglais par Françoise Bouillot, Paris, Payot, 2007, p. 267-302. Pour une étude de cas, nous renvoyons à Sébastien Ledoux, « “Devoir de mémoire” : The Post-Colonial Path of a Post-National Memory in France », National Identities, 15 (3), septembre 2013, p. 239-256.
  • [101]
    Notion forgée par Marianne Hirsch pour décrire le rapport que la « génération d’après » entretient avec le traumatisme vécu par ceux qui l’on précédé, et qui prend la forme de projections, de créations et d’investissements imaginatifs. Voir notamment Marianne Hirsch, The Generation of Postmemory : Writing and Visual Culture After The Holocaust, New York, Columbia University Press, 2012.
  • [102]
    Outre l’ouvrage désormais classique de François Hartog, Régimes d’historicité : présentisme et expériences du temps, Paris, Éd. du Seuil, 2003, nous renvoyons à Christian Delacroix, François Dosse et Patrick Garcia (dir.), Historicités, Paris, La Découverte, 2009, et au numéro spécial de la revue Vingtième Siècle coordonné par Ludivine Bantigny et Quentin Deluermoz, « Historicités du 20e siècle : coexistence et concurrence des temps », 117, janvier-mars 2013.
  • [103]
    Johann Michel, Devenir descendant d’esclave : enquête sur les régimes mémoriels, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.
  • [104]
    Voir, par exemple, le nouveau projet Euchronie, coordonné par Rémy Besson et Sébastien Poublanc, qui se donne comme ambition de recenser, d’indexer et de hiérarchiser des productions sur le passé autopubliées sur internet : http://www.euchronie.hypotheses.org.
  • [105]
    Voir Motti Neiger, Oren Meyers et Eyal Zandberg, On Media Memory : Collective Memory in a New Media Age, New York, Palgrave Macmillan, 2011 ; José Van Dick, Mediated Memories in the Digital Age, Stanford, Stanford University Press, 2007.
  • [106]
    Nicolas Legrand, Pierre Gagnepain, Denis Peschanski et Francis Eustache, « Neurosciences et mémoires collectives : les schémas entre cerveau, sociétés et cultures », Biologie d’aujourd’hui, 209 (3), 2015, p. 273-286.
  • [107]
    Le projet transdisciplinaire Matrice Memory, dirigé par l’historien Denis Peschanski, analyse les comportements des visiteurs du Mémorial de Caen, en partenariat avec le laboratoire de neuropsychologie de l’Université de Caen.
  • [108]
    Jacques Revel, « Une vue de côté », et Daniel Innerarity, « L’histoire comme expérience de la contingence », in Christophe Bouton et Bruce Bégout (dir.), Penser l’histoire : de Karl Marx aux siècles des catastrophes, Paris, Éd. de l’Éclat, 2011, p. 7-15 et p. 270-278.

1Née à la fin des années 1970 et remobilisée dans les années 2000, l’opposition entre histoire et mémoire mérite d’être reconsidérée. Plusieurs travaux récents ont montré le potentiel d’une compréhension fine des frontières poreuses entre les deux concepts. Les réflexions de Paul Ricœur sur l’écriture de l’histoire et sur la mémoire devraient permettre d’approfondir ces recherches d’une grande fécondité.

2Mémoire/histoire, la discipline historique vit sur ce legs pour penser la mémoire depuis une trentaine d’années. Une telle catégorisation a pourtant souvent situé la mémoire non dans une distinction mais dans une opposition à l’histoire. Cette dichotomie déclarée a produit des malentendus, pour donner lieu finalement à un blocage épistémologique lorsque la défense de l’histoire contre la mémoire fut à l’ordre du jour en 2005, à la faveur des controverses autour des lois « mémorielles ». À partir d’un corpus composite (archives de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), presse, littérature scientifique), ce texte revient d’abord sur ce moment discursif et les acteurs engagés dans la défiance envers la mémoire qualifiée de mauvais objet de l’historien. Il présente ensuite les conditions de la production de cette catégorisation ambiguë histoire/mémoire à la fin des années 1970 au sein de la discipline historique alors que la mémoire devient l’expression d’une nouvelle appropriation du passé dans le champ social. Évoquant les effets du memory boom sur les pratiques des historiens et leur perception de la mémoire depuis plus d’une vingtaine d’années, l’article pose enfin l’enjeu pour la discipline aujourd’hui : dépasser l’opposition entre histoire et mémoire en investiguant l’objet dans sa complexité avec ses propres outils et questionnements, tout en résistant à la tentation d’une clôture disciplinaire.

Libérer l’histoire de la mémoire ? Retour sur un blocage épistémologique

3L’un des effets collatéraux des controverses publiques qui ont suivi le vote de la loi du 23 février 2005, puis quelques mois plus tard l’« affaire Pétré-Grenouilleau », déclenchant chez les historiens une mobilisation sans précédent [1], a été la réactualisation de l’antagonisme entre deux catégories, histoire et mémoire. Cette réactualisation non d’une distinction mais d’une opposition entre l’histoire et la mémoire est alors essentiellement portée par des historiens bénéficiant d’une grande notoriété dans le champ académique et médiatique qui se structurent dans l’association Liberté pour l’histoire. Présidée par René Rémond, l’association prend forme à la fin de l’année 2005 à l’initiative de Pierre Nora et Françoise Chandernagor, à la suite de la plainte du Collectif dom [2] déposée à l’encontre de l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau [3]. La principale revendication de l’association est l’abrogation de plusieurs lois, dénommées significativement par Pierre Nora « lois mémorielles » dans un entretien qu’il donne au journal Le Figaro le 22 décembre 2005 [4]. La pétition qu’il lance avec d’autres historiens [5] quelques jours plus tôt dans Libération pour demander l’abrogation de ces lois affirme que « l’histoire n’est pas la mémoire [6] », précisant que l’historien agit, lui, dans une démarche scientifique. Le discours tenu dans les semaines et les mois qui suivent par les protagonistes de l’association n’opère cependant pas seulement une distinction entre histoire et mémoire. Si la liberté de l’histoire et des historiens est ainsi considérée comme menacée par des lois, l’argumentaire développé désigne en effet régulièrement la mémoire comme le mauvais objet des historiens. Pierre Nora indique ainsi dans l’entretien déjà cité que « la mémoire est de plus en plus tyrannique [7] ». Le même vocabulaire avait été employé en 1992 dans sa dernière phrase du volume des Lieux de mémoire qui clôturait l’entreprise magistrale réunissant une soixantaine d’historiens et commencée en 1984. Dénonçant l’inflation des commémorations, l’auteur concluait : « la tyrannie de la mémoire n’aura duré qu’un temps – mais c’était le nôtre [8] ». Dans son texte « Malaise dans l’identité historique » paru dans la revue Le Débat en 2006 qui deviendra par la suite l’un des textes manifestes de Liberté pour l’histoire lors de sa réédition en 2008, Pierre Nora estime que « l’heure est à une dangereuse radicalisation de la mémoire [9] ». L’initiative collective des historiens en 2005 est présentée comme un réflexe de survie face « au déferlement mondial de la mémoire [10] », l’auteur postulant que « la mémoire a mangé l’histoire [11] ».

4On peut observer que la mémoire, contre laquelle les historiens doivent donc se défendre pour survivre, est le plus souvent associée à des groupes qui revendiquent la reconnaissance officielle de leur passé au sein de la communauté nationale. Pierre Nora estime ainsi que les lois « mémorielles » ont été écrites « sous la pression de groupes de mémoire intéressés à faire prévaloir leur lecture particulière [12] ». Cette vision de l’histoire à vocation unifiante tenue par des mémoires particulières est reprise dans le même temps par René Rémond dans plusieurs textes [13]. Selon la même rhétorique, un communiqué de presse des signataires de l’appel « Liberté pour l’histoire » s’emploie à définir par antinomie la mémoire et l’histoire pour disqualifier l’une et défendre l’autre : « Les mémoires sont plurielles, fragmentées, le plus souvent passionnelles et partisanes. L’histoire, elle, est critique et laïque : elle est le bien de tous [14]. »

5Si cette initiative d’historiens a rencontré un écho favorable dans la communauté historienne, tous ne se sont pas reconnus dans l’entreprise de Liberté pour l’histoire, ni dans sa catégorisation histoire/mémoire ainsi configurée. Les historiens rassemblés au sein d’une autre association, le Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH), créé quelques mois plus tôt par Michèle Riot-Sarcey, Gérard Noiriel et Nicolas Offenstadt, se défend de cette dichotomie et pose autrement la question des rapports entre histoire et mémoire. Marqué politiquement à gauche, le CVUH est composé d’historiens travaillant sur des objets de recherche marginalisés dans le champ académique (genre, immigration, esclavage, colonisation) ainsi que d’enseignants du secondaire. L’association est fondée significativement à la suite de la loi du 23 février 2005 et de son article prescrivant que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord [15] », un texte législatif qui n’avait pas entraîné de réactions de la plupart des historiens de la future association Liberté pour l’histoire. Si le CVUH affirme dans son manifeste de juin 2005 que la recherche historique et la mémoire collective sont deux approches du passé qui ne peuvent être confondues, le Comité dénonce surtout l’instrumentalisation du passé sans pour autant l’associer à la mémoire [16]. En revanche, le CVUH reproche aux pétitionnaires de Liberté pour l’histoire en décembre 2005 de semer « la confusion entre mémoire collective, écriture de l’histoire et enseignement », et considère qu’« il n’appartient pas aux historiens de régenter la mémoire collective [17] ».

6Malgré cette prise de position collective, et sans pouvoir la mesurer avec précision, la perception d’une mémoire qui viendrait par définition s’opposer à l’histoire semble s’être renforcée avec la mobilisation inédite des historiens en 2005 et leur « désir de faire corps [18] », en partie contre la mémoire pour certains d’entre eux. Elle apparaît en tout cas suffisante pour que des historiens souhaitent revenir sur un tel antagonisme histoire/mémoire afin de l’atténuer ou le contester au cours des années suivantes. Dans une notice consacrée à la mémoire, Claire Andrieu souligne ainsi en 2010 le caractère relatif de l’opposition entre histoire et mémoire, en attirant l’attention sur le fait que l’historien est lui-même déterminé par sa propre mémoire ou celle de son temps lorsqu’il questionne ses objets [19]. La même année, Philippe Joutard va plus loin en observant avec regret « la méfiance, sinon l’hostilité d’une grande part de la communauté historienne française vis-à-vis de la mémoire ». Pour sortir de cette impasse historienne, il appelle de ses vœux la possibilité « d’échapper à l’opposition stérile entre la mémoire et l’histoire [20] ». Cette opposition entre mémoire et histoire est précisément établie par Pierre Nora entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. C’est pourquoi l’un des éléments les plus intéressants de l’argumentaire développé par l’historien en 2006 dans son article « Malaise dans l’identité historique », faisant de la mémoire le mauvais objet qui aurait « mangé » l’histoire, est la lecture qu’il donne de l’évolution du rapport entre les deux catégories. L’auteur revient sur les années 1970, une période présentée comme « l’affirmation des mémoires liées à des minorités en voie d’émancipation » qu’il qualifie de « phénomène puissamment libérateur » en rendant justice aux oubliés de l’histoire [21]. Ce mouvement a aussi selon lui produit pour la discipline historique un enrichissement fécond, investissant de nouveaux objets comme l’histoire ouvrière, l’histoire rurale ou l’histoire des femmes marquant « l’avènement heureux de la dimension mémorielle ». Pierre Nora décrit ainsi cette période comme un âge d’or des rapports entre histoire et mémoire, au cours de laquelle « la mémoire a fécondé l’histoire [22] » en renouvelant l’approche du passé. Ce schéma narratif décrivant le passage d’une bonne mémoire (« mémoire modeste ») contribuant au renouvellement de l’histoire, à une mémoire « accusatrice et destructrice » de celle-ci dans les années 2000 apparaît comme l’un des signes les plus manifestes d’un certain blocage épistémologique de la discipline concernant l’étude de la mémoire. Il nous semble donc nécessaire de revenir au tournant épistémologique de la fin des années 1970, soit à la construction de la catégorisation histoire/mémoire dont Pierre Nora lui-même est l’un des principaux artisans.

Production d’une catégorisation ambiguë

7Absente des nouveaux objets du courant de la Nouvelle Histoire présentés en 1974 dans l’ouvrage collectif Faire de l’histoire[23], la notion de mémoire est introduite dans le champ des historiens par Pierre Nora en 1978 dans le recueil La Nouvelle Histoire avec son article « Mémoire collective » [24]. Considérant que « l’analyse des mémoires collectives peut et doit devenir le fer de lance d’une histoire qui se veut contemporaine [25] », l’historien souhaite instaurer un cadre conceptuel pour la mémoire, en postulant un « divorce libérateur et décisif [26] » entre deux catégories, « mémoire historique » et « mémoire collective ». L’opposition qu’il établit entre la « mémoire collective », présentée comme « ce qui reste du passé dans le vécu des groupes, ou ce que ces groupes font du passé », et la « mémoire historique », « elle-même la mémoire collective du groupe des historiens », annonce l’opposition entre histoire et mémoire qu’il établit clairement et définitivement en 1984 dans sa longue introduction des Lieux de mémoire : « Mémoire, histoire : loin d’être synonymes, nous prenons conscience que tout les oppose [27]. » Dans son article de 1978, Pierre Nora énumère les propriétés de chacune des deux catégories, en concluant que « la mémoire historique unit, et la mémoire collective divise ». L’intention de cette catégorisation est d’opérer non simplement une distinction, mais en fait une hiérarchisation des discours sur le passé, en redonnant une primauté au discours historique contre celui des mémoires collectives qui tend alors, selon lui, vers une certaine hégémonie : « L’histoire s’écrit désormais sous la pression des mémoires collectives [28] », affirme-t-il déjà alors.

8Nous sommes donc loin ici de la légende dorée des rapports entre mémoire et histoire que Pierre Nora décrit en 2006 concernant cette période. Pour lui, à l’époque, il y a non seulement un enjeu historiographique, mais également un enjeu social à instituer le discours historique comme discours d’autorité sur le passé, en faisant de la mémoire elle-même un objet d’étude historique, alors même que d’autres discours sur le passé voient le jour. Cette irruption de la mémoire comme nouvel objet de l’historien, ainsi défini par opposition à l’histoire, apparaît en effet comme une réaction au champ social davantage qu’à un dialogue dans le domaine strictement scientifique [29]. S’il s’est très tôt intéressé à la mémoire [30], c’est dans le cadre d’un séminaire à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) en 1977-1978, intitulé « Les lieux de la mémoire collective » [31], que Pierre Nora trouve la grammaire de son sujet qu’il ne va cesser d’étoffer, attirant à lui de nombreux historiens, et dont la publication des Lieux de mémoire en 1984 sera le premier aboutissement. Avec ce séminaire, Pierre Nora explique alors dans différents entretiens qu’il s’agit d’« étudier la mémoire nationale à partir de la politique contemporaine » par le biais du « lieu de mémoire », celui-ci désignant un « entre-deux » entre la vie et la mort [32] qui lui permet d’écrire au second degré une « histoire de la France [33] ». Une double intention s’esquisse ainsi chez lui : conjurer à la fois la perte de la mémoire nationale et la perte de la mémoire historique, celle constituée par les historiens qui, depuis Jules Michelet, sont les bâtisseurs de la mémoire nationale. Avec le projet mené à l’EHESS, il s’agit d’adresser une réponse scientifique autant que sociale au constat qu’il dresse en 1978 d’une société dans laquelle l’« histoire a perdu son apparente unité », tandis qu’« on voit chaque groupe social et chaque communauté partir à la recherche de sa propre mémoire, de sa propre histoire comme partie intégrante de son identité [34] ».

9Dans un retour réflexif sur sa discipline, le sujet qui l’anime pendant quinze ans contient par conséquent une double ambition : rétablir la suprématie de l’histoire et de l’historien comme narrateur du passé en réunifiant par ses lieux une mémoire nationale menacée d’éclatement par la multiplication des mémoires collectives. La neutralisation du présent, opérée en disqualifiant par le biais de la catégorie mémoire toute idée de tensions ou de luttes sociales contemporaines perçues comme vecteur de divisions de l’unité nationale, apparaît en cela comme l’envers du projet des Lieux de mémoire. Pierre Nora va ainsi incarner ce que Jacques Revel nomme « l’ambivalence constitutive » de la discipline historique qui « mêle deux répertoires différents, et elle les mêle inextricablement. Elle se veut en premier lieu une pratique de connaissance […]. Elle est d’autre part investie d’une fonction sociale – la construction d’un rapport spécifique au présent et au passé, au passé à partir du présent, voire du futur que nous anticipons [35] ».

10Cette fonction sociale de l’historien, qui amène Pierre Nora à définir la mémoire comme l’objet antagonique de l’histoire, doit être recontextualisée dans les nouveaux usages que le mot même de mémoire connaît alors dans le discours social. Le terme sert à désigner depuis plusieurs années de nouvelles identités socioculturelles qui s’affirment en dehors du cadre de l’État-nation. Observant cette évolution, Michel Foucault évoque en 1974 les manifestations d’une mémoire populaire. Le philosophe définit celle-ci comme la mémoire de « ceux qui n’ont pas le droit à l’écriture, à faire eux-mêmes leurs livres, à rédiger leur propre histoire mais qui ont tout de même une manière d’enregistrer l’histoire, de s’en souvenir, de la vivre et de l’utiliser [36] ». L’expression de cette mémoire fait l’objet de nombreuses parutions dans la seconde moitié des années 1970 sous différentes terminologies (mémoire collective, mémoire du peuple, mémoire populaire) qui recouvrent de fait le même mouvement : la production de l’histoire a changé de lieu et d’acteurs. Elle n’est plus écrite par les historiens professionnels pour transmettre un récit national ayant pour fonction la construction d’une identité à partager par l’ensemble des concitoyens, mais par la publicisation de témoignages d’individus ordinaires qui livrent leur récit de vie, mettant souvent en exergue les traces d’un monde perdu, celui d’avant les années 1960-1970 vécues sous l’aune de la rupture [37]. Un tel changement que manifestent sémantiquement ces nouveaux usages du mot mémoire marque en effet le « passage d’un monde protégé, contraint, fermé, hérité, à un monde incertain, libre, ouvert et revendiqué […]. Donc d’identifications “culturelles” et “statutaires” à des identifications “réflexives” et “narratives” [38] ».

11Signe de ces mutations, l’expression mémoire populaire est reprise au début de l’année 1978 pour intituler un numéro spécial des Nouvelles littéraires dirigé par l’historien Jean-Pierre Rioux [39]. Ce dossier rassemble historiens et philosophes qui analysent ce nouveau phénomène. Jean-Pierre Rioux qualifie « la vague de la mémoire populaire [qui] déferle [40] » de fait social qu’il s’agit d’aborder de façon critique. S’il voit dans cette mémoire populaire un nouvel objet de consommation de masse, la crise condamnant « à consommer de la mémoire nationale individuelle ou collective, à défaut de maîtriser le présent et de penser l’avenir », l’historien prend malgré tout la défense de cette mémoire en concluant que, derrière elle, il y a le « cri des hommes ». D’autres historiens apportent leur soutien à cette évolution dans ce dossier comme Madeleine Rebérioux qui appelle de ses vœux la constitution d’une mémoire ouvrière, répondant ainsi pour elle à un « besoin d’identité, donc le désir de leur histoire, qui se fait jour chez tant de travailleurs déracinés [41] ». Dans le cadre d’un entretien déjà cité, Pierre Nora marque sa différence avec les autres historiens en prenant pour objet la mémoire nationale dans une perspective qui se rapproche davantage des sciences politiques que de l’histoire sociale. Son projet n’apparaît pas seulement comme un projet alternatif aux études sur la mémoire populaire mais comme un contre-projet pour un homme qui voit alors dans la multiplication des mémoires collectives l’indice d’un morcellement de la mémoire nationale et la remise en cause de la fonction traditionnelle du discours historique.

12Seule voix résolument discordante à l’égard de ce phénomène, Jacques Rancière, l’un des responsables de la revue Révoltes logiques, qui met en garde contre une mémoire refuge et non émancipatrice. Le philosophe précise que s’il avait soutenu en 1976 la notion de mémoire populaire qui portait une « valeur critique de retour aux voix, aux pratiques », très vite « ce thème a alimenté un nouveau sommeil de la pensée et une nouvelle forme de consommation de marchandises » [42]. Jacques Rancière y dénonce « l’historien en quête de sources nouvelles et la classe politique et intellectuelle qui a besoin d’un supplément d’enracinement et de rêve ». Dans le prolongement de Michel Foucault regrettant dans son texte de 1974 l’entreprise de « recoder » une mémoire populaire qui n’a aucun moyen de se formuler, le philosophe ajoute que « sous couvert de “donner la parole”, c’est l’inverse qui se produit : une confiscation généralisée, une mise sur orbite universitaire, politique ou savante de tout ce qui, jusque-là, échappait aux professeurs ou aux politiques ».

13Cette production de la mémoire populaire est de fait largement soutenue par des politiques éditoriales qui favorisent ainsi une production écrite narrant la vie des simples gens. De nombreuses collections accueillent ces thématiques comme « Actes et Mémoires du peuple » (François Maspero), « La vie des hommes » (Stock), « La vie quotidienne » (Hachette), « Témoins » (Gallimard), « Archives » (Gallimard), « Bibliothèque d’ethnologie historique » (Flammarion), « La tradition et le quotidien » (Flammarion). Par ailleurs, plusieurs revues consacrent des numéros à la mémoire ou à des thèmes proches entre 1975 et 1980 : « Les paysans » dans Actes de la recherche en sciences sociales (novembre 1977), « Société française et régionalismes » dans Anthinéa (troisième trimestre 1976), « Histoire et société » (1975) et « Anthropologie tout terrain » (1977) dans Dialectiques, « Naissance de la classe ouvrière » dans Le Mouvement social (1976), « Mémoires » dans Nouvelle Revue de psychanalyse (printemps 1977), « Histoire et historiens » dans Politique aujourd’hui (novembre-décembre 1975), « Des politiques nostalgiques » dans Les Révoltes logiques (1976). La nouvelle revue d’histoire, H. Histoire, créée en 1979 par l’historien Laurent Théis, revendique également cette « démocratisation de la mémoire sociale ». En « recueillant les bribes de la mémoire collective et retraçant la vie des humbles », Laurent Théis propose aux lecteurs dans son premier numéro de tourner le dos à l’histoire positiviste qui privilégiait la nation et l’État pour parler « de la vie quotidienne des hommes [43] ».

14La démocratisation de la mémoire sociale ne reste pas circonscrite aux cercles scientifiques et éditoriaux. La télévision, présente désormais dans la majeure partie des foyers français, est l’un des grands vecteurs de cette nouvelle approche du passé avec la production d’émissions qui emploient souvent des énoncés autour du mot mémoire. À titre d’exemple, une grande série historique est lancée en 1978 sur TF1 pour transmettre aux téléspectateurs une histoire qui « se déroule sur fond de vécu [44] ». Réalisé par Hubert Knapp, les trois premiers épisodes présentent l’histoire de France entre 1880 et 1918 [45]. La série est reprise en 1981 pour raconter la période de l’entre-deux-guerres, et notamment la mémoire ouvrière [46]. Le principe de la série se résume à son titre : « Ceux qui se souviennent ». L’émission est composée exclusivement de témoignages de personnes ordinaires de toutes conditions sociales, de toutes origines géographiques et de toutes opinions religieuses qui font le récit de leurs souvenirs personnels pour retracer l’histoire nationale. Dans un dossier que le magazine Télérama consacre à l’émission, la journaliste Dominique Pélegrin emploie l’expression mémoire collective pour la saluer, car « pour une fois, le témoignage des simples gens n’est pas utilisé à l’appui de statistiques ou pour étayer le propos définitif du spécialiste de service. Pas besoin de commentaire. Leurs voix entremêlées tissent pour nous le grand drap de la mémoire collective [47] ». La journaliste fait de nouveau usage de mémoire collective dans la présentation de la première émission [48], puis dans celle consacrée à la Première Guerre mondiale [49].

15En écrivant l’article « Mémoire collective » publié en 1978, Pierre Nora réagit à cette évolution sociale et sémantique qu’il suit en observateur avisé des mutations de son temps. L’historien construit l’objet mémoire en écho direct aux nouveaux usages du terme formulant à la fois une nouvelle narration du passé et de nouveaux vecteurs de transmission d’une histoire « par le bas » qui s’affranchit de la trame du récit national traditionnel et du cadre du discours des historiens. C’est bien sur ces deux aspects, qu’il perçoit comme une menace, que Pierre Nora entreprend sa réponse scientifique à la fin des années 1970. L’ambivalence originelle de son entreprise est d’emprunter le vocabulaire de la mémoire pour réaffirmer la légitimité de l’histoire contre la mémoire dans le champ scientifique, et de l’historien contre les groupes porteurs de mémoires collectives sur la scène sociale. Cette volonté de rétablir une hiérarchie, une unité et une fonction sociale du discours historien face à la « prolifération rapide des mémoires collectives [50] » se formule en effet chez Pierre Nora par la réappropriation du vocabulaire de la mémoire mobilisé par de nombreux acteurs sociaux qui manifestent ainsi dans le langage le désir du maintien d’une relation sensée au passé. L’écriture de l’histoire nationale au second degré passe chez Pierre Nora par l’invention de figures de style autour de mémoire dont celle de lieu de mémoire qu’il emploie dès 1978 dans l’entretien des Nouvelles littéraires déjà cité, avant que l’expression constitue une notion en 1984, puis un paradigme dans les années qui suivent.

16En attirant l’attention sur la dimension personnelle du projet des Lieux de mémoire et sur les conditions sociales de sa production, il s’agit donc pour la discipline historique « d’en finir avec une certaine naïveté du moment-mémoire [51] » comme y invitait la sociologue Marie-Claire Lavabre dès les années 1990. Si l’entreprise des Lieux de mémoire a constitué un projet de recherche fécond inspirant de nombreuses études sur la mémoire en France et à l’étranger [52], on peut se demander aujourd’hui, outre sa dimension « spéculaire » [53] et ses limites historiographiques [54], si l’opération de catégorisation « histoire/mémoire » qui l’a accompagnée au détour des années 1970-1980, déterminant le cadre épistémologique de toute une génération, ne recouvre pas une ambiguïté originelle pour la discipline historique quant à sa définition et sa perception de la mémoire.

Investir la mémoire comme objet scientifique

17À ce stade de notre présentation, il importe de clarifier un point central. Notre souci est de démêler ce que l’on nomme dans le langage courant « mémoire » pour désigner les multiples formes, représentations et actions relatives au passé, de ce qui nous occupe d’un point de vue scientifique, à savoir le fonctionnement de la mémoire individuelle et de la mémoire collective, en nous centrant en particulier sur les différents points d’articulation entre mémoire individuelle et mémoire collective, qui constituent l’un des objets principaux des études mémorielles aujourd’hui [55]. Partant de cet effort, il nous apparaît que l’opposition entre histoire et mémoire dans le champ de la discipline historique s’est régulièrement nourrie, depuis les années 1980, d’une grande porosité entre ces deux acceptions du même mot : l’une, de plus en plus présente dans le champ social, recouvrant des sens multiples porteurs de considérations normatives, l’autre constituant un objet d’étude dans le champ scientifique.

18L’évolution que décrit Pierre Nora en 2006, d’une mémoire qui aurait « mangé » l’histoire, relève ainsi de la première catégorie et pointe en toile de fond une mutation sociale qui touche aussi à la question du langage. Depuis les années 1980, les historiens se sont retrouvés de plus en plus confrontés à la prééminence d’une notion mais également à la place et à la fonction attribuée au mot mémoire, devenu par sa polysémie et l’extension considérable de son champ lexical l’instrument langagier privilégié pour discourir sur le passé, le représenter, l’incarner ou l’institutionnaliser sur la scène sociale [56]. S’il existe une « tyrannie de la mémoire », elle s’est logée dans le pouvoir du mot investi d’une autorité particulière pour mettre en récit et transmettre le passé. Les usages de la mémoire depuis près de quarante ans témoignent d’une polysémie débordant largement les historiens par sa capacité à instituer du sens dans notre présent, à partir de faits du passé, et à mobiliser ainsi des actions sociales, politiques, éducatives, culturelles et artistiques innombrables.

19Rappelons ici brièvement quelques évolutions marquantes, qui ont fait l’objet pour la plupart de nombreux travaux, pour lesquelles ce mot est devenu un cadre référentiel. La mémoire a ainsi énoncé régulièrement depuis les années 1970 les différentes formes de patrimonialisation à l’œuvre dans les sociétés, à l’échelle nationale et internationale [57]. Dans le contexte des années 1980 qui voit émerger un nouveau statut social pour les victimes, corrélé d’une part à une attention au traumatisme [58], et d’autre part à la vulgarisation des théories freudiennes sur le refoulement, la mémoire a été appréhendée comme une libération individuelle indispensable par le biais de la verbalisation publique de souvenirs enfouis dans l’inconscient. À l’échelle collective, le discours médiatique a présenté la mémoire comme le moyen d’une indispensable thérapie pour une « France malade de son passé » concernant Vichy et sa complicité dans les persécutions antisémites de la Seconde Guerre mondiale. Le terme a été progressivement introduit comme un instrument des politiques du passé [59], d’abord pour refonder l’identité nationale autour des valeurs de paix et de l’hommage aux morts pour la France au cours des années 1980 [60], puis pour pacifier le corps social, en proie à l’antisémitisme et au racisme, autour des droits de l’être humain. La judiciarisation du passé s’est accompagnée d’une omniprésence du terme lors de procès particulièrement médiatisés qui ont installé la mémoire dans un régime de vérité [61]. La mémoire des témoins juridiques a administré la preuve de la culpabilité de criminels (Klaus Barbie, Paul Touvier, Maurice Papon), mais aussi la véracité de faits (la persécution et l’extermination des juifs avec la participation des autorités françaises) qualifiés de crimes contre l’humanité. Le récit des témoins oculaires de la Seconde Guerre mondiale porteurs de mémoire s’est retrouvé au cœur de vecteurs de mémorialisation [62] (cinéma, émissions télévisées, littérature de témoignage, école) pour énoncer la vérité historique [63]. La mémoire incarnée par le témoin à qui l’on attribue une fonction sociale particulièrement valorisée (la transmission) est ainsi venue concurrencer l’historien dans la spécificité même de sa démarche qui lui conférait son autorité [64]. La mémoire a parallèlement désigné un horizon d’attente à prétention universaliste dans le contexte du déclin de l’eschatologie révolutionnaire que portait le communisme, de la centralité nouvelle que prenait progressivement le génocide des juifs en France et dans le monde occidental [65], et de la multiplication des dispositifs « vérité et réconciliation » dans les pays connaissant des transitions démocratiques [66]. En France, l’imposition d’un devoir de mémoire concernant la Shoah s’est ainsi construite par le biais de l’adhésion à de nouvelles normes morales qui ont fondé un nouveau contrat relatif au passé : l’État doit faire mémoire des crimes commis par la France, au nom des droits de l’être humain [67]. Alors que l’État bute sur sa fonction de redistribution sociale avec l’enracinement d’un chômage de masse véhiculant une crise de l’avenir, la puissance publique a ainsi progressivement mobilisé la mémoire pour apporter à ses administrés une restauration de l’estime de soi, avec la mise en place de politiques de reconnaissance [68], par le biais notamment d’institutions, de commémorations et de lois. De nouvelles luttes sociales se sont alors formulées par le biais de ce vocabulaire de la mémoire pour revendiquer à la fois une intégration dans la mémoire nationale de certains passés et la fin de pratiques discriminatoires à l’encontre de certaines populations (descendants de colonisés, Noirs) [69]. Enfin, le terme de mémoire est aussi employé pour évoquer des créations artistiques contemporaines très variées dans les domaines de l’architecture, de la sculpture, de la peinture, de la littérature, du cinéma, de la bande dessinée, etc.

20Parallèlement à cette généralisation du terme mémoire pour nommer les différentes formes du passé ou des actions relatives au passé convoqué pour le présent et l’avenir, les historiens ont été régulièrement sollicités en tant qu’experts et sont intervenus à ce titre dans le champ social pour accompagner certaines de ces actions (procès, commémorations, commissions dont celle dite Mattéoli, mémoriaux) [70]. L’ambiguïté originelle de la catégorisation opposant histoire et mémoire s’est ainsi muée en une flagrante contradiction entre des historiens promouvant un devoir d’histoire, et une expertise historienne accompagnant des actions effectuées sous le signe sémantique de mémoire et de ses déclinaisons (devoir de mémoire, travail de mémoire) [71]. Les tensions entre les pluralités des mises en récit de ce « présent du passé [72] » qu’est la mémoire, effectuées par une multiplicité d’acteurs, et l’écriture de l’histoire sont devenus de plus en plus consubstantielles au travail de l’historien, en particulier celui du temps présent [73]. Cependant, ces tensions qui s’accompagnent parfois de conflictualités à soutenir dans le débat public peuvent être productrices de questionnements, de matériaux, de méthodes en lieu et place d’une opposition, voire d’une hostilité revendiquée envers la mémoire.

21Par conséquent, pour échapper à l’opposition stérile entre histoire et mémoire évoquée en ces termes par Philippe Joutard, il apparaît indispensable de distinguer les usages du mot mémoire dans le discours social d’une part, des recherches consacrées au fonctionnement de la mémoire dans le champ scientifique d’autre part. Or, la discipline historique n’a pas conceptualisé de manière approfondie cet objet avant la catégorisation histoire/mémoire effectuée par Pierre Nora accompagnant son projet des Lieux de mémoire, devenu l’un des paradigmes des études mémorielles [74]. Elle est donc dépourvue d’héritage en son sein pour rompre la dichotomie histoire/mémoire. Cela n’a cependant pas empêché de nombreux historiens de travailler sur la mémoire en dehors de ce cadre conceptuel. Des travaux pionniers de Philippe Joutard et Antoine Prost à la fin des années 1970 [75] à ceux de Raphaëlle Branche sur la guerre d’Algérie dans les années 2000 [76], sans oublier dans l’intervalle, et sans intention d’exhaustivité, Henry Rousso sur le régime de Vichy [77], Jean-Clément Martin sur la Vendée contre-révolutionnaire [78], Lucette Valensi sur la bataille des Trois Rois de 1578 [79] ou Patrick Garcia sur les pratiques commémoratives [80], la discipline historique française a développé des recherches particulièrement fécondes sur la mémoire, notamment en sollicitant de nouvelles sources [81].

22Différents outils conceptuels élaborés par le passé permettent d’y contribuer. Les réflexions de Paul Ricœur sur l’écriture de l’histoire et sur la mémoire représentent pour les historiens une somme précieuse permettant d’aborder ces deux catégories temporelles de façon dialectique et non antagonique, pour les penser distinctement mais ensemble. Or, les termes de cette distinction, qu’il opère notamment en 2000 dans son ouvrage La Mémoire, l’histoire, l’oubli, apparaissent encore sous-exploités [82]. Partant d’Aristote qui postulait que l’une des caractéristiques de la mémoire est de porter la marque du temps [83], Ricœur présente les traces mémorielles comme relevant de trois ordres : corticales, psychiques et matérielles. C’est dans sa dimension matérielle que la mémoire croise l’investigation de l’historien qui opère une distinction entre histoire et mémoire en appliquant la méthode de critique interne et externe des documents qu’il rassemble (dont le témoignage fait partie) pour établir un fait historique [84]. Cette distinction s’élabore également pour le philosophe dans la question du « pourquoi ? » propre à la discipline historique qui l’autonomise de la mémoire en conduisant l’historien à mobiliser des schèmes d’intelligibilité à même de représenter le passé par le biais de l’acte d’écriture. Pour autant, et c’est en cela que des historiens ont repris à leur compte sa notion de travail de mémoire [85], l’histoire et la mémoire sont pour Ricœur toutes deux confrontées au défi de l’oubli. Ricœur rappelle ainsi la dette éthique de l’histoire envers le passé [86], et voit dans cette discipline la possibilité de transformer des mémoires exclusives, tentées par la fixation victimaire et la défiance envers l’histoire, d’abus de mémoire en juste mémoire.

23Beaucoup plus loin de nous, les remarques de Marc Bloch en 1925 à propos de l’ouvrage Les Cadres sociaux de la mémoire de Maurice Halbwachs jettent les bases d’un dialogue avec le sociologue qui nous semblent toujours particulièrement opérantes [87]. Elles nous invitent à situer le territoire de l’historien de la mémoire au croisement d’une double interaction : interaction continue entre passé et présent, conjuguée simultanément aux interactions entre l’individu et le social. Cette approche interactionniste évite de circonscrire la mémoire collective à un ensemble de souvenirs sélectionnés et partagés par une collectivité pour lui donner un sens commun et ainsi façonner son identité. Cette propriété sert trop souvent à dénommer de manière globale et figée la mémoire d’un événement ou d’un groupe (la mémoire de la Shoah, de l’Occupation, de l’esclavage, la mémoire nationale, etc.) en considérant d’emblée le partage comme effectif, linéaire et consensuel. Une telle acception place à la marge les individus porteurs de ces souvenirs, l’espace social et les temporalités qui interviennent dans leur élaboration, comme la question du niveau de partage, de la réception et de l’appropriation de ces souvenirs qui se structurent dans le cadre des relations interindividuelles. Alors que certains chercheurs travaillant sur la mémoire reprochent à la théorie halbwachsienne de la mémoire collective de surdéterminer le groupe au détriment de l’individu [88], Halbwachs avait justement souligné l’importance de ces dynamiques interindividuelles pour définir la notion de mémoire collective [89], ce que Marc Bloch avait retraduit par « des faits de communication entre individus [90] ». On touche là au processus de « négociation » mis en exergue par le sociologue entre différentes mémoires individuelles [91].

24En considérant la mémoire comme une construction sociale dynamique qui s’opère conjointement par « effet du passé et effet du présent [92] », l’historien doit également tenir le deuxième bout de la chaîne de ses interactions et considérer, selon la formule pertinente de Bernard Lepetit, que « le passé est, ainsi, un présent en glissement [93] ». Si « un événement n’est pas ce qu’on peut voir ou savoir de lui, mais ce qu’il devient (et d’abord pour nous) [94] », il demeure en devenir, dans les reformulations successives selon les sens que le présent lui attribue ; ce que Marc Bloch indiquait quant à lui en ces termes : « La mémoire collective, comme la mémoire individuelle, ne conserve pas précisément le passé ; elle le retrouve ou le reconstruit sans cesse, en partant du présent [95]. » Tel est en fait le postulat à partir duquel le chercheur nord-américain Michael Rothberg a élaboré dans les années 2000 sa notion de mémoire multidirectionnelle pour analyser l’imbrication de la mémoire de l’Holocauste et de l’histoire anticoloniale en France, en particulier pendant la guerre d’Algérie [96]. Son étude du témoignage de l’ancienne déportée Marceline Loridan dans le film de Jean Rouch et Edgard Morin Chronique d’un été (1961) illustre parfaitement les effets de ce contexte historique, mais également ceux de l’outil technique (caméra), du parti pris esthétique (cinéma vérité) et des échanges interindividuels sur la remémoration de ce passé [97].

25Ce présent n’est donc pas à penser comme une catégorie abstraite qui soumettrait la mémoire à ses déterminismes sociaux dans une approche présentiste. Aborder ainsi la mémoire par l’étude du présent entendu comme un environnement social dynamique qui façonne en permanence les reformulations du passé constitue un champ considérable pour l’historien s’il est pris dans toute son étendue. Nous en indiquons ici quelques pistes. Son analyse requiert l’identification des acteurs qui opèrent sur le passé, qu’ils soient individuels ou collectifs, publics ou privés, institutionnels ou non. L’étude des interactions entre passé et présent conduit également à analyser en amont les conditions sociales dans lesquelles ces acteurs agissent (rôle de la mémoire familiale, de leur position sociale, des effets de génération par exemple). Les effets de leurs actions dans les reconfigurations du passé sont l’une des préoccupations majeures des études mémorielles. Ces effets ne sont pas linéaires, ils font l’objet d’un bricolage complexe propre à chaque individu, pris dans son espace social et psychique, qui dépasse largement la simple question de l’adhésion ou du rejet d’un acte public de remémoration. Dans une démarche impliquant nécessairement un décloisonnement disciplinaire, une telle perspective mobilise notamment des notions élaborées en histoire (entrepreneurs de mémoire [98], champ d’expérience/horizon d’attente [99]), en philosophie (récit, identité narrative), en linguistique (sémantique de l’action, acte de langage), en sciences politiques et sociologie de l’action (mise à l’agenda, problème public, scandale, politique publique, émotion) ou en littérature (agency[100], postmémoire [101]). Sur une échelle temporelle plus large, les individus (et non plus seulement les acteurs), sont également conditionnés par des grammaires culturelles dans leurs mises en récit du passé. Il revient aussi aux historiens de déplier ces grammaires dans leurs temporalités pour restituer au mieux les sens de la recomposition du passé à plusieurs niveaux d’interprétation, tout en les resituant dans leur régime d’historicité [102]. Les travaux du politiste Johann Michel invitent par exemple à identifier les différents régimes mémoriels de l’esclavage en France depuis 1945 (abolitionniste, nationaliste/anticolonialiste, victimo-mémoriel) et à les définir comme des institutions du sens à partir desquelles des individus et des collectivités décident d’agir publiquement sur ce passé successivement reconfiguré [103]. Dans cet examen des schèmes d’articulations entre individu/social et passé/présent, il faut ajouter les effets des nouveaux supports numériques avec les réseaux sociaux et les sites dédiés au passé qui ouvrent un nouveau champ d’étude de la mémoire [104]. Les « faits de communication » relatifs à la mémoire s’élaborent dorénavant aussi par des procédés techniques dématérialisés permettant leurs flux temporels en continu dans un cadre non plus national mais globalisé, et la constitution de groupes d’internautes qui se forgent une identité en construisant un sens commun à donner au passé [105].

26Enfin, les historiens peuvent bénéficier des recherches des neuroscientifiques qui prennent désormais en compte l’environnement social dans leur analyse du fonctionnement cérébral de la mémoire individuelle, marquant un véritable « tournant social » pour cette discipline depuis quelques années [106]. Des expériences sont actuellement en cours dans ce cadre interdisciplinaire pour étudier les questions de réception individuelle des récits historiques via la visite de mémoriaux [107].

27À partir de ces quelques points d’entrées qui ne sauraient épuiser le renouvellement du champ ici questionné, on voit tout le bénéfice que les historiens peuvent retirer d’une sortie du cadre écran opposant la mémoire à l’histoire pour entrer dans une articulation certes plus complexe mais autrement plus féconde, et qui se situe au fondement de leur discipline : le rapport de l’individu au social et au temps. Dans ce cadre interprétatif, le développement d’études de cas, investiguant des objets sur une échelle réduite, permet par ailleurs d’analyser le rapport au passé en cernant de plus près tant les niveaux de mémoire (individuel, collectif, public), leurs supports (famille, associations, lieux, objets matériels, culturels et artistiques, institutions, médias), que les dynamiques interactives qui sont à l’œuvre. Aborder la mémoire à cette échelle offre la possibilité de contrepoints aux modèles narratifs généraux régulièrement demandés aux historiens, relevant souvent de la rétrodiction, et d’écrire l’histoire de la mémoire dans « l’expérience de la contingence » [108].


Mots-clés éditeurs : historiographie, histoire, mémoire, memory studies, épistémologie

Date de mise en ligne : 24/01/2017.

https://doi.org/10.3917/ving.133.0113

Notes

  • [1]
    Pour une mise en contexte de cette crise, voir Patrick Garcia, « France 2005 : une “crise historique” en perspective », in Bogumil Jewsiewicki et Erika Nimis (dir.), Expériences et mémoire : partager en français la diversité du monde, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 337-352.
  • [2]
    « Collectif des Antillais, Guyanais, Réunionnais et Mahorais » présidé alors par Patrick Karam.
  • [3]
    Sur les circonstances de la création de Liberté pour l’histoire, voir François Dosse, Pierre Nora : homo historicus, Paris, Perrin, 2011.
  • [4]
    Rappelons les lois visées : loi dite Gayssot du 13 juillet 1990 « tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe » ; loi du 29 janvier 2001 « relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 » ; loi dite Taubira du 21 mai 2001 « tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité » ; loi du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». Sur ce positionnement d’historiens à l’encontre des « lois mémorielles », voir la critique de Marc Olivier Baruch, Des lois indignes ? Les historiens, la politique et le droit, Paris, Tallandier, 2013.
  • [5]
    Pour rappel, il s’agit de Jean-Pierre Azéma, Jean-Jacques Becker, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet et Michel Winock, auxquels il faut ajouter Élisabeth Badinter et Françoise Chandernagor.
  • [6]
    « Liberté pour l’histoire », Libération, 13 décembre 2005. La pétition recueillera plus de 1 100 signatures.
  • [7]
    Entretien dans Le Figaro littéraire, 22 décembre 2005.
  • [8]
    Pierre Nora, « L’ère de la commémoration », in Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1992, « Quarto », 1997, t. III, p. 4715.
  • [9]
    Pierre Nora, « Malaise dans l’identité historique », Le Débat, 141, septembre-octobre 2006, texte réédité dans Liberté pour l’histoire, Paris, CNRS éditions, « Débats », 2008, p. 15.
  • [10]
    Ibid., p. 21.
  • [11]
    Ibid., p. 19.
  • [12]
    Ibid., p. 16.
  • [13]
    « […L]a liste de ces lois mémorielles montre bien quelles ont été les considérations à l’origine de leur adoption : des considérations essentiellement électorales, qui ne sont assurément pas méprisables, mais qui relèvent plus de l’émotion que de la raison, qui n’ont aucune légitimité scientifique et qui confondent la mémoire avec l’histoire. Elles procèdent toutes de la même aspiration de communautés particulières, religieuses ou ethniques, à faire prendre en considération par la communauté nationale leur mémoire particulière par l’intermédiaire de l’histoire qui est prise en otage » (René Rémond, « L’Histoire et la Loi », Études, 404 (6), 2006, p. 772-773). Voir également René Rémond, « Pourquoi abroger les lois mémorielles ? », Regards sur l’actualité, « L’État et les mémoires » dossier dirigé par Isabelle Flahault, 325, 2006, p. 17-25.
  • [14]
    Communiqué des signataires de l’appel « Liberté pour l’histoire », 29 janvier 2006.
  • [15]
    L’article 4 de la loi du 23 février 2005 entraîne une pétition demandant l’abrogation de la loi : Claude Liauzu, Gilbert Meynier, Gérard Noiriel, Frédéric Régent, Trin Van Thao et Lucette Valensi, « Colonisation : non à l’enseignement de l’histoire officielle », Le Monde, 25 mars 2005. La pétition est relayée par la Ligue des droits de l’homme et compte 1 020 signataires au 25 avril 2005.
  • [16]
    Manifeste du CVUH, 17 juin 2005, en ligne sur le site du CVUH.
  • [17]
    Michel Giraud, Gérard Noiriel, Nicolas Offenstadt et Michèle Riot-Sarcey, L’Humanité, 21 décembre 2005.
  • [18]
    P. Garcia, « France 2005… », op. cit., p. 10. Outre la création des deux associations déjà mentionnées, l’historien relève ainsi le nombre important de pétitions adressées aux historiens en quelques mois (sept), de leurs signataires, ainsi que des réunions organisées dans de nombreuses universités marquées par la présence de spécialistes de différentes périodes.
  • [19]
    Claire Andrieu, « Mémoire », in Christian Delporte, Jean-Yves Mollier et Jean-François Sirinelli (dir.), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine, Paris, PUF, 2010, p. 528-530.
  • [20]
    Philippe Joutard, « Mémoire collective », in Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia et Nicolas Offenstadt (dir.), Historiographies, II, Paris, Gallimard, « Folio histoire », 2010, p. 789. Son dernier ouvrage marque la volonté de dépasser cette opposition entre histoire et mémoire : Philippe Joutard, Histoire et mémoires, conflits et alliance, Paris, La Découverte, 2013.
  • [21]
    P. Nora, « Malaise dans l’identité historique », op. cit., p. 15.
  • [22]
    Ibid., p. 16.
  • [23]
    L’ouvrage est divisé en trois parties : « Nouveaux problèmes », « Nouvelles approches », « Nouveaux objets ». (Jacques Le Goff et Pierre Nora (dir.), Faire de l’histoire, Paris, Gallimard, 1974.)
  • [24]
    Pierre Nora, « Mémoire collective », in Jacques Le Goff, Roger Chartier et Jacques Revel (dir.), La Nouvelle Histoire, Paris, CEPL, 1978, p. 398-401.
  • [25]
    Ibid., p. 401.
  • [26]
    Ibid., p. 400.
  • [27]
    Pierre Nora « Entre mémoire et histoire », in Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, t. I : La République, Gallimard, « Quarto », 1984, 1997, p. 23-43, p. 24.
  • [28]
    P. Nora, « Mémoire collective », op. cit., p. 400.
  • [29]
    Si le livre de Maurice Halbwachs, La Mémoire collective, est cité dans l’article de 1978, en termes incorrects d’ailleurs (Mémoires collectives), les travaux du sociologue ne sont pas discutés.
  • [30]
    Pierre Nora suit le séminaire de René Rémond à Sciences Po en 1964-1965, intitulé « Durée, mémoire et politique », ce qui lui inspire un article sur le rôle du passé aux États-Unis dans lequel il utilise la notion de mémoire collective sans encore la définir. Voir Pierre Nora, « Le “fardeau de l’histoire” aux États-Unis », in Mélanges Pierre Renouvin : études d’histoire des relations internationales, Paris, PUF, 1966, p. 51-74.
  • [31]
    Voir F. Dosse, Pierre Nora…, op. cit.
  • [32]
    Pierre Nora, « Topologie d’une mémoire fantôme », Les Nouvelles littéraires, « Notre mémoire populaire », dossier dirigé par Jean-Pierre Rioux, 2620, 26 janvier-2 février 1978, p. 17-18, p. 18.
  • [33]
    Pierre Nora, entretien avec Jean-Baptiste Pontalis, « Mémoire de l’historien, mémoire de l’histoire », Nouvelle Revue de la psychanalyse, 15, printemps 1977, p. 221-232, p. 225.
  • [34]
    P. Nora, « Topologie d’une mémoire fantôme », op. cit., p. 18.
  • [35]
    Jacques Revel, Un parcours critique : douze exercices d’histoire sociale, Paris, Galaade, 2006, p. 11-12.
  • [36]
    Michel Foucault, entretien avec Pascal Bonitzer et Serge Toubiana, « Anti-Rétro », Cahiers du cinéma, 251-252, juillet-août 1974, réédité dans Michel Foucault, Dits et écrits, Paris, Gallimard, « Quarto », 2001, t. I, p. 1514-1528, p. 1516.
  • [37]
    Voir Pascal Ory, L’Entre-deux-Mai : histoire culturelle de la France, Mai 1968-Mai 1981, Paris, Éd. du Seuil, 1983.
  • [38]
    Claude Dubar, La Crise des identités : l’interprétation d’une mutation, Paris, PUF, 2000, p. xi.
  • [39]
    Les Nouvelles littéraires, « Notre mémoire populaire », dossier dirigé par Jean-Pierre Rioux, 2620, 26 janvier-2 février 1978, p. 15-22.
  • [40]
    Jean-Pierre Rioux, « Le cri des hommes », Les Nouvelles littéraires, « Notre mémoire populaire », dossier dirigé par Jean-Pierre Rioux, 2620, 26 janvier-2 février 1978, p. 16.
  • [41]
    Madeleine Rebérioux, « Le miroir des travailleurs », Les Nouvelles littéraires, « Notre mémoire populaire », dossier dirigé par Jean-Pierre Rioux (dir.), 2620, 26 janvier-2 février 1978, p. 18-19, p. 19.
  • [42]
    Jacques Rancière, « Les mirages de l’histoire immobile », Les Nouvelles littéraires, « Notre mémoire populaire », dossier dirigé par Jean-Pierre Rioux (dir.), 2620, 26 janvier-2 février 1978, p. 21.
  • [43]
    Laurent Théis, « Note aux lecteurs », H. Histoire, 1, mars 1979, p. 3.
  • [44]
    Commentaire du magazine Télérama lors de la diffusion de la première émission le 7 novembre 1978 (Télérama, 1503, semaine du 4 au 10 novembre 1978, p. 59).
  • [45]
    « Ceux qui se souviennent », « 1. La revanche : 1880-1900 » 7 novembre 1978, « 2. 1900-1914 : les enfants de la République », 14 novembre 1978, « 3. 1914-1918 : ils ont tenu », 15 novembre 1978 (INA).
  • [46]
    « Ceux qui se souviennent », « 4. Le printemps 1919 : les Français racontent », 2 juillet 1981, « 5. Mémoires populaires chantantes et sentimentales des années 1920 », 9 juillet 1981, « 6. Chronique de la mémoire ouvrière avant le Front populaire », 16 juillet 1981 (INA).
  • [47]
    Télérama, 1503, semaine du 4 au 10 novembre 1978, p. 19.
  • [48]
    « Et pourtant, ces peines, ces joies, ces surprises constituent une mémoire collective parfois fragmentaire, parfois hésitante, mais toujours tissée d’émotions » (Télérama, 1503, semaine du 4 au 10 novembre 1978, p. 59).
  • [49]
    « Les émissions historiques sur la guerre de Quatorze ne manquent pas. Rappelons que celle-ci est originale puisqu’elle laisse quelques témoins raconter leurs propres souvenirs, contribuant ainsi à créer la mémoire collective. Comme des grands-parents, à la veillée. Et c’est passionnant. » (Télérama, 1504, semaine du 11 au 17 novembre 1978, p. 75.)
  • [50]
    P. Nora, « Mémoire collective », op. cit., p. 400.
  • [51]
    Marie-Claire Lavabre, « Usages du passé, usages de la mémoire », Revue française de science politique, 3, 1994, p. 480-493, p. 481.
  • [52]
    Des entreprises analogues ont été menées en Allemagne et en Italie par exemple.
  • [53]
    Pour Bernard Lepetit, le projet des Lieux de mémoire constitue une « histoire spéculaire, attentive non pas à restituer le passé, mais qui trouve sa fin dans l’établissement d’une distance critique avec les modalités sociales de sa muséification ». (Bernard Lepetit, « Le présent de l’histoire », in id., Les Formes de l’expérience : une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995, 2013, p. 349-380, p. 380.)
  • [54]
    Voir les remarques d’Henry Rousso qui relève l’absence de certains passés traumatiques dans l’inventaire des Lieux de mémoire, « Un jeu de l’oie de l’identité française », Vingtième Siècle : revue d’histoire, 15, juillet-septembre 1987, p. 151-154.
  • [55]
    On remarquera ici que cette question de l’articulation entre mémoire individuelle et mémoire collective a représenté l’un des axes principaux des études mémorielles à partir des années 1980, et l’un des points de départ de la constitution d’un nouveau champ de recherche sur la mémoire dans les pays anglo-saxons, les memory studies, au cours des années 2000. Pour une présentation critique des memory studies, voir Sarah Gensburger, « Réflexion sur l’institutionnalisation récente des memory studies », Revue de synthèse, 132 (3), 2011, p. 411-433.
  • [56]
    Voir Sébastien Ledoux, « Les historiens face aux nouveaux usages du mot mémoire », Mots : les langages du politique, 103, novembre 2013, p. 137-143.
  • [57]
    Parmi d’innombrables exemples, notons l’intitulé du service de l’UNESCO chargé de référencer le patrimoine documentaire mondial : « Registre de la Mémoire du Monde ».
  • [58]
    Voir Didier Fassin et Richard Rechtman, L’Empire du traumatisme : enquête sur la condition de victime, Paris, Flammarion, 2007.
  • [59]
    Cette notion de « politique du passé » provient de l’expression allemande « Vergangenheitspolitik ». Voir Norbert Frei, Vergangenheitspolitik : Die Anfänge der Bundesrepublik und die NS-Vergangenheit, Munich, Beck, 1996. Pour le cas français, nous renvoyons à Claire Andrieu, Marie-Claire Lavabre et Danielle Tartakowsky (dir.), Politiques du passé : usages politiques du passé dans la France contemporaine, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2006.
  • [60]
    Voir le rôle de Serge Barcellini au sein du secrétariat d’État aux Anciens Combattants qui présente la mémoire comme un « créneau » (Sébastien Ledoux, Le Devoir de mémoire : une formule et son histoire, Paris, CNRS éditions, 2016, p. 59-78).
  • [61]
    Notons par exemple la formulation des médias lors de la condamnation de Klaus Barbie pour crimes contre l’humanité : « Le verdict de la mémoire », Le Monde et le journal télévisé d’Antenne 2, 4 juillet 1987.
  • [62]
    Entendu ici comme la mise en récit publique d’événements du passé dans le présent et pour l’avenir. Voir Denis Peschanski (dir.), Mémoire et mémorialisation, Paris, Hermann, 2013.
  • [63]
    Voir Renaud Dulong, Le Témoin oculaire : les conditions sociales de l’attestation personnelle, Paris, Éd. de l’EHESS, 1998.
  • [64]
    En 1994, Henry Rousso souhaite ainsi préciser que l’« on n’écrit pas l’histoire en ne se fiant qu’aux témoins. Le respect du droit à la mémoire […] ne signifie pas qu’il faille prendre ces voix qui nous viennent du passé comme des paroles d’évangile. Ce sont là des rappels simples que des journalistes ou des militants bien intentionnés oublient parfois lorsqu’ils tendent leur micro à ces grands témoins mais se refusent à toute analyse critique de leurs propos » (Henry Rousso et Éric Conan, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994, Gallimard, « Folio Histoire », 2001, p. 317). Voir à ce sujet la mise en perspective de Danièle Voldman, « Le témoignage dans l’histoire française du temps présent », Bulletin de l’IHTP, 75, juin 2000, p. 41-54.
  • [65]
    Voir Daniel Levy et Natan Sznaider, The Holocaust and Memory in a Global Age, Philadelphie, Philadelphia Temple University Press, 2006.
  • [66]
    Pour une approche critique de ces dispositifs, voir notamment Sandrine Lefranc, Politiques du pardon, Paris, PUF, 2002.
  • [67]
    Nous renvoyons à notre étude : S. Ledoux, Le Devoir de mémoire…, op. cit.
  • [68]
    Voir Axel Honneth, Kampf um Anerkennung, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1992 ; trad. fr., id., La Lutte pour la reconnaissance, trad. de l’all. par Pierre Rusch, Paris, Éd. du Cerf, 2000.
  • [69]
    Voir les actions de l’association Au nom de la mémoire pour la reconnaissance du 17 octobre 1961 et du Comité devoir de mémoire pour la reconnaissance de la traite transatlantique et de l’esclavage comme crimes contre l’humanité dans les années 1990, ou celles des Indigènes de la République et du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) à partir de 2005.
  • [70]
    Pour cette évolution vers l’historien-expert, voir Olivier Dumoulin, Le Rôle social de l’historien, Paris, Albin Michel, 2003.
  • [71]
    Par exemple, dans son livre Douze Leçons d’histoire paru en 1996, Antoine Prost critique en conclusion le « devoir de mémoire » et plaide pour un « devoir d’histoire », une formule très vite reprise par d’autres historiens (voir S. Ledoux, Le Devoir de mémoire…, op. cit.). Pour autant, Antoine Prost participe avec d’autres historiens (Claire Andrieu, Jean Favier et Annette Wieviorka) à la Mission Mattéoli relative aux biens juifs spoliés sous l’Occupation qui est créée en 1997 par le pouvoir exécutif au nom du « devoir de mémoire » dû aux victimes de la Shoah (déclarations de Jacques Chirac et de Lionel Jospin). Cette mission associe un travail de connaissance historique mené par ces historiens, des réparations financières (indemnisation des orphelins juifs) et la création de la Fondation pour la mémoire de la Shoah qui mettra en place ultérieurement un conseil scientifique rassemblant des historiens.
  • [72]
    Saint Augustin, Les Confessions, trad. par Joseph Trabucco, Paris, Garnier Flammarion, 1994, p. 269.
  • [73]
    Voir à ce sujet les remarques de Nicolas Offenstadt qui plaide pour une multiplication des lieux d’échanges entre les historiens de métier et les autres narrateurs du passé : « Histoires et historiens dans l’espace public », in Christophe Granger (dir.), À quoi pensent les historiens ? Faire de l’histoire au 21e siècle, Paris, Autrement, 2013, p. 80-97.
  • [74]
    Voir Marie-Claire Lavabre, « Paradigmes de la mémoire », Transcontinentales, 5, 2e sem. 2007, p. 139-147.
  • [75]
    Philippe Joutard, La Légende des Camisards : une sensibilité au passé, Paris, Gallimard, 1977 ; Antoine Prost, Les Anciens Combattants et la société française, Paris, Presses de Sciences Po, 1977, 3 vol.
  • [76]
    Raphaëlle Branche, La Guerre d’Algérie : une histoire apaisée ?, Paris, Éd. du Seuil, « Points Histoire », 2005.
  • [77]
    En particulier Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris, Éd. du Seuil, « Points Histoire », 1987, 1990 ; id., Vichy : l’événement, la mémoire, l’histoire, Paris, Éd. du Seuil, « Points Histoire », 2001.
  • [78]
    Voir, entre autres, Jean-Clément Martin, La Vendée et la Révolution : accepter la mémoire pour écrire l’histoire, Paris, Perrin, 2007.
  • [79]
    Lucette Valensi, Fables de la mémoire : la glorieuse bataille des Trois Rois, Paris, Éd. du Seuil, 1992.
  • [80]
    En particulier Patrick Garcia, Le Bicentenaire de la Révolution française : pratiques sociales d’une commémoration, Paris, CNRS éditions, 2000.
  • [81]
    Voir notamment le champ de l’histoire orale introduit en France par Philippe Joutard à la fin des années 1970 et développé également par les enquêtes de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale au début des années 1980.
  • [82]
    Un constat dressé en 2013 par François Dosse et Catherine Goldentstein dans l’ouvrage collectif qu’ils ont dirigé : François Dosse et Catherine Goldentstein (dir.), Paul Ricœur : penser la mémoire, Paris, Éd. du Seuil, 2013.
  • [83]
    Paul Ricœur, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Éd. du Seuil, « Points Essais », 2000, 2003, p. 8.
  • [84]
    Ibid., p. 226-227.
  • [85]
    Dans leur rapport rendu en 2000, les historiens qui ont participé à la commission Mattéoli sur la spoliation des juifs de France affirment leur attachement à la notion de « travail de mémoire » (Mission d’étude sur la spoliation des juifs de France, Paris, La Documentation française, 2000, p. 168).
  • [86]
    Cette idée était déjà présente dans l’ouvrage de Paul Ricœur intitulé Temps et récit : « À travers le document et au moyen de la preuve documentaire, l’historien est soumis à ce qui, un jour, fut. Il a une dette à l’égard du passé, une dette de reconnaissance à l’égard des morts, qui fait de lui un débiteur insolvable. » (Paul Ricœur, Temps et récit : le temps raconté, Paris, Éd. du Seuil, « Points Essais », 1985, 1991, p. 253.)
  • [87]
    Marc Bloch, « Mémoire collective, tradition et coutume : à propos d’un livre récent », Revue de synthèse historique, 40, 1925, p. 73-83 ; de Maurice Halbwachs, voir en particulier Les Cadres sociaux de la mémoire, Paris, Albin Michel, 1925, 1994 ; id., La Mémoire collective, Paris, Albin Michel, 1950, 1997 ; id., La Topographie légendaire des évangiles en Terre sainte, Paris, PUF, « Quadrige », 1941, 2008.
  • [88]
    Voir les remarques du sociologue Jeffrey K. Olick dans son article « Collective Memory : The Two Cultures », Sociological Theory, 17 (3), 1999, p. 333-348.
  • [89]
    « Si la mémoire collective tire sa force et sa durée de ce qu’elle a pour support un ensemble d’hommes, ce sont cependant des individus qui se souviennent, en tant que membres du groupe. […] Nous dirions volontiers que chaque mémoire individuelle est un point de vue sur la mémoire collective, que ce point de vue change suivant la place que j’y occupe, et que cette place elle-même change suivant les relations que j’entretiens avec d’autres milieux. » (M. Halbwachs, La Mémoire collective, op. cit., p. 94-95.)
  • [90]
    M. Bloch, « Mémoire collective… », op. cit., p. 79.
  • [91]
    « Pour que notre mémoire s’aide de celle des autres, il ne suffit pas que ceux-ci nous apportent leurs témoignages : il faut encore qu’elle n’ait pas cessé de s’accorder avec leurs mémoires et qu’il y ait assez de points de contact entre l’une et les autres pour que le souvenir qu’ils nous rappellent puisse être reconstruit sur un fondement commun. » (M. Halbwachs, La Mémoire collective, op. cit., p. 63.)
  • [92]
    M.-C. Lavabre, « Paradigmes de la mémoire », op. cit., p. 147.
  • [93]
    B. Lepetit, « Le présent de l’histoire », op. cit., p. 378.
  • [94]
    Michel de Certeau, « Prendre la parole », Études, juin-juillet 1968, réédité in id., La Prise de parole et autres écrits politiques, Paris, Éd. du Seuil, « Points », 1994, p. 40-57, p. 51.
  • [95]
    M. Bloch, « Mémoire collective… », op. cit., p. 77.
  • [96]
    Michael Rothberg, Multidirectional Memory : Remembering the Holocaust in the Age of Decolonization, Stanford, Stanford University Press, 2009.
  • [97]
    Michael Rothberg, « Le témoignage à l’âge de la décolonisation : chronique d’un été, cinéma-vérité et émergence du survivant de l’holocauste », Littérature, 144, 2006, p. 56-80.
  • [98]
    Michael Pollak, « Mémoire, oubli, silence », dans Une identité blessée, Paris, Métailié, 1993, p. 15-39, p. 30. Voir également de l’historien son travail sur les conditions de production des souvenirs chez les rescapés des camps de concentration dans L’Expérience concentrationnaire : essai sur le maintien de l’identité sociale, Paris, Métailié, 1990.
  • [99]
    Voir Reinhart Koselleck, Le Futur passé : contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Éd. de l’EHESS, 1990.
  • [100]
    Notion conçue au départ par l’historien Edward P. Thompson dans son ouvrage devenu classique, La Formation de la classe ouvrière anglaise, qui montre le rôle déterminant des processus socioculturels dans l’histoire de cette classe pendant la révolution industrielle, en mettant notamment en exergue la capacité des ouvriers à mobiliser traditions et expériences communes pour agir et résister en tant qu’acteurs de l’histoire. La notion est ensuite reprise par les subaltern studies pour analyser la capacité des minorités en situation postcoloniale à mettre en cause les grandes narrations occidentales dans une dynamique transnationale. Voir à ce sujet, en particulier, Homi K. Bhabha, « The Postcolonial and The Postmodern : The Question of Agency », in id., The Location of Culture, Londres, Routledge, 1994 ; trad. fr., id., Les Lieux de la culture : une théorie postcoloniale, trad. de l’anglais par Françoise Bouillot, Paris, Payot, 2007, p. 267-302. Pour une étude de cas, nous renvoyons à Sébastien Ledoux, « “Devoir de mémoire” : The Post-Colonial Path of a Post-National Memory in France », National Identities, 15 (3), septembre 2013, p. 239-256.
  • [101]
    Notion forgée par Marianne Hirsch pour décrire le rapport que la « génération d’après » entretient avec le traumatisme vécu par ceux qui l’on précédé, et qui prend la forme de projections, de créations et d’investissements imaginatifs. Voir notamment Marianne Hirsch, The Generation of Postmemory : Writing and Visual Culture After The Holocaust, New York, Columbia University Press, 2012.
  • [102]
    Outre l’ouvrage désormais classique de François Hartog, Régimes d’historicité : présentisme et expériences du temps, Paris, Éd. du Seuil, 2003, nous renvoyons à Christian Delacroix, François Dosse et Patrick Garcia (dir.), Historicités, Paris, La Découverte, 2009, et au numéro spécial de la revue Vingtième Siècle coordonné par Ludivine Bantigny et Quentin Deluermoz, « Historicités du 20e siècle : coexistence et concurrence des temps », 117, janvier-mars 2013.
  • [103]
    Johann Michel, Devenir descendant d’esclave : enquête sur les régimes mémoriels, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.
  • [104]
    Voir, par exemple, le nouveau projet Euchronie, coordonné par Rémy Besson et Sébastien Poublanc, qui se donne comme ambition de recenser, d’indexer et de hiérarchiser des productions sur le passé autopubliées sur internet : http://www.euchronie.hypotheses.org.
  • [105]
    Voir Motti Neiger, Oren Meyers et Eyal Zandberg, On Media Memory : Collective Memory in a New Media Age, New York, Palgrave Macmillan, 2011 ; José Van Dick, Mediated Memories in the Digital Age, Stanford, Stanford University Press, 2007.
  • [106]
    Nicolas Legrand, Pierre Gagnepain, Denis Peschanski et Francis Eustache, « Neurosciences et mémoires collectives : les schémas entre cerveau, sociétés et cultures », Biologie d’aujourd’hui, 209 (3), 2015, p. 273-286.
  • [107]
    Le projet transdisciplinaire Matrice Memory, dirigé par l’historien Denis Peschanski, analyse les comportements des visiteurs du Mémorial de Caen, en partenariat avec le laboratoire de neuropsychologie de l’Université de Caen.
  • [108]
    Jacques Revel, « Une vue de côté », et Daniel Innerarity, « L’histoire comme expérience de la contingence », in Christophe Bouton et Bruce Bégout (dir.), Penser l’histoire : de Karl Marx aux siècles des catastrophes, Paris, Éd. de l’Éclat, 2011, p. 7-15 et p. 270-278.
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