Notes
-
[1]
Marcel Martel et Martin Pâquet, Langue et politique au Canada et au Québec : une synthèse historique, Montréal, Éd. Boréal, 2010.
-
[2]
Marcel Bellavance, Le Québec au siècle des nationalités : essai d’histoire comparée, Montréal, vlb éditeur, 2004.
-
[3]
Gabriel A. Almond et Sidney Verba, The Civic Culture, Boston, Little, Brown & Company, 1965 ; Nelson Wiseman, In Search of Canadian Political Culture, Vancouver, UBC Press, 2007.
-
[4]
Les Mémoires québécoises, Sainte-Foy, Presses de l’Université de Laval, 1991, p. 307-308.
-
[5]
Marcel Martel, Le Deuil d’un pays imaginé : rêves, luttes et déroute du Canada français, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1997.
-
[6]
Karim Larose, « L’émergence du projet d’unilinguisme : archéologie de la question linguistique québécoise », Globe : revue internationale d’études québécoises, 7 (2), 2004, p. 177-194 ; M. Martel et M. Pâquet, Langue et politique…, op. cit.
-
[7]
Marie Le Bel, « Montfort, de l’affaire à la cause : un moment charnière dans les stratégies de défense des droits des francophones », in Martin Pâquet (dir.), Faute et réparation au Canada et au Québec contemporains : études historiques, Québec, Éd. Nota bene, 2006, p. 289-318 ; M. Martel et M. Pâquet, Langue et politique…, op. cit.
-
[8]
Éric Waddell, « State, Language, and Society : The Vicissitudes of French in Quebec and Canada », in Alan Cairns et Cynthia Williams (dir.), The Politics of Gender, Ethnicity, and Language in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1986 ; Mark V. Levine, La Reconquête de Montréal, Montréal, vlb éditeur, 1997 ; Jean-Claude Robert, « La langue, enjeu politique du Québec », in Michel Plourde (dir.), Le Français au Québec : 400 ans d’histoire et de vie, Montréal, Fides/Les Publications du Québec, 2000, p. 239-246 ; Pierre Georgeault et Michel Pagé (dir.), Le Français, langue de la diversité québécoise : une réflexion pluridisciplinaire, Montréal, Éd. Québec/Amérique, 2006 ; Jean-Claude Corbeil, L’Embarras des langues : origine, conception et évolution de la politique linguistique québécoise, Montréal, Éd. Québec/Amérique, 2007 ; Leigh Oakes et Jane Warren, Langue, citoyenneté et identité au Québec, Québec, Presses de l’Université de Laval, 2009.
-
[9]
Cité dans Annick Farina, « Lingua e identità : il dilemma del joual durante la “Rivoluzione tranquilla” », Rivista di Studi canadesi, 20, 2007, p. 108.
-
[10]
M. V. Levine, The Reconquest of Montreal…, op. cit., p. 91-92.
-
[11]
Éric Bédard, « McGill français : un contexte de fébrilité étudiante et nationaliste », Bulletin d’histoire politique, 9 (1), 2000, p. 148-152.
-
[12]
Michel Plourde, La Politique linguistique du Québec, 1977-1988, Québec, IQRC, 1988.
-
[13]
Donat J. Taddeo et Raymond C. Taras, Le Débat linguistique au Québec : la communauté italienne et la langue d’enseignement, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1987.
-
[14]
Bibliothèque et Archives Canada, RG 146, vol. 2378, Mouvement pour l’unilinguisme français au Québec, Province of Quebec, dossier 1 ; RG 146, vol. 2621, Protests and Demonstrations Against Bill 63, Province of Quebec, dossiers 1 à 6 ; M. Martel et M. Pâquet, Langue et politique…, op. cit., p. 151-152.
-
[15]
Richard Arès, « Langues officielles et langues maternelles », L’Action nationale, 52 (5), 1963, p. 432-441.
-
[16]
Hubert Charbonneau, Jacques Henripin et Jacques Légaré, « L’avenir démographique des francophones au Québec et à Montréal en l’absence de politiques adéquates », Revue de géographie de Montréal, 24, 1970, p. 199-202.
-
[17]
Jean-Claude Robert, « La langue, enjeu politique du Québec », in M. Plourde (dir.), Le Français au Québec…, op. cit., p. 239-246, p. 245.
-
[18]
Paul Cappon, Conflit entre les Néo-Canadiens et les francophones de Montréal, Québec, Presses de l’Université de Laval, 1974, p. 17.
-
[19]
Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, rapport préliminaire, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1965, p. 125.
-
[20]
Michael Oliver, « Réflexion sur la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme », Isuma : revue canadienne de recherche sur les politiques, 2 (2), 2001, p. 130-134, p. 131.
-
[21]
Robert Comeau, « Présentation », in id. (dir.), André Laurendeau : un intellectuel d’ici, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 1990, p. 203-209, p. 203.
-
[22]
Commission royale d’enquête sur la situation de la langue française et sur les droits linguistiques au Québec, La Situation de la langue française au Québec, vol. 1 : Québec, Québec, Gouvernement du Québec, 1972 ; Jean-Claude Gémar, « Les grandes commissions d’enquête et les premières lois linguistiques », in M. Plourde (dir.), Le Français au Québec…, op. cit., p. 247-253.
-
[23]
Yvan Allaire et Roger E. Miller, Canadian Business Response to the Legislation on Francization in the Workplace, Montréal, C. D. Howe Research Institute, 1980.
-
[24]
Kenneth McRoberts, Quebec : Social Change and Political Crisis, Toronto, McClelland & Stewart, 1988, p. 177.
-
[25]
Martin Pâquet, Tracer les marges de la Cité : étranger, immigrant et État au Québec, 1626-1981, Montréal, Éd. Boréal, 2005, p. 172.
-
[26]
M. V. Levine, La Reconquête de Montréal…, op. cit.
-
[27]
Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Rapport, livre II : L’éducation, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1968, p. 143.
-
[28]
Danilo Turk, « Le droit des minorités en Europe », in Henri Giordan (dir.), Les Minorités en Europe : droits linguistiques et droits de l’Homme, Paris, Kimé, 1992, p. 447-469.
-
[29]
Daniel Bourgeois, Canadian Bilingual Districts : From Cornerstone to Tombstone, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2006.
-
[30]
Kenneth McRoberts, Un pays à refaire : l’échec des politiques constitutionnelles canadiennes, Montréal, Éd. Boréal, 1999.
-
[31]
Michael Mandel, La Charte des droits et libertés et la judiciarisation du politique au Canada, Montréal, Éd. Boréal, 1996.
-
[32]
Mary Jane Mossman, « The Charter and Access to Justice in Canada », in David Schneiderman et Kate Sutherland (dir.), Charting the Consequences : The Impact of Charter Rights on Canadian Law and Politics, Toronto, University of Toronto Press, 1997, p. 271-302.
-
[33]
Commission royale d’enquête sur la situation de la langue française et sur les droits linguistiques au Québec, La Situation…, op. cit., p. 305.
-
[34]
Lois du Québec 1977, Charte de la langue française, préambule.
-
[35]
Ministère d’État au Développement culturel, La Politique québécoise de développement culturel, vol. 1 : Perspectives d’ensemble : de quelle culture s’agit-il ?, Québec, Éditeur officiel, 1978, p. 6.
-
[36]
José Woehrling, « La Charte de la langue française : des ajustements juridiques », in M. Plourde (dir.), Le Français au Québec…, op. cit., p. 285-291.
-
[37]
2 R.C.S. 217 [1998], Renvoi relatif à la sécession du Québec.
-
[38]
Michel de Certeau, Dominique Julia et Jacques Revel, Une politique de la langue : la Révolution française et les patois. L’enquête de Grégoire, Paris, Gallimard, 1975, 2002, p. 178.
-
[39]
K. McRoberts, Québec…, op. cit.
-
[40]
Se manifestant dans des sociétés divisées selon des clivages socioculturels ou ethnoreligieux (à l’exemple de l’Allemagne bismarkienne, de la Belgique ou des États-Unis contemporains), les Kulturkämpfe désignent des conflits politiques de basse intensité, ne débouchant pas nécessairement sur la violence physique, portant sur des enjeux culturels, ethniques ou confessionnels. Voir Martin Pâquet et Nathalie Tousignant, « Kulturkampf et usages publics du temps dans des conflits politiques de basse intensité : les cas de la Belgique, du Canada et du Québec, fin du 20e-début du 21e siècle », in Isidore Ndaywel È. Nziem et Élisabeth Mudimbé-Boyi (dir.), Images, mémoires et savoirs : une histoire en partage avec Bogumil Koss Jewsiewicki, Paris, Karthala, 2009, p. 47-72.
-
[41]
Ministère d’État au Développement culturel, La Politique québécoise…, op. cit., p. 29.
-
[42]
Régine Robin, Nous autres, les autres, Montréal, Éd. Boréal, 2012, p. 11-12.
-
[43]
M. Martel et M. Pâquet, Langue et politique…, op. cit., p. 285.
1Les conflits autour de la langue sont un trait fondateur de la politique au Canada. Cependant, depuis la Révolution tranquille, l’enjeu linguistique a fait au Québec l’objet de fortes mobilisations : dans un espace public profondément remodelé par les flux migratoires, un accès facilité à l’enseignement supérieur, l’apparition de nouvelles technologies de communication, c’est non seulement l’usage de la langue, mais la langue elle-même qui devient objet d’attentions et de luttes.
2Société divisée selon diverses lignes de partage (ethnoreligieuses jusqu’au début des années 1960, sociales et linguistiques par la suite), le Québec contemporain fait face à l’enjeu de la langue d’usage public sur son territoire. Ces lignes traduisent plusieurs relations de domination existantes, qu’elles soient socio-économiques ou ethniques : elles caractérisent le développement de la principale société d’expression française en Amérique du Nord.
3Ainsi les relations entre anglophones et francophones engendrent-elles plusieurs conflits sur le statut public des langues qui sont régulés par les diverses instances politiques, de la colonie de Nouvelle-France à celles de l’État moderne en régime confédéral à partir de 1867. Réalité historique, l’enjeu linguistique réémerge de manière spectaculaire, parfois violente, à partir des années 1960 où l’usage de la langue dans l’espace public, le fait de travailler et de vivre en français donnent lieu à des tensions sociales et politiques. À compter de ces années, notamment avec l’élargissement de la démocratie participative et de l’accès à l’éducation, on assiste à une forte prise de parole par des citoyens. Ces derniers s’expriment sur plusieurs contentieux : la question nationale, les rapports entre la majorité d’expression française et la minorité anglophone, le statut constitutionnel de la province dans un régime fédéral, la revalorisation du statut symbolique du français, l’intégration de la diversité ethnique et immigrante, les tensions entre les idéaux du bien commun et des libertés individuelles.
4Afin d’assurer la paix civile menacée par ces conflits mais aussi l’homogénéisation des populations sur son territoire, l’État québécois doit assurer la gestion de l’enjeu linguistique. Si les responsables provinciaux préfèrent ne pas plonger dans la mêlée au début du 20e siècle, ils interviennent dès la Révolution tranquille des années 1960, avec l’élaboration de politiques et l’adoption de lois, dont la Charte de la langue française en 1977. Débutant avec l’élection en 1960 du Parti libéral de Jean Lesage au gouvernement, la période dite de la Révolution tranquille est celle où l’État du Québec adopte de nombreuses réformes sociales, culturelles, économiques et politiques. Cette période voit un plus grand activisme de l’État provincial dans des domaines relevant entre autres de ses responsabilités constitutionnelles, telles que l’éducation et les services sociaux, et dans de nouveaux secteurs tels que la culture et les relations internationales. Ces réformes transforment radicalement le rôle de l’État québécois comme garant du bien commun. Elles influent sur la représentation que la société francophone entretient d’elle-même : se définissant comme une majorité sur un territoire circonscrit à celui de la province, les francophones considèrent l’État du Québec comme un instrument de libération et d’affirmation. Cette nouvelle représentation s’exprime dans la pression citoyenne, qui force à l’action les gouvernements provinciaux successifs. L’objectif de ces gouvernements est celui de la promotion du français dans l’espace public québécois : il se heurte à celui de l’État fédéral canadien qui prône une politique en matière linguistique sur l’ensemble du territoire canadien, Québec compris. Enfin, l’enjeu linguistique transcende la question nationale, qui connaît au Québec des moments forts.
5Par l’étude des relations conflictuelles de domination et de la prise de parole citoyenne, cet article propose une analyse synthétique de l’enjeu linguistique au Québec contemporain depuis 1960. Fondée sur l’étude des textes légaux et juridiques, des débats parlementaires et des documents administratifs de l’État québécois, ainsi que sur des textes d’opinion issus de la société civile, cette analyse veut placer l’enjeu linguistique dans une perspective résolument politique, le politique étant ici entendu comme lieu de gestion des divisions sociales et comme détermination d’un futur pensable. L’analyse se divise donc en quatre parties : les antécédents mémoriels et les mutations de la culture politique québécoise avant les années 1960 ; la mobilisation sociale et le potentiel de violence de l’enjeu linguistique au cours des années 1960 ; le rôle du droit et des politiques d’aménagement linguistique ; les tendances générales animant le rapport entre langue et politique au Québec.
Mémoire des conflits et nouvelle culture politique
6Bien qu’il occupe les débats dans l’espace public depuis les cinquante dernières années, le statut des langues sur le territoire actuel du Québec ne constitue pas un nouvel enjeu. Avec l’ère des révolutions qui se déploie (notamment avec la révolution industrielle et l’émergence du principe des nationalités), la langue comme enjeu politique y acquiert des dimensions spécifiques. Elle traduit les rapports de domination socio-économiques : le développement d’une bourgeoisie capitaliste en Amérique du Nord favorise les locuteurs de l’anglais au détriment des autres, dont particulièrement les francophones. Qu’elle soit d’origine britannique ou américaine, cette bourgeoisie fait de l’anglais la principale langue de travail dans l’espace public. Pour leur part, souvent refoulés dans les classes ouvrière et paysanne, les francophones subissent cette relation de domination socio-économique. Un double mouvement de nationalisation linguistique s’opère alors : d’abord l’anglais pour les immigrants provenant de la Grande-Bretagne (désormais Canadiens anglais) puis, à la suite de la répression de l’insurrection des patriotes en 1837-1837, le français pour les descendants des colons français (dorénavant Canadiens français) [1].
7Le statut public réservé au français fait l’objet de débats dès l’introduction du parlementarisme en 1791. Si le français acquiert droit de cité au sein de l’appareil colonial du Bas-Canada, il connaît une éclipse au profit de l’anglais après l’échec des insurrections patriotes de 1837-1938, pour regagner son statut officiel dans le Canada-Uni de 1848. Après la Confédération de 1867, la question de la langue française devient donc inséparable de celle de la foi catholique puisqu’elle participe du principe des nationalités au Canada et d’un repli sur l’ethnicité [2], comme le révèlent les conflits scolaires au Nouveau-Brunswick en 1871, au Manitoba entre 1890 et 1897, lors de la création de l’Alberta et de la Saskatchewan en 1905 et, enfin, en Ontario avec la crise du Règlement XVII entre 1912 et 1927. Par la suite, au nom des Canadiens français qui forment, selon eux, l’un des deux peuples fondateurs du Canada, les organismes de promotion des droits des Canadiens français et des Acadiens exercent un lobbying auprès des États provinciaux mais surtout de l’État fédéral pour les forcer à offrir des services dans leur langue. Sous forme de lettres, de pétitions, de mémoires ou de rencontres privées et publiques avec des représentants de la classe politique, ce lobbying connaît peu de succès.
8Au Québec et au Canada français durant le 20e siècle, la langue française demeure un objet de préoccupation au sein de l’espace public, comme en attestent la création de la Société du parler français au Canada en 1902, ainsi que la tenue des Congrès de la langue française en 1912, 1937 et 1952. De temps à autre, des campagnes publiques ont lieu pour une plus grande francisation. En 1957, le Congrès de la refrancisation prône un plus grand respect à l’égard du français, sans que les participants incluent l’intervention de l’État parmi les stratégies de promotion de ce respect. Ils excluent une politique provinciale d’aménagement linguistique.
9Comment alors saisir la résurgence de l’enjeu linguistique au moment de la Révolution tranquille ? Deux phénomènes convergent ici : les effets de la mémoire des conflits linguistiques et les mutations de la culture politique, c’est-à-dire l’ensemble des attitudes, des croyances, des sentiments, des normes et des comportements qui ordonnent et donnent sens à la vie dans la polis, la manière de vivre dans une communauté politique [3].
10D’abord, à l’aurore des années 1960, la mémoire des conflits issus de l’enjeu linguistique, une mémoire aigre-douce faite de ressentiment, de luttes épiques et de victoires partielles, alimente en partie les mobilisations citoyennes dans l’espace public québécois. Comme les historiens Jacques Lacoursière et Jacques Mathieu le soulignent, la langue constitue « la représentation la plus forte et la plus stable de l’affirmation de l’identité québécoise » : « histoire et mémoire, faits et sensibilités, revendications et reconnaissance s’[y] entremêlent étroitement » [4]. Dans ce contexte, le souvenir des conflits linguistiques nourrit le sentiment d’appartenance à une communauté politique traversant les générations, à ce Canada français qui se circonscrit désormais aux frontières québécoises au moment de la Révolution tranquille [5]. En même temps, ces conflits montrent les difficultés à vivre en français au Canada et à travailler en français au Québec, là où les francophones forment pourtant la majorité.
11Mieux encore, la mémoire des conflits procure une référence du passé pour les causes du présent. En soudant les rangs autour du partage d’une représentation agonique du passé, la mobilisation politique devient plus efficace et se renforce. À cette fin de mobilisation, qu’ils se trouvent dans les partis politiques indépendantistes ou dans les associations nationalistes de la société civile, les militants du fait français se rappellent régulièrement les événements tumultueux liés aux luttes historiques [6]. Élément constitutif d’une éthique de la vigilance, une vigilance constante puisque les luttes ne sont jamais achevées et les gains demeurent toujours fragiles [7], la mémoire des conflits linguistiques au Québec depuis la Conquête s’en trouve revigorée pendant les années 1960.
12Les effets de la mémoire ne sont que le soubassement d’une résurgence de l’enjeu linguistique. Pourquoi cet enjeu prend-il alors une place prépondérante dans l’actualité politique québécoise ? D’aucuns ont avancé les contextes canadien comme international qui se prêtent volontiers aux revendications collectives à l’instar de celle de la décolonisation des années 1960, certains le rôle déterminant d’entrepreneurs politiques, d’autres encore la prise de conscience des francophones en regard de leur situation minoritaire, notamment sur le plan économique, qui nourrit l’émergence d’un mouvement indépendantiste québécois [8]. Bien qu’ils aient une grande part de véracité, ces motifs ne semblent guère satisfaisants pour comprendre la soudaineté et la virulence du problème, et surtout l’action subséquente des responsables étatiques. Ici, l’enjeu linguistique semble renvoyer à l’un des fondements du politique : la gestion des divisions du social en vue de résorber les conflits potentiellement porteurs de violence. Dès lors, le maintien de la paix civile sur le territoire constitue l’objectif ultime et implicite de toute politique linguistique.
13Ces divisions du social s’enclavent dans une profonde mutation de la culture politique au Canada et au Québec. Avec l’accroissement de l’individualisme et les diverses manifestations de la société de consommation de masse, jointes à l’émergence dans l’espace public de nouvelles communautés issues des mouvements migratoires internationaux et d’un accès plus large à l’éducation, les années 1960 voient l’effritement d’une culture politique de l’informel et de l’accommodement. Active dès le 19e siècle, cette culture permettait aux élites communautaires de conclure des relations de bonne entente avec leurs vis-à-vis. Sans passer obligatoirement par la médiation de l’État, ces élites tentaient alors une régulation des conflits éclatant dans leurs communautés respectives. Devenant hégémonique au cours des années 1960, une nouvelle culture politique modèle désormais les rapports sociaux sous le joug des normes formelles. Puisque les membres des diverses communautés prennent publiquement la parole en s’affranchissant, parfois dans le désordre, de leurs élites, les conflits ne sont plus balisés par les mots d’ordre et par les définitions que promeuvent ces mêmes élites. Dans le cas précis du débat linguistique, la langue, trait identitaire et réalité culturelle, constitue un enjeu fondamental pour les francophones au Canada et au Québec, enjeu qui connaît une mutation importante puisque les clivages confessionnels s’estompent avec la sécularisation en cours depuis l’après-guerre. Dès lors, confrontées à des situations potentiellement explosives, les membres des élites communautaires doivent privilégier l’intervention des États fédéral et provinciaux, intervention fondée sur l’usage de leurs ressources normatives et formelles. Ces dernières relèvent d’abord de l’expertise scientifique, nécessaire avant l’établissement d’un diagnostic préalable à l’intervention. Elles renvoient ensuite aux codes et aux procédures du droit qui cherchent à neutraliser les débordements violents engendrés par les conflits sociaux.
Mobilisation sociale et relations de domination (1960-1969)
14La transformation de la langue comme problème politique émerge dans un contexte de mutation démographique. Après 1948, le Canada abandonne sa politique restrictive en matière d’immigration. Se définissant comme une terre d’accueil, l’État fédéral conserve néanmoins des mesures sélectives jusqu’en 1961 pour ne pas transformer radicalement la composition ethnique de la population. Par la suite, il remplace ses critères de sélection ethnique afin de privilégier une sélection fondée sur le potentiel économique. Ainsi, plus de deux millions d’immigrants, provenant principalement d’Europe du Sud et de l’Est, s’installent au pays pendant les années 1950, surtout en Ontario, qui en est le cœur industriel, et dans une moindre mesure au Québec. La grande majorité de ces nouveaux arrivants au Québec optent pour l’anglais : le recensement de 1961 indique que 90 % des enfants d’immigrants fréquentent les écoles anglophones. Les flux migratoires internationaux non seulement modifient l’équilibre démographique entre les provinces canadiennes, mais favorisent également un usage accru de l’anglais au Québec même.
15En plus des mouvements migratoires internationaux, d’autres facteurs influencent sur l’enjeu linguistique dans l’espace public : un accès facilité à l’enseignement supérieur, l’apparition de nouvelles technologies de communication, le développement accéléré et la pluralité des médias de masse. Dans cet espace public qui ne se divise plus selon l’appartenance confessionnelle, de plus en plus d’intervenants de la société civile prennent la parole pour exprimer leurs préoccupations variées, que ces dernières relèvent de la sphère privée, à l’instar du mouvement féministe, ou de domaines plus négligés par les responsables politiques, comme les questions identitaires. Cette prise de parole citoyenne se traduit selon différentes modalités. Elle se manifeste avec la participation de masse, avec le renouvellement des partis politiques, à l’exemple de la création du Parti québécois en 1968, la démocratisation des institutions associatives et syndicales, ainsi que la mise en place de nouvelles instances de consultation. Cette prise de parole s’exprime aussi par une sensibilisation des citoyens grâce à divers moyens de mobilisation publique. Objets d’une large couverture médiatique, les manifestations, les sit-in, les occupations et les différents actes de désobéissance civile remplacent le lobbying dans les officines, ce dernier moyen étant jugé peu transparent et d’une efficacité douteuse.
16À l’heure de la décolonisation, au moment où l’idéal de l’indépendance québécoise séduit de plus en plus d’adhérents, la prise de parole citoyenne s’intéresse également à son vecteur : la langue elle-même. Dès 1959, la piètre qualité de la langue parlée, dénoncée dans les écrits du frère Untel, devient un objet de préoccupation intense dans ce nouvel espace public. Très rapidement, les inquiétudes s’étendent à d’autres aspects, celui du rôle de la langue française comme outil de mobilité sociale, sa place dans le monde du travail et l’économie en général ainsi que sa capacité d’attraction auprès des immigrants. Nombre d’intervenants agréent au verdict de Gérald Godin en 1965, selon lequel, « pour restaurer le français dans sa grandeur et dans sa gloire », « il n’y a pas d’autre solution que politique à ce problème » [9].
17Dans ces débats, l’expression de la parole publique entraîne une plus grande mobilisation sociale contre les relations de domination fondées sur l’enjeu linguistique. Elle s’appuie sur des convictions fermes, celles visant à revaloriser l’usage du français au sein de l’espace public comme moyen de promotion sociale et économique. Ainsi, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal organise de 1963 à 1965 une vaste campagne de sensibilisation publique, l’Opération visage français, dont l’objectif final est « de faire de Montréal, métropole naturelle des Canadiens français, une ville de langue et de culture française [10] ». En prenant pour cible l’Université McGill, une institution associée à l’establishment anglo-montréalais, le mouvement McGill français s’inscrit également en 1969 dans cette campagne de « reconquête linguistique [11] ».
18L’expression de la parole publique débouche également sur une plus grande radicalisation des polémiques. En demandant l’ouverture d’une école française à Pierrefonds en 1967, la manifestation du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) nécessite l’intervention de l’escouade anti-émeute pour séparer manifestants nationalistes et contre-manifestants anglophones. La même année, les tensions s’aggravent à Saint-Léonard dans la banlieue de Montréal. L’Association des parents de Saint-Léonard (APSL), composée d’italophones exigeant un enseignement en anglais pour leurs enfants, et le Mouvement pour l’intégration scolaire (MIS), réclamant un système francophone pour les écoles de la commission scolaire Jérôme-Le Royer, s’opposent au moment des élections scolaires. Devant la victoire du MIS qui fait adopter en juin 1968 une résolution sur l’unilinguisme en matière de langue d’enseignement [12], l’APSL réplique en octobre avec la création de classes clandestines anglaises. Face aux débordements de l’automne 1968, des militants en venant aux coups à maintes reprises, les responsables politiques doivent rétablir la paix civile [13]. À cette fin, les corps policiers procèdent à la surveillance d’individus et de groupes qui revendiquent l’unilinguisme au Québec, tels que le Front du Québec français et le MIS. Les agents infiltrent ces groupes et observent leurs actions publiques. Ils reçoivent des informations des corps policiers municipaux ou d’autres informateurs, veulent identifier la présence d’influences externes dans ces mouvements, cherchent à quantifier la force du mouvement indépendantiste dans ces groupes et à déterminer le potentiel de violence de ceux-ci lors des différentes manifestations [14].
19Parmi tant d’autres, les événements symboliques de Saint-Léonard constituent des exemples de cette prise de parole citoyenne. Ils reflètent aussi les craintes des élites communautaires et des responsables politiques devant ces mouvements contestant l’ordre social. Dans une volonté de canalisation de la parole citoyenne, des détenteurs d’une connaissance scientifique ; les experts en démographie et en sociologie, cherchent à interpréter rationnellement ces problèmes. Ce faisant, leurs études réduisent le potentiel de violence en portant la discussion dans la sphère du dialogue et dans la recherche de la résolution des conflits sociaux grâce à l’intermédiaire de l’État. Si leurs diagnostics concluent en la précarité présente de la langue française, leurs travaux dressent de sombres pronostics concernant le maintien d’une francophonie dynamique au Canada et au Québec. Étant donné leur reconnaissance au sein de la société civile et de l’État, les experts scientifiques investissent désormais l’avant-scène.
20Au premier chef se trouve le père Richard Arès. À partir des données des recensements fédéraux de 1951 et 1961, le directeur de la revue Relations de 1959 à 1969 perçoit une assimilation galopante des communautés francophones de l’extérieur du Québec et la très faible attractivité de la langue française au Québec même [15]. A contrario des estimations vagues des militants du fait français, présentées lors des Congrès de la langue française, les analyses du père Arès bénéficient d’un caractère précis et jugé plus scientifique car elles sont fondées sur des données quantifiables. Un autre démographe, Jacques Henripin, présente les résultats de ses analyses sur le Québec. Légendaires pour leur soi-disant taux de natalité élevé, les francophones du Québec entrent au cours des années 1960 dans une période de faible natalité. Selon Jacques Henripin, si rien n’est fait, les francophones formeraient éventuellement entre 52 % et 60 % de la population montréalaise [16]. Ici encore, le caractère scientifique de ces données frappe les divers participants au débat linguistique. Au tournant des années 1970, les interventions des experts scientifiques abondent ainsi dans l’espace public. Un autre groupe de démographes de l’Université de Montréal publie en 1969 les résultats préliminaires de leurs études sur l’avenir du fait français dans le quotidien Le Devoir. Ces démographes évoquent la possibilité « que Montréal devienne un jour une ville à majorité anglophone [17] ». Pis encore, l’anglicisation s’accélère avec les choix linguistiques des nouveaux venus. En se fondant sur des données sociodémographiques, le sociologue Paul Cappon note que les immigrants adoptent l’anglais comme langue de travail et d’usage dans l’espace public [18].
21Les experts scientifiques bénéficient désormais de l’oreille attentive des États fédéral et provinciaux. Comme fonctionnaires, ils participent à l’élaboration des politiques publiques. À titre d’experts indépendants, ils sont surtout sollicités au cours des commissions d’enquête. Grands exercices de consultation publique, celles-ci assurent la constitution d’un savoir préalable aux décisions politiques. Deux commissions d’enquête mobilisent des experts scientifiques autour de l’enjeu linguistique : la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme, dite Commission Laurendeau-Dunton, et la Commission d’enquête sur la situation de la langue française et des droits linguistiques au Québec, dite Commission Gendron.
22Créée en 1963 par le gouvernement de Lester B. Pearson, la Commission Laurendeau-Dunton apparaît dans une conjoncture marquée par l’effervescence nationaliste au Québec et par la transformation profonde des rapports ethniques au Canada. Dès le début, l’un des deux présidents, André Laurendeau, a conscience de la mission historique de cette commission qui cherche à comprendre l’état présent des rapports entre les deux peuples fondateurs, terme alors encore utilisé à l’époque. Pour préparer les esprits à des solutions radicales, Laurendeau pose un diagnostic préoccupant dans le rapport préliminaire de la Commission publié en 1965. Selon lui, « le Canada traverse la période la plus critique de son histoire depuis la Confédération [19] ». À l’époque, cette phrase sème une vive inquiétude dans le microcosme politique canadien.
23Indice de l’influence des experts scientifiques dans la détermination des politiques, la Commission Laurendeau-Dunton consacre de nombreuses ressources à documenter la situation de la langue française au Canada [20]. Ainsi, la comparaison avec des situations internationales qui présentent des ressemblances avec le Canada offre des pistes d’analyse et de réflexion. Témoignant à la fois de la démarche scientifique des commissaires et de leur ouverture au monde, cette approche fait partie des motivations originelles d’André Laurendeau [21]. Dans les rapports de la Commission, la Belgique, la Finlande, la Suisse et l’Afrique du Sud deviennent des repères pour esquisser des solutions aux problèmes linguistiques canadiens. La Commission Laurendeau-Dunton s’appuie aussi sur plusieurs projets de recherche, constituant une véritable somme scientifique. Surtout, lorsqu’elles documentent la place des francophones dans la hiérarchie sociale, les études reçoivent des échos au sein de l’espace public. Ainsi, plusieurs intervenants commentent avec verdeur les conclusions relatives à l’infériorité économique des Canadiens français au Québec.
24En 1968, en pleine crise politique, le gouvernement québécois de Jean-Jacques Bertrand crée également une commission d’enquête dirigée par le linguiste Jean-Denis Gendron. Ce dernier produit un rapport en trois volumes, traitant de la situation du français dans les activités de travail et de consommation, du portrait linguistique des groupes ethniques ainsi que des droits linguistiques. Suivant le même modèle que la Commission Laurendeau-Dunton, les travaux de la Commission Gendron reposent sur une expertise scientifique, appuyée par les méthodologies des sciences sociales [22]. Ainsi, le sociologue Serge Carlos de l’Université de Montréal, interviewe en 1970 et 1971 plus de cinq mille personnes sur leur langue d’usage au travail. Il conclut sur la spécificité montréalaise du problème linguistique. Dans la métropole, note le sociologue, seulement 46 % des francophones travaillent exclusivement en français. Pour les anglophones et ceux que les responsables politiques catégorisent sous l’étiquette d’allophone (ceux dont la langue maternelle est autre, puisque ni française ni anglaise), l’anglais demeure la langue de travail [23]. Les études attestent également de la sous-représentation des francophones dans les directions des entreprises œuvrant au Québec [24].
25Détenteurs de la connaissance, les experts scientifiques sèment l’inquiétude au sujet de l’avenir du fait français. Si les Québécois souhaitent maintenir leur poids démographique au sein de la fédération canadienne, un consensus tend à se dégager dans l’espace public : il faudra alors intégrer les immigrants à la majorité francophone [25]. Toutefois, ces derniers préfèrent l’apprentissage de l’anglais pour assurer leur réussite économique [26]. Ailleurs au Canada, c’est l’accès à un enseignement en français, de la maternelle à l’Université, qui cause un problème. Cela explique l’enjeu crucial de l’institution scolaire dans les politiques d’aménagement linguistique, où s’expriment avec vigueur les tensions entre les libertés individuelles et le bien commun, entre la promotion économique à court terme et le progrès social à long terme.
26Déjà, la Commission Laurendeau-Dunton souligne la difficulté d’une solution conciliant tous ces objectifs en matière d’éducation. Ainsi, les commissaires rejettent le principe de la territorialité qui soutient la politique belge d’aménagement linguistique. Notant que ce principe n’a pas réglé les conflits intercommunautaires, ils ajoutent que « la limitation du droit des parents belges de choisir la langue dans laquelle étudieront leurs enfants », constitue une contrainte « que peu de Canadiens estimeraient acceptable », surtout les membres des minorités francophones au Canada [27].
27Pressé de tous bords, le gouvernement de l’Union nationale, dirigé par Jean-Jacques Bertrand, agit avec précipitation à partir de 1968. Après l’échec d’un premier projet législatif, la Loi 63, adoptée en 1969, assure aux parents le libre choix en matière de langue d’enseignement. Cette loi provoque une réaction importante. Pour les promoteurs du français, plutôt que de régler le problème, la mesure législative consacrerait le statu quo puisque l’anglais demeure la langue de travail et d’intégration des communautés allophones. À leurs yeux, le français demeurerait dès lors dans un état fragile. Ils manifestent vigoureusement leur mécontentement dans l’espace public au moyen de mémoires, pétitions et manifestations publiques. En octobre 1969, dix mille étudiants crient leur opposition lors d’une réunion à l’Université de Montréal. Quelques jours plus tard, près de cinquante mille personnes, étudiants ou autres simples citoyens, dénoncent l’action gouvernementale devant l’Assemblée nationale. Des étudiants organisent également des débrayages dans les écoles et les collèges d’enseignement général et professionnel (cégeps). Créé par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, regroupant notamment la Confédération des syndicats nationaux, l’Association québécoise des professeurs de français et le Syndicat des écrivains québécois, le Front du Québec français coordonne l’opposition à la Loi 63. La forte mobilisation citoyenne entraîne la défaite de l’Union nationale aux élections provinciales de 1970.
Le droit comme instrument de régulation depuis 1969
28Une fois le diagnostic établi, les responsables étatiques se tournent vers les ressources du droit pour défendre la paix civile et encadrer les polémiques issues de l’enjeu linguistique. Ce faisant, ils mettent en place des politiques d’aménagement linguistique dès la fin des années 1960. Ces dernières découlent des politiques d’unité nationale conduites par le gouvernement fédéral de Pierre Elliott Trudeau puis, au Québec, par les gouvernements du Parti libéral et surtout du Parti québécois. Cherchant l’allégeance des citoyens à de nouveaux ordres symboliques, l’objectif de l’unité nationale vise une homogénéisation de la communauté sur le territoire de l’État-nation et une atténuation des tensions.
29Fidèles aux valeurs de la loi, de l’ordre et du bon gouvernement, les politiques linguistiques d’aménagement ont des conséquences particulières sur le plan de la culture politique. La poursuite de l’unité nationale et de la paix civile provoque une fragmentation de l’espace public : les polémiques se déroulent moins entre les acteurs provenant de l’ensemble de la communauté, qu’au sein des microcosmes politiques comprenant désormais des responsables étatiques et des membres des nouvelles élites communautaires, ainsi que des groupes de pression disposant d’un accès important aux ressources financières et symboliques. Même si les experts scientifiques contribuent à l’élaboration des politiques, à l’instar des sociologues Fernand Dumont et Guy Rocher pour la Charte de la langue française, un nouveau type d’experts arrive sur le devant de la scène : les juristes, qui se chargent de l’interprétation des dispositions légales et peuvent se constituer en promoteurs d’une cause politique. Enfin, les autres expressions informelles de mobilisation publique, telles que les manifestations et divers moyens de protestation, perdent de leur efficacité et de leur légitimité auprès des responsables étatiques.
30Tant dans le choix d’une politique que dans sa mise en œuvre, les États fédéral et provincial mettent en place des politiques distinctes qui attestent de la capacité des groupes de pression à influencer le législateur. Ainsi, les lois portent sur l’étendue des droits reconnus ; elles cherchent des équilibres entre les droits collectifs et individuels, entre le principe de territorialité ou celui de la personnalité ; elles veulent établir des politiques fondées sur des obligations actives ou passives, afin que les groupes linguistiques ne soient pas privés de droits [28].
31Avec l’adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969, l’État fédéral fonde sa politique d’aménagement linguistique sur le principe de la personnalité. Plutôt que d’appliquer les recommandations de la Commission Laurendeau-Dunton en matière de répartition territoriale des groupes francophone et anglophone [29], le Premier ministre Pierre Elliott Trudeau fait de la langue un droit individuel, dissocié de la culture. Ainsi, les différentes instances de l’État fédéral doivent offrir aux citoyens des services dans les deux langues officielles, et ce nonobstant leur lieu de résidence. Un commissaire aux langues officielles est nommé dans le but de veiller à la mise en place de la politique d’égalité linguistique. Enfin, l’État fédéral s’engage pleinement dans la promotion du bilinguisme individuel en ciblant la jeunesse [30].
32Cette loi s’inscrit dans un important processus de transformation de l’ordre symbolique du Canada. En réaction à ce sentiment de crise, le gouvernement Trudeau proclame l’égalité linguistique du français et de l’anglais. Cette modification majeure s’accompagne d’une politique sur le multiculturalisme en 1972, décrétant le respect de toutes les cultures. Partagée par les gouvernements ultérieurs, cette politique devient une loi en 1988. Ce nouvel ordre symbolique trouve ses expressions les plus exemplaires avec la Charte canadienne des droits et libertés de la personne de 1975 et la Loi constitutionnelle de 1982. L’enchâssement de la Charte dans la Constitution accentue la judiciarisation de la gestion du problème politique de la langue. Des jugements en matière de droits linguistiques, notamment celui de 1989 au sujet du cas scolaire, forcent les États provinciaux anglophones à légiférer en faveur des francophones. Cette judiciarisation transforme les tribunaux en des forums politiques [31], tout en favorisant l’émergence de l’expertise des avocats et des autres juristes [32].
33En décalage, en concurrence et quelquefois en réaction avec l’État fédéral, l’État québécois procède dès les années 1970 à sa propre transformation de l’ordre symbolique au Québec. Celle-ci se fonde sur la reconnaissance du caractère distinct de la société québécoise ainsi que sur un équilibre entre l’exercice des droits individuels et la recherche du bien commun. Cette transformation s’avère nécessaire : les mouvements migratoires internationaux modifient sensiblement le tissu social au Québec ; les disparités entre les classes, les groupes ethnolinguistiques et les régions s’accroissent ; les tensions sociales deviennent encore plus palpables. Dans l’élaboration de ce nouvel ordre symbolique, les différents gouvernements québécois articulent leurs positions selon leurs objectifs relatifs au maintien du lien avec le Canada : souveraineté culturelle, puis société distincte de la part des gouvernements libéraux de Robert Bourassa (1970-1976, 1985-1993) ; souveraineté-association, puis souveraineté-partenariat sous les mandats du Parti québécois (1976-1984, 1994-2003). À l’exemple de celui prenant place sur le plan canadien, le nouvel ordre symbolique québécois s’inscrit dans une double politique d’unité nationale (une nation circonscrite ici au territoire québécois) et de recherche de la paix civile. Il se manifeste entre autres avec l’adoption de la Charte des droits et libertés de la personne en 1975, et les politiques d’aménagement linguistique.
34Déposé le 31 décembre 1972, le rapport de la Commission Gendron recommande à l’État québécois l’instauration « du français comme langue commune des Québécois », une langue qui « puisse servir d’instrument de communication dans les situations de contact entre Québécois francophones et non francophones » [33]. Dès lors, les politiques d’aménagement oscillent entre deux moyens, la persuasion ou la coercition, pour assurer la promotion du français et modifier les tendances relatives à la langue de travail à Montréal et aux choix linguistiques des immigrants. Adoptée en 1974, la Loi 22 proclame le français langue officielle et opte pour la persuasion afin d’inciter les employeurs à favoriser le français sur le lieu de travail. En matière d’enseignement, la loi limite la liberté de choix puisqu’elle impose des tests évaluant les connaissances des élèves immigrants en français.
35En raison des difficultés rencontrées lors de son application, la Loi 22 est remplacée en 1977 par la Charte de la langue française, aussi connue sous le nom de Loi 101. S’inscrivant « dans le mouvement universel de revalorisation des cultures nationales qui confère à chaque peuple l’obligation d’apporter une contribution particulière à la communauté internationale », la Charte fait du français « la langue de l’État et de la Loi », tout en le promouvant comme « la langue normale et habituelle du travail, de l’enseignement, des communications, du commerce et des affaires ». En légiférant en fonction d’objectifs d’unité nationale et de paix civile sur le territoire québécois, les responsables étatiques se réclament aussi d’« un esprit de justice et d’ouverture », s’exprimant dès 1983 dans « le respect des institutions de la communauté québécoise d’expression anglaise et celui des minorités ethniques », ainsi que des Amérindiens et des Inuits [34]. Outre la régulation de la question explosive de la langue d’enseignement, l’État québécois met en place des mesures coercitives pour faire du français une langue d’usage sur les lieux de travail. Ainsi l’affichage commercial doit-il être uniquement en français. Plus qu’une simple mesure de protection linguistique, la Charte de la langue française implique une solution globale au problème du statut du français au Québec. Elle s’accompagne en 1978 d’une politique de développement culturel, élément d’« un projet commun, collectif, d’une société moderne et démocratique [35] », ainsi que d’une entente entre les États fédéral et québécois en matière de sélection des immigrants.
36Malgré ses effets renforçant le lien civique, l’adoption de la Charte de la langue française suscite des polémiques. Celles-ci tendent désormais à se manifester devant les tribunaux, réduisant de facto le nombre de protagonistes provenant de l’espace public, augmentant d’autant le pouvoir des experts juridiques. À la suite de la contestation d’un point de la Loi 101 par un avocat montréalais, la Cour suprême du Canada invalide en 1979, avec l’arrêt Blaikie, les dispositions relatives à la langue d’usage des tribunaux, en vertu de l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Ce premier succès encourage des militants à former des groupes de pression institutionnalisés, porte-parole de leurs communautés, et bénéficiant à ce titre d’une aide financière de l’État. À l’exemple d’Alliance Québec fondé en 1981, ces groupes, comme nous l’écrivions, privilégient les démarches devant les tribunaux. Cette stratégie s’avère fructueuse : leurs victoires contraignent l’État québécois à modifier ses politiques en matière linguistique. Adoptées et maintenues en dépit de l’opposition des différents gouvernements au Québec, la Loi constitutionnelle de 1982 et l’enchâssement de la Charte canadienne des droits et libertés offrent des arguments puissants aux groupes de pression pendant les années 1980. Ces groupes usent alors du principe des libertés individuelles pour promouvoir leur cause politique. Ainsi, avec l’arrêt Quebec Protestant School Boards de 1984, la Cour suprême du Canada déclare inopérante la « clause Québec », qui réserve originellement les écoles de langue anglaise aux enfants de parents ayant reçu leur éducation en anglais au Québec. Fondé sur une interprétation des Chartes canadienne et québécoise des droits et libertés, l’arrêt Ford invalide en 1988 les points de la Loi 101 portant sur la langue d’affichage [36]. Ces jugements, surtout celui de 1988, provoquent parmi les militants nationalistes francophones une mobilisation importante : le 12 mars 1989 à Montréal, près de soixante mille personnes descendent dans la rue pour le maintien plein et entier de la Loi 101. Cette manifestation monstre est suivie d’autres, ailleurs, dont une regroupant plusieurs milliers de personnes devant la Colline parlementaire à Québec. Toujours dans le but d’assurer la paix civile, les gouvernements de Robert Bourassa puis de Lucien Bouchard après 1995 tentent une conciliation. Avec les Lois 178, 86 et 40, ils ajustent les dispositions de la Charte de la langue française afin d’exiger la prépondérance du français dans la publicité commerciale.
37En balisant l’interprétation des Chartes des droits et libertés, les deux jugements de 1984 et de 1988 marquent néanmoins les limites de la stratégie juridique des groupes de pression anglophones. En effet, les développements sur le front de la question nationale ont des incidences sur l’enjeu linguistique. Après le référendum québécois sur la souveraineté-partenariat en octobre 1995, où la marge en faveur de l’option fédérale fut des plus étroites, le gouvernement fédéral de Jean Chrétien cherche à contrer toute nouvelle menace à l’unité canadienne. Ainsi, il saisit la Cour suprême du Canada pour invalider une éventuelle déclaration unilatérale d’indépendance. Dans leur Renvoi relatif à la sécession du Québec rendu en 1998 [37], les juges considèrent que l’État canadien serait obligé de négocier dans le cas d’une victoire nette du « oui » à un éventuel référendum. Partant, le plus haut tribunal du pays établit quatre principes sous-jacents animant l’ensemble de la Constitution canadienne, dont le fédéralisme, la démocratie, le constitutionnalisme et la primauté du droit, ainsi que le respect des minorités notamment sur le plan linguistique. Puisque l’avis ne satisfait pas le gouvernement de Jean Chrétien, le Parlement du Canada adopte l’année suivante une loi déterminant les conditions d’une possible négociation après un référendum. Le gouvernement de Lucien Bouchard réplique alors avec la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec, dite Loi 99. Définissant le peuple québécois comme étant majoritairement francophone, la Loi 99 réaffirme l’article premier de la Charte de la langue française et la légitimité de toute politique d’unilinguisme, tout en reconnaissant l’apport des peuples autochtones et de la communauté anglophone.
38L’enjeu linguistique suscite toujours des inquiétudes quant à la précarité du français comme langue publique. Ces inquiétudes relèvent de la qualité de la langue parlée qui, au cours des années 1990 et 2000, fait toujours l’objet de polémiques parfois larvées, parfois ouvertes. Elles se manifestent aussi au sujet des institutions d’enseignement, à l’égard du débat sur l’instauration du « renouveau pédagogique » depuis le milieu des années 2000, où les opposants à la réforme ministérielle soulèvent le laxisme des méthodes d’enseignement du français. Elles s’expriment également avec les dérogations à la Loi 101 en ce qui concerne les « écoles-passerelles », ces établissements d’enseignement privés qui permettent à certains enfants l’accès à l’école de langue anglaise. Devant ces inquiétudes, de nouvelles mobilisations prennent forme pour assurer le maintien des dispositions de la Charte de la langue française, à l’instar du Mouvement Québec français, recréé en 2011.
Un indicateur des mutations de la culture politique
39La manière dont est considérée la donne linguistique au Québec constitue un bon indicateur des mutations de la culture politique pendant la seconde moitié du 20e siècle. À partir de ces univers culturels mouvants, en particulier grâce aux prises de parole citoyenne, il est possible d’observer une formalisation des polémiques et des consensus avec l’usage du droit comme instrument de régulation des divisions sociales. Cette formalisation prend assise sur le recours à la médiation de l’État. Les anciennes élites communautaires, qui privilégiaient les rapports informels, doivent dorénavant composer avec l’élargissement de l’espace public. Afin d’assurer une discipline sociale menacée par les tensions linguistiques, elles agréent dès les années 1970 à une intervention formelle de l’État dans les domaines relevant de la société civile. Par le biais des politiques d’aménagement linguistique, les interventions étatiques cherchent alors l’instauration de l’unité nationale, qu’elle soit canadienne ou québécoise, et de la paix civile.
40La conversion des élites à un exercice formalisé du pouvoir passe par l’action successive de deux types d’intervenants qui vont interpréter la donne linguistique sous la forme d’un problème politique. Les premiers, les experts en démographie et en sciences sociales, font une lecture scientifique des tenants et aboutissants de l’enjeu : ils établissent des diagnostics et des pronostics préalables à toute intervention. Ce faisant, cette lecture s’en trouve légitimée par la sanction des commissions d’enquête étatiques, chargées d’accumuler un capital de savoir nécessaire aux prises de décision politiques. Une fois les ordres symboliques mis en place par la voie des diverses législations et réglementations, ces experts scientifiques laissent la place à d’autres détenteurs de connaissance. Acteurs centraux dans les nouveaux forums politiques des années 1980 et 1990, les experts juridiques, juges et avocats, disposent d’une légitimité accrue qui facilite leurs interprétations du problème linguistique et, sotto voce, la promotion de leurs causes partisanes.
41Tel qu’il se manifeste dans la gestion du problème linguistique, l’exercice formalisé du pouvoir influe sur les cultures politiques canadienne et québécoise, entre autres sur les liens de plus en plus malaisés entre les citoyens et un État à la légitimité chancelante. Le recours au droit demeure l’apanage d’une minorité de citoyens, ceux et celles pouvant avoir accès aux ressources financières et symboliques leur permettant de monter une cause, puis de la faire éventuellement triompher. Ce faisant, l’espace public, ce lieu où la discussion citoyenne peut se manifester, se fragmente entre microcosmes politiques, ces derniers incluant responsables étatiques et porte-parole des groupes de pression. Relégués aux marges, les autres citoyens, qui maîtrisent peu les codes des savoirs scientifique et juridique, voient leur prise de parole jugée moins articulée et pertinente au regard des membres des microcosmes politiques.
42Poursuivant une homogénéisation des communautés politiques, cet exercice formalisé du pouvoir débouche aussi sur une « folklorisation de la différence », « corolaire d’une politique d’unité nationale » [38]. Dès lors, l’expression publique des spécificités culturelles semble porteuse de troubles sociaux, et sa légitimité s’en trouve sujette à caution. Puisque l’espace politique canadien est aussi présent sur le territoire québécois, le nouvel ordre symbolique du Canada, qui se perçoit comme exclusif [39], concurrence celui élaboré au Québec, engendrant une Kulturkampf depuis le référendum de 1995 [40]. S’alimentant des déficits de légitimité, ces conflits conduisent à des replis sur l’ethnicité, en particulier parmi les élites des minorités linguistiques, et sur ce que les rédacteurs de la Politique québécoise de développement culturel cernaient naguère comme « un esprit, une mentalité [sic] » provinciale, attachée aux « petites vertus » de « la prudence, l’économie, la sagesse conservatrice, le bon sens » [41]. Cet esprit provincial fleurit paradoxalement dans un contexte de double désengagement : celui de l’État et celui des citoyens vis-à-vis de la chose publique. Ce désintérêt apparent, manifeste au moment des consultations électorales, traduit le déficit de légitimité à l’endroit des approches et de la régulation technicienne des problèmes politiques. Le morcellement du problème linguistique en données statistiques et en procédures juridiques nourrit aussi le détachement sinon l’indifférence des citoyens.
43Enfin, la situation économique révèle un autre rapport entre langue et politique au Québec. En plus des inégalités entre le capital et le travail, l’usage de plus en plus répandu de l’anglais pour les échanges commerciaux au Québec traduit l’omniprésence des lois du marché dans la détermination du bien commun. La mondialisation des échanges économiques depuis les années 1980 promeut l’usage d’une langue passe-partout pour le commerce et les affaires, le business english ou globish, au détriment des autres idiomes. Cette valorisation tend à renforcer la situation actuelle avec ses inégalités socio-économiques et politiques. Si certains postmodernes s’extasient devant les merveilles du trafic linguistique contemporain [42], ce phénomène provoquerait néanmoins un appauvrissement culturel généralisé. Plus encore, il menacerait à plus ou moins brève échéance la vitalité des communautés politiques, en particulier celle des communautés minoritaires [43].
44Aujourd’hui, il est toutefois possible de discerner de nouvelles tendances parmi les cultures politiques qui peuvent animer la politique linguistique. Devant la fragmentation de l’espace public en microcosmes, des solidarités naissent en vue d’une prise de parole citoyenne. Différente de celle des années 1960, portée par des mobilisations comme les mouvements altermondialistes et le « printemps érable » de 2012, celle-ci s’articule autour de questions telles la diversité culturelle et de conceptions moins économistes des droits et libertés. Élément d’une politique de la reconnaissance, elle s’appuie sur le respect de la dignité humaine, dont la langue, vecteur de notre rapport au monde, fait pleinement partie.
Mots-clés éditeurs : activisme social, politique publique ou gouvernementale, aménagement linguistique, Québec, droits individuels
Mise en ligne 21/01/2016
https://doi.org/10.3917/ving.129.0075Notes
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[30]
Kenneth McRoberts, Un pays à refaire : l’échec des politiques constitutionnelles canadiennes, Montréal, Éd. Boréal, 1999.
-
[31]
Michael Mandel, La Charte des droits et libertés et la judiciarisation du politique au Canada, Montréal, Éd. Boréal, 1996.
-
[32]
Mary Jane Mossman, « The Charter and Access to Justice in Canada », in David Schneiderman et Kate Sutherland (dir.), Charting the Consequences : The Impact of Charter Rights on Canadian Law and Politics, Toronto, University of Toronto Press, 1997, p. 271-302.
-
[33]
Commission royale d’enquête sur la situation de la langue française et sur les droits linguistiques au Québec, La Situation…, op. cit., p. 305.
-
[34]
Lois du Québec 1977, Charte de la langue française, préambule.
-
[35]
Ministère d’État au Développement culturel, La Politique québécoise de développement culturel, vol. 1 : Perspectives d’ensemble : de quelle culture s’agit-il ?, Québec, Éditeur officiel, 1978, p. 6.
-
[36]
José Woehrling, « La Charte de la langue française : des ajustements juridiques », in M. Plourde (dir.), Le Français au Québec…, op. cit., p. 285-291.
-
[37]
2 R.C.S. 217 [1998], Renvoi relatif à la sécession du Québec.
-
[38]
Michel de Certeau, Dominique Julia et Jacques Revel, Une politique de la langue : la Révolution française et les patois. L’enquête de Grégoire, Paris, Gallimard, 1975, 2002, p. 178.
-
[39]
K. McRoberts, Québec…, op. cit.
-
[40]
Se manifestant dans des sociétés divisées selon des clivages socioculturels ou ethnoreligieux (à l’exemple de l’Allemagne bismarkienne, de la Belgique ou des États-Unis contemporains), les Kulturkämpfe désignent des conflits politiques de basse intensité, ne débouchant pas nécessairement sur la violence physique, portant sur des enjeux culturels, ethniques ou confessionnels. Voir Martin Pâquet et Nathalie Tousignant, « Kulturkampf et usages publics du temps dans des conflits politiques de basse intensité : les cas de la Belgique, du Canada et du Québec, fin du 20e-début du 21e siècle », in Isidore Ndaywel È. Nziem et Élisabeth Mudimbé-Boyi (dir.), Images, mémoires et savoirs : une histoire en partage avec Bogumil Koss Jewsiewicki, Paris, Karthala, 2009, p. 47-72.
-
[41]
Ministère d’État au Développement culturel, La Politique québécoise…, op. cit., p. 29.
-
[42]
Régine Robin, Nous autres, les autres, Montréal, Éd. Boréal, 2012, p. 11-12.
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[43]
M. Martel et M. Pâquet, Langue et politique…, op. cit., p. 285.