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Article de revue

L'intellectuel socialiste révolutionnaire Daniel Guérin en Allemagne avant et après la catastrophe

Pages 15 à 28

Notes

  • [1]
    Daniel Guérin, La Peste brune a passé par là : à bicyclette à travers l’Allemagne hitlérienne, Paris, Librairie du travail, 1933, Éd. Spartacus, 1996, p. 65. Sauf mention contraire, nous citons cette dernière édition.
  • [2]
    Adrien Pasquali, Le Tour des horizons : critique et récits de voyage, Paris, Klincksieck, 1994.
  • [3]
    Vincent Debaene, L’Adieu au voyage, Paris, Gallimard, 2010.
  • [4]
    Cécile Chombard-Gaudin, « Berlin vu par les voyageurs français (1900-1939) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 27, juillet-septembre 1990, p. 27-42.
  • [5]
    « Ach, wie gut schmeckt mir Berlin » : Französische Passenten im Berlin der zwanziger und frühe dreiiger Jahre, Berlin, Verlag das Arsenal Berlin, 2010.
  • [6]
    Olivier Lubrich, Reisen ins Reich, Francfort-sur-le-Main, Eichborn, 2004 ; trad. fr., id., Voyages dans le Reich, Arles, Actes Sud, 2008.
  • [7]
    « La Maison de France à Berlin », in Hans-Manfred Bock et Gilbert Krebs (dir.), Échanges culturels et relations diplomatiques : présences françaises à Berlin au temps de la république de Weimar, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle/Institut allemand d’Asnières, 2004.
  • [8]
    Membre du Parti communiste français et ex-responsable syndical à la Confédération générale du travail, Pierre Monatte est ouvrier du livre de formation.
  • [9]
    C’est en 1935 que Daniel Guérin s’alignera sur les positions de Marceau Pivert de la Gauche révolutionnaire, ouverte au syndicalisme révolutionnaire par ses positions sur la lutte des classes et le rôle central du mouvement social. À la fin des années 1930, Guérin suivra Pivert dans le Parti ouvrier socialiste et paysan (PSOP), lors de l’expulsion de la Gauche révolutionnaire de la SFIO. Guérin finit par rejeter la social-démocratie et le stalinisme comme stratégies pour faire échouer le fascisme.
  • [10]
    Daniel Guérin, « Être homosexuel et révolutionnaire », La Quinzaine littéraire, 215, 1er août 1975.
  • [11]
    Alain Bihr, « En attendant une nouvelle catastrophe ? », préf. à Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit.
  • [12]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 40.
  • [13]
    Bibliothèque de documentation contemporaine (BDIC), fonds Daniel Guérin, dossier 721/51/4.
  • [14]
    Ibid.
  • [15]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 39. Ce camarade est qualifié plus tard de « petit-bourgeois sceptique et insouciant » qui ne partage pas l’enthousiasme de Guérin pour la lutte sociale.
  • [16]
    Ibid., p. 40.
  • [17]
    Le mot ajiste est dérivé de AJ, pour auberge de jeunesse.
  • [18]
    Daniel Guérin, « Pour s’évader de l’usine : donnons aux travailleurs des “Auberges de la jeunesse” », Monde, 7 janvier 1933.
  • [19]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 41.
  • [20]
    Voir, par exemple, Édouard Lynch, « Socialistes et communistes dans l’entre-deux-guerres », Études rurales, 171-172, 2004, p. 45-59 ; Laurent Kestel, La Conversion politique : Doriot, le PPF et la question du fascisme français, Paris, Raisons d’agir, 2012.
  • [21]
    Ibid., p. 40.
  • [22]
    Daniel Guérin a toujours affirmé que sa dissidence politique était née de sa dissidence sexuelle, de la conscience d’appartenir à une minorité sexuelle opprimée. Il est certain que sa vie fut placée sous le signe d’une consubstantialité entre ses « penchants sexuels » et son « engagement révolutionnaire ».
  • [23]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 40.
  • [24]
    Daniel Guérin, « Être homosexuel… », op. cit.
  • [25]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 41.
  • [26]
    BDIC, fonds Daniel Guérin, 721/51/2 ; Lucette Heller-Goldenberg a publié une Histoire des Auberges de jeunesse en France des origines à la Libération (1929-1945), Nice, Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine, 1986, 2 vol.
  • [27]
    BDIC, fonds Daniel Guérin, 721/51/2.
  • [28]
    Ibid.
  • [29]
    Pierre Andreu, Le Rouge et le Blanc (1928-1944), Paris, La Table ronde, 1977.
  • [30]
    Ibid., p. 39.
  • [31]
    Ibid., p. 41.
  • [32]
    Ibid., p. 67-68.
  • [33]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 43.
  • [34]
    Ibid., p. 49.
  • [35]
    Ibid., p. 50.
  • [36]
    Ibid., p. 54.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    Ibid.
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    Ibid. On note la posture de journaliste.
  • [41]
    Daniel Guérin, La Peste brune, Paris, François Maspero, 1965, préface.
  • [42]
    « Après la catastrophe 1933 », in Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 65.
  • [43]
    Ibid.
  • [44]
    Ibid.
  • [45]
    Ibid., p. 66.
  • [46]
    Ibid.
  • [47]
    Ibid., p. 68.
  • [48]
    Ibid., p. 69.
  • [49]
    Ibid.
  • [50]
    Ibid.
  • [51]
    Ibid., p. 85.
  • [52]
    Ibid.
  • [53]
    On notera les lectures probables de Daniel Guérin sur « l’ombre du juif errant » : possiblement l’ouvrage d’Albert Londres, paru en 1929 et intitulé Le Juif errant est arrivé, large portrait des minorités israélites d’Europe, non dénuées de remarques gênantes portant sur les humiliations subies par les juifs ; mais aussi le Carnet de route du Juif errant, d’Alexandre Arnoux, en 1931, revisitant de manière anachronique le mythe, sans scrupule quant au traitement des figures héroïques. Pour plus de précisions, voir Ralph Schor, L’Antisémitisme en France pendant les années trente, Bruxelles, Complexe, 1991.
  • [54]
    Voir Michel Dreyfus, L’Antisémitisme à gauche : histoire d’un paradoxe, de 1830 à nos jours, Paris, La Découverte, 2009, p. 151 sqq.
  • [55]
    Ibid., p. 98.
  • [56]
    BDIC, fonds Daniel Guérin, dossier 721/51/4.
  • [57]
    BDIC, fonds Daniel Guérin, dossier 721/51/4, p. 103.
  • [58]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, p. 103.
  • [59]
    Ibid., p. 116.
  • [60]
    Dans le Nord-Est de l’Allemagne, en avril 1931, quelques SA et le chef de celles-ci, Walther Stennes, adressèrent une critique virulente à l’égard des dignitaires du parti et de la SS, dont le mode de vie et d’action fut jugé princier et trop éloigné des principes socialistes.
  • [61]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, p. 118-119.
  • [62]
    Monde, 12 novembre 1932.
  • [63]
    Ibid., p. 5.
  • [64]
    Ibid.
  • [65]
    Monde, 19 novembre 1932.
  • [66]
    Ibid.
  • [67]
    Ibid, p. 8-9.
  • [68]
    Ibid.
  • [69]
    Ibid.

1Le voyage vers l’Allemagne et son récit : il y a là une matrice littéraire et politique, un travail initiatique, le sillage de lointains précédents renouvelés à la lumière du présent. Lorsque le militant révolutionnaire Daniel Guérin part pour l’Allemagne en 1932 et 1933, il veut puiser dans son séjour une vision pratique de ses lectures théoriques, aller à la rencontre de ceux qui échappent encore à l’influence nazie, de cette autre Allemagne qui devrait lui permettre de se rassurer : il est encore possible de lutter. Mais ces voyages, en dépit de leur richesse et de leur diversité, ne peuvent que lui confirmer cette implacable vérité : le nazisme a triomphé. Interrogations sur une génération, modalités de la politisation, rites d’introduction et doutes envahissants forment le matériau sur lequel revient l’article d’Alexandre Saintin.

2« Comment vous dire ce qu’on éprouve dans un tel pays ? Il est impossible, je crois, d’aimer plus et de haïr davantage [1]. » En titre et au cœur de ses récits de voyages en Allemagne, Daniel Guérin (1904-1988) pose la question du sens de l’événement historique, susceptible d’être interprété en raison, mais pas seulement. La citation placée en exergue souligne à dessein les dimensions affective et passionnelle de ces séjours. Guérin s’engage à pied dans un périple germanique en août 1932 ; son ultime retour aura lieu en juin 1933. Entre-temps, la « peste brune » a passé par là. La force de son récit tient dans un témoignage vécu en deux temps, que l’auteur a souhaité dépasser par la suite, en particulier par une écriture plus théorique en 1936, celle de Fascisme et grand capital.

3Entre octobre 1932 et juillet 1933, ses récits de voyage vont d’abord être publiés dans des feuilles socialistes françaises, l’hebdomadaire Monde fondé en 1928 par Henri Barbusse et publié jusqu’en 1935, Le Populaire organe de la SFIO, Révolution prolétarienne, le magazine communiste Regards, pour être réédités à plusieurs reprises : en 1945 d’abord, puis en 1965, 1969 et 1976 chez Maspero, enfin, dans l’édition à laquelle nous nous référerons ici, en 1996 chez Spartacus. La première partie de cette réédition de 1996 est conçue par Daniel Guérin comme une introduction à son voyage de 1933, ici intitulée « Avant la catastrophe (1932) ». Publiée d’abord dans l’hebdomadaire communiste Monde, elle correspond à son premier voyage en août-septembre 1932. Monde, dans le contexte d’effondrement de la république de Weimar et de la loi de l’exception permanente, a ouvert ses pages au récit du militant Guérin, diffusé sur un rythme hebdomadaire, du 30 octobre au 19 novembre 1932. Aux côtés d’Alfred Kurella ou de Philippe Lamour, il fait partie de ces reporters d’un genre particulier, dénonciateurs des régimes fascistes, oppresseurs du mouvement ouvrier.

4La littérature de voyage, plus particulièrement en Allemagne, fait l’objet de multiples travaux récents, au carrefour de plusieurs disciplines. On pourra songer aux nombreuses réflexions d’Adrien Pasquali [2], portant notamment sur l’altérité rencontrée par les voyageurs ; au récent ouvrage de Vincent Debaene, L’Adieu au voyage[3], s’interrogeant sur la mort de l’exotisme pour le voyageur du 20e siècle, sur la rivalité ou la complémentarité des regards scientifique et littéraire portés sur l’étranger. Pour les voyages en Allemagne au cours de l’entre-deux-guerres, on se reportera avec profit aux travaux monographiques de Cécile Chombard-Gaudin [4], aux anthologies analytiques de Margarete Zimmermann [5] et Oliver Lubrich [6], aux articles de Dominique Bosquelle [7] sur les voyages de germanistes français.

5Dans cet article, nous étudierons les deux récits de voyages en Allemagne de Daniel Guérin afin de comprendre non seulement ce qu’ils révèlent des projets politiques et journalistiques de l’auteur, mais aussi ce qu’ils disent des attentes d’une génération française, née entre la Grande Guerre et la crise.

6Né en 1904 dans une famille bourgeoise et cultivée parisienne, Guérin appartient à une génération à cheval entre celle de la guerre, celle du Feu, et la génération de crise. Il rompt avec son milieu à la suite de séjours dans les territoires coloniaux, devient correcteur d’imprimerie, s’engage d’abord en 1930 à la SFIO, bientôt quittée car le militantisme interne y prend des allures petites-bourgeoises et par trop anticommunistes. La période pendant laquelle il voyage en Allemagne le voit rejoindre les syndicalistes révolutionnaires de Pierre Monatte [8] et Maurice Chambelland [9]. Au cœur de tous ces mouvements, Guérin écrira plus tard qu’il avait une propension à se situer « toujours à leur extrême gauche [10] ». Alain Bihr précise que « Daniel Guérin n’est pas encore le propagandiste du communisme libertaire qu’il deviendra par la suite. Bien que déjà fortement influencé par les thèses syndicalistes révolutionnaires par l’intermédiaire de Pierre Monatte, il reste en gros sur les positions de la tendance de gauche de la SFIO (animée par Marceau Pivert et Jean Zyromski) [11] ».

7L’expression utilisée par Guérin pour désigner le pays dont il vient correspond ainsi à une représentation courante dans l’entre-deux-guerres d’une France perçue comme décadente, bourgeoise et apathique. À vingt-huit ans, Guérin a vécu dans la légende dorée des révolutions russe et allemande : la proximité spatiale de l’Allemagne, les facilités matérielles d’un voyage outre-Rhin, le militantisme ouvrier et la fréquentation assidue des auberges de jeunesses et de leurs associations l’amènent à traverser la frontière. Il s’agit bien de l’attente d’une rencontre qui pousse le jeune Guérin vers l’Allemagne, à la rencontre des forces marxistes. L’ambition première de l’auteur prend forme à l’occasion d’un franchissement, celui de la Forêt Noire : « Après une si longue période d’inaction stérile, dans un vieux pays dégénéré, je vais peut-être enfin me trouver au cœur de l’action, dans cette Allemagne jeune, moderne et dynamique que, depuis ma jeunesse, je n’ai cessé d’admirer. C’est ici que triomphera le socialisme ou nulle part [12]. »

Voir l’Allemagne à l’été 1932

8Le franchissement de cette frontière donne lieu à une première écriture, abandonnée lors de la rédaction finale, mais que nous avons retrouvée dans les archives. Ainsi, au fil de quelques pages dactylographiées, l’alternative offerte par leur titre « Vieille Allemagne ou Troisième Reich [13] ? » dit déjà beaucoup des craintes et représentations du voyageur. Rupture ou continuité ? Ces lignes sont rédigées au cours du premier voyage en 1932 : « La France nous avait laissé comme ultime impression celle d’un immense camp retranché. Autour de Bar-le-Duc, de Nancy, le sinistre paysage ! Casernes et casemates, ciment et fer. Sur les routes des longues colonnes de camions militaires. Trois guerriers pour un civil. Trois képis pour un chapeau. Et, dans le ciel, le vrombissement des oiseaux de proie. Une fois le Rhin franchi, un autre monde ? Aucun uniforme, aucun engin de mort ne vient troubler la joie de vivre ; ces mamelons boisés n’abritent sous leurs branchages aucune gueule de canon ; et ces oiseaux, dont les ailes scintillent dans l’azur sont de vrais oiseaux… Pays libéré ? Hélas ! Brusquement, après des jours d’illusions, l’autre Allemagne, l’Allemagne bottée et casquée s’offre à nous [14]. » Cette amorce peut-être un peu trop directe, passant sous silence les étapes précédant l’arrivée dans Berlin, fut supprimée au profit de l’incipit suivant : « À la fin août 1932, je décide d’entreprendre en Allemagne un grand voyage à pied, sac au dos, selon les rites germaniques. Avec le camarade qui m’accompagnera, nous nous y préparons avec ardeur [15]. » La première étape du voyage s’achève au terme d’un parcours en camion entre Paris et Strasbourg, sans description de paysages puisque les voyageurs restent vautrés sur des colis et laissent couler le fil des heures ; suivent vingt-cinq kilomètres de marche, achevés dans une auberge de jeunesse.

9Ces remarques liminaires s’attachent à relever une fraternité internationale : les autochtones s’étonnent de voir en ces lieux des Français, mais Daniel Guérin lit « dans les regards un besoin de communication directe, par-delà les frontières artificielles, les journaux et les discours mensongers, un étonnement de se sentir pareils [16] ». Cet enthousiasme pour l’accueil ajiste [17] des Allemands se retrouve dans un article de Guérin, paru dans Monde le 7 janvier 1933 [18], où il loue la liberté et la neutralité politiques de ces espaces dédiés à la jeunesse. Il s’agace d’appartenir à une catégorie d’âge apolitique : « Quand je décris, en comparaison, la jeunesse française indifférente, ignorante, engourdie par l’opium des journaux sportifs, on me répond qu’il n’y a pas longtemps la jeunesse allemande s’intéressait beaucoup plus aux champions et aux stars qu’à Hitler ou à “Teddy” Thälmann. Mais le chômage, la misère, mais l’entrée en scène tapageuse du national-socialisme ont tout changé [19]. » À ce stade du récit, l’abêtissement généralisé dans lequel plongerait la jeunesse française semble exagéré. L’historiographie récente a montré la politisation croissante d’une frange importante des jeunes Français durant l’entre-deux-guerres, par l’analyse des systèmes partisans, des structures électorales ou encore des succès éditoriaux des collections d’essais politiques [20]. Nous reviendrons sur cette politisation de la jeunesse un peu plus loin.

10L’étranger, l’Allemand et sa langue, font leur apparition au détour d’un dialogue, par l’interjection : Franzose ? Ainsi l’altérité linguistique et politique de ce pays s’impose-t-elle par de menus détails, par « l’entrée en scène tapageuse du national-socialisme » déjà évoquée, mais également par une série de rencontres qu’il nous faut aborder. Plusieurs indices prouvent que ce parcours aux accents prophétiques a été réécrit : « Et pourtant les germes d’une maladie mortelle minent déjà cette chair en apparence resplendissante. L’atmosphère est lourde, les oiseaux volent bas, comme avant l’orage. Plus je m’enfoncerai au cœur de ce pays, plus je déchanterai. En vérité, malgré quelques apparences trompeuses, tout annonce, tout fomente – sans que j’en aie encore une pleine conscience – la victoire du fascisme hitlérien [21]. » Guérin choisit une posture d’humilité, mais invite habilement le lecteur à dresser la liste d’indices annonciateurs du fascisme.

11Outre une attraction sexuelle sous-jacente [22], les remarques de Daniel Guérin s’attachent significativement à la jeunesse allemande, à ses pratiques et son physique annonciateurs d’un « homme nouveau ». Au cœur des auberges de jeunesse, les jeunes de quinze à vingt ans portent une « chemise de sport kaki […] qui découvre leurs avant-bras bronzés par le soleil ; des genoux sculpturaux émergent d’une culotte courte en velours […]. Les jambes sont hâlées, muscles tendus et durs [23] ». Le lecteur de Guérin n’a pas saisi immédiatement, de l’avis même de l’auteur, l’implicite de ces descriptions : le lectorat du Populaire ou de Révolution prolétarienne dissociait l’homosexualité de la « respectabilité révolutionnaire ». En ce sens, Guérin a lui-même précisé dans un article de La Quinzaine littéraire[24], que « le récit de [ses] périples à travers l’Allemagne en 1932-1933, [sa] fréquentation des auberges de jeunesse allemande, [ses] descriptions de la cuiromanie hitlérienne dissimulaient à peine un bouillonnement homosexuel que des jeunes, mieux éclairés, n’ont repéré dans la lecture de la Peste brune qu’après 1968 ». Dans le même numéro de La Quinzaine littéraire, Daniel Guérin souligne l’incompatibilité d’une homosexualité affichée avec la lutte révolutionnaire. Ses origines bourgeoises, sa formation d’intellectuel constituaient déjà de « lourds handicaps » aux yeux de ses camarades syndicalistes révolutionnaires pour ne pas ajouter celui de « s’intéresser aux partenaires de son sexe ».

12La parole s’ajoute aux impressions visuelles : un adolescent de treize ans lui crie son amour pour le Führer. En fin de soirée, deux groupes demeurent ; nazis et révolutionnaires, face à face, « dans un état de veillée d’armes[25] ». Un jeune précise toutefois qu’ils veulent la même chose, un monde nouveau, un nouveau système. Ces premières impressions de voyage attestent que les jeunesses européennes sont déçues des modèles politiques qu’on leur propose et versent dans les voies révolutionnaires. Mais la rencontre tant attendue avec un socialisme triomphant semble ajournée.

13Attardons-nous quelque peu sur les focalisations de l’auteur liées à sa fréquentation des ajistes. En dehors des préoccupations matérielles de son hébergement, notre militant tente d’explorer les réflexions et les errances d’une génération européenne. Dans une lettre de Lucette Heller à Daniel Guérin datée de 1979, envoyée de Cologne, on trouve deux articles de Raoul Patry tirés de la Revue d’Allemagne[26]. Parus en novembre 1927 et mai 1928, ils portent sur la Jugendbewegung (le mouvement de jeunesse), sur les Wandervögel (littéralement, les oiseaux migrateurs) mouvement lancé par Karl Fischer en 1896, ainsi que sur « le mouvement de la jeunesse depuis la guerre [27] ». Raoul Patry s’intéresse aux avantages tirés par les Églises, catholique et protestante, des mots d’ordre imposés par la Jugendbewegung : les mouvements de jeunesse en question sont présentés comme recherchant la « discipline, le désir d’une vie différente et meilleure » se rapprochant de la quête chrétienne, « car de tout temps [celle-ci] a posé les mêmes exigences [28] ». Au travers des deux articles conservés par Guérin, se dessinent les traits d’une jeunesse allemande désireuse d’une large autonomie et de ne plus se voir considérer comme une période transitoire de la vie. Nous ne savons si ces articles ont été mis de côté dès leur publication ou ultérieurement ; quoi qu’il en soit, leur conservation témoigne d’une curiosité française, typique du début des années 1930, pour les mouvements de jeunesse allemands. Cet intérêt avait d’ailleurs plus largement trouvé un écho dans les revues spécialisées, majoritairement parcourues par l’élite universitaire et normalienne. Que ses lectures fussent contemporaines ou rétrospectives, Daniel Guérin ne se contenta pas d’une approche théorique de la jeunesse allemande et lui ajouta l’expérience riche du voyage. L’ambition de voyager selon les « rites germaniques » était d’ailleurs revendiquée à l’orée du texte.

14Il faut ainsi revenir sur le supposé apolitisme d’une génération française, contrastant avec l’engagement des Allemands, constaté par Daniel Guérin. Les mémoires d’une figure intellectuelle de l’entre-deux-guerres, Pierre Andreu (1909-1987), viennent utilement nous renseigner sur l’engagement et l’importance du modèle révolutionnaire pour cette génération française, ainsi que sur le rôle déclencheur du voyage dans l’initiation politique de cette dernière. Dans Le Rouge et le Blanc (1928-1944)[29], Pierre Andreu retrace son parcours familial, sentimental, politique et intellectuel. Il témoigne des engagements de la génération qui n’a pas vécu la guerre, mais dont les récits de celle-ci ont baigné l’enfance. Pour lui, les préoccupations politiques de l’époque occupent largement le devant de la scène, ce qui vient, temporairement, contredire l’apolitisme de cette génération constaté par Guérin. Toutefois, après l’expérience du Cartel des gauches, Pierre Andreu se lamente et finit par s’engager dans l’armée, en territoire colonial. Par le choix du voyage, l’engagement militaire ne constituant qu’un accessit, révèle non seulement les motivations existentielles d’une génération, mais également les sincères interrogations sur le moteur de toute action : « Tout était complètement pur là-dedans ? Étais-je vraiment, étions-nous vraiment ces enfants inquiets, désespérés, désireux de partir, de fuir, de courir l’aventure, ne pouvions-nous plus supporter le monde où nous vivions [30] ou, jeunes gens mal partis, sublimions-nous innocemment, en les assaisonnant de littérature, nos échecs, nos médiocrités, je ne le sais plus aujourd’hui. Mais je sais que j’étais malheureux. J’étouffais [31]. » En brossant à grands traits le bouillonnement intellectuel des années 1932 et 1933, en particulier par la description du fameux Carnet de revendications de la NRF de décembre 1932 dirigé par Denis de Rougemont, Pierre Andreu tente surtout de « faire comprendre ce que ces mouvements, ces revues, ce que notre génération en 1930, apportaient de vraiment vigoureux et original [32] ». Le sentiment commun d’une révolte à l’égard d’une société productiviste, d’un monde assoupi dans des injustices pourtant criantes, la révolte contre un « système » dirions-nous aujourd’hui n’étaient ainsi pas l’apanage d’un individu ou d’un clan. S’ils étaient partagés par une élite peut-être minoritaire à l’échelle de la France, leur simple et forte existence interdit de diagnostiquer un apolitisme générationnel et national. Cette exaspération s’exprima sous différentes formes et, à la suite de Pierre Monatte, Daniel Guérin choisit l’une d’entre elles : le militantisme syndical révolutionnaire.

15Enfin, notons que pour Pierre Andreu, le voyage qu’il effectue en août 1934 en Italie est l’occasion de se convertir à un fascisme social : d’antifasciste et admirateur du communisme, il devient un révolutionnaire socialo-fasciste. Le voyage de Daniel Guérin devait, à l’inverse, conforter une foi idéologique certaine, malgré des déceptions dont le récit nous fait part : la rencontre avec une forme fasciste, l’hitlérisme, n’exerça aucune fascination, mais provoqua bien l’affermissement de sa volonté de lutter.

16Daniel Guérin peut-il être rapproché d’autres intellectuels de sa génération, euro-péistes florissants dans la lignée du pacte de Locarno ? À la fin des années 1920, en dépit des premières années de crise, le moteur européen d’un rapprochement franco-allemand fut stimulé à plusieurs reprises par des comités d’intellectuels, d’anciens combattants pacifistes et des mouvements de jeunesse venus d’horizons politiques très variés. On pense ici aux rencontres du Sohlbergkreis et au Comité franco-allemand d’Otto Abetz et de Jean Luchaire, leader d’une Génération réaliste. On peut également citer les mouvements d’intellectuels non conformistes et fédéralistes comme ceux d’Ordre nouveau d’Alexandre Marc, de la revue Plans de Philippe Lamour, tous cherchant une troisième voie entre capitalisme et marxisme, pensant l’entrevoir dans une nouvelle mystique européenne. Daniel Guérin ne se reconnaissait pas dans les entrevues mondaines de Paul Valéry à la Société des nations, et les ambitions des économistes et techniciens pour l’Europe ne cadraient que trop mal avec ses aspirations anticapitalistes. Fédéraliste, pacifiste sont les seuls adjectifs qui peuvent caractériser l’adhésion de Guérin aux projets européens de ses congénères. Par ailleurs, il ne peut être confondu avec des intellectuels comme Pierre Drieu la Rochelle, séduit par un « socialisme fasciste », compromis avec ce dernier pour servir un idéal flou d’Europe unie face à la menace bolcheviste.

17Au fil de son voyage, les signes d’une défaite socialiste se multiplient. Du pont de Kehl à la frontière de la Saxe, une impression domine : « La population a déjà basculé du côté des nazis. C’est une épidémie qui exerce partout ses ravages, dans les villes comme dans les campagnes [33]. » Guérin souligne les signes de décadence des leaders du mouvement ouvrier qui, au lieu de les combattre, laissent ainsi la victoire facile aux chemises brunes. Son voyage s’achève à Berlin avant la nomination du chancelier. Il y assiste à une séance parlementaire, visite les quartiers communistes et les espaces de rayonnement de la Nachtkultur. Celle-ci, depuis Ouvert la nuit de Paul Morand en 1921, fascinait l’observateur français, tout comme l’Institut de sexologie de Magnus Hirschfeld était devenu depuis 1919 l’étape obligée du touriste étranger. Daniel Guérin souligne les contrastes de générations et d’appartenances politiques. Les juvéniles Sturmabteilung (SA) tranchent dans un paysage où la vieille Allemagne, impériale et militaire, ressuscitée par Franz von Papen, défile en habit vert, en groupes compacts, composés de « gros hommes aux fesses monumentales, au ventre redondant, aux uniformes un peu fripés [34] ». Le 12 septembre 1932, une séance du Reichstag offre une occasion à l’auteur de se distinguer : « Je ne veux pas manquer ce spectacle, que m’interdit pourtant ma tenue de globe-trotter. Mais un serviable social-démocrate me prête un complet trop large dans lequel je flotte. Et comme j’ai réussi à obtenir une carte de presse, je fais au palais parlementaire une entrée très digne, en taxi, salué militairement par une haie de Schupos [35]. » Ne manquant pas d’ironie, il précise que l’habit du social-démocrate fait de lui un notable. Ainsi le grimage devient l’arme du voyageur et se transforme en sésame pour s’introduire dans toutes les sphères, y compris les plus hostiles.

18Prologue à ses futures études sur l’approche politique du corps, Daniel Guérin s’attache également aux marques de la Lebensreform (littéralement, la réforme de vie), visibles dans les pratiques du nudisme à Berlin, et marche sur les pas d’un autre écrivain français, plus médiatique que lui, Pierre Mac Orlan. « De la Wild-Clique à la Kuhle Wampe, il y a toute distance qui sépare un univers d’un autre univers. Et pourtant, l’un et l’autre sont le produit du chômage et de la misère des temps. Ici, nous n’avons pas affaire à des révoltés, mais à des révolutionnaires [36]. » Kuhle Wampe se situe au bord du plus grand lac au sud-est de Berlin, le Müggelsee, sur la Grosse Krampe, partie du fleuve Dahme. Ce camp de chômeurs berlinois inspira Slátan Dudow pour son film Ventres glacés (Kuhle Wampe oder Wem gehört die Welt ?, 1932), « retentissant et magnifique [37] » selon Daniel Guérin qui put le voir avant qu’il ne soit censuré. Lors de cette visite, l’écrivain prend des photographies qui susciteront un avis ému et partisan sur la nudité : « Et comme je fais mine d’appuyer sur le déclic de mon appareil, un souple et grand athlète, à la crinière fauve, copieusement bronzé, arrache d’un geste brusque son slip et s’offre entièrement nu, aux rayons brûlants, pour protester contre l’ordonnance du chancelier von Papen [promulguée contre le nudisme] [38]. » Pour le militant français, ces naturistes sont des hommes sains, leurs vêtements sont le symbole des préjugés qu’ils rejettent.

19Cependant, à la fin de son séjour, un soir, au café, la déception pointe. Daniel Guérin est l’invité d’un groupe de jeunesses communistes, dans Wedding. Il admire leur sérieux, leur culture, leur jeunesse, leur ardeur militante, mais doute que cette énergie soit vraiment efficace : « À vrai dire je n’ai pu trouver dans tout mon voyage un seul communiste qui, mis en confiance après un moment de conversation, s’affirme vraiment d’accord avec la tactique du Parti [39]. » Dans ce regret se révèle l’objet même de son voyage : trouver des semblables plus convaincus que lui-même, constater que le combat n’est pas perdu face aux nazis, que le mouvement révolutionnaire allemand n’a pas été vicié.

20La fin de ce premier récit porte trop de marques de réécriture, trop d’annonces prophétiques pour garder intacte la fraîcheur optimiste dont débordait l’écrivain à l’entame de son périple. Il en vient à stigmatiser les satisfecit des analystes politiques français de la fin de l’année 1932, à l’annonce des mauvais résultats électoraux des nazis. À son sens, les fondements de la future catastrophe sont assez solidement établis dans la société allemande pour qu’on puisse l’affirmer. Son récit se transforme alors en récrimination. « Je l’avais vu, je l’avais écrit », semble-t-il conclure.

Face au nazisme, un voyageur coupé en deux

21Dans Après la catastrophe (1933), la préface à l’édition de 1965 de La Peste brune présente l’aval politique à la démarche de Guérin : « En avril-mai 1933, Hitler déjà installé au pouvoir, j’entreprends un nouveau voyage en Allemagne, non plus à pied, mais à bicyclette. J’ai été rendre visite à Léon Blum afin de lui exposer mon projet. Il m’a donné, sans hésiter, carte blanche. […] Mon reportage [40] paraît, quelques semaines plus tard, dans le quotidien de la SFIO, Le Populaire[41]. » Il est publié sous le titre « Le Populaire en Allemagne », entre le 25 juin et le 13 juillet 1933.

22Dans la préface à la réédition de ces articles en 1945, Daniel Guérin exprime alors sa volonté d’offrir une vision de l’Allemagne différente de celle des nazis, au moyen de ce qu’il nomme un « documentaire ». Il dédie d’ailleurs ces pages à Arno Barr, tombé en 1936 à Madrid, militant communiste de Leipzig qui l’a aidé à rédiger La Peste brune (il s’agit là de l’unique indice d’une composition collective). La préface de 1945 inscrit l’ouvrage dans la logique d’opposition idéologique de guerre froide, ce qui explique sa réception longue et complexe. On s’attachera ici aux thèmes forts du récit, aux zones d’ombre du voyage, à une mise en scène de soi accentuée en comparaison avec le premier récit de voyage ainsi qu’à sa confrontation avec l’Autre politique.

23Dans l’incipit de ce récit, Daniel Guérin critique implicitement l’attitude de repli et la faible curiosité de la France pour son voisin d’outre-Rhin : « À quelques centaines de kilomètres d’ici, des hommes comme nous se meuvent dans un autre monde, un monde fermé, où rien de ce qui compose nos habitudes de penser, de sentir, de combattre n’est plus admis. L’an dernier, pressentant la catastrophe, j’avais voulu faire connaissance avec cette Allemagne socialiste et révolutionnaire, aujourd’hui piétinée, assassinée. […] La peste brune a passé par là. Quels sont exactement ses ravages ? Que reste-t-il de cette Allemagne que nous avons connue, comprise, aimée [42] ? » Insistant sur la proximité spatiale d’un monde autre, étrange, dont les normes ont changé, Guérin use des codes rationnels, sentimentaux, sociaux pour établir une comparaison proprement historique. Il pose alors le cadre d’analyse qui préside à son enquête : « Je suis retourné là-bas. À bicyclette, de Cologne à Hambourg, de Hambourg à Berlin et à Leipzig, me mêlant aux hommes des villes et des campagnes […] dans ces auberges de jeunesse qui sont à elles seules un microcosme de Germanie, j’ai tenté de voir, d’écouter, d’expliquer [43]. » La comparaison historique s’inscrit dans une trinité empiriste : d’abord une double perception du réel, précédant son explication causale. « Il faut avoir de ses yeux vu ce que l’Allemagne a souffert ces dernières années – et souffre chaque jour davantage – non certes pour excuser, mais pour comprendre. Il faut avoir connu les queues au bureau de chômage – acte essentiel d’une vie sans actes –, le morceau de pain tenant lieu de repas, les petits chômeurs vagabondant, le ventre vide, sur les routes […] pour découvrir le secret [44] de cette folie collective, pathologique, désespérée [45]. » Guérin se pose en défricheur de terres inconnues, en alchimiste voyageur.

24Il adopte le genre d’écriture alors à la mode pour les grands reportages financés par les journaux de l’entre-deux-guerres et qui mise sur le suspens, la véracité et l’omniscience. Le lecteur est ainsi invité à suivre le narrateur, à valider ses choix d’itinéraires. Ceux de Guérin sont simples : d’abord il ira chez l’« adversaire », puis « chez [ses] amis de l’autre Allemagne » [46]. « Quand je rassemble mes souvenirs et que je cherche la date précise de mon entrée dans ce domaine fantastique, une image se présente : l’auberge de jeunesse d’Essen, un dimanche après-midi [47]. » Étonnante similitude des deux voyages par leur commencement : le rite d’introduction dans le monde étranger passe par l’auberge, par la jeunesse, par la proximité générationnelle. Mais cette fois, le franchissement de frontière s’apparente à un basculement dans l’irrationnel, car l’étranger ne lui « parle » plus. On comprend mieux cette perte de repères, synonyme du voyage absolu, à la lecture d’un épisode situé à Lübeck mettant en scène une conversation avec un jeune SA : « J’ai l’impression d’un monde absolument fermé, avec lequel aucun contact n’est possible. À quoi bon parler ? Notre langage ne serait plus compris. Ces primitifs en folie se fanatisent mutuellement, en vase clos [48]. » Confronté à la situation du malentendu, le jeune militant fait l’expérience de l’incommunicable ; l’étranger, le primitif en folie, devient étymologiquement barbare, celui qui ne parle pas la même langue.

25Après un épisode prussien au cours duquel il retrouve un camarade juriste contraint de se plier aux exigences du nouveau régime pour accéder au fonctionnariat, Daniel Guérin entame une discussion avec un nazi sur les avocats juifs de Berlin et aborde alors le phénomène antisémite en Allemagne. À la lumière de cet échange, il constate que Hitler n’a rien inventé. Pour le voyageur français, le Führer a simplement écouté les peuples, il a « deviné quel exutoire l’antisémitisme offrait à l’anticapitalisme des masses [49] ». Le reporter affirme avoir mieux compris le caractère de cette lutte par un ouvrage, Des Juifs te regardent, posant les bases d’une impensable anthropométrie (« juifs sanglants, juifs escrocs, juifs artistes [50] ») certains juifs connus étant désignés à la vindicte publique. À ces réflexions succède un paragraphe étrange [51] : « Pour être tout à fait en règle avec ma conscience, il faut pourtant que j’évoque une autre image : dans un intérieur de bourgeois cossus, une famille israélite m’accueille. Et se lamente, et gémit sur cet événement incroyable qui l’a arrachée à sa douce quiétude, à son existence honorable, à ses revenus assurés. » Guérin voit derrière ces « bourgeois un peu gras, l’ombre du Juif errant… ». Enfin, considérant l’épouse : « Ah pourquoi faut-elle qu’elle ajoute : “Après tout, ce nouveau régime, nous nous en accommoderions, si seulement il nous laissait tranquilles…” Le charme est soudain rompu. Je songe à ceux qui, depuis des années, juifs ou non juifs, ont faim ; à ceux qui, juifs ou non juifs, pourrissent aujourd’hui dans les prisons brunes [52]. » La compassion de Guérin trouve là sa limite sociale. Il semble délicat de jeter l’anathème antisémite sur ce passage : cependant ne partagerait-il pas la commune détestation d’une partie des socialistes du début du 20e siècle à l’égard des juifs riches, nécessairement capitalistes ? La haine antibourgeoise prédomine ; le dialogue qu’il met en scène sert à valoriser sa « conscience » de reporter d’une part, de socialiste de l’autre. Il ne peut brosser le portrait de juifs uniformément victimes et opposants du régime. Il n’accepte pas la moindre forme d’accommodement avec le système nazi ; il refuse qu’au prix d’une discrimination douteuse, on ne se batte pas tout entier contre ce régime terroriste et affamant. La misère physique et l’oppression de classe supplantent le racisme dans la description du phénomène nazi : en ce sens, il n’aura pas fait œuvre de visionnaire [53].

26Les propos ambigus de Daniel Guérin sont possiblement les traces antisémites d’une culture de gauche ancrée dans l’anticapitalisme : l’auteur évolue dans une sphère intellectuelle et militante imprégnée d’antisémitisme économique. La Révolution prolétarienne, à laquelle il collabore, publie des articles à forte connotation antisémite, comme ceux de Robert Louzon, pourfendeur du sionisme et d’un socialisme qu’il présente comme inféodé aux banquiers juifs [54]. Dans la mouvance d’une gauche antisémite, on pourrait aussi bien évoquer le Combat syndicaliste de l’anarchiste Pierre Besnard, qui anime depuis 1926 la CGT syndicaliste révolutionnaire. Ses feuilles tiennent régulièrement des propos antisémites, portés par un pacifisme accusant les juifs d’être fauteurs et profiteurs de guerre. Guérin a quelque peu gravité autour de cette gauche pacifiste, antistalinienne, matinée d’antisémitisme diffus. Le passage évoqué plus haut semble s’y rattacher.

27L’un des intérêts de son récit est d’apporter la preuve que toute l’Allemagne n’a pas été nazifiée, qu’une partie milite encore. Ainsi deux pays coexistent bien en un seul, divisé par une frontière aux aspects mouvants. « Peut-être avons-nous un peu tardé à rendre visite à nos amis, à vivre la vie de l’autre Allemagne. C’est qu’un abîme la sépare de la première, plus large qu’une frontière, plus profond qu’un océan. Unification du peuple ! proclame le fascisme. En fait, jamais ce pays n’a été divisé en deux camps plus irréconciliables. La voici, cette autre Allemagne, sur la grande route, entre Cologne et Düsseldorf, un sombre jour de pluie [55]. » Il fréquente deux communistes vagabonds, qui se confondent peut-être avec les deux jeunes gars dont la rencontre est consignée dans ses archives privées : « D’une poche, ils tirent avec précaution un carnet crasseux : leur livret de vagabondage. Sur des pages et des pages, c’est une longue suite de noms de villes, écrits à l’encre, au crayon, apposés au moyen de tampons humides. Impression de vertige, de cycle sans fin, les noms reviennent deux, trois fois, et sans doute, sur des pages vides, reviendront encore. […] Nous prenons le train. Gentiment ils nous accompagnent jusqu’à la gare, entrent, timides et conscients de leur aspect minable [56]. » Guérin engage ensuite la conversation avec un petit « typo » de la fédération du livre qui touche le secours de son organisation. Cette courte description de l’errance économe et misérable voisine avec les thèmes principaux d’une littérature prolétarienne européenne, à l’image de Dans la dèche à Paris et à Londres de Georges Orwell.

28L’autre Allemagne se rencontre davantage au cours d’un épisode parmi les plus symboliques, créant ce qui deviendra un topos de la littérature de voyage en Allemagne : la visite d’un camp de concentration. Cette expérience est rendue possible par la provocation du docteur Ley, dirigeant de l’Arbeit Deutsche Front : à Genève, en juin 1933, devant les représentants du Bureau international du travail, face aux syndicalistes dénonçant les conditions faites en Allemagne à leurs représentants, ce dernier propose de faire visiter les camps de concentration à ses frais. Cette ouverture des camps à la visite étrangère profite également à Stefan Priacel en 1934, dans un reportage pour Europe. L’approche directe de Guérin n’est pas payante : « Et pendant trois jours, on joue avec moi […] en désespoir de cause, j’ai repris le train. […] j’ai vu, sans autorisation, des hommes en prison. À Oranienburg, un long mur gris. Puis une lourde porte en fer. Je grimpe sur la selle de ma bicyclette, je m’agrippe aux barreaux. L’étrange spectacle ! Des êtres humains, hirsutes, barbus, vêtus de bourgerons gris, sont là, dans une cour, sous la garde de jouvenceaux armés [57]. » Dans la version de 1933, les précisions d’importance suivent : « Ailleurs je ferai mieux encore […]. Devant les locaux de la police, des camions recouverts de bâches attendent. On soulève soudain la bâche. Une cargaison humaine – jeunes prolétaires en manche de chemise […] enfermer les uns, relâcher les autres, c’est tout un système de gouvernement [58]. » On comprend par ailleurs qu’il ne voyage pas seul non plus dans cette année 1933 : un ami (Arno Barr ?) lui sert d’interprète auprès des prisonniers.

29Les dernières pages laissent libre cours aux impressions du retour de l’auteur, en proie à une double humeur. Le voyage n’a fondé aucune certitude mais bien semé le doute, l’interrogation, l’incertitude angoissée, terme de cette quête de l’idéal socialiste. Faisant dialoguer les deux pôles de sa nouvelle personnalité, Daniel Guérin déclare, d’abord en optimiste : « Vous avouerai-je que je reviens de ce damné pays beaucoup plus allègre [59] ? » Il s’explique ainsi : l’armée ne marchera pas, car les jeunes soldats ne lui semblent pas si contaminés par le nazisme. Les forces vives, SA et SS, sont probablement plus diverses qu’on ne les présente : présence de marxistes, de bandits, d’apaches en leurs rangs. Les purges en leur sein prouvent le désarroi des dirigeants nazis. Le marxisme combat à l’intérieur des SA ; il faut lui faire confiance. Il pressent diverses mutineries, peut-être même a-t-il eu écho de l’affaire Walther Stennes [60]. Puis en pessimiste : les difficultés du Troisième Reich n’annoncent pas son effondrement prochain, car l’Italie et l’URSS en ont aussi connues. Guérin appelle à prendre le fascisme au sérieux, à cesser de l’infantiliser : « Au terme de cette enquête et de ce voyage, je dirai seulement ce dont je suis sûr. J’ai vu la peste brune passer par là […]. Mon témoignage est pur de tout chauvinisme. […] J’ai vu de mes yeux, le fascisme. Je sais aujourd’hui ce qu’il est. […] Il est la réponse de la bourgeoisie à la carence ouvrière. […] J’ai appris en Allemagne que, pour vaincre le fascisme, il faudrait lui opposer un exemple vivant, un idéal de chair. Ah ! Si l’URSS redevenue république des soviets pouvait, comme après 1917, être un pôle d’attraction irrésistible [61]. » Poursuivant la métaphore épidémiologique, il réclame une prise de conscience marxiste, en France comme ailleurs, au risque d’une contamination durable. Le voyageur a perçu les carences organisationnelles du mouvement ouvrier, son texte se pose comme le moteur nécessaire à l’action militante.

Les oublis d’un récit militant

30Au terme de ces récits de voyage, le fascisme apparaît comme un produit de la défaite et non la voie choisie par une jeunesse allemande enthousiaste. Les analyses de Daniel Guérin se révèlent autant politiques que sociologiques ; elles s’avèrent souvent justes et confirmées par les recherches plus récentes. Ces récits ne sont pas des œuvres théoriques abouties, ils sont traversés du doute du jeune militant, prompt à modifier certains passages dans les versions publiées après la guerre.

31Tout autant qu’aux versions publiées, il est ainsi nécessaire de s’intéresser aux demi-silences de Daniel Guérin, à savoir aux textes qu’il n’a pas jugés bon de rassembler ou de rééditer. Nous pensons à deux d’entre eux : d’abord le chapitre intitulé « Au pied du mur », dans la version de La Peste brune de 1933 ; puis deux articles de Monde, datés des 12 et 19 novembre 1932, portant sur deux écoles dites monacales, de Bernau et de Sachsenburg. Nous évoquerons rapidement « Au pied du mur », entretien sur des questions agraires avec un nazi qu’il juge aimable ; les échanges relatés dégagent même une certaine sympathie. Notons que Daniel Guérin n’a pas retenu ce texte pour la réédition de 1945.

32Les articles de Monde sont plus longs, et leur contenu documentaire leur donne une légitimité dans le récit du premier voyage publié après la guerre. Ces reportages s’attachent à révéler l’originalité des innovations éducatives de l’Allemagne de 1932. Ils sont illustrés par Max Lingner, arrivé à Paris en 1927 et collaborateur régulier de Monde. Dans le numéro du 5 octobre 1932, l’expression d’enthousiasme militant se lit parfaitement sur les visages des compagnons de route de Guérin, placés à l’avant d’une camionnette près de Stuttgart. De façon générale, Lingner s’attache à coller au récit, brossant de manière réaliste le paysage découvert par l’écrivain à l’approche de Sachsenburg, château bâti sur un promontoire au fond d’une vallée boisée.

33Petite ville située au nord-ouest de Berlin, Bernau abrite l’école confédérale de la CGT allemande. Arrivé en voiture après une route « rien de moins romantique [62] », Daniel Guérin décrit les contours architecturaux de l’établissement, qui évoque un décor de film russe en raison du drapeau rouge flottant au sommet de deux mâts blancs. Il visite plusieurs salles de classe, composées de publics divers, adolescents ou jeunes adultes, qui suivent là des cours de durées variées, au contenu adapté. Il note la méthode typiquement allemande de savoir construit et non dispensé magistralement, mettant l’élève au centre d’une analyse structurée de manière collective. Dans une salle où étudient des « mineurs du rang [63] », le cours porte sur les méthodes de lutte syndicale, jusqu’à l’usage de la force et du sabotage ; Guérin souligne le ton réformiste du professeur. Interrogeant les élèves prolétaires à l’insu de son guide, il constate que les « vieilles traditions socialistes » n’ont pas bonne presse à Bernau [64]. « Ce qu’on veut, c’est préparer des cadres souples, dociles, capables de succéder un jour à la bureaucratie actuelle, ce qu’on cherche, c’est à sélectionner de futurs bonzes », très souvent décriés par l’écrivain, qui les perçoit comme des émasculés de la lutte politique.

34Les hasards du voyage conduisent Daniel Guérin jusqu’à Chemnitz, où un membre de la Maison du peuple lui confie une lettre de recommandation afin qu’il se présente à la Volkshochschule de Sachsenburg, sur la ligne de train de Frankenberg. Cette école d’État, au sommet d’une colline boisée, se trouve dans les murs d’une bâtisse médiévale : établissement monacal, silencieux. Premier Français à pénétrer dans cet espace, Guérin comprend que l’école forme depuis peu des chômeurs pour le Service du travail volontaire. Dès après la guerre, les écoles supérieures populaires, d’inspiration socialiste, sont destinées à compléter la culture des jeunes travailleurs. Mais la crise pousse le gouvernement à employer les chômeurs dans des ateliers pour deux marks par jour, et surtout à former des contremaîtres encadrant les chômeurs : l’école de Sachsenburg en forme cinquante par mois. Les diverses organisations ouvrières envoient des candidats à cette formation manuelle (maçonnerie) et intellectuelle (cours d’économie politique et sociale) ; on trouve toutes les obédiences parmi ces « terrassiers philosophes [65] », marxistes, nazis, socialistes. Très souvent regroupés en rangs dans la cour, prêts à la manœuvre, sous l’œil « mussolinien[66] » du directeur, les élèves savent également organiser une soirée de divertissements le dernier jour de formation. Daniel Guérin connaît ici un véritable dépaysement. « Il faut un effort d’imagination pour me rappeler où je suis. Que de choses étranges ! Ce vieux château romantique ; cette atmosphère de pensionnat, mi-familiale, mi-militaire […] ce socialisme germanique fait de métaphysique et de rites de casernes ; et malgré la camaraderie extérieure, les profondes divisions politiques qui opposent ces garçons les uns aux autres, qui, demain, les feront peut-être se massacrer… Ah ! ma tête n’en peut plus. Cacophonie allemande, vous m’avez vaincu. Allons dormir [67] ! » Passé la nuit, refuge dans lequel le voyageur s’est blotti face à tant d’altérité, Guérin s’applique à noter la joie de vivre commune, rempart à la crise. Rassemblés pour la dernière revue avant le départ, les élèves arborent leurs costumes et leurs insignes politiques, croix gammées pour certains, flèches d’airain pour d’autres. Le visiteur est saisi par le chant qu’entonnent unanimement les cinquante garçons : « le vieux Lied des vagabonds de la route a un instant réalisé l’accord [68] ». Il réalise qu’ils clament tous l’espoir d’un monde meilleur, en dépit de leurs options politiques divergentes. Jusqu’au quai sur lequel ils se séparent, les anciens élèves marchent au pas cadencé, unis par le rythme avant de retrouver la solitude. Les adieux prennent la forme de slogans : « Freiheit ! Rote Front ! Heil Hitler ! Cacophonie allemande [69]. »

35Cette expérience de l’étranger au travers du Service du travail volontaire n’a pas été retenue par Daniel Guérin dans son introduction à La Peste brune. Nous ne pouvons que formuler des hypothèses, mais il semble que l’impensable union des contraires, en un lieu désigné par une loi de la république de Weimar du 16 juillet 1932 (die Verordnung über den freiwilligen Arbeitsdienst vom 16. Juli 1932), ne correspondait pas à l’image que Guérin souhaitait laisser de l’Allemagne en 1932. La cohésion dans l’effort entre hitlériens et marxistes ne coïncidait qu’assez mal avec la vision plus assurée et rassurante d’une Allemagne coupée en deux.


Mots-clés éditeurs : voyage, Daniel Guérin, intellectuel, nazisme, socialisme

Date de mise en ligne : 08/08/2013

https://doi.org/10.3917/ving.119.0015

Notes

  • [1]
    Daniel Guérin, La Peste brune a passé par là : à bicyclette à travers l’Allemagne hitlérienne, Paris, Librairie du travail, 1933, Éd. Spartacus, 1996, p. 65. Sauf mention contraire, nous citons cette dernière édition.
  • [2]
    Adrien Pasquali, Le Tour des horizons : critique et récits de voyage, Paris, Klincksieck, 1994.
  • [3]
    Vincent Debaene, L’Adieu au voyage, Paris, Gallimard, 2010.
  • [4]
    Cécile Chombard-Gaudin, « Berlin vu par les voyageurs français (1900-1939) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 27, juillet-septembre 1990, p. 27-42.
  • [5]
    « Ach, wie gut schmeckt mir Berlin » : Französische Passenten im Berlin der zwanziger und frühe dreiiger Jahre, Berlin, Verlag das Arsenal Berlin, 2010.
  • [6]
    Olivier Lubrich, Reisen ins Reich, Francfort-sur-le-Main, Eichborn, 2004 ; trad. fr., id., Voyages dans le Reich, Arles, Actes Sud, 2008.
  • [7]
    « La Maison de France à Berlin », in Hans-Manfred Bock et Gilbert Krebs (dir.), Échanges culturels et relations diplomatiques : présences françaises à Berlin au temps de la république de Weimar, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle/Institut allemand d’Asnières, 2004.
  • [8]
    Membre du Parti communiste français et ex-responsable syndical à la Confédération générale du travail, Pierre Monatte est ouvrier du livre de formation.
  • [9]
    C’est en 1935 que Daniel Guérin s’alignera sur les positions de Marceau Pivert de la Gauche révolutionnaire, ouverte au syndicalisme révolutionnaire par ses positions sur la lutte des classes et le rôle central du mouvement social. À la fin des années 1930, Guérin suivra Pivert dans le Parti ouvrier socialiste et paysan (PSOP), lors de l’expulsion de la Gauche révolutionnaire de la SFIO. Guérin finit par rejeter la social-démocratie et le stalinisme comme stratégies pour faire échouer le fascisme.
  • [10]
    Daniel Guérin, « Être homosexuel et révolutionnaire », La Quinzaine littéraire, 215, 1er août 1975.
  • [11]
    Alain Bihr, « En attendant une nouvelle catastrophe ? », préf. à Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit.
  • [12]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 40.
  • [13]
    Bibliothèque de documentation contemporaine (BDIC), fonds Daniel Guérin, dossier 721/51/4.
  • [14]
    Ibid.
  • [15]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 39. Ce camarade est qualifié plus tard de « petit-bourgeois sceptique et insouciant » qui ne partage pas l’enthousiasme de Guérin pour la lutte sociale.
  • [16]
    Ibid., p. 40.
  • [17]
    Le mot ajiste est dérivé de AJ, pour auberge de jeunesse.
  • [18]
    Daniel Guérin, « Pour s’évader de l’usine : donnons aux travailleurs des “Auberges de la jeunesse” », Monde, 7 janvier 1933.
  • [19]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 41.
  • [20]
    Voir, par exemple, Édouard Lynch, « Socialistes et communistes dans l’entre-deux-guerres », Études rurales, 171-172, 2004, p. 45-59 ; Laurent Kestel, La Conversion politique : Doriot, le PPF et la question du fascisme français, Paris, Raisons d’agir, 2012.
  • [21]
    Ibid., p. 40.
  • [22]
    Daniel Guérin a toujours affirmé que sa dissidence politique était née de sa dissidence sexuelle, de la conscience d’appartenir à une minorité sexuelle opprimée. Il est certain que sa vie fut placée sous le signe d’une consubstantialité entre ses « penchants sexuels » et son « engagement révolutionnaire ».
  • [23]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 40.
  • [24]
    Daniel Guérin, « Être homosexuel… », op. cit.
  • [25]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 41.
  • [26]
    BDIC, fonds Daniel Guérin, 721/51/2 ; Lucette Heller-Goldenberg a publié une Histoire des Auberges de jeunesse en France des origines à la Libération (1929-1945), Nice, Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine, 1986, 2 vol.
  • [27]
    BDIC, fonds Daniel Guérin, 721/51/2.
  • [28]
    Ibid.
  • [29]
    Pierre Andreu, Le Rouge et le Blanc (1928-1944), Paris, La Table ronde, 1977.
  • [30]
    Ibid., p. 39.
  • [31]
    Ibid., p. 41.
  • [32]
    Ibid., p. 67-68.
  • [33]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 43.
  • [34]
    Ibid., p. 49.
  • [35]
    Ibid., p. 50.
  • [36]
    Ibid., p. 54.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    Ibid.
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    Ibid. On note la posture de journaliste.
  • [41]
    Daniel Guérin, La Peste brune, Paris, François Maspero, 1965, préface.
  • [42]
    « Après la catastrophe 1933 », in Daniel Guérin, La Peste brune…, op. cit., p. 65.
  • [43]
    Ibid.
  • [44]
    Ibid.
  • [45]
    Ibid., p. 66.
  • [46]
    Ibid.
  • [47]
    Ibid., p. 68.
  • [48]
    Ibid., p. 69.
  • [49]
    Ibid.
  • [50]
    Ibid.
  • [51]
    Ibid., p. 85.
  • [52]
    Ibid.
  • [53]
    On notera les lectures probables de Daniel Guérin sur « l’ombre du juif errant » : possiblement l’ouvrage d’Albert Londres, paru en 1929 et intitulé Le Juif errant est arrivé, large portrait des minorités israélites d’Europe, non dénuées de remarques gênantes portant sur les humiliations subies par les juifs ; mais aussi le Carnet de route du Juif errant, d’Alexandre Arnoux, en 1931, revisitant de manière anachronique le mythe, sans scrupule quant au traitement des figures héroïques. Pour plus de précisions, voir Ralph Schor, L’Antisémitisme en France pendant les années trente, Bruxelles, Complexe, 1991.
  • [54]
    Voir Michel Dreyfus, L’Antisémitisme à gauche : histoire d’un paradoxe, de 1830 à nos jours, Paris, La Découverte, 2009, p. 151 sqq.
  • [55]
    Ibid., p. 98.
  • [56]
    BDIC, fonds Daniel Guérin, dossier 721/51/4.
  • [57]
    BDIC, fonds Daniel Guérin, dossier 721/51/4, p. 103.
  • [58]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, p. 103.
  • [59]
    Ibid., p. 116.
  • [60]
    Dans le Nord-Est de l’Allemagne, en avril 1931, quelques SA et le chef de celles-ci, Walther Stennes, adressèrent une critique virulente à l’égard des dignitaires du parti et de la SS, dont le mode de vie et d’action fut jugé princier et trop éloigné des principes socialistes.
  • [61]
    Daniel Guérin, La Peste brune…, p. 118-119.
  • [62]
    Monde, 12 novembre 1932.
  • [63]
    Ibid., p. 5.
  • [64]
    Ibid.
  • [65]
    Monde, 19 novembre 1932.
  • [66]
    Ibid.
  • [67]
    Ibid, p. 8-9.
  • [68]
    Ibid.
  • [69]
    Ibid.

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