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Article de revue

Les fondements historiques du Hamas à Gaza (1946-1987)

Pages 3 à 14

Notes

  • [1]
    Hamas est l’acronyme arabe du « Mouvement de la résistance islamique » (harakat al-muqâwama al-islamiyya). Le terme « Hamas » signifie zèle, enthousiasme, ferveur, voire exaltation. Le travail pionnier à tous égards sur ce sujet est Jean-François Legrain, Les Voix du soulèvement palestinien, Le Caire, CEDEJ, 1991.
  • [2]
    La branche armée du Hamas, qualifiée de « brigades » (katâ’ib, aussi traduit par « bataillons »), a pris le nom d’Ezzedine al-Qassam et les roquettes artisanales tirées par le Hamas sur Israël sont, dans le même esprit, des « Qassam ».
  • [3]
    Voir, par exemple, les hagiographies des martyrs du Hamas comme Falah Salama Sudfi et A’tadal Saadallah Qanayta, Assad al-muqawâma, al-shahîd duktûr ‘Abd al-’Azîz al-Rantîssî (le lion de la résistance, le martyr docteur Abdelaziz Rantissi), Gaza, Maktab al-Jil, 2010, ou bien Yahya Sanwar, Al-Majd (la gloire), Gaza, Waed, 2009.
  • [4]
    Le Golem est, dans la tradition juive, l’être créé par un kabbaliste de Prague, au 16e siècle, qui a fini par lui échapper. Le terme de « golem » pour décrire les réseaux des Frères musulmans à Gaza est utilisé par Avner Cohen, conseiller religieux du gouverneur israélien de Gaza, dans une note interne de mars 1984, citée dans Charles Enderlin, Le Grand Aveuglement, Paris, Albin Michel, 2009, p. 117.
  • [5]
    Pour une présentation sommaire des différentes doctrines du jihad, voir Jean-Pierre Filiu, Les Frontières du jihad, Paris, Fayard, 2006, p. 25-26 et 36-38.
  • [6]
    Awatif Abderrahmane, Masr wa Filistîn (l’Égypte et la Palestine), Le Caire, Aam al-Maarifa, 1990, p. 115.
  • [7]
    Abd Al-Fattah Al-Awaisi, The Muslim Brothers and the Palestine Question, 1928-1947, Londres, I. B. Tauris, 1999, p. 95-96.
  • [8]
    Ibid., p. 135.
  • [9]
    Invitation reproduite dans Ahmed Mohammed al-Sa’ati, Al-tattawûr al-thaqâfî fï Ghazza (l’évolution culturelle à Gaza), Gaza, Université islamique, 2005, t. II, p. 110.
  • [10]
    Noman Abdelhadi Faysal, A’lâm min jîl al-ruwâd min Ghazzatu Hâshem (figures de la génération des pionniers dans la Gaza de Hachem), Gaza, Dar al-Duktur, 2010, p. 446.
  • [11]
    Ibid., p. 610-612.
  • [12]
    Ibid., p. 417.
  • [13]
    Pour les arbres généalogiques des Shawa, des Sawan et des Qaychawi (dans cet ordre), voir Uthman Mustapha Tabaa, Ithâf al-’izza fî tarîkh Ghazza (contributions à la gloire de l’histoire de Gaza), Gaza, Al-Yazji, 1950, 1999, vol. 3, p. 255-256, 281 et 393.
  • [14]
    Abd Al-Fattah Al-Awaisi, op. cit., p. 161.
  • [15]
    Ibid., p. 208.
  • [16]
    Haïm Levenberg, The Military Preparation of the Arab Community in Palestine, Londres, Frank Cass, 1993, p. 177.
  • [17]
    Awda Mohammed Ben Ayyash, Rafah, madîna ‘ala al-hudûd (Rafah, une ville sur les frontières), Gaza, Centre culturel Rashad Shawa, 2002, p. 93.
  • [18]
    Noman Abdelhadi Faysal, op. cit., p. 455-456.
  • [19]
    Abd Al-Fattah Al-Awaisi, op. cit., p. 209.
  • [20]
    Ilana Feldman, Governing Gaza, 1917-58, Durham, Duke University Press, 2008, p. 102-103.
  • [21]
    Le concept d’unification (tawhîd) renvoie à la profession de foi islamique sur l’unicité de Dieu. Mais il a pris une dimension plus militante avec la prédication d’Abd al-Wahhab (1703-1787) en Arabie centrale : ses disciples « wahhabites » se dénomment eux-mêmes les muwahhidûn, soit les adeptes du tawhîd. Les partisans des différents mouvements fondamentalistes mettent en avant le tawhîd pour justifier leur exclusive à l’encontre des autres expressions de l’Islam, voire leur répression.
  • [22]
    Statuts de l’association reproduits dans Ahmed Mohammed Sa’ati, op. cit., t. II, p. 109.
  • [23]
    Beverley Milton-Edwards, Islamic Politics in Palestine, Londres, I. B. Tauris, 1996, p. 43-44.
  • [24]
    Fathi Balawi est né en 1929 près de Tulkarem, Salah Khalaf est né en 1933 à Jaffa, Youssef al-Najjar est né en 1930 à Yibna, Khalil al-Wazir, Kamal Adwane et Assad Saftaoui sont nés en 1935, respectivement à Ramla, à Barbara et à Majdal (l’actuelle Ashkelon).
  • [25]
    Abou Iyad (Salah Khalaf), Palestinien sans patrie, Paris, Fayolle, 1978, p. 45 ; Hassan Balawi, Dans les coulisses du mouvement national palestinien, Paris, Denoël, 2008, p. 55.
  • [26]
    Hussein Abu Naml, Qitâ’ Ghazza, 1948-1967 (la bande de Gaza, 1948-1967), Beyrouth, Centre d’études et de recherches palestiniennes, 1979, p. 67.
  • [27]
    Yezid Sayigh, Armed Struggle and the Search for State, Oxford, Oxford University Press, 1997, p. 81-82 ; Saqr Abou Fakhr, « Genèse des organisations de la résistance palestinienne », Revue d’études palestiniennes, 81, automne 2001, p. 50.
  • [28]
    Noman Abdelhadi Faysal, op. cit., p. 433.
  • [29]
    Beverley Milton-Edwards, op. cit., p. 44.
  • [30]
    Entretien avec Eyad al-Sarraj, Gaza, 6 novembre 2010.
  • [31]
    Le terme « fedayine » vient de l’arabe fidâ’i (au pluriel fidâ’iyûn, fidâ’iyîn), littéralement « celui qui fait le sacrifice (de sa vie) » et il était déjà employé indifféremment avec le terme de « moujahidine » (mujâhid, pluriel mujâhidûn, mujâhidîn, « combattant du jihad ») pour désigner les guérilleros palestiniens en 1936-1939 comme en 1947-1948.
  • [32]
    Yezid Sayigh, op. cit., p. 63.
  • [33]
    Moshé Dayan, Diary of the Sinai Campaign, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1966, p. 39.
  • [34]
    Henry Laurens, La Question de Palestine, t. III : 1947-1967, Paris, Fayard, 2007, p. 486-487.
  • [35]
    Entretien avec Intissar al-Wazir (Oum Jihad), Gaza, 4 novembre 2010.
  • [36]
    Entretien avec Hassan Balawi, Paris, 22 novembre 2010.
  • [37]
    Fatah est l’acronyme arabe inversé de « Mouvement palestinien de libération » (harakat al-tahrîr al-filistiniyya) et le Fatah, parfois orthographié Fath, désigne dans l’historiographie arabe aussi bien la prise de La Mecque par le prophète Mohammed que les conquêtes (fath, pluriel futûhât) menées au nom de l’Islam.
  • [38]
    Hassan Balawi, op. cit., p. 67.
  • [39]
    Noman Abdelhadi Faysal, op. cit., p. 684.
  • [40]
    Le Mouvement des nationalistes arabes (MNA), qui a bénéficié à Gaza du soutien de Nasser et de ses services, s’effondre en juin 1967, mais il est relancé six mois plus tard par la décision de deux de ses dirigeants palestiniens, Georges Habache et Wadih Haddad, de transformer la branche palestinienne du MNA en organisation autonome, qui amalgame deux groupuscules fedayines pour constituer le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP).
  • [41]
    Abdelkader Yassine, ‘Umr fî al-manfâ (une existence en exil), Damas, Dar al-Wataniyya al-Jadida, 2009, p. 61-62.
  • [42]
    Entretien avec Ghazi Sourani, Gaza, 9 novembre 2010.
  • [43]
    Expression d’un dirigeant des Frères musulmans de Gaza, citée dans Beverley Milton-Edwards, op. cit., p. 92.
  • [44]
    Cité dans Adnan Abou Amir, Al-haraka al-islamiyya fî qitâ’ Ghazza (le mouvement islamique dans la bande de Gaza), Le Caire, Markaz al-A’lam al-araby, 2006, p. 17.
  • [45]
    Les Forces populaires de libération (FPL) sont la transformation, par adaptation à la guérilla, décidée par l’OLP, des unités de l’Armée de libération de la Palestine (ALP). C’est de loin à Gaza qu’elles sont les plus puissantes.
  • [46]
    Le Fatah prend, en février 1969, le contrôle de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont Yasser Arafat préside le Comité exécutif jusqu’à sa mort en novembre 2004.
  • [47]
    Voir supra, note 41.
  • [48]
    Yezid Sayigh, op. cit., p. 287.
  • [49]
    Ann Mosely Lesch, « Deportation of Palestinians from the West Bank and the Gaza Strip », Journal of Palestine Studies, 8 (2), hiver 1979, p. 101-131, p. 104.
  • [50]
    Yezid Sayigh, op. cit., p. 287.
  • [51]
    Ces chiffres émanent de sources israéliennes : pour 1970, Jerusalem Post, 1er janvier 1971 ; pour 1971, Ariel Sharon lui-même dans Haaretz, 7 janvier 1972.
  • [52]
    Le nom complet de cette structure est le « Mujamma islamique », Al-Mujamma’ al-islâmy, qui a pu être traduit par « le Centre islamique » comme par « l’Union islamique ». En fait, le terme arabe mujamma’ renvoie aussi bien à l’idée de réseau qu’à celle de centralisation, d’où le choix ici de conserver le terme arabe (le même choix a par exemple été fait dans Bervely Milton-Edwards et Stephen Farrell, Hamas, the Islamic Resistance Movement, Cambridge, Polity Press, 2010).
  • [53]
    Charles Enderlin, op. cit., p. 53.
  • [54]
    Michael Dumper, Islam and Israel, Washington, Institute of Palestine Studies, 1994, p. 97.
  • [55]
    Adnan Abou Amir, op. cit., p. 36.
  • [56]
    Ibid., p. 35.
  • [57]
    Les Frères musulmans jouissent en effet d’un statut légal en Jordanie, dont ils ont endossé les visées annexionnistes sur la Cisjordanie, d’où une organisation islamiste gérée depuis Amman, mais active sur les deux rives du Jourdain.
  • [58]
    Adnan Abou Amir, op. cit., p. 48.
  • [59]
    Le traité signé entre Menahem Begin et Anouar Sadate, le 26 mars 1979 à Washington, est l’aboutissement des négociations menées à Camp David, en septembre 1978, sous l’égide de Jimmy Carter. Il comporte deux volets, l’un sur la paix israélo-égyptienne proprement dite, l’autre sur la question palestinienne. Ce second volet envisage « l’autonomie » des populations de la Cisjordanie et de Gaza, dont les territoires demeurent sous occupation israélienne.
  • [60]
    Beverley Milton-Edwards, op. cit., p. 106-107.
  • [61]
    Shaul Mishal et Avraham Shela, The Palestinian Hamas, New York, Columbia University Press, 2000, p. 24.
  • [62]
    Charles Enderlin, op. cit., p. 117-118.
  • [63]
    Shaul Mishal et Avraham Shela, op. cit., p. 21.
  • [64]
    Fathi Shikaki (1951-1995), né à Gaza dans une famille réfugiée de Jaffa, assure longtemps la liaison entre les Frères musulmans de Cisjordanie et de Gaza. Mais la Révolution iranienne de 1979 l’amène à rompre avec la ligne quiétiste du cheikh Yassine et à fonder en 1981 sa propre organisation, le Jihad islamique, dont les attaques contre l’armée israélienne accentuent le prestige à Gaza.
  • [65]
    Majd, qui signifie « gloire », est l’acronyme arabe d’« Organisation du jihad et de la prédication » (munazzamat al-jihâd wa al-da’awa).
  • [66]
    Shaul Mishal et Avraham Shela, op. cit., p. 34.
  • [67]
    Entretien avec Rabah Mohanna, Gaza, 5 novembre 2010.
  • [68]
    Shaul Mishal et Avraham Shela, op. cit., p. 35.
  • [69]
    Une version anglaise de cet article sera publiée dans le Journal of Palestine Studies, 41 (3), printemps 2012.

1Les débats actuels sur les origines du mouvement Hamas sont intimement liés à la question de sa légitimité à incarner le combat nationaliste contre Israël. Cet article vise à dépasser ce postulat et à rompre avec les deux légendes symétriques qui polarisent jusqu’à aujourd’hui l’historiographie consacrée au Hamas : l’une, « officielle », qui en fait un mouvement viscéralement indépendant de toute manipulation étrangère (égyptienne ou israélienne) ; l’autre, à l’inverse, qui en fait une simple création des services secrets israéliens, destinée à mettre en échec le Fatah de Yasser Arafat. En s’appuyant essentiellement sur des sources locales en arabe, l’auteur montre que la réalité est plus complexe et que seule la longue durée permet de saisir toutes les composantes d’un mouvement qui est, en tous cas aujourd’hui, profondément enraciné à Gaza.

2Le mouvement Hamas, fondé dans la bande de Gaza en décembre 1987, a suscité un nombre considérable d’études, d’ouvrages et d’analyses, surtout depuis sa victoire aux législatives palestiniennes, en janvier 2006, et sa prise de contrôle de Gaza, en juin 2007 [1]. Les fondements historiques de ce parti, qui émane de la branche des Frères musulmans établie à Gaza en 1946, restent cependant peu étudiés, alors même que deux interprétations contraires sont largement diffusées.

3La première de ces interprétations relève de « l’histoire officielle » du Hamas, qui se présente comme l’héritier d’une lignée militante, d’une sourcilleuse indépendance envers tous les régimes arabes, remontant jusqu’à Ezzedine al-Qassam, religieux syrien tombé les armes à la main face à l’armée britannique en novembre 1935 [2]. Cette « histoire officielle », martelée dans les publications du Hamas éditées aujourd’hui à Gaza, nie la moindre solution de continuité sur les soixante-dix dernières années, comme si les Frères musulmans avaient toujours été à l’avant-garde et au cœur du combat nationaliste [3]. Cette prétention vise naturellement à discréditer les autres factions palestiniennes, à commencer par le Fatah, identifié à l’actuelle Autorité palestinienne de Ramallah.

4La seconde de ces interprétations présente le Hamas comme un « golem », une création des services israéliens à Gaza, en vue d’y diviser et d’y affaiblir le courant nationaliste [4]. Le fait que ce « golem » ait fini par se retourner contre ses maîtres, conformément d’ailleurs à la parabole juive, est intégré à cet argumentaire polémique, dont l’axe majeur est le boycottage par les Frères musulmans de la résistance anti-israélienne menée par toutes les autres tendances présentes dans la bande de Gaza, après l’occupation de juin 1967. Pour les tenants de cette « contre-histoire » du Hamas, il n’est pas de nationalisme authentique en dehors de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), fondée en 1964, et prise en main par Yasser Arafat et le Fatah en 1969.

5Une étude approfondie de la période qui va de la fondation des Frères musulmans à Gaza, en 1946, jusqu’au lancement du Hamas, en 1987, ne valide pourtant aucune de ces deux interprétations tranchées. En effet, les Frères musulmans, loin d’avoir été en position conflictuelle avec le régime égyptien tout au long des deux décennies de son administration de Gaza (1948-1967), se voient offrir en 1952 la direction de la municipalité de Gaza. En outre, c’est de la matrice des Frères musulmans que vont émerger à Gaza les groupes armés, au premier rang desquels le Fatah. Enfin, les autorités israéliennes vont certes laisser les militants islamistes attaquer en 1980 leurs rivaux palestiniens accusés de « communisme », mais c’est avec le soutien du Fatah que cette offensive contre la gauche arabe a été menée à Gaza. Cet article se propose d’éclairer de manière originale ces différents points, en s’appuyant sur diverses sources, primaires ou secondaires, essentiellement en arabe, ainsi que sur des entretiens conduits à Gaza en novembre 2010 (le fait que les Frères musulmans n’aient eu qu’une éphémère existence légale dans la bande de Gaza, durant la période étudiée, limite considérablement la documentation partisane disponible).

Les Frères musulmans à l’ombre de l’Égypte à Gaza et la naissance du Fatah

6L’Égyptien Hassan al-Banna n’a que 21 ans lorsqu’il fonde, en mars 1928, les Frères musulmans (al-Ikhwân al-Muslimûn). Instituteur à Ismaïliyya, nourri de culture religieuse auprès d’un père formé à l’université Al-Azhar, Banna est aussi initié au sein d’une communauté soufie de la région du Delta. Son ambition est, à rebours du caractère élitiste de ces ordres mystiques, d’établir un mouvement authentiquement populaire alliant régénération morale de l’Islam en Égypte et restauration politique des droits de son peuple, face au colonialisme britannique. Le jihad est au cœur de la doctrine des Frères musulmans, aussi bien dans sa dimension spirituelle de « jihad majeur », contre les forces du mal, que dans sa dimension militante, voire militaire de « jihad mineur » contre les ennemis de l’Islam. Il s’agit en ce cas d’un « jihad défensif », que chaque musulman est enjoint de livrer jusqu’à la libération de sa terre [5]. Parallèlement aux protestations contre le protectorat britannique en Égypte, les Frères musulmans organisent des campagnes de plus en plus importantes sur le thème de la Palestine, qui les distinguent des autres formations politiques et contribuent à élargir l’assise du mouvement en Égypte même [6].

7Lorsque Ezzeddine al-Qassam, juge religieux (qâdhi) à Haïfa, lance la guérilla antibritannique en Palestine centrale, en 1935, il le fait au nom du jihad. Et la milice nationaliste constituée autour de Jérusalem, en 1936, par Abdelkader al-Husseini, prend pour appellation « le Jihad sacré » (al-jihâd al-muqaddas). Mais le mufti de Jérusalem, Hajj Amine al-Husseini, oncle d’Abdelkader, qui est la figure de proue de cette « Grande Révolte » ne donne pas suite aux propositions de Banna d’envoi de volontaires égyptiens. Cette passivité imposée par les nationalistes palestiniens est acceptée par Banna, mais refusée par Ahmad Rifaat, un militant estudiantin, qui fait sécession des Frères musulmans égyptiens pour partir combattre en Palestine. Il y trouve la mort dans des circonstances obscures, aux mains de guérilleros palestiniens qu’il prétendait assister, et qui ont sans doute soupçonné une tentative d’infiltration britannique [7]. Il faut attendre octobre 1945 pour que les Frères musulmans, qui ont alors développé leur mouvement en Égypte jusqu’à y atteindre un demi-million de membres, se sentent assez forts pour ouvrir à Jérusalem, et sous la direction de Saïd Ramadan, leur branche pour la Palestine [8].

Le fer de lance du jihad

8La section de Gaza des Frères musulmans de Palestine est établie le 25 novembre 1946 [9]. La date est choisie pour coïncider avec le nouvel an 1366 du calendrier islamique, mais le lieu est le très profane cinéma Samer, ouvert au centre-ville durant le second conflit mondial. La Confrérie met en avant deux sexagénaires respectés à Gaza : le cheikh Omar Sawan, magistrat à la retraite, a effectué une brillante carrière sous l’Empire ottoman (avec une nomination au Yémen contre la volonté de l’imam de Sanaa [10]), puis en Palestine mandataire ; son adjoint est le cheikh Abdallah al-Qaychawi, prêcheur de la grande mosquée de Gaza et membre actif de sa chambre de commerce et grand pourfendeur des velléités missionnaires [11]. Mais l’homme clé est le secrétaire général de la section de Gaza, Zafer Shawa, d’une génération plus jeune que les cheikhs Sawan et Qaychawi, qui a déjà une expérience nourrie d’organisation de la jeunesse dans des clubs sportifs ou les Scouts islamiques [12]. Tous les trois appartiennent à des familles de notables, établies de longue date à Gaza [13].

9La structure des Frères musulmans en Palestine demeure très intégrée à l’appareil égyptien de la Confrérie et la section de Gaza est fréquemment visitée par des responsables de la maison-mère cairote [14]. À mesure que s’approche la fin du mandat britannique, la Palestine devient pour Hassan al-Banna le théâtre principal de mobilisation, où il compte peser dans le jihad antisioniste et former des combattants capables de passer à l’action révolutionnaire à leur retour en Égypte. À la fin de l’hiver 1947-1948, les forces britanniques ont renoncé de fait à assurer l’administration du district de Gaza, ce qui ne peut que favoriser la minorité active des Frères musulmans. Du 19 au 22 mars 1948, Banna vient lui-même galvaniser ses partisans sur place et inaugurer leur base de Nusseyrat [15]. Au cours du mois d’avril, des commandos islamistes, aussi bien palestiniens qu’égyptiens, harcèlent les colonies juives du secteur, sans grand résultat [16]. Des officiers égyptiens sont infiltrés en Palestine pour encadrer ces militants, notamment, le 10 mai, lors de l’assaut (infructueux) contre le kibboutz Kfar Darom [17].

10La proclamation de l’État d’Israël, le 14 mai 1948, la veille du terme du mandat britannique sur la Palestine, provoque l’intervention des armées arabes, dont dix mille militaires égyptiens dans le secteur de Gaza, ce qui marginalise le rôle des irréguliers islamistes. En outre, Hajj Amine al-Husseini charge Jamal Sourani, le fils d’un ancien maire de Gaza, de réorganiser la milice nationaliste du « Jihad sacré » dans le Sud de la Palestine [18]. Certes, les Frères musulmans contribuent à la prise de Yad Mordechai, le 24 mai, et ils s’emparent de la position d’Asluj, le 17 juillet [19]. Mais leur refus de s’intégrer à l’ordre de bataille ou de respecter les trêves détériore leurs relations avec l’armée égyptienne, d’autant que la Confrérie mène campagne sur le thème de la « trahison » des régimes arabes face aux conquêtes sionistes.

11La tension monte tellement au Caire que le Premier ministre, Mahmoud Noqrashi, décrète, le 8 décembre, l’interdiction des Frères musulmans et la confiscation de tous leurs biens. Les militants islamistes se vengent en assassinant le Premier ministre, vingt jours plus tard. Et le cycle de violence se poursuit avec le meurtre, le 12 février 1949, de Hassan al-Banna. La propagande des Frères musulmans ne cessera plus, dès lors, de le représenter comme un « martyr », tombé pour avoir trop défendu la Palestine, tandis que la milice islamiste sera censée avoir sauvé en 1948 l’honneur arabe dévoyé par les régimes et leurs armées.

Frères et fedayines

12L’armistice israélo-égyptien, signé le 24 février 1949 à Rhodes, sous l’égide des Nations unies, définit par la ligne de démarcation entre les belligérants le seul territoire de l’ancienne Palestine mandataire à n’être ni incorporé à Israël, ni annexé à la Jordanie. Cette « bande de Gaza » de trois cent soixante kilomètres carrés compte, aux côtés de ses quatre-vingt mille habitants d’origine, quelque deux cent mille réfugiés qui ont tout perdu durant le récent conflit et que les Nations unies installent dans huit camps théoriquement provisoires. Les agglomérations de Jabalya, Deir al-Balah, Khan Younes et Rafah (du Nord au Sud du territoire) abritent moins d’habitants que les camps de réfugiés qui leur sont accolés et un camp de la « Plage » (Beach camp, Shati en arabe) est implanté dans le prolongement du littoral de la ville de Gaza. L’administration égyptienne, dirigée par un gouverneur militaire, avec rang de général, contrôle la fonction publique locale, héritée du mandat britannique, mais étoffée par des cadres déplacés du reste du pays [20]. Les Nations unies assurent, du fait de leur assistance multiforme aux réfugiés palestiniens, jusqu’à 20 % du PNB du territoire, mais la gestion quotidienne comme les infrastructures publiques sont du ressort de l’Égypte.

13Les Frères musulmans, interdits à Gaza au même moment qu’en Égypte, s’y reconstituent rapidement une façade légale. Le 18 mai 1949, Zafer Shawa, l’ancien secrétaire général de la Confrérie pour Gaza, devient le responsable de l’« Association de l’Unification » (jam’iyyat al-tawhîd), dont les objectifs sont définis en termes très généraux : « la diffusion de la foi et sa consolidation dans l’âme des musulmans », « la réforme générale » et « la justice sociale » [21]. L’Association est censée « décourager ses membres de s’engager dans la politique partisane » [22]. Les activités sociales et culturelles de l’Association s’accompagnent de camps de jeunesse, où Shawa met à profit son expérience chez les Scouts islamiques. Une formation de base au maniement des armes est dispensée aux membres les plus déterminés [23]. Les Frères musulmans développent ainsi leurs réseaux, notamment dans les camps de réfugiés, et peuvent compter dans toute la bande de Gaza sur une dizaine de sections (usra, littéralement « famille »).

14Six jeunes militants des Frères musulmans de Gaza, Fathi Balawi, Salah Khalaf, Khalil al-Wazir, Youssef al-Najjar, Kamal Adwane et Assad Saftaoui, tous réfugiés dans le territoire en 1948, se distinguent par leur activisme. Ils sont rejoints par Selim Zaanoun, le seul membre de cette « jeune garde » à être né à Gaza [24]. Balawi et Khalaf poursuivent leurs études au Caire, où ils s’impliquent dans l’Union des étudiants palestiniens (UEP). C’est là qu’ils se lient avec Yasser Arafat, le fils d’un commerçant de la bande de Gaza, qui se serait radicalisé avant 1948 au sein des Futuwwa, les Jeunesses islamiques (distinctes des Frères musulmans). Arafat n’est pas un membre actif de la Confrérie et il représente le « compagnon de route » idéal pour Balawi et Khalaf, qui se mobilisent pour assurer, en septembre 1952, son élection à la tête de l’UEP du Caire [25]. Ces trois militants palestiniens, unis par la même passion nationaliste, espèrent pouvoir dépasser l’activisme estudiantin pour passer à l’action, et la bande de Gaza si proche, à laquelle ils sont tous les trois liés, apparaît comme le débouché naturel de leurs aspirations.

15La révolution des Officiers libres, en juillet 1952, renverse la monarchie égyptienne. Les Frères musulmans appuient sans réserve la junte républicaine, mais leur favori y est le général Mohammed Neguib, plutôt que le colonel Gamal Abdel Nasser, un ancien membre de la Confrérie, qui l’a quittée en 1949. Le mouvement islamiste est en tout cas récompensé de son soutien à Gaza, où le gouverneur égyptien nomme le cheikh Omar Sawan à la tête de la municipalité. La Confrérie organise aussi l’acheminement par trains égyptiens d’une aide humanitaire que ses militants distribuent dans la bande de Gaza [26]. Les Frères musulmans s’engagent en contrepartie à suspendre les infiltrations menées en Israël par leurs partisans au sein des forces de sécurité de Gaza. Cette décision est combattue par les jeunes militants les plus déterminés, qui constituent deux groupuscules d’adolescents sous la direction respective d’Khalil al-Wazir et de Salah Khalaf [27]. Wazir choisit le nom de guerre d’Abou Jihad et s’attache la loyauté sans faille d’Adwane, tandis que Khalaf prend le pseudonyme d’Abou Iyad, avec à ses côtés Saftaoui et Zaanoun [28].

16Ce sourcilleux équilibre des Frères musulmans conforte leur position à Gaza, où ils sont de loin le parti politique le plus important, avec un millier de membres en 1954 [29]. Mais la tentative d’assassinat contre Nasser en octobre, suivie de l’éviction de Neguib, entraîne une sévère répression contre les Frères musulmans. À Gaza, le cheikh Sawan perd la mairie aussi arbitrairement qu’il l’avait gagnée et les militants islamistes basculent dans l’opposition ouverte, n’hésitant plus à collaborer avec les communistes locaux contre le « dictateur Nasser [30] ». Un raid israélien au cœur de Gaza (quarante-six morts, dont huit soldats israéliens), mené par le commandant Ariel Sharon, le 28 février 1955, met le feu aux poudres. Balawi et Najjar sont à la pointe des manifestations qui secouent alors le territoire et sont qualifiées d’intifada (littéralement, « soulèvement »). Ils sont tous deux emprisonnés en Égypte durant plus de deux ans, avec des dizaines d’autres militants, islamistes ou communistes.

17À la suite d’un nouveau raid israélien, le 22 août 1955, Nasser décide de riposter en lançant une vague d’infiltrations de commandos palestiniens, des fedayines recrutés par le colonel Mustapha Hafez, le chef de la sécurité égyptienne à Gaza [31]. Une minorité de ces fedayines sont des militants, parfois libérés de prison pour l’occasion, qui acceptent de rompre avec les Frères musulmans pour mener de telles missions [32]. Les deux campagnes de fedayines, en août 1955 et en avril 1956, provoquent de lourdes représailles israéliennes et le colonel Hafez est assassiné, le 11 juillet 1956, dans l’explosion d’un colis piégé. Elles convainquent surtout l’état-major israélien que l’occupation de Gaza et l’humiliation de Nasser sont indispensables pour sécuriser la frontière méridionale d’Israël. Tel est l’objectif du plan Kadesh, adopté dans le plus grand secret le 8 octobre 1956 [33], et intégré dans les accords passés à Sèvres, le 24, avec la France et le Royaume-Uni en vue d’une offensive conjointe contre l’Égypte [34]. C’est conformément à ce plan qu’Israël ouvre les hostilités contre l’Égypte, le 29 octobre, et s’empare de la bande de Gaza, le 2 novembre.

18La plupart des fedayines palestiniens se sont alors repliés sur l’Égypte, quitte à la rejoindre par la mer, tel Kamal Adwane qui retrouve ainsi Abou Jihad au Caire [35]. Quant aux Frères musulmans, ils se fondent dans la coalition de résistance civile qui s’organise, durant les quatre mois de cette première occupation israélienne. La restauration de l’administration égyptienne, en mars 1957, ne se traduit pourtant pas par un retour au statu quo ante, car la sécurité égyptienne est désormais déterminée à empêcher toute infiltration vers Israël. Le noyau dur des fedayines les plus politisés, interdits de rentrer à Gaza, se disperse dans le Golfe pour y attendre des jours meilleurs. Abou Jihad lance depuis le Koweït un appel à ses anciens camarades des Frères musulmans, les enjoignant d’accorder la priorité à la lutte armée pour la libération de la Palestine [36]. Mais la Confrérie à Gaza est surtout préoccupée par la préservation de ses réseaux, après l’interdiction, en 1958, de l’Association de l’Unification.

19Les Frères musulmans gardent donc un profil bas à Gaza et ils écartent même Balawi, à sa libération des geôles égyptiennes. Abou Iyad parvient encore à mener de front durant deux ans ses activités d’enseignement et l’animation d’un groupuscule clandestin, mais il finit par être expulsé vers le Koweït. C’est là qu’Arafat, Abou Jihad et lui fondent en octobre 1959 le « mouvement palestinien de libération », désigné sous le nom de Fatah [37]. Adwane et Najjar participent à cette initiative clandestine et sont bientôt rejoints par Balawi et Zaanoun. C’est dire combien la composante des anciens islamistes de Gaza est dominante dans ce premier cercle du Fatah. Seul Saftaoui est demeuré sur place, comme enseignant, puis proviseur dans des écoles des camps de réfugiés, et il garde le contact avec l’organisation grâce aux missions que Mahmoud Abbas (Abou Mazen), un autre des fondateurs du Fatah, effectue à Gaza au titre du ministère de l’Éducation du Qatar [38].

20Les militants islamistes de Gaza se veulent bien loin de cette agitation nationaliste, concentrés qu’ils sont sur la survie des Frères musulmans comme organisation. Les figures paternelles des cheikhs Sawan et Qaychawi s’éteignent respectivement en 1958 et 1962, tandis que Zafer Shawa est étroitement surveillé, et souvent harcelé par la sécurité égyptienne. Les Frères musulmans restent passifs lors du lancement en 1964, à l’initiative de l’Égypte, de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui recrute des milliers de membres dans la bande de Gaza. C’est à cette époque que se forge la vision islamiste de Nasser comme un « tyran », voire un nouveau « pharaon ».

21C’est aussi dans ce contexte qu’Ahmad Yassine, un pieux enseignant du camp de réfugiés de Shati, mitoyen de la ville même de Gaza, voit son audience progressivement grandir. Né en 1936 à Joura, un village proche de l’actuelle Ashkelon, Yassine a rejoint les Frères musulmans assez jeune, mais il a toujours suivi une ligne moralisante, accordant la priorité à la restauration spirituelle sur toute forme de militantisme actif. Immobilisé dans une chaise roulante par une infirmité précoce, Yassine prêche d’une voix ténue à la mosquée de Shati. Même s’il n’a accompli aucune étude religieuse (il a juste parfait son cursus d’enseignant par une formation en arabe et en anglais à l’université égyptienne d’Aïn Chams), il est qualifié de « cheikh » par le cercle de plus en plus large de ses fidèles.

22En août 1965, Nasser accuse les Frères musulmans de tenter de se reconstituer et une nouvelle campagne d’arrestations frappe les rangs islamistes. Sayyid Qotb, l’idéologue égyptien de la Confrérie, incarcéré à cette occasion, est pendu un an plus tard. À Gaza même, Hani Bseisso, qui dirige clandestinement la branche locale des Frères musulmans, est arrêté et expulsé vers le Golfe. Ahmad Yassine est lui aussi emprisonné, mais son absence d’engagement politique lui permet d’être assez vite libéré [39]. C’est ainsi que le « cheikh Yassine », âgé d’à peine 30 ans, occupe le vide laissé par l’élimination des autres dirigeants de la Confrérie à Gaza.

23Les deux décennies d’administration égyptienne à Gaza (de mai 1948 à juin 1967, avec l’intermède des quatre mois d’occupation israélienne en 1956-1957) ont fini par produire un clivage durable au sein de l’appareil local des Frères musulmans, lui-même très marqué par l’islamisme égyptien. La disparition des cheikhs et des notables qui avaient fondé la section de Gaza de la Confrérie est suivie d’une répression intense, qui fait d’Ahmed Yassine le responsable par défaut d’un réseau rescapé et le convainc du bien-fondé d’une posture strictement légaliste. Quant aux dissidents des Frères musulmans de Gaza, qui ont lancé en 1959 le Fatah depuis leur exil dans le Golfe, ils sont aussi en butte à la répression nassérienne et sont accusés par Le Caire de faire le jeu d’Israël, du fait de leurs provocations armées.

24Le nationalisme palestinien est en 1967 dominé dans la bande de Gaza par les forces alignées sur l’Égypte : les nationalistes arabes, inspirés par Georges Habache, d’une part, et l’Organisation de libération de la Palestine, d’autre part, qui a pu se doter d’une « Armée » (ALP), en fait des unités supplétives intégrées au dispositif égyptien. Les militants palestiniens issus de la matrice des Frères musulmans sont, en revanche, très affaiblis, soit qu’ils aient opté pour le profil bas du « cheikh » Yassine, soit qu’ils aient rallié les rares cellules du Fatah. Au sein de la direction de ce mouvement, seul Abou Jihad ne désespère pas de reprendre pied un jour dans la bande de Gaza, alors que Yasser Arafat ou Abou Iyad s’impliquent nettement plus en Cisjordanie ou en Jordanie.

Les Frères musulmans sous occupation israélienne à Gaza et le développement du Fatah

25L’offensive israélienne contre l’Égypte, à l’aube du 5 juin 1967, débouche très vite sur une attaque blindée de la bande de Gaza où, après de sévères combats à Rafah et à Khan Younes, le gouverneur égyptien capitule, au matin du 7 juin. Mais, instruits par l’expérience de la précédente occupation israélienne, les réseaux nationalistes demeurent sur place, notamment les combattants de l’Armée de libération de la Palestine (ALP). L’ALP perd dans la débandade égyptienne sa fonction de supplétif du Caire, et elle acquiert ainsi une véritable indépendance opérationnelle. Les différents partis politiques s’accordent secrètement pour constituer la plus vaste alliance possible face à l’envahisseur. Communistes, baasistes, nationalistes arabes [40] et syndicalistes se retrouvent autour de personnalités connues pour leur patriotisme, tel Haydar Abdel Shafi, un des membres fondateurs de l’OLP, ou Mounir Rayess, le maire de Gaza déposé par les Israéliens en 1957 [41].

26Il paraît évident à toutes ces parties prenantes que les Frères musulmans vont se joindre à cette union sacrée contre l’occupant pour s’engager dans une résistance, au moins de type civil comme en 1956-1957. Quelle n’est donc pas la surprise de l’émissaire dépêché auprès du cheikh Yassine lorsqu’il s’entend opposer un refus catégorique [42]. Il s’agit bel et bien d’une « décision consciente », endossée par l’appareil local des Frères musulmans, qui ne veut pas compromettre, dans une confrontation jugée perdue d’avance avec Israël, ce qui a pu être préservé de la répression nassérienne [43]. La littérature islamiste est alors d’une rare violence à l’encontre du régime égyptien défait en juin 1967, voyant dans cette humiliation le châtiment infligé aux « faux prophètes de la libération et de la révolution, aux héros mensongers qui ont dénaturé leurs peuples, qui ont exilé les prêcheurs de l’Islam, qui ont jeté en prison la jeunesse musulmane la plus pure, qui ont combattu toute prédication islamique sincère, non sans encourager la corruption morale, la déviance intellectuelle et les modes de vie importés [44] ».

Le développement du Mujamma

27L’armée israélienne va mettre quatre longues années à pacifier Gaza. Après des succès initiaux qui décapitent les premières cellules des Forces populaires de libération (FPL) [45], du Fatah [46] et du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) [47], elles voient se reconstituer les réseaux fedayines, qui harcèlent les forces d’occupation en 1969-1970. Il revient au général Sharon, commandant de la région sud, de renverser la tendance, ce qu’il effectue avec une grande brutalité, qui culmine à l’été 1971 par l’expulsion de trente-huit mille réfugiés palestiniens vers le reste de la bande de Gaza, le Sinaï occupé ou la Cisjordanie [48]. Les bulldozers israéliens reconfigurent les camps de réfugiés, ménagent des espaces de contrôle et de patrouille, détruisent les caches d’armes et de combattants, portant un coup décisif à la guérilla. La mort de deux chefs emblématiques de la résistance, Ziad al-Husseini pour les Forces populaires de libération, le 21 novembre 1971, et Mohammad al-Aswad, surnommé le « Guevara de Gaza », pour le FPLP, le 9 mars 1973, marque la fin du mouvement.

28Durant toute cette période, les Frères musulmans sont épargnés par une répression pourtant intense (déportation de 380 Palestiniens de Gaza vers la Jordanie de 1968 à 1972 [49], détention d’au moins 3 700 résidents de Gaza au plus fort des vagues d’arrestation de l’été 1971 [50], 71 fedayines tués en 1970 et 104 en 1971 [51]). Alors que les formations nationalistes sont saignées à blanc, le cheikh Yassine tisse patiemment la toile d’une structure en réseaux, le Mujamma, qui développe dans toute la bande de Gaza ses activités piétistes et sociales (soutien scolaire, animation sportive, voire organisation de noces collectives pour réduire le coût de la cérémonie) [52]. Le 7 septembre 1973, le gouverneur israélien assiste significativement à l’inauguration de la mosquée de Jawrat al-Chams, toute proche du domicile de Yassine, qui devient la vitrine du Mujamma [53].

29Le chef islamiste persévère dans sa ligne légaliste d’interaction avec les autorités du moment, en n’accordant pas plus de reconnaissance aux représentants de l’État hébreu qu’il ne le faisait, avant 1967, envers ceux du « pharaon » Nasser, déjà perçu comme un ennemi de l’Islam. Pour le gouverneur israélien, qui a récupéré de son prédécesseur égyptien les fonctions d’administration des affaires religieuses, il s’agit naturellement d’affaiblir encore plus le camp nationaliste, en encourageant l’alternative islamiste [54]. Mais les autorités d’occupation se gardent d’octroyer une autorisation officielle au Mujamma, qui bénéficie d’une tolérance bienveillante, par définition réversible. Cela convient à ce stade aux animateurs du Mujamma, tous dévoués au cheikh Yassine, tels Abdelaziz Rantissi, Mahmoud Zahar, Abdelfattah Dukhan et Ibrahim Yazouri, que l’on retrouvera aux commandes du Hamas une quinzaine d’années plus tard.

30Les Frères musulmans de la bande de Gaza, qui n’étaient qu’une cinquantaine en 1969, profitent du développement du Mujamma pour recruter de plus en plus largement [55]. Leur organisation islamiste est dirigée par un « conseil exécutif », ou « bureau » de sept membres, lui-même adossé à un « conseil consultatif » (majlis al-shûra) représentatif des cinq secteurs du territoire : Gaza, Khan Younes, Rafah, Nord (Beit Hanoun, Jabalya et Beit Lahya) et Centre (Deir al-Balah, Nusseyrat et Maghazi) [56]. Coupée de la maison-mère égyptienne, elle noue des rapports de plus en plus étroits avec la branche jordanienne des Frères musulmans, dont dépend l’appareil islamiste en Cisjordanie [57]. En 1976, la Confrérie étend son dispositif à Gaza en instituant une organisation caritative, l’Association islamique (al-Jam’iyya al-islâmiyya), qui administre un dispensaire dans le camp de Shati, sous l’autorité de Khalil al-Qawqa, l’imam de la mosquée du camp [58].

Un combat « anti-communiste » avant d’être anti-israélien

31La décision israélienne d’accorder, en septembre 1979, une autorisation officielle au Mujamma s’inscrit dans l’épreuve de force entre les autorités d’occupation et le courant nationaliste, déterminé à refuser « l’autonomie » prévue dans le traité de paix récemment signé entre Israël et l’Égypte [59]. Le Mujamma tire de cette autorisation des facilités accrues d’organisation administrative et de mobilisation financière. Le cheikh Yassine se croit assez fort pour prendre le contrôle du seul véritable concurrent du Mujamma dans le champ social, le Croissant rouge de Gaza, qu’Haydar Abdel Shafi a fondé en 1972 et a transformé en bastion nationaliste.

32Les Frères musulmans sont encouragés dans cette manœuvre par le Fatah, car Abou Jihad, exilé avec la direction de l’OLP à Beyrouth, veut reprendre la main sur les communistes et le FPLP à Gaza. L’artisan de ce rapprochement antimarxiste est Assad Saftaoui, le seul des anciens fedayines islamistes de Gaza à ne pas avoir rejoint le Golfe lors de la fondation du Fatah, deux décennies plus tôt. Saftaoui, secondé par Yazouri du Mujamma, se présente contre Abdel Shafi à la présidence du Croissant rouge, mais le vote des quelque quatre mille membres de l’association, en décembre 1979, donne une très large victoire à la direction sortante. En représailles, plusieurs centaines de manifestants islamistes saccagent les locaux du Croissant rouge, le 7 janvier 1980, avant de s’attaquer à des cafés, des vidéoclubs ou des débits de boisson au centre-ville. Les nationalistes dénoncent la passivité avérée de l’armée israélienne lors de ces violences [60].

33Les années suivantes sont émaillées d’incidents du même ordre, où les partisans du cheikh Yassine brutalisent leurs adversaires palestiniens, qualifiés de « communistes ». Mais les agressions du Mujamma, initialement centrées sur le FPLP marxisant et ses alliés, se tournent bientôt contre le Fatah lui-même, notamment lors des luttes acharnées que se livrent les deux mouvements pour le contrôle de « l’Université islamique » de Gaza, le seul établissement d’enseignement supérieur du territoire, établi en 1978. En janvier 1983, le « Bloc islamique », émanation du Mujamma, remporte 51 % des votes lors des élections estudiantines de l’Université de Gaza et il impose sa loi sur le campus [61]. Les Frères musulmans de Gaza participent également à des démonstrations de force islamistes en Cisjordanie, où la polarisation de la scène palestinienne favorise leur implantation. Ces tensions sont exacerbées par la crise de l’OLP, expulsée du Liban par l’armée israélienne à l’été 1982, et confrontée à une « dissidence » manipulée par la Syrie depuis le printemps 1983.

34En juin 1984, la découverte par l’armée israélienne d’une soixantaine de pistolets et de mitraillettes, cachées dans la mosquée de cheikh Yassine, entraîne l’arrestation du fondateur du Mujamma et sa condamnation à treize ans de prison. Même si ces armes étaient avant tout destinées à intimider les autres factions palestiniennes, l’incarcération de Yassine permet à ses partisans de le laver de tous les soupçons de collusion avec Israël [62]. Le dirigeant islamiste est libéré dès mai 1985, dans le cadre d’un accord d’échange de prisonniers entre Israël et un groupe dissident de l’OLP, basé à Damas, le FPLP-Commandement général (FPLP-CG). Rantissi et Yazouri gèrent désormais le Mujamma au nom du cheikh Yassine, dont le prestige, magnifié par cette incarcération d’un an, s’accroît bien au-delà de la mouvance islamiste.

35Les Frères musulmans n’ont pourtant pas amendé leur ligne de refus de la confrontation avec Israël. Ils ont largement profité, sous l’occupation, du doublement du nombre de mosquées dans la bande de Gaza, qui passent de soixante-dix-sept en 1967 à cent cinquante en 1986 [63]. Mais cet attentisme est contesté de plus en plus activement par une nouvelle formation, le Jihad islamique, animé à Gaza par Fathi Shikaki, qui multiplie à partir de 1986 les attaques anti-israéliennes [64]. Yassine décide en retour de doter son organisation de son propre appareil de sécurité, le Majd [65], qui a une double fonction de protection des réseaux islamistes (contre Israël ou contre les autres factions) et de répression des déviations sociales (drogue, prostitution, etc.) [66]. Même au sein de cette première branche armée des Frères musulmans à Gaza, la priorité demeure l’ennemi intérieur, et non l’occupant israélien.

36Les Frères musulmans sont autant pris de court que l’OLP par le déclenchement, le 9 décembre 1987, d’émeutes dans toute la bande de Gaza, qui s’étendent à la Cisjordanie sous le nom d’intifada. La direction islamiste est tentée de garder un profil bas et c’est le cheikh Yassine qui impose à ses partisans divisés la participation au soulèvement anti-israélien [67]. Cette rupture avec la période antérieure se traduit, le 14 décembre, par la création formelle du Hamas, dédié à la « résistance islamique ». Il faudra attendre deux mois pour que ce sigle soit pleinement validé et huit mois pour que soit adoptée la charte du Hamas [68]. Mais les Frères musulmans ont opéré le choix stratégique de l’option nationaliste, prenant par là même leur indépendance envers la branche jordanienne de la Confrérie. La fondation du Hamas, quarante et un ans après celle de la section locale des Frères musulmans, tourne bien à Gaza une page de l’histoire palestinienne.

37Bien loin des récits édifiants des deux mouvements qui se disputent aujourd’hui le privilège d’incarner le nationalisme palestinien, le Fatah et le Hamas ont connu des parcours intimement liés à Gaza, le premier en émergeant par dissidence des Frères musulmans, le second en se nourrissant des réseaux sociaux des mêmes Frères musulmans, avant de passer tardivement à la « résistance islamique » et d’adopter son nom actuel. À bien des égards, le « cheikh » Yassine a imposé en 1987 à ses partisans la ligne qu’il avait contribuée à défaire, en 1957, lors du rejet par les Frères musulmans de l’appel d’Abou Jihad à la lutte armée.

38Militants nationalistes et islamistes n’ont d’ailleurs pas cessé de jouer à fronts renversés au cours de cette préhistoire du Hamas. La répression a beau sévir en Égypte contre les Frères musulmans, de 1957 à 1967, et obliger des milliers d’entre eux à l’exil, ce sont les futurs fondateurs du Fatah qui sont contraints de quitter Gaza sous pression égyptienne, alors que leurs anciens camarades des Frères musulmans parviennent, malgré tout, à rester implantés dans le territoire. La direction de l’OLP, exilée en Jordanie, puis au Liban, et enfin à Tunis, entretient dès lors une relation complexe avec les nationalistes de Cisjordanie et, plus encore, de Gaza.

39Cette tension entre « extérieur » et « intérieur » est en revanche absente chez les Frères musulmans de Gaza, qui consolident leur enracinement durant les deux premières décennies de l’occupation israélienne. Le paradoxe est que cette territorialisation de l’islamisme palestinien va donner naissance au Hamas et constituer son principal atout, alors que c’est l’OLP de « l’extérieur », donc la diaspora palestinienne, qui est finalement porteuse du projet d’État indépendant aux côtés d’Israël [69].

Notes

  • [1]
    Hamas est l’acronyme arabe du « Mouvement de la résistance islamique » (harakat al-muqâwama al-islamiyya). Le terme « Hamas » signifie zèle, enthousiasme, ferveur, voire exaltation. Le travail pionnier à tous égards sur ce sujet est Jean-François Legrain, Les Voix du soulèvement palestinien, Le Caire, CEDEJ, 1991.
  • [2]
    La branche armée du Hamas, qualifiée de « brigades » (katâ’ib, aussi traduit par « bataillons »), a pris le nom d’Ezzedine al-Qassam et les roquettes artisanales tirées par le Hamas sur Israël sont, dans le même esprit, des « Qassam ».
  • [3]
    Voir, par exemple, les hagiographies des martyrs du Hamas comme Falah Salama Sudfi et A’tadal Saadallah Qanayta, Assad al-muqawâma, al-shahîd duktûr ‘Abd al-’Azîz al-Rantîssî (le lion de la résistance, le martyr docteur Abdelaziz Rantissi), Gaza, Maktab al-Jil, 2010, ou bien Yahya Sanwar, Al-Majd (la gloire), Gaza, Waed, 2009.
  • [4]
    Le Golem est, dans la tradition juive, l’être créé par un kabbaliste de Prague, au 16e siècle, qui a fini par lui échapper. Le terme de « golem » pour décrire les réseaux des Frères musulmans à Gaza est utilisé par Avner Cohen, conseiller religieux du gouverneur israélien de Gaza, dans une note interne de mars 1984, citée dans Charles Enderlin, Le Grand Aveuglement, Paris, Albin Michel, 2009, p. 117.
  • [5]
    Pour une présentation sommaire des différentes doctrines du jihad, voir Jean-Pierre Filiu, Les Frontières du jihad, Paris, Fayard, 2006, p. 25-26 et 36-38.
  • [6]
    Awatif Abderrahmane, Masr wa Filistîn (l’Égypte et la Palestine), Le Caire, Aam al-Maarifa, 1990, p. 115.
  • [7]
    Abd Al-Fattah Al-Awaisi, The Muslim Brothers and the Palestine Question, 1928-1947, Londres, I. B. Tauris, 1999, p. 95-96.
  • [8]
    Ibid., p. 135.
  • [9]
    Invitation reproduite dans Ahmed Mohammed al-Sa’ati, Al-tattawûr al-thaqâfî fï Ghazza (l’évolution culturelle à Gaza), Gaza, Université islamique, 2005, t. II, p. 110.
  • [10]
    Noman Abdelhadi Faysal, A’lâm min jîl al-ruwâd min Ghazzatu Hâshem (figures de la génération des pionniers dans la Gaza de Hachem), Gaza, Dar al-Duktur, 2010, p. 446.
  • [11]
    Ibid., p. 610-612.
  • [12]
    Ibid., p. 417.
  • [13]
    Pour les arbres généalogiques des Shawa, des Sawan et des Qaychawi (dans cet ordre), voir Uthman Mustapha Tabaa, Ithâf al-’izza fî tarîkh Ghazza (contributions à la gloire de l’histoire de Gaza), Gaza, Al-Yazji, 1950, 1999, vol. 3, p. 255-256, 281 et 393.
  • [14]
    Abd Al-Fattah Al-Awaisi, op. cit., p. 161.
  • [15]
    Ibid., p. 208.
  • [16]
    Haïm Levenberg, The Military Preparation of the Arab Community in Palestine, Londres, Frank Cass, 1993, p. 177.
  • [17]
    Awda Mohammed Ben Ayyash, Rafah, madîna ‘ala al-hudûd (Rafah, une ville sur les frontières), Gaza, Centre culturel Rashad Shawa, 2002, p. 93.
  • [18]
    Noman Abdelhadi Faysal, op. cit., p. 455-456.
  • [19]
    Abd Al-Fattah Al-Awaisi, op. cit., p. 209.
  • [20]
    Ilana Feldman, Governing Gaza, 1917-58, Durham, Duke University Press, 2008, p. 102-103.
  • [21]
    Le concept d’unification (tawhîd) renvoie à la profession de foi islamique sur l’unicité de Dieu. Mais il a pris une dimension plus militante avec la prédication d’Abd al-Wahhab (1703-1787) en Arabie centrale : ses disciples « wahhabites » se dénomment eux-mêmes les muwahhidûn, soit les adeptes du tawhîd. Les partisans des différents mouvements fondamentalistes mettent en avant le tawhîd pour justifier leur exclusive à l’encontre des autres expressions de l’Islam, voire leur répression.
  • [22]
    Statuts de l’association reproduits dans Ahmed Mohammed Sa’ati, op. cit., t. II, p. 109.
  • [23]
    Beverley Milton-Edwards, Islamic Politics in Palestine, Londres, I. B. Tauris, 1996, p. 43-44.
  • [24]
    Fathi Balawi est né en 1929 près de Tulkarem, Salah Khalaf est né en 1933 à Jaffa, Youssef al-Najjar est né en 1930 à Yibna, Khalil al-Wazir, Kamal Adwane et Assad Saftaoui sont nés en 1935, respectivement à Ramla, à Barbara et à Majdal (l’actuelle Ashkelon).
  • [25]
    Abou Iyad (Salah Khalaf), Palestinien sans patrie, Paris, Fayolle, 1978, p. 45 ; Hassan Balawi, Dans les coulisses du mouvement national palestinien, Paris, Denoël, 2008, p. 55.
  • [26]
    Hussein Abu Naml, Qitâ’ Ghazza, 1948-1967 (la bande de Gaza, 1948-1967), Beyrouth, Centre d’études et de recherches palestiniennes, 1979, p. 67.
  • [27]
    Yezid Sayigh, Armed Struggle and the Search for State, Oxford, Oxford University Press, 1997, p. 81-82 ; Saqr Abou Fakhr, « Genèse des organisations de la résistance palestinienne », Revue d’études palestiniennes, 81, automne 2001, p. 50.
  • [28]
    Noman Abdelhadi Faysal, op. cit., p. 433.
  • [29]
    Beverley Milton-Edwards, op. cit., p. 44.
  • [30]
    Entretien avec Eyad al-Sarraj, Gaza, 6 novembre 2010.
  • [31]
    Le terme « fedayine » vient de l’arabe fidâ’i (au pluriel fidâ’iyûn, fidâ’iyîn), littéralement « celui qui fait le sacrifice (de sa vie) » et il était déjà employé indifféremment avec le terme de « moujahidine » (mujâhid, pluriel mujâhidûn, mujâhidîn, « combattant du jihad ») pour désigner les guérilleros palestiniens en 1936-1939 comme en 1947-1948.
  • [32]
    Yezid Sayigh, op. cit., p. 63.
  • [33]
    Moshé Dayan, Diary of the Sinai Campaign, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1966, p. 39.
  • [34]
    Henry Laurens, La Question de Palestine, t. III : 1947-1967, Paris, Fayard, 2007, p. 486-487.
  • [35]
    Entretien avec Intissar al-Wazir (Oum Jihad), Gaza, 4 novembre 2010.
  • [36]
    Entretien avec Hassan Balawi, Paris, 22 novembre 2010.
  • [37]
    Fatah est l’acronyme arabe inversé de « Mouvement palestinien de libération » (harakat al-tahrîr al-filistiniyya) et le Fatah, parfois orthographié Fath, désigne dans l’historiographie arabe aussi bien la prise de La Mecque par le prophète Mohammed que les conquêtes (fath, pluriel futûhât) menées au nom de l’Islam.
  • [38]
    Hassan Balawi, op. cit., p. 67.
  • [39]
    Noman Abdelhadi Faysal, op. cit., p. 684.
  • [40]
    Le Mouvement des nationalistes arabes (MNA), qui a bénéficié à Gaza du soutien de Nasser et de ses services, s’effondre en juin 1967, mais il est relancé six mois plus tard par la décision de deux de ses dirigeants palestiniens, Georges Habache et Wadih Haddad, de transformer la branche palestinienne du MNA en organisation autonome, qui amalgame deux groupuscules fedayines pour constituer le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP).
  • [41]
    Abdelkader Yassine, ‘Umr fî al-manfâ (une existence en exil), Damas, Dar al-Wataniyya al-Jadida, 2009, p. 61-62.
  • [42]
    Entretien avec Ghazi Sourani, Gaza, 9 novembre 2010.
  • [43]
    Expression d’un dirigeant des Frères musulmans de Gaza, citée dans Beverley Milton-Edwards, op. cit., p. 92.
  • [44]
    Cité dans Adnan Abou Amir, Al-haraka al-islamiyya fî qitâ’ Ghazza (le mouvement islamique dans la bande de Gaza), Le Caire, Markaz al-A’lam al-araby, 2006, p. 17.
  • [45]
    Les Forces populaires de libération (FPL) sont la transformation, par adaptation à la guérilla, décidée par l’OLP, des unités de l’Armée de libération de la Palestine (ALP). C’est de loin à Gaza qu’elles sont les plus puissantes.
  • [46]
    Le Fatah prend, en février 1969, le contrôle de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont Yasser Arafat préside le Comité exécutif jusqu’à sa mort en novembre 2004.
  • [47]
    Voir supra, note 41.
  • [48]
    Yezid Sayigh, op. cit., p. 287.
  • [49]
    Ann Mosely Lesch, « Deportation of Palestinians from the West Bank and the Gaza Strip », Journal of Palestine Studies, 8 (2), hiver 1979, p. 101-131, p. 104.
  • [50]
    Yezid Sayigh, op. cit., p. 287.
  • [51]
    Ces chiffres émanent de sources israéliennes : pour 1970, Jerusalem Post, 1er janvier 1971 ; pour 1971, Ariel Sharon lui-même dans Haaretz, 7 janvier 1972.
  • [52]
    Le nom complet de cette structure est le « Mujamma islamique », Al-Mujamma’ al-islâmy, qui a pu être traduit par « le Centre islamique » comme par « l’Union islamique ». En fait, le terme arabe mujamma’ renvoie aussi bien à l’idée de réseau qu’à celle de centralisation, d’où le choix ici de conserver le terme arabe (le même choix a par exemple été fait dans Bervely Milton-Edwards et Stephen Farrell, Hamas, the Islamic Resistance Movement, Cambridge, Polity Press, 2010).
  • [53]
    Charles Enderlin, op. cit., p. 53.
  • [54]
    Michael Dumper, Islam and Israel, Washington, Institute of Palestine Studies, 1994, p. 97.
  • [55]
    Adnan Abou Amir, op. cit., p. 36.
  • [56]
    Ibid., p. 35.
  • [57]
    Les Frères musulmans jouissent en effet d’un statut légal en Jordanie, dont ils ont endossé les visées annexionnistes sur la Cisjordanie, d’où une organisation islamiste gérée depuis Amman, mais active sur les deux rives du Jourdain.
  • [58]
    Adnan Abou Amir, op. cit., p. 48.
  • [59]
    Le traité signé entre Menahem Begin et Anouar Sadate, le 26 mars 1979 à Washington, est l’aboutissement des négociations menées à Camp David, en septembre 1978, sous l’égide de Jimmy Carter. Il comporte deux volets, l’un sur la paix israélo-égyptienne proprement dite, l’autre sur la question palestinienne. Ce second volet envisage « l’autonomie » des populations de la Cisjordanie et de Gaza, dont les territoires demeurent sous occupation israélienne.
  • [60]
    Beverley Milton-Edwards, op. cit., p. 106-107.
  • [61]
    Shaul Mishal et Avraham Shela, The Palestinian Hamas, New York, Columbia University Press, 2000, p. 24.
  • [62]
    Charles Enderlin, op. cit., p. 117-118.
  • [63]
    Shaul Mishal et Avraham Shela, op. cit., p. 21.
  • [64]
    Fathi Shikaki (1951-1995), né à Gaza dans une famille réfugiée de Jaffa, assure longtemps la liaison entre les Frères musulmans de Cisjordanie et de Gaza. Mais la Révolution iranienne de 1979 l’amène à rompre avec la ligne quiétiste du cheikh Yassine et à fonder en 1981 sa propre organisation, le Jihad islamique, dont les attaques contre l’armée israélienne accentuent le prestige à Gaza.
  • [65]
    Majd, qui signifie « gloire », est l’acronyme arabe d’« Organisation du jihad et de la prédication » (munazzamat al-jihâd wa al-da’awa).
  • [66]
    Shaul Mishal et Avraham Shela, op. cit., p. 34.
  • [67]
    Entretien avec Rabah Mohanna, Gaza, 5 novembre 2010.
  • [68]
    Shaul Mishal et Avraham Shela, op. cit., p. 35.
  • [69]
    Une version anglaise de cet article sera publiée dans le Journal of Palestine Studies, 41 (3), printemps 2012.
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