Notes
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[1]
La traduction, française et anglaise du terme « figuration » employé par Norbert Elias pose un problème depuis longtemps. « Configuration » s’est imposé comme un équivalent pertinent, d’ailleurs utilisé par Elias lui-même dans certains de ses textes anglais. Il est cependant revenu dessus au début des années 1960 : le préfixe « con- » (du latin com, cum, « avec ») donnait selon lui à la notion un caractère systémique qu’il voulait éviter et suggérait que la figuration s’effectuait « avec » quelque chose d’autres (alors qu’au contraire, il voulait évoquer par là les figurations en elles-mêmes, pour définir la forme des relations sociales d’un groupe, en un lieu, ou à une époque donnée). Les termes « figuration », « figurational » ont été adoptés en anglais, et sont devenus plus courants aujourd’hui (sur ces précisions, voir Stephen Mennell, « Figurational Sociology », in George Ritzer (dir.), Encyclopaedia of Social Theory, Londres, Sage, 2004, vol. 1, p. 279-280). Nous avons décidé de respecter les choix des auteurs, traduisant « figuration », « figurational », par « figuration », « figurationnel » lorsqu’il était employé, et laissant « configuration » lorsque le terme était utilisé dans le texte initial.
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[2]
Ce sont bien sûr les marxistes qui expliquent de manière réductrice la structure sociale et le changement social, en faisant référence à la propriété des moyens de productions ou aux « forces économiques ». Max Weber ajouta à l’équation le contrôle de l’exercice de la violence. Norbert Elias pensait que ces approches causalistes et logicistes ne permettaient pas de rendre compte de la réalité humaine et sociale. Il privilégiait ce qu’il appelait les « explications en termes de structure et de processus ».
-
[3]
Norbert Elias et Eric Dunning ont appliqué la théorie des processus de civilisation à l’étude du sport, Johan Goudsblom à celle du feu, Stephen Mennell à celle de la nourriture et Jason Hughes s’est penché sur l’acte de fumer. Voir Norbert Elias et Eric Dunning, Sport et civilisation : la violence maîtrisée, avant-propos de Roger Chartier, trad. de l’angl. par Josette Chicheportiche et Fabienne Duvigneau, Paris, Fayard, 1994 ; Johan Goudsblom, Fire and Civilization, Londres, Penguin, 1992 ; Stephen Mennell, All Manners of Food : Eating and Taste in England and France from the Middle Ages to the Present, Oxford, Blackwell, 1987 ; Jason Hughes, Learning to Smoke : Tobacco Use in the West, Chicago, University of Chicago Press, 2003.
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[4]
Par conséquent, une société qui s’appauvrit ou dans laquelle l’État perd le monopole de la violence et de l’impôt subit des pressions décivilisatrices et peut-être un processus de décivilisation de plus ou moins grande ampleur et durée.
-
[5]
Norbert Elias et Eric Dunning, op. cit.
-
[6]
Gregory P. Stone, « American Sports : Play and Display », Chicago Review, 9, automne 1955, p. 83-100.
-
[7]
Norbert Elias, Über den Prozess der Zivilisation : soziogenetische und psychogenetische Untersuchungen, t. I : Wandlungen des Verhaltens in den weltlichen Oberschichten des Abendlandes, t. II : Wandlungen der Gesellschaft : Entwurf zu einer Theorie der Zivilisation, Bâle, Haus zum Falken, 1939. Ce livre a été partiellement traduit en français par Pierre Kamnitzer et publié aux Éditions Calmann-Lévy, dans la collection « Archives des sciences sociales », sous deux titres distincts : La Civilisation des mœurs (1973) et La Dynamique de l’Occident (1975).
-
[8]
Le mémoire de Kenneth Sheard et mon propre mémoire de maîtrise sont publiés dans Eric Dunning et Kenneth Sheard, Barbarians, Gentlemen and Players : A Sociological Study of the Development of Rugby Football, Oxford, Martin Robertson, 1979, nouv. éd. aug. Londres, Routledge, 2004. Le mémoire de Kenneth Sheard s’intitulait « Rugby Football : A Study in Developmental Sociology », Université de Leicester, 1971 ; le mien, « Early Stages in the Development of Football : an Account of the Sociological Problems and the Development of a Game », Université de Leicester, 1961.
-
[9]
Norbert Elias, La Civilisation des mœurs, op. cit., Pocket, 1989, p. 442-443.
-
[10]
Morris Marple, A History of Football, Londres, Secker & Warburg, 1954.
-
[11]
Percy Young, A History of British Football, Londres, Stanley Paul, 1968.
-
[12]
Robert K. Merton, Social Theory and Social Structure, New York, The Free Press, 1957.
-
[13]
Percy Young, op. cit.
-
[14]
Morris Marple, op. cit.
-
[15]
Norbert Elias et Eric Dunning, op. cit. ; Eric Dunning, Sport Matters : Sociological Studies of Sport, Violence and Civilisation, Londres, Routledge, 1999.
-
[16]
Eric Dunning et Kenneth Sheard, op. cit.
-
[17]
Adrian Harvey, « An Epoch in the Annals of National Sport », International Journal of the History of Sport, « Football in Sheffield and the Creation of Modern Soccer and Rugby », 18 (4), p. 53-87 ; Adrian Harvey, Football, the First Hundred Years : The Untold Story, Londres, Routledge, 2005.
-
[18]
Norbert Elias et Eric Dunning, op. cit.
-
[19]
Ndt : les élèves les plus âgés avaient le droit de donner des ordres aux plus jeunes, qui leur rendaient des services, portaient leurs affaires, leur préparaient à manger, etc.
-
[20]
Eric Dunning et Kenneth Sheard, op. cit.
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[21]
Ndt : nom donné aux plus jeunes. Le mot « fags » est le dérivé nominal du verbe to fag qui signifie « trimer », « travailler dur » et, dans le contexte des public school, « être au service d’un plus âgé » (to fag for a senior).
-
[22]
Kenneth Sheard et Eric Dunning, op. cit.
-
[23]
Ibid. ; Eric Dunning, Sport Matters…, op. cit.
-
[24]
Eric Dunning, Sport Matters…, op. cit.
-
[25]
Norbert Elias, Über den Prozess der Zivilisation…, op. cit.
-
[26]
Kenneth Sheard et Eric Dunning, op. cit. ; Eric Dunning, Sport Matters…, op. cit.
-
[27]
Graham Curry, « Football : A Study in diffusion », thèse de doctorat, Université de Leicester, 2001.
-
[28]
Jay Allan, Bloody Casual, Glasgow, Famedram, 1989.
-
[29]
Bill Buford, Among the Things, Londres, Secker & Worburg, 1991, p. 201.
-
[30]
C. Harper, A Study of Football Crowd Behaviour, Londres, Home Office Police Research Group, 1989.
-
[31]
Kris Van Limbergen, Carine Colaers et Lode Walgrave, Research on the Societal and Psycho-Sociological Background of Football Hooliganism, Louvain, Université catholique, 1987.
-
[32]
Hans Van der Brug, Voetbalvandalisme, Haarlem, De vriesebosch, 1986.
-
[33]
Antonio Roversi, « The Birth of the “Ultras” : The Rise of Footballhooliganism in Italy », in Richard Giulianotti et John Williams (dir.), Game without Frontiers : Football, Identity and Modernity, Aldershot, Ashgate/Arena Books, 1994, p. 359-381.
-
[34]
Lord J. Harrington, « A Preliminary Report on Soccer Hooliganism to Mr. Denis Howell », Minister of Sport, 1968.
-
[35]
Eric Dunning, Patrick Murphy et John Williams, The Roots of Football Hooliganism, Londres, Routledge, 1988.
-
[36]
Gary Armstrong, Football Hooligans, Oxford, Berg Publishers, 1998.
-
[37]
Sont exclus des statistiques les jeunes scolarisés, les apprentis, les chômeurs et tous ceux dont l’activité n’entre pas dans la classification du Conservateur des actes de l’état civil. Voir Jay Coakley et Eric Dunning (dir.), Handbook of Sports Studies, Londres, Sage, 2000.
-
[38]
Les membres de ces classes supérieures sont plus enclins à se conformer en public (mais pas nécessairement en privé) aux normes officielles, parce qu’ils ont plus à perdre que les individus des classes inférieures.
-
[39]
Eric Dunning, Patrick Murphy et John Williams, op. cit.
-
[40]
Paul Willis, Learning to Labour : How Working Class Kids Get Working Class Jobs, Londres, Saxon House, 1977.
-
[41]
Norbert Elias, Qu’est-ce que la sociologie ?, trad. de l’all. par Yasmin Hoffman, Aix-en-Provence, Pandora, 1981.
-
[42]
Norbert Elias et John Scotson, Logiques de l’exclusion : enquête sociologique au cœur des problèmes d’une communauté, avant-propos de Michel Wieviorka, trad. de l’angl. par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Fayard, 1997.
-
[43]
Gary Armstrong, op. cit.
-
[44]
Richard Giulianotti, Football: A Sociology of the Global Game, Cambridge, Polity Press, 1999.
-
[45]
Eric Dunning, Patrick Murphy et John Williams, op. cit.
-
[46]
Wilhelm Heitmeyer et Jörg Peter, Jugendliche Fu?ball-fans : soziale und politische Orientierungen, Gesellungsformen, Gewalt, Weinheim, Juventa, 1992 ; Norbert Elias, Studien über die Deutschen : Machtkämpfe und Habitusentwicklung im 19. und 20. Jahrhundert, Michael Schröter (éd.), Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1989.
-
[47]
Norbert Elias et John Scotson, op. cit.
-
[48]
Richard Holt, Sport and Society in Modern France, Londres, Macmillan, 1981.
-
[49]
Eric Dunning, Patrick Murphy et John Williams, op. cit.
1Le hooliganisme dans le football fait aujourd’hui l’objet d’une forte inquiétude sociale et soulève bien des questions : serait-il consubstantiel à la pratique sportive ? Et le sport n’impliquait-il pas au contraire, à l’origine, un meilleur contrôle des gestes, des pulsions et de l’agressivité ? Dans cet article, Eric Dunning rappelle la manière dont lui et Norbert Elias ont inscrit le sport dans l’analyse du processus de civilisation, puis comment cette perspective, dite figurational [1], permet de répondre à ces deux questions, comme d’ouvrir de nouveaux chantiers de recherche.
2Le football et le hooliganisme constituent les deux sujets principaux de cet article. Au départ, il s’agissait de pratiques locales et différenciées, mais au cours des 19e et 20e siècles, elles ont pris une envergure nationale puis internationale. Plus fondamentalement, je cherche à explorer la figuration de ce sport, à l’origine traditionnel, mais à présent de plus en plus moderne, selon deux axes : premièrement, comment les individus se sont figurés en tant que joueurs et spectateurs (les réseaux ou les figurations qu’ils ont formés les uns avec les autres) dans ces activités de loisirs psychophysiques qu’on appelle « sports » depuis le 18e siècle ; et, deuxièmement, comment les sociologues, entre autres, sont parvenus à comprendre les changements survenus dans ce champ social, et continuent à le faire, en corrélation avec l’émergence et le développement du hooliganisme. Je m’intéresserai, comme je l’ai fait tout au long de ma carrière, davantage au football (on the « soccer » form of football) qu’au rugby.
Quelques rappels sur l’approche figurationnelle
3Les sociologues auront reconnu que mon emploi du terme « figuration » renvoie à l’approche figurationnelle ou processuelle mise en avant par Norbert Elias. Ce dernier est en passe d’être reconnu comme l’un des plus grands sociologues du 20e siècle, en partie à cause de ses travaux novateurs dans le domaine de la sociologie du sport. Son intérêt pour ce domaine de recherche est lié au rejet de l’idée selon laquelle les phénomènes « physiques » seraient de moindre valeur que les phénomènes « intellectuels ». Elias considérait qu’ils étaient entremêlés et d’égale valeur. Il jugeait également qu’une bonne compréhension du mouvement et des émotions était aussi importante pour bien comprendre les humains qu’une compréhension de la rationalité et de la pensée. En fait, il rejetait toute opposition entre le corps et l’esprit, affirmant que la psychologie sociale devrait s’intéresser à tous les aspects des humains et de leur vie en société.
Quelles sont les notions clés de l’approche sociologique développée par Norbert Elias, sa découverte capitale en sociologie ? Dans le cadre de cet article, je ne peux qu’en dresser une liste succincte et un peu abstraite.
- L’univers dans son ensemble, les individus et les sociétés qu’ils forment sont des processus.
- Les processus auxquels sont soumises les sociétés ont eu tendance jusqu’à présent et en particulier sur le long terme, à être « aveugles », au sens où ils sont la conséquence involontaire d’une somme d’actions individuelles délibérées. Pour illustrer ce point, Elias comparait l’histoire à un train lancé à toute vitesse dans une course folle. Il espérait que la connaissance sociologique aiderait les gens à exercer un plus grand contrôle conscient sur le « train » de l’histoire. Il avait parfaitement conscience qu’en insistant sur cette relative absence de contrôle, il allait à l’encontre de l’amour-propre des individus qui aiment penser qu’ils sont toujours maîtres de la situation.
- Les sociétés humaines sont constituées d’individus qui sont radicalement interdépendants. À la suite d’un acte conjoint de parents interdépendants, nous sommes nés dans une collectivité ou un monde social, qui changent plus ou moins rapidement, mais sont néanmoins structurés, que nous n’avons pas contribué à former et qui occupe une position spécifique dans le temps et l’espace.
- Le pouvoir est une propriété universelle des relations sociales à tous les niveaux de l’intégration sociale, allant d’un groupe formé de deux individus à l’humanité tout entière. Le pouvoir, selon Elias, est : a) une fonction des liens d’interdépendance ; votre pouvoir sur moi est largement la conséquence de mon degré de dépendance vis-à-vis de vous et vice versa (balances on ratios and vice versa) ; b) une question d’équilibre des proportions et vice versa ; c) et ne peut s’expliquer seulement par des facteurs isolés tels que la propriété des moyens de production ou le contrôle sur les moyens de la violence [2]. Elias tenait aussi compte des sources corporelles de pouvoir individuel telle que la force physique et intellectuelle, et des sources structurelles de pouvoir des collectifs, tels que les degrés d’unité et de cohésion des groupes. Les sources corporelles de pouvoir comme la force, l’endurance et la vitesse jouent évidemment un rôle crucial en sociologie du sport.
- Elias soulignait la nécessité en sociologie d’un aller et retour perpétuel entre théorie et recherche. La théorie sans la recherche risque de devenir abstraite et sans signification ; la recherche sans la théorie d’être aride et uniquement descriptive.
- Il pensait que les sociologues devaient avant tout se consacrer à la construction de masses de connaissances fiables. Il était fermement opposé à l’intrusion des idéologies politiques, religieuses ou autres dans la recherche en sociologie ; il suggérait, concernant un sujet tel que le hooliganisme par exemple, de construire, au moyen de ce qu’il appelait « un détour via le détachement » une image « conforme à la réalité » (reality-congruent image) de ce qu’implique ce phénomène de violence, et de la manière dont il est socialement et psychologiquement généré. Puis, par le biais d’un processus qu’il appelle « implication secondaire » (secondary involvement), d’utiliser notre connaissance plus conforme à la réalité pour mettre au point des politiques plus réalistes et, peut-on espérer, plus efficaces que celles précédemment appliquées. Enfin, à leur tour, ces politiques devraient faire l’objet de travaux de recherche.
- La théorie des processus de civilisation, tout en étant développée et testée, devrait être envisagée comme ce que Norbert Elias appelait « une théorie centrale » à travers laquelle des sujets apparemment aussi différents que le sport, la nourriture, la cigarette et le feu, pourraient se trouver reliés [3].
5La théorie des processus de civilisation est à part égale empirique et théorique. D’un point de vue empirique, elle s’appuie sur une somme considérable de données recueillies sur une période s’étendant du Moyen Âge aux temps modernes, et touchant avant tout aux changements survenus dans les mœurs et les manières des classes supérieures séculières (chevaliers, rois, reines, nobles de cour, dirigeants politiques, bureaucrates et chefs d’entreprise, à l’exclusion, sauf exception, des membres du haut clergé). Ces données indiquent que dans les principales sociétés d’Europe occidentale (Elias avait placé la France, l’Angleterre et l’Allemagne au centre de ses préoccupations) un processus aveugle (ou involontaire) s’était mis en place sur le long terme, qui comprenait quatre aspects interdépendants : la formation et le raffinement des normes sociales ; l’augmentation de la pression sociale pour que les individus exercent un autocontrôle plus strict, plus continu et plus constant sur leurs émotions et leur comportement ; un changement dans l’équilibre entre contraintes externes et autocontraintes, en faveur de ces dernières ; aux niveaux de la personnalité et de l’habitus, un rôle accru de la conscience ou surmoi comme régulateurs du comportement. C’est-à-dire que les normes sociales en vinrent à être davantage intériorisées et à opérer, non plus seulement au niveau de la conscience et du libre arbitre, mais en deçà du seuil de rationalité et de contrôle conscient.
6Le renforcement du contrôle de la violence et de l’agressivité au sein des sociétés est l’un des aspects essentiels de ce processus global, qui nous permet de comprendre la manière dont s’est développé le sport moderne. Bien sûr, ce contrôle renforcé de la violence n’a pas concerné au même degré les relations entre les sociétés. Selon Norbert Elias, ce domptage de l’agressivité a suivi le déclin sur le long terme de la capacité chez la plupart des individus à prendre plaisir à faire souffrir autrui, y compris les animaux, et à assister directement à des actes de grave violence. Il parle à ce propos d’un affaiblissement de l’Angriffslust (littéralement d’une entrave ou d’un frein à la pulsion d’agressivité), à savoir d’une répression chez les individus du désir conscient de prendre plaisir à agresser les autres et à les voir souffrir ; ainsi qu’une diminution de leurs capacités acquises à le faire au niveau de leur personnalité et de leur habitus. Cette évolution était liée, selon Elias, à un renforcement de l’identification mutuelle, c’est-à-dire, de l’empathie et de la compréhension réciproques.
7Les mots « violence » et « civilisation » sont communément considérés comme des antonymes. Cependant, les processus de civilisation de l’Europe occidentale sont initialement envisagés par Elias comme le résultat non planifié de luttes violentes entre monarques et autres seigneurs féodaux. Ces combats conduisirent, à des époques différentes et pas tout à fait de manière identique, à la constitution au sein des États-nations européens naissants de monopoles relativement stables et efficaces sur l’exercice de la violence et la levée de l’impôt, principaux instruments de gouvernement dans les sociétés dépassant la dimension de la tribu. Les États-nations modernes furent établis dans une large mesure à des fins guerrières, mais leur monopole sur la violence et l’impôt aidèrent leurs dirigeants non seulement face aux attaques extérieures, mais aussi dans leurs efforts de pacification interne. La structure de la personnalité et de l’habitus de la majorité de leurs habitants suivit ce mouvement de pacification et, comme nous allons le voir, cela s’est traduit dans ce qu’ils commençèrent à appeler, autour du 18e siècle, les sports. Les données scientifiques montrent que cette évolution dans les habitus, les formes de loisir et la terminologie intervint d’abord en Angleterre.
Pour résumer, et au risque de simplification excessive, on pourrait dire que Norbert Elias considérait les processus de civilisation comme étant fondamentalement la conséquence d’une série de processus partiels interdépendants et interagissants : la formation de l’État ; la pacification sous contrôle de l’État ; le renforcement de la différenciation sociale et des interdépendances ; l’égalité croissante d’accès au pouvoir entre classes sociales, entre femmes et hommes, entre jeunes et vieux ; l’enrichissement généralisé [4].
Norbert Elias montre également comment, au cours d’un processus de civilisation, des combats ouvertement violents ont tendance à se transformer en des luttes relativement apaisées pour le statut, la richesse et le pouvoir où, dans la plupart des cas, les pulsions destructrices ne franchissent pas le seuil de la conscience et ne se traduisent pas en actes. Comme nous le verrons, ce genre de lutte pour le statut a joué un rôle important dans l’évolution divergente du football, d’une part, et du rugby, d’autre part. Examinons la manière dont ce processus est devenu, pour Elias et moi-même, un thème central de notre travail pionnier dans le cadre de la sociologie du sport.
L’émergence des formes modernes du football et du rugby
8Dans l’introduction de notre livre Sport et civilisation, Norbert Elias écrivait :
« Lorsque nous nous sommes lancés dans ce travail, la sociologie du sport était encore balbutiante. Je me souviens bien de mes discussions avec Eric Dunning sur la question de savoir si le sport, et le football en particulier, serait considéré par les autorités comme un sujet de recherche respectable au sein des sciences sociales, et en particulier pour une thèse de doctorat. Je pense que nous y avons en partie contribué [5]. »
10Ce livre est paru en 1986, quelque vingt-six ou vingt-sept ans après mon mémoire de maîtrise sous la direction de Norbert Elias. Déjà au cours des trois années où j’avais assisté comme étudiant à ses séminaires et travaux dirigés, j’avais été séduit par son abord de la sociologie et de la psychologie sociale ; il considérait que ces sujets étaient irrémédiablement interdépendants. Ensuite, son soutien, son ouverture, son absence d’autoritarisme dans sa manière de diriger mon travail, et surtout les découvertes qu’il m’aida à faire me confirmèrent deux choses : premièrement, le sentiment qu’il m’indiquait les bonnes orientations ; deuxièmement, qu’il méritait une bien meilleure réputation que celle dont il jouissait dans les années 1950 ou 1960. Je décidai donc qu’un des principaux objectifs de ma carrière serait de donner à son œuvre un plus vaste public. En tant qu’étudiant de troisième cycle, ma tâche première était de constituer une bibliographie sur la sociologie du sport. Nous étions en 1959, et pourtant ma recherche se solda par la découverte d’un seul ouvrage en anglais qui traitait du sport dans un cadre véritablement sociologique : le célèbre essai du défunt Gregory P. Stone, « American Sports : Play and Display » [6]. Lorsque j’en fis part à Elias, il me dit : « Ne désespérez pas, M. Dunning (l’atmosphère de la vie universitaire était plus formelle qu’aujourd’hui) et regardez s’il existe des histoires du sport. Commencez par votre sport favori, le football. » C’est ce que je fis, et je découvris ainsi plusieurs histoires du football. Je les demandai à la bibliothèque universitaire et entrepris de les lire. Ce faisant, un plan de thèse commença à se former dans mon esprit. Ces textes suggéraient que toutes les formes modernes du jeu (football, rugby, football américain, règles canadiennes, gaéliques ou australiennes) découlaient de leurs ancêtres britanniques, irlandais, italiens, ou du Nord de la France, qui étaient des jeux beaucoup plus brutaux et beaucoup moins réglementés. Ces textes tendaient aussi à montrer que les public schools anglaises et les universités, en particulier Cambridge, avaient joué un rôle majeur dans cette évolution.
11Parlant et lisant l’allemand, j’avais déjà consulté à la bibliothèque l’ouvrage de Norbert Elias Über den Prozess der Zivilization paru en deux tomes en 1939 [7]. Je lui décrivis ce que j’avais lu au sujet du sport et lui demandai : « Dr Elias, est-ce un exemple du processus de civilisation tel que vous le décrivez dans votre livre ? » Il me répondit : « M. Dunning, je ne sais pas. Il vous faut lire mon livre, alors je vous aiderai à définir un programme de recherche qui vous aidera à le découvrir. » Mes recherches confirmèrent dans une large mesure sa théorie, tout comme plus tard les recherches de Kenneth Sheard sur le rugby effectuées sous ma direction [8]. Ce que nous cherchions à vérifier se trouve résumé dans le passage suivant tiré de la traduction en anglais de Über den Prozess der Zivilisation, éditée par Johan Goudsblom, Stephen Mennell et moi-même. Elias écrit :
« Ainsi le plaisir de la lutte et de l’agressivité trouve un exutoire socialement admis dans la compétition sportive. Cela apparaît surtout dans le côté spectacle, dans l’attitude de rêve éveillé des spectateurs d’un combat de boxe qui s’identifient à ces quelques rares personnes auxquelles on a accordé le droit limité et strictement codifié de donner libre cours à leur agressivité. Cette décharge des pulsions par le spectacle ou par l’écoute (en suivant un match à la radio) est un trait particulièrement caractéristique de la société civilisée. Il contribue pour partie à l’évolution du livre et du théâtre, il détermine le rôle du cinéma dans notre monde. Déjà l’éducation des jeunes, déjà les préceptes de conditionnement visent à transformer les plaisirs d’une agressivité active en plaisir passif codifié, en simple “plaisir des yeux” […]. Que l’homme moderne ait été frustré par une autocontrainte d’origine sociale du plaisir d’étendre la main vers ce qu’il convoite, aime ou déteste est un des traits les plus marquants de la civilisation moderne [9]. »
13Le tabou concernant le fait de toucher la balle avec les mains, à l’exception du gardien, est évidemment devenu le principal trait distinctif du football. Voyons comment et pourquoi.
14Les formes modernes du football descendent toutes de jeux populaires datant de l’époque médiévale ou du début de l’époque moderne. Ils étaient pratiqués selon des coutumes locales plutôt que par des règles écrites établies par des instances nationales ou internationales. Ces jeux étaient pratiqués en pleine campagne ou dans les rues des villes plutôt que dans des stades ou des terrains spécialement délimités. Ils n’étaient pas pratiqués par des équipes au sens moderne du terme, mais pouvaient opposer les membres de diverses corporations, les célibataires aux hommes mariés, certaines villes ou quartiers entre eux. On sait également qu’avaient parfois lieu des matchs entre vieilles filles et femmes mariées. Dans aucun de ces jeux on essayait d’avoir un nombre de participants égal dans chaque camp. On pouvait se servir de ses mains, de ses pieds, et parfois de bâtons pour contrôler et propulser la balle ; et, pour gagner, chaque camp devait transporter la balle jusqu’à ce qui était désigné par la coutume comme leur but. Dans certains cas, des joueurs étaient autorisés à monter à cheval, et les buts étaient souvent de grandes demeures de campagne ou des lieux facilement repérables. Les données concernant ce type de jeux proviennent de deux sources principales : les interdits promulgués par l’État ou les autorités locales, et la description de jeux traditionnels apparentés tels que le hurling cornique et le knappan gallois dans des enquêtes sur les coutumes locales. J’ai choisi de donner un aperçu de ces jeux et des débordements qu’ils déclenchaient en m’appuyant sur un document de la ville de Chester que Morris Marples date de 1533 [10] et Percy Young de 1539 [11]. Il a été rédigé par l’archidiacre Robert Rogers (mort en 1595), dans un essai intitulé « Des louables exercices pratiqués chaque année en la ville de Chester ». Cet extrait est intéressant d’un point de vue sociologique, en particulier parce que c’est un exemple ancien, et apparemment couronné de succès, de la façon dont on pouvait convaincre la population d’accepter ce que les sociologues appellent des substituts fonctionnels ou des alternatives fonctionnelles [12] à une activité que les autorités voulaient interdire en raison de son caractère violent, proche de notre actuel hooliganisme. L’archidiacre Robert Rogers écrit :
Comme alternative fonctionnelle au football et à ses manifestations de hooliganisme, le maire de Chester, Henry Gee, proposa une course à pied. Selon Morris Marples, le maire inaugura également une course de chevaux – qui serait à l’origine des actuelles courses de Chester – et offrit des récompenses aux meilleurs tireurs. En d’autres termes, ce qui est décrit dans un autre récit d’époque comme « les trois plus louables exercices et pratiques de prouesses guerrières », c’est-à-dire la course à pied, l’équitation et le tir devinrent des événements annuels à Chester [14]. Il est probable, même si l’on sait qu’il a joué au foot-ball dans sa jeunesse, que le roi Henry VIII, qui régnait à l’époque, aurait été satisfait ! Néanmoins, comme le suggère le passage d’Elias cité précédemment, ce qui a d’abord entraîné le développement des sports modernes, c’est cette volonté de les rendre moins violents, moins guerriers, que ne l’avaient été leurs prédécesseurs. Dans le cas du football, tout du moins, les public schools et les universités ont joué un rôle majeur comme lieux de ce processus de civilisation.« Qu’étant donné que la compagnie et corporation des cordonniers en la ville de Chester, chaque année, depuis les temps immémoriaux, l’après-midi du Mardi gras, près de la croix sur le Rood Dee, devant le maire de la dite ville, offrait à la compagnie des drapiers de la dite ville, une balle de cuir, appelée balle-au-pied [foot-ball], d’une valeur de trois shillings et quatre pence ou environ : et en raison des rixes entre les jeunes gens de cette même ville (tandis que diverses parties tentaient d’amener à la force des mains la dite balle jusqu’à l’une des trois maisons suivantes – celle du maire, ou l’une des maisons des deux shérifs en exercice) il y avait force dommages causés, certains dans cette foule perdant connaissance, d’autres voyant leurs corps piétinés et meurtris, d’autres encore leurs bras, têtes ou jambes brisés, ou mutilés d’autres manières, jusqu’au péril de leur vie ; pour éviter de tels inconvénients et mettre cet hommage à meilleur profit, il a été jugé bon par le maire de la dite ville, et le reste du conseil communal, de changer le dit jeu de balle-au-pied comme suit : qu’à sa place soit offertes par les cordonniers aux drapiers six flèches d’argent, lesquelles serviraient de récompense aux hommes qui, le même jour et au même lieu, parviendraient à surpasser à la course à pied tous les autres […] [13]. »
Comme nous le montre le tableau ci-dessous, les formes traditionnelles et populaires du football furent en butte aux attaques des autorités centrales et locales au moins dès 1314 ; comme un certain nombre d’autres activités de loisir, elles furent interdites au nom du roi Édouard II sous le prétexte qu’elles représentaient une menace, non seulement pour l’ordre public, mais aussi pour la défense militaire nationale, parce qu’elles détournaient la population de la pratique du tir à l’arc [15]. Mais, comme c’est le cas aujourd’hui avec le hooliganisme des spectateurs, la coutume se révélait plus forte que la loi, et ce n’est pas avant le 19e siècle que les formes traditionnelles de football commencèrent, non pas à disparaître complètement, mais à être culturellement marginalisées et surpassées par des pratiques plus modernes [16]. Bien que peu répandues, elles sont encore pratiquées aujourd’hui en Angleterre, chaque année par exemple lors du Shrove Tuesday à Ashbourne, dans le Derbyshire, ou entre les villages du Leicester Hallaton et Medbourne.
Liste sélective des édits interdisant les formes anciennes du football rédigés par les autorités centrales et locales (1314-1615)
16En Grande-Bretagne à la fin du 18e siècle et au 19e siècle, deux formes de football, à certains points de vue plus organisées, commencèrent à voir le jour. On peut distinguer deux groupes principaux impliqués dans ce processus : les équipes locales liées principalement aux pubs [17] ; et les élèves des grandes public schools. Les « matchs de pub » donnaient lieu à des mises ou étaient l’occasion de paris. Comme l’a montré Norbert Elias pour la boxe et le cricket, le fait qu’il y ait une récompense ou de l’argent à la clé conduisait à un certain degré de réglementation et, comme cela s’était produit pour le hurling et le cricket depuis au moins le 17e siècle, les matchs commencèrent à se jouer entre deux camps, avec un nombre variable, mais égal, de joueurs : trois, six, neuf, onze, quinze ou vingt par équipe [18]. Mais, comme je l’ai écrit plus haut, c’est dans les public schools et dans les universités (Cambridge plutôt qu’Oxford, sans que l’on sache vraiment pourquoi) que les formes modernes du football ont commencé à émerger. Agissent ici à la fois un processus de civilisation et, relié, un processus non-violent de compétition pour le statut. Ces phénomènes ne peuvent être compris qu’en relation avec l’évolution des public schools.
17À l’origine apparentées à des institutions de charité destinées aux garçons des classes les plus pauvres, les publics schools se transformèrent au 18e et au début du 19e siècle en pensionnats pour les classes moyennes et supérieures. Cette prise en main par les classes supérieures eut au moins deux conséquences. Premièrement, l’écart en termes de classe sociale entre les maîtres, issus des classes moyennes, et les élèves, souvent issus des classes supérieures, fit que les enseignants furent incapables d’empêcher l’émergence d’une sorte d’autogouvernement des élèves qui finit par donner naissance au système du prefect-fagging [19]. Deuxièmement, cet écart de statut et de pouvoir entraîna des problèmes chroniques de discipline, allant parfois jusqu’à des formes de rébellion ouverte [20].
18L’exemple de Chester au 16e siècle montre que les sports, dont le football, furent l’un des moyens employés par les maîtres pour tenter de faire face à ces problèmes de discipline. Toutefois, les formes de football pratiquées dans les public schools étaient au départ aussi violentes et anarchiques que celles ayant traditionnellement cours dans le reste de la société. Aussi leur valeur éducative était-elle assez réduite. En réalité, dans ces écoles, la violence du football traditionnel était souvent surpassée. Ce jeu constituait un des moyens par lesquels les plus âgés s’assuraient de leur domination sur les plus jeunes. L’un des devoirs incombant aux fags était ce qu’ils appelaient le fagging out au football [21]. En d’autres termes, les plus âgés forçaient les plus jeunes à jouer, mais, à moins qu’ils soient d’excellents joueurs, en les cantonnant au rôle de gardien de but. En fait, ils étaient rangés en grand nombre sur les lignes arrières. Par exemple, on raconte qu’à Westminster, au début du 19e siècle, « les garçons de petit taille, les maladroits et les froussards jouaient les gardiens, une douzaine ou une quinzaine à chaque bout ». Le mot douling, qui désignait le football à Shrewsbury, avait le même emploi que le mot fagging ; il dérive, dit-on, du mot grec doulos, esclave. À Winchester, au début du 19e siècle, les fags, un à chaque bout du terrain, étaient même utilisés pour jouer les poteaux de but, la balle devant être envoyée entre leurs jambes écartées pour marquer un point. On utilisait aussi des alignements de petits élèves pour délimiter le terrain [22].
19À ce stade, comme pour les autres formes de football ayant cours dans le reste de la société, on avait le droit de prendre la balle à la main dans toutes les public schools sans exception. Et partout le jeu était brutal. Ainsi, on apprend qu’au cours des matchs de football à Charterhouse « il y avait beaucoup de tibias cassés, car la plupart des gars avaient de solides chaussures munies d’un embout métallique et certains se vantaient sans vergogne de donner plus de coups qu’ils n’en recevaient ! » On utilisait aussi des chaussures à bouts métalliques à Rugby, où on les appelait navvies. Selon les dires d’un vieux joueur racontant ses souvenirs dans les années 1920, ces fameuses navvies avaient « une épaisse semelle, dont le profil au niveau du pouce ressemblait fort à l’éperon d’un cuirassé [23] ».
20Les premières règles écrites du football furent édictées à Rugby en 1845. Sous la direction de Thomas Arnold, Rugby fut la première public school où une réforme efficace du fagging vit le jour, probablement facilitée par le fait qu’elle était la moins aristocratique des sept « Clarendon schools ». Les deux aspects sont des évolutions civilisatrices : la réforme du système de fagging, parce qu’elle réduisait le pouvoir des plus âgés sur les plus jeunes ; la codification du football, parce qu’elle visait à abolir l’utilisation des navvies, et à réduire la violence impliquée dans le fait de donner des coups de pied dans les tibias à un adversaire, de lui faire un croche-pied ou de le plaquer alors qu’il courait au but la balle à la main.
21Selon les sources disponibles actuellement, Eton fut, en 1847, la deuxième école à mettre par écrit ses règles footballistiques. Elles étaient sous de nombreux aspects opposées à celles de son homologue Rugby, qui stipulaient dès 1845 que l’on pouvait porter la balle à la main et l’envoyer d’un coup de pied entre des poteaux en forme de H pour marquer. Voici, par exemple, l’une des règles édictées par Eton en 1847 : « On ne peut utiliser les mains que pour arrêter la balle, ou pour la toucher quand elle est derrière soi. La balle ne doit pas être portée, lancée ou frappée à la main. » On peut donc considérer que ces règles préfigurent la forme moderne du football, tandis que celles édictées à Rugby constituent une version précoce de son « sport jumeau » [24].
22Pourquoi donc les élèves d’Eton ont-ils souhaité créer un jeu de ce type ? Sous la direction de Thomas Arnold, la réputation de Rugby avait commencé à grandir, en même temps que celle de son jeu de ballon. On peut raisonnablement penser que les élèves de Rugby, encouragés par la direction de l’école, ont cherché à retenir l’attention en inventant un jeu qui les distingue. D’un autre côté, il est fort probable que les aristocrates d’Eton, en créant une forme de football également originale mais diamétralement opposée à celle-ci, souhaitaient remettre à leur place les « arrivistes » de Rugby. Comme je l’ai écrit plus haut, et comme Elias l’a montré, la course au statut entre la classe supérieure et les classes moyennes montantes a joué un rôle majeur dans les processus de civilisation de l’Europe occidentale [25]. Plus particulièrement durant les « phases de colonisation », les membres des classes moyennes étaient enclins à adopter les manières et les normes de la classe supérieure ; ce qui poussait cette dernière en « phase de rejet » à adopter, comme mode de démarcation sociale et d’exclusion, des normes plus raffinées encore qui renforçaient le niveau d’autocontrôle. Les mains sont un des attributs les plus importants de l’espèce humaine, et en imposant un tabou presque absolu sur leur utilisation dans un jeu, les élèves d’Eton exigeaient de leurs joueurs qu’ils apprennent à exercer un autocontrôle de très haut niveau. Aujourd’hui, dans une société imprégnée par le football, où les enfants apprennent dès le plus jeune âge à ne pas toucher la balle avec les mains, cela peut ne pas apparaître comme une exigence très forte. Mais, quand cette règle fut introduite, elle dut sembler comparable au fait de devoir faire tenir en équilibre des petits pois sur sa fourchette lorsqu’on mange. Ainsi, lorsque les élèves d’Eton tentèrent d’initier à leur jeu des membres de la classe ouvrière, on demanda à ces derniers de porter des gants blancs et de tenir à la main une pièce d’un shilling qu’ils pouvaient conserver à la fin de la partie si leurs gants n’étaient pas tachés.
L’« hypothèse de la lutte pour le statut » se trouve renforcée par le fait que la rivalité entre Eton et Rugby était au cœur des tensions entre footballeurs à Cambridge au milieu du 19e siècle [26]. Ainsi, à Trinity College en 1848, « les anciens d’Eton huaient ceux de Rugby, parce qu’ils prenaient la balle à la main ». Ils considéraient à l’évidence qu’il était vulgaire de se souiller les mains ainsi. Des règles de football qui constituaient un compromis furent édictées à Cambridge entre 1837 et 1842, puis en 1846 et en 1848, enfin autour de 1856 et en 1863. Les anciens d’Eton devenus étudiants de Trinity College jouèrent un rôle prédominant dans la production de ces différentes règles, tout particulièrement de celles de 1863. [27] Elles étaient fondées pour une large part sur les règles du jeu ayant cours à Eton (le field game football) et constituèrent la base centrale sur laquelle furent édifiées celles de la Football Association, également en 1863.
Au cours des années 1840, 1850 et 1860, le rugby évolua plus rapidement que le football, principalement à cause de ses règles écrites. Cependant, cela commença à changer autour de 1871-1872 avec les débuts de la Coupe de la Football Association. Cette compétition renforça la popularité du football. Le jeu commença à être pratiqué et regardé principalement par la classe ouvrière et, à son niveau le plus élevé, il devint professionnel. Ce renversement de statut du football et du rugby fit dire au principal d’un collège d’Oxbridge dans les années 1890 ce mot fameux : le football est « un jeu de gentilshommes pratiqué par des hooligans » et le rugby un « jeu de hooligans pratiqué par des gentilshommes ». Il convient maintenant de voir, à partir de notre approche figurationnelle, pourquoi le hooliganisme s’est si fermement implanté dans le football, à travers le monde entier.
Le hooliganisme et les « lignes de fractures » des sociétés
23L’approche figurationnelle du hooliganisme ne constitue pas une « super-théorie » qui expliquerait le tout du phénomène. Elle est proposée comme base, sur laquelle on peut commencer à construire une explication. Elle se caractérise par le fait d’être une synthèse entre psychologie, sociologie et histoire, et implique que l’on rapporte l’explication du hooliganisme aux hooligans eux-mêmes. À cet égard, l’analyse de toute une série de propos tenus par les hooligans, et relevés sur une période de plus de trente ans, a montré que pour les jeunes hommes concernés, cette violence a d’abord à voir avec l’affirmation de la masculinité, les identifications et les luttes territoriales, et l’excitation. Pour ces hooligans, les bagarres au cours des matchs de football jouent un rôle majeur dans leur quête de sens, de statut ou de réputation, et de recherche de sensations fortes et de plaisir. Ils parlent du respect qu’ils obtiennent de leurs homologues et de la crainte qu’ils espèrent inspirer à leurs ennemis à travers leurs exploits, leurs actes de hooliganisme. Ils évoquent également « le plaisir de la bagarre », « la montée d’adrénaline », l’« aggro », presque comme s’il s’agissait d’excitation sexuelle. Jay Allan, un des leaders des Aberdeen Casuals, un groupe de hooligans écossais des années 1980, a même écrit que les bagarres au football procurent un plaisir plus grand que le sexe [28]. L’auteur américain Bill Bufford, qui a voyagé avec des hooligans dans les années 1980, résume le phénomène en ces termes : « La violence est l’une des expériences vécues la plus intense qui soit, et pour ceux qui sont capables de s’y abandonner totalement, l’un des plaisirs les plus forts […]. La violence en groupe était leur drogue [29]. »
Le tableau ci-dessous regroupe les données concernant les catégories socioprofessionnelles auxquelles appartiennent les hooligans anglais et les tendances entre 1968 et 1987. Les études sur la classe sociale d’où sont issus les hooligans dans d’autres pays (en Écosse [30], en Belgique [31], aux Pays-Bas [32] et en Italie [33]) montrent que les tendances sont largement comparables, sans être tout à fait identiques à celles dégagées par l’Angleterre. [34]
Catégories socioprofessionnelles des hooligans anglais en activité (1968-1998) 10
Catégories socioprofessionnelles des hooligans anglais en activité (1968-1998) 10
24Le fait que les troubles violents soient plus fréquemment associés aux matchs de football [35] [36] qu’aux matchs de rugby ou qu’à tout autre sport semblerait être en corrélation avec la composition [37] sociale du public. De plus, la régularité des reportages sur les troubles liés au football attire dans les stades des individus, surtout des hommes, plus intéressés par la bagarre que par le sport lui-même. Le football est le sport d’équipe le plus populaire au monde, et à l’échelle de la planète, la majorité de ses spectateurs sont des hommes issus des niveaux les plus bas de l’échelle sociale, où les normes ont tendance à légitimer un degré plus élevé d’agressivité et de violence dans les relations sociales quotidiennes que dans les classes moyennes ou supérieures [38]. En particulier, les hommes des classes inférieures adoptent un habitus et une façon de se présenter au monde agressifs et violents. Cela met en jeu un ensemble de caractères acquis, qui semblent fondamentalement dériver, entre autres : d’un mode de socialisation à un âge précoce caractérisé par le recours fréquent à la violence de la part de parents ou de la fratrie ; d’une socialisation adolescente se déroulant dans la rue en compagnie de pairs du même âge, c’est-à-dire au sein de gangs d’adolescents [39] ; d’un rejet de l’école et des valeurs qu’elle transmet et promeut [40] ; et parallèlement, d’un sentiment d’amertume concernant la position sociale de leur famille, au bas de l’échelle. Dans ces figurations, l’aptitude au combat et la volonté de se battre constituent des facteurs d’intégration au groupe et apportent un certain prestige, c’est-à-dire un statut aux yeux de ces mâles comme à ceux des autres hommes. Aussi les individus apprennent-ils à lier la montée d’adrénaline des situations de conflit – le fameux syndrome de lutte ou de fuite (fight-flight syndrome) – à des sensations agréables et gratifiantes, plutôt qu’à la culpabilité et à l’angoisse qui entourent le plus souvent la pratique et le spectacle d’actes de violence « réelle » (par opposition à « mimétique ») dans la société en général.
25Ce type d’habitus violent a tendance à se renforcer dans la mesure où ces hommes vivent et travaillent dans un environnement caractérisé par une forte ségrégation entre les sexes et les groupes d’âge. Cela en raison de l’absence relative de l’influence adoucissante des femmes et de celle apaisante des hommes plus âgés. En outre, dans la plupart des sociétés, les groupes sociaux situés au bas de l’échelle ont moins tendance à être fortement individualisés et ont davantage tendance à former de forts liens d’identification au sein de groupes « nous » (we-group) [41], ce qui entraîne du même coup une forte hostilité envers les « étrangers » (outsiders) [42] ; tendance qui s’observe moins au sein des groupes plus puissants, plus autonomes et habituellement plus inhibés qui se situent plus haut sur l’échelle sociale. Lors d’un match de football, « l’étranger » est évidemment l’équipe adverse et ses supporteurs et, dans certains cas, les arbitres et les officiels. Le football est choisi comme cadre de la lutte, parce qu’il a aussi à voir avec la masculinité, l’invasion et la défense du terrain, et la production de l’excitation. Les fréquents déplacements à l’extérieur fournissent des opposants tout faits contre qui se battre. De plus, les grands rassemblements donnent un cadre où il est possible de s’adonner à des actes de violence ou de délinquance, en ayant de bonnes chances de ne pas se faire repérer ou arrêter.
26Cela étant dit, il serait faux de considérer le hooliganisme comme uniquement lié à la classe sociale quels que soient le lieu et l’époque. En Angleterre, comme dans le reste du Royaume-Uni, il n’épargne pas les classes moyennes et supérieures. La reconnaissance de ce fait, nonobstant les arguments de Gary Armstrong [43] et de Richard Giulianotti [44] qui sont tout simplement faux, a toujours été intégrée à l’hypothèse figurationnelle [45]. Cependant, pour servir de base à une recherche future, il serait raisonnable de faire l’hypothèse, toutes choses égales par ailleurs, que le problème se présente différemment en fonction des lignes de fracture propres à chaque pays. En Angleterre, ce sont les inégalités, les disparités sociales et régionales qui comptent ; en Écosse et en Irlande du Nord, le sectarisme religieux ; en Espagne, les nationalismes en partie fondés sur les différences linguistiques, entre Catalans, Castillans, Galiciens et Basques ; en Italie, les particularismes liés aux villes et peut-être la division Nord-Sud telle qu’elle s’exprime dans la formation de la Ligue du Nord ; enfin, en Allemagne, les relations entre les générations [46] et celles entre l’Est et l’Ouest. Toutes ces lignes de fracture peuvent amener au hooliganisme des individus appartenant à des classes sociales plus élevées que cela tend à être le cas en Angleterre. Toutefois, on pourrait voir un point commun entre elles, et bien sûr elles peuvent se chevaucher et interagir de manière complexe : elles correspondent toutes à ce qu’Elias a appelé des figurations établis-exclus, c’est-à-dire des formations sociales impliquant de très forts liens au sein du groupe (« nous ») et corrélativement un très fort antagonisme envers les « étrangers » (« eux ») [47].
L’association du hooliganisme avec le football est également fonction de la couverture médiatique mondiale dont bénéficie ce sport. D’autres, comme par exemple le rugby, ne sont pas aussi fortement médiatisés. Par conséquent, la violence des spectateurs susceptible de se manifester n’est pas aussi visible – et, la plupart du temps, elle n’est pas un réel problème dans le rugby à treize comme dans le rugby à quinze, excepté peut-être dans le Sud de la France en ce qui concerne le jeu à treize [48]. Les médias ont tendance à créer des mythes et ces derniers peuvent avoir une influence sur la perception du public. Ainsi, entre les années 1920 et jusqu’au milieu des années 1960, la presse anglaise rapportait régulièrement des actes de hooliganisme se produisant en Amérique latine, sur le continent européen (en particulier dans les pays latins), en Écosse, aux Pays de Galles et en Irlande du Nord, ajoutant que cela « ne saurait se produire en Angleterre ». Pourtant, comme nous l’avons vu plus haut, les comportements violents n’étaient pas absents lors des matchs de football en Angleterre avant la Première Guerre mondiale et ils n’ont jamais totalement disparu, en particulier, lors des derbies opposant deux villes voisines [49]. C’est aussi au cours des années 1960 que les formes actuelles de hooliganisme dans le football anglais et de couverture médiatique frôlant parfois l’affolement moral ont commencé à émerger.
En guise de conclusion, je voudrais être parfaitement clair sur un point. Je ne pense pas que les développements concernant les lignes de fracture mis en avant ici, ne soient autre chose que des hypothèses de travail. Elles doivent faire l’objet de discussions et de critiques publiques, ouvertes et équitables. Avant tout, elles doivent être testées par des recherches empiriques transnationales, et orientées par un cadre théorique systématique. Elles devront sans aucun doute être révisées, étendues, modifiées et peut-être même rejetées au regard des faits. J’espère, néanmoins, qu’elles pourront servir comme l’un des points de départ pour un programme de recherche transnational sur le football ; qu’elles contribueront ainsi à la compréhension de cette question complexe et offriront une base à la mise en œuvre de politiques plus efficaces que celles appliquées jusqu’à présent, afin de lutter contre ce problème au niveau national, européen et international. Il est urgent de mettre en place de telles politiques si l’on veut préserver cette grande invention sociale qu’est le football des menaces que représentent actuellement les hooligans, mais aussi les responsables politiques complaisants, l’hypercommercialisation, les propriétaires de club, les dirigeants et les joueurs, mus par le seul appât du gain, sans foi ni loi, et parfois même corrompus.
Mots-clés éditeurs : processus de civilisation, alternative fonctionnelle, lignes de fracture sociale, Norbert Elias, rivalité de statut
Date de mise en ligne : 07/04/2010
https://doi.org/10.3917/vin.106.0177Notes
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[1]
La traduction, française et anglaise du terme « figuration » employé par Norbert Elias pose un problème depuis longtemps. « Configuration » s’est imposé comme un équivalent pertinent, d’ailleurs utilisé par Elias lui-même dans certains de ses textes anglais. Il est cependant revenu dessus au début des années 1960 : le préfixe « con- » (du latin com, cum, « avec ») donnait selon lui à la notion un caractère systémique qu’il voulait éviter et suggérait que la figuration s’effectuait « avec » quelque chose d’autres (alors qu’au contraire, il voulait évoquer par là les figurations en elles-mêmes, pour définir la forme des relations sociales d’un groupe, en un lieu, ou à une époque donnée). Les termes « figuration », « figurational » ont été adoptés en anglais, et sont devenus plus courants aujourd’hui (sur ces précisions, voir Stephen Mennell, « Figurational Sociology », in George Ritzer (dir.), Encyclopaedia of Social Theory, Londres, Sage, 2004, vol. 1, p. 279-280). Nous avons décidé de respecter les choix des auteurs, traduisant « figuration », « figurational », par « figuration », « figurationnel » lorsqu’il était employé, et laissant « configuration » lorsque le terme était utilisé dans le texte initial.
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[2]
Ce sont bien sûr les marxistes qui expliquent de manière réductrice la structure sociale et le changement social, en faisant référence à la propriété des moyens de productions ou aux « forces économiques ». Max Weber ajouta à l’équation le contrôle de l’exercice de la violence. Norbert Elias pensait que ces approches causalistes et logicistes ne permettaient pas de rendre compte de la réalité humaine et sociale. Il privilégiait ce qu’il appelait les « explications en termes de structure et de processus ».
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[3]
Norbert Elias et Eric Dunning ont appliqué la théorie des processus de civilisation à l’étude du sport, Johan Goudsblom à celle du feu, Stephen Mennell à celle de la nourriture et Jason Hughes s’est penché sur l’acte de fumer. Voir Norbert Elias et Eric Dunning, Sport et civilisation : la violence maîtrisée, avant-propos de Roger Chartier, trad. de l’angl. par Josette Chicheportiche et Fabienne Duvigneau, Paris, Fayard, 1994 ; Johan Goudsblom, Fire and Civilization, Londres, Penguin, 1992 ; Stephen Mennell, All Manners of Food : Eating and Taste in England and France from the Middle Ages to the Present, Oxford, Blackwell, 1987 ; Jason Hughes, Learning to Smoke : Tobacco Use in the West, Chicago, University of Chicago Press, 2003.
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[4]
Par conséquent, une société qui s’appauvrit ou dans laquelle l’État perd le monopole de la violence et de l’impôt subit des pressions décivilisatrices et peut-être un processus de décivilisation de plus ou moins grande ampleur et durée.
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[5]
Norbert Elias et Eric Dunning, op. cit.
-
[6]
Gregory P. Stone, « American Sports : Play and Display », Chicago Review, 9, automne 1955, p. 83-100.
-
[7]
Norbert Elias, Über den Prozess der Zivilisation : soziogenetische und psychogenetische Untersuchungen, t. I : Wandlungen des Verhaltens in den weltlichen Oberschichten des Abendlandes, t. II : Wandlungen der Gesellschaft : Entwurf zu einer Theorie der Zivilisation, Bâle, Haus zum Falken, 1939. Ce livre a été partiellement traduit en français par Pierre Kamnitzer et publié aux Éditions Calmann-Lévy, dans la collection « Archives des sciences sociales », sous deux titres distincts : La Civilisation des mœurs (1973) et La Dynamique de l’Occident (1975).
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[8]
Le mémoire de Kenneth Sheard et mon propre mémoire de maîtrise sont publiés dans Eric Dunning et Kenneth Sheard, Barbarians, Gentlemen and Players : A Sociological Study of the Development of Rugby Football, Oxford, Martin Robertson, 1979, nouv. éd. aug. Londres, Routledge, 2004. Le mémoire de Kenneth Sheard s’intitulait « Rugby Football : A Study in Developmental Sociology », Université de Leicester, 1971 ; le mien, « Early Stages in the Development of Football : an Account of the Sociological Problems and the Development of a Game », Université de Leicester, 1961.
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[9]
Norbert Elias, La Civilisation des mœurs, op. cit., Pocket, 1989, p. 442-443.
-
[10]
Morris Marple, A History of Football, Londres, Secker & Warburg, 1954.
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[11]
Percy Young, A History of British Football, Londres, Stanley Paul, 1968.
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[12]
Robert K. Merton, Social Theory and Social Structure, New York, The Free Press, 1957.
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[13]
Percy Young, op. cit.
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[14]
Morris Marple, op. cit.
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[15]
Norbert Elias et Eric Dunning, op. cit. ; Eric Dunning, Sport Matters : Sociological Studies of Sport, Violence and Civilisation, Londres, Routledge, 1999.
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[16]
Eric Dunning et Kenneth Sheard, op. cit.
-
[17]
Adrian Harvey, « An Epoch in the Annals of National Sport », International Journal of the History of Sport, « Football in Sheffield and the Creation of Modern Soccer and Rugby », 18 (4), p. 53-87 ; Adrian Harvey, Football, the First Hundred Years : The Untold Story, Londres, Routledge, 2005.
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[18]
Norbert Elias et Eric Dunning, op. cit.
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[19]
Ndt : les élèves les plus âgés avaient le droit de donner des ordres aux plus jeunes, qui leur rendaient des services, portaient leurs affaires, leur préparaient à manger, etc.
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[20]
Eric Dunning et Kenneth Sheard, op. cit.
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[21]
Ndt : nom donné aux plus jeunes. Le mot « fags » est le dérivé nominal du verbe to fag qui signifie « trimer », « travailler dur » et, dans le contexte des public school, « être au service d’un plus âgé » (to fag for a senior).
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[22]
Kenneth Sheard et Eric Dunning, op. cit.
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[23]
Ibid. ; Eric Dunning, Sport Matters…, op. cit.
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[24]
Eric Dunning, Sport Matters…, op. cit.
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[25]
Norbert Elias, Über den Prozess der Zivilisation…, op. cit.
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[26]
Kenneth Sheard et Eric Dunning, op. cit. ; Eric Dunning, Sport Matters…, op. cit.
-
[27]
Graham Curry, « Football : A Study in diffusion », thèse de doctorat, Université de Leicester, 2001.
-
[28]
Jay Allan, Bloody Casual, Glasgow, Famedram, 1989.
-
[29]
Bill Buford, Among the Things, Londres, Secker & Worburg, 1991, p. 201.
-
[30]
C. Harper, A Study of Football Crowd Behaviour, Londres, Home Office Police Research Group, 1989.
-
[31]
Kris Van Limbergen, Carine Colaers et Lode Walgrave, Research on the Societal and Psycho-Sociological Background of Football Hooliganism, Louvain, Université catholique, 1987.
-
[32]
Hans Van der Brug, Voetbalvandalisme, Haarlem, De vriesebosch, 1986.
-
[33]
Antonio Roversi, « The Birth of the “Ultras” : The Rise of Footballhooliganism in Italy », in Richard Giulianotti et John Williams (dir.), Game without Frontiers : Football, Identity and Modernity, Aldershot, Ashgate/Arena Books, 1994, p. 359-381.
-
[34]
Lord J. Harrington, « A Preliminary Report on Soccer Hooliganism to Mr. Denis Howell », Minister of Sport, 1968.
-
[35]
Eric Dunning, Patrick Murphy et John Williams, The Roots of Football Hooliganism, Londres, Routledge, 1988.
-
[36]
Gary Armstrong, Football Hooligans, Oxford, Berg Publishers, 1998.
-
[37]
Sont exclus des statistiques les jeunes scolarisés, les apprentis, les chômeurs et tous ceux dont l’activité n’entre pas dans la classification du Conservateur des actes de l’état civil. Voir Jay Coakley et Eric Dunning (dir.), Handbook of Sports Studies, Londres, Sage, 2000.
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[38]
Les membres de ces classes supérieures sont plus enclins à se conformer en public (mais pas nécessairement en privé) aux normes officielles, parce qu’ils ont plus à perdre que les individus des classes inférieures.
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[39]
Eric Dunning, Patrick Murphy et John Williams, op. cit.
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[40]
Paul Willis, Learning to Labour : How Working Class Kids Get Working Class Jobs, Londres, Saxon House, 1977.
-
[41]
Norbert Elias, Qu’est-ce que la sociologie ?, trad. de l’all. par Yasmin Hoffman, Aix-en-Provence, Pandora, 1981.
-
[42]
Norbert Elias et John Scotson, Logiques de l’exclusion : enquête sociologique au cœur des problèmes d’une communauté, avant-propos de Michel Wieviorka, trad. de l’angl. par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Fayard, 1997.
-
[43]
Gary Armstrong, op. cit.
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[44]
Richard Giulianotti, Football: A Sociology of the Global Game, Cambridge, Polity Press, 1999.
-
[45]
Eric Dunning, Patrick Murphy et John Williams, op. cit.
-
[46]
Wilhelm Heitmeyer et Jörg Peter, Jugendliche Fu?ball-fans : soziale und politische Orientierungen, Gesellungsformen, Gewalt, Weinheim, Juventa, 1992 ; Norbert Elias, Studien über die Deutschen : Machtkämpfe und Habitusentwicklung im 19. und 20. Jahrhundert, Michael Schröter (éd.), Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1989.
-
[47]
Norbert Elias et John Scotson, op. cit.
-
[48]
Richard Holt, Sport and Society in Modern France, Londres, Macmillan, 1981.
-
[49]
Eric Dunning, Patrick Murphy et John Williams, op. cit.