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Article de revue

La « nouvelle presse » en France dans les années 1970 ou la réussite par l'échec

Pages 57 à 69

Notes

  • [1]
    Pascal Ory, L’Entre-deux-mai : histoire culturelle de la France, mai 1968-mai 1981, Paris, Seuil, p. 55. Sur la même époque, lire Jean-François Sirinelli, Les Vingt Décisives : le passé proche de notre avenir, 1965-1985, Paris, Fayard, 2007. Sur Le Monde, lire Patrick Eveno, Le Monde, histoire d’une entreprise de presse, 1944-1995, Paris, Le Monde éditions, 1996. Sur la presse, voir Laurent Martin, La Presse écrite en France au 20e siècle, Paris, Le Livre de Poche, 2005 ; et sur les médias en général, Christian Delporte et Fabrice d’Almeida, Histoire des médias en France de la Grande Guerre à nos jours, Paris, Flammarion, 2003.
  • [2]
    Le tirage hebdomadaire moyen ne descendit jamais en dessous de la barre des 400 000 exemplaires franchie en 1969 ; à partir de 1974, il fut presque toujours supérieur à 500 000 exemplaires, pour atteindre un pic en 1981 avec 730 000 exemplaires tirés en moyenne hebdomadaire et une diffusion (vente directe et abonnements) proche des 560 000 exemplaires ; c’est le 20 mai 1981 que le plus fort tirage historique du journal fut réalisé avec 1 229 574 exemplaires. Voir Laurent Martin, Le Canard enchaîné ou les fortunes de la vertu, Paris, Flammarion, 2001, p. 426-427. André Bercoff fait du Canard l’« un des ancêtres les plus légitimes de la nouvelle presse » par son refus de toute publicité, son indépendance absolue à l’égard de tous les pouvoirs, son fonctionnement autogéré (André Bercoff, L’Autre France : l’underpresse, Paris, Stock, 1975, p. 17).
  • [3]
    André Rimailho, « La Presse sauvage » : la Presse et les sciences de l’information, Toulouse, Université de Toulouse le Mirail, 1973, p. 125-138.
  • [4]
    Pierre Albert, La Presse française, Paris, La Documentation française, 1979, p. 125-126.
  • [5]
    Expression reprise de Claude Boris, Les Tigres de papier : crise de la presse et autocritique du journalisme, Paris, Seuil, 1975.
  • [6]
    La plupart des journaux de la nouvelle presse font l’objet de saisies et de procès. Au cours de ses sept mois d’existence, de mai à novembre 1968, L’Enragé, brûlot satirique d’orientation anarchiste fondé par Jean-Jacques Pauvert, doit changer cinq fois d’imprimeur du fait de la répression policière et judiciaire. Autre exemple : La Cause du Peuple, systématiquement saisi pendant six mois, d’avril à décembre 1970, ses directeurs de publication, Jean-Pierre Le Dantec et Michel Le Bris condamnés à douze et dix-huit mois de prison, les imprimeurs inculpés, les diffuseurs arrêtés pour « reconstitution de ligue dissoute »… En même temps, être saisi ou poursuivi est un label d’excellence révolutionnaire ou de subversion culturelle recherché par tous les animateurs de la nouvelle presse. Des initiatives multiples visent à dénoncer la répression… ou à la relancer par la provocation. En novembre 1970 un « Comité de défense de la presse » est créé après l’interdiction d’Hara-Kiri ; fin janvier 1971, une grève de la faim est organisée à la Chapelle Saint-Bernard pour soutenir Alain Geismar et les vendeurs de La Cause du peuple emprisonnés. Autre exemple : L’Insaisissable, journal de quatre pages grand format est lancé en 1973 (la Bibliothèque nationale de France n’en possède qu’un numéro) en se donnant pour objectif de publier des articles frappés d’interdiction par la « censure » (qui n’existait pas en tant que telle, rappelons-le). L’article de une dénonce en termes virulents les « gangsters et les policiers-maquereaux qui nous gouvernent » : « Leur légalité ne saurait être la nôtre. Nous publions dans ce journal des textes qu’ils ont jugé pervers ou séditieux. Ils peuvent bien nous poursuivre. Nous les accusons, nous, d’outrage au peuple français. Nous les accusons de fabriquer une information selon leurs besoins pour mieux mystifier le peuple. De toutes parts, des actions sont engagées contre toutes les formes de répression. Nous rejoignons ces luttes. L’Insaissable lance un défi. Ce n’est qu’un début. » Parmi les deux cents noms des « directeurs de la publication » cités en dernière page, on peut relever ceux de Foucault, Sollers, Kristeva, Sartre, Beauvoir, Guyotat, Guattari.
  • [7]
    Sur les notions de « contre-information » et d’« anti-information » (et sur l’ensemble de la nouvelle presse), voir Jean-Marie Geng, Information, mystification : le discours d’intox, Paris, L’Épi, 1973.
  • [8]
    Cf. Jean-Claude Olmi, « La presse sauvage », Esprit, mars 1972, p. 477-499.
  • [9]
    Guy Hocquenghem, L’Après-mai des faunes (préface de Gilles Deleuze), Paris, Grasset, 1974. Voir également les pages que consacre Jean-Pierre Le Goff à Tout ! dans Mai 68 l’héritage impossible, Paris, La Découverte, rééd. 2006, p. 275-278.
  • [10]
    Qui irait de L’Hebdo Hara-Kiri et Charlie Hebdo, deux beaux succès des années 1970 (voir Stéphane Mazurier, « L’Hebdo Hara-Kiri/Charlie Hebdo 1969-1982 : un journal des années soixante-dix », thèse de doctorat en histoire sous la direction d’Anne-Marie Sohn, ENS Lyon, 2007) au Guignol de Lyon.
  • [11]
    Il faut ici entendre la « communauté » en un double sens : les communautés de vie, sur le modèle des communautés hippies (avec notamment le mensuel C, petit brûlot rose, jaune ou bleu selon les saisons, tiré à six cents exemplaires sur stencil avec un duplicateur à alcool, vendu uniquement par abonnement et qui joua un rôle de liaison et d’information pour les communautés françaises) ; et les communautés identitaires, telles que les féministes (l’intéressant Torchon brûle, « menstruel » du MLF) ou les homosexuels du Front homosexuel d’action révolutionnaire (les journaux L’Antinorm, Le Fléau social).
  • [12]
    Pour une histoire personnelle et en images de la free press, voir Jean-François Bizot, Free Press : la contre-culture vue par la presse underground, Paris, Panama, 2006. On peut lire beaucoup de portraits et d’interviews de Jean-François Bizot, mort en septembre 2007. Nous signalons en particulier le bel article que lui consacrèrent Léon Mercadet et Patrice Van Eersel, deux anciens d’Actuel, dans Libération (13 septembre 2007), et l’interview qu’avait donnée Jean-François Bizot à Chronicart en avril 2006 (hhttp:// www. chronicart. com/ print_webmag. php?id=1371).
  • [13]
    Sur Klapperstei 68, lire le livre engagé de Jean-Pierre Sallent, Klapperstei 68 : presse libre, la mémoire du peuple, 1972, rééd. en fac-similé par J. D. Bentzinger, Colmar, 1995.
  • [14]
    Ce militant anarchiste a donné d’intéressantes précisions sur Vroutsch et sur les feuilles proches, Marge et Dissidence (voir http:// raforum. info/ article. php3? id_article= 4342).
  • [15]
    Cité par Jean Guisnel, Libération : la biographie, Paris, La Découverte, 1999. Sur Libération, lire aussi François-Marie Samuelson, Il était une fois Libération, Paris, Seuil, 1979.
  • [16]
    Au milieu des années 1960, Serge July était vice-président de l’UNEF (chargé de l’information), Jean-Claude Vernier délégué de l’Union des grandes écoles (UGE) au bureau national, Jean-Marcel Bouguereau délégué aux relations internationales ; Jean-Louis Péninou et Marc Kravetz étaient également membres de l’UNEF ainsi que Pierre Goldman, figure haute en couleur du premier Libération.
  • [17]
    Voir par exemple le dernier numéro de l’Internationale situationniste, le 28 juillet 1969, entre morgue et autosatisfaction : « Il valait mieux cesser la publication d’une revue qui commençait à jouir d’un succès trop routinier. Elle a dominé cette période et atteint son but… Les nombreux aficionados pro-situs qui ne savent pas du tout à quoi cette revue servait, rêvaient sans doute que l’on continuerait à leur fournir jusqu’à la fin du siècle et pour trois francs “prix intéressant”, leur petite dose de “fête intellectuelle”. Eh non ! S’ils tiennent à lire de telles revues, ils devront maintenant les écrire eux-mêmes. »
  • [18]
    Voir notamment les journaux rassemblés par la Coordination permanente des médias libres au début des années 2000 ( http:// www. zalea. org/ ancien/ ungi/ cpml/ presentations/ maintenant. html, le site n’est plus mis à jour depuis 2001) et, pour les médias associatifs, par l’association Acrimed ( hhttp:// www. acrimed.org/rubrique75.html).
  • [*]
    Chargé de recherche au Centre d’histoire de Sciences Po, Laurent Martin est l’auteur de Le Canard enchaîné ou les fortunes de la vertu (Flammarion 2001) et de La Presse écrite en France au xxe siècle (Livre de Poche, 2005).
    (laurent.martin@sciences-po.fr)

1On commettrait un contresens en considérant la presse des années 1970 au singulier. Quand bien même la libération de la parole est commune à toutes ces feuilles du « mouvement de Mai », les multiples voies qu’elles empruntent, entre contestation politique et subversion culturelle, ainsi que leurs formes variées, entre tracts et magazines plus consistants, contribuent à fabriquer un paysage très composite de la presse écrite. C’est ce que suggère cet article, fondé à la fois sur des analyses du champ journalistique et des études plus monographiques.

2Qu’y a-t-il de nouveau dans le paysage de la presse française après 1968 ? Plus précisément : qu’est-il apparu qui ne peut s’expliquer sans faire référence aux « événements » survenus en mai et qui en constitue le prolongement, la conséquence, l’« ombre portée » ? Certainement pas le déclin de la presse française ou, plus justement, le déclin de la presse nationale, quotidienne, d’information générale et politique dans ses deux variantes, presse d’opinion et presse populaire : ce déclin, enclenché dès les lendemains de la première guerre mondiale, enrayé brièvement au lendemain de la seconde, accéléré à partir des années 1950 ne trouve pas dans Mai 68 son origine ni son épilogue. Comme tout événement majeur, ceux de Mai ont plutôt fait du bien à la presse dans son ensemble, en dépit des grèves qui l’ont paralysée durant quelques jours ; avec treize millions d’exemplaires tirés quotidiennement cette année-là, la presse a retrouvé des tirages d’après-guerre. Par la suite, le mouvement de recul a repris, masqué par la belle santé de la presse magazine et des journaux liés à l’essor de la télévision mais aussi par le succès de quelques fleurons de la presse d’information, tels les trois grands news magazines français L’Express, Le Nouvel Observateur et Le Point (1 130 000 exemplaires à eux trois au milieu des années 1970) et la belle santé du Monde, qui atteint son apogée durant cette décennie – le « journal des cadres et des diplômés après 1968 [1] » est devenu en 1977 le premier quotidien national par le nombre estimé de ses lecteurs, près de 440 000 à la fin des années 1970 – et du Canard enchaîné qui a définitivement basculé dans le journalisme d’investigation et bat chaque semaine ses records de vente (700 000 lecteurs en moyenne hebdomadaire à la fin de la décennie [2]). Dire que le succès de ces deux derniers titres ne doit rien à Mai 68 serait inexact : le ton bienveillant adopté par ces journaux à l’égard du mouvement leur a certainement attiré la sympathie de ceux qui ont vu dans ce moment autre chose que la « chienlit » dénoncée par le pouvoir affolé. Mais ce succès a été construit avant et s’est confirmé après Mai sur des bases largement autonomes : la spécificité d’un journalisme d’investigation à la française côté Canard, d’un journalisme de référence pour élites sociales et culturelles côté Monde.

3La vraie nouveauté est ailleurs, du côté des titres apparus pendant et surtout après Mai 68. Certes, les tirages peuvent être confidentiels et les feuilles éphémères, encore que certains titres connaissent un réel succès public et une durée de vie appréciable ; cette presse n’en accompagne pas moins toute une génération dans son éveil politique, culturel, sexuel – et dans ses désillusions. Journaux et revues – la distinction est parfois impossible à faire – éclosent partout en France. André Rimailho, dans son article sur la « presse sauvage » de 1973, estime qu’elle rassemble environ trois cents titres et cinq cents à six cent mille lecteurs [3] ; Pierre Albert avance, au détour de son étude générale sur la presse française de 1979, le chiffre de deux cents publications, sans se risquer à estimer leur diffusion globale [4]. Si de telles estimations indiquent au minimum une indéniable vitalité, qui contraste avec la consomption dont semblent frappés certains secteurs de la presse traditionnelle au même moment, elles demeurent aléatoires tant les statistiques font défaut pour une presse se situant par définition en dehors des cadres établis. Par ailleurs, le « bougé » est presque inévitable quand on photographie un phénomène dont les manifestations apparaissent et disparaissent à un rythme si rapide. Au reste, c’est l’un des traits distinctifs de cette « nouvelle presse [5] » que le caractère éphémère de ses titres. En tout cas, cette efflorescence est intéressante en soi ; elle révèle une envie de prendre la parole, et de ne plus la lâcher, typique de ce « moment 68 » qui se prolonge bien au-delà de cette année ; elle pose des questions essentielles sur le rapport de la presse – pas seulement celle de Mai – à l’événement, à la vérité, au pouvoir, à l’argent, à l’engagement.

La prise de parole

4Parmi les traits généraux qu’il nous faut rappeler avant d’entrer quelque peu dans le détail des choses – dans les limites que nous fixe le cadre de cet article –, ce qui donne d’abord à ces titres un air de famille est la date de leur naissance : pendant et, plus souvent, peu après la crise de Mai 68 ; mais surtout leur insistance à se reporter à ce printemps considérable, à s’en réclamer, à vouloir le prolonger, en développer toutes les promesses et les potentialités. L’esprit de Mai que cette presse tente de sauvegarder et de réaliser en acte se manifeste avant tout par la « prise de parole » (comme les sans-culottes avaient pris la Bastille et les bolcheviks le palais d’Hiver) que les discours d’autorité véhiculés par la « grande presse » auraient confisquée, refoulée. « Refuser de croire ce que disent les responsables officiels, donner la parole à ceux qui se taisent ou sont réduits au silence » propose le premier numéro de J’accuse le 15 janvier 1971 ; « Le journal existe pour tous ceux qui se taisent ou doutent, affirme L’Idiot international dans son premier numéro, en décembre 1969, qui porte sur la “loi du silence”. Ils ont tort. La parole se reprend de force. Un autre temps se prépare. Il a besoin d’une autre presse. » Cette parole était la première liberté conquise en Mai, elle doit être la dernière à céder aux coups de boutoirs du retour à l’ordre : « En mai, nous avons pris la parole, écrit le rédacteur anonyme de Rouge en septembre 1968 : c’est la dernière arme qu’on nous fera déposer. »

5Cette parole conquise ou reconquise, c’est d’abord celle des sans voix, des sans grade, la parole du peuple ou du prolétariat. La presse nouvelle doit rompre avec la position de surplomb qui est celle de la presse « bourgeoise » pour s’installer au milieu des gens, faire entendre leurs préoccupations, relayer leurs luttes, donner leur point de vue. Par voie de conséquence, la prise de parole consiste aussi à parler de ce dont les autres médias ne parlent pas, des sujets tabous aussi bien que de l’ordinaire de la vie quotidienne dans ce qu’il peut avoir de révoltant. L’intention critique est omniprésente, s’exerçant contre la « grande presse », les pouvoirs ou le Pouvoir, le « système », le capitalisme, la société de consommation avec lesquels cette presse entend « rompre » définitivement. Des sujets nouveaux, un ton nouveau, volontiers provocant, violent, cru, un jeu dangereux et excitant avec la censure et la répression [6], le refus de la publicité, du pouvoir des banques et des actionnaires, la volonté affichée de « libérer l’information », dessinent le modèle d’une contre-presse, d’une anti-presse, d’une presse alternative [7].

6Cette presse est généralement engagée, militante, voire révolutionnaire ; elle rejette les modèles d’objectivité de la presse traditionnelle et en détourne les catégories, les règles, les genres, faisant souvent preuve d’une grande inventivité dans la mise en page et la maquette, la typographie (avec notamment l’emploi de l’écriture manuscrite), l’emploi de dessins (Siné, Wolinski, Willem, Reiser, Gotlib, Bretécher…), de photographies, de collages, l’usage des couleurs. L’offset est le procédé d’impression le plus utilisé, car il permet une impression rapide et peu coûteuse de tirages relativement faibles, mais on trouve aussi de nombreuses feuilles ronéotées. Fabriquée par des équipes jeunes, souvent bénévoles, qui s’adressent à des lecteurs appartenant à la même génération, cette presse réduit la distance entre émetteurs et récepteurs du message de presse, ces derniers étant souvent invités à intervenir dans le processus de rédaction ou de diffusion du journal. Cet « appel au peuple » est rendu d’autant plus nécessaire que les moyens sont limités, le financement précaire. Les journaux installés auront beau jeu de railler la périodicité incertaine, la numérotation aléatoire, les changements de format et de prix de vente, rançon d’un certain « amateurisme » parfois revendiqué. Dernier trait commun à presque toutes les feuilles : une ouverture remarquable sur le grand large, l’étranger, dont les échos plus ou moins déformés occupent souvent une place considérable dans les pages de la nouvelle presse, autre indice du caractère international du « moment 68 ».

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Les journaux de la « nouvelle presse » : l’espace des possibles

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Les journaux de la « nouvelle presse » : l’espace des possibles

Plusieurs modèles et types

7Ces caractères généraux recouvrent toutefois une grande diversité de situations, d’identités, de projets journalistiques ou politiques que reflète la variété des vocables utilisés dès cette époque pour désigner la presse post-soixante-huitarde : presse nouvelle, révolutionnaire, gauchiste, alternative, parallèle, rebelle, sauvage, marginale, underground/souterraine, free[8]… Souvent confondues par les observateurs extérieurs, ces catégories traduisent en fait des modèles de fonctionnement sensiblement différents. Ainsi en est-il du modèle économique adopté par ces journaux : où et comment trouver l’argent, peut-on accepter la publicité et les dons de riches mécènes, faut-il passer par les NMPP pour diffuser, se contenter du dépôt d’exemplaires dans des librairies amies ou recourir à la seule vente militante ? Toutes les feuilles ne peuvent compter sur l’appui d’éditeurs parisiens comme Maspero et Solin. Comment durer sans mettre en place une gestion rigoureuse toujours soupçonnée d’ouvrir sur les compromissions avec le système honni ? Le succès commercial signe-t-il l’échec politique ? Tandis que certains journaux emploient des journalistes professionnels, salariés, sacrifiant ainsi au modèle traditionnel de la presse, d’autres s’y refusent et recourent exclusivement à des collaborateurs bénévoles, des militants. La presse d’après-Mai est partagée entre son rejet du capitalisme et des tentations marchandes jugées illégitimes par la plupart de ses animateurs.

8Il en va de même du modèle journalistique privilégié par cette presse nouvelle. Celui-ci oscille entre, d’une part, une approche professionnelle de l’information, une exigence d’objectivité, le respect de la vérité des faits et, d’autre part, un engagement idéologique, la nécessité de la propagande politique ou de l’expression individuelle. D’où une série de questions qui ne cessent de se poser : les articles peuvent-ils être signés (au nom de la subjectivité enfin assumée) ou doivent-ils rester anonymes (pour montrer le caractère collectif de la production) ? Quelle place faire aux grands noms qui, tels Sartre, Simone de Beauvoir ou Maurice Clavel, apportent leur caution morale et leur soutien politique aux journaux menacés par le pouvoir répressif ? Comment parler simple (pour s’adresser au lectorat populaire) sans transiger sur la rigueur politique ou sur l’avant-gardisme culturel ? Comment concilier l’efficacité et l’autogestion, la polyvalence et les différences de talent ou d’investissement – financier et personnel – dans l’œuvre commune ? Faut-il opter pour une certaine austérité de la mise en page, reflet d’un rigorisme moral sans concession, ou prendre le parti de la fantaisie la plus débridée comme signe et moyen de subversion, choisir la dénonciation ou la dérision, parler de révolution politique ou de (contre-)culture, tenir Mai 68 pour un beau rêve qui a passé ou pour l’aube d’un avenir radieux, l’annonce d’une révolution imminente ?

9En fonction de leurs réponses à ces questions, de leurs projets éditoriaux et du type de fonctionnement choisi ou subi, les journaux se situent dans des espaces distincts, aimantés par quatre pôles orientant deux axes croisés : un axe de nature économique et sociologique (entre professionnalisme et militantisme) ; un axe de nature politique et culturelle (entre révolution politique et contre-culture). La représentation ci-contre montre comment pourraient être distribués certains des titres cités dans cette étude.

10On pourrait, à la rigueur, parler de « champ » au sens où l’entend Pierre Bourdieu pour désigner ce système de coordonnées, espace structuré de positions où les divers titres et équipes luttent pour l’appropriation ou la définition du capital spécifique de ce champ, c’est-à-dire ici l’héritage symbolique de Mai. Ce serait cependant à la triple condition : 1/ de comprendre que ces titres ne forment eux-mêmes qu’un sous-champ d’un champ plus vaste, celui de la presse française (voire internationale), vis-à-vis duquel ils se situent collectivement dans une position dominée, marginale, adoptant des stratégies de subversion typiques des nouveaux entrants hétérodoxes (à ceci près que, pour beaucoup d’entre eux, cette stratégie ne s’accompagne d’aucune volonté réelle d’entrer dans le champ journalistique) ; 2/ de reconnaître l’inversion du schéma autonomie/hétéronomie décrit par Bourdieu : ici, l’hétéronomie rejetée par ce milieu se situe autant du côté du professionnalisme, de l’information exigeante, objective, que des logiques marchandes, et l’autonomie revendiquée autant du côté de l’engagement politique voire partisan que de l’indépendance à l’égard de tous les pouvoirs ; 3/ de concilier la théorie fixiste et homogène de Bourdieu avec la circulation des hommes (et des femmes) d’un titre à l’autre, l’incessant déplacement des positions sous l’effet des contradictions internes et des pressions externes, la turbulence essentielle qui anime ce groupe d’un mouvement quasi brownien.

11Un journal comme Tout !, par exemple, « quinzomadaire » lancé en septembre 1970 par un groupe mao, Vive la Révolution, transcende très vite les limites du journal d’organisation visant la révolution politique pour parler de désirs, de fantasmes, de corps et aborder les rivages de la contre-culture – tout en se voulant un France-Soir rouge, c’est-à-dire un journal d’information à destination d’un public populaire et « politiquement conscient » –, soit, selon l’un de ses fondateurs, Guy Hocquenghem, par ailleurs rédacteur à Actuel et à L’Idiot international, « un étrange maoïsme qui tirait son attrait d’être traversé par plusieurs courants réputés inconciliables : respect et écoute des masses à la chinoise, individualisme du grand anarchisme français, communautarisme à l’américaine et bientôt des mouvements de libération sexuelle [9] ». Il faut avoir ce cas et bien d’autres présents à l’esprit quand on se risque à proposer une typologie ayant pour but de se repérer dans un territoire à la fois mouvant et complexe. Quatre types principaux de journaux et de revues, correspondant à quatre projets éditoriaux différents, nous semblent pouvoir être distingués : la presse de doctrine (projet politique), la presse de la contre-culture (projet culturel), la presse amateur (projet social), la presse d’information (projet journalistique). On pourrait raffiner la typologie en ajoutant à ces catégories une presse satirique [10], une presse communautaire [11], une presse écologiste ou régionaliste, une presse spécialisée dans les arts plus ou moins légitimes (musique, bande dessinée, cinéma…), sans oublier la presse véritablement « sauvage » échappée des lieux clos (caserne, entreprise, lycée, hôpital…) ; mais la tension entre politique, société, culture et information nous semble suffisamment structurante et éclairante pour notre propos.

La presse de doctrine : l’exemple des Cahiers de Mai

12Commençons, assez arbitrairement, par la presse de doctrine. Son projet, sa raison d’être sont de nature essentiellement politique : il s’agit de faire du journal ou de la revue le moyen d’une prise de conscience des masses, du prolétariat, le ferment d’une révolte pouvant déboucher sur la révolution, un outil de liaison entre les groupes épars, un « organisateur collectif » au sens où l’entendait Lénine. Le modèle est fourni par la presse d’organisation dont la plupart des titres préexistent à Mai 68 : le fonctionnement s’appuie sur des réseaux militants, de la fabrication à la diffusion ; la faiblesse des moyens est compensée par le dévouement à la « cause » et une organisation rigoureuse ; les articles sont généralement anonymes, adoptent un ton violent, péremptoire et dénué d’humour. Des nuances subtiles, parfois indiscernables aux yeux du profane, distinguent entre eux ces groupes « gauchistes » dont chacun entend se doter d’un organe lui permettant de défendre sa vérité et d’attaquer celle du voisin. Très grossièrement, trois familles de pensée se disputent ce lopin, anarchiste, trotskyste, maoïste, elles-mêmes déchirées entre de multiples tendances groupusculaires – parfois réduites à quelques individualités – qui prétendent toutes faire l’unité du mouvement révolutionnaire autour de leur drapeau.

13Quelques journaux sortent du lot par leur volonté de dépasser les clivages partisans et le caractère véritablement novateur de leur démarche. C’est le cas, notamment, de Politique Hebdo (rédacteur en chef : Paul Noirot) ou bien des Cahiers de Mai, bimensuel puis mensuel dirigé par Daniel Anselme dont le premier numéro paraît le 16 juin 1968. Dans son septième numéro (1er au 15 décembre 1968), Les Cahiers de Mai affirme leur projet – dont la publication actuelle n’est qu’une « esquisse » – d’une « information de type nouveau, concrète, rigoureuse, débarrassée au maximum de la glue [sic] idéologique que sécrète abondamment la classe dominante […], une information exprimant le point de vue du “grand parti des travailleurs” dont l’Internationale proclame l’existence objective, au-delà du cercle étroit des partis actuels. Une information non point au service de ce grand parti – ce qui autorise encore toutes les manipulations – mais issue directement de lui, conçue à la base et faisant éclater la réalité révolutionnaire de notre temps. » Le basisme et l’ouvriérisme du journal se manifestent notamment par l’appel à la participation active des lecteurs à sa rédaction et à sa diffusion. « Les articles ne sont pas écrits de l’extérieur, sur des informations transmises à titre individuel, mais expriment le point de vue collectif de la fraction la plus consciente, la plus révolutionnaire, la plus décidée à combattre des travailleurs d’une entreprise, des étudiants d’une faculté, des lycéens d’un lycée. » En cela, chaque numéro, chaque article est un « acte politique ». La diffusion se fait le plus souvent sur leur lieu de travail par l’intermédiaire des « groupes militants » regroupés à partir de décembre 1969 dans une « association des Cahiers de Mai ». Des éditions régionales sont prévues, un changement de format programmé. Mais le caractère aléatoire de la vente militante (les quinze mille exemplaires mensuels ne sont pas toujours effectivement ou régulièrement payés) et le faible niveau de la trésorerie (« nous sommes le dos au mur ! Un seul numéro médiocrement diffusé suffirait à creuser notre tombe ! »), encore asséchée par les dons aux militants ouvriers destinés à financer leurs actions, ont finalement raison du journal, qui disparaît après son quarantième numéro, en mai-juin 1973.

La presse de contre-culture : l’exemple d’Actuel

14« Les gauchistes nous considéraient avec méfiance, écrivent les fondateurs d’Actuel dans leur numéro d’adieu, en octobre 1975. Ils ne savaient pas très bien si nous détournions leurs militants ou si nous servions l’ébranlement des valeurs culturelles. À tout hasard, ils gardaient leurs distances. Certains passaient à Actuel pour placer une information et nous étions secrètement flattés. Nous étions plus ennuyés quand de proches amis maos qui écrivaient chez nous refusaient de signer autrement que d’un pseudonyme comme s’ils avaient honte de paraître sous leur propre nom dans ce journal pas très net. » Témoignage intéressant, qui montre que des rapports existaient entre les « politiques » et les « culturels », que les informations circulaient, que l’on se côtoyait dans les mêmes imprimeries, mais que ces rapports restaient distants, empreints de méfiance voire d’hostilité. C’est que tout sépare un journal comme Actuel de titres comme La Cause du Peuple ou L’Humanité rouge : Actuel, fondé fin 1968 par un musicien fou de free jazz, Claude Delcloo, repris en 1970 par un trio composé de Burnier (Michel-Antoine), Kouchner (Bernard), Rambaud (Patrick), bientôt rejoints par Bizot (Jean-François) est un journal qui ne regarde pas vers les grandes lueurs de l’extrême-Est, ou alors dans leur version zen oriental et voyage à Katmandou, mais vers le lointain Ouest ; ses modèles sont l’underground américain et, en France, un journal comme Action, grand journal de Mai par où sont passés Burnier et Kouchner (et aussi Jean-Marcel Bourguereau, Marc Kravetz, Serge July, de Libération). Au programme : désir et plaisir, libération sexuelle, expérience intérieure, drogues douces et cheveux longs, en somme la révolution par le corps contre le puritanisme tant révolutionnaire que bourgeois ; et puis encore, l’écologie, la nourriture macrobiotique, l’urbanisme revu et corrigé, le détournement des technologies contre le système ; et la contre-culture, en « mosik » (Zappa, Hendrix, Captain Beefheart, Lou Reed, le Front de libération du rock) ou en images (le cinéma expérimental, le pop art, la BD, la SF…). On retrouve tous ces thèmes dans les petites annonces très libérées que le journal publie à partir de 1971 et qui ne font pas peu pour le succès du journal. Car ce cocktail plaît, rapporte un peu d’argent : Actuel est distribué par les NMPP, tire quatre-vingt-dix mille exemplaires en offset, accueille de la publicité, paie ses journalistes et ses dessinateurs (Gotlib, Mandryka). Pour certains, c’est un modèle à suivre, pour d’autres une dérive à éviter [12].

La presse militante, amateur : l’exemple des petits journaux de province

15Car beaucoup d’autres journaux gravitent dans la même galaxie, à Paris et en province, même si aucun ne rencontre un succès comparable à celui d’Actuel : Le Parapluie, Pop, Free X, Zinc, La Veuve joyeuse, Le Cri du Peuple sont les plus connus. En province, nombreuses sont les initiatives du même type ; citons Vroutsch et Vivre (Strasbourg), Le Quetton (Cherbourg), Klapperstei 68 (Mulhouse), La Grande Gueule (Marseille) ; Toulouse est particulièrement active avec Le Contre-Journal, La Mèche, Crève Salope ! Quelles que soient les différences, parfois extrêmes, qui séparent ces derniers titres sur les plans formel ou idéologique, l’ancrage de ces feuilles dans une réalité locale, à l’échelle d’une ville ou parfois d’un quartier, et leur caractère résolument amateur, non professionnel, affranchi des impératifs commerciaux, sautent aux yeux. « Le Contre-Journal est né d’un désir d’expression contre la presse pourrie, les discours, les règlements, la publicité. Il ne se vend pas, il se colle. Notre lecteur est dans la rue. Avec Le Contre-Journal les murs ont toujours la parole. Le Contre-Journal s’inscrit dans l’action directe. Il n’a ni siège social, ni imprimeur, ni directeur. C’est le seul journal avec lequel on ne peut pas se torcher le cul ! », proclame fièrement la brochure éditée par le collectif en 1972. Dans le droit-fil des affiches et graffitis de Mai 68, ce journal mural, sorte de dazibao de quartier, entend s’adresser sans intermédiaire au lecteur et renvoie dos-à-dos les grands médias traditionnels et les journaux militants trop sages sous leurs dehors faussement révolutionnaires. « Devant l’intox de la télé, des radios, des journaux et de certains organes de groupuscules, il nous fallait pouvoir nous exprimer. » Un journal mural, « n’importe qui dans la rue peut le lire, le commenter, le modifier, le déchirer, etc. Si nous avions fait un journal traditionnel, il nous fallait le vendre, donc se faire chier et nous n’aurions touché que les consommateurs de ce type de presse ». Ce faisant, l’expression se fait action directe et publique, geste politique et défouloir en même temps (et davantage) que discours sur l’actualité. Au fil des numéros (douze recensés, un par mois jusqu’en janvier 1972) sont abordés les problèmes des agriculteurs du Midi, les luttes sociales dans la région, la peine de mort, l’armée, les prisons, le pouvoir de La Dépêche du Midi, souvent au moyen de publicités détournées.

16Aux antipodes de ce mode d’expression, Klapperstei 68 apparaît, du moins à ses débuts (le premier numéro date de mai 1972) comme un journal extrêmement classique par sa facture : colonage, encadrés, filets, photographies, typographie, rien ne manque, si ce n’est la publicité payante [13]. Ici aussi, il s’agit de redonner la parole à ceux qui en ont été privés et de témoigner d’une réalité sociale méconnue par les grands médias. « Le Klapperstei, dans l’histoire ancienne de Mulhouse, était un masque de pierre que l’on faisait porter en punition aux personnes médisantes. Ce moyen médiéval est en notre temps dépassé. Le journal est le masque que l’on accroche au cou de tous ceux qui nous informent, nous dirigent dans la ville ou à l’entreprise et qui pour toute raison auront donné lieu à critique. Le Klapperstei 68 essaiera d’être objectif et d’avoir une formulation simple et compréhensible pour tous. Il donnera un complément d’information sur ce qui a été dit incomplètement et il informera sur ce qui n’aura pas été cité. » Une association est constituée, Les Amis de Klapperstei 68 chargée de gérer le journal, de lui donner sa ligne tant au niveau de sa forme que de son contenu, pour lequel les lecteurs et habitants sont sollicités. « Il faut que chacun se sente responsable du journal. Il faut que nous suscitions autour de nous l’intérêt pour une presse parallèle. Il est indispensable d’être en permanence attentif aux moindres faits dont découlent les injustices. […] Il faut, c’est le nerf de la guerre, que le maximum de versements arrive. Il faut que chacun en parle autour de lui, abonne son voisin, même si la qualité des premiers numéros laisse à désirer. C’est un cercle vicieux d’attendre la qualité pour s’engager. » On trouve, dans ce mensuel, des informations d’intérêt local, politiques et militantes mais aussi pratiques et ludiques – sur les prix à la consommation, les droits des locataires, la grève chez Peugeot, le danger de la centrale nucléaire de Fessenheim, la répression au lycée, la privatisation du service des eaux à Thann, l’objection de conscience, des enquêtes sur le logement des travailleurs immigrés et les ratonnades. S’y ajoutent des petites annonces classées et gratuites ainsi que des annonces pour des concerts, des meetings, etc., sans oublier les « mots croisés du travailleur ».

17Dans l’autre grande ville alsacienne, Vroutsch, « organe de soutien aux activités marginales » apparaît d’une inspiration plus nettement anarchiste. Créé au printemps 1971 d’une initiative conjointe des cercles libertaires de Strasbourg autour de la librairie-coopérative Bazar, Vroutsch est dirigé par Henri Rosenfeld. Parmi les autres collaborateurs figurent Jean Terrier, René Fugler [14]. Comme leurs camarades de Mulhouse, les rédacteurs amateurs de Vroutsch reconnaissent volontiers que leurs premiers pas sont hésitants mais promettent une amélioration pour peu qu’ils reçoivent des renforts. « On a été une bande de quelques pelés à tâcher de vous pondre un canard, alors qu’on n’avait aucune expérience et qu’il fallait se démerder seuls, lit-on dans le premier numéro du journal, en mai 1971. Alors, le résultat, c’est que le numéro zéro, il l’était un peu. Ça, on le savait. Les potes avaient promis des articles, on les a pas eus… D’autres avaient promis un coup de main, on l’attend encore. Il fallait que le canard se fasse. Il s’est fait. C’était pour nous important, que le truc existe. Y avait pas d’article de fond, pas d’infos, quelques conneries. On sait. Bon, on a essayé de changer pour ce numéro. On va continuer dans le même esprit. Mais on a besoin de vous, on a besoin que vous nous communiquiez des informations, parce qu’on ne passe pas par les circuits de presse classiques, parce que c’est quand même con d’apprendre avec une semaine de retard par un canard de Paris ce qui s’est passé à Strasbourg. » Et de demander un coup de main pour le montage, le pliage et la distribution, mais aussi des articles, des textes, des dessins, sans omettre les « catalyseurs psychiques » (alcools, schnaps, cigarettes) qui permettent de décupler l’ardeur au travail… « Encore une fois, ce journal est votre journal. Soyez pas des pingouins, venez. » L’appel aux bonnes volontés, l’accent mis sur le local (avec quelques textes en alsacien) caractérise bien ce journal d’amateurs, par ailleurs fort modeste dans sa diffusion comme dans son aspect (maquette aléatoire, écriture manuscrite au milieu de textes tapés à la machine, feuilles A3 pliées en deux sans agrafe…). On retrouve aussi dans Vroutsch le contenu habituel des feuilles contre-culturelles : sexe libéré, apologie des drogues « douces » (mais rejet de l’héroïne et de la « défonce pour la défonce » qui enferme), appel à la fête, à l’extase des sens, éloge de la vie communautaire. Mais Vroutsch publie aussi des numéros spéciaux sur les conseils ouvriers, les cliniques libres, la psychiatrie, sur la Chine. Les articles proposant un nouvel urbanisme qui romprait avec la société de consommation et de destruction y voisinent ceux qui dénoncent les médias de masse, la publicité, les flics, les « éducastreurs » de l’éducation et de l’enseignement traditionnels. L’importance donnée à la musique est elle aussi typique : annonces pour des concerts, de préférence gratuits et underground, de groupes locaux, vente, échange, troc de disques de rock, pop, free jazz ; et puis des poèmes, toujours illustrés, des petites annonces…

18« Toute cette nouvelle presse marginale, expression d’un besoin de vivre intense, est le reflet de par sa sincérité, sa spontanéité, d’un important mouvement révolutionnaire face au système, lit-on dans le troisième numéro de Vroutsch. Un mouvement réellement révolutionnaire et non l’alternative d’une autre autorité. Seulement, cette spontanéité, cette méfiance face à l’organisation hiérarchisée, entraîne l’isolement de chaque groupuscule et diminue donc l’impact de cette presse parallèle », faute, en particulier, d’un réseau de distribution important mais aussi d’une agence d’information indépendante. De là la publicité gratuite faite, non seulement aux journaux amis (Le Parapluie, Pop, Pop bis, Free X, Zinc, Actuel, Tout, L’Idiot international, Hotcha), mais aussi à l’initiative du Pop d’établir un réseau d’information avec un correspondant dans chaque grande ville. Les « journées de la Free Press » qu’organise ce même Pop avec d’autres journaux de même tendance, en juin 1971 aux halles parisiennes, reçoivent également un accueil favorable. Vroutsch, comme la plupart des journaux que nous venons de citer, fait par ailleurs partie de l’Underground Press Syndicate (UPS) créé en 1966 à New York par John Wilcock et qui fonctionne comme une plateforme d’échanges entre journaux, chacun accordant aux autres le droit de le piller librement. C’est ainsi que le dessinateur américain Crumb, référence absolue de la contre-culture souterraine, illustre sans toujours le savoir nombre de ces feuilles françaises.

La presse d’information : l’exemple de Libération

19C’est aussi par un projet d’agence de presse – sur un modèle différent – que débute l’aventure de Libération. Le 18 juin 1971, Jean-Claude Vernier (centralien, mao un temps « établi » en usine) et Claude-Marie Vadrot (journaliste à L’Aurore, en rupture de ban de la « presse bourgeoise ») fondent l’Agence de presse libération (APL) pour « rétablir la vérité, renforcer l’information libre, attaquer l’information aux ordres » [15]. Dès ses débuts, l’agence est un intéressant mélange des genres entre, d’une part, un projet politique et militant élaboré au sein de l’intransigeante Gauche prolétarienne (GP), d’autre part la volonté de sortir du cadre étriqué de la presse d’organisation pour toucher le plus large public, en diffusant l’information sur les luttes politiques et sociales y compris auprès des organes de la presse traditionnelle. Le journal qui est le prolongement de cette expérience, Libération (premier numéro le 18 avril 1973) reprend cette double identité, en y ajoutant la dimension contre-culturelle avec l’arrivée de journalistes comme Philippe Gavi, qui fréquente depuis les années 1960 les mouvements révolutionnaires internationaux, les milieux du féminisme, du militantisme homosexuel, de l’avant-garde artistique.

20Le premier Libération partage avec la presse nouvelle des traits communs mais s’en distingue par certains autres. La précarité économique, le manque de moyens matériels font partie des premiers. Des fonds sont levés par souscription, Jean-Claude Vernier puise dans son bas de laine, la cavalerie de trésorerie est d’usage courant. Mais, sur ce plan déjà, Libération n’est pas tout à fait comme les autres. Il dispose d’un réseau d’amis et de sympathisants parfois célèbres et assez fortunés pour le soutenir financièrement et sa direction convainc les NMPP de lui consentir une importante avance sur les recettes de diffusion. Ses ventes atteignent quarante mille exemplaires en 1979. En revanche, pas de publicité, ni d’actionnaires extérieurs ; pas non plus de hiérarchie des salaires : cela contreviendrait au principe d’égalité entre tous les collaborateurs typique de la presse d’extrême gauche. Les décisions sont prises collectivement, lors d’assemblées générales baptisées « comités de production » (la direction, elle, est « l’unité de décision ») et il est de rigueur de s’essayer à toutes les tâches, manuelles comme intellectuelles, à l’instar des autres feuilles de la nouvelle presse. En outre, des comités Libération formés de lecteurs et de sympathisants sont invités à collaborer à l’écriture « collective » du journal. Mais très vite les articles sont signés et des journalistes aguerris viennent renforcer la rédaction, dont quelques transfuges des Cahiers de Mai (Jean-Louis Péninou, Jean-Marcel Bouguereau, Gérard Dupuy) ; Marc Kravetz, enseignant à Nancy, rejoint l’équipe en septembre 1973. Beaucoup sont d’anciens de l’UNEF, le syndicat étudiant [16].

21Les relations sont parfois tendues entre les fortes personnalités qui participent à l’élaboration du journal. Les témoins se souviennent d’une « ambiance délirante », d’un happening permanent fait d’engueulades et d’empoignades. En particulier, la rivalité est vive entre les « politiques » et les « culturels », entre les maos et les « désirants », entre les révolutionnaires et les démocrates. La force du premier Libération est aussi ce qui en fait la faiblesse : il est la synthèse de la presse de doctrine et de la presse de la contre-culture. Son contenu reflète les deux tendances, avec des articles sur tous les fronts de la lutte sociale et politique et des petites annonces – gratuites et imitées d’Actuel – faisant frémir les maos, lesquels craignent « d’effaroucher les masses ». Mais celles-ci sont moins effarouchées que le pouvoir judiciaire qui fait pleuvoir procès et amendes sur le journal accusé de franchir régulièrement la ligne jaune sur le plan politique ou des bonnes mœurs. Au début de son histoire, Libération peut compter sur la protection tutélaire que Maurice Clavel et Jean-Paul Sartre lui ont accordée et, avant lui, à d’autres journaux, comme J’accuse, La Cause du Peuple ou Tout !

22En juin 1974, Sartre se retire pour raison de santé ; les autres fondateurs de la société éditrice, Bernard Lallement et Jean-Claude Vernier, étant entre-temps partis à l’occasion d’une énième crise interne. Serge July, qui avait été désigné par la GP (autodissoute en novembre 1973) pour la représenter au sein de l’équipe de préparation, s’impose alors à la tête du journal. Non sans mal – le journal cesse deux fois de paraître entre 1973 et 1981 –, il fédère les énergies autour d’un projet de quotidien d’information générale et politique à destination d’un large public (lui aussi voulait faire un France-Soir rouge). Il privilégie le reportage et le commentaire, répudie les excès du gauchisme en restant néanmoins proche de ces milieux et s’efforce de satisfaire aux exigences du professionnalisme (respect des horaires, absence de fautes d’orthographe). Le tout en cultivant une vraie originalité par la mise en page, la titraille, l’usage de la photographie. Non plus, donc, de la contre-information mais de l’information tout court. Au début des années 1980, la mue est achevée avec la refonte des statuts, l’introduction de la publicité, de la hiérarchie des salaires, l’entrée d’actionnaires extérieurs dans le capital. Aujourd’hui encore, le débat fait rage entre ceux qui pensent que cette mue a dévoyé le projet originel et banalisé le journal, préparant la voie à la prise de contrôle par des financiers plus ou moins désintéressés, et ceux qui estiment qu’elle était la condition indispensable à la survie du titre et à son adaptation aux nouvelles attentes de son public. On ne peut nier que le « nouveau journalisme » promis par le premier et même le deuxième Libération est peu à peu rentré dans le rang.

23De fait, la presse d’extrême gauche telle qu’elle existait au début des années 1970, dans le sillage de Mai, a rapidement succombé sous le poids des dettes, de la mauvaise gestion, des amendes (comme L’Idiot international), à moins qu’elle n’ait été emportée par la lassitude qui s’empara peu à peu des responsables des feuilles comme de leurs lecteurs, l’âge venant. La foi se perd, la flamme s’éteint. Certains journaux se sont sabordés, par ennui ou par peur du succès et de la récupération [17]. La récupération : grand mot et grande crainte de cette presse rebelle au système. La focalisation actuelle sur quelques grandes figures soixante-huitardes ayant « réussi » dans le monde des médias escamote la masse de ceux qui n’ont pas fait carrière. La plupart des apprentis journalistes de la nouvelle presse n’étaient pas animés par le dur désir de durer ni par celui d’imiter les journaux en place mais voulaient plutôt se faire, de manière temporaire, les porte-parole des sans voix, les poissons-pilotes d’une révolution à venir, politique, culturelle, informationnelle. « Un mouvement vaut autant par la culture qu’il fabrique que par l’utopie qu’il rate », écrivait Jean-François Bizot, d’Actuel, en 1975. C’est probablement sur le plan culturel que l’influence de la nouvelle presse s’est faite, il est vrai, le plus durablement et le plus profondément sentir, bien au-delà des marges dans lesquelles la cantonnaient des tirages somme toute modestes. L’adoption d’un langage plus libre, de nouveaux comportements en matière d’éducation ou de rapports entre les sexes, des références musicales et graphiques inconnues de la génération précédente comptent parmi les acquis de la période, dont la « récupération » s’est payée d’une certaine forme de banalisation et dont les acquis sont aujourd’hui dénoncés sans nuances par certains idéologues. Pour le reste, il est sans doute permis de mettre en rapport la fin de l’âge d’or de cette presse nouvelle avec l’élection du président Giscard d’Estaing qui éloigne l’espoir d’une révolution politique en même temps qu’elle l’accomplit, en partie, sur le plan des mœurs. L’action souterraine de cette presse nouvelle peut également être repérée dans la survie et la transmission d’un certain discours politique, fortement mâtiné de vitalisme rimbaldien – « changer la vie » – de mai 1968 à mai 1981. Mais à quel trébuchet peser le poids de ces microvecteurs, voisinant parfois les simples tracts, que furent les journaux de la nouvelle presse dans des événements aussi considérables que, par exemple, la victoire de François Mitterrand ? En aiguillonnant les journaux plus installés de la gauche de gouvernement, peut-être les guêpes et les taons de la nouvelle presse ont-ils à leur manière contribué à réveiller et à mobiliser les énergies. Un quart de siècle plus tard, il subsiste un peu de cet esprit dans la presse alternative papier et électronique [18], dans les blogs qui court-circuitent eux aussi les grands relais de l’information et font la part belle à l’expression individuelle. Mais l’heure ne semble plus aux utopies, tant mieux, tant pis.


Mots-clés éditeurs : extrême gauche, utopie, contre-culture, presse nouvelle, Mai 68

Date de mise en ligne : 14/04/2008

https://doi.org/10.3917/ving.098.0057

Notes

  • [1]
    Pascal Ory, L’Entre-deux-mai : histoire culturelle de la France, mai 1968-mai 1981, Paris, Seuil, p. 55. Sur la même époque, lire Jean-François Sirinelli, Les Vingt Décisives : le passé proche de notre avenir, 1965-1985, Paris, Fayard, 2007. Sur Le Monde, lire Patrick Eveno, Le Monde, histoire d’une entreprise de presse, 1944-1995, Paris, Le Monde éditions, 1996. Sur la presse, voir Laurent Martin, La Presse écrite en France au 20e siècle, Paris, Le Livre de Poche, 2005 ; et sur les médias en général, Christian Delporte et Fabrice d’Almeida, Histoire des médias en France de la Grande Guerre à nos jours, Paris, Flammarion, 2003.
  • [2]
    Le tirage hebdomadaire moyen ne descendit jamais en dessous de la barre des 400 000 exemplaires franchie en 1969 ; à partir de 1974, il fut presque toujours supérieur à 500 000 exemplaires, pour atteindre un pic en 1981 avec 730 000 exemplaires tirés en moyenne hebdomadaire et une diffusion (vente directe et abonnements) proche des 560 000 exemplaires ; c’est le 20 mai 1981 que le plus fort tirage historique du journal fut réalisé avec 1 229 574 exemplaires. Voir Laurent Martin, Le Canard enchaîné ou les fortunes de la vertu, Paris, Flammarion, 2001, p. 426-427. André Bercoff fait du Canard l’« un des ancêtres les plus légitimes de la nouvelle presse » par son refus de toute publicité, son indépendance absolue à l’égard de tous les pouvoirs, son fonctionnement autogéré (André Bercoff, L’Autre France : l’underpresse, Paris, Stock, 1975, p. 17).
  • [3]
    André Rimailho, « La Presse sauvage » : la Presse et les sciences de l’information, Toulouse, Université de Toulouse le Mirail, 1973, p. 125-138.
  • [4]
    Pierre Albert, La Presse française, Paris, La Documentation française, 1979, p. 125-126.
  • [5]
    Expression reprise de Claude Boris, Les Tigres de papier : crise de la presse et autocritique du journalisme, Paris, Seuil, 1975.
  • [6]
    La plupart des journaux de la nouvelle presse font l’objet de saisies et de procès. Au cours de ses sept mois d’existence, de mai à novembre 1968, L’Enragé, brûlot satirique d’orientation anarchiste fondé par Jean-Jacques Pauvert, doit changer cinq fois d’imprimeur du fait de la répression policière et judiciaire. Autre exemple : La Cause du Peuple, systématiquement saisi pendant six mois, d’avril à décembre 1970, ses directeurs de publication, Jean-Pierre Le Dantec et Michel Le Bris condamnés à douze et dix-huit mois de prison, les imprimeurs inculpés, les diffuseurs arrêtés pour « reconstitution de ligue dissoute »… En même temps, être saisi ou poursuivi est un label d’excellence révolutionnaire ou de subversion culturelle recherché par tous les animateurs de la nouvelle presse. Des initiatives multiples visent à dénoncer la répression… ou à la relancer par la provocation. En novembre 1970 un « Comité de défense de la presse » est créé après l’interdiction d’Hara-Kiri ; fin janvier 1971, une grève de la faim est organisée à la Chapelle Saint-Bernard pour soutenir Alain Geismar et les vendeurs de La Cause du peuple emprisonnés. Autre exemple : L’Insaisissable, journal de quatre pages grand format est lancé en 1973 (la Bibliothèque nationale de France n’en possède qu’un numéro) en se donnant pour objectif de publier des articles frappés d’interdiction par la « censure » (qui n’existait pas en tant que telle, rappelons-le). L’article de une dénonce en termes virulents les « gangsters et les policiers-maquereaux qui nous gouvernent » : « Leur légalité ne saurait être la nôtre. Nous publions dans ce journal des textes qu’ils ont jugé pervers ou séditieux. Ils peuvent bien nous poursuivre. Nous les accusons, nous, d’outrage au peuple français. Nous les accusons de fabriquer une information selon leurs besoins pour mieux mystifier le peuple. De toutes parts, des actions sont engagées contre toutes les formes de répression. Nous rejoignons ces luttes. L’Insaissable lance un défi. Ce n’est qu’un début. » Parmi les deux cents noms des « directeurs de la publication » cités en dernière page, on peut relever ceux de Foucault, Sollers, Kristeva, Sartre, Beauvoir, Guyotat, Guattari.
  • [7]
    Sur les notions de « contre-information » et d’« anti-information » (et sur l’ensemble de la nouvelle presse), voir Jean-Marie Geng, Information, mystification : le discours d’intox, Paris, L’Épi, 1973.
  • [8]
    Cf. Jean-Claude Olmi, « La presse sauvage », Esprit, mars 1972, p. 477-499.
  • [9]
    Guy Hocquenghem, L’Après-mai des faunes (préface de Gilles Deleuze), Paris, Grasset, 1974. Voir également les pages que consacre Jean-Pierre Le Goff à Tout ! dans Mai 68 l’héritage impossible, Paris, La Découverte, rééd. 2006, p. 275-278.
  • [10]
    Qui irait de L’Hebdo Hara-Kiri et Charlie Hebdo, deux beaux succès des années 1970 (voir Stéphane Mazurier, « L’Hebdo Hara-Kiri/Charlie Hebdo 1969-1982 : un journal des années soixante-dix », thèse de doctorat en histoire sous la direction d’Anne-Marie Sohn, ENS Lyon, 2007) au Guignol de Lyon.
  • [11]
    Il faut ici entendre la « communauté » en un double sens : les communautés de vie, sur le modèle des communautés hippies (avec notamment le mensuel C, petit brûlot rose, jaune ou bleu selon les saisons, tiré à six cents exemplaires sur stencil avec un duplicateur à alcool, vendu uniquement par abonnement et qui joua un rôle de liaison et d’information pour les communautés françaises) ; et les communautés identitaires, telles que les féministes (l’intéressant Torchon brûle, « menstruel » du MLF) ou les homosexuels du Front homosexuel d’action révolutionnaire (les journaux L’Antinorm, Le Fléau social).
  • [12]
    Pour une histoire personnelle et en images de la free press, voir Jean-François Bizot, Free Press : la contre-culture vue par la presse underground, Paris, Panama, 2006. On peut lire beaucoup de portraits et d’interviews de Jean-François Bizot, mort en septembre 2007. Nous signalons en particulier le bel article que lui consacrèrent Léon Mercadet et Patrice Van Eersel, deux anciens d’Actuel, dans Libération (13 septembre 2007), et l’interview qu’avait donnée Jean-François Bizot à Chronicart en avril 2006 (hhttp:// www. chronicart. com/ print_webmag. php?id=1371).
  • [13]
    Sur Klapperstei 68, lire le livre engagé de Jean-Pierre Sallent, Klapperstei 68 : presse libre, la mémoire du peuple, 1972, rééd. en fac-similé par J. D. Bentzinger, Colmar, 1995.
  • [14]
    Ce militant anarchiste a donné d’intéressantes précisions sur Vroutsch et sur les feuilles proches, Marge et Dissidence (voir http:// raforum. info/ article. php3? id_article= 4342).
  • [15]
    Cité par Jean Guisnel, Libération : la biographie, Paris, La Découverte, 1999. Sur Libération, lire aussi François-Marie Samuelson, Il était une fois Libération, Paris, Seuil, 1979.
  • [16]
    Au milieu des années 1960, Serge July était vice-président de l’UNEF (chargé de l’information), Jean-Claude Vernier délégué de l’Union des grandes écoles (UGE) au bureau national, Jean-Marcel Bouguereau délégué aux relations internationales ; Jean-Louis Péninou et Marc Kravetz étaient également membres de l’UNEF ainsi que Pierre Goldman, figure haute en couleur du premier Libération.
  • [17]
    Voir par exemple le dernier numéro de l’Internationale situationniste, le 28 juillet 1969, entre morgue et autosatisfaction : « Il valait mieux cesser la publication d’une revue qui commençait à jouir d’un succès trop routinier. Elle a dominé cette période et atteint son but… Les nombreux aficionados pro-situs qui ne savent pas du tout à quoi cette revue servait, rêvaient sans doute que l’on continuerait à leur fournir jusqu’à la fin du siècle et pour trois francs “prix intéressant”, leur petite dose de “fête intellectuelle”. Eh non ! S’ils tiennent à lire de telles revues, ils devront maintenant les écrire eux-mêmes. »
  • [18]
    Voir notamment les journaux rassemblés par la Coordination permanente des médias libres au début des années 2000 ( http:// www. zalea. org/ ancien/ ungi/ cpml/ presentations/ maintenant. html, le site n’est plus mis à jour depuis 2001) et, pour les médias associatifs, par l’association Acrimed ( hhttp:// www. acrimed.org/rubrique75.html).
  • [*]
    Chargé de recherche au Centre d’histoire de Sciences Po, Laurent Martin est l’auteur de Le Canard enchaîné ou les fortunes de la vertu (Flammarion 2001) et de La Presse écrite en France au xxe siècle (Livre de Poche, 2005).
    (laurent.martin@sciences-po.fr)

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