Notes
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[1]
Propositions Dejeante, Journal officiel (JO), 27 février 1902, et Roche, JO, 20 octobre 1902.
-
[2]
Le rapport Briand évoque la date du 18 juin, mais les procès-verbaux de la commission mentionnent le 11. La première date correspondrait au début effectif des travaux, une fois les élections internes organisées. Voir Christophe Bellon, « Les parlementaires socialistes et la loi de séparation des Églises et de l’État », Parlement(s), 3, juin 2005.
-
[3]
Archives nationales (AN), série C. 7395, procès-verbaux (PV) des séances de la commission de réforme des grandes commissions, dossier 654.
-
[4]
Annales de la Chambre des députés (ACD), séance du 8 juin 1903. Voir Maurice Larkin, L’Église et l’État en France. 1905 : la crise de la Séparation, Toulouse, Privat, 2004, p. 122. Voir aussi Rémi Fabre, Francis de Pressensé et la défense des droits de l’homme. Un intellectuel au combat, Rennes, PUR, 2004.
-
[5]
ACD, séance du 26 janvier 1903. Sur la conception très « gallicane » que Combes avait du Concordat, voir Gabriel Merle, Émile Combes, Paris, Fayard, 1995, p. 317 sq.
-
[6]
Voir notamment Jacqueline Lalouette et Jean-Pierre Machelon (dir.), 1901. Les congrégations hors la loi ?, Paris, Letouzey et Ané, 2002, et Luc Crépy (dir.), Les Congrégations et la société française d’un siècle à l’autre, actes du colloque des 17-18 octobre 2003, Maison de la chimie à Paris, Paris, Don Bosco, 2004.
-
[7]
ACD, séance du 26 janvier 1903.
-
[8]
Georges Suarez, Briand, Paris, Plon, 1938, t. I, p. 424.
-
[9]
Rapport Briand, JO, Chambre des députés, Documents parlementaires, annexe n° 2302 et annexes, p. 283.
-
[10]
Il existe plusieurs études de référence concernant la commission : Véronique Bedin, « Aristide Briand et la séparation des Églises et de l’État. La commission des Trente-Trois », Revue d’histoire moderne et contemporaine, janvier-avril 1977, p. 364-390 ; Jean-Marie Mayeur, La Séparation des Églises et de l’État, Paris, Julliard, « Archives », 1966, 3e éd., Paris, Éd. de l’Atelier, 2005 ; Louise-Violette Méjan, La Séparation des Églises et de l’État. L’œuvre de Louis Méjan, Paris, PUF, 1959, p. 12-210 ; Jacqueline Lalouette, La Séparation des Églises et de l’État. Genèse et développement d’une idée (1789-1905), Paris, Le Seuil, « L’univers historique », 2005, 450 p. ; et Antonin Debidour, L’Église catholique et l’État sous la Troisième République (1870-1906), Paris, Félix Alcan, t. II (1889-1906), 1909, 634 p.
-
[11]
MM. Cazeneuve (Rhône, 1er bureau), Loup (Yonne, 1er bureau), Baudon (Oise, 3e bureau), Bepmale (Haute-Garonne, 7e bureau), Buisson (Seine, 8e bureau), Trouin (Oran, 8e bureau), Gervais (Seine, 9e bureau), Sarraut (Aude, 9e bureau), Bussière (Corrèze, 10e bureau), Minier (Allier, 10e bureau). Le nombre de neuf radicaux-socialistes, souvent cité, est infirmé ici.
-
[12]
MM. Deville (Seine, 1er bureau), Rouanet (Seine, 3e bureau), Allard (Var, 6e bureau), Vaillant (Seine, 6e bureau), Briand (Loire, 8e bureau), Dejeante (Seine, 9e bureau), Colliard (Rhône, 10e bureau).
-
[13]
MM. Astima (Corse), Clament (Dordogne), Constant (Gironde), Laurençon (Hautes-Alpes), Lozé (Nord) ou Périer (Saône-et-Loire). Jean Catalogne appartenait au 3e bureau. Sa profession de foi montre un positionnement ambigu (Barodet, élections législatives générales de 1902, no 1162, p. 647-648). Concordataire à sa nomination, il évolua vers la séparation au cours des travaux de la commission.
-
[14]
MM. Lefas (Ille-et-Vilaine), Prache (Seine), Trannoy (Somme), Rose (Pas-de-Calais), Audiffred (Loire), Berry (Seine), Berger (Seine) et les Vosgiens Henry Boucher et Camille Krantz. Au cours des travaux, M. Audiffred fut remplacé par Léon Mougeot (Haute-Saône), séparatiste. M. Trannoy fut élu sénateur le 6 mars 1905 et quitta la commission. Ainsi, in fine (29 juin 1905), la majorité séparatiste, grossie de deux membres (L. Mougeot et J. Catalogne), était de 19 voix contre 14.
-
[15]
Georges Suarez, op. cit., p. 422.
-
[16]
Samuël Toméï, Ferdinand Buisson : protestantisme libéral, foi laïque et radical-socialisme, thèse de doctorat de l’IEP de Paris sous la direction de Serge Berstein, mars 2004, 888 p. Voir aussi Pierre Hayat, La Passion laïque de Ferdinand Buisson, Paris, Kimé, 1999, et Jean Baubérot, Laïcité 1905-2005, entre passion et raison, Paris, Le Seuil, « La couleur des idées », 2004, p. 13-18.
-
[17]
Le Radical du 26 avril 1905, cité par Samuël Toméi, op. cit., p. 608.
-
[18]
MM. Cazeneuve, radical-socialiste, et Berger, progressiste, étaient eux aussi membres des deux commissions.
-
[19]
Samuël Toméi, op. cit., p. 601.
-
[20]
Il faut noter cependant l’adhésion de Briand, dans sa jeunesse, à l’association « La libre pensée » (Saint-Nazaire) : papiers privés Briand, Association Aristide Briand, F1-156, vol. 13.
-
[21]
ACD, session extraordinaire de 1902, tome unique, p. 197.
-
[22]
Parmi les six responsables de la commission, seuls les deux vice-présidents, Bepmale, élu de 1893 à 1898, mais réélu seulement en 1902, et Baudon, député depuis 1897, avaient quelque expérience au Parlement. Les quatre autres membres (président, rapporteur et secrétaires), élus seulement l’année précédente, n’avaient jamais exercé de telles fonctions. Au total, quatorze des « trente-trois » étaient des élus de 1902, soit presque un sur deux (sept « séparatistes » et sept opposants).
-
[23]
Rapport Briand, op. cit., p. 283.
-
[24]
Ibid., p. 284.
-
[25]
JO, 26 juin 1903.
-
[26]
La proposition de Pressensé (JO, 7 avril 1903) avait été signée par Briand.
-
[27]
AN, procès-verbal de la commission de Séparation, C. 7300, dossier 65, côte 1078, t. I.
-
[28]
AN, procès-verbal de la commission de Séparation, C. 7300, dossier 65, côte 1079, t. II.
-
[29]
Ibid.
-
[30]
Les groupes de l’extrême gauche radicale et socialiste, de la gauche radicale-socialiste, de la gauche radicale, les socialistes parlementaires et l’union démocratique. Les groupes parlementaires n’existent pas juridiquement. Ils seront officialisés à la Chambre en 1910, sous un cabinet Briand.
-
[31]
Émile Combes, Mon ministère. Mémoires (1902-1905), Paris, Plon, 1956, p. 228.
-
[32]
Lettre de Mme Waldeck-Rousseau à Alexandre Millerand : AN, papiers privés Millerand, 470 AP.
-
[33]
Émile Combes, op. cit., p. 237.
-
[34]
À la suite de l’interpellation de Georges Grosjean, membre anti-séparatiste de la commission, « sur la portée et le caractère législatif du texte présenté par le gouvernement à la commission des Églises et de l’État ».
-
[35]
Dans ses mémoires, Combes lie sa décision de déposer un projet de loi à la seule pression de la gauche radicale, alors qu’il souhaitait initialement s’aligner sur les travaux de la commission en les amendant : Émile Combes, op. cit., p. 238-239.
-
[36]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, côte 1079, t. II, séance du 28 novembre 1904.
-
[37]
L’Aurore du 31 octobre 1904, cité par Louise-Violette Méjan, op. cit., p. 136.
-
[38]
Rapport Briand, op. cit., p. 288.
-
[39]
Émile Combes, op. cit., p. 240-241.
-
[40]
Ibid., p. 241.
-
[41]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, côte 1079, t. II, séance du 28 novembre 1904.
-
[42]
Ibid.
-
[43]
Les protestants, menés par le pasteur Lacheret, le remercièrent d’avoir assoupli le projet Combes.
-
[44]
ACD, séance du 9 février 1905.
-
[45]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, cote 1079, t. II, séance du 14 février 1905.
-
[46]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, côte 1079, t. II, séance du 4 mars 1905.
-
[47]
Ibid.
-
[48]
« Au cours de ces deux années de discussion, je me suis livré, pour établir un rapport, à des recherches historiques […] depuis l’introduction chez nous du culte catholique. J’ai fait cette étude un peu en curieux et je me suis aperçu ensuite que j’ai été entraîné un peu loin. J’ai pensé à préparer un précis historique de l’histoire de la religion en France depuis le baptême de Clovis jusqu’au moment où le problème va se poser devant la Chambre », déclara Briand (AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, cote 1079, t. II, séance du 10 mars 1905). Il fut remercié par Buisson pour « cette œuvre magistrale, au nom de la commission ». Le texte de l’étude historique, écrit de sa main, a été retrouvé dans ses papiers privés : AN, fonds Briand, entrée alphabétique 2196.
-
[49]
Paul Grunebaum-Ballin, « La tentative de paix religieuse d’Aristide Briand », Cahiers laïques, 31, janvier-février 1956, p. 2-3.
-
[50]
Louise-Violette Méjan, op. cit., p. 83.
-
[51]
Paul Grunebaum-Ballin, La Séparation des Églises et de l’État. Étude juridique, Paris, Librairie Bellais, 1905, p. 2-3.
-
[52]
Rapport Briand, op. cit., p. 283.
-
[53]
ACD, séance du 29 juin 1905, dernier jour de réunion de la commission.
-
[54]
Véronique Bedin, op. cit., p. 380.
-
[55]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, côte 1080, t. III, séance du 14 avril 1905.
-
[56]
Ils représentent la quasi-totalité des documents parlementaires des procès-verbaux de la commission de la Chambre.
-
[57]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, cote 1080, t. III, séance du 14 avril 1905.
-
[58]
Lorsque plusieurs associations cultuelles revendiquaient la propriété des mêmes biens, l’autorité administrative chargée de statuer serait désormais le Conseil d’État et non le tribunal civil proposé dans le texte de Bienvenu-Martin et Briand.
-
[59]
Sur les autres aspects plus techniques de la loi dans les débats, voir Jean-Marie Mayeur, op. cit.
-
[60]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, cote 1080, t. III, séance du 24 juin 1905.
-
[61]
ACD, séance du 22 avril 1905.
-
[62]
ACD, séance du 8 avril 1905.
-
[63]
Harvey Goldberg, Jean Jaurès. La biographie du fondateur du parti socialiste, Paris, Fayard, 1970, p. 387.
-
[64]
Georges Suarez, op. cit., p. 27-40, p. 55.
-
[65]
Seuls deux parlementaires alliancistes allaient voter contre la loi : Émile Constant, député de la Gironde, et Eugène Mir, sénateur de l’Aude. Sur le comportement des alliancistes, voir Rosemonde Sanson, L’Alliance républicaine démocratique. Une formation de centre (1901-1920), Rennes, PUR, 2003, p. 142.
-
[66]
Nicolas Roussellier, Phénomène de majorité et relation de majorité en régime parlementaire : le cas du Bloc national en France dans le premier après-guerre européen (1919-1924), thèse de doctorat en histoire de l’IEP de Paris sous la direction de Serge Berstein, 1991, 3 vol.
-
[67]
ACD, séance du 23 mai 1905.
-
[68]
Harvey Goldberg, op. cit., p. 385.
-
[69]
Correspondance privée de l’abbé Lemire, citée par Jean-Marie Mayeur, L’Abbé Lemire, un prêtre démocrate (1853-1928), Tournai, Casterman, 1968, p. 312-313.
-
[70]
ACD, séance du 17 mai 1905.
-
[71]
ACD, séance du 3 juillet 1905.
-
[72]
ACD, 1re séance du 22 avril 1905.
-
[73]
Cf. par exemple le témoignage de Paul Grunebaum-Ballin, op. cit., p. 15.
-
[74]
MM. Delcassé (Ariège), Chaleil et Gabrielli (Corse), Jehanin (Ille-et-Vilaine), Jonnart (Pas-de-Calais), le comte de La Bourdonnaye (Maine-et-Loire), Peureux (Haute-Saône), Julien Goujon et Jules Siegfried (Seine-Inférieure), Capéran (Tarn-et-Garonne), le comte de La Rochethulon (Vendée).
-
[75]
Charles Péguy, « Notre patrie », Cahiers de la quinzaine, VII, 3, 22 octobre 1905, in Robert Burac (éd.), Œuvres en prose complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1988, t. II, p. 18-19.
-
[76]
Le Pèlerin, 9 juillet 1905.
-
[77]
Paul Grunebaum-Ballin, op. cit., p. 17.
-
[78]
Les cinq opposants étaient Léonce de Sal (Corrèze), Pierre Bizot de Fonteny (Haute-Marne), Pierre-Ernest Guillier (Dordogne), Léopold Thizard (Vienne) et Emmanuel de Las Cases (Lozère). Les élus séparatistes étaient issus de différents groupes parlementaires. Pour l’Union républicaine, cinq élus : Antoine Perrier (Savoie), Georges Le Chevalier (Sarthe), Émile Chautemps (Haute-Savoie), Gustave Alasseur (Loiret), Marcel Saint-Germain (Oran). Pour la gauche radicale-socialiste, Charles Daumy (Cher), Victor Méric (Var), le comte d’Aunat (Nièvre), Louis Blanc (Drôme) et Maurice Faure (Drôme). Pour la gauche démocratique, Ernest Vallé (Marne), Maxime Lecomte, rapporteur (Nord), Paul Regismanset (Seine-et-Marne).
-
[79]
La commission sénatoriale continua de fonctionner après le vote de la loi. Bienvenu-Martin y entra en 1906.
-
[80]
Archives du Sénat, procès-verbal de la commission de Séparation, t. I, côte 1279. Il s’agit ici de la séance du 18 juillet 1905. Quelques modifications intervinrent en cours de discussion : le séparatiste Bienvenu-Martin remplaça de Sal, dans le deuxième bureau, Combes fit de même avec Alasseur ; Louis Pichon, sénateur du Finistère, anti-séparatiste, remplaça le concordataire Léopold Thizard. La majorité de 13 contre 5 resta donc inchangée.
-
[81]
Archives du Sénat, procès-verbal de la commission, t. I, côte 1279, séance du 12 juillet 1905.
-
[82]
Ibid.
-
[83]
Louise-Violette Méjan, op. cit., p. 206.
-
[84]
Annales du Sénat, séance du 6 décembre 1905.
-
[85]
Ibid., séance du 9 novembre 1905.
-
[86]
Ibid., séance du 17 novembre 1905.
-
[87]
Louise-Violette Méjan, op. cit., p. 205. Cf. aussi Christophe Bellon, Aristide Briand et la séparation des Églises et de l’État. Naissance d’un style politique nouveau (1902-1905), mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine sous la direction de Ralph Schor, université de Nice, juin 1998, p. 131-137.
-
[88]
Annales du Sénat, séance du 9 novembre 1905.
-
[89]
Ibid., séance du 17 novembre 1905.
-
[90]
Ibid., séance du 23 novembre 1905.
-
[91]
Ibid., séance du 25 novembre 1905.
-
[92]
ACD, séance du 13 novembre 1906.
-
[93]
Christophe Bellon, Aristide Briand et la naissance d’un centrisme politique (1905-1914), mémoire de DEA d’histoire de l’IEP de Paris sous la direction de Serge Berstein, 2000, p. 53-86.
-
[94]
ACD, séance du 3 juillet 1905.
-
[95]
Joseph Paul-Boncour, in Georges Suarez, op. cit., p. 61.
-
[96]
Georges Clemenceau, ACD, séance du 30 janvier 1907.
-
[97]
Jean Baubérot, « La laïcité », in Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli (dir.), La France d’un siècle à l’autre, 1914-2000. Dictionnaire critique, Paris, Hachette, 1997, p. 191-197.
-
[98]
Jean-Marie Mayeur, La Question laïque (xix e-xx e siècle), Paris, Fayard, 1997.
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[99]
Serge Berstein et Odile Rudelle (dir.), Le Modèle républicain, Paris, PUF, 1992.
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[*]
Allocataire de recherche de l’Assemblée nationale, secrétaire adjoint du Comité d’histoire parlementaire et politique, membre de la rédaction de la revue Parlement(s), Christophe Bellon prépare actuellement une thèse sur « Aristide Briand et la délibération parlementaire (1902-1932) » à l’Institut d’études politiques de Paris. ( cbellon@ assemblee-nationale. fr )
1 L’élaboration, la discussion puis l’adoption d’une loi que les républicains différaient depuis un quart de siècle firent de son rapporteur, le député socialiste de Saint-Étienne élu en 1902, une célébrité. La relecture des procès-verbaux des réunions de la commission et des séances publiques fait ressortir la virtuosité d’un politicien qui ne s’est égaré ni dans les passions que la séparation soulevait ni dans les difficultés techniques qu’elle présentait. On y voit à l’œuvre celui que Maurice Agulhon a peint en « quadragénaire brillant, un peu bohème et indolent, mais certain d’avoir sur ses collègues tant de supériorité d’éloquence, de talent et de charme que les premiers rôles ne sauraient lui manquer ».
2 Comment comprendre l’étonnement mêlé de satisfaction que ressentirent les parlementaires au moment de l’adoption de la loi de séparation des Églises et de l’État ? Cette réforme, que nombre de républicains avaient portée en tête de leur profession de foi avant de la repousser de leur programme de gouvernement, était adoptée deux ans et demi après son inscription à l’ordre du jour parlementaire. Doit-on penser avec Clemenceau que « le sentiment dominant des républicains au pouvoir est la peur des idées qui les y ont portés » ? Ce n’était pas, en tout cas, l’avis de ceux des séparatistes, conduits par Aristide Briand, rapporteur de leur commission spéciale, qui avaient élaboré le texte définitif.
3 À chaque étape, le rapporteur Briand inscrivit sa marque et son tempérament, incarnant un style politique nouveau. Premier concepteur du texte, il fut le rapporteur consensuel d’une commission divisée mais sereine. Premier défenseur du texte, il guida une commission ébranlée mais résistante, puis victorieuse. Premier coordinateur des débats, il affronta les discussions en séance publique, fidèle aux travaux de la commission et conscient des enjeux. Guidé par sa diagonale rhétorique, secoué par la conjoncture mais soutenu par sa majorité, il força la Séparation à naître, en y croyant.
? Les débuts difficiles de la commission (juin 1903-juillet 1904)
4 Il aura fallu attendre une année complète pour que les premières velléités séparatistes soient entendues. En effet, à la suite des élections législatives de 1902, alors que l’affaire Dreyfus connaissait ses derniers remous, plusieurs députés dont Victor Dejeante et Ernest Roche [1] déposèrent une proposition de loi relative à la séparation des Églises et de l’État. Cependant et malgré la place qu’avait occupée la séparation dans la campagne électorale, les ordres du jour de priorité en faveur de la demande d’urgence de ces deux propositions de loi furent rejetés le 20 octobre 1902. Nonobstant l’adoption, le même jour, de la motion d’Eugène Réveillaud, député radical et protestant de la Charente-Inférieure, relative à l’urgence de la nomination d’une commission spéciale, le rejet deux jours plus tard d’un projet de résolution allant dans le même sens grippa les rouages parlementaires pour huit mois. Cette période de combat procédurier déboucha finalement sur l’élection de la commission ad hoc dite des Trente-Trois, le 11 juin 1903, à la suite de l’offensive des socialistes parlementaires proches de Jaurès [2]. Résolus à accomplir cette réforme pour vider le programme des radicaux, les jaurésiens utilisèrent le règlement de la Chambre pour parvenir à leurs fins. À l’automne 1902, à partir d’une réflexion menée par Jules-Louis Breton, député socialiste du Cher, le système des grandes commissions permanentes fut introduit dans le règlement de la Chambre des députés par la résolution du 17 novembre [3]. En combinant cette dernière à l’article 11 bis du règlement de la Chambre, des commissions spéciales pouvaient être nommées pour l’étude de sujets déterminés. Grâce à l’action de Francis de Pressensé, député socialiste et protestant du Rhône, à la suite du dépôt d’une septième proposition de loi relative à la séparation, le 7 avril 1903, un nouveau projet de résolution aboutit à la nomination de la commission par les bureaux [4].
5 Le retard dans l’inscription de la réforme à l’ordre du jour de la Chambre était aussi le fait du président du Conseil, Émile Combes. « Quand nous avons pris le pouvoir, rappelait-il à la représentation nationale, le 26 janvier 1903, bien que plusieurs d’entre nous […] fussent […] partisans de la séparation des Églises et de l’État, nous avons déclaré que nous nous tiendrions sur le terrain du Concordat […]. J’aspire […] à l’époque où la libre pensée, appuyée sur les seules doctrines de la raison, pourra conduire les hommes à travers la vie, mais ce moment n’est pas encore arrivé [5]. » Sa priorité était alors l’application, très sévère et unanimement reconnue comme telle aujourd’hui [6], du titre III de la loi de 1901 sur les associations, relatif aux congrégations religieuses. Après des élections générales très tendues, la politique anticléricale du président du Conseil laissait peu de place à un nouvel affrontement et il choisit rapidement de « ne pas effacer d’un trait de plume les quatorze siècles écoulés [7] ».
6 À sa nomination, rien n’était assuré quant au bon fonctionnement de la commission. Parmi les séparatistes les plus convaincus, Jaurès était le premier à penser que « la Chambre en séance ne ratifiera[it] peut-être pas les divisions de la commission [8] », tandis que Ferdinand Buisson, nommé président de cette dernière, devant « l’unanimité à lui prédire la vie difficile », avouait qu’elle était « venue au jour sous des auspices peu favorables [9] ». De plus, en droit parlementaire, les commissions spéciales n’avaient plus le rôle de premier ordre que le parlement du 19e siècle leur avait donné.
7 Face à l’ampleur d’un travail hautement symbolique, la composition de la commission donnait aussi des arguments aux députés les plus dubitatifs. Nommés selon la procédure parlementaire par les bureaux de la Chambre, les trente-trois commissaires (trois par bureaux) étaient partagés en deux groupes presque égaux, puisque dix-sept séparatistes côtoyaient seize de leurs collègues qui combattaient la réforme [10]. Même si les élus du Bloc des gauches y étaient majoritaires, les jeux politiques de désignation des trente-trois membres mettaient en lumière les hésitations à traiter la question au Parlement. Si majorité il y avait dans la commission, elle ne reflétait pas exactement la composition du Bloc de 1902, puisqu’elle était constituée de dix radicaux-socialistes [11], sept socialistes [12], et un élu du groupe de l’Union démocratique, Jean Catalogne, député d’Orthez. Or ce dernier, quoique membre de la délégation des gauches, se présentait, à l’instar de certains de ses amis [13], comme concordataire. Si les commissaires socialistes étaient représentés dans une proportion plus importante que dans l’hémicycle (du simple au triple), on ne comptait aucun élu appartenant au groupe de la gauche radicale. L’attentisme de la majorité des députés, déjà perceptible dans les professions de foi, était confirmé par l’abstention lors du vote dans les bureaux : plus de 150 députés du Bloc ne prirent point part à l’élection des membres de la commission. C’est pourquoi, au détriment de séparatistes en pointe dans la réflexion – Pressensé ou Hubbard étaient battus –, certains opposants furent élus, notamment neuf progressistes [14], plus proches de Jules Méline que de Pierre Waldeck-Rousseau. Les autres membres de l’opposition, MM. le baron Amédée Reille (Tarn), Ballande (Gironde), Dèche (Lot-et-Garonne), Roger-Ballu (Seine-et-Oise) et Cachet (Orne), antiséparatistes non progressistes, siégeaient au groupe d’Action libérale. Le nationaliste Georges Grosjean n’appartenait à aucun groupe.
8 La commission nouvellement élue nomma son président, son rapporteur et ses deux vice-présidents. Aristide Briand, jeune député de la première circonscription de Saint-Étienne, finit par présenter sa candidature au rapport, sous l’amicale pression de Jean Jaurès. En vérité, « Briand se dérobait et, dans cette résistance, on voit pour la première fois lumineusement quelle mesure prudente il faisait aux actes malgré la prodigalité dont il usait avec les mots [15] ». Il fut élu rapporteur provisoire par les dix-sept voix séparatistes contre seize. À la présidence, plus honorifique qu’influente, Ferdinand Buisson, celui des anciens collaborateurs de Jules Ferry qui avait le plus contribué à définir la laïcité républicaine [16], fut élu contre le progressiste Jean Audiffred. Les relations entre le président de la Ligue de l’enseignement et le rapporteur furent cordiales, Briand manifestant de l’admiration pour la rigueur de l’universitaire, Buisson pour la « rare vigueur de pensée et de parole » de celui qui, à ses yeux, faisait montre d’« une droiture et [d’]un courage au-dessus de tout éloge [17] ». Le député radical-socialiste du treizième arrondissement de Paris devait rapporter, simultanément à ses fonctions de président de la commission, le projet de loi relatif à la suppression de l’enseignement congréganiste [18]. Ce cumul, conforme à la coutume parlementaire, peut expliquer le nombre relativement limité de ses interventions durant les travaux de la commission, à moins qu’on attribue ses silences à son rôle d’arbitre [19]. Auguste Baudon et Jean Bepmale, radicaux-socialistes, furent élus vice-présidents, le socialiste Gabriel Deville et le radical-socialiste Albert Sarraut secrétaires.
9 La liste des trente-trois le montre, la Chambre des orateurs connus restait introuvable. Ces absences pouvaient s’expliquer soit par la volonté de se plier à l’article 27 du règlement, qui interdisait de siéger dans plus de deux commissions simultanément, soit par des considérations tactiques. La seconde hypothèse vaut notamment pour le député de Carmaux, qui n’ignorait pas que certains de ses collègues avaient été désignés en violation de cet article du règlement. C’est lui qui a voulu qu’Aristide Briand, alors son principal collaborateur au parti socialiste français, prît la place d’Adrien Veber, député socialiste de la Seine parti siéger à la commission du budget. Briand n’était pourtant pas un séparatiste jusqu’au-boutiste. Issu d’un milieu modeste et catholique, son immersion, très jeune, dans l’extrême gauche anarcho-syndicaliste, n’en fit jamais un anticlérical farouche [20]. S’il n’avait pas inscrit la Séparation dans sa profession de foi de 1902 – très courte, il est vrai –, il avait été élu, la même année, membre de la commission des associations et congrégations [21]. Conscient de ses qualités de souplesse et d’éloquence, qu’il avait pu mesurer lors des congrès socialistes, Jaurès poussa et imposa son ami et camarade à la commission.
10 Le huis clos facilita les débats entre des commissaires dont beaucoup étaient peu habitués à la délibération parlementaire [22]. Par ailleurs, un commissaire sur trois était élu de la Seine (6 sur les 17 séparatistes, 4 sur les 16 minoritaires). La « non-publicité relative aux procès-verbaux des débats » fut respectée, à une exception près – une communication au président de la Chambre. Les espoirs d’un travail discret permirent de consacrer aux discussions des plages horaires jusqu’alors imprévues. Alors que le règlement de la Chambre ne prévoyait qu’une seule séance hebdomadaire, la commission prit rapidement l’habitude de se réunir tous les jours et même, à partir de la discussion en séance publique, deux fois par jour. La stabilité de la majorité était une autre condition favorable à l’efficacité des travaux préparatoires. Les voix séparatistes se retrouvaient unies à chaque scrutin, mais elles n’étaient pas toutes de même nature. Briand parvint à trouver un compromis entre la foi laïque d’un Buisson, les positions extrêmes d’un Maurice Allard ou d’un Édouard Vaillant, l’anticléricalisme des radicaux-socialistes et la modération des séparatistes libéraux. Pour aboutir à l’avant-projet, il sut se ménager le concours des minoritaires progressistes qui, ainsi qu’il l’a souligné dans son rapport, collaborèrent « loyalement avec un zèle persistant et une entière sincérité avec leurs collègues de la majorité dans la recherche de solutions [23] ».
11 La commission chargea Briand, ès qualités, de réfléchir pour l’automne 1903 à un texte suffisamment consensuel pour servir de fondement à la discussion à huis clos. Cette délibération interne aurait pour but de proposer un texte structurant le rapport parlementaire, préalable aux débats en séance publique. Lorsque la discussion générale de la commission débuta, le 20 octobre 1903, le rapporteur décida de présenter son propre texte, donc d’abandonner l’idée première de faire la synthèse des sept propositions de loi déposées depuis 1902. Soucieux de ne mécontenter personne et conscient que la majorité séparatiste était faible, il proposa un plan d’étude [24] qui s’appuierait, en tout cas philosophiquement, sur deux des propositions étudiées, celles d’Eugène Réveillaud [25] et de Francis de Pressensé [26]. Libérale, la première viendrait pallier la rigueur de la seconde. Briand proposa cinq questionnements qui sous-tendraient l’ensemble. L’accord existait dans la commission sur deux questions, la nature du régime de séparation, non exclusif des congrégations, et la liberté dans le droit commun. Les commissaires approuvaient le principe du regroupement des associations assurant l’exercice public du culte, mais divergeaient sur l’importance du regroupement. D’accord aussi pour refuser des subventions d’État, ils étaient divisés sur les subventions départementales et communales. Ils s’opposaient enfin sur le régime des édifices publics du culte.
12 Pour que la commission pût valider chacun des points proposés par le rapporteur, ce dernier fut chargé de préparer un nouveau texte qui statuerait sur les sujets restant en discussion. Le but étant sans ambiguïté la séparation, il fallait, d’une part, que l’État fût garant « expressément de la liberté de conscience et de croyances », tout en arrêtant « un ensemble de dispositions législatives qui fussent de nature, sans engager l’État, sans violer le principe de neutralité, à permettre aux cultes de continuer à s’exercer sans interruption [27] ». Par là, les arguments de la libre pensée républicaine pouvaient se concilier avec ceux des républicains plus modérés, voire des catholiques ralliés. Cette condition essentielle, qui serait l’astringent de l’article premier définitif, permettrait d’éviter, qu’« au lendemain du vote, son application pût entraîner le moindre désordre ».
13 Avant l’adoption de l’avant-projet, plusieurs modifications y furent apportées. La commission se rangea à l’avis du rapporteur, lequel satisfaisait les uns (Pressensé et les « sociétés civiles du culte ») tout en ménageant les autres (les progressistes et les articles 5 bis, 7, 7 bis, 16, 21). Ayant réussi à fléchir certains des opposants « les plus acharnés » de la commission, le rapporteur provisoire fit adopter son avant-projet presque complètement, si bien qu’« il n’était plus guère contesté que le projet Briand [était] un texte sinon définitif, du moins sérieusement et solidement établi et qu’il [était] très digne de servir de thème aux futures discussions parlementaires ». Neuf mois après sa présentation, il était adopté, le 6 juillet 1904, prenant ainsi le nom de « projet de la commission [28] ». Élu un an plus tôt rapporteur provisoire avec les seules voix séparatistes, le rapporteur l’était à titre définitif le 6 juillet 1904 à l’unanimité de ses collègues commissaires [29].
? Vers la victoire du consensus de la commission (novembre 1904-mars 1905)
14 Protégés par le confort du huis clos, les travaux des commissaires gagnèrent vraisemblablement à ne pas être distraits par le délitement de la majorité parlementaire en cette année 1904. L’émotion des Trente-Trois devant la décision automnale du président du Conseil s’explique peut-être ainsi. La délégation des gauches, intergroupe parlementaire né en 1902 et rassemblant sous l’influence de Jaurès les groupes informels de la majorité « bloquarde » de la Chambre [30], fut ébranlée dès le début de 1904 par les premiers soubresauts dus à l’intransigeance de la politique combiste. Jaurès ne fut pas réélu à la vice-présidence de la Chambre et quitta la délégation après le congrès d’Amsterdam qui enjoignait aux socialistes de ne plus collaborer avec les autres groupes de gauche dits « bourgeois ». L’annonce du retrait de cette aile gauche jusqu’alors loyale au président du Conseil, qui voyait dans la délégation « le rouage essentiel » de son « système politique », sonna à ses oreilles « comme un glas funèbre [31] ».
15 Affaibli de ce côté-ci, Combes l’était également à l’aile modérée de sa majorité. Dans son groupe de la gauche radicale, de nombreux élus, menés par Paul Doumer, président de la commission du budget, et Ferdinand Sarrien, président de la délégation, hier plus que fidèles dans l’approbation unanime de son attentisme, virent dans l’usure de leur mentor des opportunités politiques. Il est vrai aussi que sa politique anticléricale avait froissé nombre d’anciens ministres de Waldeck-Rousseau, et jusqu’à la veuve de ce dernier [32]. La seule marge de manœuvre qui restait à Combes pour reprendre en main sa majorité résidait précisément dans l’achèvement plus rapide que prévu de la Séparation. Le discours d’Auxerre lui en donna l’occasion en septembre 1904, à la suite de la rupture des relations avec Rome. Mais quelques semaines plus tard, l’affaire des fiches affaiblit davantage encore sa majorité. La confrontation avec la commission se produisit alors, en deux étapes.
16 Émile Combes avait pris la décision que « tout le monde croyait devoir être plus lointaine ». Dans un premier temps, il ne souhaitait pas l’affrontement avec Briand, puisqu’il voulait « se fonder sur le texte de la commission et l’amender [33] ». Justifiant son choix par le comportement du Saint-Siège qui interdisait désormais un nouveau concordat, Combes préconisait le divorce par « autorité légale ». Ses propos avaient suscité quelques mouvements d’humeur que jusqu’alors l’habileté de Briand et l’association de tous aux travaux avaient fait taire. À partir du 28 novembre, le rôle de Briand fut beaucoup plus compliqué. En effet, Combes finit par déposer à cette date un projet de loi [34], dont la rédaction, volontairement ambiguë, avait été confiée à Charles Dumay, directeur des cultes au ministère de l’Intérieur, qui ne croyait pas arrivée l’heure de la séparation. Fortifié un moment par une majorité presque reconstituée, avec le renfort de la gauche radicale [35] et de l’Union démocratique, mais restée en embuscade, il trouvait sur sa route un rapporteur déterminé à mener rapidement à bien le travail des Trente-Trois. Devant les remous qui se produisaient au sein de la commission – plusieurs membres menaçaient de la quitter, le firent puis revinrent –, Briand obtint que le contre-projet Combes fût adopté comme point de départ de la poursuite des travaux, dans l’espoir d’obtenir du président du Conseil un alignement sur la commission [36].
17 Or les deux approches étaient très dissemblables. Celle de Briand annonçait franchement la séparation comme but, mais les moyens mis en œuvre pour y parvenir consacraient la liberté de l’Église comme celle de l’État ; celle de Combes visait à obtenir une « fausse séparation », « un concordat sans concordat [37] », acceptable par les radicaux et teinté de gallicanisme. Le texte gouvernemental maintenait la direction des Cultes, donc poursuivait l’ingérence de l’État dans les affaires de l’Église. Il n’affirmait pas la propriété de l’État sur les édifices antérieurs au Concordat et surtout il interdisait aux associations de se fédérer au-delà des limites du département, même si certains articles étaient plus libéraux : la jouissance gratuite des édifices du culte était laissée aux associations pendant deux ans après la promulgation de la loi et le texte créait un système de pensions plus généreux que celui de la commission (Combes n’a pas oublié que séminariste, il fut pauvre).
18 Le conflit entre Combes et Briand doit cependant être relativisé. Si différents que fussent leurs caractères, les deux hommes n’en avaient pas moins un sens aigu de leurs responsabilités réciproques et certainement de leur complémentarité. Dans un premier temps, Combes, « animé du plus vif désir de conciliation [38] », avait envisagé d’en rester aux quelques observations faites à la commission. Le dépôt de son projet de loi mécontenta Briand, qui depuis dix-sept mois conservait un équilibre de funambule. « Il comptait et il avait raison de compter – écrit Combes dans ses mémoires –, […] que je me rallierais, exception faite de quelques points, au travail consciencieux et remarquable dont il était l’auteur [39]. » Son éventuelle intention de démissionner du poste de rapporteur, argument avancé par Combes qui va jusqu’à énumérer des successeurs putatifs (Paul Cazeneuve, Albert Sarraut) [40], et l’effort du chef du gouvernement pour le faire revenir sur sa décision ne sont qu’apparences [41]. En réalité, l’entremise du rapporteur auprès du président du Conseil aboutit très vite à des résultats probants : Combes accepta d’ajouter à l’article premier une déclaration de principes, de faire la distinction entre les biens antérieurs et postérieurs au Concordat, de remettre à l’État et aux communes la libre disposition de ces biens dès l’expiration de la période obligatoire de dix ans pour la location aux associations cultuelles, de laisser se fédérer les associations « dans les limites […] des circonscriptions ecclésiastiques des différents cultes » et de supprimer les délits spéciaux créés par l’article 17. Combes reconnaissait d’ailleurs que « la réserve était de droit, pour les partisans du projet de la commission, d’en reprendre devant la Chambre les dispositions abandonnées ou modifiées [42] ». L’« éminent rapporteur [43] » rendit compte de sa mission lors des séances des 8 et 14 décembre 1904 devant ses collègues de la commission et vit son entreprise consolidée.
19 Briand et la commission avaient avancé dans l’examen du projet du président du Conseil quand il fallut interrompre le travail une nouvelle fois. À la suite de la chute du cabinet Combes, le 18 janvier 1905, l’arrivée du nouveau gouvernement dirigé par Maurice Rouvier, sénateur des Alpes-Maritimes, ne laissait aucun doute sur la poursuite des travaux. Quoique concordataire, le président du Conseil, ancien ministre des Finances de Combes, n’en saisit pas moins la Chambre d’un nouveau projet de loi relatif à la séparation des Églises et de l’État. Déposé le 9 février 1905, il fut renvoyé à l’étude de la commission [44]. La nomination singulière de Jean-Baptiste Bienvenu-Martin, sénateur de l’Yonne, cosignataire du texte, au ministère de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes, explique vraisemblablement son effacement dans les débats et son empressement à coopérer avec la commission. En effet, venu présenter le refus de son groupe parlementaire de participer à la combinaison ministérielle, il accepta tout de même un portefeuille. Lorsqu’il fut reçu par la commission, le 14 février 1905, il exprima, au nom du gouvernement, son « plus vif désir de se mettre à [sa] disposition […] pour activer ses réseaux et agir dans une commune entente [45] ».
20 La plupart des dispositions essentielles de ce projet reproduisaient celles qu’avait adoptées la commission avant le dépôt du projet Combes. Briand mit en lumière, avant de les éroder sous la forme d’un texte commun, les quelques divergences : propriété des édifices postérieurs au Concordat, répartition des charges de réparation, unions (le projet gouvernemental ôtant la capacité juridique aux unions dépassant dix départements), police des cultes. Sur ces derniers points, il parvint à trouver un accord. Restait en suspens la question des pensions pour laquelle la discussion se poursuivit jusqu’au 4 mars, veille du dépôt du rapport définitif. Un compromis permit finalement d’améliorer un système que le gouvernement faisait assimiler à celui des retraites des fonctionnaires. Le rapporteur, par l’article 9, prenait en compte les fonctionnaires rémunérés par l’État, les départements et les communes, ce que critiqua Maurice Allard, pour qui « c’était à faire regretter aux instituteurs de ne s’être pas mis curés [46] ». À la veille du dépôt du rapport définitif, le projet de loi fut adopté par la commission. Mais les membres de la majorité « réservèrent expressément leur droit de soutenir devant la Chambre, par le moyen d’amendements ou de contre-projets, leur opinion personnelle sur la question [47] ».
21 On ne peut évoquer le rapport Briand, dans sa version ultime, sans souligner le rôle des trois collaborateurs que le rapporteur avait recrutés quelques mois plus tôt. La paternité du travail accompli fut longtemps discutée et les conclusions se contredirent. Le rapport n’était l’œuvre exclusive de personne. Ces trois hommes n’intervinrent dans les travaux préparatoires qu’à la fin de l’année 1904, au moment où les commissaires étudiaient les observations puis le projet de Combes. L’avant-projet ou « projet de la commission » était adopté depuis trois mois. Il s’agissait donc d’une collaboration tardive.
22 Léon Parsons, catholique, journaliste, politiquement proche de Briand, s’était penché sur la première partie du rapport, dite partie historique. Sans en être le rédacteur, il fut le relecteur scrupuleux d’un travail rédigé par le rapporteur lui-même [48]. Du reste, la coutume parlementaire attribuait en principe cette partie au rapporteur. La deuxième reçut les soins du juriste Paul Grunebaum-Ballin, israélite, jeune auditeur au Conseil d’État, longtemps vu comme le rédacteur de l’intégralité du rapport. Certes son influence ne fut pas négligeable, mais de son propre aveu il n’avait qu’« une ou deux fois rencontré Briand, lorsque, en octobre 1904, longtemps après le début des séances en commission, il [lui] proposa une collaboration alors très limitée, à savoir la partie consacrée aux législations étrangères » ; il n’avait « jamais travaillé avec Briand pendant la durée des travaux de la commission ni, bien entendu, occupé, au Palais-Bourbon, un bureau attenant à celui de la commission [49] ».
23 C’est le troisième collaborateur, Louis Méjan, protestant, fonctionnaire à la préfecture de la Seine, qui joua vraisemblablement le plus grand rôle auprès de Briand. Chargé de la partie relative à l’étude des différentes propositions de loi, il inspira le rapporteur notamment dans l’analyse des cultes protestants et coordonna l’influence réelle de ces derniers dans la philosophie des travaux. Cependant, on ne peut le considérer non plus comme le père du rapport. Il en rédigea la partie la plus importante, certes, mais en respectant la volonté de Briand de le voir suivre le canevas d’idées et le plan de travail que la commission avait mis en place en seize mois [50]. Paul Grunebaum-Ballin a confirmé que si influence du cabinet il y eut, elle ne fut « jamais une influence décisive », car « les vues libérales de Briand, celles de Louis Méjan et les [siennes] étaient identiques [51] ».
24 Le rapport Briand fut déposé le 5 mars sur le bureau de la Chambre. Les trois parties étaient augmentées d’un supplément sur les législations relatives aux cultes israélite et protestant. Soucieux de souligner l’esprit unanime qui avait présidé aux travaux, le rapporteur y associait l’ensemble de ses collègues [52]. Puis il invitait la Chambre à voter un projet « conçu, discuté, voté dans un large esprit de tolérance et d’équité » qui « sauvegarde tout ensemble les légitimes et respectables préoccupations des consciences, les intérêts des personnes et les droits supérieurs de l’État ». Couché sur trente-deux pages du Journal officiel, le rapport était suivi du projet de loi définitif en quarante-quatre articles. Il marquait l’aboutissement des travaux d’une commission qui, selon Jaurès, détenait « le record de travail de la législature présente, de celles passées et peut-être de celles à venir [53] ». Ce travail devait se poursuivre pendant les débats, jusqu’à la fin du mois de juin.
25 Le rapporteur mit à profit les quelques jours qui le séparaient du début des discussions, fixé au 21 mars, pour préparer les débats en séance publique. Certains s’inquiétaient de savoir qui « développerait tel ou tel argument à la place du rapporteur afin de préserver son talent pour les moments importants du débat [54] ». Briand acceptait la proposition que Buisson avait faite à ses collègues de se « grouper derrière le président et le rapporteur, pendant les séances de la Chambre, membres de la droite, comme de la gauche [55] », pour mettre au point plus facilement les ripostes délibératoires. À la veille de la discussion, ce fut avec des sentiments mêlés de curiosité, d’admiration et de surprise que les parlementaires accueillirent le rapport.
? La discussion et le vote à la Chambre (mars-juillet 1905)
26 Briand s’efforça d’imposer d’emblée en séance les fondements du travail en commission. Les trente-trois adoptèrent l’ordre des discussions à la Chambre, examinant ainsi les contre-projets et amendements dont ils furent saisis. Les motions préjudicielles, comme celles de l’abbé Gayraud et de Georges Berry, furent rejetées en bloc. Les amendements, nombreux (289), furent tous étudiés [56], si bien que le nombre de séances doubla, à raison parfois de deux réunions par jour. Le rapporteur mettait en garde ses collègues contre la menace « d’accepter des modifications » qui entraîneraient un texte « profondément » modifié [57].
27 Les trois mois et demi de discussions, du 21 mars au 3 juillet, confirmèrent la volonté de la commission de conjuguer la liberté de conscience avec le libre exercice des cultes. Ainsi, les délibérations autour des articles 4 et 6, moments-clés des échanges, permirent-elles au rapporteur de satisfaire les deux parties. En reconnaissant officieusement la hiérarchie catholique, l’article 4 corrigé évitait aux associations cultuelles le risque de schisme redouté par les catholiques. En « se conformant aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice » – c’était là une modification du texte de la commission –, elles incarneraient la structure essentielle de l’exercice public du culte. Épaulé par Jaurès et Pressensé, Briand proposa et fit adopter cette version de l’article en intégrant, à l’article 4, l’amendement de Pressensé prévu à l’article 6. La commission approuva, et Jaurès discuta beaucoup dans les couloirs pour convaincre l’aile gauche de la majorité d’accepter cette nouvelle version. L’article fut adopté par 482 voix contre 52.
28 Soucieux de rassurer l’aile anticléricale de la majorité, Briand prit une autre initiative : l’acceptation d’un amendement de la délégation des gauches à l’article 6 (devenu l’article 8 dans le texte final de la loi), qui aboutit favorablement, non sans effort. Le remplacement du tribunal civil par le Conseil d’État [58] donnait satisfaction à ceux des républicains qui avaient été contrits de la modification libérale de l’article 4. L’inverse était vrai et les critiques nombreuses, si bien que Briand dut combiner l’article 6 « aux prescriptions des articles 4 et 17 ». Affirmant que la reconnaissance de la haute juridiction administrative (article 6) n’était « pas en contradiction » avec celle de la hiérarchie catholique (article 4), le rapporteur parvint à la faire adopter [59].
29 La confrontation des arguments était en relation étroite avec le phénomène de majorité, au point que l’une et l’autre peuvent difficilement être dissociées. La « diagonale rhétorique » pourrait illustrer ce que sont ces deux aspects de la délibération. Pour asseoir son action, le rapporteur avait élaboré, à travers « un champ plein d’épines [60] », un équilibre des idées, dont le succès final passait par la conservation d’une majorité solide. Son expérience de la commission le portait à rejeter sans hésitation les positions extrêmes. À ceux qui, à l’extrême gauche, voulaient « faire une loi qui soit braquée sur l’Église comme un revolver », le rapporteur déclara : « Il y a des curés dans l’Église, il y a aussi des prêtres, il y a même un pape. Que voulez-vous ? Ce sont des mots qui peuvent écorcher les lèvres de chacun d’entre vous, mais qui correspondent à des réalités [61] ». Sa conduite était identique face aux droites non progressistes. Il lui suffisait de mettre en lumière les excès que sa famille d’origine ne pouvait admettre, comme « le droit, pour les défenseurs de l’Église, d’accumuler des sommes à l’infini, sans contrôle ». Symétriquement, il lui était aisé de montrer que son libéralisme était étranger aux positions de l’extrême gauche, puisqu’« entre le projet Allard et celui de la commission, il rest[ait] une certaine distance à parcourir [62] ». S’il savait qu’il n’aurait pas les voix du côté droit de la Chambre, il lui fallait atténuer les critiques de l’extrême gauche socialiste qui s’unissait alors en SFIO.
30 Or comment réaliser cette réforme avec les socialistes réformistes, ses principaux soutiens, sans s’aliéner les révolutionnaires avec lesquels l’unité était en marche depuis le congrès d’Amsterdam ? Au moment de l’unité, au printemps 1905, les guesdistes étaient majoritaires. Jaurès et ses proches choisirent de soutenir les efforts réformistes d’Aristide Briand tout en se ralliant, pour la plupart, à la SFIO, au nom de l’unité socialiste. « Terriblement contrarié [63] », Briand ne désapprouvait certes pas l’unité socialiste, mais regrettait qu’elle se fît sous l’égide de l’ancien député du Nord. D’abord, les députés de cette tendance n’avaient cessé de le gêner dans les débats. Aussi avait-il combattu auparavant leurs idées, au nom du réformisme, auprès de Jaurès, au comité général issu du congrès annuel des socialistes à la salle Wagram en 1900, et au parti socialiste français de 1901 à 1905. Il ignorait tout de ce que serait la ligne socialiste vis-à-vis de l’application de la loi en cours de discussion, une fois l’unité votée. Jaurès se transformerait-il en Allard ? Il exposa ses réticences à ces camarades au dernier congrès du parti socialiste français, en mars 1905, au moment où la discussion de la loi de séparation commençait : « certains d’entre vous vont à l’unité savamment, misérablement », se demandant si « une unité ainsi réalisée dans l’humiliation des uns et la haine triomphante des autres, serait une unité durable » [64].
31 Le rejet des positions extrêmes et le problème de l’unité socialiste avaient conduit le rapporteur à se soucier moins du vote de la loi – comment la majorité républicaine pouvait-elle ne pas voter la loi de séparation ? –, que de son application. La majorité briandiste issue de la délibération se composait d’un bloc solide – majorité dans la majorité – qui existait déjà en commission : les socialistes jaurésiens, la quasi-totalité de l’alliance républicaine démocratique [65], une partie des radicaux. Le caractère nouveau du phénomène majoritaire était l’élargissement au centre droit concordataire. Courtoises en commission, les relations le demeurèrent dans l’hémicycle, sur une question qui avait pourtant toujours pâti d’un certain manichéisme politique. Cette alliance avec nombre des 127 élus de la Fédération républicaine était ponctuelle, sans doute, notamment sur l’article 4. Et quelque constructive qu’ait pu être l’action des progressistes, ces derniers ne votèrent pas en faveur du texte, le 3 juillet. Cependant, compte tenu du caractère essentiel de cet article pour la future application de la loi, « la relation de majorité [66] » que Briand avait établie avec le centre droit ne pouvait aboutir à une simple majorité de circonstance. Certes, l’heureux effet de l’article 4 avait été en partie tempéré par la mauvaise réception de l’article 6. Mais face à Briand, des élus comme Alexandre Ribot (Pas-de-Calais) ou Joseph Thierry, député de Marseille, ne se montraient pas « des adversaires irréconciliables [67] ». Les abbés députés Lemire (Nord) et Gayraud (Finistère) avaient collaboré ostensiblement à la loi. Briand n’a jamais regretté la participation de ces collègues de l’opposition à l’œuvre commune. Jaurès même, qui se plaisait à constater que « toutes les fois que MM. Gayraud et Lemire ont parlé, l’opposition est venue de la droite », n’hésitait pas à annoncer que, pour les batailles à venir, les socialistes « verraient d’un bon œil les appuis qui leur viendraient des progressistes du camp bourgeois [68] ».
32 Au soir de la discussion, le 3 juillet 1905, les orateurs des groupes s’expliquèrent sur leurs votes, et de leur justification ressort la satisfaction d’avoir été entendus, sinon écoutés. Et c’est certainement du centre droit concordataire que sont venus les témoignages les plus clairs du tropisme réformateur que Briand était parvenu à exercer. L’abbé Lemire, député du Nord, s’inscrivait dans cette culture politique démocrate-chrétienne naissante, à l’aile droite de la majorité briandiste, lorsque, après avoir bravé les consignes politiques et ecclésiastiques tout au long du débat, il déclarait : « Vis-à-vis de votre loi, je suis le patient sur qui on opère et à qui on n’arrachera ni un cri ni une plainte. » Ainsi, le député d’Hazebrouck voterait-il « contre, mais avec des arguments qui font qu’[il] a été, qu’[il] pourrait être pour [69] ». Les progressistes, Alexandre Ribot en tête, saluaient cette occasion de coopération entre les élus des deux France. S’adressant au rapporteur, le député de Saint-Omer avouait que « s’[il] ne [se] trouvai[t] en présence que de lui », ils seraient « d’accord en un instant [70] ». Les éléments de l’aile gauche de la majorité briandiste allaient dans le sens des propositions du rapporteur et leur satisfaction n’était guère étonnante. Les alliancistes suivant Louis Barthou reconnaissaient que la souplesse dont Briand avait fait preuve simplifierait l’application de la loi, après en avoir rendu la discussion plus ouverte.
33 Seuls les plus récalcitrants à la réforme s’accordaient à critiquer une loi qu’ils avaient pourtant votée, pour une partie d’entre eux. Il en fut ainsi de certains radicaux-socialistes, à l’instar de leur porte-parole, Antoine Gras, député de Montélimar, qui railla le trop grand libéralisme de Briand et de sa loi, trop favorable à l’Église « éternelle et irréconciliable ennemie », par « des dispositions inquiétantes ». Les socialistes révolutionnaires, avec l’omniprésent varois Maurice Allard ou le député de la Seine Édouard Vaillant, continuaient d’affirmer haut et fort que « cette loi ne correspondait nullement aux desiderata des républicains et libres penseurs », car elle était « inefficace contre l’Église et même dangereuse [71] ». D’autre part, les anti-séparatistes qualifiaient ce qui leur avait toujours paru déroger à la concorde nationale de « loi d’apostasie nationale [72] ». S’y joignaient les ralliés de l’Action libérale et l’aile droite des progressistes, parmi lesquels se distinguait Flaminius Raiberti, convaincu de l’inconstitutionnalité d’une telle réforme. Le député de Nice, accompagné de ses collègues Paul Lerolle (Seine, Action libérale) et Alphonse Gourd (Rhône progressiste), demandait expressément un référendum populaire.
34 La séance d’adoption de la loi fut perçue par beaucoup de contemporains comme un grand moment de la vie parlementaire [73]. La loi fut adoptée par 341 voix contre 233, soit, à quelques voix près, la majorité de 1902. Hormis les onze députés absents pour cause de congé [74], trois seulement ne prirent pas part au vote : Paul Doumer, en raison de sa fonction de président de la Chambre, Émile Rey (Lot) et Jean Thurigny (Nièvre). L’équilibre de la délégation des gauches, un moment rompu, se réinstallait, comme un réflexe républicain. Comme l’avait prévu Briand, les ralliements étaient rares – ils se limitaient à trois : Stanislas de Castellane (Cantal), Edmond Bartissol (Pyrénées-Orientales) et Henri Tournade (Seine).
35 Ce vote « bloquard » drapait la loi dans l’étoffe républicaine et son rapporteur dans les habits des fondateurs du régime. Charles Péguy, dans Notre Patrie, reconnaissait que dans la séparation telle que la Chambre l’avait faite, on avait pu voir « ce que les parlementaires nous avaient presque désaccoutumés de voir : du travail parlementaire ; qu’elle avait abouti à un premier programme sérieux de liberté mutuelle organisée ; en un mot qu’elle n’avait point été combiste, mais beaucoup plus républicaine [75] ». La presse républicaine était louangeuse pour Briand qui eut droit à un portrait dans l’Illustration du 8 juillet. Quant aux feuilles catholiques, la réforme y était condamnée, mais parfois avec retenue : pour Le Pèlerin, par exemple, « la loi était moins mauvaise qu’on eût pu le craindre [76] ». C’est à l’hôtel Moderne, place de la République, qu’un banquet honora l’action de Briand. Jaurès glissait dans le même temps à l’oreille de Grunebaum-Ballin : « Ce Briand, il aura tout de même une place dans l’histoire [77]. »
? La loi au Sénat et l’adoption définitive (juillet-décembre 1905)
36 Les neuf bureaux du Sénat n’élirent à leur commission spéciale que cinq opposants à la réforme contre treize séparatistes [78]. Ernest Vallé, sénateur de la Marne, fut élu président, Maurice Faure (Drôme) puis Jean-Baptiste Bienvenu-Martin après son départ du gouvernement [79], vice-présidents. Marcel Saint-Germain, sénateur d’Oran, était secrétaire, et Maxime Lecomte, personnalité peu connue, sénateur du Nord, rapporteur [80]. Si les débats s’annonçaient plus faciles, les quinze séances de travail ne laissèrent aucune initiative aux commissaires sénatoriaux. En effet, dès les trois premières séances de la commission (11, 12 et 13 juillet 1905), le gouvernement exigea un vote « sans modification » du texte transmis, en s’engageant à combattre « toute modification [81] ». Le but recherché, dit le ministre auditionné le même jour, était de « voter le plus rapidement possible » la réforme, en évitant de faire revenir le texte à la Chambre. Si une nouvelle discussion devait avoir lieu, le « risque de l’ajournement était grand [82] » et les élections générales de 1906 approchaient. La consigne fut apparemment bien enregistrée puisque les commissaires ne consacrèrent que quatre séances à l’examen des articles, du 18 au 21 juillet, avant que Maxime Lecomte ne fît lecture de son rapport à la rentrée parlementaire, du 27 au 29 octobre. Celui-ci fut adopté à l’unanimité moins deux voix. Les quatre dernières séances de novembre, consacrées à l’examen des amendements, n’en adoptèrent aucun. L’élan de la Chambre des députés entraînait le respect du texte transmis par elle, mais la délibération à huis clos fut volontairement partiale.
37 Quand les discussions débutèrent en séance, au début de novembre, la réprobation des sénateurs fut réelle, même à gauche. Émile Combes, au nom du groupe de la gauche démocratique, regrettait de ne pas délibérer. « Nous n’entendons nullement nous enlever par ce vote le droit de remédier plus tard à des défectuosités qui n’ont échappé à aucun de nous [83]. » Son collègue Antonin Gourju (Rhône) s’indignait de ce qu’« il ne restera[it] ni une phrase, ni une ligne, ni un mot, ni une virgule, qui soit l’œuvre du Sénat [84] ». Le verrouillage des débats était essentiellement dénoncé par l’opposition et dès la première séance, le 9 novembre, le sénateur Ponthier de Chamaillard insistait sur cet état de fait dans une des quatre motions préjudicielles déposées en début de discussion. Il s’agissait pour l’orateur de dénoncer « l’ordre » de se taire que le groupe de la gauche démocratique du Sénat avait reçu : « la parole est d’argent, mais le silence est d’or [85] », lança-t-il à la majorité. Gabriel Vidal de Saint-Urbain, allant plus avant, annonça à ses collègues de l’opposition sénatoriale qu’ils pouvaient « d’ores et déjà renoncer à toute obstruction, car celle-ci serait vaine ». Ironisant sur un calendrier programmé à l’avance, il prédisait que « la loi sera[it] votée, […] promulguée au J. O., le 1er janvier prochain, pour les étrennes de notre sainte-mère l’Église ». En guise de péroraison, le sénateur de l’Aveyron dénonça la faiblesse du travail que le Sénat avait été autorisé à faire, au regard de la machine juridique mise en branle à la Chambre : « Ce projet que la commission de la Chambre a étudié pendant des mois, qui a donné lieu à la Chambre à une discussion de 48 à 50 séances, pendant les vacances, vous l’avez lâché et bouclé […]. Je dis que devant un pays et devant une grande assemblée, on ne procède pas ainsi [86]. » Le juriste monarchiste de Lamarzelle, sénateur du Morbihan, mit ses collègues au défi de « fouiller toute l’histoire parlementaire » pour tenter d’y découvrir, en matière législative, « un pareil précédent ». Le rôle de Briand dans ce verrouillage des débats était sous-jacent. Durant les quatre semaines de débats, il fut présent dans les couloirs de la rue de Vaugirard [87]. Il y cherchait tous les moyens d’aboutir rapidement à un vote sans amendement.
38 Trois thèmes jalonnèrent la discussion générale : la dénonciation d’une « loi impromptue et dangereuse [88] », la critique des responsables de la rupture du concordat, l’opposition entre la libre pensée et l’Église. Le travail de Briand, « grand forgeron de la conception socialiste de la loi de Séparation [89] », était salué par les séparatistes. Le cœur de la discussion fut à nouveau l’article 4, les 22 et 23 novembre. Or, les discussions ne s’orientèrent pas de la même manière qu’à la Chambre. On s’attendait à ce que l’opposition vînt entièrement de la gauche. Elle se développa aussi fortement à droite. À gauche, Georges Clemenceau fustigea la reconnaissance officieuse de la hiérarchie catholique, due à « un désarroi bien profond ou [à] un repentir bien sincère » de la part de Briand, au sujet d’une loi faite « au petit bonheur [90] ». À droite, certains y voyaient quelques motifs de satisfaction. Henri Ponthier de Chamaillard reconnaissait « volontiers », un peu plus tard, que cet article était « dû à l’effort puissant d’une pensée véritablement libérale [91] ».
39 Quatre semaines suffirent à la discussion pour aboutir le 6 décembre 1905 au vote solennel. Le Sénat adopta le projet de loi par 181 voix contre 102. Aucun amendement ne fut accepté. Aux élus encore dubitatifs sur le résultat et les conséquences effectives du nouveau régime entre les Églises et l’État, Briand devait rappeler, au moment de l’application de la loi, que la souplesse avait gagné : « Il y a eu 320 amendements, 320 rochers à travers lesquels il a fallu conduire la barque. Jusqu’au dernier moment, on n’a pu croire qu’elle arriverait à bon port. Vous écriviez, Monsieur de Mun, en toute liberté d’esprit parce que vous disiez : cela ne sera pas. Eh bien ! Cela est [92]… » La loi de séparation des Églises et de l’État fut publiée le 11 décembre 1905 au Journal officiel. Aristide Briand devint ministre en charge des Cultes trois mois plus tard. Concepteur et défenseur du texte de 1903 à 1905, puis coordinateur des débats, il devint l’exécuteur privilégié de la loi de 1906 à 1911 [93].
40 Au moment où la Séparation était faite, dès le mois de juillet, Briand était-il conscient que la loi serait difficilement applicable ? « À l’heure actuelle, avouait-il, quel est l’homme politique qui pourrait nier sincèrement que la réforme, ainsi faite, soit d’une application facile [94] ? » Ne sous-estimait-il pas tout de même la force de l’ultramontanisme dans le clergé français ? Il est vraisemblable qu’il était animé d’un optimisme que le vote de la loi lui avait communiqué. En considérant les difficultés initiales, il lui sembla que l’objectif était atteint. Il avait sans doute tendance à penser,
41 à la suite de certains de ses collègues, que « [lui] seul [pourrait] appliquer cette loi que [lui] seul [avait pu] faire voter [95] ».
42 Face à la crise des Inventaires et à l’intransigeance du pape Pie X, Briand agit avec un libéralisme croissant qui lui valut bien des attaques. Devant le refus du Vatican de voir se constituer des associations cultuelles, fondement du bon exercice public du culte, il fit voter une loi, le 2 janvier 1907, qui permettait au culte de fonctionner sans elles. Alors que Rome refusait, dans ce cas, de se soumettre à la loi de 1881 sur les réunions publiques, donc de faire une déclaration préalable, Briand permettait à l’exercice public du culte de fonctionner sans association cultuelle et sans déclaration préalable par la loi du 28 mars 1907. Seul face à Rome, de plus en plus isolé au Parlement, il fit assouplir une loi qui, pour certains, avait « tout prévu, sauf ce qui est arrivé [96] ». S’appuyant sur sa majorité de confiance muée en majorité de gouvernement, il aboutit par une troisième loi, celle du 13 avril 1908, à la résolution du contentieux de la dévolution des biens.
43 Coauteur, scénariste et réalisateur de la réforme de la politique cultuelle de la France, Aristide Briand, dernier ministre des Cultes de 1906 à 1911, capable d’accommoder en compromis des thèses irréductibles, permit un mode de dépassement du conflit entre l’Église et l’État par l’instauration d’un « pacte [97] » ou d’un « compromis laïque [98] ». En associant à la réforme les catholiques modérés, il contribua à les intégrer, parfois malgré eux, au « modèle républicain [99] ». Ils rejoindraient désormais les partenaires de l’apaisement, social aussi bien que diplomatique, qu’allait rechercher et dominer le briandisme de la fin de la Belle Époque et des années 1920.
44 ?
Notes
-
[1]
Propositions Dejeante, Journal officiel (JO), 27 février 1902, et Roche, JO, 20 octobre 1902.
-
[2]
Le rapport Briand évoque la date du 18 juin, mais les procès-verbaux de la commission mentionnent le 11. La première date correspondrait au début effectif des travaux, une fois les élections internes organisées. Voir Christophe Bellon, « Les parlementaires socialistes et la loi de séparation des Églises et de l’État », Parlement(s), 3, juin 2005.
-
[3]
Archives nationales (AN), série C. 7395, procès-verbaux (PV) des séances de la commission de réforme des grandes commissions, dossier 654.
-
[4]
Annales de la Chambre des députés (ACD), séance du 8 juin 1903. Voir Maurice Larkin, L’Église et l’État en France. 1905 : la crise de la Séparation, Toulouse, Privat, 2004, p. 122. Voir aussi Rémi Fabre, Francis de Pressensé et la défense des droits de l’homme. Un intellectuel au combat, Rennes, PUR, 2004.
-
[5]
ACD, séance du 26 janvier 1903. Sur la conception très « gallicane » que Combes avait du Concordat, voir Gabriel Merle, Émile Combes, Paris, Fayard, 1995, p. 317 sq.
-
[6]
Voir notamment Jacqueline Lalouette et Jean-Pierre Machelon (dir.), 1901. Les congrégations hors la loi ?, Paris, Letouzey et Ané, 2002, et Luc Crépy (dir.), Les Congrégations et la société française d’un siècle à l’autre, actes du colloque des 17-18 octobre 2003, Maison de la chimie à Paris, Paris, Don Bosco, 2004.
-
[7]
ACD, séance du 26 janvier 1903.
-
[8]
Georges Suarez, Briand, Paris, Plon, 1938, t. I, p. 424.
-
[9]
Rapport Briand, JO, Chambre des députés, Documents parlementaires, annexe n° 2302 et annexes, p. 283.
-
[10]
Il existe plusieurs études de référence concernant la commission : Véronique Bedin, « Aristide Briand et la séparation des Églises et de l’État. La commission des Trente-Trois », Revue d’histoire moderne et contemporaine, janvier-avril 1977, p. 364-390 ; Jean-Marie Mayeur, La Séparation des Églises et de l’État, Paris, Julliard, « Archives », 1966, 3e éd., Paris, Éd. de l’Atelier, 2005 ; Louise-Violette Méjan, La Séparation des Églises et de l’État. L’œuvre de Louis Méjan, Paris, PUF, 1959, p. 12-210 ; Jacqueline Lalouette, La Séparation des Églises et de l’État. Genèse et développement d’une idée (1789-1905), Paris, Le Seuil, « L’univers historique », 2005, 450 p. ; et Antonin Debidour, L’Église catholique et l’État sous la Troisième République (1870-1906), Paris, Félix Alcan, t. II (1889-1906), 1909, 634 p.
-
[11]
MM. Cazeneuve (Rhône, 1er bureau), Loup (Yonne, 1er bureau), Baudon (Oise, 3e bureau), Bepmale (Haute-Garonne, 7e bureau), Buisson (Seine, 8e bureau), Trouin (Oran, 8e bureau), Gervais (Seine, 9e bureau), Sarraut (Aude, 9e bureau), Bussière (Corrèze, 10e bureau), Minier (Allier, 10e bureau). Le nombre de neuf radicaux-socialistes, souvent cité, est infirmé ici.
-
[12]
MM. Deville (Seine, 1er bureau), Rouanet (Seine, 3e bureau), Allard (Var, 6e bureau), Vaillant (Seine, 6e bureau), Briand (Loire, 8e bureau), Dejeante (Seine, 9e bureau), Colliard (Rhône, 10e bureau).
-
[13]
MM. Astima (Corse), Clament (Dordogne), Constant (Gironde), Laurençon (Hautes-Alpes), Lozé (Nord) ou Périer (Saône-et-Loire). Jean Catalogne appartenait au 3e bureau. Sa profession de foi montre un positionnement ambigu (Barodet, élections législatives générales de 1902, no 1162, p. 647-648). Concordataire à sa nomination, il évolua vers la séparation au cours des travaux de la commission.
-
[14]
MM. Lefas (Ille-et-Vilaine), Prache (Seine), Trannoy (Somme), Rose (Pas-de-Calais), Audiffred (Loire), Berry (Seine), Berger (Seine) et les Vosgiens Henry Boucher et Camille Krantz. Au cours des travaux, M. Audiffred fut remplacé par Léon Mougeot (Haute-Saône), séparatiste. M. Trannoy fut élu sénateur le 6 mars 1905 et quitta la commission. Ainsi, in fine (29 juin 1905), la majorité séparatiste, grossie de deux membres (L. Mougeot et J. Catalogne), était de 19 voix contre 14.
-
[15]
Georges Suarez, op. cit., p. 422.
-
[16]
Samuël Toméï, Ferdinand Buisson : protestantisme libéral, foi laïque et radical-socialisme, thèse de doctorat de l’IEP de Paris sous la direction de Serge Berstein, mars 2004, 888 p. Voir aussi Pierre Hayat, La Passion laïque de Ferdinand Buisson, Paris, Kimé, 1999, et Jean Baubérot, Laïcité 1905-2005, entre passion et raison, Paris, Le Seuil, « La couleur des idées », 2004, p. 13-18.
-
[17]
Le Radical du 26 avril 1905, cité par Samuël Toméi, op. cit., p. 608.
-
[18]
MM. Cazeneuve, radical-socialiste, et Berger, progressiste, étaient eux aussi membres des deux commissions.
-
[19]
Samuël Toméi, op. cit., p. 601.
-
[20]
Il faut noter cependant l’adhésion de Briand, dans sa jeunesse, à l’association « La libre pensée » (Saint-Nazaire) : papiers privés Briand, Association Aristide Briand, F1-156, vol. 13.
-
[21]
ACD, session extraordinaire de 1902, tome unique, p. 197.
-
[22]
Parmi les six responsables de la commission, seuls les deux vice-présidents, Bepmale, élu de 1893 à 1898, mais réélu seulement en 1902, et Baudon, député depuis 1897, avaient quelque expérience au Parlement. Les quatre autres membres (président, rapporteur et secrétaires), élus seulement l’année précédente, n’avaient jamais exercé de telles fonctions. Au total, quatorze des « trente-trois » étaient des élus de 1902, soit presque un sur deux (sept « séparatistes » et sept opposants).
-
[23]
Rapport Briand, op. cit., p. 283.
-
[24]
Ibid., p. 284.
-
[25]
JO, 26 juin 1903.
-
[26]
La proposition de Pressensé (JO, 7 avril 1903) avait été signée par Briand.
-
[27]
AN, procès-verbal de la commission de Séparation, C. 7300, dossier 65, côte 1078, t. I.
-
[28]
AN, procès-verbal de la commission de Séparation, C. 7300, dossier 65, côte 1079, t. II.
-
[29]
Ibid.
-
[30]
Les groupes de l’extrême gauche radicale et socialiste, de la gauche radicale-socialiste, de la gauche radicale, les socialistes parlementaires et l’union démocratique. Les groupes parlementaires n’existent pas juridiquement. Ils seront officialisés à la Chambre en 1910, sous un cabinet Briand.
-
[31]
Émile Combes, Mon ministère. Mémoires (1902-1905), Paris, Plon, 1956, p. 228.
-
[32]
Lettre de Mme Waldeck-Rousseau à Alexandre Millerand : AN, papiers privés Millerand, 470 AP.
-
[33]
Émile Combes, op. cit., p. 237.
-
[34]
À la suite de l’interpellation de Georges Grosjean, membre anti-séparatiste de la commission, « sur la portée et le caractère législatif du texte présenté par le gouvernement à la commission des Églises et de l’État ».
-
[35]
Dans ses mémoires, Combes lie sa décision de déposer un projet de loi à la seule pression de la gauche radicale, alors qu’il souhaitait initialement s’aligner sur les travaux de la commission en les amendant : Émile Combes, op. cit., p. 238-239.
-
[36]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, côte 1079, t. II, séance du 28 novembre 1904.
-
[37]
L’Aurore du 31 octobre 1904, cité par Louise-Violette Méjan, op. cit., p. 136.
-
[38]
Rapport Briand, op. cit., p. 288.
-
[39]
Émile Combes, op. cit., p. 240-241.
-
[40]
Ibid., p. 241.
-
[41]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, côte 1079, t. II, séance du 28 novembre 1904.
-
[42]
Ibid.
-
[43]
Les protestants, menés par le pasteur Lacheret, le remercièrent d’avoir assoupli le projet Combes.
-
[44]
ACD, séance du 9 février 1905.
-
[45]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, cote 1079, t. II, séance du 14 février 1905.
-
[46]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, côte 1079, t. II, séance du 4 mars 1905.
-
[47]
Ibid.
-
[48]
« Au cours de ces deux années de discussion, je me suis livré, pour établir un rapport, à des recherches historiques […] depuis l’introduction chez nous du culte catholique. J’ai fait cette étude un peu en curieux et je me suis aperçu ensuite que j’ai été entraîné un peu loin. J’ai pensé à préparer un précis historique de l’histoire de la religion en France depuis le baptême de Clovis jusqu’au moment où le problème va se poser devant la Chambre », déclara Briand (AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, cote 1079, t. II, séance du 10 mars 1905). Il fut remercié par Buisson pour « cette œuvre magistrale, au nom de la commission ». Le texte de l’étude historique, écrit de sa main, a été retrouvé dans ses papiers privés : AN, fonds Briand, entrée alphabétique 2196.
-
[49]
Paul Grunebaum-Ballin, « La tentative de paix religieuse d’Aristide Briand », Cahiers laïques, 31, janvier-février 1956, p. 2-3.
-
[50]
Louise-Violette Méjan, op. cit., p. 83.
-
[51]
Paul Grunebaum-Ballin, La Séparation des Églises et de l’État. Étude juridique, Paris, Librairie Bellais, 1905, p. 2-3.
-
[52]
Rapport Briand, op. cit., p. 283.
-
[53]
ACD, séance du 29 juin 1905, dernier jour de réunion de la commission.
-
[54]
Véronique Bedin, op. cit., p. 380.
-
[55]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, côte 1080, t. III, séance du 14 avril 1905.
-
[56]
Ils représentent la quasi-totalité des documents parlementaires des procès-verbaux de la commission de la Chambre.
-
[57]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, cote 1080, t. III, séance du 14 avril 1905.
-
[58]
Lorsque plusieurs associations cultuelles revendiquaient la propriété des mêmes biens, l’autorité administrative chargée de statuer serait désormais le Conseil d’État et non le tribunal civil proposé dans le texte de Bienvenu-Martin et Briand.
-
[59]
Sur les autres aspects plus techniques de la loi dans les débats, voir Jean-Marie Mayeur, op. cit.
-
[60]
AN, procès-verbal de la commission de séparation, C. 7300, dossier 65, cote 1080, t. III, séance du 24 juin 1905.
-
[61]
ACD, séance du 22 avril 1905.
-
[62]
ACD, séance du 8 avril 1905.
-
[63]
Harvey Goldberg, Jean Jaurès. La biographie du fondateur du parti socialiste, Paris, Fayard, 1970, p. 387.
-
[64]
Georges Suarez, op. cit., p. 27-40, p. 55.
-
[65]
Seuls deux parlementaires alliancistes allaient voter contre la loi : Émile Constant, député de la Gironde, et Eugène Mir, sénateur de l’Aude. Sur le comportement des alliancistes, voir Rosemonde Sanson, L’Alliance républicaine démocratique. Une formation de centre (1901-1920), Rennes, PUR, 2003, p. 142.
-
[66]
Nicolas Roussellier, Phénomène de majorité et relation de majorité en régime parlementaire : le cas du Bloc national en France dans le premier après-guerre européen (1919-1924), thèse de doctorat en histoire de l’IEP de Paris sous la direction de Serge Berstein, 1991, 3 vol.
-
[67]
ACD, séance du 23 mai 1905.
-
[68]
Harvey Goldberg, op. cit., p. 385.
-
[69]
Correspondance privée de l’abbé Lemire, citée par Jean-Marie Mayeur, L’Abbé Lemire, un prêtre démocrate (1853-1928), Tournai, Casterman, 1968, p. 312-313.
-
[70]
ACD, séance du 17 mai 1905.
-
[71]
ACD, séance du 3 juillet 1905.
-
[72]
ACD, 1re séance du 22 avril 1905.
-
[73]
Cf. par exemple le témoignage de Paul Grunebaum-Ballin, op. cit., p. 15.
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[74]
MM. Delcassé (Ariège), Chaleil et Gabrielli (Corse), Jehanin (Ille-et-Vilaine), Jonnart (Pas-de-Calais), le comte de La Bourdonnaye (Maine-et-Loire), Peureux (Haute-Saône), Julien Goujon et Jules Siegfried (Seine-Inférieure), Capéran (Tarn-et-Garonne), le comte de La Rochethulon (Vendée).
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[75]
Charles Péguy, « Notre patrie », Cahiers de la quinzaine, VII, 3, 22 octobre 1905, in Robert Burac (éd.), Œuvres en prose complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1988, t. II, p. 18-19.
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[76]
Le Pèlerin, 9 juillet 1905.
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[77]
Paul Grunebaum-Ballin, op. cit., p. 17.
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[78]
Les cinq opposants étaient Léonce de Sal (Corrèze), Pierre Bizot de Fonteny (Haute-Marne), Pierre-Ernest Guillier (Dordogne), Léopold Thizard (Vienne) et Emmanuel de Las Cases (Lozère). Les élus séparatistes étaient issus de différents groupes parlementaires. Pour l’Union républicaine, cinq élus : Antoine Perrier (Savoie), Georges Le Chevalier (Sarthe), Émile Chautemps (Haute-Savoie), Gustave Alasseur (Loiret), Marcel Saint-Germain (Oran). Pour la gauche radicale-socialiste, Charles Daumy (Cher), Victor Méric (Var), le comte d’Aunat (Nièvre), Louis Blanc (Drôme) et Maurice Faure (Drôme). Pour la gauche démocratique, Ernest Vallé (Marne), Maxime Lecomte, rapporteur (Nord), Paul Regismanset (Seine-et-Marne).
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[79]
La commission sénatoriale continua de fonctionner après le vote de la loi. Bienvenu-Martin y entra en 1906.
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[80]
Archives du Sénat, procès-verbal de la commission de Séparation, t. I, côte 1279. Il s’agit ici de la séance du 18 juillet 1905. Quelques modifications intervinrent en cours de discussion : le séparatiste Bienvenu-Martin remplaça de Sal, dans le deuxième bureau, Combes fit de même avec Alasseur ; Louis Pichon, sénateur du Finistère, anti-séparatiste, remplaça le concordataire Léopold Thizard. La majorité de 13 contre 5 resta donc inchangée.
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[81]
Archives du Sénat, procès-verbal de la commission, t. I, côte 1279, séance du 12 juillet 1905.
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[82]
Ibid.
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[83]
Louise-Violette Méjan, op. cit., p. 206.
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[84]
Annales du Sénat, séance du 6 décembre 1905.
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[85]
Ibid., séance du 9 novembre 1905.
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[86]
Ibid., séance du 17 novembre 1905.
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[87]
Louise-Violette Méjan, op. cit., p. 205. Cf. aussi Christophe Bellon, Aristide Briand et la séparation des Églises et de l’État. Naissance d’un style politique nouveau (1902-1905), mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine sous la direction de Ralph Schor, université de Nice, juin 1998, p. 131-137.
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[88]
Annales du Sénat, séance du 9 novembre 1905.
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[89]
Ibid., séance du 17 novembre 1905.
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[90]
Ibid., séance du 23 novembre 1905.
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[91]
Ibid., séance du 25 novembre 1905.
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[92]
ACD, séance du 13 novembre 1906.
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[93]
Christophe Bellon, Aristide Briand et la naissance d’un centrisme politique (1905-1914), mémoire de DEA d’histoire de l’IEP de Paris sous la direction de Serge Berstein, 2000, p. 53-86.
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[94]
ACD, séance du 3 juillet 1905.
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[95]
Joseph Paul-Boncour, in Georges Suarez, op. cit., p. 61.
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[96]
Georges Clemenceau, ACD, séance du 30 janvier 1907.
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[97]
Jean Baubérot, « La laïcité », in Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli (dir.), La France d’un siècle à l’autre, 1914-2000. Dictionnaire critique, Paris, Hachette, 1997, p. 191-197.
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[98]
Jean-Marie Mayeur, La Question laïque (xix e-xx e siècle), Paris, Fayard, 1997.
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[99]
Serge Berstein et Odile Rudelle (dir.), Le Modèle républicain, Paris, PUF, 1992.
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[*]
Allocataire de recherche de l’Assemblée nationale, secrétaire adjoint du Comité d’histoire parlementaire et politique, membre de la rédaction de la revue Parlement(s), Christophe Bellon prépare actuellement une thèse sur « Aristide Briand et la délibération parlementaire (1902-1932) » à l’Institut d’études politiques de Paris. ( cbellon@ assemblee-nationale. fr )