Genres
Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, dossier « Sexualité et dominations », 84, 2001, 160 p., 14 €.
1 Cinq articles et une table ronde composent ce dossier dirigé par Sylvie Chaperon. Ils nous invitent à réfléchir à l’écriture de l’histoire de la sexualité en s’interrogeant sur les sources disponibles pour cette histoire au 19e et au 20e siècle. Cyril Olivier propose ainsi une lecture attentive des archives de la justice et de la gendarmerie de la petite ville de Chalais entre 1942 et 1945 ; il y montre comment les contextes de production des documents doivent être précisément repérés par l’historien. Laurent Ferron se livre encore plus explicitement au même travail en proposant une déconstruction des discours des manuels de médecine légale sur les femmes violées. Les médecins légistes s’y révèlent piégés dans une logique judiciaire qui veut des preuves objectives du viol que, juges comme médecins légistes, appréhendent à cette époque d’une manière extrêmement restrictive. Sans prendre en considération le témoignage de la femme violée, les médecins légistes produisent en fait un discours qui reconduit les préjugés misogynes dominants et s’efforce surtout de protéger les autres hommes d’accusations infondées.
2 Outre la question des sources, ce dossier permet de saisir les contours historiques, problématiques mais aussi nationaux de cette historiographie. Le numéro s’ouvre ainsi par un bilan historiographique proposé par Sylvie Chaperon et se clôt par les discussions de la table ronde sur les apports et héritages de Michel Foucault. Dans leurs contributions, Florence Tamagne et Jean-Yves Le Naour pointent les entraves, conscientes et inconscientes, que des sujets comme l’histoire de l’identité lesbienne ou la sexualité des « poilus » de la première guerre mondiale ont pu rencontrer. Leurs articles attestent aussi de l’évolution importante de l’historiographie récente sur ces questions.
3 Plus généralement, ce dossier spécial témoigne de la vigueur des travaux en cours et des réflexions sur l’histoire de la sexualité. Rejetant fermement l’idée d’une histoire cloisonnée, enfermée dans une définition réductrice de la sexualité, il s’agit de revendiquer une histoire articulée dans laquelle la sexualité permet de ressaisir – à l’instar des dominations – certains enjeux essentiels du monde contemporain.
4 Raphaëlle Branche
Genre et politique. Débats et perspectives, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2000.
5 Cet ouvrage rassemble onze articles de sciences politiques consacrés à la problématique de genre. Tirés de différents ouvrages, publiés entre 1983 et 1998, tous les chapitres, sauf un, sont traduits de l’anglais. Une Française, cinq Britanniques, deux Américaines, une Suédoise et une Hollandaise offrent un panorama varié de la production universitaire et des débats qui y ont cours. Ce panel de traduction auquel l’édition française est peu accoutumée (combien d’ouvrages fondamentaux sur le genre attendent toujours d’être traduits alors qu’ils sont disponibles dans la plupart des pays européens !) est dû à l’initiative de trois enseignantes de l’université de Genève (Véronique Mottier, Lea Sgier et Than-Huyen Ballmer-Cao). On leur sait gré de leur effort pédagogique et d’une introduction qui met bien en valeur l’intérêt et la diversité des courants théoriques qu’elles ont choisi d’illustrer autour de trois thèmes majeurs : la Citoyenneté, l’État et la théorisation du rapport public-privé.
6 L’ouvrage rassemble des spécialistes en gender studies qui, comme Caroline Pateman, ont atteint une véritable notoriété internationale. Si la lecture de l’ouvrage n’est pas aisée pour les non-spécialistes qui ne sont pas familiers des théorisations et modélisations en science politique, elle initie cependant aux différents sens et utilisations du concept de genre dans cette discipline. Sa valeur heuristique est ici largement démontrée autant pour interroger les catégories politiques traditionnelles, pour revisiter les grands auteurs (Locke, Stuart Mill), pour confronter les théories libérales, marxistes et féministes que pour proposer de nouvelles formes démocratiques. Face à une discipline qui s’est constituée sans prendre en compte la division de genre, les critiques et les questionnements sont multiples : la citoyenneté est-elle sexuée et le concept lui-même doit-il être conservé ? Comment la théorie féministe aborde-t-elle l’État et la démocratie ? Comment repenser les liens privé-public pour rendre compte de la domination masculine ? Le dernier chapitre sur les « théories politiques féministes et théories postmodernes du genre » reprend ces problématiques en les appliquant cette fois aux hommes et au masculin.
7 On regrettera le peu de place faite à des analyses plus empiriques, comme l’étude comparée des politiques sociales des États providence et celle des « Femmes dans l’Union Européenne » ou à des textes plus accessibles comme celui de Sonya Dayan Herzbrun sur la mixité dans le politique dans les sociétés islamiques (qui, il est vrai, ne souffre pas du filtre de la traduction). Une part plus importante aurait pu aussi être faite à la production francophone dans la bibliographie. Il s’agit cependant d’un ouvrage de base pour se lancer dans les études sur le genre et on espère que de semblables initiatives de traduction, en histoire des femmes et du genre notamment, puissent voir le jour.
8 Florence Rochefort
Société française
Valat Bruno, Histoire de la Sécurité Sociale (1945-1967). L’État, l’institution et la santé, Paris, Economica, coll. « Économies et sociétés contemporaines », 2001, 544 p., 15 €.
9 L’histoire contemporaine de la protection sociale en France reste encore mal connue. Les institutions de protection sociale – à commencer par la Sécurité Sociale – ont davantage intéressé les juristes, les économistes, les sociologues que les historiens. Pourtant, les sources ne font pas défaut, comme le rappelle Bruno Valat, qu’elles soient issues des organismes de Sécurité Sociale, des ministères concernés ou encore du Commissariat général au Plan. Il convient d’y ajouter ici les sources orales, et l’on regrette d’ailleurs que l’auteur n’ait pas rappelé l’originalité et les limites de l’enquête menée par Dominique Schnapper il y a près de vingt ans dont il utilise plusieurs éléments.
10 Le livre est issu d’une thèse, dont le titre original dit bien la teneur du projet : « Gouverner la santé ? L’impossible maîtrise des dépenses du régime général de la Sécurité Sociale, 1945-1967. » Dès 1947 s’est posé le problème de la maîtrise des dépenses de santé, et plus particulièrement de la difficulté à mettre en œuvre une prévision de ces dépenses dans un souci gestionnaire. L’auteur s’attache alors à décrire le fonctionnement des institutions, les rouages de la décision et la nécessité de réformer le système mis en place en 1945. Cette histoire s’achève sur les ordonnances de 1967, ou ordonnances Jeanneney, leur mise en œuvre et les difficultés ultérieures de la Sécurité Sociale relevant d’une autre histoire.
11 La première partie de l’ouvrage rappelle comment furent mises en place les institutions de Sécurité Sociale. Les imperfections des assurances sociales sont signalées, mais peut-être aurait-il fallu mentionner pour mémoire d’autres formes de protection sociale, à commencer par la mutualité, dont le rôle est loin d’être négligeable. La création de la Sécurité Sociale marque cependant un tournant majeur des politiques de protection sociale : l’État gagne en influence en tentant une véritable régulation et la Sécurité Sociale est conçue comme l’instrument d’un nouvel ordre social. En revanche, ces nouvelles institutions n’interfèrent pas dans la production et la distribution des soins. Elles ne peuvent donc influencer les dynamiques économiques du secteur de la santé, ce qui peut expliquer l’impossibilité de prévoir les évolutions de la consommation. De fait, comme le souligne Bruno Valat, ni les pouvoirs publics, ni les responsables des organismes de Sécurité Sociale n’ont imaginé que l’augmentation du niveau de vie et les progrès de la médecine ne puissent susciter de nouveaux besoins, et donc de nouvelles consommations en matière de santé.
12 La seconde partie de l’ouvrage est la plus inédite pour l’historien. Elle plonge au cœur des institutions et précise le rôle des syndicats, des ministères (Travail, Santé, Finances) ainsi que leurs choix sur la gestion et l’organisation de la Sécurité Sociale. Le rôle de la Fédération Nationale des Organismes de Sécurité Sociale (FNOSS) est ensuite rappelé : cette instance occupe très vite une position ambiguë. Elle souhaite se substituer à l’État dans la prise de décision mais peine à s’organiser en groupe de pression auprès des parlementaires. Enfin, elle est dominée par le courant réformiste, qui s’incarne notamment dans la figure de Clément Michel. L’analyse des rapports entre l’État et les différentes caisses permet également de saisir différentes dynamiques : le contrôle de l’État sur des organismes gérés selon des principes hérités du mutualisme, des réseaux multiples entre les caisses et des circuits d’argent non moins complexes, l’impossibilité d’un contrôle central de l’ensemble des caisses.
13 Dans un dernier temps, Bruno Valat analyse la croissance des dépenses du régime général de Sécurité Sociale : la démographie, l’augmentation du niveau de vie et les progrès de la médecine expliquent en grande partie cette progression. L’adoption du système de conventionnement en 1960 améliore la prise en charge des dépenses de médecine de ville. La réforme de 1967 intervient dans un contexte de crise financière sans prendre en compte l’ensemble des recommandations du Commissariat général au Plan pour des raisons politiques, les syndicats refusant notamment l’idée d’une programmation des dépenses qui pourrait pénaliser les assurés. Le régime général se scinde alors en plusieurs caisses nationales (CNAF, CNAV, CNAMTS), le pouvoir des syndicats ouvriers est réduit tandis que l’intervention de l’État, à des fins gestionnaires, est renforcée.
14 Cet ouvrage permet donc de comprendre, par la richesse de son information, les difficultés de fonctionnement du régime de Sécurité Sociale et les problèmes que soulèvent les projets de réforme. Les rapports de force entre l’État, les syndicats ouvriers et les représentants du patronat expliquent largement la force d’inertie du système de protection sociale français. On peut cependant regretter que l’auteur n’ait pas davantage exploité les acquis de l’économie de la santé, pour mieux comprendre les dysfonctionnements de l’Assurance Maladie, ou encore qu’il n’ait pas utilisé les travaux d’Éric Kocher-Marbeuf sur Jean-Marcel Jeanneney pour préciser le contexte de la réforme de 1967. Il n’en reste pas moins que ce livre sera utile à ceux qui s’intéressent aux mutations de la société française après 1945.
15 Sophie Chauveau
Mathieu Lilian, Mobilisation de prostituées, Paris, Belin, 2001, 333 p., 21,20 €.
16 À trois reprises au cours des dernières décennies, des prostitués, hommes et femmes, ont occupé le devant de la scène publique en prenant l’initiative de combats militants. Au printemps 1975, les prostituées de Lyon lancèrent un mouvement d’occupation d’églises afin de faire reconnaître leurs droits au travail et à la sécurité. Au printemps de 1985 fut fondé, après une longue genèse, l’International Committee for Prostitutes’ Rights. Puis sont venues une série d’initiatives dans le cadre de la lutte contre le sida, à partir de la fin des années 1980.
17 Comment fonder la légitimité d’un engagement à partir d’un statut que le corps social stigmatise au contraire comme illégitime ? La question court tout au long du livre de Lilian Mathieu, qui y répond en faisant appel au courant sociologique anglo-saxon de la « mobilisation des ressources ». Ainsi les prostituées de 1975, faute de pouvoir défendre seules la dignité de leur combat, s’appuient-elles sur des réseaux de militants, en l’occurrence chrétiens, eux-mêmes en quête d’une « cause » à l’heure où s’épuise le mouvement gauchiste. C’est au terme d’une négociation tacite où chacun apporte la part de capital symbolique qu’il possède en propre – cause contre légitimité, en quelque sorte – que se définissent les termes de la protestation collective.
18 Outre cet apport sociologique, le livre de Lilian Mathieu intéressera l’historien du temps présent pour deux raisons. Il donne un contenu historique à l’utopie des années 68 selon laquelle la société n’est jamais mieux comprise qu’à partir des figures inscrites sur ses marges. Ainsi la mobilisation de 1975 formule-t-elle à sa manière une revendication de maîtrise de son corps face à l’arbitraire masculin, qui est celle d’une génération de féministes – ni Simone de Beauvoir, ni Gisèle Halimi ne s’y trompent, qui soutiennent le mouvement. Et le combat des prostitué-e-s contre le sida fait écho au renouvellement de pratiques militantes à partir d’appartenances minoritaires revendiquées comme telles. On rejoint alors le second intérêt de l’ouvrage, qui est d’apporter sa pierre à une histoire très contemporaine des engagements, dans des sociétés où n’ont plus cours les idéologies de salut collectif qui dominèrent les militantismes au temps de la seconde révolution industrielle.
19 Denis Pelletier
Entrepreneurs, employés et ouvriers
Ndiaye Pap, Du nylon et des bombes. Du Pont de Nemours, le marché et l’État américain, 1900-1970, Paris, Belin, coll. « Histoire et société, cultures américaines », 2001, 397 p., 21,20 €.
20 La grande entreprise chandlérienne a réservé d’historiques surprises. Surtout quand, comme chez Du Pont de Nemours, l’innovation et les crédits de recherche et développement y furent florissants et que, de surcroît, la firme était porteuse de traditions scientifiques et techniques. Les histoires croisées de la fabrication des explosifs, de l’invention du nylon comme du caoutchouc synthétique, mais aussi celle de la fondamentale participation à la bombe atomique au plutonium sont ici relues à l’aune des activités d’acteurs majeurs, les ingénieurs. Le groupe professionnel, et tout particulièrement l’émergence du génie chimique dans le sillage de la mécanique et de l’électricité, est mis en perspective historique : la construction et l’affirmation de la spécialité, sa prise en compte dans les recensements, son organisation. Ses réseaux et influences se construisent dans une histoire industrielle où est forcément de rigueur une collaboration teintée de rivalités entre les spécialités et où l’influence des deux conflits mondiaux est primordiale. Les filiations techniques sont ici très pédagogiquement exposées, tout comme les implacables interférences entre activités de guerre et de paix, qu’il s’agisse du nylon pour les bas et les parachutes, mais encore de la cellophane aux multiples usages ou des peintures pour les murs ou les camouflages.
21 Fascinant portrait collectif, qui piste et assemble les formations, les carrières, les collaborations, puis les reconnaissances institutionnelles et managériales, mêlant tout à la fois l’histoire des techniques et des décisions économiques, bien sûr, mais aussi l’histoire culturelle, sociale et politique. Épinglée pour ses activités militaires et à cause de l’engagement républicain et libéral de ses propriétaires-dirigeants, Du Pont de Nemours accède cependant à une sollicitation étatique de mise en œuvre de ses savoir-faire : la réussite de la bombe lancée sur Nagasaki – collaboration de chimistes et de physiciens – lui ouvrira les larges marchés de la guerre froide. C’est désormais le génie nucléaire qui fait trembler le monde usurpant son ordonnancement.
22 Sylvie Schweitzer
Woronoff Denis, François de Wendel, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Références/Facettes », 2001, 297 p., 13,72 €.
23 Maître de forges, parmi les plus grands, homme politique d’influence, « leader syndical » présidant le puissant Comité des Forges et encore régent de la Banque de France : les titres de gloire et de pouvoir sont là. Mais François de Wendel, c’est aussi une identité industrielle éclatée, une vie surplombée par les guerres, lui qui fut un Lorrain né en 1874 et mort en 1949. Ingénieur civil des Mines, il est d’abord un patron, héritier de six générations de barons du fer, dont les choix techniques et entrepreneuriaux sont mis en perspective : si son père lui laissa en 1906 des moyens de production rénovés, lui hésitera face aux lourds investissements requis par une nécessaire modernisation aux lendemains de la Libération : libéral, conservateur, malthusien, il refuse à l’État une intervention dans l’entreprise privée, même sous forme de financements.
24 Cependant le premier métallurgiste de France trouvait également nécessaire l’investissement dans la politique, même si elle ne lui fut pas offerte sans combat : député de l’entre-deux-guerres, investissant le Sénat au moment de la menace électorale du Front populaire, Wendel fut plus un pilier de commissions qu’un tribun. S’il refusa, par défaut de présence, de voter les pleins pouvoirs à Pétain, si son hostilité à Hitler fut ancrée dans un antigermanisme ancien et profond, sa carrière politique cessa cependant avec la Troisième République.
25 La structure de la collection permet aussi la leçon méthodologique, en mettant en regard les représentations, organisées par exemple par la presse, et les analyses de l’historien. Les charges furent multiples, contradictoires et brutales, à droite comme à gauche, donnant la mesure de la légende construite du vivant même de François de Wendel. De ces accusations de compromissions, il est fait ici une justice tout en nuances.
26 Sylvie Schweitzer
Gardey Delphine, La dactylographe et l’expéditionnaire. Histoire des employés de bureau, 1890-1930, Paris, Belin, coll. « Histoire et société, modernités », 2001, 336 p., 19 €.
27 Jusqu’il y a peu, les hommes et les femmes n’accédaient que rarement aux mêmes métiers et la partition du marché du travail était indéniable. C’est dans les dernières décennies du 19e siècle, que le travail des bureaux se métamorphose avec l’apparition de nouvelles machines auxquelles les femmes vont être assignées. Machines à écrire, bien sûr, machines à calculer, machines à cacheter…, bref, cette mécanographie qui s’impose aux lendemains de la première guerre mondiale. La figure emblématique de ces « bas de soie » est bien sûr la dactylo, qui se mue encore en cette secrétaire aux multiples profils et fonctions. Les femmes ne prennent pas le travail des hommes, elles prennent juste une place dans la modernisation et la recomposition des méthodes de travail. Face à elles, les hommes, les « vestons », accèdent aux responsabilités, aux meilleurs salaires, voire, dans la fonction publique, aux concours qui permettent la promotion professionnelle et donc la mobilité sociale.
28 Ce sont les usines Renault qui, une fois encore, servent de matrice pour l’analyse des métiers de femmes et d’hommes. Dans ce cadre de l’extension de la grande entreprise, mais aussi des services, qu’il s’agisse du commerce, de la banque comme de l’extension des tâches que s’attribue l’État, le secteur tertiaire devient le premier pourvoyeur d’emplois, pour toutes et tous. Pour la période considérée cependant, force est de constater que les conditions de travail ne s’améliorent que bien lentement et que, si les lois réduisent le nombre de journées travaillées, les dérogations abondent. Avant 1936, on est quasiment dans le temps du non-droit des salarié-e-s, et encore plus des employé-e-s, soumis-e-s de surcroît à une vaste offensive de rationalisation du travail qui touche tout spécialement les métiers de femmes : que l’on songe aux pools de dactylos. De fait, et surtout quand l’on examine les salaires versés, la condition employée est bien proche de la condition ouvrière, même si les témoignages des contemporains – et les représentations sociales – tracent une stricte « ligne de col » entre les lieux de travail.
29 Une étude de « genre » donc, qui éclaire tout à la fois l’organisation sociale, la hiérarchie entre les sexes, mais encore l’organisation du travail et ses longues et drastiques évolutions vers une inégalité au travail bien peu compatible avec les principes si hautement affirmés d’une république égalitaire. À ne point l’admettre, on se condamne à ne point comprendre le monde du travail tel qu’il est aujourd’hui encore structuré.
30 Sylvie Schweitzer
Gayot Gérard et Minard Philippe (dir.), Les ouvriers qualifiés de l’industrie (xvi e-xx e siècle), Lille, Éditions Revue du Nord, coll. « Histoire », n° 15, hors série, 2001, 334 p., 24,39 €.
31 Le colloque tenu à Roubaix les 20-22 novembre 1997, dont ce livre constitue les actes, partait d’une préoccupation historienne, alors que la multiplication des fermetures d’usine stimule les activités de mémoire : réexaminer la situation des ouvriers qualifiés, en comparant différents pays et diverses branches industrielles. Il privilégiait les longues ou moyennes durées plutôt que des moments ponctuels.
32 Trois axes guident les contributions : les migrations et leurs logiques, la construction sociale de la qualification et l’évolution des marchés du travail. Si les chapitres consacrés aux migrations portent sur les temps antérieurs au 20e siècle, ils mettent en valeur le poids des filières familiales et professionnelles ainsi que l’importance des migrations dans la constitution même des mondes ouvriers. En ce qui concerne le 20e siècle proprement dit, les contributions qui portent sur la qualification ouvrière font ressortir combien, loin d’être une simple conséquence des techniques de production en vigueur et de leurs évolutions, elle résulte des rapports entre d’une part les ouvriers, porteurs de représentations et de savoir-faire, et d’autre part les entreprises caractérisées par leur organisation du travail et leurs modes de gestion du personnel, et enfin les institutions professionnelles ou de l’État. L’implication de celui-ci tend à se renforcer jusqu’aux dernières décennies, où la notion de qualification ouvrière se voit rediscutée. La structuration des marchés du travail fait également ressortir le jeu de groupes sociaux – hommes/femmes par exemple – ou l’action concurrente des syndicats et du patronat pour leur contrôle.
33 Ainsi le livre, à travers les situations variées qu’il rassemble, rattache à des enjeux sociaux bien concrets les valeurs traditionnellement attribuées aux ouvriers qualifiés telles que la fierté professionnelle ou la culture de métier.
34 Nicolas Hatzfeld
Colonisation française
Rivet Daniel, Le Maghreb à l’épreuve de la colonisation, Paris, Hachette, coll. « Littératures », 2002, 460 p., 24 €.
35 Professeur à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, Daniel Rivet est aujourd’hui reconnu comme le spécialiste attitré de l’histoire du Maghreb contemporain. Dans ce livre considérable, qui est une synthèse originale rédigée avec un rare bonheur d’écriture, Daniel Rivet présente essentiellement l’évolution des populations maghrébines à l’épreuve de la colonisation. La richesse des réflexions et des informations historiques fait l’admiration du lecteur : plus de deux cents ouvrages sont évoqués ou discutés, un glossaire de 219 mots arabes, berbères, voire turcs éclaire les citations. Ceux qui ont jadis admiré Charles-André Julien et Jacques Berque savent que Daniel Rivet doit être salué comme leur successeur en histoire et anthropologie du Maghreb.
36 Faire le compte rendu scientifique en quelques lignes d’une pareille somme (de 460 pages) est une gageure impossible. Relevons cependant son but annoncé dans les deux premiers chapitres : faire émerger le Maghreb colonial authentique loin des mythes et des partis pris. L’ouvrage s’emploiera donc à ressusciter ce que furent les projets coloniaux avant qu’ils ne sombrent dans les préjugés racistes et le matérialisme et ce que fut la réaction des sociétés maghrébines rurales et tribales face aux Européens, ces étrangers athées et dominateurs, ces colons vite agglomérés dans des villes. Après cette présentation sur ses intentions l’auteur peut évoquer le déroulement de l’histoire telle qu’il la voit. Celle de l’Algérie d’abord, la conquête archaïque et violente des Français, la guerre religieuse et l’État théocratique d’Abd el-Kader, mais ce sont surtout les vaines tentatives du « Royaume arabe » de Napoléon III, l’offre médicale et scolaire qui retiennent l’attention. Puis, après l’échec de la grande insurrection kabyle de 1871, s’affirme le triomphe colonial : la mainmise sur les terres indigènes, le peuplement européen, la naturalisation des étrangers et des Juifs. L’Algérie est « assimilée », croit-on, mais elle vit sous un régime d’exception. L’ordre tribal se dissout, mais l’Islam demeure et la francisation ne progresse pas. L’expérience des protectorats plus tardive fut plus habile. Elle était, dit Daniel Rivet, « un anesthésiant pour calmer la douleur d’un peuple vaincu » mais pour Bourguiba « le protectorat devait être un régime de transition vers l’émancipation inéluctable ». Au Maroc, il y eut bien à nouveau une guerre de conquête de 1907 à 1934 mais Lyautey s’employa à éviter la militarisation et l’administration directe pour conserver le régime du monde berbère et développer celui du Makhzen modernisé. Sur l’action du capitalisme au Maghreb, Daniel Rivet démontre avec précision qu’elle fut en somme une destruction créatrice. S’il y eut en Algérie une débâcle de l’agriculture nourricière, on peut parler de progrès dans les protectorats. La renaissance démographique bouleversa toutefois la géographie et les sociétés : les montagnards glissent vers les plaines et les Bédouins s’éparpillent, l’habitat nomade recule, les médinas se défont face aux villes neuves, l’artisanat s’effrite mais l’industrialisation locale ne progresse guère. Et la paupérisation tourne dans les divers Sud à la clochardisation.
37 Après la défaite de 1940 le Maghreb est soumis « au feu de la décolonisation ». Les dissidences et les rébellions s’y multiplient, les nationalismes progressent avec la montée de l’Islam, les protectorats s’effondrent puis l’Algérie implose. Sur la guerre d’Algérie vue du côté algérien, Daniel Rivet rapporte les jugements de quelques acteurs, quelques témoins ou quelques observateurs ; « La Révolution n’a pas été le fait du peuple ; elle a été dirigée par un groupe de militants qui ont dirigé le peuple ». C’est bien par l’emploi de la violence que le FLN écrase le MNA de Messali, qu’il s’empare de la société rurale, cependant que l’ALN est abandonnée dans certaines wilayas à quelques seigneurs de la guerre et que l’armée de l’extérieur prendra le pouvoir avec Boumediene.
38 Au total, tout lecteur attentif comprend les leçons que Daniel Rivet, sociologue et historien arabisant, a résumées jusque dans le titre de son livre : le Maghreb, c’est-à-dire l’Occident de l’Orient, est bien resté soumis à l’épreuve de la colonisation. Et les Français ne comprendront que trop tard l’arrivée de la décolonisation.
39 Charles-Robert Ageron
Harbi Mohammed, Une vie debout, mémoires politiques, tome 1 : 1945-1962, Paris, La Découverte, 2001, 419 p., 22 €.
40 Alors que se multiplient les travaux éclairant le versant français de la guerre d’Algérie, sans trouver d’équivalent de l’autre côté, ce livre permet de comprendre les conditions politiques de la formation du pouvoir algérien.
41 L’auteur commence par une présentation familiale et personnelle, au ton parfois intime et sentimental. Il brosse aussi le tableau d’une société coloniale complexe, par son milieu social, les engagements divers de son entourage, ainsi que la traduction locale de l’évolution politique de l’Algérie colonisée. Son entrée dans le nationalisme recentre le récit sur son parcours politique : ralliement au FLN, direction de la Fédération de France, responsabilités auprès de Belkacem Krim, représentation en Guinée… Les tensions internes au FLN puis au GPRA, minutieusement décrites, mêlent la méfiance envers le marxisme, dont l’auteur a souffert, la course pour le pouvoir et la montée en puissance de la composante militaire. Critique, Mohammed Harbi reprend des débats anciens pour défendre son point de vue et démentir, si nécessaire, les témoignages ultérieurs. Il n’existe pas de version innocente de ce passé dont l’écriture reste liée à des enjeux contemporains.
42 À la description soignée des lieux où il a vécu, il ajoute le portrait des hommes et femmes, aux destins souvent tragiques, qui ont jalonné son parcours. Tue avec pudeur, la souffrance d’une vie, consacrée au combat et régulièrement confrontée à la répression française ou aux éliminations entre nationalistes, se lit entre les lignes. L’exercice n’a pas dû être facile.
43 Sylvie Thénault
Courants intellectuels
Dupeux Louis, Aspects du fondamentalisme national en Allemagne de 1890 à 1945, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, coll. « Les mondes germaniques », 2001, 309 p., 24 €.
44 Depuis sa thèse sur le national-bolchevisme, parue en 1976, Louis Dupeux n’a cessé d’explorer, soit seul, soit à la tête d’une équipe de germanistes français, les nébuleuses intellectuelles de l’extrême-droite allemande : « Pessimisme culturel » du tournant des 19e et 20e siècles, « révolution conservatrice » de l’ère de Weimar, et leurs rencontres de divers types avec le national-socialisme : étiquettes d’ailleurs trop simples au vu de la complexité de ces courants, et qu’il a ici remplacées, peut-être inspiré par une actualité extra-européenne, par celle de « fondamentalisme ».
45 Voici donc un recueil de 19 articles, production féconde d’un quart de siècle, qui répond à trois questions restées longtemps obscures : pourquoi, dans une Allemagne impériale qui se trouvait en tête du progrès scientifique et industriel, cette hostilité de tant d’intellectuels contre le monde moderne ? Comment au contraire eux-mêmes, ou leurs successeurs des années 1920, ont-ils réussi à combiner cette philosophie de la décadence avec des impulsions nouvelles dans le sens de la jeunesse, du Progrès technique, voire de la Révolution, bref de toutes sortes de concepts dynamiques pourvus d’une majuscule ? Enfin, comment les ambiguïtés mêmes de ces concepts ont-elles conduit leurs auteurs, surtout les « racistes » (völkisch), à se rapprocher des théories nazies puis, tantôt à les rejeter comme démagogiques, tantôt à s’y rallier comme salutaires ? Ce problème particulier mais capital des rapprochements intellectuels qui ne sont pas toujours des filiations mais qui peuvent aboutir à des complicités, Dupeux l’aborde dans deux articles, qui délimitent avec précision les quatre thèmes partagés entre cette extrême-droite élitiste et le mouvement de masse nazi : le nationalisme de plus en plus teinté d’antisémitisme, le socialisme national, le culte de l’État fort et la dynamique révolutionnaire ; thèmes que le pouvoir nazi une fois établi devait s’empresser de « caricaturer » et de « criminaliser ».
46 La lecture de ces essais fera donc connaître en profondeur cet aspect original de la culture politique allemande mais, il ne faut pas le cacher, au prix d’un certain effort. Non que l’interprète de ces auteurs obscurs soit lui-même obscur : il a l’art au contraire de dégager clairement les articulations générales de leurs discours. Malheureusement, soucieux de ne laisser échapper aucune nuance, et craignant sans doute de trahir en traduisant trop simplement, il multiplie les termes allemands, les complications typographiques et les signes de ponctuation – ce qui, loin d’aider le lecteur, disperse au contraire son attention. Il devient alors presque impossible de lire à la suite deux ou plus de ces articles, alors que leur rassemblement avait justement pour but de nous faire sentir la continuité d’une pensée. C’est dommage.
47 Pierre Ayçoberry
Fauvelle François-Xavier, Chrétien Jean-Pierre et Perrot Claude-Hélène, Afrocentrismes. L’histoire des Africains entre égypte et Amérique, Paris, Karthala, coll. « Hommes et Sociétés », 2000, 402 p.
48 Le propos de cet ouvrage collectif est d’analyser les multiples manifestations de l’afrocentrisme, son épaisseur historique, ses réseaux, ses raisonnements, ainsi que les raisons de son succès – relatif selon les régions du monde.
49 L’afrocentrisme (le pluriel du titre évoque bien la multiplicité de ses expressions) y est défini comme un courant qui, dénonçant le caractère eurocentriste de la science moderne réputée universelle, en prend le contre-pied. Ses tenants tentent tour à tour de démontrer qui l’antériorité ou le primat des civilisations africaines sur toutes les autres, qui l’origine égyptienne de tous les Africains, qui le caractère irréductible de la dichotomie culturelle entre Noirs et Blancs.
50 L’un des principaux intérêts de l’ouvrage est son caractère pluridisciplinaire puisque les dix-huit contributions sont dues aussi bien à des spécialistes d’histoire (de la Grèce antique à l’Afrique contemporaine) que de linguistique, d’égyptologie, de philosophie, d’anthropologie, ou de sciences politiques. Afrocentrismes permet donc de dresser un bilan de ce courant de pensée et de ses prolongements dans différentes disciplines, grâce à quatre parties : la première, plutôt historique, est un retour sur Cheikh Anta Diop et ses héritiers ; la deuxième porte sur l’égyptologie revue par les afrocentristes, la troisième sur leurs rapports avec l’histoire en général et la quatrième sur des manifestations récentes de ce courant dans divers pays.
51 L’introduction présente à la fois les différentes contributions et les enjeux, éminemment politiques, du sujet traité. Et s’il ne s’agit pas, pour les responsables du volume, de faire un procès de l’afrocentrisme, nombre de contributions en démontrent les faux raisonnements ou le caractère réactionnaire (dû à l’usage immodéré des modèles les plus contestables de la science occidentale, comme le diffusionnisme, ou, pire encore, le racialisme).
52 On regrettera peut-être que les auteurs, bien que rappelant combien l’afrocentrisme est en quelque sorte une réponse (certes inadaptée) à des situations d’oppression dont la liste est hélas infinie, n’aient pas davantage eu à cœur d’analyser comment ce qui aurait pu être un instrument de l’émancipation a pu ainsi tourner à la pseudo-science, plus préoccupée de démontrer ses présupposés que d’aborder l’histoire des Africains dans le respect des méthodes scientifiques.
53 Anne Hugon
Religion, mission et engagements
Horn Gerd-Rainer, Gérard Emmanuel (éd.), Left Catholicism 1943-1955, Catholics and Society in Western Europe at the Point of Libération, Leuven, Leuven University Press, 2001, 319 p., prix non communiqué.
54 Le lecteur est mis en appétit dès l’introduction : « Ce volume constitue la première tentative d’analyse jamais entreprise du phénomène de catholicisme de gauche en Europe de l’Ouest entre 1943 et 1955, dans une approche transnationale et comparative » (p. 11). Effectivement, une douzaine de contributions traitent, sous le vocable de Left Catholicism, à la fois des engagements politiques (le MRP à la Libération et l’Union des Chrétiens Progressistes en France, l’Union Démocratique belge, le courant Dossetti de la « DC » ou les avatars du Partito Comunista Cristiano en Italie…), des courants de réflexion théologique irrigués par la pensée d’un Maritain, d’un Mounier ou d’un Chenu, et des expériences apostoliques novatrices comme celles des prêtres ouvriers en France et en Belgique, celles des mouvements d’Action catholique spécialisée en voie de sécularisation ou encore des innovations liturgiques en Italie. Les différents spécialistes donnent là une synthèse à jour des principales recherches, restées éparpillées jusqu’à présent, en multipliant les approches : monographie de B. Duriez sur le MPF ou de O. Cole-Arnal sur les prêtres ouvriers français et belges, analyse comparative de quatre revues catholiques, belges francophones par J.-L. Jadoulle, portraits de nombreux prêtres italiens (Mazzolari, Milani, Turoldo) brossés par A. Parisella, tableau de la situation en Allemagne (avec la figure de Walter Driks) peint par A. Lienkamp.
55 Il ressort qu’il y a bien un faisceau d’expériences nationales (plus ou moins complètes selon les pays, la France étant le seul lieu de convergence de toutes les formes d’innovation selon Y. Tranvouez) qui ont en commun la volonté de réformer les idées et les pratiques de l’Église catholique face aux problèmes de société, favorisée en 1944-1945 par un contexte international ouvert et dominé par le vécu de la Résistance et la victoire du travaillisme anglais. Les échanges transnationaux sont cependant rares et le débat sur la pertinence d’une appellation commune (Left Catholicism) reste entier : au-delà des problèmes de terminologie et de traduction (dont l’exemple italien offre une illustration parfaite), plusieurs auteurs s’interrogent à juste titre sur le concept lui-même, préférant parler d’expériences situées « à la frontière » de l’Église et de la société (Vecchio) ou de « champ d’action occupé par différents groupes catholiques radicaux » (Conway), mettant ainsi en évidence le caractère minoritaire des phénomènes décrits et éclairant les raisons de leur échec au début des années 1950. La dernière contribution insiste sur l’inégalité du rapport de forces entre, d’une part, un mouvement novateur essentiellement intellectuel, masculin et urbain et, d’autre part, une masse catholique rurale, féminine et conservatrice ainsi qu’un mouvement de travailleurs chrétiens restés pour la plupart fidèles à la hiérarchie. Dans un contexte international de plus en plus « prohibitif » (Van Kemseke), à partir de 1948-1949, la voie étroite du catholicisme de gauche s’est refermée.
56 Savoir si cette lucarne s’inscrit dans une continuité fait l’objet d’un autre débat et soulève la question de la tentation téléologique d’une histoire écrite à la lumière de Vatican II. Le catholicisme de gauche des années 1943-1955 est-il l’héritier des expériences de l’entre-deux-guerres et le précurseur des mouvements des années 1960 ? La plupart des contributions montrent que la guerre a introduit une césure sans doute plus décisive que l’héritage antérieur et suggèrent sinon des « connections directes » (Lienkamp) du moins des « réémergences sous une forme enrichie à la fin des années 1960 et au début des années 1970 » (Horn). Cet ouvrage très stimulant invite à repenser ces « lignes de continuité » qui relient deux « moments de crise et d’opportunités » (Horn), d’effervescence politique et idéologique, de la Libération aux théologies de la Libération.
57 Sabine Rousseau
Boniface Xavier, L’aumônerie militaire française (1914-1962), Paris, Cerf, 596 p., 36,59 €.
58 Xavier Boniface suit avec rigueur, sur une très longue durée, la naissance et le développement d’une institution à plusieurs titres paradoxale. Car ces hommes de Dieu, à la mission de paix, sont confrontés à la guerre et mêlés à ceux qui sont destinés à la faire, les militaires, même si l’armée de conscription est avant tout formée de civils en uniforme, comme eux en quelque sorte. L’auteur narre les aléas de la rencontre, de la complémentarité voire de l’opposition entre le sabre et le goupillon, sans oublier protestants et israélites minoritaires et sur-représentés de ce fait dans la logique de la loi de Séparation. Si les musulmans sont bien pris en compte quand ils rejoignent l’aumônerie, on eût aimé que la disparition des rabbins en 1940, comme par un tour de passe-passe, décrivît l’application du Statut des juifs à l’armée et à l’aumônerie. Cet escamotage sans explication est pour le moins surprenant.
59 L’ampleur de la chronologie et des terrains d’expérimentation, depuis la Grande Guerre jusqu’à l’Algérie en passant par les branches rivales de Vichy, de la France libre ou des camps de prisonniers, qui offre une respiration de longue durée, permet de réfléchir sur l’idée de croisade. Les aumôniers, nous dit Xavier Boniface, sont plus près de saint Martin que de saint Bernard. Mais on voit finalement assez mal se dégager une spiritualité de l’étude qui reste trop institutionnelle. Pourtant, c’est de l’articulation entre les fonctions caritatives et religieuses que naît l’originalité de l’aumônerie. Certes, sonder les âmes n’est pas le plus facile de l’histoire religieuse, mais n’est-ce pas sa finalité ? Il faut dire qu’il est malaisé de mener l’histoire d’une institution et de ses membres divers sur une telle durée. Comment comprendre que la « croisade » d’union sacrée de 1914 soit reprise non par les aumôniers fidèles à Pétain mais par ceux de la France Libre ? Ne pourrait-on évoquer des filiations entre ceux qui vivaient le front « comme terre de mission » en 1914 et ceux qui voyaient la France « perdre son âme » vingt ans plus tard ?
60 Les derniers chapitres, portant sur les guerres de décolonisation, sont les plus convaincants bien que les plus courts. Plus d’archives, des témoins ont donné de la profondeur à la narration : l’aumônerie s’affirme comme force morale, y compris en réfléchissant à la torture, et offre à son historien ses pages les plus maîtrisées.
61 Annette Becker
Rolland Jean, Monseigneur Maillet et les Petits Chanteurs à la croix de bois, Paris, Cerf, 2001, 150 p., 13,50 €.
62 Ce livre retrace la vie de Mgr Fernand Maillet (1896-1963). La manécanterie des Petits Chanteurs à la croix de bois a été fondée en 1907 à Vaugirard par des étudiants parisiens en application de la réforme de la musique religieuse souhaitée par Pie X qui déclarait : « Je veux qu’on prie sur la beauté. » L’abbé Maillet, ancien combattant de la Grande Guerre, vicaire à Belleville, fondateur d’une troupe de choristes-scouts, hérite de la manécanterie des Petits Chanteurs à la croix de bois en 1924 et la rend mondialement célèbre à partir de 1931 avec un premier voyage au Canada. Bien accueillie par les milieux de la chanson et du théâtre, la troupe se produit en Europe centrale avec l’appui de la diplomatie française et à nouveau en Amérique du Nord. Pendant la guerre, elle fait une tournée en Amérique du Sud en 1941 et dans les camps de prisonniers en Allemagne en 1943 : une anecdote rappelle comment l’abbé Maillet et ses chanteurs évitent de fraterniser avec une chorale de Hitlerjugend qui les attendait à Berlin. Après la guerre, les tournées reprennent à travers le monde et la Fédération internationale des Petits Chanteurs, qui regroupe 150 000 membres, tient des congrès réguliers. En 1951, la Fédération est approuvée par le Saint-Siège et l’abbé Maillet est nommé prélat. Sa troupe effectue deux voyages autour du monde en 1957 et en 1962. Mgr Maillet meurt en 1963. Son œuvre lui survit et demeure aujourd’hui avec les nombreux petits chanteurs dans les maîtrises des cathédrales mais le récit de ce livre, facile à lire et centré sur la figure de Mgr Maillet, s’arrête à la mort en 1978 de son premier successeur l’abbé Delsinne.
63 Yves-Marie Hilaire
Congar Yves, Journal d’un théologien (1946-1956), édité et annoté par Étienne Fouilloux, Paris, Cerf, 2000, 462 p., 37 €.
64 Le livre regroupe une série de journaux intimes qui s’échelonnent entre l’immédiat après-guerre et les retombées de la crise des prêtres-ouvriers, à la suite de laquelle Yves Congar fit partie de la charrette des théologiens dominicains condamnés au silence. Venu à Rome en 1946 en compagnie du père Féret, Congar est partagé entre son admiration pour l’Urbs devenue capitale universelle de la catholicité et son peu de goût pour les pompes et ce qu’il découvre de bureaucratie ecclésiale. Les sept fragments réunis dans le chapitre « premières alarmes » témoignent de l’intérieur de la montée de la crise progressiste, ils précèdent les deux pièces maîtresses que sont le récit du « journal de l’affaire » suscitée par Vraie ou fausse réforme dans l’Église, puis les textes consacrés à la crise de 1954. Certains documents ont leur poids de douleur, ainsi la « lettre à sa mère », écrite en 1956 depuis Cambridge : la tragédie est bien présente dans cette vie d’intellectuel, que n’épargnent ni les épreuves morales ni la douleur physique.
65 D’où vient cette exigence, si forte chez Congar, de consigner les faits dont il est le témoin ? Le sentiment de travailler pour l’avenir est précoce chez lui et se nourrit de la certitude qu’il sera un jour rendu justice à la légitimité de son combat. Cette certitude est celle du pionnier de l’œcuménisme, inquiété depuis la parution de son premier livre en 1937, et qui connaît l’enjeu politique du « retour aux sources » du christianisme. Elle est aussi celle de l’ecclésiologue qui constate le fossé entre la société ecclésiale et le monde au temps de Pie XII. Elle contraste avec la modestie du personnage et son opiniâtreté à toujours remettre son ouvrage sur le métier. Mais Congar est aussi, viscéralement, un historien de vocation. L’expérience précoce de la première guerre mondiale joue ici son rôle – on se rappelle le Journal de la guerre 1914-1918 tenu par l’enfant Congar et naguère (1997) publié par les mêmes éditions du Cerf. La conscience historique est aussi une manière de penser le changement dans l’Église : qu’est-ce que la tradition, sinon la lecture d’un héritage à la lumière de l’événement présent ? Une génération de théologiens, celle qui a « préparé » le Concile, s’est nourrie de cette passion de l’histoire, que Congar plus qu’un autre a su transformer en une part de son œuvre. Ainsi le voyons-nous devenir, peu à peu et à titre posthume, le meilleur et peut-être l’ultime témoin d’un temps révolu du christianisme. Irréprochable comme toujours, l’appareil critique élaboré par Étienne Fouilloux contribue beaucoup à faire de ce document historique une œuvre, au meilleur sens du terme.
66 Denis Pelletier
Fumet Stanislas, Histoire de Dieu dans ma vie, Paris, Cerf, « coll. L’Histoire à vif », 2002, 824 p., 36 €.
67 Aux côtés des Grandes Amitiés de Raïssa Maritain, les mémoires de Stanislas Fumet, ici rééditées avec soin, demeurent un témoignage clé sur la situation inédite vécue par le catholicisme français au début du 20e siècle : le rapprochement entre des fractions de l’avant-garde littéraire et artistique (Claudel, Bloy, Péguy, Reverdy, Severini) et l’Église, généralement après une conversion. Cette pêche miraculeuse des âmes tint tout autant du désarroi des esprits avant et après 1914, que du prestige d’un thomisme ouvert aux innovations artistiques tel que le défendait Maritain et promu, un temps, philosophie à la mode par Jean Cocteau ou Maurice Sachs, et qu’enfin du magnétisme exercé par quelques personnalités d’exception parmi lesquelles figurent les deux couples Maritain et Fumet. Chez ces derniers, défile toute une Internationale catholique, fortement imprégnée de mysticisme et ouverte au dialogue interconfessionnel, opposée aux doctrines d’un catholicisme politique illustré jadis par de Maistre, puis par Maurras dans les années 1910-1920. De cette école de cadres du « 15 rue Linné » à Paris, devaient naître plusieurs initiatives d’envergure : la collection « le Roseau d’Or » chez Plon entre 1926 et 1933, brillante contre-NRF (Bernanos, Reverdy, Green), les entreprises de presse Temps Présent (1937-1940) et Temps Nouveau (1940-1941). L’après-guerre, en revanche, coïncide avec une progressive marginalisation politique (Fumet, gaulliste, s’oppose à un Beuve-Méry), intellectuelle (seule la radio lui offre, dans les années 1960, une tribune) et spirituelle (malaise devant Vatican II). Dans cette foisonnante évocation, on pourra glaner à sa guise une multitude de croquis sur la vie intellectuelle (Bernanos, Péguy, Claudel) et artistique (avant 1914, sur les peintres Marcel Lenoir, Henry de Groux par exemple). Surtout, grâce à l’insertion de nombreuses correspondances, nous est restitué le tempo spirituel d’une élite qui s’en alla peupler les monastères ou les oratoires. Au moment où, dans certaines régions, le catholicisme se voyait raclé jusqu’à l’os, ce contraste reste l’un des grands mystères religieux du siècle.
68 François Chaubet
Sources et témoignages
Chinsky Pavel, Staline, archives inédites 1926-1936, Paris, Berg International Éditeurs, 2001, 155 p., 18 €.
69 Pour son premier livre, Pavel Chinsky a un triple projet. Avant tout, il veut explorer l’inventaire 11 du fonds 558 (fonds Staline) du RGASPI (Archives d’histoire sociale et politique de Russie), un inventaire qui vient d’être rendu public et renferme la correspondance de Staline, pendant ses vacances estivales, entre 1926 et 1936.
70 Grâce à cet inventaire, le jeune normalien souhaite faire découvrir un Staline « parfaitement authentique » et apporter des informations inédites sur certains événements clés. Il aborde des thèmes aussi nombreux que divers : les relations de Staline avec Litvinov, commissaire du Peuple aux Affaires étrangères ; ses rapports avec la police politique ; sa riposte au « complot monarchiste » de 1927 ; l’organisation du premier procès de Moscou en 1936… Avec finesse et intelligence, il montre que Staline n’était pas une « éminente médiocrité », mais un animal politique qui refusait de déléguer son pouvoir et contrôlait parfaitement son image.
71 Le survol est brillant, mais gêne par son côté décousu. Certes, conscient des limites de ses sources, Pavel Chinsky commente abondamment ses « trouvailles » et les confronte à d’autres textes déjà publiés. Néanmoins, ce sont les spécificités de cet inventaire 11 qui dictent les limites de son approche : limites temporelles (1926-1936), choix des sujets et partialité des sources, puisque seules y figurent les correspondances de Staline, établies pendant l’été. Les vacances d’hiver seront pour une autre fois !
72 Malgré les qualités de cet ouvrage, sans doute est-il temps de s’interroger sur l’utilisation des archives soviétiques. Fascinés par ce qu’elles recèlent, de nombreux historiens n’ont-ils pas tendance à sacrifier des problématiques fortes à une volonté de publier des documents inédits ?
73 Cécile Vaissié
Desanti Dominique, Desanti Jean-Toussaint, La Liberté nous aime encore, avec Roger-Pol Droit, Paris, Odile Jacob, 2001, 331 p., 21,50 €.
74 C’est un cheminement à travers plus d’un demi-siècle qui nous est ici décrit, de la Résistance aux attentats du 11 septembre, en passant par le soutien au FLN et les luttes de mai 1968. Dominique et Jean-Toussaint Desanti retracent leur trajectoire d’intellectuels communistes, leur rupture avec le PC après 1956, puis le choix d’engagements moins structurés. Le livre dessine les réseaux et les compagnonnages (Sartre, Merleau-Ponty, Malraux, l’équipe de La Nouvelle Critique), et offre de saisir au plus près les itinéraires d’une génération intellectuelle, à commencer par l’engagement dans la Résistance (fondation du groupe « Sous la botte », puis de « Socialisme et Liberté » avec Sartre).
75 Les passages les plus décisifs, pour l’historien, concernent sans doute l’action dans le PCF. On ressent, à la lecture de ces pages, une tension forte entre la description de l’engrenage stalinien et la justification, par des intellectuels, de leur adhésion prolongée. L’entretien décrit la camisole de force qui enserre les Desanti, par l’utilisation de leurs compétences et de leur savoir – leur parole est sans cesse sollicitée, ils sont de tous les meetings, sont embarqués dans l’élaboration d’une « science prolétarienne ». Comment expliquent-ils cet irrésistible effet d’entraînement ? D’abord, pendant la guerre, par l’admiration pour le « Parti de Stalingrad » et l’impression de participer à un combat vraiment efficace, dans la clandestinité. Puis par le sentiment d’être entourés d’un vaste réseau de camarades, sociabilité du parti si décisive, qui crée une sorte de confort moral au sein d’une contre-société. Enfin par l’obsession permanente de tuer en soi « le vieil homme ». Mais cette tentative d’argumentation, livrée en un dialogue sincère, n’exclut jamais les regrets.
76 L’ouvrage compte aussi de beaux passages sur une certaine conception de la liberté dans le couple. Il rappelle enfin la densité de deux parcours intellectuels, la rencontre de la philosophie et des mathématiques, pour Jean-Toussaint, l’expérimentation d’une forme particulière d’écriture, le « roman vrai », pour Dominique, biographe de Flora Tristan, Drieu La Rochelle, Sonia Delaunay.
77 Après la mort de Jean-Toussaint Desanti, ces entretiens apparaissent plus précieux encore, comme sauvegarde d’une mémoire intellectuelle et militante.
78 Ludivine Bantigny
D’Aragon Charles, La Résistance sans héroïsme, Texte présenté par Guillaume Piketty, Genève, Éditions du Tricorne, 2001, 258 p.
79 Un éditeur suisse a eu l’heureuse idée de republier les mémoires de Charles d’Aragon (1911-1986). Parus d’abord au Seuil en 1977, ces souvenirs de résistance portent la marque de leur temps. Signe de la nouvelle phase historiographique débutant dans les années 1970, le ton de l’ouvrage est distancié, ironique jusqu’à l’autodérision parfois. Le titre, La Résistance sans héroïsme, fait partie de ce refus de se poser en donneur de leçons. Bien que l’auteur ait été un pionnier de la Résistance et qu’il soit devenu responsable de Combat pour le Tarn, puis chef de maquis et vice-président du Comité départemental de Libération du Tarn, il estompe son rôle pour mieux peindre une galerie de portraits tirée de ses rencontres de quatre ans. On ne trouvera donc pas dans ce livre un récit de la genèse et du fonctionnement de l’organisation résistante, mais plutôt une succession de tableaux impressionnistes présentant par année l’état des esprits et des forces résistantes dans le Tarn, à Toulouse, en Suisse – où l’auteur s’est réfugié quelques mois – et à Paris. Une sorte d’ethnographie du milieu résistant en ressort, qui met en lumière l’expansion de l’espace et du temps à raison des difficultés de communication ; les spécificités de l’esprit résistant de zone Sud – qui s’exprimait à ciel ouvert durant la première année et transparaissait dans la presse autorisée sous le couvert d’articles d’apparence anodine ; ou encore l’imbrication de certains réseaux de la Troisième République et de Vichy, à travers La Dépêche de Toulouse notamment.
80 Enrichi d’une substantielle introduction rédigée par Guillaume Piketty, cet ouvrage intéressera les chercheurs autant que les étudiants.
81 Claire Andrieu
Essais
Jeanneney Jean-Noël, L’Histoire va-t-elle plus vite ? Variations sur un vertige, Paris, Le Débat, Gallimard, 2001, 168 p., 13,50 €.
82 Y a-t-il pour un historien sujet de réflexion plus essentiel et plus stimulant que de s’interroger sur le rythme de l’histoire ? Pour s’en convaincre, il n’est que de lire le bref et talentueux essai où Jean-Noël Jeanneney discute la pertinence de l’axiome selon lequel l’histoire serait emportée par une accélération progressive. Sa réflexion a pour point de départ l’essai publié en 1948 par Daniel Halévy qui porte précisément ce titre et dont la thèse est devenue un tel lieu commun qu’elle a l’apparence de l’évidence. Ce consensus a paru à Jean-Noël Jeanneney trop bien établi pour ne pas être un peu suspect. Aussi a-t-il entrepris de soumettre cet axiome à une critique qui l’inscrit dans la durée et en scrute les applications en plusieurs directions : cette démarche nous vaut un éventail d’aperçus sur des époques diverses et des sujets variés. Même si l’on est tenté d’accorder à la thèse de l’accélération plus qu’il ne lui concède, il démontre que la faiblesse de l’explication de Daniel Halévy est de ne considérer dans l’histoire qu’un seul rythme, alors qu’il y en a plusieurs dont chacun a un tempo particulier : le contraste est par exemple saisissant entre le rythme endiablé de la technique et celui du mental ou du culturel qui se déploie avec lenteur dans la durée. Jean-Noël Jeanneney suggère que la discordance entre les différents rythmes va croissant : c’est peut-être la conséquence de cette accélération même qui recouvrerait de ce fait quelque pertinence. Une argumentation serrée qui puise de toutes mains nous vaut un éblouissant festival d’exemples et de références, rappelant heureusement qu’on n’est pleinement historien que si l’on réfléchit sur son métier et sur son objet et qu’on ne saurait le faire judicieusement que si, loin d’être enfermé dans la connaissance d’un seul temps ou d’un seul sujet, on en sait assez pour établir des rapprochements et faire des comparaisons sans lesquelles il ne saurait y avoir de connaissance scientifique.
83 René Rémond
Mongin Olivier, Éclats de rire. Variations sur le corps comique. Essai sur les passions démocratiques III, Paris, Seuil, 2002, 350 p., coll. « La couleur des idées », 23 €.
84 On serait tenté d’écrire ceci : cent ans après, Olivier Mongin reprend la question où Bergson l’avait laissée, avec la même conviction que le rire est cet éclat à la fois irraisonné et collectif qui nous rappelle au lien communautaire. Car si l’on rit pour soi, on rit rarement seul, et le lecteur se rappelle que lorsque Mongin reprit la direction d’Esprit en 1989, ce fut en opposant au scepticisme de l’heure « les deux types d’hommes sans lesquels il n’y a pas d’histoire : l’homme tragique et l’homme comique, indissociables l’un de l’autre, des Grecs à Rabelais et Charlie Chaplin » (« Éditorial. Contre le scepticisme », Esprit, janvier 1989, p. 7). Son livre est porté par le désir de raconter l’histoire du siècle à travers les manières de rire qui s’y sont succédé.
85 On peut l’aborder à l’aide de trois clés de lecture. L’une est contenue dans le premier sous-titre : d’un chapitre à l’autre, c’est du corps qu’il s’agit. Corps héroïque de Charlot, en quête de sa propre unité avec un monde dans lequel il ne trouve sa place qu’en cherchant à le sauver ; corps acrobatique de Keaton, toujours en fuite et menacé de désarticulation ; étrange corps de Monsieur Hulot, agile et maladroit dans le même instant, opposant à la ronde des objets sa gaucherie insoumise ; corps fébrile et petit-bourgeois de Louis de Funès, etc. Entre « corps comique » et corps social, le rire délimite sa place à l’individu sans cesse confronté à des événements qu’il ne maîtrise pas. Une deuxième clé réside dans le déplacement progressif du regard, depuis le cinéma jusqu’à la télévision, non sans une dette revendiquée à l’égard de Serge Daney. Le rire s’y désenchante, car la télévision montre moins des corps qu’elle ne met en scène des façons de parler, en sorte qu’au comique succède le « blagueur », personnage individuel ou collectif – la « bande à Ruquier » ou celle des Guignols. La troisième clé de lecture pourrait être le dialogue, presque exclusif dans ce livre, entre l’Amérique et la France, au détriment, par exemple, de l’Italie de Toto, Dario Fo et Moretti ou de l’Angleterre des Monthy Python, réduites à la portion congrue. Deux manières de rire s’y entrelacent, en sorte que l’on regrette un peu l’absence de l’itinéraire franco-américain d’un Maurice Chevalier, celle du Depardieu de Green Card, ou le passionnant I want to go home d’Alain Resnais. Car les États-Unis et la France sont aussi les deux modèles autorevendiqués de la politique moderne, qui invitent à prendre au sérieux le second sous-titre du livre, Essai sur les passions démocratiques. « Le rire, dissonant ou consonant, est une chambre d’écho de la communauté, de la relation que les corps entretiennent les uns avec les autres », écrit Mongin dans l’épilogue (p. 322) : son histoire traverse de part en part celle du politique.
86 Denis Pelletier
Mendel Gérard, Une histoire de l’autorité. Permanences et variations, Paris, La Découverte, Cahiers Libres, 2002, 284 p., 18,50 €.
87 L’ouvrage du psychanalyste et sociologue Gérard Mendel n’est pas un livre d’histoire, contrairement à ce que le titre pourrait laisser croire. Il s’agit d’un essai, qui choisit le détour par l’histoire plutôt comme survol venant alimenter une étude sociopsychanalytique de la notion d’autorité. La réflexion comparative sur des sociétés profondément éloignées dans le temps et l’espace (Grèce et Rome antiques ; Inde, Afrique et Occident contemporains notamment) permet la quête d’un socle anthropologique commun : la médiation d’une autorité protectrice prenant en charge les peurs enfantines – l’autorité étant symptôme du « sentiment abandonnique » de l’espèce humaine –, en échange d’une obéissance à cette contrainte supérieure. La thèse principale du livre repose sur l’idée d’un échec des sociétés démocratiques à assumer et outrepasser ces « peurs archaïques ». Gérard Mendel puise ses références aussi bien dans les ouvrages fondamentaux de la psychanalyse et de la sociologie que dans les situations élémentaires de la vie quotidienne (mise en scène de l’autorité sociale, asymétrie des rôles et des corps dans le face-à-face avec l’agent de police par exemple) ou encore dans des moments historiques (comparaison psychanalytique des figures de Hitler et de De Gaulle, étude de l’homme providentiel mué en « père » dans une conception familialiste de l’histoire). Dans cette perspective d’anthropologie comparative, l’auteur n’hésite pas à établir un rapprochement intéressant entre la société nazie et celle des Mundugumor de Nouvelle-Guinée, par leur système de valeurs apparemment semblable (violence, culte du héros guerrier, mépris de l’adversaire mis à mort). Pourtant, ce fourmillement d’exemples est aussi une faiblesse de l’ouvrage, qui semble ainsi voué à une certaine confusion au détriment d’une analyse plus serrée des références utilisées. Néanmoins, certaines pages sont particulièrement stimulantes, notamment celles qui touchent à l’autorité dans l’entreprise aujourd’hui. Le « néo-management » est abordé ici comme une manipulation séductrice et perverse, l’entreprise exigeant toujours plus de l’individu, savoir-faire mais aussi savoir-être, et conduisant à de nouvelles pathologies. Le livre ouvre ainsi des pistes de réflexion à l’historien, notamment celle d’une anthropologie historique générale et pluridisciplinaire.
88 Ludivine Bantigny
Bibliographie
Livres reçus
- 48/14. La revue du Musée d’Orsay, « Kupka. Les artistes cosmopolites », n° 14, printemps 2002, 114 p., 11 €.
- D’Almeida Fabrice (études réunies par), L’éloquence politique en France et en Italie de 1870 à nos jours, Rome, École française de Rome, coll. « Collection de l’École française de Rome » n° 292, 2001, 334 p.
- Andrieu Claire, Pour l’amour de la République. Le club Jean Moulin (1958-1970), Paris, Fayard, 2002, 616 p., 30 €.
- Archives nationales, inventaire par Françoise Adnès, avant-propos de Pierre Nora, Archives de la présidence de la République, IVe République : Vincent Auriol (16 janvier 1947-16 janvier 1954), René Coty (16 janvier 1954-8 janvier 1959), Paris, Centre historique des Archives nationales-La Documentation française, 2001, 408 p., 45 €.
- Bancaud Alain, Une exception ordinaire : la magistrature en France (1930-1950), Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », 2002, 528 p., 28,50 €.
- Bancel Nicolas, Blanchard Pascal, Boetsch Gilles, Deroo Éric, Lemaire Sandrine (dir.), Zoos humains. De la vénus hottentote aux reality shows, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », série « Histoire contemporaine », 2002, 480 p., 32 €.
- Baruch Marc-Olivier, Duclert Vincent (dir.), Justice, politique et République : de l’affaire Dreyfus à la guerre d’Algérie, Paris, Éditions Complexe, coll. « Histoire du temps présent », 2002, 266 p., 21,90 €.
- Berger Peter L. (dir.), traduit et présenté par Jean-Luc Pouthier, Le réenchantement du monde, Paris, Bayard Éditions, 2001, 190 p., 18,90 €.
- Bergère Marie-Claire, Histoire de Shanghai, Paris, Fayard, 2002, 528 p., 25 €.
- Bernhardt Christoph, Massard-Guilbaud Geneviève (dir.), Le démon moderne. La pollution dans les sociétés urbaines et industrielles d’Europe, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, coll. « Histoires croisées », 2002, 472 p., 29 €.
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- Utopie critique. Revue internationale pour l’autogestion, 22, 2e trimestre 2002, 96 p., 10 €.
- Vidal Laurent, De Nova Lisboa à Brasilia : l’invention d’une capitale, Paris, IHEAL Éditions, coll. « Travaux et mémoires de l’IHEAL » n° 72, 2002, 344 p., 20 €.
- Vivier Nadine, Dauphin Noëlle, Pécout Gilles, Waché Brigitte (dir.), Dictionnaire de la France du xix e siècle, Paris, Hachette Supérieur, coll. « Carré histoire-Les dictionnaires historiques », 2002, 288 p.
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- Weil Patrick, Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Paris, Grasset, 2002, 416 p., 21,50 €.