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Article de revue

Les intellectuels nationalistes québécois et la condamnation de l'Action française

Pages 83 à 98

Notes

  • [1]
    J’ai adopté la graphie Action française pour la revue et le groupe québécois et Action Française pour le journal et le groupe français (abrégé AF).
  • [2]
    Jean Hamelin et Nicole Gagnon, Histoire du catholicisme québécois. Le xx e siècle, t. 1 : 1898-1940, Montréal, Boréal Express, 1984.
  • [3]
    Eugen Weber, « Les amis étrangers », L’Action française, Paris, Fayard, 1985 : « Au Canada français, bien sûr, de nombreuses personnalités maintenaient des liens personnels avec les royalistes de France », p. 526.
  • [4]
    Michael Oliver, The Social ans Political Ideas of French-Canadian Nationalists, 1920-1945, Montréal, McGill University, 1957, p. 109-124 ; les leaders de l’Action française « were reluctant to accept the papal condemnation which Maurras and his party suffered from 1926 to 1940 ».
  • [5]
    Susan Mann Trofimenkoff, Action française. French-Canadian Nationalism in the Twenties, Toronto, Toronto University Press, 1975.
  • [6]
    Esther Delisle, Antisémitisme et nationalisme d’extrême droite dans la province de Québec, 1929-1939, Québec, Université Laval, 1992 ; Catherine Pomeyrols, chap. IV, Les intellectuels québécois, formation et engagements, 1919-1939, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 291 et suiv.
  • [7]
    André Laudouze, Dominicains français et Action française 1899-1940, Paris, Éditions ouvrières, 1989, p. 172 ; Jacques Prévotat, « Les réactions de l’épiscopat français devant la condamnation de L’Action française (vues à travers Les semaines religieuses) 1926-1927 », Études maurrassiennes, « Non possumus, la crise religieuse de l’AF », 5, 1986 et le dossier annexe n°XXII, entrevue Del Sarte-Villeneuve.
  • [8]
    Ronald Rudin, Making History in Twentieth-Century Quebec, Toronto, Toronto University Press, 1997 (traduit en Français sous le titre Faire de l’histoire au Québec, Sillery, Septentrion, 1998). Les références qui suivent renvoient à la version anglaise. Sans rentrer dans les débats et polémiques suscités par cet ouvrage, il me semble qu’il a beaucoup dérangé parce qu’il insérait les historiens eux-mêmes dans son objet d’étude, montrant en quelque sorte selon le mot d’Antoine Prost que « l’histoire, c’est ce que font les historiens ». La lecture récente du passé québécois a construit une interprétation fondée sur une lutte entre les « primitifs-conservateurs » et les « modernes-progressistes ». Rudin, après d’autres, invite à dépasser cette dichotomie, artefact historiographique.
  • [9]
    Voir Yuki Shiose, Les loups sont-ils québécois ? Les mutations sociales à l’école primaire, Québec, Presses de l’université Laval, 1995.
  • [10]
    Lionel Groulx (1878-1967) fait ses études classiques et théologiques au petit puis au grand séminaire, notamment à Montréal. Ordonné prêtre en 1903, il enseigne les humanités au collège classique de 1901 à 1915. De 1906 à 1909, il voyage en Europe pour des études de philosophie, de théologie (doctorat de la Minerve, Rome) et de lettres (université de Fribourg), et séjourne en France au séminaire d’Issy-les-Moulineaux. Nommé en 1915 Professeur d’histoire du Canada (en fait, dans le contexte de l’époque, conférencier à temps partiel, cinq séances publiques) à l’université de Montréal, qui s’émancipe de l’université Laval de Québec en 1919-1920, il y enseigne jusque 1948. Il rejoint en 1917 le groupe de l’Action française et devient l’un sept directeurs de la Ligue, qu’il quittera en 1928. Il est rédacteur en chef de la revue à partir d’octobre 1920. Historien autodidacte, romancier, conférencier, essayiste et homme d’action, il collabore à de nombreux journaux et revues, organise en 1925 une première « Semaine d’histoire du Canada » et fonde en 1946 l’Institut d’histoire de l’Amérique française auquel est attachée la Revue d’histoire de l’Amérique française (1947) qui existe toujours.
  • [11]
    Cf. les polémiques soulevées par la thèse d’Esther Delisle ou les débats sur les collaborateurs français réfugiés au Québec par exemple.
  • [12]
    Jean-Pierre Gaboury, Le nationalisme de Lionel Groulx, aspects idéologiques, Ottawa, Éditions de l’université d’Ottawa, 1970, p. 48.
  • [13]
    Pierre Hébert, « Quand éditer, c’était agir. La bibliothèque de l’Action française 1918-1927 », Revue d’histoire de l’Amérique française, 46 (2), automne 1992, p. 219-244.
  • [14]
    Ces caractéristiques sont déjà décrites par Esther Delisle dans l’introduction de Mythes, mémoire et mensonges. L’intelligentsia du Québec devant la tentation fasciste, Montréal, Robert Davies, 1998.
  • [15]
    Citation d’Henri Bourassa, se référer à la fin de l’article.
  • [16]
    L’Action française, « Avis important », janvier 1928.
  • [17]
    L’Action française, « Les livres du jour », octobre et novembre 1927.
  • [18]
    « Les intellectuels catholiques », Mil Neuf Cent, 13, 1995 ; Etienne Fouilloux, « “Intellectuels catholiques” ? Réflexions sur une naissance différée », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 53, janvier-mars 1997, p. 13-24 ; Pierre Colin (dir.), Intellectuels chrétiens et esprit des années vingt, Paris, Le Cerf, 1997 ; Philippe Chenaux, Entre Maurras et Maritain. Une génération intellectuelle catholique, 1920-1930, Paris, Cerf, 1999.
  • [19]
    L’Action française, « Le problème religieux », janvier 1927, la citation emboîtée est de janvier 1921.
  • [20]
    Susan Mann Trofimenkoff, Esther Delisle, Catherine Pomeyrols, op. cit. ; M. Torrelli, « Charles Maurras et le nationalisme canadien-français », Études maurrassiennes, 1, 1972, p. 169-177 ; Jacques Prévotat, Les catholiques et l’Action française. Histoire d’une condamnation 1899-1939, Paris, Fayard, 2001.
  • [21]
    L’Action française, février 1922, p. 96-97 ; mars 1922, p. 187.
  • [22]
    « La propagande en France », L’Action française, septembre 1922, p. 165-178. Lors de son premier séjour en 1906-1909, il avait assisté à un rassemblement de l’AF.
  • [23]
    « Le Canada et la Monarchie française », L’Action française, 28 janvier 1923, p. 2.
  • [24]
    « Notre directeur à Paris », L’Action française, mars 1922, p. 151-152, La France d’Outre-Mer, Paris, Librairie de l’AF, 1922 ; Centre de recherche Lionel-Groulx (CRLG).
  • [25]
    « Le comité de propagande à Paris », L’Action française, août 1922 ; correspondance Groulx-Vesins, A 3672, fonds Lionel Groulx (FLG), CRLG. Groulx est aussi en rapport avec Antoine Lestra dès 1922, il renoue ce contact au début des années 1930 ; correspondance, A 2342, FLG, CRLG.
  • [26]
    Catherine Pomeyrols, op. cit., p. 311-314.
  • [27]
    Souvenirs à vaincre, Montréal, HMH, 1974, p. 34.
  • [28]
    Catherine Pomeyrols, op. cit., p. 304-306.
  • [29]
    Enquête sur la monarchie, Kiel et Tanger, Romantisme et Révolution.
  • [30]
    Dupire à Pelletier, 15 mars 1929, correspondance B, 66, fonds Louis Dupire (FLD), CRLG.
  • [31]
    Vanier à Groulx, 19 mars 1927, A 3646, FLG, CRLG.
  • [32]
    Esdras Minville, « L’Action française », causerie au poste CKAC, 3 mars 1957, fonds Archambault, R3-12-10, Archivum Societatis Jesu Canada Français (ASJCF) ; publiée dans Les étapes d’une carrière, Montréal, Fides-HEC, 1988, p. 65-70.
  • [33]
    Arles à Groulx, 25 septembre 1926, A 86, FLG, CRLG.
  • [34]
    Chalout à Groulx, 7 mars 1927, A 704, FLG, CRLG.
  • [35]
    Groulx à Houpert, 29 juillet 1927, A 1781, FLG, CRLG. Venu passer deux ans en Amérique du Nord, Jean Houpert découvre les œuvres de Groulx et entre en contact avec lui. Il devient après la guerre secrétaire de la faculté des lettres de l’université de Montréal.
  • [36]
    Lettre du 4 janvier 1927, P 29/K 312, fonds Anatole Vanier (FAV), CRLG ; Henri du Passage, « La lettre de Pie XI au cardinal Andrieu », Études, 5 octobre 1926, p. 5-13.
  • [37]
    Vanier à Groulx, 20 février 1929, P 29/E 58, FAV, CRLG ; Yves de la Brière, « Le joug du Christ », Études, 5 avril 1928, p. 8.
  • [38]
    Groulx à Bruchési, 20 août 1927, A 586, FLG, CRLG : « Je vous avoue que, pour ma part, Maurras a contribué à me dégoûter de la démocratie. Mais je n’ai jamais gobé le cher maître. Ce grand esprit avec un trou par en haut, n’a jamais représenté pour moi la magnifique clarté de la pensée française ». Comme le remarque Mme Mann Trofimenkoff (op. cit., p. 25), il n’en admet pas autant dans ses Mémoires en 1970.
  • [39]
    Bruchési à Groulx, 23 mai 1927 et 26 juillet 1927 ; Groulx à Bruchési, 20 août 1927 ; A 586, FLG, CRLG.
  • [40]
    Groulx à Houpert, 29 juillet 1927, A 1781, FLG, CRLG.
  • [41]
    « Réponse de “Québec” » à l’enquête de Bernard de Vaulx sur « Le rayonnement de la pensée de Charles Maurras et l’influence de l’Action française », Almanach de l’Action française, 1928, p. 314-318 (réponses d’Adrien de Meeüs pour la Belgique, Eddy Bauer pour la Suisse, Francisco Garcia Calderon pour le Pérou, Carlos Pereyra pour le Mexique, Jean Bruchési/« Québec » pour le Canada) ; deuxième volet en 1929 « La pensée de Charles Maurras hors de France » : réponses d’Eugenio d’Ors pour l’Espagne, de M. Eliot pour l’Angleterre, d’un prêtre catholique bavarois (deux articles de la revue Menscheit).
  • [42]
    Ronald Rudin, op. cit., p. 20-27. Groulx construit dès 1905-1906 une nouvelle synthèse dans son petit manuel, entre catholicisme et nationalisme, et fait de la Conquête de 1763 un événement non plus providentiel (le Canada français a échappé aux maux de la Révolution et de la république anticléricale), mais catastrophique (le développement normal de la nation a été interrompu par l’envahisseur britannique) ; pour reprendre le mot de Roger Chartier, la rupture est ici performative et se rapproche de la conception de l’histoire des partisans de l’AF. Rudin précise aussi dans son ouvrage (chap. 3 sur l’école de Montréal) qu’à la fin de sa vie Groulx avait renoué avec une interprétation optimiste et que ce sont ses élèves (Guy Frégault, Michel Brunet, Maurice Séguin) qui ont repris dans leurs travaux la version catastrophiste. En ce début des années 1960 en effet, l’aspect catastrophiste de la Conquête est accentué et « this historical interpretation helped legitimize the reforms embodied in the Quiet Revolution » (p. 127).
  • [43]
    « Nos forces nationales », 1918 ; « Les précurseurs », 1919 ; « Comment servir ? », 1920 ; « Le problème économique », 1921 ; « Notre avenir politique », 1922 ; « Notre intégrité catholique », 1923 ; « L’ennemi dans la place », 1924 ; « Le bilinguisme », 1925 ; « Défense de notre capital humain », 1926 ; « La doctrine de l’Action française », 1927 ; « Soixante ans de Confédération », 1927 ; « Quelques problèmes de l’heure », 1928.
  • [44]
    Cf. la conclusion de Herman Lebovics, La vraie France, les enjeux de l’identité culturelle, 1900-1945, Paris, Belin, 1996.
  • [45]
    Susan Mann Trofimenkoff, Esther Delisle et Catherine Pomeyrols, ouvrages cités.
  • [46]
    L’Action française, janvier 1927, p. 4.
  • [47]
    Henri Bourassa (1868-1952), petit-fils de Louis-Joseph Papineau (un des leaders des « Patriotes » de 1837-38), n’a pas suivi le cours classique, a fait des études primaires et secondaires avec un précepteur français. Maire à 21 ans en 1889, il participe aux campagnes électorales des années 1890. Élu député libéral fédéral en 1896, il démissionne en octobre 1899 pour protester contre l’envoi d’un contingent canadien en Afrique du Sud lors de la guerre des Boers. Il est réélu député en 1900 et 1904 et se marie en 1905 (sa femme décède en 1919). Élu député provincial de la Ligue nationaliste en juin 1908, il choisit de ne pas se présenter aux élections provinciales de 1912 pour se consacrer au Devoir, quotidien qu’il a fondé en 1910, et dont il est rédacteur en chef jusque 1932. Il devient célèbre en luttant pour les grandes causes du début du siècle : les droits du français, le conflit du « Règlement 17 » de l’Ontario, la crise de la conscription de 1917. Il fait une dizaine de voyages en Europe, privés et semi-diplomatiques, et rencontre, notamment lors de son séjour de l’automne 1926, Stresemann, Mussolini et Pie XI. De retour sur la scène politique fédérale en 1925, il est battu en 1935 et se retire de la politique.
  • [48]
    Ces transpositions et ces utilisations ne sont pas spécifiques au Québec, la Suisse romande en offre aussi un autre exemple : cf. les travaux d’Alain Clavien, Les Helvétistes. Intellectuels et politique en Suisse romande au début du siècle, Lausanne, Éditions d’En Bas, 1993 ; « Plaidoyer pour un fantôme : l’intellectuel en Suisse romande au début du siècle », Mil Neuf Cent, 12, 1994, p. 129-149 et ceux de Claude Hauser, Aux origines intellectuelles de la question jurassienne. Culture et politique entre la France et la Suisse romande (1910-1950), Courrendin, CJE, 1997. Voir aussi les articles concernant la Suisse dans L’Action française et ses amis étrangers, numéro spécial de Sources. Travaux historiques, 53-54, 2000.
  • [49]
    Ubi arcano, 23 décembre 1922 : « Immoderatum nationis amorem » signifie « amour immodéré de la nation » et non « nationalisme immodéré », comme souvent traduit. Cf. Jacques Prévotat, « La condamnation de l’Action française par Pie XI », Achille Ratti, Pape Pie XI, Rome, BEFAR, 1996, p. 359-395.
  • [50]
    Le Devoir, 24 et 26 novembre 1923, souligné par Bourassa.
  • [51]
    Adélard Dugré sj, lettre à son frère Alexandre, 6 mars 1923, BO 57-7, ASJCF.
  • [52]
    Laurendeau-Bourassa, 28 novembre 1923 et 10 décembre 1923 ; P 2/B 214, fonds Arthur Laurendeau, CRLG.
  • [53]
    Vanier à Mgr Beaupin, 5 novembre 1923 et lettres Vanier-Bourassa, 26 et 28 novembre 1923, P 29/C et K 96, FAV, CRLG.
  • [54]
    Catherine Pomeyrols, « Les échos de la condamnation de l’Action française au Québec », L’Action française et ses amis étrangers, op. cit., p. 61-72.
  • [55]
    Dupire à Pelletier, 6 octobre 1927, correspondance B 66, FLD, CRLG.
  • [56]
    Sylvie Lacombe, « Entre l’autorité pontificale et la liberté nationale : l’anti-impérialisme britannique d’Henri Bourassa », Robert Comeau, Luc Desrochers (dir.), Le Devoir. Un journal indépendant (1910-1995), Montréal, Presses de l’UQAM, 1996, p. 274-275.
  • [57]
    Cf. Susan Mann Trofimenkoff, op. cit., p. 106 et suiv. ; et Ronald Rudin op. cit., p. 154-155. Parvenant très bien à concilier nationalisme et catholicisme, Groulx cherche à comprendre l’abandon de la cause nationaliste par Bourassa. Il explique cet « inexplicable » par une maladie mentale familiale appelée « scrupule religieux »… argument étonnant sous la plume d’un prêtre parlant d’un laïc.
  • [58]
    Esdras Minville, op. cit.
  • [59]
    L’Action française, « Le problème religieux », janvier 1927.
  • [60]
    Vanier à Bourassa, 8 février 1927 et Bourassa à Vanier, 3 mars 1927, P 29/K 96, FAV, CRLG.
  • [61]
    Il commence aussi à cette date à donner des cours d’histoire du Canada à l’Université de Montréal.
  • [62]
    Ronald Rudin signale dans son ouvrage que la conclusion du premier manuel d’histoire écrit par Groulx en 1905-1906 pour ses élèves du collège classique reflète la confiance des leaders nationalistes — tels Bourassa — en la Confédération, qui scelle l’alliance des « deux races fondatrices ». Dans le même temps, il prédit la dissolution de cette absurdité géographique et politique et évoque sans plus de précisions une entité francophone, voire un État indépendant ; Ronald Rudin, op. cit., p. 24.
  • [63]
    En 1913, le ministère de l’Éducation de l’Ontario émet des directives, connues sous le nom de « Règlement 17 », perçues comme une restriction du droit des Franco-Ontariens à une éducation dans leur langue maternelle. Déjà grave en soi, la crise s’inscrit dans le contexte de la guerre et se mêle à la question de la conscription. Cette question vient devant le Parlement fédéral canadien en 1916, provoquant des ruptures selon des critères linguistiques au sein des partis. En 1915 et 1916, la Cour d’appel de Toronto et le Conseil privé de Londres se prononcent contre les revendications des Franco-Ontariens et le pape demande aux catholiques de mettre fin à la controverse : lettre pastorale de Benoît XV, Commisso Divinitus, 8 septembre 1916, demandant aux catholiques canadiens-français de respecter l’autorité civile et lettre du 7 juin 1918 à l’épiscopat canadien. Bourassa fait partie de ceux qui se sont opposés au Règlement 17 et n’abandonna la lutte qu’en septembre 1916, lorsque le pape conseilla la modération.
  • [64]
    Cf. Jean Hamelin et Nicole Gagnon, op. cit., p. 308-313. C’est Mgr Bruchési qui demande à Groulx en 1915 de remplacer le professeur français assurant les conférences à l’université de Montréal, reparti en France à cause de la guerre (Ronald Rudin, op. cit., p. 35).
  • [65]
    Lettres Courchesne-Groulx, A 890, FLG, CRLG.
  • [66]
    Archambault à Groulx, A 77, FLG, CRLG.
  • [67]
    Dragon à Groulx, 8 juin 1930, FLG, CRLG.
  • [68]
    Groulx à Courchesne, 7 février 1929, A 890, FLG, CRLG. On en retrouve des échos dans l’œuvre postérieure de Groulx, par exemple dans une causerie faite au groupe de jeunes nationalistes Jeunesses Patriotes en septembre 1936 : il les avertit de se méfier des faux doctrinaires « pour qui tout nationalisme est épouvantail, hérésie, et qui nous dénoncent comme un peuple de nationalistes “outranciers” », dans Directives, Montréal, Zodiaque, 1937, p. 102.
  • [69]
    Susan Mann Trofimenkoff, chap. 9, « Decline and fall », op. cit.
  • [70]
    Le Devoir, 7 février 1927.
  • [71]
    Voir Robert Rumilly, Henri Bourassa : la vie publique d’un grand Canadien, Montréal, Chantecler, 1953 (ouvrage au statut particulier : l’auteur est un ancien Camelot du Roi, il a émigré au Québec en 1928 et écrit une histoire-chronique sans citer ses sources) ; François Weill, Les Franco-Américains. 1860-1980, Paris, Belin, 1989 ; Yves Roby, « L’agitation sentinelliste », Les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre, 1776-1930, Sillery, Septentrion, 1990, p. 273-330 ; Stéphane Doty, « “Monsieur Maurras est ici” : French Fascism in Franco-American New England », Journal of Contemporary History, 32 (4), 1997, p. 527-38.
  • [72]
    Cf. un récent article de Damien-Claude Bélanger, « L’abbé Groulx et la crise sentinelliste », Mens, I (1), 2000.
  • [73]
    Le Devoir, « L’affaire de Providence », 15 janvier 1929.
  • [74]
    Le Devoir, « L’affaire de Providence », 16 janvier 1929.
  • [75]
    Le Devoir, « L’affaire de Providence », 18 janvier 1929.
  • [76]
    Le Devoir, « L’affaire de Providence », 19 janvier 1929.
  • [77]
    Pour le Sillon : « Il y a erreur et danger à rattacher en principe le catholicisme à une forme donnée de Gouvernement. […] C’est le cas du Sillon qui, en rapprochant ainsi la religion d’une conception politique particulière, compromettait l’Église, divisait les catholiques, détournait la jeunesse et même les séminaristes et les prêtres de certaines formes d’Action catholique ».
    Pour Quas primas : « Fruits de cette apostasie [du Christ], les germes de haine, semés de tous côtés ; les jalousies et les rivalités entre peuples, qui entretiennent les querelles internationales et retardent, actuellement encore, l’avènement d’une paix de réconciliation ; les ambitions effrénées, qui se couvrent souvent du masque de l’intérêt public et de l’amour de la patrie, avec leurs tristes conséquences : les discordes civiles, un égoïsme aveugle et démesuré ».
  • [78]
    Bourassa à Vanier, 23 février 1929, P 29 K/96, FAV, CRLG. (L’abbé Édouard-Valmore Lavergne [1879-1948], curé de la paroisse de Notre-Dame de Grâce de 1924 à 1941, la perd pour cause de nationalisme excessif ; les passages sont soulignés par Bourassa). Cette lettre n’est reproduite nulle part, alors qu’elle se trouve dans un dépôt d’archives très fréquenté.
  • [79]
    Au même moment, en février 1928, Groulx s’engage, par contrat avec l’université de Montréal, à renoncer à la direction de l’Action française ; il choisit la professionnalisation. Cf. Patrice Régimbald, « La disciplinarisation de l’histoire au Canada français, 1920-1950 », RHAF, 51, 2, automne 1997, p. 163-200.
  • [80]
    Philippe Chenaux, conclusion, Entre Maurras et Maritain, op. cit.
  • [81]
    De 1927 au début des années trente, L’Action canadienne-française ayant disparu, le journal royaliste français ne mentionne pas, ou presque, le Canada français : après la condamnation, les liens personnels sont rompus. La fondation de la Ligue d’Action nationale en novembre 1932 et la publication de la revue début 1933 coïncide avec la réapparition du Canada français dans les colonnes de L’Action française : dans le Carnet des Lettres d’Orion/Brasillach (janvier 1933), dans les articles de fond (« Pour l’Amérique française », mars 1933).
  • [82]
    Jacques Prévotat, « Autour du parti de l’intelligence » dans Pierre Colin (dir.), Intellectuels chrétiens et esprit des années 1920, op. cit., p. 169-193.
  • [*]
    Ancienne élève de l’ENS de Saint-Cloud, aujourd’hui maître de conférences à l’université de Nantes, Catherine Pomeyrols est spécialiste de l’histoire des intellectuels. Elle a publié Les intellectuels québécois, formation et engagements, 1919-1939 (Paris, L’Harmattan, 1996).

1 Au Québec, une polémique s’est développée, depuis plusieurs années, à propos des liens noués par les intellectuels nationalistes du premier quart du siècle avec l’Action française de Charles Maurras, et de leur éventuel refoulement par l’historiographie. Le débat est sensible, parce qu’il touche à la question de l’identité canadienne-française. Catherine Pomeyrols, auteur d’une thèse remarquée sur les intellectuels québécois dans l’entre-deux-guerres prend position dans ce débat à partir d’un important dépouillement d’archives, montre l’extrême plasticité de la doctrine nationaliste de l’Action française, et comment celle-ci a pu être redéfinie et instrumentalisée au service d’enjeux intellectuels spécifiques. Son travail participe donc aussi d’une histoire attachée à montrer la circulation internationale des modèles culturels.

2 Il existait au Québec une revue intitulée Action français[1], mais l’histoire du catholicisme québécois [2] comme celle des idéologies ne sont pas très loquaces sur la question des liens entre le Québec et l’Action Française. Ils paraissaient pourtant évidents : Eugen Weber les considérait comme tels mais sans plus de précisions [3], Michæl Oliver avait abordé le sujet en 1956 [4] et l’ouvrage de Susan Mann Trofimenkoff [5] en faisait une première analyse. Esther Delisle et moi-même avons analysé les liens idéologiques et personnels dans nos thèses respectives [6]. Enfin, André Laudouze et Jacques Prévotat [7] ont fait apparaître le rôle central joué par le cardinal Villeneuve, ancien membre de l’Action française, dans la levée de la condamnation par Rome en 1939.

3 L’historien Ronald Rudin a récemment proposé une lecture renouvelée de l’écriture de l’histoire au Québec. Dans les années 1970 et 1980, une nouvelle génération d’historiens, qu’il qualifie de « révisionniste », a proposé une relecture du passé, faisant du peuple et de la société québécoise un peuple et une société « normaux ». L’histoire a été ainsi dédramatisée par rapport aux interprétations antérieures qui mettaient l’accent sur le poids de l’Église, le « retard économique », bref, l’anormalité de la société québécoise au regard d’autres sociétés occidentales modernes [8]. Cette génération d’historiens a coïncidé avec l’arrivée au pouvoir de la génération politique de ce qu’il est convenu d’appeler la « Révolution tranquille » : peu à peu, à travers les lois sur l’enseignement [9], l’immigration, etc., s’est construite une identité « québécoise », en partie destinée à répondre au « multiculturalisme » du gouvernement fédéral alors dirigé par Pierre-Eliott Trudeau.

4 Dans ce projet, l’histoire a été mobilisée au service d’une définition actuelle du peuple québécois, voire de la revendication séparatiste dont l’identité spécifique est un des supports. L’histoire écrite par l’abbé Groulx, des années 1920 aux années 1940, a été utilisée et relue par les historiens nationalistes de l’« école de Montréal » dans les années 1950 et 1960 [10]. Au cours des années 1970 et 1980, la génération des historiens « révisionnistes », en proposant une autre lecture du passé, se consacra à d’autres objets de recherche. Ainsi s’est peu à peu constitué ce que j’ai appelé dans ma thèse un « angle mort historiographique », au croisement de thématiques et d’une période devenues, dans ce contexte, moins attractives pour les recherches et gênantes pour le débat politique. Les références des années 1920 à 1940 ont été soit tues (Esther Delisle et Ronald Rudin évoquent dans leurs ouvrages ce « sound of silence »), soit réinterprétées pour servir dans un tout autre contexte que celui de leur élaboration, et parler à leur propos d’extrême droite, de maurrassisme, d’antisémitisme etc. est devenu « politiquement incorrect » [11].

5 La question des liens entre les intellectuels du Québec et l’Action Française, et tout particulièrement celle de la crise de la condamnation, se situent dans cet « angle mort ». En 1970, Jean-Pierre Gaboury les évacuait en jugeant plus sage de « se rallier au témoignage de Groulx lui-même », qui affirmait n’avoir jamais été maurrassien et évoquait une « heureuse concomitance et une précieuse attestation » entre les deux Action française [12]. Plus récemment, Pierre Hébert affirmait que l’Action française « n’a guère que le nom en commun avec l’œuvre de Charles Maurras » [13]. Ces deux exemples confirment à mon avis que les assertions des acteurs de l’époque sont trop souvent reprises sans recul critique, en raison d’enjeux actuels dans lesquels les liens avec le mouvement maurrassien sont gênants pour tout le monde [14]. Dans l’historiographie québécoise, chercher les traces des effets de la condamnation, c’est déjà poser un engagement historiographique face à un autre postulat inscrit dans les enjeux du nationalisme actuel, celui de la ténuité, voire de l’inexistence des liens entre les deux Action française.

6 L’examen des traces et des échos encore visibles dans le groupe d’Action française révèle chez ses membres une grande prudence et pour saisir les enjeux, il faut se reporter aux luttes entre nationalistes catholiques. La condamnation de l’AF intervient comme un élément dans une grave crise interne : certains faisaient référence à l’AF pour servir leurs intérêts sur la scène québécoise, mais après la condamnation, celui qui se place du côté du pape peut disqualifier les « sous-papes » partisans de l’« antipape » Maurras [15]. La crise de l’AF est donc instrumentalisée dans le cadre des luttes nationalistes au Québec : dans ce débat de la fin des années 1920 se jouent la définition de la nation et la légitimité de la parole sur la nation.

? L’Action française et la condamnation

7

« On sait les malheureux événements qui ont rendu suspect, par tout le monde catholique, le nom d’Action française. Nous n’avions rien de commun avec l’œuvre royaliste de Paris. Nous lui avions emprunté son nom comme, chez nous, beaucoup d’organes de presse qui adoptèrent un nom déjà usité en Europe. Il suffit que ce nom sonne mal aujourd’hui à des oreilles catholiques pour que nous en changions. Par simple déférence envers les autorités romaines, sans aucune pression ni invitation de qui que ce soit, mais de leur propre mouvement, les directeurs de notre Ligue ont décidé que la revue s’appellerait désormais L’Action canadienne-française […] Nos amis et lecteurs auront compris, une fois de plus, nous l’espérons, que notre foi de catholiques est au-dessus de tout. » [16]

8 Tel est le seul écho important publié dans la revue montréalaise au sujet de la condamnation. Si l’on cherche en effet des traces de la crise de l’AF dans L’Action française, on n’en trouve guère : aucun document publié, aucun article écrit ou reproduit ; le numéro de novembre 1926 signale l’ouvrage de Jacques Maritain, Une opinion sur Charles Maurras et le devoir des catholiques, dans la rubrique « Vie de la Librairie », et Lionel Groulx recense à deux reprises Primauté du spirituel[17]. Le dernier écho visible est l’annonce en janvier 1928 du changement de titre, citée ci-dessus. Si on arrête l’enquête à ce moment, on peut s’en tenir à une interprétation minimaliste de la crise de l’AF car le postulat de la simple homonymie entre les deux groupes a été posé par les acteurs de l’époque, qui se sont efforcés de minimiser leurs relations avec l’AF après décembre 1926. Les dires des acteurs doivent donc être pris pour ce qu’ils sont. L’étude des réactions – ou de l’absence de réaction – à la condamnation de 1926 dans ces milieux trouve tout son intérêt lorsqu’on sait l’importance de la crise de 1926-1927 comme événement fondateur de l’histoire des intellectuels catholiques [18].

9 Face à l’absence de données sur la crise de l’AF dans la revue montréalaise, l’observateur peut considérer cette absence comme normale, entérinant ainsi le point de vue des acteurs ; il peut aussi questionner cette absence et s’en étonner, car une autre analyse est possible : si le groupe ne parle pas de la condamnation, c’est qu’il ne souhaite pas en parler et qu’il peut avoir des liens à cacher. Entre les lignes de la revue québécoise, on peut trouver les indices d’un trouble : « Nos amis auront compris » signifie que des ennemis rodent. Un autre article, tout en rappelant l’indissolubilité du lien entre défense ethnique et catholicisme, contient aussi les précautions suivantes :

10

« Nous devons rester catholiques, français, fidèles aux traditions des ancêtres canadiens, catholiques d’abord : “Conserver à Dieu un peuple […] nous paraît une œuvre qui l’emporte sur le rêve d’une grandeur politique et matérielle. Et voilà pourquoi nous ne nous arrêtons pas à cette entreprise de reconstruction française comme à une fin […].” Et même, si la Ligue d’Action française se préoccupe tant de sauvegarder la personnalité ethnique de notre peuple, c’est pour qu’il réponde mieux aux vues de Dieu […]. Le problème religieux se résout donc chez nous par l’acceptation complète du catholicisme et de toutes ses conséquences, par la soumission parfaite aux enseignements, aux directions de Rome. […] si la Ligue d’Action française porte un si vif intérêt à la prospérité de l’Église canadienne, ce n’est pas parce qu’elle subordonne l’action catholique à l’action nationale. Ce qu’elle veut, c’est bien plutôt que notre peuple reste fidèle aux vues de Dieu sur lui. Nous croyons à la mission apostolique du peuple canadien-français. » [19]

11 Ces lignes permettent de saisir les contorsions et les contradictions dans lesquelles la Ligue est désormais empêtrée : le noyau de la doctrine posée par Groulx est le lien entre catholicisme et défense du groupe ethnique mais, après décembre 1926, l’obéissance à Rome entre en contradiction avec ce môle.

12 Si le groupe québécois juge utile de prendre des précautions, c’est que des liens existent et doivent être cachés ou atténués. Les liens idéologiques sont patents et bien connus [20]. Durant son séjour d’études en Europe, Groulx avait été choqué par l’anticléricalisme, à Rome et dans la France combiste. Lors d’un séjour à Paris en 1921-1922, au cours d’une « année sabbatique » consacrée à des recherches en archives à Londres et à Paris, Groulx avait fondé le Comité de propagande canadienne-française et le Cercle des étudiants canadiens de Paris [21] et défini un programme d’action en faveur du Canada français, jamais remis des « sarcasmes de Voltaire ». L’utilisation de l’AF sert ce projet :

13

« Un autre groupe qu’en toute justice nous ne saurions ignorer, c’est celui de l’Action Française. […] Serait-ce que par le fond même de leur doctrine, qui veut la cohésion plus forte de la race sous l’unité du chef, ils ont un sens plus aigu de la solidarité ethnique ? Une chose demeure et c’est la sympathie agissante pour tous les groupes de la famille de France. Un Canadien français catholique et un partisan de l’Action Française tombent vite d’accord sur la plupart des problèmes. Ce sont les journalistes de L’Action française qui ont le mieux compris notre attitude pendant la guerre […] Et celui qui tient la plume peut affirmer que les intellectuels du n° 14 de la rue de Rome se préoccupent vivement de l’avenir du Canada français. » [22]

14 Groulx a en effet établi des contacts personnels assez suivis avec des dirigeants de l’AF. En février 1922, il assiste au premier cours d’histoire de France à l’Institut d’Action Française, qui porte sur la perte des colonies [23]. Sa conférence au dîner mensuel de la Corporation des publicistes chrétiens est publiée à l’initiative de Bernard de Vesins, directeur de la Ligue d’AF [24]. En juillet 1925, de Vesins précise que « le service de L’Action française vous sera continué et j’espère qu’il vous aidera à faire connaître […] le vrai visage de la France ». Un échange est prévu avec la revue montréalaise [25].

15 Après son départ, le comité végète et Groulx charge le jeune Jean Bruchési de lui redonner vitalité : à partir de l’automne 1926, Bruchési se montre particulièrement actif dans le lobby canadophile français où croisent beaucoup de maurrassiens et de catholiques de droite. De 1924 à 1927, il fréquente les célébrités de ces milieux dont Massis, Bainville, Daudet et Maurras, assiste aux deux congrès de Luna Park (21 novembre 1924, 29 avril 1925) et au procès de Daudet (novembre 1925), lit L’Action française tous les jours [26].

16

« Charles Maurras dont la pensée m’a fait – et à de nombreux compatriotes – découvrir d’excellents moyens de préservation, pour ne pas dire une voie de salut, face à la démagogie, à la philosophie révolutionnaire. N’avais-je pas retrouvé, comme la majorité des étudiants canadiens de l’époque, dans une France quoique farouchement anticléricale, les fortes traditions que nos ancêtres avaient eu tant de peine à conserver, que nous entendions protéger contre les assauts [du dedans et du dehors] ? Dans L’Action française quotidienne, – et je n’étais pas le seul, Canadien ou non – je me délectais des chroniques de Jacques Bainville ou de celles du “vieux maître”, si attachant et si mal connu […]. Je n’en rougissais pas, même si la chose déplaisait plus ou moins à mes amis des Amitiés catholiques françaises à l’étranger [Mgr Eugène Beaupin], à ceux des Relations culturelles [Louis Joxe], voire à ceux de L’Aube et de La vie catholique [Francisque Gay] et à ceux du Bulletin catholique international [Charles Flory, Maurice Vaussard]. » [27]

17 La condamnation de l’AF survient donc au moment où ce réseau vient d’être réactivé et se révèle d’autant plus voyant que Bruchési se montre très entreprenant et affiche ouvertement son engouement pour l’AF. Les liens peuvent aussi s’observer dans les différentes rubriques concernant les livres : de 1917 à 1921, la revue ne signale que peu d’ouvrages français, et leur apparition à partir de février 1922 doit être rapprochée des liens établis par Groulx. La plupart des livres recensés sont issus de la Nouvelle librairie nationale, la librairie de l’AF, et des réseaux de droite. En outre, le « Carnet des lettres » d’Orion dans L’AF est une source très utilisée par la revue montréalaise [28]. Elle possède un service d’importation française créé en 1926, dont s’occupe Albert Lévesque, le « Choix d’étrennes instructives », de novembre 1926, comprend l’ouvrage de Maritain, mais aussi trois œuvres de Maurras [29].

18 Même soigneusement triée, cette référence reste sulfureuse et l’on comprend la peur des dirigeants et la discrétion de la revue lorsque tombe la condamnation. Pie XI a en effet été fort clair dans son allocution consistoriale du 20 décembre 1926 : « Il n’est pas permis non plus aux catholiques de soutenir, de favoriser, de lire les journaux publiés par des hommes dont les écrits […] ne peuvent pas ne pas être réprouvés et dont, non rarement, les articles de journal, les recensions et les annonces proposent des œuvres présentant pour leurs lecteurs, surtout les adolescents et les jeunes gens, de multiples dangers spirituels. » En 1926 les liens personnels avec l’AF sont assez forts et en grande partie construits par Groulx, qui est allé y piocher des idées et une référence dont le prestige lui sert à renforcer celui de son groupe sur la scène québécoise ; cette « double scène » est très pratique, l’ambiguïté avec le groupe maurrassien le sert, mais la condamnation de 1926 le prend à contre-pied, il lui faut faire marche arrière et effacer les traces.

19 Or, le directeur de la librairie, Lévesque, est visiblement un partisan du « Non possumus » et cela pose problème. À l’occasion d’un rapport interne au quotidien Le Devoir sur le déclin de sa librairie, Louis Dupire explique : « Nous n’avons qu’un stock limité par prudence financière et aussi par prudence morale. Nous ne vendons que du très bon – Bourget, Barrès, Bordeaux, Daudet, Maurras sont bannis ; or, toutes les grandes librairies tiennent à la devanture ou dans l’arrière-boutique tous ces ouvrages, y compris ceux mis à l’Index par le Saint-Office. Le client qui les juge bons puisque notamment la librairie officielle de l’Université et celle de l’Action française les affichent, nous jugent cagots de ne pas les tenir et s’en vont pour ne plus revenir. » [30] Vanier, lui, déplore que Lévesque fasse preuve d’un « esprit fort » qui ne peut que desservir l’Action française : « Pourquoi épouser sans nécessité la cause de Maurras contre le pape en pleine librairie ? » [31]

20 La condamnation de l’AF provoque au sein de la Ligue québécoise un émoi dont Minville témoigne en se justifiant rétrospectivement, dans une conférence radiophonique de 1957 :

21

« Je me rappelle en particulier l’atmosphère des réunions au moment où est survenue, en France, la condamnation par Rome de L’Action française et du groupe Maurras-Daudet. Plusieurs des membres de la Ligue connaissaient bien, pour l’avoir suivie depuis ses débuts, L’Action française de Paris, ainsi que les œuvres de Maurras. À travers les dépêches de journaux, les motifs de la condamnation n’apparaissent pas clairement – on sait d’ailleurs que, quelques années plus tard, cette condamnation devait être levée. Mais au moment où elle se produisit, elle causa un vif émoi dans ceux de nos milieux qui admiraient la haute intelligence de Charles Maurras, la vigueur de Léon Daudet, la lucidité de Jacques Bainville, et où l’on s’efforçait de réfléchir en profondeur sur les données de l’action nationale, en regard de l’action politique, et de l’une et l’autre de ces deux formes d’action en regard de la pensée et de l’action religieuse. » [32]

22 La lettre du cardinal Andrieu en août 1926 suscite la réprobation de l’abbé Beaudé (Henri d’Arles) : « Digitus in oculo, n’est-ce pas le titre qu’il faudrait donner à la mercuriale du cardinal Andrieu ? Cette manœuvre rejoint celle de Valois. La politique fait le fond de l’une et de l’autre. » Mais il s’inquiète de celle du pape, le 5 septembre : « Quoique le ton en soit assez vague et général, il me semble qu’il faut regretter que le Pape soit intervenu pour couvrir de son prestige cet amas de calomnies. » [33] René Chalout approuve Groulx d’avoir pris des précautions dans l’article de janvier 1927, « après la regrettable condamnation des nationalistes français » [34]. Groulx confie à un Français, Jean Houpert, les raisons du trouble :

23

« Inutile de vous dire que les récentes condamnations romaines ont suscité de vives impressions dans les milieux qui sont les miens. Intéressés d’assez loin à la question purement politique, nous avions pris l’habitude néanmoins de considérer L’Action française comme un journal de défense religieuse ; nous admirions la netteté de ses doctrines et notre conviction s’était faite, qu’au point de vue tactique, une réforme morale de la France n’était possible que par une réforme politique. Le pape a jugé que la doctrine maurrassienne contenait plus de périls que de promesses de vie. Nous nous sommes inclinés, catholiques de tradition et de convictions. » [35]

24 Anatole Vanier écrit à la revue Études pour exprimer son désarroi : « Je me demande encore si pour faire écho à la parole du pape il était nécessaire d’être si impitoyable pour les bons Français que sont en somme les membres de l’Action Française ! » L’article incriminé est celui où le père du Passage met en lumière le paganisme de la doctrine et sa contagion ; sans doute Vanier est-il déstabilisé par la manière dont Henri du Passage évoque la nécessaire fraternité chrétienne contre « la solidarité particulière d’un groupe ou d’une école » qui « traite en ennemis publics ceux qui, pour des motifs politiques, littéraires ou personnels, se sont trouvés en opposition avec eux » [36]. Vanier continue à suivre l’affaire de l’AF car il confie à Groulx en février 1929 que les problèmes de la revue viennent aussi des susceptibilités des évêques, des « directives romaines, toujours plus étroites vis-à-vis du nationalisme – excepté le nationalisme libérateur d’Italie, soit dit respectueusement ». Cet argument provient d’un ouvrage de Paul Courcoural, Le « danger » de l’AF, qui a été mis à l’Index en février 1928 : il y a peu de chances que Vanier l’ait lu mais il retourne dans un sens favorable au nationalisme québécois la critique qu’en a fait Yves de la Brière dans Études[37].

25 Lionel Groulx suit aussi l’affaire, et l’on cite souvent une phrase de ses Mémoires et celle d’une lettre à Bruchési pour démontrer qu’il n’est pas influencé par l’AF [38]. Mais cette remarque s’insère dans le cadre d’un repli stratégique après l’annonce de la condamnation, ce que la plupart des analystes oublient de noter. La correspondance entre les deux hommes évoque l’affaire de l’AF et Bruchési, inquiet de ce qu’on en dit au Canada, demande son avis à Groulx car « Bernard de Vaulx, secrétaire de Maurras, me demande un article dans ce sens pour l’Almanach ». En effet, seule publication à ne pas avoir été condamnée, l’Almanach de 1928 doit publier des articles en provenance de pays étrangers en guise de soutien à l’AF. Groulx lui en présente le danger et lui « confesse que bien des choses et bien des procédés m’ont étonné, dans la condamnation de l’Action Française. Mais, enfin, nous sommes catholiques, et à défaut de doctrine, la discipline nous interdit la révolte contre l’autorité. J’aimerais mieux me tromper avec l’Église que de prendre le risque d’avoir raison contre elle ».

26 Cet aveu me semble assez éclairant sur les convictions de Groulx, qui obéit par soumission, non par conviction. Il poursuit en disant avoir repéré une influence « de près » dans le milieu de l’Action française, « d’un peu loin » dans celui du clergé et lors de son séjour à Paris parmi les étudiants canadiens, puis analyse les raisons de l’intérêt envers l’AF et il me paraît assez clair que c’est de sa propre expérience qu’il parle :

27

« Qu’y cherchait tout ce monde-là ? 1° Presque tous étaient séduits par la cohérence de la doctrine nationale et politique [qui contrastait] avec l’effroyable émiettement des autres doctrines ; 2° quelques-uns aimaient la franche rondeur des attitudes du journal sur les questions religieuses […] qui, encore ici, contrastait si profondément avec la ridicule timidité de tous les autres catholiques ; 3° beaucoup qui ont continué d’aimer la France et qui s’accrochent à tout espoir de son relèvement, croyaient le voir poindre dans cette tentative d’une restauration monarchique, la plus sérieuse, la plus disciplinée qu’on ait tentée ; 4° si, à toutes ces catégories, vous ajoutez ceux, et il doit y en avoir, qui lisaient le journal pour son allant, pour l’odeur du scandale qu’il exhalait, pour sa tenue littéraire, pour les articles de Bainville, pour son excellente revue de presse, je crois que vous avez là une vue d’ensemble assez complète. De vrais disciples de Maurras, comme il s’en trouve en pays étranger, tel qu’en Belgique et en Suisse, il en existait peu au Canada, où la pensée politique est si courte et si étroite. » [39]

28 Dans cet exposé des motifs transparaissent d’évidentes parentés ainsi que toute la fascination et l’intérêt de se référer à l’AF, qu’il faut désormais abandonner et cacher. Groulx y prend ses distances, mais c’est dans un contexte de défense et de minoration. Sa pensée est beaucoup plus clairement exprimée dans une lettre à Jean Houpert qui reconnaissait être devenu catholique grâce à l’influence maurrassienne ; il y décrit les raisons du rapprochement avec l’AF, avec plus de précision qu’en septembre 1922, et l’on se rend compte à travers cette citation du traumatisme qu’a représenté son bref séjour dans la France de 1907-1909 :

29

« Vous êtes catholiques et vous êtes royaliste, l’angle est excellent pour nous bien comprendre. Cette sympathie, je l’ai trouvée, au cours de mes voyages en France, et vive et spontanée, auprès de tous les royalistes. L’histoire de votre pays ne datant pas de 89 pour vous et vos amis, la Nouvelle-France demeure une véritable entité historique. Pour expliquer notre mutuelle sympathie entre royalistes français et canadiens, j’ai déjà dit à quelques-uns de vos catholiques républicains : “Entre un royaliste et nous, il n’y a que l’océan et cela se passe ; entre nous et un républicain il y a la mer de 89 et cela ne se passe pas”. » [40]

30 Bruchési reprend l’argumentation de Groulx dans son article paru sous le pseudonyme de « Québec » dans L’Almanach de l’Action française, où cette argumentation côtoie l’expérience personnelle de Bruchési et de classiques arguments en faveur de l’AF. Il soutient cette dernière en tant que Canadien français car celle-ci défend le pape, la famille et les traditions, combat la franc-maçonnerie, la démocratie, le libéralisme, l’amour romantique et l’anarchie. Cette pensée est utile au Canada où, même s’il y a moins de « nuées révolutionnaires » à combattre, la pensée de Maurras est utile à la « préservation de notre petit peuple […]. Il faut défendre une tradition qui, jusqu’ici, a permis à une minorité de garder son caractère propre ». Bruchési expose les éléments de l’idéologie maurrassienne qui peuvent être utiles et transposés au Québec, au prix d’un tri soigneux de l’argumentaire, car il doit se montrer prudent face à l’AF qui cherche à rameuter des soutiens :

31

« Ce que Maurras dit et écrit en faveur des groupements de province, il le dit et l’écrit pour cette espèce de lointaine province intellectuelle qu’est le Canada français, mutatis mutandis. Il nous fournit des armes et des arguments. Sans entrer dans le débat récemment soulevé, sans prendre parti pour ou contre le système monarchique, nous croyons que la pensée de Maurras, lumineuse, puissante et toute faite d’implacable logique en même temps que d’un grand sens de la réalité, peut être pour nous d’un précieux secours. […] Quand Maurras réclame pour la France la réforme de l’éducation nationale, la réforme sociale venant après la réforme politique, la réforme administrative basée sur le lien national et la décentralisation ; quand il défend la “famille-chef”, il dresse un programme dont nous pouvons tirer grand profit. »

32 Même si la pensée de Maurras a « un grand trou par en haut » (Bruchési reprend ici l’argument de Groulx sur l’agnosticisme de Maurras) et qu’elle ne peut être suivie jusqu’au bout, « nous avons besoin de doctrines fortes » ; et Bruchési ne peut s’empêcher de lancer une nouvelle pique contre les catholiques trop frileux : « La cohérence de cette doctrine nationale et politique ne peut que nous séduire. La ferme revendication des libertés religieuses qu’elle proclame s’accorde mieux avec notre tempérament et notre histoire que la nonchalance, la faiblesse et la timidité de certains catholiques. » [41]

33 Groulx a joué pour les milieux nationalistes et intellectuels québécois le rôle d’un Maurras, son souci, que l’on peut observer dès son arrivée dans l’équipe, a été de donner au groupe une doctrine globale et cohérente, qui s’appuie sur une relecture du passé [42] : la vieille Ligue des droits du français de 1913 devient la Ligue d’Action française en février 1921, au programme beaucoup plus vaste que les droits linguistiques ; les grandes enquêtes dirigées par Groulx apparaissent [43], les liens avec l’AF se construisent lors de son séjour à Paris en 1922. Il donne une dimension supplémentaire au vieux refrain linguistique par l’introduction d’éléments idéologiques français de la fin de siècle et d’une structure de propagande et d’organisation, associant la continuité et la tradition à la contestation de l’ordre établi au moyen de la culture [44]. Comme l’Action Française de Maurras, l’Action française est à la fois une structure de sociabilité et une matrice idéologique, elle possède ses relais (milieu collégial, campagnes idéologiques, librairie), un organe principal (et un Almanach annuel), une idéologie cimentée par la vision historique de Groulx. Elle s’autoproclame porte-parole du peuple canadien français et s’identifie à la nation, selon un processus classique de synecdoque chez les nationalistes.

34 Situé dans un contexte différent, le groupe montréalais rejette l’athéisme de Maurras et accorde peu d’attention au royalisme, mais reprend et adapte d’autres éléments du bagage idéologique de la ligue française, retenant ce qui est transposable et intéressant pour sa cause : le dégoût de la démocratie et l’hostilité au parlementarisme (de surcroît au Canada anglo-saxon, ce qui fait des hommes politiques canadiens français des traîtres à leur race), l’opposition entre le pays légal et le pays réel (ethnicisé entre les Canadiens français et les « Anglos »), la défense de la famille traditionnelle et de la décentralisation, l’association avec le catholicisme d’ordre ultramontain, une conception de l’histoire s’accordant avec le providentialisme, des conceptions littéraires et esthétiques (génie latin, classicisme français du 17e siècle, avant la perte de la Nouvelle-France) [45].

35 La revue commence à publier à partir de janvier 1927 une série d’articles sur « La doctrine de l’Action française » pour exposer « la doctrine de la Ligue d’Action française sur les problèmes vitaux de notre vie nationale » [46]. Ce projet relève à mon avis de la même structure que celui de Maurras, s’il n’en a pas exactement le même contenu ; mais cette doctrine, dans la tourmente suscitée par la condamnation, est passée au crible et facilement assimilée à la doctrine condamnée outre-atlantique, avec les mêmes arguments : « système globalisant prétendant donner une direction dans des domaines qui relèvent de la compétence de l’Église, sans son mandat ».

? Luttes nationalistes et religieuses : Henri Bourassa et l’Action française

36 Ces échos qui attestent la présence d’un trouble ne prennent leur dimension que si on les réinsère dans le contexte des luttes entre nationalistes. Le nationalisme se renouvelle après la première guerre mondiale et le leader nationaliste d’avant-guerre, Henri Bourassa [47], dont les conceptions ont achevé d’être battues en brèche par la crise de la conscription de 1917, est jugé largement dépassé par le groupe de Groulx. L’utilisation du maurrassisme par Groulx et ses partisans permet de donner un cadre solide, de structurer davantage le groupe et de se démarquer de Bourassa [48]. En 1922, l’enquête de l’Action française sur « Notre avenir politique » commence à formaliser le nationalisme de Groulx et envisage une solution séparatiste si la Confédération venait à éclater. C’est dans la définition de ce nationalisme que l’utilité de la référence maurrassienne apparaît. Mais cette conception oppose rapidement le groupe de l’Action française à Henri Bourassa, partisan d’un nationalisme canadien fondé sur la coopération des « deux peuples fondateurs ».

37 Certains sont déchirés entre ces deux obédiences et reprochent à Bourassa de ne plus savoir mener le nationalisme. L’Action française s’érige en nouveau porte-parole légitime de la nation face à celui qui n’est plus capable, selon elle, de mener la lutte. Depuis 1922, les escarmouches n’ont pas manqué entre les deux groupes, et à la fin de 1923, lorsque Bourassa prononce, en réponse aux conceptions de l’Action française, une conférence intitulée « Patriotisme, nationalisme, impérialisme », la rupture est consommée. Suivant en cela l’interprétation d’Ubi arcano[49], il dénonce le « nationalisme outrancier » auquel il oppose un nationalisme chrétien qui tient compte de l’amour et de la charité. Surtout, il assimile le nationalisme de l’Action française au premier, dénonçant « un groupe de jeunes Canadiens français [qui s’évertuent] à préconiser la séparation complète […] de la seule province de Québec » : les séparatistes québécois, pas plus que les flamingants que Pie XI vient de rappeler à l’ordre, ne peuvent instrumentaliser l’Église dans leurs luttes, car celle-ci « ne sera jamais nationaliste » [50]. Cette conférence retentissante provoque la rupture : « Il est clair que l’Action française, pas plus celle de Montréal que l’autre, ne plaît au monsieur [51]. » Arthur Laurendeau rompt avec Bourassa, qui avait été son « initiateur politique. » Ce dernier ne regrette pas d’avoir dénoncé la « nocivité » du mouvement d’Action française, qui s’écarte « des idées que j’ai toujours professées » [52]. Anatole Vanier, qui s’était réjoui d’avoir bien « taquiné notre ami Bourassa avec cette perspective d’un État français », échange également des explications avec lui [53].

38 Rédacteur en chef du Devoir, Bourassa fait publier les principaux documents de la condamnation [54]. Cette publication n’est pas neutre : la crise de l’AF est « pain bénit » pour lui, elle lui donne raison et lui fournit les arguments pour réduire ses adversaires. Les arguments employés sont recontextualisés dans le débat québécois et Bourassa les transpose en les publiant. La position qu’il tient depuis 1922-1923 et son évolution personnelle (foi profonde, décès de son épouse, émotion suscitée par l’audience privée avec le pape le 18 novembre 1926) s’en trouvent renforcées et légitimées. Confortablement installé dans le « bon » camp par sa défense de l’autorité du pape, il peut apparaître comme son porte-parole au moment où le groupe de l’Action française, sur la défensive, doit effacer les traces de ses liaisons dangereuses.

39 Louis Dupire, du Devoir, qui l’accompagne en octobre 1927 dans une tournée d’enseignement patriotique dans l’Ouest du pays, précise « que dans les évêchés et les presbytères, M. Bourassa prêche avec beaucoup d’effet la soumission aux volontés de Rome » [55]. Nul doute que ce dernier s’est fait un malin plaisir de publier ces textes et d’attiser la peur chez ses adversaires qui le sentent bien. L’Almanach de la langue française de 1928, publié par la Ligue, contient une mise en garde de l’abbé Perrier, dont l’argumentaire sera repris par Minville en 1957 : « Nous ne nous sentons aucune inclination à calomnier les nôtres, et à créer la légende qu’il y a dans la race française au Canada des « extrémistes » qui veulent être français avant d’être catholiques. Ces prétendus « extrémistes » n’existent, sans doute, que dans certains cerveaux en quête de Bastilles à démolir. […] Sous prétexte que nous sommes catholiques, nous n’avons pas le droit d’être neutres ou tièdes, quand il s’agit de la patrie. Ce n’est pas le Christ-Roi qui nous blâmera dans nos aspirations. »

40 Toute une historiographie nationaliste, comme le remarquait Sylvie Lacombe, a souligné les contradictions et regretté la « dérive » du « Bourassa-dévôt » des années 1920 [56]. Ces termes, lourdement chargés de jugements de valeur rétroactifs, reprennent le jugement de Groulx dans ses Mémoires[57] et servent aussi aux débats contemporains. Bourassa, en bon ultramontain, suit les consignes de l’Église de Rome et ne conteste pas ses directives. La crise de l’AF a agi comme un catalyseur du débat polémique sur le nationalisme au Québec, Bourassa a triomphé temporairement et pris sa revanche sur l’Action française et le groupe de Groulx, dont la traversée du désert dure jusqu’au début des années 1930. Ceci fait mieux comprendre pourquoi des interprètes actuels du passé, laïques, se situant dans la filiation groulxiste, cherchent à minorer, voire à nier la référence maurrassienne du « champ d’expérience » des années 1920 et à mettre en avant l’image d’un Bourassa affaibli et confit en dévotion (ce qui est devenu désormais un argument en sa défaveur), puisque la crise de décembre 1926 a brutalement rendu publique la contradiction entre le catholicisme de la « nouvelle chrétienté » et un type de nationalisme.

41 En 1957, poursuivant la lutte des années 1920, Minville s’en prend encore à Bourassa : « En un temps où […] la nation était généralement identifiée à l’État ; où les nationalismes ainsi conçus étaient accusés, avec raison en bonne partie, de tous les maux dont le monde occidental avait eu à souffrir depuis un siècle et plus […], il ne manquait pas de gens qui, par ignorance ou par intérêt, trouvaient ingénieux de semer la confusion, d’assimiler le mouvement canadien au nationalisme étranger, et de prêter à ses auteurs des intentions qu’ils n’avaient jamais eues. » [58] La défense de l’Action française face à Bourassa prend la forme d’un syllogisme de collège classique : pour sauver le nationalisme canadien-français dans ce contexte, et aboutir à la conclusion selon laquelle « nous pouvons garder notre nationalisme », il faut poser en majeure que « nous sommes catholiques » et en mineure que Dieu a voulu le sentiment national [59].

42 Ce raisonnement est illustré par Anatole Vanier : « Tant qu’une défense ne nous parviendra pas, formelle, il me semble que nous pouvons bien protéger notre famille ethnique. Le sentiment de la race, le sens de sa conservation, que Dieu a mis dans le cœur des hommes n’est assurément pas mauvais en soi ». Bourassa démonte facilement ce syllogisme : c’est attribuer au pape des motifs politiques, c’est aussi « la voie qu’ont toujours prise les sectaires et même les groupes de catholiques qui veulent que le pape se place toujours de leur point de vue particulier sans tenir compte des intérêts généraux de l’Église » [60]. Bourassa dénonce l’instrumentalisation du divin et de l’Église, ce qui explique comment un laïc se trouve en position de donner des leçons de catholicisme à un groupe dont le leader est un prêtre.

43 Cette lutte peut se lire aussi comme une rivalité idéologique et générationnelle entre deux intellectuels pour la conquête de la légitimité : en 1922-1923 paraissent Naissance d’une race de Groulx [61] et « Patriotisme, nationalisme, impérialisme » de Bourassa. Ce dernier n’est pas seulement un homme politique, il a aussi un statut d’intellectuel, légitimé par une œuvre qui se décline en discours, brochures et articles, dont le célèbre « Discours de Notre-Dame » de 1910. Sa légitimité est antérieure à celle de Groulx, qui a été un fidèle auditeur et s’en détache dans les années 1910 [62]. Groulx n’accepte pas la résignation de Bourassa face à l’autorité dans l’affaire du « Règlement 17 » [63]. Lui-même a déjà eu maille à partir avec son évêque, Mgr Émard, qu’il jugeait trop libéral du temps où il était jeune professeur, et il a été « prêté » à l’Action française par l’archevêque de Montréal, Paul Bruchési, oncle de Jea [64]. La concurrence se situe aussi sur le terrain historique : Groulx, jeune conférencier à l’université de Montréal, doit se positionner face à Bourassa qui a une vaste culture dans ce domaine.

44 Cette crise de l’AF intervient au Québec comme un élément déterminant de la lutte entre deux groupes d’intellectuels pour la définition du nationalisme ; en 1928, Bourassa l’a emporté, il reprend la main dans la direction et la définition du nationalisme, alors qu’il se voyait accusé depuis quelques années d’être un has been. Victoire d’autant plus éclatante que le groupe de Groulx a craint la condamnation, d’où sa hâte à se démarquer et à minimiser l’apport de l’AF. Groulx lance l’alarme le 7 février 1929 : Villeneuve l’ayant prévenu que la rumeur d’une condamnation courait – des numéros de la revue ont été commandés par Rome –, il écrit à son ami Georges Courchesne, évêque de Rimouski, qui le rassure en disant avoir fait le nécessaire et trouve la « farce lugubre [65]. Le père Archambault s. j. s’indigne et cherche de l’aide pour contrer la manœuvre à Rome [66]. Le père Dragon s. j., sous-ministre de la Curie, le rassure : « Je me renseigne aussi sur nos problèmes religieux. Je ne manque pas d’aller causer avec des évêques canadiens de passage à Rome [67]. » Le groupe de l’Action française se sent donc pris dans la tourmente et craint d’être condamné à son tour, au terme de ce qui apparaît aux yeux de Groulx comme une « nouvelle manœuvre irlandaise » [68].

45 La crise de l’AF est en effet amplifiée par celle de La Sentinelle du Rhode-Island qui éclate durant ces années et fait « trembler les prêtres canadiens français dans leurs soutanes » [69]. Depuis la condamnation de l’AF, l’Action française s’est efforcée de sauver le môle défini en 1922 : la défense du groupe ethnique. Il lui a fallu, dans ce contexte très difficile, arriver à démontrer sa compatibilité avec un catholicisme d’obéissance et Bourassa n’a pas tardé à repérer les contradictions. Fidèle à sa ligne, il explique que religion, famille, unité nationale passent avant « la langue et les droits particuliers de chaque groupe ethnique » [70]. Cette question de la défense des groupes ethniques prend une dimension conflictuelle au Rhode-Island, où le groupe de la Sentinelle, organisé autour d’Elphège Daignault, s’oppose, au nom des droits des francophones, à l’évêque anglophone irlandais de Providence, Mgr Hickey, jusqu’à le traîner devant les tribunaux civils et faire appel à Rome. Le conflit a démarré en 1922, il s’aggrave en 1927 et conduit à l’excommunication du groupe en mai 1928 puis à sa soumission en novembre. Le danger est, cette fois, beaucoup plus pressant pour l’Action française, car certains de ses membres et sympathisants (Vanier, Groulx, abbé Lavergne, abbé Courchesne) sont en relation avec des sentinellistes ou approuvent leur position [71]. Groulx et quelques membres de son groupe, a priori favorables aux sentinellistes, les ont appuyés au début, mais ont été rapidement réduits au silence face à la radicalisation de ces derniers [72].

46 Dans un dossier publié dans Le Devoir, Bourassa analyse la crise sentinelliste et prend position : il répète qu’il n’est pas permis à des catholiques de contester l’autorité de l’Église, même sous le prétexte de défendre la langue, qui doit passer après la foi, faisant ainsi éclater l’antienne de la « langue gardienne de la foi » (position qu’il défendait jadis lui-même) et posant implicitement la question de savoir laquelle des deux garde l’autre. Il a conscience que ces articles ne plairont pas, compromis qu’il est auprès « des nationalistes outranciers qui me tiennent pour un transfuge » [73]. Il relate les événements en concluant son deuxième article : « C’est la répétition, en raccourci, de l’histoire de l’Action française »[74], le trait commun étant « la méconnaissance du principe d’autorité » [75]. Encore une fois, Bourassa a compris la position pontificale et les enjeux de cette crise et se fait « pédagogue » dans les pages de son journal, tentant inlassablement de faire comprendre à ses adversaires la doctrine de l’Église :

47

« L’Église s’accommode de toutes les formes de gouvernement, mais elle ne bouleverse pas le sien pour suivre les caprices de la mode. [… Elle a rompu avec] l’épiscopisme, le régalisme, le gallicanisme, le joséphisme. Elle oppose la même résistance aux prétentions du presbytérianisme, du démocratisme et du nationalisme. […] Jamais elle ne sacrifiera son principe d’unité et de catholicité pour satisfaire aux exigences nationalisantes ou aux tendances séparatistes des peuples et des races. […]. Sans doute, nos habitudes déclamatoires et verbeuses donnent à nos manifestations nationales une apparence souvent plus menaçante que la réalité. Elles ne laissent pas néanmoins que d’inquiéter les autorités de l’Église […]. Nous nous sommes souvent montrés chicaniers, ergoteurs, têtus, vaniteux, férus de l’esprit de race et de l’esprit de clocher, plus attachés à la langue qu’à la foi, plus français que catholiques. » [76]

48 On retrouve dans ces termes ceux de la condamnation du Sillon d’août 1910, d’Ubi arcano en décembre 1922 et de Quas primas en décembre 1925 [77]. Bourassa est particulièrement bien placé pour donner des leçons car, après avoir participé aux luttes, il s’est lui-même soumis lorsque l’injonction papale est venue. Il cherche à montrer que la bonne voie est celle qu’il a suivie. Finalement, peut-être est-ce ce ton de « donneur de leçon » que les nationalistes groulxistes ne supportent pas ; en 1929 Bourassa triomphe et dans une correspondance privée où ne pèse pas la modération des articles du Devoir, on peut trouver cette savoureuse tirade :

49

« Je ne me soucie pas des excommunications des sous-papes, d’autant moins que les susdits sous-papes font moins de cas du Pape, du vrai Pape, du seul Pape, vicaire de Jésus-Christ et chef infaillible de l’Église catholique, apostolique et romaine. Sans doute, si l’abbé Groulx était Pape, l’abbé Lavergne Grand Inquisiteur et mon ami Anatole gonfalonier de la Sainte Église, exécuteurs de ses hautes œuvres, Mussolini universel, l’Église et le monde seraient beaucoup mieux gouvernés. Mais que voulez-vous mon ami ? Le Saint-Esprit n’a pas pensé à cela. […] Voilà qui vous aidera peut-être à comprendre ce qui vous paraît “inexplicable” : que je m’en rapporte volontiers à la sagesse du Pape et de ses évêques dans les matières qui relèvent de leur autorité et de leur compétence, plutôt qu’aux docteurs improvisés, par eux-mêmes ou par la fantaisie d’un gros ou d’un petit public, ces docteurs fussent-ils tous des hommes de génie, comme vous et vos amis. » [78]

50 On comprend mieux dès lors les silences de l’Action française : elle se servait de l’AF comme caution légitimante et cette référence se retourne contre elle en donnant raison à Bourassa. L’épisode de l’AF s’inscrit dans une plus longue séquence qui s’ouvre en 1922-1923 et se clôt avec la fin de la parution de l’Action française et l’affaire de la Sentinelle en 1928-1929. Bourassa se trouve légitimé et le groupe groulxiste empêtré dans ses contradictions. Ce qui se joue pour l’Action française, outre la nécessité d’effacer les traces de relations devenues compromettantes, c’est l’impossibilité désormais de mettre le catholicisme au service de sa conception du nationalisme. La stratégie de nouvelle chrétienté de Pie XI remet en cause le type de lien établi entre catholicisme et défense du groupe ethnique, un type de nationalisme parmi d’autres et non le nationalisme lui-même, comme l’a compris Bourassa.

51 Que cette crise ne soit pas exempte d’arrière-pensées, d’exagérations, d’arguments polémiques est certain : tous les coups sont permis chez les intellectuels. L’assimilation du groupe de Groulx par Bourassa au « nationalisme outrancier » condamné est un argument polémique, sans aucun doute, mais l’Action française y a donné prise par son utilisation du maurrassisme comme stock d’idées, comme caution, comme point d’appui des réseaux. Le nationalisme groulxiste devra attendre 1932-1933 pour pouvoir émerger de nouveau. La condamnation de décembre a fourni une grille d’interprétation dont le groupe québécois a eu du mal à se dépêtrer, précisément parce qu’il avait sciemment cultivé la référence et l’ambiguïté au moment où elles l’arrangeaient.

52 La revue disparaît, après avoir changé son titre, mais elle n’est pas remplacée. Les catho-nationalistes sont rentrés dans le rang [79]. Bourassa triomphe, mais le terrain est vide et silencieux, il n’est pas occupé par une revue du type de la Vie intellectuelle en France, de Nova et vetera, en Suisse romande (abbé Journet) ou de Cité chrétienne, en Belgique (abbé Leclercq). Cette « nouvelle génération de revues » qu’évoque Philippe Chenaux [80] n’existe pas au Québec. Alors que des liens se tissent ailleurs entre les défenseurs du pape opposés à l’AF (Blondel, abbés démocrates, Gay, etc.), les Québécois en sont absents ou presque, en cette fin des années 1920, et les nouveaux mots d’ordre de Pie XI, ici comme ailleurs, ont du mal à passer. Le débat reprend dans les années 1930 avec la résurgence du nationalisme groulxiste (L’Action nationale, les Jeune-Canada, etc.) [81], la querelle entre Groulx et le père Lévesque o. p. autour de l’Action nationale et de l’Action catholique, la remontée au créneau de Bourassa en 1935 à la demande du père Paré s. j. contre ce type de nationalisme et le rôle actif du cardinal Villeneuve o. m. i. dans la levée de la condamnation de l’AF.

53 Le maurrassisme dont il s’agit ici est un « maurrassisme diffus » [82] et repris, adapté, non d’une stricte obédience, car à ce compte, même en France, bien peu le seraient ; cette palette d’attitudes fait précisément le maurrassisme intellectuel et non politique : après tout, les « maurrassiens » de Suisse ne réclament pas pour autant une monarchie. Ce n’est pas en effet le moindre paradoxe de cette doctrine nationaliste, assez souple pour se prêter à des transpositions, que cette manière de s’internationaliser et de donner naissance à de nombreuses adaptations « locales ». Les intellectuels qui importent et instrumentalisent le nationalisme maurrassien servent leur propre cause : dans les pays de catholicité et de francophonie, ils érigent un régionalisme ou un nationalisme qui s’auto-légitime par une langue, une histoire et la culture latine. La doctrine maurrassienne constitue une référence prestigieuse et fournit armature doctrinale et modalités d’action à des groupes d’intellectuels auxquels elles faisaient parfois défaut. La crise de la condamnation, ici comme ailleurs, fait éclater les contradictions et engendre toutes sortes de conflits, d’accommodations, de contorsions et de justifications, mais elle produit aussi à plus ou moins long terme silence, oubli et réécriture du passé par les contemporains.

54 ?


Date de mise en ligne : 01/12/2005

https://doi.org/10.3917/ving.073.0083

Notes

  • [1]
    J’ai adopté la graphie Action française pour la revue et le groupe québécois et Action Française pour le journal et le groupe français (abrégé AF).
  • [2]
    Jean Hamelin et Nicole Gagnon, Histoire du catholicisme québécois. Le xx e siècle, t. 1 : 1898-1940, Montréal, Boréal Express, 1984.
  • [3]
    Eugen Weber, « Les amis étrangers », L’Action française, Paris, Fayard, 1985 : « Au Canada français, bien sûr, de nombreuses personnalités maintenaient des liens personnels avec les royalistes de France », p. 526.
  • [4]
    Michael Oliver, The Social ans Political Ideas of French-Canadian Nationalists, 1920-1945, Montréal, McGill University, 1957, p. 109-124 ; les leaders de l’Action française « were reluctant to accept the papal condemnation which Maurras and his party suffered from 1926 to 1940 ».
  • [5]
    Susan Mann Trofimenkoff, Action française. French-Canadian Nationalism in the Twenties, Toronto, Toronto University Press, 1975.
  • [6]
    Esther Delisle, Antisémitisme et nationalisme d’extrême droite dans la province de Québec, 1929-1939, Québec, Université Laval, 1992 ; Catherine Pomeyrols, chap. IV, Les intellectuels québécois, formation et engagements, 1919-1939, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 291 et suiv.
  • [7]
    André Laudouze, Dominicains français et Action française 1899-1940, Paris, Éditions ouvrières, 1989, p. 172 ; Jacques Prévotat, « Les réactions de l’épiscopat français devant la condamnation de L’Action française (vues à travers Les semaines religieuses) 1926-1927 », Études maurrassiennes, « Non possumus, la crise religieuse de l’AF », 5, 1986 et le dossier annexe n°XXII, entrevue Del Sarte-Villeneuve.
  • [8]
    Ronald Rudin, Making History in Twentieth-Century Quebec, Toronto, Toronto University Press, 1997 (traduit en Français sous le titre Faire de l’histoire au Québec, Sillery, Septentrion, 1998). Les références qui suivent renvoient à la version anglaise. Sans rentrer dans les débats et polémiques suscités par cet ouvrage, il me semble qu’il a beaucoup dérangé parce qu’il insérait les historiens eux-mêmes dans son objet d’étude, montrant en quelque sorte selon le mot d’Antoine Prost que « l’histoire, c’est ce que font les historiens ». La lecture récente du passé québécois a construit une interprétation fondée sur une lutte entre les « primitifs-conservateurs » et les « modernes-progressistes ». Rudin, après d’autres, invite à dépasser cette dichotomie, artefact historiographique.
  • [9]
    Voir Yuki Shiose, Les loups sont-ils québécois ? Les mutations sociales à l’école primaire, Québec, Presses de l’université Laval, 1995.
  • [10]
    Lionel Groulx (1878-1967) fait ses études classiques et théologiques au petit puis au grand séminaire, notamment à Montréal. Ordonné prêtre en 1903, il enseigne les humanités au collège classique de 1901 à 1915. De 1906 à 1909, il voyage en Europe pour des études de philosophie, de théologie (doctorat de la Minerve, Rome) et de lettres (université de Fribourg), et séjourne en France au séminaire d’Issy-les-Moulineaux. Nommé en 1915 Professeur d’histoire du Canada (en fait, dans le contexte de l’époque, conférencier à temps partiel, cinq séances publiques) à l’université de Montréal, qui s’émancipe de l’université Laval de Québec en 1919-1920, il y enseigne jusque 1948. Il rejoint en 1917 le groupe de l’Action française et devient l’un sept directeurs de la Ligue, qu’il quittera en 1928. Il est rédacteur en chef de la revue à partir d’octobre 1920. Historien autodidacte, romancier, conférencier, essayiste et homme d’action, il collabore à de nombreux journaux et revues, organise en 1925 une première « Semaine d’histoire du Canada » et fonde en 1946 l’Institut d’histoire de l’Amérique française auquel est attachée la Revue d’histoire de l’Amérique française (1947) qui existe toujours.
  • [11]
    Cf. les polémiques soulevées par la thèse d’Esther Delisle ou les débats sur les collaborateurs français réfugiés au Québec par exemple.
  • [12]
    Jean-Pierre Gaboury, Le nationalisme de Lionel Groulx, aspects idéologiques, Ottawa, Éditions de l’université d’Ottawa, 1970, p. 48.
  • [13]
    Pierre Hébert, « Quand éditer, c’était agir. La bibliothèque de l’Action française 1918-1927 », Revue d’histoire de l’Amérique française, 46 (2), automne 1992, p. 219-244.
  • [14]
    Ces caractéristiques sont déjà décrites par Esther Delisle dans l’introduction de Mythes, mémoire et mensonges. L’intelligentsia du Québec devant la tentation fasciste, Montréal, Robert Davies, 1998.
  • [15]
    Citation d’Henri Bourassa, se référer à la fin de l’article.
  • [16]
    L’Action française, « Avis important », janvier 1928.
  • [17]
    L’Action française, « Les livres du jour », octobre et novembre 1927.
  • [18]
    « Les intellectuels catholiques », Mil Neuf Cent, 13, 1995 ; Etienne Fouilloux, « “Intellectuels catholiques” ? Réflexions sur une naissance différée », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 53, janvier-mars 1997, p. 13-24 ; Pierre Colin (dir.), Intellectuels chrétiens et esprit des années vingt, Paris, Le Cerf, 1997 ; Philippe Chenaux, Entre Maurras et Maritain. Une génération intellectuelle catholique, 1920-1930, Paris, Cerf, 1999.
  • [19]
    L’Action française, « Le problème religieux », janvier 1927, la citation emboîtée est de janvier 1921.
  • [20]
    Susan Mann Trofimenkoff, Esther Delisle, Catherine Pomeyrols, op. cit. ; M. Torrelli, « Charles Maurras et le nationalisme canadien-français », Études maurrassiennes, 1, 1972, p. 169-177 ; Jacques Prévotat, Les catholiques et l’Action française. Histoire d’une condamnation 1899-1939, Paris, Fayard, 2001.
  • [21]
    L’Action française, février 1922, p. 96-97 ; mars 1922, p. 187.
  • [22]
    « La propagande en France », L’Action française, septembre 1922, p. 165-178. Lors de son premier séjour en 1906-1909, il avait assisté à un rassemblement de l’AF.
  • [23]
    « Le Canada et la Monarchie française », L’Action française, 28 janvier 1923, p. 2.
  • [24]
    « Notre directeur à Paris », L’Action française, mars 1922, p. 151-152, La France d’Outre-Mer, Paris, Librairie de l’AF, 1922 ; Centre de recherche Lionel-Groulx (CRLG).
  • [25]
    « Le comité de propagande à Paris », L’Action française, août 1922 ; correspondance Groulx-Vesins, A 3672, fonds Lionel Groulx (FLG), CRLG. Groulx est aussi en rapport avec Antoine Lestra dès 1922, il renoue ce contact au début des années 1930 ; correspondance, A 2342, FLG, CRLG.
  • [26]
    Catherine Pomeyrols, op. cit., p. 311-314.
  • [27]
    Souvenirs à vaincre, Montréal, HMH, 1974, p. 34.
  • [28]
    Catherine Pomeyrols, op. cit., p. 304-306.
  • [29]
    Enquête sur la monarchie, Kiel et Tanger, Romantisme et Révolution.
  • [30]
    Dupire à Pelletier, 15 mars 1929, correspondance B, 66, fonds Louis Dupire (FLD), CRLG.
  • [31]
    Vanier à Groulx, 19 mars 1927, A 3646, FLG, CRLG.
  • [32]
    Esdras Minville, « L’Action française », causerie au poste CKAC, 3 mars 1957, fonds Archambault, R3-12-10, Archivum Societatis Jesu Canada Français (ASJCF) ; publiée dans Les étapes d’une carrière, Montréal, Fides-HEC, 1988, p. 65-70.
  • [33]
    Arles à Groulx, 25 septembre 1926, A 86, FLG, CRLG.
  • [34]
    Chalout à Groulx, 7 mars 1927, A 704, FLG, CRLG.
  • [35]
    Groulx à Houpert, 29 juillet 1927, A 1781, FLG, CRLG. Venu passer deux ans en Amérique du Nord, Jean Houpert découvre les œuvres de Groulx et entre en contact avec lui. Il devient après la guerre secrétaire de la faculté des lettres de l’université de Montréal.
  • [36]
    Lettre du 4 janvier 1927, P 29/K 312, fonds Anatole Vanier (FAV), CRLG ; Henri du Passage, « La lettre de Pie XI au cardinal Andrieu », Études, 5 octobre 1926, p. 5-13.
  • [37]
    Vanier à Groulx, 20 février 1929, P 29/E 58, FAV, CRLG ; Yves de la Brière, « Le joug du Christ », Études, 5 avril 1928, p. 8.
  • [38]
    Groulx à Bruchési, 20 août 1927, A 586, FLG, CRLG : « Je vous avoue que, pour ma part, Maurras a contribué à me dégoûter de la démocratie. Mais je n’ai jamais gobé le cher maître. Ce grand esprit avec un trou par en haut, n’a jamais représenté pour moi la magnifique clarté de la pensée française ». Comme le remarque Mme Mann Trofimenkoff (op. cit., p. 25), il n’en admet pas autant dans ses Mémoires en 1970.
  • [39]
    Bruchési à Groulx, 23 mai 1927 et 26 juillet 1927 ; Groulx à Bruchési, 20 août 1927 ; A 586, FLG, CRLG.
  • [40]
    Groulx à Houpert, 29 juillet 1927, A 1781, FLG, CRLG.
  • [41]
    « Réponse de “Québec” » à l’enquête de Bernard de Vaulx sur « Le rayonnement de la pensée de Charles Maurras et l’influence de l’Action française », Almanach de l’Action française, 1928, p. 314-318 (réponses d’Adrien de Meeüs pour la Belgique, Eddy Bauer pour la Suisse, Francisco Garcia Calderon pour le Pérou, Carlos Pereyra pour le Mexique, Jean Bruchési/« Québec » pour le Canada) ; deuxième volet en 1929 « La pensée de Charles Maurras hors de France » : réponses d’Eugenio d’Ors pour l’Espagne, de M. Eliot pour l’Angleterre, d’un prêtre catholique bavarois (deux articles de la revue Menscheit).
  • [42]
    Ronald Rudin, op. cit., p. 20-27. Groulx construit dès 1905-1906 une nouvelle synthèse dans son petit manuel, entre catholicisme et nationalisme, et fait de la Conquête de 1763 un événement non plus providentiel (le Canada français a échappé aux maux de la Révolution et de la république anticléricale), mais catastrophique (le développement normal de la nation a été interrompu par l’envahisseur britannique) ; pour reprendre le mot de Roger Chartier, la rupture est ici performative et se rapproche de la conception de l’histoire des partisans de l’AF. Rudin précise aussi dans son ouvrage (chap. 3 sur l’école de Montréal) qu’à la fin de sa vie Groulx avait renoué avec une interprétation optimiste et que ce sont ses élèves (Guy Frégault, Michel Brunet, Maurice Séguin) qui ont repris dans leurs travaux la version catastrophiste. En ce début des années 1960 en effet, l’aspect catastrophiste de la Conquête est accentué et « this historical interpretation helped legitimize the reforms embodied in the Quiet Revolution » (p. 127).
  • [43]
    « Nos forces nationales », 1918 ; « Les précurseurs », 1919 ; « Comment servir ? », 1920 ; « Le problème économique », 1921 ; « Notre avenir politique », 1922 ; « Notre intégrité catholique », 1923 ; « L’ennemi dans la place », 1924 ; « Le bilinguisme », 1925 ; « Défense de notre capital humain », 1926 ; « La doctrine de l’Action française », 1927 ; « Soixante ans de Confédération », 1927 ; « Quelques problèmes de l’heure », 1928.
  • [44]
    Cf. la conclusion de Herman Lebovics, La vraie France, les enjeux de l’identité culturelle, 1900-1945, Paris, Belin, 1996.
  • [45]
    Susan Mann Trofimenkoff, Esther Delisle et Catherine Pomeyrols, ouvrages cités.
  • [46]
    L’Action française, janvier 1927, p. 4.
  • [47]
    Henri Bourassa (1868-1952), petit-fils de Louis-Joseph Papineau (un des leaders des « Patriotes » de 1837-38), n’a pas suivi le cours classique, a fait des études primaires et secondaires avec un précepteur français. Maire à 21 ans en 1889, il participe aux campagnes électorales des années 1890. Élu député libéral fédéral en 1896, il démissionne en octobre 1899 pour protester contre l’envoi d’un contingent canadien en Afrique du Sud lors de la guerre des Boers. Il est réélu député en 1900 et 1904 et se marie en 1905 (sa femme décède en 1919). Élu député provincial de la Ligue nationaliste en juin 1908, il choisit de ne pas se présenter aux élections provinciales de 1912 pour se consacrer au Devoir, quotidien qu’il a fondé en 1910, et dont il est rédacteur en chef jusque 1932. Il devient célèbre en luttant pour les grandes causes du début du siècle : les droits du français, le conflit du « Règlement 17 » de l’Ontario, la crise de la conscription de 1917. Il fait une dizaine de voyages en Europe, privés et semi-diplomatiques, et rencontre, notamment lors de son séjour de l’automne 1926, Stresemann, Mussolini et Pie XI. De retour sur la scène politique fédérale en 1925, il est battu en 1935 et se retire de la politique.
  • [48]
    Ces transpositions et ces utilisations ne sont pas spécifiques au Québec, la Suisse romande en offre aussi un autre exemple : cf. les travaux d’Alain Clavien, Les Helvétistes. Intellectuels et politique en Suisse romande au début du siècle, Lausanne, Éditions d’En Bas, 1993 ; « Plaidoyer pour un fantôme : l’intellectuel en Suisse romande au début du siècle », Mil Neuf Cent, 12, 1994, p. 129-149 et ceux de Claude Hauser, Aux origines intellectuelles de la question jurassienne. Culture et politique entre la France et la Suisse romande (1910-1950), Courrendin, CJE, 1997. Voir aussi les articles concernant la Suisse dans L’Action française et ses amis étrangers, numéro spécial de Sources. Travaux historiques, 53-54, 2000.
  • [49]
    Ubi arcano, 23 décembre 1922 : « Immoderatum nationis amorem » signifie « amour immodéré de la nation » et non « nationalisme immodéré », comme souvent traduit. Cf. Jacques Prévotat, « La condamnation de l’Action française par Pie XI », Achille Ratti, Pape Pie XI, Rome, BEFAR, 1996, p. 359-395.
  • [50]
    Le Devoir, 24 et 26 novembre 1923, souligné par Bourassa.
  • [51]
    Adélard Dugré sj, lettre à son frère Alexandre, 6 mars 1923, BO 57-7, ASJCF.
  • [52]
    Laurendeau-Bourassa, 28 novembre 1923 et 10 décembre 1923 ; P 2/B 214, fonds Arthur Laurendeau, CRLG.
  • [53]
    Vanier à Mgr Beaupin, 5 novembre 1923 et lettres Vanier-Bourassa, 26 et 28 novembre 1923, P 29/C et K 96, FAV, CRLG.
  • [54]
    Catherine Pomeyrols, « Les échos de la condamnation de l’Action française au Québec », L’Action française et ses amis étrangers, op. cit., p. 61-72.
  • [55]
    Dupire à Pelletier, 6 octobre 1927, correspondance B 66, FLD, CRLG.
  • [56]
    Sylvie Lacombe, « Entre l’autorité pontificale et la liberté nationale : l’anti-impérialisme britannique d’Henri Bourassa », Robert Comeau, Luc Desrochers (dir.), Le Devoir. Un journal indépendant (1910-1995), Montréal, Presses de l’UQAM, 1996, p. 274-275.
  • [57]
    Cf. Susan Mann Trofimenkoff, op. cit., p. 106 et suiv. ; et Ronald Rudin op. cit., p. 154-155. Parvenant très bien à concilier nationalisme et catholicisme, Groulx cherche à comprendre l’abandon de la cause nationaliste par Bourassa. Il explique cet « inexplicable » par une maladie mentale familiale appelée « scrupule religieux »… argument étonnant sous la plume d’un prêtre parlant d’un laïc.
  • [58]
    Esdras Minville, op. cit.
  • [59]
    L’Action française, « Le problème religieux », janvier 1927.
  • [60]
    Vanier à Bourassa, 8 février 1927 et Bourassa à Vanier, 3 mars 1927, P 29/K 96, FAV, CRLG.
  • [61]
    Il commence aussi à cette date à donner des cours d’histoire du Canada à l’Université de Montréal.
  • [62]
    Ronald Rudin signale dans son ouvrage que la conclusion du premier manuel d’histoire écrit par Groulx en 1905-1906 pour ses élèves du collège classique reflète la confiance des leaders nationalistes — tels Bourassa — en la Confédération, qui scelle l’alliance des « deux races fondatrices ». Dans le même temps, il prédit la dissolution de cette absurdité géographique et politique et évoque sans plus de précisions une entité francophone, voire un État indépendant ; Ronald Rudin, op. cit., p. 24.
  • [63]
    En 1913, le ministère de l’Éducation de l’Ontario émet des directives, connues sous le nom de « Règlement 17 », perçues comme une restriction du droit des Franco-Ontariens à une éducation dans leur langue maternelle. Déjà grave en soi, la crise s’inscrit dans le contexte de la guerre et se mêle à la question de la conscription. Cette question vient devant le Parlement fédéral canadien en 1916, provoquant des ruptures selon des critères linguistiques au sein des partis. En 1915 et 1916, la Cour d’appel de Toronto et le Conseil privé de Londres se prononcent contre les revendications des Franco-Ontariens et le pape demande aux catholiques de mettre fin à la controverse : lettre pastorale de Benoît XV, Commisso Divinitus, 8 septembre 1916, demandant aux catholiques canadiens-français de respecter l’autorité civile et lettre du 7 juin 1918 à l’épiscopat canadien. Bourassa fait partie de ceux qui se sont opposés au Règlement 17 et n’abandonna la lutte qu’en septembre 1916, lorsque le pape conseilla la modération.
  • [64]
    Cf. Jean Hamelin et Nicole Gagnon, op. cit., p. 308-313. C’est Mgr Bruchési qui demande à Groulx en 1915 de remplacer le professeur français assurant les conférences à l’université de Montréal, reparti en France à cause de la guerre (Ronald Rudin, op. cit., p. 35).
  • [65]
    Lettres Courchesne-Groulx, A 890, FLG, CRLG.
  • [66]
    Archambault à Groulx, A 77, FLG, CRLG.
  • [67]
    Dragon à Groulx, 8 juin 1930, FLG, CRLG.
  • [68]
    Groulx à Courchesne, 7 février 1929, A 890, FLG, CRLG. On en retrouve des échos dans l’œuvre postérieure de Groulx, par exemple dans une causerie faite au groupe de jeunes nationalistes Jeunesses Patriotes en septembre 1936 : il les avertit de se méfier des faux doctrinaires « pour qui tout nationalisme est épouvantail, hérésie, et qui nous dénoncent comme un peuple de nationalistes “outranciers” », dans Directives, Montréal, Zodiaque, 1937, p. 102.
  • [69]
    Susan Mann Trofimenkoff, chap. 9, « Decline and fall », op. cit.
  • [70]
    Le Devoir, 7 février 1927.
  • [71]
    Voir Robert Rumilly, Henri Bourassa : la vie publique d’un grand Canadien, Montréal, Chantecler, 1953 (ouvrage au statut particulier : l’auteur est un ancien Camelot du Roi, il a émigré au Québec en 1928 et écrit une histoire-chronique sans citer ses sources) ; François Weill, Les Franco-Américains. 1860-1980, Paris, Belin, 1989 ; Yves Roby, « L’agitation sentinelliste », Les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre, 1776-1930, Sillery, Septentrion, 1990, p. 273-330 ; Stéphane Doty, « “Monsieur Maurras est ici” : French Fascism in Franco-American New England », Journal of Contemporary History, 32 (4), 1997, p. 527-38.
  • [72]
    Cf. un récent article de Damien-Claude Bélanger, « L’abbé Groulx et la crise sentinelliste », Mens, I (1), 2000.
  • [73]
    Le Devoir, « L’affaire de Providence », 15 janvier 1929.
  • [74]
    Le Devoir, « L’affaire de Providence », 16 janvier 1929.
  • [75]
    Le Devoir, « L’affaire de Providence », 18 janvier 1929.
  • [76]
    Le Devoir, « L’affaire de Providence », 19 janvier 1929.
  • [77]
    Pour le Sillon : « Il y a erreur et danger à rattacher en principe le catholicisme à une forme donnée de Gouvernement. […] C’est le cas du Sillon qui, en rapprochant ainsi la religion d’une conception politique particulière, compromettait l’Église, divisait les catholiques, détournait la jeunesse et même les séminaristes et les prêtres de certaines formes d’Action catholique ».
    Pour Quas primas : « Fruits de cette apostasie [du Christ], les germes de haine, semés de tous côtés ; les jalousies et les rivalités entre peuples, qui entretiennent les querelles internationales et retardent, actuellement encore, l’avènement d’une paix de réconciliation ; les ambitions effrénées, qui se couvrent souvent du masque de l’intérêt public et de l’amour de la patrie, avec leurs tristes conséquences : les discordes civiles, un égoïsme aveugle et démesuré ».
  • [78]
    Bourassa à Vanier, 23 février 1929, P 29 K/96, FAV, CRLG. (L’abbé Édouard-Valmore Lavergne [1879-1948], curé de la paroisse de Notre-Dame de Grâce de 1924 à 1941, la perd pour cause de nationalisme excessif ; les passages sont soulignés par Bourassa). Cette lettre n’est reproduite nulle part, alors qu’elle se trouve dans un dépôt d’archives très fréquenté.
  • [79]
    Au même moment, en février 1928, Groulx s’engage, par contrat avec l’université de Montréal, à renoncer à la direction de l’Action française ; il choisit la professionnalisation. Cf. Patrice Régimbald, « La disciplinarisation de l’histoire au Canada français, 1920-1950 », RHAF, 51, 2, automne 1997, p. 163-200.
  • [80]
    Philippe Chenaux, conclusion, Entre Maurras et Maritain, op. cit.
  • [81]
    De 1927 au début des années trente, L’Action canadienne-française ayant disparu, le journal royaliste français ne mentionne pas, ou presque, le Canada français : après la condamnation, les liens personnels sont rompus. La fondation de la Ligue d’Action nationale en novembre 1932 et la publication de la revue début 1933 coïncide avec la réapparition du Canada français dans les colonnes de L’Action française : dans le Carnet des Lettres d’Orion/Brasillach (janvier 1933), dans les articles de fond (« Pour l’Amérique française », mars 1933).
  • [82]
    Jacques Prévotat, « Autour du parti de l’intelligence » dans Pierre Colin (dir.), Intellectuels chrétiens et esprit des années 1920, op. cit., p. 169-193.
  • [*]
    Ancienne élève de l’ENS de Saint-Cloud, aujourd’hui maître de conférences à l’université de Nantes, Catherine Pomeyrols est spécialiste de l’histoire des intellectuels. Elle a publié Les intellectuels québécois, formation et engagements, 1919-1939 (Paris, L’Harmattan, 1996).

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