Couverture de VST_131

Article de revue

L’enveloppe groupale entre le thérapeutique et le social

Pages 85 à 91

1vst publie depuis le n° 129 une série de textes issus d’une équipe soignante du chs de Savoie détachée auprès du conseil départemental de la Savoie pour l’accompagnement de bénéficiaires de minima sociaux souffrant de maux bio-psychosociaux. Le premier texte revenait sur les aspects sociohistoriques de la précarité et sur l’organisation du dispositif d’action sociale national et local. Les suivants (vst n° 130 et 131) montrent la construction d’une clinique individuelle du lien, et l’utilisation d’actions de groupe permettant d’aller vers des paroles de soi.

2L’équipe qui s’est partagé la rédaction des textes pensés collectivement est composée de Marie Bahuaud (psychologue), Karine Chancerelle (psychologue), Françoise Fressonnet (psychologue), Isabelle Laurent (infirmière de secteur psychiatrique), Fréderic Pasutto (infirmier ide), Véronique de Bellis (infirmière de secteur psychiatrique), Pascal Mahieux (isp-cadre supérieur de santé), Danielle Paoli (psychologue).

Le travail psychocorporel en groupe dans un secteur de montagne

3Selon le territoire où l’on exerce, on a recours à des formes de prise en charge que l’on doit créer en l’absence de propositions de soins alternatives. Nos seuls partenaires dans ce secteur de montagne sont deux cmp (Centres médico-psychologiques) adultes, un centre de prise en charge des addictions (elsa), quelques psychologues installés en libéral, mais peu ou pas accessibles quand on perçoit les minima sociaux, et pas de psychiatre.

4Dans les vallées éloignées de Chambéry, les intervenants sont amenés à se regrouper en s’adaptant aux outils mis à disposition localement et à proposer des ateliers en rapport avec leurs compétences. Une psychologue nous présente les ateliers créés avec des assistantes sociales (as), qui permettent une transversalité entre les pôles Cohésion sociale et Enfance jeunesse famille (ejf). C’est aussi parce qu’elle partage son temps entre un cmp enfant et le conseil départemental (cd) et parce qu’elle s’est formée à des disciplines psychocorporelles que ces ateliers sont possibles malgré l’isolement géographique.

5Il va sans dire qu’il apparaît nécessaire de laisser libre cours à la créativité pour mettre en place des soins dits psychosociaux, dans cet espace que l’on peut nommer transitionnel au sens de D. Winnicott. Dans cet autre entre-deux, celui du social et de la psychiatrie, cette mission incombe aux seules psychologues en l’absence d’accompagnateur santé, dont les vallées ne sont pas encore dotées.

6Un espace d’élaboration individuelle est proposé aux bénéficiaires du rsa dans nos débuts ; il trouve ses limites pour certains d’entre eux n’ayant pas accès à la mentalisation. Leurs processus d’élaboration et d’association ne peuvent être mobilisés ou mobilisables car trop engloutis dans des préoccupations fondamentales telles que le maintien du toit, ou trop fragilisés par des failles narcissiques importantes ne permettant pas l’accès à la psychothérapie. Pour d’autres personnes, la mobilisation de leurs capacités d’élaboration réactive des traumatismes trop douloureux, les convoquant à des réminiscences insupportables, dont la douleur inhérente à la charge émotionnelle ne semble pouvoir s’extraire.

7Alors, vers qui les orienter quand la psychiatrie n’aurait pas pour mission la psychiatrisation de la souffrance sociale, que l’offre libérale quasi inexistante ne semble pas correspondre à leurs besoins et qu’il n’y a pas de structures annexes prenant en charge la souffrance psychique ?

Atelier relaxation : entre sensation et éprouvé corporel

8L’idée qui nous vient est de proposer une prise en charge groupale orientée autour d’une approche psychocorporelle à visée thérapeutique. Par la création d’un groupe nommé atelier relaxation, nous allons essayer de permettre à ces personnes d’accéder à des éprouvés sensoriels agréables, qui participeraient à la réconciliation avec leur corps, cela en groupe, de façon à susciter une possible réconciliation avec l’autre, les autres.

9L’atelier relaxation proposé aux bénéficiaires de minima sociaux, aux personnes éloignées de l’emploi et isolées socialement se déroule par sessions (deux sessions annuelles dans deux lieux différents) de cinq à dix séances avec une fréquence hebdomadaire, sur le même lieu et le même créneau horaire. Sept personnes y participent, que l’on reçoit au préalable conjointement avec l’as qui les a orientées, afin de leur présenter l’atelier et d’évaluer s’il paraît adapté à leurs besoins.

10Cet atelier offre aux personnes un moment de détente, une petite parenthèse dans leur quotidien, où elles peuvent prendre soin d’elles en développant une écoute attentive de leurs éprouvés corporels. Par la détente physique, la personne peut accéder à une détente mentale, une façon de prendre soin de sa santé somatique et psychique.

11Le fait que l’atelier se déroule en groupe vient rompre un isolement et une routine quotidienne, les participants peuvent échapper un temps à leurs préoccupations psychiques ; il amène à la rencontre, un premier pas pour engager de nouveaux liens sociaux. Les participants peuvent acquérir des méthodes de relaxation et les réutiliser par la suite, pour leur bien-être. En effet, les séances sont construites à partir de techniques de relaxation inspirées de la sophrologie (Caycedo, 1979 ; Etchelecou, 1980), du tai-chi (Wang, Caudine, 2004) et du qi gong. Chaque séance se déroule selon le même schéma, exercices de respiration et de relaxation dynamique en position assise ou debout, puis une séance de sophrologie en position allongée.

12Yvette, la cinquantaine, divorcée, a 3 enfants placés dont elle n’a que très ponctuellement des nouvelles. Elle a dû quitter sa région pour fuir les menaces et les violences de son ex-mari, et depuis son arrivée en Savoie elle est très seule. Elle ne sort de son petit studio que pour faire ses courses ou se rendre aux rendez-vous avec son as, qui, percevant sa souffrance et son isolement, nous l’oriente. Devant une douleur avivée par les réminiscences de son histoire, nous lui proposons de participer à l’atelier relaxation, ce qui lui permettra de faire et refaire l’expérience de vécus corporels agréables. Yvette participera à trois sessions, où elle expérimente le plaisir de se sentir détendue, de mouvoir son corps, de le ressentir autrement que douloureux, mais également de retrouver du plaisir à sortir de chez elle pour rejoindre les autres personnes du groupe. Yvette n’était pas accessible à un travail psychothérapique dans un premier temps, elle avait besoin de revivre une expérience douce et contenante, de renouer avec des éprouvés sensoriels agréables pour pouvoir ensuite convoquer sa psyché aux expériences douloureuses. Ce qu’elle fit dans un second temps, en s’engageant dans une autre expérience de prise en charge psychothérapeutique à titre individuel.

Atelier piscine : une parentalité en proie à une défaillance du lien

13Nous proposons par ailleurs un atelier piscine comme médiation corporelle du lien social. Cet atelier s’inscrit dans une approche globale de la sphère familiale en souffrance, dans ses dimensions sociales et sa parentalité. À partir d’une expérience basée sur le principe des bébés nageurs, nous adaptons avec des travailleurs sociaux une approche similaire (faael, Pansu, 1995 ; Le Camus, Moulin et Navarro, 1995) pour les familles que nous accompagnons : parents en difficultés dans leur parentalité, pour certains suivis par les services de protection de l’enfance, bénéficiaires de minima sociaux souvent très isolés.

14L’atelier piscine a démarré en 2004, en partenariat avec la piscine et une association qui met à disposition du matériel de jeux aquatiques (ballons, tapis, toboggan, frites, miroirs, jouets d’eau…) ; il fonctionne comme un outil de prévention, d’accompagnement et de soutien, et vise à favoriser les échanges relationnels parents-enfants en permettant la mise en mots des différents vécus sensoriels ou relationnels. L’étayage éducatif repose sur le « faire avec » et le « jouer ensemble », la contenance par la mise en mots. Nous accueillons 10 à 12 enfants et leurs parents (soit 8 à 10 familles) pour une « bulle aquatique » hebdomadaire.

15Nos échanges avec les enfants et leurs parents permettent la verbalisation des actes et des émotions, de contenir une part des projections brutes (éléments bêta, au sens de W. Bion) que les enfants et leurs parents déposent dans l’atelier. Cela constitue une sorte d’espace transitionnel, lieu de détoxification et de créativité qui soutient les séparations et favorise le lien social. Chacun apprivoise le milieu aquatique par des déplacements dans l’eau, sous l’eau, sur le tapis, expérimente la séparation physique d’avec ses parents, d’avec son enfant, une expérience sous le primat du jeu et du plaisir partagés qui autorise des régressions. L’imaginaire de tous est sollicité, les accueillantes jouent avec les enfants, inventent des histoires à partir des supports ludiques présents dans le bassin, chantent des comptines, invitent à des rondes, proposent des temps de relaxation sur les tapis ; elles convient les parents à les rejoindre dans cette régression. Le jeu favorise et autorise les parents à redevenir enfants, à retrouver ou à découvrir le plaisir de jouer. Le jeu peut donner une teinte différente à la relation parent-enfant par les rires et les sourires, et apaiser les tensions relationnelles habituelles. La séparation devient possible, délestée d’une charge émotionnelle angoissante ou dépressogène. Enfants et parents se découvrent autrement, dans un nouveau climat émotionnel où les injonctions parentales n’occupent plus le devant de la scène.

Cristian et la dépression maternelle

16Cristian, 4 ans, vit seul avec sa mère, bénéficiaire du rsa, venue s’installer dans la région après avoir fui le domicile familial pour violence conjugale. Il a du mal à s’exprimer, surtout concernant son ressenti ; sa syntaxe et son vocabulaire sont assez pauvres. Il présente un retard de développement psychoaffectif, langagier et social, se montre peu autonome, assez passif ou à l’inverse en crise.

17Au début, Cristian accepte mal le cadre de l’atelier, aller dans le grand bassin, y rester un moment, sortir de l’eau à la fin, les frustrations déclenchent un comportement d’opposition qui s’exprime par des crises, pleurs, cris, refus de bouger ou d’accepter la règle. Dans ces moments-là, la mère reste stoïque, le regard vide, dans l’impossibilité de reprendre la règle énoncée, de gronder ou de rassurer son enfant. Comme si elle était engloutie dans les éprouvés d’effondrement de son fils. Les accueillantes proposent alors à Cristian de l’envelopper dans sa serviette, en le serrant dans leurs bras. Tendu et agité dans les premières minutes, ce portage au sens de D. Winnicott parvient à le calmer, lui permettant d’adoucir des vécus trop angoissants.

18Au fil des séances, Cristian accepte le cadre, ses crises cessent. Il est plus perméable aux paroles adressées par les accueillantes concernant le déroulement des séances, leur rythmicité – « tu reviendras la semaine prochaine » –, les règles, mais également ses ressentis et émotions ; cela participe à la réassurance psychique de Cristian et de sa mère.

19Au début, Cristian ne se déshabille pas seul, il reste collé à sa mère, recherche très peu le contact des autres enfants, pouvant rester assis dans un coin comme vide de pensées. Les accueillantes les sollicitent et leur prêtent de l’attention tout en restant exigeantes sur le respect du cadre. Cristian et sa mère parviennent à s’extraire, le temps des séances, de la passivité de leur relation, de leur quotidien. Ils découvrent le plaisir de communiquer, le plaisir de l’eau, du jeu et du lien social.

20La relation entre eux change, Madame prend autrement sa place de parent : elle parle plus à son fils, lui explique le déroulement de sa journée. Elle apparaît moins envahie par les émotions de Cristian, peut-être est-elle moins en proie à ses propres vécus dépressifs. L’atelier piscine semble lui avoir permis de se réconcilier avec le milieu aquatique : très peu à l’aise dans le bassin au début, elle peut à la fin se déplacer avec son fils dans le grand bain. L’atelier piscine semble avoir contribué à la renarcissiser, à lui redonner confiance en son rôle de mère et de femme. Elle s’engage dans des projets personnels, préparation du permis de conduire (avec le soutien de l’action collective Mobile emploi), dans l’objectif de retrouver un emploi.

21Le corps devient le pivot d’une nouvelle relation entre le travailleur social et les familles. Les maîtres mots de l’atelier piscine sont prendre le temps, écouter et ne pas juger. Les professionnelles comme les familles doivent se mettre en maillot de bain et, au sens propre comme au figuré, se jeter à l’eau, se mouiller, être dans le même bain. Cela modifie la relation d’accompagnement : autre lieu, autre place pour les professionnelles. Les limites de l’accompagnement se déplacent vers le « faire avec et le faire ensemble », aux frontières de l’intime, où le corporel et les éprouvés sont au premier plan. Elles restent à leur place de professionnelles par un jaugeage relationnel subtil. De ce fait, les familles abordent le service social sous un autre angle ; elles acceptent les travailleurs sociaux dans l’observation de leur relation à leurs enfants à travers l’activité aquatique, susceptibles de repérer leurs difficultés, mais aussi et surtout de les aider à mobiliser leurs compétences et ressources. Les éléments d’observation sont repris régulièrement avec les parents, mis en évidence in situ, ce qui permet aux parents de se les réapproprier et d’accepter une orientation vers d’autres formes d’aide, éducative ou de soin.

22Le support de l’eau et le cadre de l’intervention permettent donc une relation facilitée, plus intimiste, avec les familles, ce qui contribue à accroître la confiance mutuelle.

Yanis, histoire d’un placement « en douceur »

23Yanis, 4 ans, dont les parents, séparés, souffrent d’addictions, vit avec sa mère qui refuse les aides sociales proposées, se sentant rapidement envahie par la relation à l’autre, qu’elle met à distance. Une mesure de protection de l’enfance (bep) n’a pas pu se mettre en place, Madame refusant d’y adhérer, ce qui a conduit le service social à solliciter le juge des enfants. Une mesure judiciaire sasep est imposée, dont Madame met à mal le cadre par ses absences.

24L’as propose à Madame de participer avec son fils à l’atelier piscine, ce qu’elle finit par accepter. Ils viennent régulièrement avec le soutien de l’as (appel téléphonique la veille des séances, accompagnement en véhicule aux séances). Lors d’une séance, Madame semble être en état de manque ; éparpillée, confuse, agitée, dans l’impossibilité d’être disponible pour son fils, elle l’entraîne dans ce tourbillon. Yanis, le teint pâle, les yeux cernés, reste collé à sa mère, repousse les accueillantes. Il se retrouve seul, en détresse, en fin de séance dans le vestiaire, car sa mère est sortie fumer une cigarette, ce qui amène les accueillantes à s’interroger sur une mesure de placement, les mesures en cours apparaissant insuffisantes.

25Après une évaluation familiale, Yanis est placé dans un foyer, et malgré la violence inhérente à tout placement, la relation de Madame à son as n’est pas rompue. Ainsi la mesure en cours et l’accompagnement social via l’atelier piscine ont permis à cette mère de modifier son regard sur l’as et d’accepter son aide. Madame a pu montrer sa relation à son fils aux accueillantes, l’as a pu se saisir de ces observations pour faire des retours concrets à Madame, ce qui lui permettra d’entendre son impossibilité à s’occuper de façon adéquate et adaptée de Yanis, et d’accepter son placement.

26L’atelier piscine renvoie à la pluralité des liens, à leur dimension sociétale. Au-delà du lien parent-enfant, accueillantes-parents, accueillantes-enfants, existent les liens entre les enfants, entre les parents, avec les maîtres-nageurs, et les liens de second plan, filiaux, générationnels, identificatoires, transférentiels… Cet atelier convoque indirectement à faire l’expérience du lien au sens large, bien que les projecteurs soient orientés vers la relation parent-enfant, étape incontournable à dépasser sereinement afin d’accéder aux autres liens.

27Accompagner la parentalité, c’est aussi permettre aux enfants de faire l’expérience du parent « suffisamment bon » (D.W. Winnicott), c’est-à-dire du lien suffisamment bon. Proposer aux enfants dont les parents sont en panne de lien de faire l’expérience de liens suffisamment bons pourrait leur permettre de s’extraire de la précarité familiale, d’être mieux armés pour affronter le social, y faire leur place et s’engager dans des liens sécures ; une façon de s’éloigner des parcours chaotiques de leurs aïeux, ponctués de déliaisons. C’est en cela que les actions de prévention prennent leur sens.

Parler, entendre, écouter, se taire

28À l’autre bout du département, en son centre bien mieux doté que les lointaines vallées, à côté des dispositifs existants de soins spécialisés pour la prise en charge des dépendances, nous proposons un groupe de parole au sein du cd. Ce groupe n’est pas thérapeutique puisque ce n’est pas notre mission, mais paradoxalement, il s’insère dans une action intitulée « Santé vous mieux ». Il semblerait que donner la parole à une personne en souffrance puisse avoir des effets bénéfiques sur sa santé. La co-animation de ce groupe est faite par un travailleur social et une psychologue.

29Céline et Francette sont des fidèles de ce groupe qui se réunit toutes les semaines autour d’un café pour discuter des liens avec l’alcool, liens souvent tissés de longue date. Pour elles, l’alcool a surtout servi à calmer leurs angoisses, à trouver le sommeil sans être hantées par des hallucinations. Cette « alternative » a aussi rendu aléatoire la prise du traitement qui aurait pu les apaiser. Après un temps d’apprivoisement, elles acceptent que nous entrions en contact avec leur psychiatre. Nous souhaitons discuter de la pertinence qu’une infirmière passe quotidiennement à leur domicile leur donner leur traitement et prendre de leurs nouvelles. Nous mettons en place cette intervention qui aura pour effet de maintenir une abstinence souhaitée également par leurs enfants. Si Céline garde en elle un désir tenace pour ce produit tant aimé, Francette y a renoncé sans états d’âme et peut même s’offrir de temps en temps un petit verre. Toutes les deux ont à cœur de nous tenir informées régulièrement de ce qui touche à leur santé psychique, en lien avec leurs soignants.

30La co-animation travailleur social et psychologue est indispensable car elle permet l’accueil d’une parole où émergent des fragments traumatiques, des angoisses archaïques et une psychopathologie du lien qu’il convient de connaître pour y faire face et la contenir. Cette complémentarité de fonctions favorise la construction d’une enveloppe dans laquelle peut circuler la parole dite ou tue, flotter l’entre-dit, un lieu de régulation et de passage entre intérieur et extérieur, entre ce qui sort et ce qui rentre. La règle n’est pas l’abstinence mais une temporisation qui permette de ne pas déborder, dans un lieu où sont accueillies des personnes qui ont de près ou de loin des difficultés avec l’alcool : personnes dépendantes, abstinentes ou qui ont dans leur entourage un proche ayant des difficultés avec l’alcool. Le rythme est régulier, une heure chaque semaine, malgré certaines revendications de se voir plus souvent ou plus longtemps, que l’on entend comme une demande de prendre plus, mais que l’on n’honore pas, signifiant ainsi une limite, celle du cadre instauré.

31Les règles de confidentialité, de non-jugement et d’écoute créent un espace d’expression pour les thématiques et l’expérience relatives à la problématique de l’alcool, sans approfondir le vécu personnel. La santé occupe une part importante des échanges, la moyenne d’âge des participants se situant autour de la cinquantaine, les effets conjugués de l’alcool, de l’isolement et de la précarité économique ont eu raison du peu de soin qu’ils ont pris de leur corps et de leur psyché.

32Personne n’est contraint de parler. On peut venir, ne pas venir, revenir, on peut entrer orienté par une as ou coopté par un participant. Il se crée un cocon qui parfois pourrait paraître chronique, avec la présence répétée de certains membres qui assurent la pérennité du groupe, dont c’est peut-être le seul lieu d’un lien non abandonnique. Quand les participants ont suffisamment longtemps expérimenté la stabilité et la fiabilité de l’enveloppe groupale, certains peuvent s’essayer à d’autres groupes. Pour d’autres, cela ne sera pas possible, ils vont alors constituer le noyau du groupe, autour duquel de nouveaux arrivants vont venir flotter un certain temps avant de s’arrimer à cet ancrage.

33Nous tricotons des liens entre les participants eux-mêmes, entre eux et nous, entre eux et les systèmes de soins, publics ou libéraux. C’est un maillage complexe dans lequel s’insère le service social qui assure en parallèle le suivi social (rsa, logement, formation…). Si le groupe peut offrir un lien nécessaire pour certains participants qui n’ont pas d’autres lieux de sociabilité, il est aussi un lieu d’information et d’échange où l’on partage à la fois l’expérience vécue au contact de l’alcool et les moyens pour y faire face. Se tissent au fil du temps des liens de soutien ou de solidarité, et même si les participants ne souhaitent pas forcément se parler hors du groupe, des signes de reconnaissance assoient leur place dans la cité et fondent un sentiment d’appartenance. Nous demandons régulièrement des nouvelles des absents de courte ou longue date ; soit ils reviennent nous en donner lorsqu’ils ont croisé un des participants qui leur a fait part de nos questionnements, soit nous les appelons et les invitons à revenir pour une fois ou plusieurs. Par une approche humaniste (Gomez, 2014), où l’humour se glisse, nous tentons d’amener les participants à oser être avec leur problème lié à l’alcool, sans honte ni culpabilité, leur permettant au-delà de la parole partagée de passer un moment convivial.

Bibliographie

Bibliographie

  • Caycedo, A. 1979. L’aventure de la sophrologie, Paris, Retz.
  • Etchelecou, B. 1988. Manuel de sophrologie pédagogique et thérapeutique, Maloine.
  • Fédération des activités aquatiques d’éveil et de loisir ; Pansu, M. 1995. Les bébés à la piscine : une source d’éveil, faael.
  • Gomez, H. 2014. « Pour une alcoologie humaniste », Santé mentale, n° 192, novembre, p. 50-55.
  • Le Camus, J. ; Moulin, J.-P. ; Navarro, C. 1995. L’enfant et l’eau, Paris, L’Harmattan.
  • Schmid-Kitsikis, E. 1999. Wilfred R. Bion, Paris, Puf, coll. « Psychanalystes d’aujourd’hui ».
  • Wang, X. ; Caudine, A. 2004. À la source du Taiji Quan. Transmission de l’école Chen, Éditions Guy Trédaniel.
  • Winnicott, D.W. 2002. Jeu et réalité, Paris, Gallimard.
  • Winnicott, D.W. 2006. La mère suffisamment bonne, Paris, Petite bibliothèque Payot.

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