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Article de revue

Sartre et Fanon

Commentaire à la préface de Jean-Paul Sartre pour Les damnés de la terre de Frantz Fanon

Pages 148 à 153

1De Gaulle est arrivé au pouvoir depuis trois ans et a entamé depuis quelques mois des négociations avec le gouvernement provisoire de l’Algérie (gpra). Se sentant trahis par rapport aux promesses qu’avait faites le Général, les tenants de l’Algérie française radicalisent leurs actions. Les harkis torturent jusque dans Paris les membres du fln que la police française abandonne entre leurs mains.

24 septembre 1960 : parution du Manifeste des 121. C’est une revendication du droit à l’insoumission et du devoir de solidarité de la gauche française à l’égard des Algériens en lutte pour leur indépendance. Sartre fait partie des signataires. Le Parti communiste désapprouve ce manifeste.

36 septembre 1960 : Jean-Paul Sartre envoie une lettre au procès des membres du « réseau Jeanson », arrêtés et emprisonnés pour soutien au fln. Elle est lue au tribunal : « Pour la première fois, en dépit de tous les obstacles, de tous les préjugés, de toutes les prudences, des Algériens et des Français, fraternellement unis par un combat commun, se retrouvent ensemble dans le box des accusés. C’est en vain qu’on s’efforce de les séparer. C’est en vain aussi qu’on tente de présenter ces Français comme des égarés, des désespérés ou des romantiques […] Il importe de dire très clairement que ces hommes et ces femmes ne sont pas seuls […] Ce qu’ils représentent, c’est l’avenir de la France, et le pouvoir éphémère qui s’apprête à les juger ne représente déjà plus rien. »

4Le Premier ministre du général de Gaulle, Michel Debré, déclare : « Ah, nous savons bien que c’est une des fâcheuses traditions de notre pays que de sécréter en tous temps des ennemis de soi-même. Ainsi nous en avons vu récemment, les uns par une désolante déviation de pensée, les autres par le goût malsain de publicité et même de scandale, prôner l’insoumission. Nous avons pris et nous continuerons de prendre les sanctions qu’exigent l’intérêt de l’État et le bon sens national. »

5Mais De Gaulle se range au conseil d’André Malraux : « Mieux vaut laisser Sartre crier : Vive le fln, sur la place de la Concorde que de l’arrêter et commettre un impair. » Le 3 octobre, 7000 manifestants défilent sur les Champs-Élysées en criant : « fusillez Sartre ». C’est dans ce contexte que se situe la rencontre entre Sartre et Frantz Fanon.

6Dès 1948, Fanon avait lu et apprécié « Orphée noir », la préface que Sartre avait rédigée pour L’anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française qu’avait réunie Léopold-Sédar Senghor : « Qu’est-ce donc que vous espériez quand vous ôtiez le bâillon qui fermait ces bouches noires ? Qu’elles allaient entonner vos louanges ? Ces têtes, que nos pères avaient courbées jusqu’à terre par la force, pensiez-vous, quand elles se relèveraient, lire l’adoration dans leurs yeux ? »

7Été 1961 : Frantz Fanon est très malade. Il vient de terminer Les damnés de la terre. Il avait écrit à Maspero son éditeur : « Demandez à Sartre de me préfacer. Dites-lui que chaque fois que je me mets à ma table, je pense à lui. Lui qui écrit des choses si importantes pour notre avenir. »

8Fanon et Sartre se rencontrent à Rome : ils vont passer des journées et des nuits entières dans des conversations interminables et passionnées.

9Six mois après, Fanon meurt de sa leucémie à Washington. Il a 36 ans, l’âge auquel est mort également l’ami et le frère de jeunesse de Jean-Paul Sartre, son initiateur politique, Paul Nizan.

10La préface de Sartre sonne la fin d’une époque, celle du colonialisme européen. Elle est une longue méditation sur la relation dialectique qui lie le colon et l’indigène. C’est la parole du colonisé qui doit désormais guider l’Europe : « Européen, je vole le livre d’un ennemi et j’en fais un moyen de guérir l’Europe. Profitez-en. »

11Quant à Frantz Fanon : « Nous avons été les semeurs de vent, la tempête c’est lui […] Nous étions hommes à ses dépens, il se fait homme aux nôtres. Un autre homme : de meilleure qualité. »

12Les damnés de la terre sont traduits en 17 langues. Le couple Fanon-Sartre devient le phare de la lutte du tiers-monde.

13Le chemin politique qui amène Sartre aux positions qu’il développe dans la préface est complexe, riche, souvent sujet à controverse. Sartre, pour sa part, en assuma les contradictions et ne s’est jamais dérobé à s’en expliquer. L’unité fondamentale de sa pensée et de son action réside dans une affirmation de base exprimée en 1943 dans L’être et le néant : « l’existence précède l’essence ». Il n’y a de philosophie qu’engagée dans l’existence. Toute sa vie et son œuvre en seront l’illustration : romans, pièces de théâtre, articles, engagements politiques formeront un tout inséparable de ses élaborations philosophiques.

14L’engagement social et politique de Sartre naît au cours de la guerre 1939-1945, lorsqu’il est fait prisonnier. « C’est là que je suis passé de l’individualisme et de l’individu d’avant la guerre au social et au socialisme » (Situations 10, 1976). Jusqu’alors ses œuvres témoignent, seulement, de préoccupations individuelles d’êtres se débattant dans leur solitude pour affirmer leur liberté dans un monde où « l’enfer c’est les autres » (Huis clos, 1944). Son ami, Paul Nizan, militant communiste, l’avait cependant très tôt initié aux débats politiques. Ce dernier claque la porte du pcf lors de la signature du pacte germano-soviétique et meurt sur le front en 1940.

15Six mois après, Sartre est fait prisonnier. Il y découvre la « fraternité » : « Ce que j’aimais au camp, c’était le sentiment de faire partie d’une masse. Une communication sans trou, nuit et jour, où on se parlait directement et à égalité : ça m’a beaucoup appris. » Il y monte, au nez des Allemands, sa première pièce politique, Bariona, la nuit de Noël 1941. Il est libéré, début 1942, en raison de sa cécité partielle et fonde immédiatement avec Merleau-Ponty, Desanti et Pouillon entre autres, un mouvement de résistance intellectuelle appelé « Socialisme et liberté ».

16Sartre entretiendra toujours des relations tumultueuses avec le pc français. Il se considérera leur « compagnon de route » très conscient, cependant, de leur méfiance à son égard : ils attendaient le « moment futur où je disparaîtrais de la mêlée, repris par les forces de droite ». En fait, c’est Sartre qui rompt avec eux en 1956 lors de l’invasion soviétique en Hongrie, ce qui ne l’empêchera pas de rester toujours proche d’autres pc, italiens, polonais ou cubains.

17Militant tiers-mondiste acharné, Jean-Paul Sartre revient sur la scène politique française en 1968. Il crée en 1970 le quotidien La cause du peuple, soutient les mouvements ouvriers, participe aux luttes de défense des droits de l’homme et lance, enfin, le journal Libération en 1973. Il reste l’ennemi permanent de l’extrême droite qui le nomme « le cancer rouge de la nation ».

18Le 22 octobre 1964, fidèle au principe que « l’écrivain doit refuser de se laisser transformer en institution », Sartre refuse le prix Nobel de la littérature.

19Il meurt le 15 avril 1980. Michel Leiris rend hommage à l’« acharnement avec lequel l’intellectuel mondialement réputé a lutté contre toute espèce d’aliénation et, dans cette ligne, s’est refusé catégoriquement à subir la pression ensommeillante des consécrations officielles ».

La préface

20Cette préface peut être éclairée par deux thèmes chers à Jean-Paul Sartre : la liberté et le groupe.

21La philosophie de Sartre part du constat que « l’homme est condamné à être libre ». Cette phrase sera complétée d’une autre : « Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande » (Lettres françaises du 9 septembre 1944). C’est l’affirmation paradoxale et provocante que, même face à l’oppression la plus féroce, l’homme demeure libre car il peut toujours choisir sa position face à cette situation : l’histoire de la colonisation en est un exemple.

22Les damnés de la terre montre comment le groupe naît de la Révolution. Sartre reprend les lignes de force du livre qu’il vient d’achever. Il montre les aléas du développement de tout groupe. La critique de la raison dialectique devient rapidement une référence pour tous ceux qui sont engagés dans le changement social, qu’il soit colonial (comme Fanon) ou institutionnel. La pensée de Sartre est l’inspiratrice des antipsychiatres anglais. La psychothérapie institutionnelle reprendra ses découpages instituant-institué et Jean Ayme situe la notion de partico-inerte comme l’un des concepts fondamentaux de la psychothérapie institutionnelle.

La colonisation

23« Il n’y a pas si longtemps, la terre comptait 2 milliards d’habitants, soit 500 millions d’hommes et 1 milliard 500 millions d’indigènes. Les premiers disposaient du Verbe, les autres l’empruntaient. »

24La première violence coloniale a consisté à déshumaniser l’indigène : « Ordre est donné de ravaler les habitants du territoire annexé au niveau du singe supérieur pour justifier le colon de les traiter en bêtes de somme. »

25Cette déshumanisation passe par plusieurs stades. On les déclare d’une humanité inférieure. On détruit la langue, la culture, les traditions. On les abrutit de fatigue. On les dénutrit. On veille, cependant, à ne pas les détruire totalement pour qu’ils gardent leur force de productivité : « Pour cette raison, les colons sont obligés d’arrêter le dressage à la mi-temps : le résultat, ni homme ni bête, c’est l’indigène. Battu, sous-alimenté, malade, apeuré, mais jusqu’à un certain point seulement, il a, jaune, noir ou blanc, toujours les mêmes traits de caractère : c’est un paresseux, sournois et voleur, qui ne vit de rien et ne connaît que la force. »

26Ce sera le talon d’Achille de la colonisation. C’est « l’implacable logique [qui] mènera jusqu’à la décolonisation » : ne pouvant pousser le massacre jusqu’au génocide, ni la servitude jusqu’à l’abêtissement, le colon permet à l’indigène de se préserver une certaine force qu’il saura retourner contre lui.

27Le colon crée, ainsi, une génération de « Nègres gréco-latins », des pseudo-Occidentaux. Devant leur évolution, il leur consent quelques humanisations. Alors apparaissent des colonisés éclairés. Ils vont essayer d’expliquer aux colons, « avec une incroyable patience, […] que nos valeurs collaient mal avec la vérité de leur vie ». L’Europe restera sourde et continuera : « au nom d’une prétendue aventure spirituelle, [à] étouffe[r] la quasi-totalité de l’humanité ».

28Cet aveuglement radicalisera la lutte des indigènes pour leur indépendance.

La lutte des indigènes

29À travers Les damnés de la terre, Fanon entend analyser les stratégies coloniales pour apprendre à « ses frères » comment en déjouer l’emprise.

30La colonisation crée un lien affectif : le colon demande au colonisé de l’aimer comme une mère à qui il doit tout. Il devait lui montrer sa reconnaissance à chaque fois que sa bienveillance humaniste allégeait un peu le joug. Or il constate l’effet inverse : plus il émancipe l’indigène, plus l’indigène retourne cette émancipation contre lui. Cette logique est pourtant implacable. Le colon n’a pas laissé au colonisé d’autre choix que la violence pour acquérir son indépendance : toute autre voie est récupérée par le lien colonial. « L’indigène n’a qu’un choix : la servitude ou la souveraineté. » Il ne peut qu’adresser au colon la même distanciation et la même violence que celles que le colon lui faisait subir. Il ne peut que « rester terrifié ou devenir terrible ».

31La violence de sa révolte sera l’expression de son « inconscient collectif », le retour du refoulé qu’il a dû opérer pendant plusieurs générations. Cette révolte n’est pas une violence instinctuelle sauvage : elle est une acquisition d’humanité : « c’est l’homme lui-même se recomposant ». Dans sa rage, le colonisé retrouve son humanité, c’est son arme : « Fils de la violence, il puise en elle son humanité […] elle libère en lui et hors de lui, progressivement, les ténèbres coloniales […] Il se connaît dans la mesure même où il se fait. » Dans ce combat terrible, il est prêt à perdre une vie déjà perdue pour lui : « Il se tient pour un mort en puissance […] Il a vu tant d’agonies qu’il veut vaincre plutôt que survivre […] Nous trouvons notre humanité en deçà de la mort et du désespoir. »

32C’est cette révolte qui va lui permettre de constituer une nation : « Abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre ; le survivant, pour la première fois, sent un sol national sous la plante de ses pieds. »

33L’une des armes de la colonisation a été la division : le colon a su diviser les territoires, forger des rivalités de classe et de race. Il peut continuer à jouer de ces divisions pour détourner l’expression de la violence des indigènes dans des guerres fratricides.

34Toute lutte d’émancipation sera donc aussi une lutte contre ses propres aliénations : le danger de luttes internes en est une, le mythe du retour à sa propre culture en est une autre. L’indigène peut croire y retrouver son indépendance, mais Fanon juge ces voies dangereuses. Le colon sait d’ailleurs combien il a intérêt à les entretenir.

35La seule culture qui peut fonder la nouvelle nation des indigènes sera celle de la révolution.

36Fanon dessine, ainsi, la dynamique qui peut permettre de passer de la révolution à la construction d’une nation. Elle doit passer par la disparition des guerres tribales qui menacent toujours l’unité révolutionnaire, et elle doit naviguer sans cesse entre les dangers du spontanéisme et ceux de l’organisation.

37L’écrit de Fanon s’arrête là : « Il a montré la route : porte-parole des combattants, il a réclamé l’union, l’unité du continent africain contre toutes les discordes et les particularismes. Son but est atteint. »

L’indigène, un miroir pour l’Européen

38Le propos du livre de Fanon ne concerne en rien l’Europe : « Il a d’autres soucis en tête ; qu’elle crève ou qu’elle survive, il s’en fout, il a d’autres soucis en tête. »

39Mais l’Européen peut en tirer quelque chose sur sa propre vérité. « L’essentiel, comme le rappelle Sartre en 1974 dans la revue L’Arc, n’est pas ce qu’on a fait de l’homme mais ce qu’il fait de ce qu’on a fait de lui. » Le colon a fait le colonisé : qu’est-ce que le colon peut désormais faire de ce que le colonisé fait de lui ?

40Le colonisé renvoie une image au colon de sa propre inhumanité dans sa prétention à détruire les prétendus « pernicieux instincts » des indigènes. Ces instincts ne sont, en fait, que l’image retournée de « sa propre sauvagerie de colon ».

41Le colon oublie les traumatismes qu’il a fait subir à ces populations qu’il a, par principe, décrétées inférieures. Il oublie que ces populations ont gardé la mémoire de leur propre humanité et que la violence qu’il leur a fait subir, loin de les porter à se soumettre, a suscité « dans leurs corps une rage volcanique dont la puissance est égale à la pression qu’il exerce sur eux ».

42Leur révolte est, précisément, ce qui leur redonne leur humanité.

43Même la gauche occidentale est prise dans ce leurre. Elle reconnaît le sort que l’on a fait aux indigènes. Elle comprend leur révolte. Mais, dans sa condescendance coloniale, elle leur demande d’être « plus chevaleresques », plus humains : « Vous allez un peu trop fort, nous ne vous soutenons plus. » Ils n’ont pas compris que les indigènes n’ont rien à faire des recettes morales de gauche européenne : « Elle peut tout aussi bien se le mettre au cul ! » À leurs yeux, nous nous valons tous, « nos belles âmes sont racistes ».

44C’est bien parce qu’il doit continuer à nous poursuivre quand nous l’avons refermé que Sartre a accepté de préfacer ce livre qui n’en « avait nul besoin ».

45C’est pour dire que cette lutte d’indépendance doit nous décoloniser nous aussi : elle est le « strip-tease de notre humanisme ». Elle « extirpe par une opération sanglante le colon qui est en chacun de nous… L’Européen n’a pu se faire homme qu’en fabriquant des esclaves et des monstres ».

46« Guérirons-nous ?», demande Sartre. En cette année 1961, la réponse immédiate consiste, pour Sartre, à déclarer sa solidarité avec les combattants algériens : « Le temps s’approche, j’en suis sûr, où nous nous joindrons à ceux qui la font. »

47Qu’en est-il en 2005 ? L’histoire a obligé l’Europe à réviser à la baisse ses ambitions coloniales. Les États-Unis ont pris le relais du nouvel impérialisme mondial. Celui-ci justifie son action aujourd’hui au nom de la démocratie et des droits de l’homme. Comme le colon d’hier, il décrète arbitrairement l’infériorité culturelle, religieuse ou politique de peuples entiers dont il détruit les racines pour imposer ses nouvelles lumières libérales. Comme dans la colonisation d’hier, la violence exercée ne peut que servir d’exemple à ceux mêmes qu’elle asservit.

48Le retour de cette violence refoulée prend la forme, aujourd’hui, du terrorisme. Mais ne continuons-nous pas à nous aveugler dans l’incapacité où nous sommes d’accepter d’y lire l’image de notre propre terrorisme impérialiste arrogant ?

49Fanon et Sartre ont payé, de leur vivant, le courage de leurs engagements. Fanon est expulsé d’Algérie par le gouvernement français en 1957. L’appartement de Sartre, déjà plastiqué en 1960, est détruit en 1962.

50L’histoire ne semble pas leur avoir donné raison. L’unité d’un continent africain qui serait le nouveau phare de l’humanité est loin d’être réalisée. Et pourtant, « il y a des vies qui constituent des appels à vivre », comme l’a écrit Aimé Césaire à propos de Frantz Fanon.

51Témoin celui qui conclut Les damnés : « Pour l’Europe, pour nous-mêmes et pour l’humanité, camarades, il faut faire peau neuve, développer une pensée neuve, tenter de mettre sur pied un homme neuf. »

52L’inachèvement de la pensée de Fanon et de Sartre est constitutive même d’une pensée qui nous dit que l’histoire humaine n’est jamais close : elle est toujours un devenir. À chacun de nous de savoir en être les acteurs.


Date de mise en ligne : 01/05/2006

https://doi.org/10.3917/vst.089.0148

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