Vivre à la rue contribue à maintenir les personnes dans une forme de désocialisation que les dispositifs d’urgence sociale actuels ont une extrême difficulté à inverser. Sous le nom de Housing first, devant ce constat, sont apparues au cours des années 2000 de nouvelles pratiques critiques des modes d’intervention institutionnels existants. Cette approche, prenant place dans le mouvement historique de la désinstitutionnalisation, ne soumet pas l’accès à un logement autonome à l’inscription préalable de la personne sans-abri dans des soins ou une démarche de sevrage de ses éventuelles addictions. Au vu de sa diffusion internationale, les promoteurs de ce modèle ont l’ambition de faire face au nombre croissant de personnes sans-abri, problème public majeur des pays industrialisés de ces dernières décennies. Leur slogan emblématique : « Zéro sdf ».

Ce numéro double de Vie sociale constitue le premier travail, dans l’espace francophone, s’efforçant de documenter la genèse du modèle Housing First outre-Atlantique, de suivre son déploiement en Europe, avec un focus particulier sur le programme français « Un chez-soi d’abord », qui est le plus important des expérimentations européennes. « Au-delà du sans-abrisme et de la psychiatrie », cette approche fait le pari des capacités des personnes lorsqu’elles sont logées sans condition autre qu’un accompagnement pluri-professionnel intensif ad hoc.

Ce numéro donne ainsi à connaître les modalités de l’implémentation politique, les grands principes de l’accompagnement d’un public sans-abri caractérisé par des troubles sévères de santé mentale et les résultats des recherches évaluatives disponibles des deux côtés de l’Atlantique. Après une décennie d’expérimentations et de recherches évaluatives, ce travail original apporte pour la première fois des connaissances scientifiques permettant de critiquer et de renouveler la réflexion collective sur les résultats et les effets de cette nouvelle approche.