Couverture de VSE_174

Article de revue

Intelligence Économique et dynamisme institutionnel

Pages 54 à 77

Notes

  • [1]
    Les États-Unis produisent moins d’ingénieurs que la France.
  • [2]
    Michaël Polanyi, « The Tacit Dimension », 1966.
  • [3]
    Ce que Lundvall divise en quatre compétences : le savoir quoi (accéder à l’information), le savoir pourquoi (connaître les relations causales), le savoir comment (mettre en œuvre) et le savoir qui (identifier les détenteurs et les destinataires pertinents). Ces deux dernières dimensions sont tacites et donc les plus difficilement reproductibles et transférables, donc de nature à constituer un avantage concurrentiel. Nous employons ici indifféremment capital humain et capital social, en tendant à préférer ce dernier terme qui met plus l’accent sur les flux relationnels.
  • [4]
    On peut rapprocher cette observation de celle faite par Gregory Bateson dans, « Vers une écologie de l’esprit » (1977 : 256) « La souplesse sociale est une ressource aussi précieuse que le pétrole et le titane, et elle doit faire l’objet d’une budgétisation appropriée de manière à être dépensée (comme la graisse) uniquement pour les changements nécessaires (…) La souplesse peut être définie comme une potentialité non-engagée de changement ». La souplesse sociale doit donc être capitalisée par un processus permanent qui sera alimenté par la qualité des institutions et dépensée aux moments critiques par les institutions en charge de l’évolution du système.
  • [5]
    Agence pour le Développement de l’Information Technologique, www.adit.fr
  • [6]
    Jacques Stern « L’Europe des occasions perdues », in Géopolitique, puissance, science et technologie, 2000.
  • [7]
    http://www.dss.mil/isec/chapter1.htm
  • [8]
    Ce qui est la stratégie de la Chine aujourd’hui, qui semble enfin pouvoir entrer dans l’économie capitaliste grâce à la dictature du Parti communiste qui brise les structures sociales et culturelles du confucianisme fondamentalement hostile au changement.
  • [9]
    Pierre-Louis Blanc Valise diplomatique. Souvenirs, portraits, réflexions Edition du Rocher (2004) Réflexions de P.-L. Blanc, tour à tour chef du service de presse à l’Élysée, directeur de l’ENA et représentant permanent de la France aux Nations unies.

Introduction

1L’apport essentiel de la renaissance de l’intelligence économique comme discipline académique est de mettre l’accent sur une architecture globale des relations entre les acteurs du développement économique et social : État, entreprises, système éducatif, associations, organisations professionnelles...

2Est-ce vraiment nouveau ? Non. Venise a créé le premier statut des inventeurs en 1474 qui sera transposé en France et en Angleterre sous des formes assez différentes qui traduisent déjà des formes de développement institutionnel qui vont constituer les traits distinctifs des systèmes nationaux d’innovation anglo-saxon et français (Hilaire Pérez, 2000). La Renaissance et la première révolution industrielle seront en pratique le fruit d’un développement associant étroitement les acteurs du développement économique et social. Les politiques keynésiennes puis leur remise en cause par le néolibéralisme, ont mis l’accent les premières sur l’action exclusive de l’État et le deuxième sur la capacité du marché à parvenir à la meilleure allocation des ressources possibles.

3Ce retour aux sources est lié à l’entrée dans l’économie du savoir où si le capital intellectuel est mobile, sa mise en œuvre est liée à la qualité du capital humain, concept beaucoup plus vaste qui situe la connaissance dans son contexte de réseaux sociaux et institutionnels qui sont, eux très peu mobiles, selon le principe du caractère « collant » (sticky) de la connaissance innovante identifié par Von Hippel. La meilleure protection contre les délocalisations est donc la constitution de ces réseaux dont l’exemple le plus clair est celui des pôles technologiques (clusters).

1 – Premiers enseignements de la politique des pôles technologiques

4Le dynamisme des pôles est lié à l’effet d’échelle de la concentration dans un même lieu d’acteurs du processus d’innovation, dit « effet d’agglomération ». C’est la quantité et la rapidité des interactions qui fait la performance du pôle et provoque les rendements croissants.

5Aux États-Unis, les pôles sont très peu nombreux – seuls 17 états ont des politiques de soutien à la technologie - et on constate que les innovations se produisent autour des clusters. Une politique d’intelligence économique territoriale aura pour premier objectif de gérer les effets d’entraînements (spillovers) sur l’ensemble de l’industrie.

6La tâche n’en est que plus complexe puisqu’elle repose sur le dialogue entre une stratégie politique à long terme - donc lisible et imitable - les stratégies des entreprises confrontées à des contingences diverses – donc contextuées - et des pratiques informelles ancrées dans la culture – donc peu lisibles, non imitables et non transférables.

7Il est difficile d’expliquer comment un cluster a commencé, et en tout cas, les facteurs qui font le succès durable d’un cluster ne sont pas ceux qui l’ont fait naître. Il y a donc un risque d’inverser les effets et les causes par une politique publique trop volontariste qui ne tiendrait pas compte de cette distinction. Au départ les réseaux sociaux sont les facteurs essentiels, puisqu’un pôle ne bénéficie pas encore des effets d’échelle et de transmission du savoir d’un pôle parvenu à maturité. Toute politique publique qui se contenterait de mettre ensemble de l’industrie high-tech, de la recherche et du capital-risque et de mélanger bien fort pour faire un pôle, s’exposerait à des déconvenues :

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Il n’y a pas de recette !

9Une étude diligentée par l’Université de Stanford (Bresnahan & alii, 2001) permet de dégager a posteriori quelques grandes lignes de forces :

  • Il est faux d’opposer, comme l’a fait le courant techno-lyrique, la « vieille » et la « nouvelle » économie. La première se caractérise par des rendements d’échelle, la seconde par des effets d’apprentissage rapide liés au voisinage. L’histoire montre au contraire qu’aucun pôle ne s’est développé sans une base industrielle classique préexistante. Tous les clusters, à commencer par la Silicon Valley, ont d’abord été des aventures industrielles classiques, où les effets d’externalités n’ont joué qu’un très faible rôle.
  • La réussite d’un cluster tire partie d’une opportunité inexploitée : Au-delà de son rayonnement régional qui sera lié à l’effet d’agglomération, le rayonnement national du pôle sera sa capacité à innover dans une technologie générique, une General Purpose technology (GPT).
  • Le troisième facteur de réussite est l’établissement d’une liaison avec les technologies établies et en forte croissance pour profiter de la croissance de la demande. L’Irlande, Taiwan, l’Inde, Israël avaient de fortes connexions avec le marché nord-américain des nouvelles technologies et ont su profiter de sa forte demande. Mais comme il s’agit d’une demande émergente, il faut parvenir à identifier où va être l’explosion de la demande.
Dans la Silicon Valley, HP s’est installée bien avant sa floraison comme pôle technologique. La vallée a profité de l’investissement dans l’industrie informatique des années 1930 et 1940, qui a fonctionné sur fonds publics (Breton, 1988, Daumas, 1996). L’opportunité est venue de ce que les activités scientifiques et marchandes étaient strictement séparées. Les fondateurs de l’informatique étaient divisés en deux groupes : les scientifiques purs, avec Von Neumann et Norbert Wiener, et ceux qui voulurent assez vite envisager une application industrielle. Ces deux groupes se séparèrent, créant une opportunité pour les industriels.

10Mais ceux-ci au départ ne jouissent d’aucune infrastructure préexistante : la Silicon Valley est le résultat d’un processus assez classique d’investissement industriel à long terme :

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Il faut investir au niveau de la firme avant de bénéficier des effets d’externalités et non l’inverse !

12Les facteurs clés de succès qui assurent la continuité et les rendements croissants des pôles technologiques sont donc bien différents de ceux qui assurent leur naissance. La création d’un pôle reste une aventure d’innovation régie par l’incertitude et une bonne part de chance et de flair !

13Néanmoins, s’il n’y a pas de recettes, on peut identifier certains facteurs de succès invariants :

  • A la base de tout, il y a la présence d’une main-d’œuvre hautement qualifiée, qui est, en fin de compte, dans une économie du savoir, l’investissement le plus accessible et c’est par là qu’ont commencé Taiwan, l’Inde, l’Irlande et Israël. Cet investissement doit s’accompagner d’une politique institutionnelle qui évite la fuite des cerveaux comme ce fut longtemps le cas pour l’Inde. Dans la genèse de la Silicon Valley, HP et Intel ont joué un rôle aussi important que Stanford et Berkeley. Mais cela requiert une intervention publique pour favoriser les jeunes pousses (spin-offs) qui vont naître de cette collaboration, car il y a alors conflit entre l’intérêt privé des firmes établies qui voient d’un mauvais œil partir leurs meilleurs éléments et l’intérêt social du pôle qui voit s’accroître sa dynamique vertueuse avec leur multiplication. L’investissement ne requiert pas forcément la création de brillantes universités : Taiwan, l’Inde ont bénéficié du retour au pays des ingénieurs formés aux États-Unis, de même qu’Israël a bénéficié de l’émigration d’une main-d’œuvre hautement qualifiée de Russie.
  • La seconde ressource indispensable réside dans les capacités managériales : les innovateurs doivent avoir une double compétence de scientifiques – managers ou d’ingénieurs – managers. L’étude réalisée par le Stanford Project on Emerging Companies sur 100 jeunes pousses high-tech montre que la probabilité qu’un non-fondateur prenne la direction de l’entreprise est de 10% au bout de 20 mois, 40% après 40 mois et 80% après 80 mois. Ces compétences s’apprennent sur le tas ou par des doubles cursus de formation. Le passage par une grande entreprise est un atout car elle offre de telles opportunités de développement de cette ressource en capital humain.
  • Troisième facteur, la capacité à faire émerger des grandes entreprises : c’est beaucoup plus la croissance des entreprises que la croissance du nombre des firmes qui est le signal de la réussite d’un cluster. Ce sont ces grandes firmes qui vont impulser la dynamique de rendements croissants du pôle, un cycle vertueux qui s’impose à toutes ses composantes : si une firme ne trouve plus les ressources en recherche qui lui sont nécessaires sur place, elle peut être tentée de déménager vers un marché plus grand, ce qui s’est produit pour certaines firmes israéliennes.
  • Dernier facteur, le lien avec le marché. Soit les firmes sont liées au marché dominant, c’est généralement le cas des grandes firmes américaines, soit - c’est le cas de la Scandinavie avec l’industrie du sans fil – elles entreprennent de constituer directement une industrie intégrée verticalement.
En somme, chaque pôle a sa propre recette et autant les politiques publiques sont importantes, autant il faut se garder de la concevoir comme des politiques purement descendantes qui vont vouloir appliquer la « bonne recette » pour constituer un pôle d’excellence (Bresnahan & alii, 2001). Il y a une multitude de configurations de constitutions de pôles comme le montre l’analyse comparative de l’OCDE de 2001. Le succès d’un pôle, c’est celui de la dynamique systémique entre les acteurs qui le composent et leur croissance coordonnée avec celle du pôle.

14La démarche de constitution d’un pôle est une démarche d’innovation qui est, par nature, régie par l’incertitude et le risque. Elle doit donc être pilotée comme telle et la puissance publique qui s’engage dans une telle démarche doit en être consciente. Un pôle va à la fois comporter des éléments d’ouverture au commerce international pour permettre à la technologie, aux capitaux et à la main-d’œuvre qualifiée de circuler dans les deux sens et des éléments d’interventionnisme de l’État. Ce dernier doit être le catalyseur d’initiatives dont le secteur privé devient l’acteur principal. Le dispositif devra donc être piloté et évalué en permanence et le vrai risque est ici que l’évaluation se fasse en fonction de critères à court terme ou opportunistes. Toutes les évaluations intermédiaires sur la Silicon Valley se sont révélées fausses, (OCDE, 2001 :398) comme dans toute prévision concernant des innovations de rupture.

15Pour Aoki (2000, 2001), le modèle du pôle à forte capacité d’innovation de type Silicon Valley est un processus stochastique où chaque concepteur de sous-système est indépendant d’un design ex-ante du futur objet technologique et est en compétition avec d’autres. Il dispose en outre de son propre système d’information qui n’est que très peu lié à un système d’information d’ensemble. De la sorte, chaque sous-système a une très grande liberté d’innovation, l’hétérogénéité pouvant résulter de cette innovation non-coordonnée étant compensée par la multitude de petites firmes travaillant sur le même sous-système.

16La coordination sera assurée ex-post par deux types d’agents : la présence d’une grande firme (Intel, Cisco…) peut imposer des standards de facto qui vont permettre la convergence des efforts d’innovation, mais c’est surtout le capital-risqueur qui va assurer cette coordination. Celui-ci finance les jeunes pousses par étapes et son métier est de les connaître intimement et de sentir les modèles possibles d’innovation émergente. Il va donc orienter la convergence des innovateurs en sélectionnant les meilleurs. C’est donc un modèle d’innovation très souple où l’innovation dans les sous-ensembles se fait en temps réel et peut être intégrée dans la conception du modèle d’ensemble sans entraîner la révision de plans conçus ex-ante. C’est un modèle d’innovation émergente où chaque partie jouit de la plus grande liberté, où l’excellence est assurée par la mise en concurrence et où la cohérence va être, étape par étape, par le capital-risqueur qui joue le rôle de système d’information de l’ensemble.

17Nous avons donc là un processus évolutionniste, une conception modulaire où l’innovation dans le module est coordonnée avec l’évolution de l’ensemble par le capital-risqueur qui organise des « tournois d’innovation », selon l’expression d’Aoki. Le coût financier est bien sûr plus élevé que dans une gestion classique de développement modulaire, puisqu’il aura fallu financer le développement concurrent des mêmes modules. Mais le revenu social sera bien plus élevé grâce au niveau d’innovation atteint. Le capital-risqueur va en outre progressivement sécuriser ses sources de financements par la réputation qu’il va se créer grâce à ses choix judicieux et l’atmosphère de confiance qu’il contribue à créer (Diallo, 2005). Le cercle vertueux du succès est ainsi alimenté : les fonds investis étant important, la rentabilité doit l’être en proportion et elle ne peut l’être que par des innovations à forte valeur ajoutée. Pour Aoki, ce modèle doit donc être réservé aux innovations à très haute valeur de marché et reste de toute façon régi par l’incertitude et la prise de risque.

18Il y a là un enseignement précieux pour la conduite de la politique de pôles de compétitivité lancée en 2004 par le gouvernement français : son énoncé est limité aux ingrédients de base d’un pôle soit « Un pôle de compétitivité résulte de la combinaison, sur un même territoire, de trois ingrédients (entreprises + centres de formation + unités de recherche) et de trois facteurs décisifs (partenariat + innovation + visibilité internationale) ». Quant au financement, il repose essentiellement sur des subventions et des dispositifs assez classiques de prêts bancaires via des fonds pour l’innovation, alors que le manque de capitaux-risqueurs au niveau amont de l’innovation, les business angels, est criant.

19Le risque principal est de ne pas comprendre que le facteur clé de succès réside dans les institutions informelles - et non dans l’attribution d’un label par l’administration - qui se créent au sein d’un pôle : l’esprit d’entreprise, le goût pour l’innovation et la prise de risque, des financements très abondants via des business angels qui assurent l’essor et la convergence des innovations. Les dispositifs technocratiques et verticaux classiques, tels que les pratique traditionnellement l’administration française, sont en tout cas inopérants : la politique des pôles est une nouvelle opportunité de reconcevoir le rôle de l’Etat et ses dispositifs d’intervention. Il est donc important de mettre en place une évaluation en continu de la vie de ces pôles pour comprendre leur dynamique émergente, de faire de la « recherche sur la recherche » pour innover dans la conception de l’IE comme politique publique de soutien à l’innovation.

2 – La technologie dans les politiques publiques des États-Unis

20La politique publique de la technologie fut très tôt au cœur du développement des États-Unis. Un des traits les plus surprenants de cette politique est sa transparence puisqu’elle est codifiée et fait l’objet d’une communication publique systématique. Son objectif est de s’assurer le contrôle des technologies stratégiques.

La stratégie des technologies critiques dans le Code des États-Unis (titre 42, chapitre 79)

Le Congrès déclare que les États-Unis doivent définir une politique nationale pour la science et la technologie pour soutenir un plan fédéral de recherche et développement pour chaque technologie critique.
Cette politique technologique doit reposer sur les principes suivants :
  1. Une politique publique de la science et de la technologie qui reflète les enjeux stratégiques. pour les États-Unis.
  2. La mise au service de l’économie nationale en rendant compatibles croissance et innovation avec une utilisation frugale des ressources et la préservation de l’environnement.
  3. Cette politique sera conduite de manière à répondre aux objectifs domestiques tout en servant les objectifs de politique étrangère.
  4. La formation et le recrutement de la base nécessaire d’ingénieurs et de scientifiques.
  5. Le maintien d’une solide base technologique reposant sur une forte coopération entre le fédéral, les états et le secteur privé, la dissémination de la connaissance scientifique, et la stimulation de l’intérêt du public pour la science et la technologie.
  6. Ces priorités doivent être adaptées en permanence par le gouvernement fédéral.
La politique doit faire l’objet d’un pilotage central qui :
  • Identifie les problèmes de politique publique
  • Mobilise les ressources pour les programmes essentiels
  • Sécurise leur financement
  • Anticipe les futurs enjeux de cette politique
  • Révise en permanence la politique fédérale et l’amende en conséquence.
Le gouvernement fédéral se fait une obligation de disséminer la science et la technologie en vue de leurs applications commerciales.
Le Congrès est annuellement informé de la vitalité de cette politique.
Il est du rôle spécifique du Président de concevoir un plan stratégique, actualisé en permanence sur les technologies critiques qui devra comporter :
  • Les objectifs et le rôle du gouvernement fédéral dans le développement des technologies critiques concernées
  • Un processus de consultation des parties prenantes, industriels, syndicats, organisations professionnelles.
  • Le développement d’une structure appropriée au sein du gouvernement fédéral pour piloter l’action du gouvernement fédéral dans la mise en œuvre de cette stratégie, notamment la coordination des agences gouvernementales.
  • Le développement de la synergie entre les industries et les universités tout au long de la mise en œuvre de la stratégie.
  • L’estimation d’un budget fédéral de R&D concernant la ou les technologies critiques pour les 5 ans à venir.
Le Président soumettra au Congrès, au plus tard le 15 février de chaque année, un rapport sur la mise en œuvre de cette stratégie.

21On peut comprendre la stratégie de puissance technologique des États-Unis en appliquant la grille d’analyse de constitution de la puissance stratégique de Richard d’Aveni (2001, Baumard 2004)) :

22Son idée essentielle est que si la maîtrise des technologies et des compétences du noyau stratégique est essentielle, ce n’est pas suffisant pour assurer une suprématie stratégique durable.

23L’important est la constitution de l’IE comme système d’influence organisé en cercles concentriques :

24Le noyau ou marché cœur est le marché géographique où l’entreprise perçoit la plupart de ses revenus et où elle est maître du jeu. Dans la stratégie américaine, ce sont les technologies de contrôle, soit de machine à machine (interopérabilité), soit de machine à humain (le middleware).

25Les intérêts vitaux : dans cette zone, on trouve les activités qui ne sont pas directement attrayantes par leur volume et leur rentabilité mais contribuent à la rentabilité et à la position de marché des produits du noyau. Ce sont les compléments indispensables pour fabriquer le produit global qui assurent le succès des produits du marché cœur. On voit ici que la logique de la stratégie de puissance américaine a évolué depuis la stratégie de conquête sur la frontière technologique d’Al Gore : nous sommes plus dans une logique de contrôle et de consolidation.

26La zone tampon est celle qui permet la réalisation de stratégies de lock-in en rendant difficile pour un concurrent une attaque sur une position frontale. La zone tampon permet d’endiguer une possible entrée de la concurrence. La stratégie américaine est principalement orientée vers la reconnaissance de formes, de modélisation et de chiffrage.

27La zone pivot se compose de combinaisons de marché de biens qui ne sont pas encore clairement dominés par aucun des joueurs principaux mais où il faut éviter que ne se constituent des positions dominantes. Les compétiteurs jouent le rôle de composant systémique de la stratégie d’ensemble, sans devoir la menacer.

28L’art de la stratégie, selon d’Aveni, est la prévision des mouvements au sein de chaque sphère d’influence et, bien sûr, leur contrôle pour conserver la maîtrise de l’architecture systémique de la stratégie de puissance. L’objectif n’est pas d’attaquer le concurrent sur son marché cœur - ce qui est généralement un gaspillage de ressources - mais au contraire de l’y replier par des stratégies d’endiguement sur les zones tampons. Une technologie cœur peut ainsi ne plus devenir qu’une simple « commodité », par exemple en restreignant un opérateur de télécommunication à la vente d’accès.

29Cette stratégie d’attaque par l’aval peut être complétée ou suppléée par une attaque par l’amont sur les processus d’innovation du marché cœur.

30D’Aveni distingue encore deux stratégies possibles, de type « jeu de go » : les stratégies d’épluchage par couche, ou de guérilla, vont attaquer chaque couche depuis l’extérieur jusqu’à la déstabilisation finale du marché cœur. Enfin, la stratégie des dominos consiste à identifier chez le concurrent les offres chaînées pour faire tomber une ligne d’influence jusqu’au marché cœur.

Figure : 1

L’IE comme système d’influence (Baumard, 2004)

Figure : 1

L’IE comme système d’influence (Baumard, 2004)

31Cette analyse de la stratégie américaine montre la nécessité d’avoir en matière de politique technologique une stratégie de puissance, des « buts de guerre » partagés entre l’État et les industriels, qui permettent de bâtir une architecture cohérente du laboratoire au marché.

3 – Ce que peut faire une politique d’intelligence Économique et stratégique

32En 1990 fut publié par la commission du développement industriel du MIT le rapport Made in America. Il soulignait combien le management des firmes américaines était devenu contreproductif face au modèle d’entreprise flexible développé par les Japonais. Les firmes étaient peu désireuses de coopérer sur les sujets qui auraient pu avoir un bénéfice collectif élevé. Étaient imputables tant l’attitude des managers que des pouvoirs publics qui voyaient une telle coopération d’un mauvais œil, que l’inexistence de la coopération entre administrations et entreprises. Made in America et d’autres rapports étaient l’illustration du courant dit « décliniste » qui soulignait la perte de leadership de l’industrie américaine face au Japon. Il eut un grand mérite : faire bouger les choses : Durant les années 1990, sous la présidence de Bill Clinton et notamment sous l’impulsion du vice-président Al Gore, les États-Unis ont généralisé la « politique du plaidoyer » (« Advocacy policy ») pour faire converger les politiques publiques et les initiatives privées vers les enjeux stratégiques identifiés au sein de « war rooms » réunissant autorités publiques et entreprises. C’est la mission, depuis 1994, de l’Advocacy Center du Département du Commerce. Il s’agit d’un bureau unique et central de coordination de la politique d’IE rassemblant les ressources de 19 organismes gouvernementaux des États-Unis pour s’assurer que les ventes des produits et des services américains puissent avoir les meilleures perspectives à l’étranger.

33Pays d’innovation et d’innovateurs, la France a sur ce sujet une politique angélique qui se traduit par l’abandon de ses avantages concurrentiels et de ses industries. Comment les préserver ? Comment constituer les nouveaux avantages concurrentiels propres à la dynamique de la III° révolution industrielle ?

3.1 – A la base de tout : l’éducation

34Le développement des théories de la croissance endogène a mis en avant qu’il y a une production endogène d’innovation liée à l’éducation.

35L’éducation a deux effets complémentaires sur l’effort de R&D : d’une part, elle réduit le coût de la R&D publique car une offre plus élevée de chercheurs est un incitatif pour les entreprises d’investir dans la R&D, d’autre part elle permet l’adoption rapide des technologies dans les pays en retard. L’effet de levier de l’éducation agit par deux biais : d’une part, un investissement dans les hautes qualifications proches de la frontière technologique accroît l’effet d’innovation. D’autre part, un niveau de qualification générale élevé de niveau primaire et secondaire facilite la diffusion des innovations, la transformation des organisations et la reconversion des qualifications. Il faut donc équilibrer l’investissement éducatif aux trois niveaux, primaire, secondaire et supérieur. Par exemple, le seul investissement dans les hautes qualifications peut avoir pour effet le départ des cerveaux vers les pays à hauts salaires (certains pays d’Amérique latine ou l’Inde) et avoir un effet moins fort sur la croissance que dans certains pays d’Asie du Sud-Est, comme Singapour, qui ont investi sur le niveau moyen d’éducation qui garantit une élévation générale des qualifications.

36La gestion de la mutation technologique en cours requiert au contraire une culture qui dépasse le cadre technique et qui soit capable d’intégrer des paramètres techniques, sociologiques et stratégiques. Du point de vue de la compétitivité économique, Keith Pavitt (1994) souligne qu’une des différences importantes entre deux systèmes d’innovation dynamiques est l’importance de la population ayant reçu une formation technique et capable, pour cette raison, d’accumuler des connaissances, plus que le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur.

37L’intelligence économique doit donc être considérée comme faisant partie de la culture générale plus qu’une compétence spécialisée.

38Le niveau traditionnellement élevé de l’enseignement français pourrait donc être géré comme un atout – ce qui pourrait sans doute l’aider à se réformer – alors que les États-Unis restent dépendants de l’importation d’étudiants [1], de professeurs et de techniciens qualifiés que leur enseignement secondaire ne fournit plus. Pour l’heure, il est devenu, à défaut d’une réforme radicale, le talon d’Achille des capacités d’évolution de notre appareil industriel.

3.2 – Gérer la destruction créatrice du consensus social

39L’historien britannique Éric Hobsbawm a montré que les conflits sociaux émergeaient à la fin des longues phases de développement des cycles de Kondratiev et qu’il y avait des « conflits en grappes » comme des « innovations en grappes ». Freeman et Louça identifient en fait deux points critiques : l’un à la fin de la phase d’expansion, lorsque les travailleurs disposent d’organisations puissantes et que le plein emploi donne des marges de manœuvre. La dernière grande vague de ce type se situe autour de 1968. Les travailleurs veulent obtenir les gains d’une productivité croissante tandis que les entrepreneurs veulent conserver des marges d’investissements face au déclin de la profitabilité. L’autre point critique se situe à la phase d’ajustement entre l’ancien et le nouveau paradigme techno-économique, quand le cycle entre en phase de récession avec croissance rapide du chômage et développement de l’insécurité de l’emploi, comme en 1974-75 et autour de 1983.

40Pour gérer les conflits engendrés par la désindustrialisation due à l’absence de politique industrielle qui fait que dans le processus de destruction créatrice, la destruction l’emporte sur la création.

41Mais il faut aussi gérer ce processus sur le lieu de travail : L’impact des TIC peut être considérable en changeant les paramètres de productivité des métiers et créant des effets d’exclusion, l’écart entre métiers utilisateurs des TIC et les autres se transformant par l’effet cumulatif de l’apprentissage lié à l’usage (Gollac, 2003). Management de l’innovation, nouveaux modèles d’activité, intégration des usages dans la conception, pilotage de la transformation organisationnelle, tels sont les facteurs clés de succès pour réussir l’entrée dans l’économie de la cinquième vague.

42Plus globalement, un changement technologique est un changement social : « la technologie construit le social » souligne François Caron (1997). Le principe d’interdépendance générale défini par Leontief en 1939 modifie la structure des échanges interindustriels et met l’économie en état d’instabilité structurelle. La modification des qualifications, le processus de destruction créatrice qui s’applique aux emplois, la course à la réduction des coûts dans les activités de main d’œuvre - qui englobent déjà les activités routinisées de production de logiciels – dans un contexte d’ouverture des frontières et les délocalisations qu’il permet, vont faire passer le système de l’instabilité à la turbulence.

3.3 – Une politique de puissance

43Il n’est pas de puissance économique qui ne soit assise sur une stratégie de puissance politique : la domination économique de la Grande-Bretagne durant la première révolution industrielle aurait été impensable sans la puissance maritime. C’est parce qu’elle eut la lucidité de son retard que l’Angleterre prit le Navigation Act en 1651 pour éviter de se faire évincer du commerce maritime par les Hollandais et doter le pays d’une flotte marchande.

44La dynamique politique doit être complétée par une dynamique entrepreneuriale qui repose essentiellement sur des caractéristiques culturelles et sociales qui favorisent l’apprentissage permanent : c’est le déclin de cet état d’esprit et des consensus sociaux qui le sous-tendent qui entraînent les pertes de leadership que connurent les Pays-Bas au XVII° siècle puis l’Angleterre au XIX°.

45Ces règles qui se sont appliquées lors des précédentes révolutions technologiques s’appliquent d’autant plus aujourd’hui quand le principal facteur de production réside dans le savoir et devient donc totalement déconnecté de la notion de ressource naturelle qui a été à la base du décollage des puissances industrielles des vagues précédentes. On peut ainsi considérer a priori que les cartes peuvent être redistribuées entre les nations. La recette du leadership semble rester la même : la convergence entre la volonté politique de l’État nation, la dynamique entrepreneuriale portée par la société et la robustesse des consensus sociaux. Que l’une de ces dynamiques fasse défaut et le déclin n’est pas loin.

46Pour comprendre le rôle actuel de l’intelligence économique, il faut d’abord le situer dans le contexte de l’entrée dans la société de l’information.

47La banalisation de la composante techné de la technologie devenue quasi bien public (facile à acquérir pour un faible coût) fait que les sources de différenciation et de constitution de l’avantage concurrentiel se déplacent vers sa composante logos. Beaucoup plus que la possession de la technologie, c’est la maîtrise de sa mise en œuvre par des modes organisationnels favorisant la créativité et l’innovation qui compte. L’avantage concurrentiel des firmes repose sur des éléments immatériels : modes d’organisation, pratiques sociales et culturelles. Au matériel (le hardware) indispensable, mais dont la possession n’apporte pas de différenciation, il faut ajouter le traitement de l’information (le software) et surtout la capacité à concevoir de nouveaux processus et de nouvelles formes organisationnelles grâce aux technologies (l’orgware). L’ensemble de ce système est piloté par une aptitude à l’innovation permanente (le brainware).

48Les sciences cognitives et la théorie économique n’ont mis que récemment à jour l’importance du savoir tacite (c’est-à-dire non codifiable, non brevetable et non transmissible, autrement que par l’apprentissage) avec les travaux de Michaël Polanyi [2], et avec ceux de Kenneth Arrow qui mirent l’accent sur le rôle déterminant de l’apprentissage par la pratique, le learning by doing, qui crée un effet cumulatif à la source de la croissance économique.

49Illustrant ces travaux, le Japonais Ikujiro Nonaka (1995) démontra comment son pays avait rattrapé l’Occident : la culture bouddhiste ainsi que les consensus sociaux qui en sont le corrélat avaient permis de bâtir, à partir de l’acquisition de la technologie occidentale, de nouveaux systèmes de production beaucoup plus compétitifs. Il affirmait ainsi la primauté de la capacité à concevoir sur les éléments purement techniques de l’innovation et surtout sur l’aptitude à l’innovation qui repose sur la possibilité de créer de la connaissance explicite et opérationnelle à partir du savoir tacite - l’expérience accumulée - par la créativité et l’apprentissage mutuels. Pour Nonaka, la culture orientale qui conçoit le monde comme un tout harmonieux et inter relié, était plus appropriée pour concevoir l’intégration de systèmes hétérogènes que la culture occidentale basée sur le cartésianisme qui tend à disjoindre les éléments sans pouvoir concevoir l’unité de la partie et du tout.

50Dès lors que l’on a conscience que 95% du savoir humain est tacite, donc non codifiable et non-transférable, c’est cette capacité à créer qui devient essentielle.

3.4 – Stimuler la dynamique des systèmes nationaux d’innovation

51Pour le sens commun, le fait qu’une firme ait une activité internationale et que son équipe dirigeante soit internationalisée en ferait une firme mondiale sans patrie ni frontières. Pourtant, le facteur déterminant de la compétitivité des firmes repose sur leur caractère national, toute firme faisant partie d’un système national d’innovation (Nelson, 1996, Freeman et Soete, 1997, Lundvall, 1992) dont Friedrich List a dessiné les traits avec son Système National d’Économie Politique. L’innovation résulte de la qualité des interactions entre les institutions publiques (politiques commerciales, fiscales, salariales, éducation, santé publique, aménagement du territoire, infrastructures…), de la performance de la recherche des laboratoires publics, généralement orientée vers la recherche fondamentale (universités, établissements publics de recherches) et de la convergence avec la R&D (Recherche et Développement) des firmes, généralement orientée vers la recherche appliquée, enfin du dynamisme du système financier lequel, par le capital-risque et l’investissement, qui permet à une invention issue du laboratoire de devenir une innovation qui trouve son marché.

52Pour Lundvall (1997), le rôle de l’État nation est devenu beaucoup plus important qu’auparavant pour stimuler les boucles rapides d’apprentissage dans l’économie du savoir. Pour stimuler l’apprentissage interactif entre les composantes de la croissance, les institutions peuvent avoir un rôle clé dans la détermination de l’effort d’innovation. Et ce, tant sur le plan formel (les incitatifs créés par les institutions) qu’informel par les habitudes, les normes sociales qui déterminent la coopération des acteurs entre eux, leur logique d’apprentissage, de capitalisation, de diffusion et d’utilisation de la connaissance.

53Le savoir, essentiellement tacite, reposant sur des pratiques d’innovation, est peu mobile et peu transférable : il devient donc d’autant plus constitutif d’un avantage concurrentiel que le rôle des intangibles dans la croissance économique devient important.

54La combinaison de ces éléments fait apparaître quatre types de capital (Lundvall, 2004) :

Tableau : 1
Tableau : 1
Ressources transférables et faciles à reproduire Ressources difficilement transférables et difficiles à reproduire Ressources tangibles Capital productif Capital naturel Ressources intangibles Capital intellectuel Capital humain

55Le capital naturel intègre le développement durable et la préservation de l’environnement au sens classique.

56Le capital intellectuel peut être facilement transféré par le drainage des cerveaux, ce qui est le cas avec l’afflux des élites des pays en voie de développement dans les grandes universités américaines, par exemple.

57L’enjeu stratégique pour ces pays est alors de rapatrier des élites une fois formées, ce qui dépend des comportements sociaux. Les étudiants chinois retournent au pays. Ce fut longtemps moins le cas pour le million d’indiens hautement diplômés qui ont assuré la prospérité de l’industrie des technologies de l’information aux États-Unis.

58Beaucoup de politiques d’intelligence économique utilisent leur diaspora comme canal d’accumulation de capital intellectuel (la Chine, l’Allemagne et le Japon notamment), ce qui est totalement étranger à la culture française.

59L’accumulation et la préservation du capital intellectuel vont donc dépendre du capital humain, soit de la capacité du système national à créer et entretenir le capital humain qui est à la base des capacités d’apprentissage. C’est, d’après Lundvall (2004), le principal défi aujourd’hui qui s’impose aux systèmes nationaux d’innovation. Leur capacité à créer de la connaissance par l’apprentissage a été soulignée par Chris Freeman (1997) : le capital social est un pré-requis pour la création et la conservation du capital intellectuel. Lundvall insiste sur le fait qu’aujourd’hui ce n’est pas tant le stock de capital intellectuel qui compte, que la vitesse d’apprentissage, soit l’intégration des technologies dans les usages, avec pour corrélation la capacité de désapprentissage des technologies obsolètes.

60La capacité à capter rapidement l’information aux bonnes sources et à la mettre en œuvre devient critique [3] et plus elle est tacite moins elle est copiable et transférable.

61Cette capacité repose dans les institutions informelles que sont les pratiques sociales, les systèmes de management, la fluidité entre secteur public et secteur privé et entre agents hétérogènes dont le savoir isolé peut être sans valeur mais peut constituer les briques de base d’un système complexe de connaissance.

62Dynamiser les systèmes nationaux d’innovation doit donc s’inscrire dans une approche multi disciplinaire qui englobe toutes ces dimensions des relations sociales et de la capacité des institutions, formelles et informelles à les dynamiser. L’intelligence économique émerge aujourd’hui comme étant cette discipline et c’est à juste titre que le député Carayon (2003) a appelé son rapport « Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale ».

3.5 – L’État nation reste la source de l’avantage concurrentiel

63L’autre dimension est celle du rôle de l’État nation. Dans la pensée économique des cycles technologiques précédents, la recherche des économies d’échelle était liée à la recherche d’une taille critique, chez List notamment qui sera le père spirituel du Zollverein. Le succès des petits pays dans l’économie des technologies de l’information tend à démentir cette vision. La Suisse exécute l’essentiel de sa R&D à l’étranger sans pour autant que les entreprises suisses perdent leur identité nationale. Pour Lundvall, la qualité du capital social compense la taille, ce qu’avait déjà remarqué Kuznets (1960). Le capital social va devenir la ressource rare qui sera à la base de l’avantage comparatif des nations [4]. Les études empiriques citées par Lundvall montrent que la globalisation, loin de diluer l’identité nationale des entreprises, la renforce, précisément pour renforcer la production de capital social. Plus précisément, comme le dit Philippe Caduc, directeur de l’ADIT [5], « la nationalité d’une entreprise, c’est celle de son système d’intelligence économique ».

4 – L’intelligence Économique, un levier pour la réforme de l’État

64A ce jeu, la France a des atouts indéniables : c’est une nation politique où l’État joue un rôle moteur. Elle possède une tradition d’excellence technique et de haut niveau d’éducation et les ingénieurs y ont toujours fait preuve d’une remarquable imagination intuitive. Sa gestion des consensus sociaux, plus proche de la culture japonaise de l’emploi à vie que du système américain, s’avère pertinente dès lors que le capital des firmes devient essentiellement son capital cognitif dont la valeur est liée à une faible rotation et à une qualité du climat social propre à la découverte.

65Elle présente également des zones de faiblesse très préoccupantes. Ancien président de Bull, Jacques Stern souligne l’inadéquation de la culture de l’État à gérer les opportunités technologiques [6]: Si l’État américain est très protectionniste et interventionniste, il s’assure simultanément que les entreprises concernées n’abusent pas de la situation aux dépens des consommateurs et maintient la compétition qui est à la base de la dynamique de l’innovation. A l’opposé, l’État français a créé des marchés protégés pour ses industries nationales, ce qui a été fatal à son industrie informatique ou à des innovations majeures comme le minitel qui a ignoré le principe des rendements croissants d’adoption pour verrouiller une position mondiale, alors que de grands programmes nationaux menés avec intelligence lui ont assuré de pouvoir jouer dans la cour des grands. Brûlant ce qu’il a adoré, il passe aujourd’hui à une ouverture des frontières imprudente, qui confond abandon de l’interventionnisme direct dans la gestion avec l’abandon de toute intervention dans le cadrage stratégique et le façonnage des facteurs de compétitivité de l’économie nationale.

66La politique de l’État en matière d’intelligence économique doit donc partir d’une compréhension des leviers non technologiques permettant de tirer profit des opportunités technologiques.

67Dans ce contexte, quel rôle doit jouer l’État, et quelles relations avec les entreprises doit-il entretenir pour assurer la compétitivité de l’économie française ?

68Quelles sont ses pratiques actuelles, les schémas mentaux dominants et en quoi sont-ils adaptés ou inadaptés aux enjeux actuels ?

69Quels axes de progrès concrets doivent s’avérer prioritaires ?

70Ce débat peut être éclairé par le schéma de Woolcock (1998) qui identifie quatre composantes du capital social : deux au niveau organisationnel et deux au niveau institutionnel. Au niveau organisationnel, la qualité du capital social va dépendre de l’intensité des relations au sein de la communauté. Des liens sociaux faibles ne permettent pas d’interactions suffisantes pour produire de la connaissance. À l’opposé, des liens sociaux trop forts peuvent renfermer le système sur lui-même et lui faire perdre sa capacité d’écoute de l’extérieur. Au plan institutionnel, l’État peut avoir un rôle positif ou négatif selon qu’il stimule ou inhibe les synergies entre acteurs, leur permet ou non de dépasser leurs verrouillages relationnels. Il a lui-même besoin d’une cohérence organisationnelle pour ne pas être le jeu des groupes de pression, tout en ne devenant pas autiste.

Tableau : 2
Tableau : 2
Inspiré de Woolcok (1998) Cohérence organisationnelle de l’État Faible Forte Synergie créée par l’État Faible Déliquescence de l’État et de la société Inefficacité et pesanteur de l’État Forte Risque de corruption ou d’autisme Congruence, l’État développeur

71La difficulté à concevoir ces nouveaux modes d’intervention, basés sur un partenariat au service de l’économie nationale plus que sur une activité réglementaire classique, compte pour beaucoup dans les hésitations de la politique d’intelligence économique à mener en France.

72L’intelligence économique offre un bon exemple de blocage de l’évolution de l’État : la conception traditionnelle de l’État, reposant sur une stricte séparation des intérêts publics et privés, ne permet pas de concevoir une politique de soutien aux entreprises, basée sur la mise à disposition d’acteurs d’informations que l’État est, du fait de ses prérogatives, le seul à détenir.

73Très tôt après la chute du mur, le dispositif américain a été repensé pour intégrer les rapports de force géoéconomiques du temps de paix, un allié politique pouvant être en même temps un rival économique. Le National Industrial Security Program lancé par l’Administration Clinton s’est fixé pour objectif d’adapter les entreprises américaines aux nouvelles contraintes de la société de l’information. Le NISP invite tout citoyen américain à considérer l’échange d’informations comme un risque potentiel pour son entreprise et un manuel de procédures de sécurité est imposé à tous les partenaires du gouvernement fédéral [7].

74La mise en place d’un dispositif d’intelligence économique approprié à l’entrée dans l’économie de l’information ne s’est faite qu’en 2003. Il peut être le catalyseur d’une réforme en profondeur tant des modes d’intervention que de fonctionnement de l’État pour en faire en lui-même un système d’information apprenant, qui sache mettre en synergie les acteurs de la compétitivité nationale.

5 – Ce que l’histoire nous apprend : l’État au cœur du processus d’Évolution

75Le progrès technologique n’est pas une manne du ciel mais le résultat d’une action intentionnelle d’un État capable de vision et de pensée stratégique quant à la compréhension des moteurs de la croissance, et capable de concevoir le cadre institutionnel approprié.

76L’État est le lieu où s’incarne cette volonté politique qui est à la base de l’évolution. La dynamique évolutionniste entre l’État et la technologie naît avec la révolution copernicienne qui invalide le paradigme géocentrique d’un cosmos fini où tout développement impliquait déséquilibre, l’économie étant considérée comme un jeu à somme nulle, contraire à un ordre de l’équilibre, supposé naturel et procédant de la volonté divine.

77Révolution copernicienne et découverte du nouveau monde créent les conditions culturelles du développement et des rendements croissants du développement économique. Elles ouvrent l’ère des mondialisations et des empires « où le soleil ne se couche jamais ». La mondialisation espagnole du XVI° siècle ne parviendra pas à connecter puissance politique et puissance économique bien qu’ayant ouvert l’accès au flot d’or et d’argent qui allait permettre, deux siècles plus tard, d’apporter à l’Europe la stabilité monétaire qui manquait à son épanouissement commercial. La mondialisation hollandaise du XVII° siècle reposera sur l’alliance entre la puissance politique, maritime, bancaire et commerciale. Elle sera détrônée par la volonté obstinée de l’Angleterre d’asseoir sa suprématie sur l’Europe et le commerce avec le nouveau monde.

6 – Y-a-t’il une formule gagnante pour la III° révolution industrielle?

78Les leviers du succès dans le contexte de la III° révolution industrielle peuvent être représentés selon la Figure 2.

79Une première sphère est la dynamique institutionnelle qui inclut la production et la diffusion de savoir pour l’innovation dans l’économie,

80Pratiquement, cela va comprendre les activités suivantes :

  • Maîtriser la base de connaissance scientifique et la conserver
  • Investir dans l’éducation de base et dans l’ingénierie
  • Stimuler l’interaction entre la production de savoir et l’économie
  • Avoir une politique de puissance politique
  • Axer le commerce extérieur autour du développement de la puissance technologique.
Mais si l’on en restait là - ce qui correspond à la définition classique du système national d’innovation - on courrait le risque que le système ne soit pas en co-évolution suffisante avec son environnement. Il faut donc ajouter un dispositif autorenforçant d’apprentissage collectif : les performances d’innovation doivent rétroagir sur les déterminants de l’innovation pour renforcer l’avantage concurrentiel d’une nation. Le système d’intelligence économique joue ici tout son rôle en optimisant la synergie entre les acteurs, en identifiant les informations et les pratiques stratégiques et en les étalonnant contre la stratégie compétitive des autres systèmes.

81Faire de l’intelligence économique un levier de définition des objectifs stratégiques de la nation et de réforme de l’État est donc l’élément critique de la dynamique d’un système national d’innovation étendu.

82C’est également un levier puissant de réforme de l’administration, afin que sa lourdeur ne devienne pas un obstacle à l’évolution institutionnelle et qu’elle soit elle-même capable de traiter l’information stratégique de manière efficace en bâtissant les partenariats nécessaires avec les acteurs économiques.

Figure : 2

Les composantes d’un système national d’intelligence économique

Figure : 2

Les composantes d’un système national d’intelligence économique

83La politique nationale d’intelligence économique peut ainsi grandement jouer sur la « capacité d’absorption » technologique des firmes, comme le montre Antoine Saïd (2004), telle que définie par Cohen et Levinthal (1990) soit « la capacité de reconnaître la valeur, à assimiler et à exploiter une nouvelle information (ou connaissance) à des fins commerciales ». La capacité d’absorption remplit ainsi deux principales fonctions : d’une part, elle permet de comprendre et d’exploiter les nouveaux progrès dans un domaine donné et, d’autre part, de mieux évaluer l’intégration des innovations disponibles et d’en prévoir les développements ultérieurs.

84On peut donc ajouter deux activités à notre formule gagnante :

  • Avoir des objectifs clairs de maîtrise des technologies clés pour l’avantage concurrentiel national.
  • Organiser l’administration autour du traitement de l’information stratégique.
Le courant dominant du débat nous enferme dans le dilemme : soit un État protecteur, mais coûteux et inefficace qui nous emmène à coup sûr vers le déclin, soit l’adoption du modèle de marché de type néoclassique que l’Union européenne entend « constitutionnaliser ».

85Ce dilemme est faux : même – et dans les faits, surtout - dans un modèle de marché ouvert à la concurrence et hautement compétitif, le rôle de l’État est essentiel comme architecte institutionnel au service du bien commun:

86La troisième révolution industrielle, tout comme les précédentes, ne peut développer tous ses fruits sans un cadrage institutionnel par l’État, et que le libre-échange n’est qu’un pragmatisme dont la mise en œuvre dépend du rapport de chaque pays avec la technologie, de son souci de l’acquérir s’il est en voie de rattrapage ou de diffuser ses produits industriels s’il est leader.

87Le libre-échange, dans cette perspective, apparaît comme un instrument au service d’une stratégie mais pas plus. Un pays en situation de rattrapage a intérêt à pratiquer une ouverture commerciale raisonnée, dissociée de l’ouverture des marchés de capitaux, qui s’inscrira dans une politique d’acquisition de la technologie qui suppose un fort cadrage institutionnel national [8].

88S’il y a décalage entre évolution de l’État et évolution des autres acteurs, non seulement de l’économie, mais aussi des consensus sociaux, il y a retard, voire arrêt de l’évolution et déclin. L’État a un rôle dans la dynamique de ce processus, car toute nation parvenue au faite de sa puissance fait face à une résistance au changement des institutions et des technologies en place qui s’oppose à l’innovation et crée des opportunités pour les pays en voie de rattrapage. L’État est la seule force capable de briser les rentes des positions acquises et de dessiner un nouveau cadre institutionnel favorable à l’innovation.

7 – “Je me demande si le Général a bien approfondi Saint-Augustin”

89"Je me demande si le Général a bien approfondi saint Augustin ” confiait, légèrement inquiet, André Malraux à Pierre-Louis Blanc – alors secrétaire particulier de De Gaulle – lors d’un déjeuner un jour de décembre 1969 [9]. Rappelons que quelques semaines plus tôt, Malraux était encore ministre, fonction qu’il occupa durant dix ans. Voilà donc le type de conversation que pouvait avoir l’une des grandes figures politiques et culturelles de son époque et un haut fonctionnaire. Cette simple anecdote nous permet de saisir certaines des préoccupations de la classe politique et administrative d’il y a à peine un quart de siècle, où la culture générale, le sens de l’évolution historique et du mouvement des idées avaient leur place.

90L’histoire nous enseigne que l’évolution des nations résulte d’une action intentionnelle d’un État capable de voir loin et de bâtir des institutions aptes à faire co-évoluer la société et son environnement. La perte de cette volonté et de ce savoir-faire de l’État signifie le déclin. Venise, Amsterdam, Londres ne sont plus que des puissances de second ordre, voire de simples destinations touristiques. Avec près de 10% de son PIB provenant du tourisme, la France, première destination touristique mondiale, peut suivre sans difficulté ce chemin. Il lui suffit de cesser d’avoir envie d’être une nation, d’avoir la vision du long terme qui fut celle d’un Colbert la dotant des atouts qui lui manquaient, remplissant les « saillants inversés » (Reinert, 1999), plantant la forêt de Tronçais pour la doter -avec un recul de 200 ans !- du bois qui serait nécessaire à la construction de sa marine.

91À la manière de David Landes (2000 : 284) qui dresse le portrait robot de l’État idéal qui n’a jamais existé dans les faits mais dont l’Angleterre s’est rapprochée le plus au XVIII° siècle, nous pouvons tenter l’expérience pour le XXI°.

92Un État, et plus largement un système national d’intelligence économique, qui assurerait le plein épanouissement des capacités de la société pour tirer profit de la révolution technologique :

  • Promouvrait une culture de l’incertitude et de l’indéterminisme s’inscrivant dans le temps long de l’évolution historique, soit la réinvention de la sagesse des anciens;
  • Investirait dans les infrastructures de l’économie numérique et les réseaux, en en faisant un processus d’apprentissage entre acteurs publics et privés;
  • Aurait une politique technologique basée sur une conception non-linéaire de l’innovation, stimulée par des innovateurs ne respectant pas les normes établies, soutenant les petites entreprises innovantes par un système complet d’aide et de financement leur permettant de traverser la « vallée de la mort » et de se renforcer au cours du processus de sélection qui mène à la viabilité commerciale ;
  • Investirait prioritairement dans le capital humain, bien sûr au plus haut niveau de la recherche mais aussi et surtout au niveau élémentaire de l’école pour assurer un haut niveau d’éducation homogène sans lequel il n’y a ni citoyenneté ni possibilité de collecter les fruits d’un enseignement supérieur ;
  • Considérerait les TIC comme une technologie générique permettant de repenser les organisations, le travail et les conditions de la productivité, à commencer par les propres administrations de l’État ;
  • Soutiendrait une politique d’intelligence économique active qui assure la présence de grandes firmes sur la frontière technologique ;
  • Gérerait le commerce international comme un moyen d’acquisition de technologies nouvelles et de recherche de rendements croissants, ouvrant et fermant les frontières comme moyen de régulation de l’évolution du système économique ;
  • Serait assez fort pour coopérer avec d’autres États pour assurer la stabilité monétaire mondiale et lutter contre la criminalité internationale;
  • Aurait une structure souple, flexible et évolutive pour coopérer avec l’ensemble des acteurs de la société pour ne pas les écraser par sa bureaucratie mais stimuler l’apprentissage collectif.
Si l’on ajoute qu’un tel État aurait des hommes politiques sages, au sens de la philosophie politique classique, qui parlerait au pays des enjeux à long terme, saurait le faire rêver tout en pesant les enjeux éthiques, afin que les entrepreneurs puissent entreprendre éclairés par le souci du bien commun, que les consensus sociaux puissent évoluer en garantissant prospérité du tout et sécurité de chaque partie, on obtient le portrait le plus irréaliste qui soit d’un État qui n’a jamais existé et n’existera jamais.

93Néanmoins, comme David Landes le dit avec conviction « Ce paradigme anticipe cependant le cours de l’histoire. Ce sont ces vertus qui ont favorisé le progrès matériel et économique » (2000 : 287). Nous avons là le cahier des charges d’une politique d’intelligence économique dans toutes ses dimensions : système d’information, d’influence, d’absorption de la connaissance et de croissance politique, économique et sociale.

Bibliographie

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Notes

  • [1]
    Les États-Unis produisent moins d’ingénieurs que la France.
  • [2]
    Michaël Polanyi, « The Tacit Dimension », 1966.
  • [3]
    Ce que Lundvall divise en quatre compétences : le savoir quoi (accéder à l’information), le savoir pourquoi (connaître les relations causales), le savoir comment (mettre en œuvre) et le savoir qui (identifier les détenteurs et les destinataires pertinents). Ces deux dernières dimensions sont tacites et donc les plus difficilement reproductibles et transférables, donc de nature à constituer un avantage concurrentiel. Nous employons ici indifféremment capital humain et capital social, en tendant à préférer ce dernier terme qui met plus l’accent sur les flux relationnels.
  • [4]
    On peut rapprocher cette observation de celle faite par Gregory Bateson dans, « Vers une écologie de l’esprit » (1977 : 256) « La souplesse sociale est une ressource aussi précieuse que le pétrole et le titane, et elle doit faire l’objet d’une budgétisation appropriée de manière à être dépensée (comme la graisse) uniquement pour les changements nécessaires (…) La souplesse peut être définie comme une potentialité non-engagée de changement ». La souplesse sociale doit donc être capitalisée par un processus permanent qui sera alimenté par la qualité des institutions et dépensée aux moments critiques par les institutions en charge de l’évolution du système.
  • [5]
    Agence pour le Développement de l’Information Technologique, www.adit.fr
  • [6]
    Jacques Stern « L’Europe des occasions perdues », in Géopolitique, puissance, science et technologie, 2000.
  • [7]
    http://www.dss.mil/isec/chapter1.htm
  • [8]
    Ce qui est la stratégie de la Chine aujourd’hui, qui semble enfin pouvoir entrer dans l’économie capitaliste grâce à la dictature du Parti communiste qui brise les structures sociales et culturelles du confucianisme fondamentalement hostile au changement.
  • [9]
    Pierre-Louis Blanc Valise diplomatique. Souvenirs, portraits, réflexions Edition du Rocher (2004) Réflexions de P.-L. Blanc, tour à tour chef du service de presse à l’Élysée, directeur de l’ENA et représentant permanent de la France aux Nations unies.
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