Notes
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[1]
J. H. Gagnon, Les scripts de la sexualité, Paris, Payot, 2008.
-
[2]
M. Foucault, Histoire de la sexualité. La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976.
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[3]
Ibid., p. 101.
-
[4]
Saba Mahmood, Politiques de la piété. Le féminisme à l’épreuve du renouveau islamique, Paris, La Découverte, 2009, p. 48.
-
[5]
Ibid. C’est moi qui souligne.
-
[6]
Ibid., p. 49. C’est moi qui souligne.
-
[7]
Ibid., p. 49.
-
[8]
A. Hammoudi, Maîtres et disciples, Paris/Casablanca, Maisonneuve et Larose/Éditions Toubkal, 2001, p. 133.
-
[9]
B. Dunne, « Homosexuality in the Middle East : an Agenda for Historical Research », Arab Studies Quarterly, 12, 1990, pp. 58-59.
-
[10]
A. Schmitt, « Different Approaches to Male-Male Sexuality/Eroticism from Morocco to Uzbekistan », in A. Schmitt, J. Sofer (dir.), Sexuality and Eroticism Among Males in Moslem Societies, New York/London/Norwood, Routledge, Haworth Gay and Lesbian Studies, 1992.
-
[11]
Ibid., pp. 2-3.
-
[12]
Ibid., p. 3.
-
[13]
S. Freud écrit dans une note ajoutée en 1909 à son œuvre Trois essais sur la théorie sexuelle : « Nous avons établi dans tous les cas examinés que les futurs invertis traversent, au cours des premières années de leur enfance, une phase de fixation très intense et cependant éphémère à la femme (le plus souvent à la mère) et qu’après avoir surmonté cette phase, ils s’identifient à la femme » (Paris, Gallimard, 1987, p. 50).
-
[14]
Dans une note ajoutée en 1915 à son essai sur les aberrations sexuelles, l’un des Trois essais sur la théorie sexuelle, Freud écrit : « c’est l’indépendance du choix d’objet vis-à-vis du sexe de l’objet, la liberté de disposer indifféremment d’objets masculins ou féminins — telle qu’on l’observe dans l’enfance, dans des états primitifs et à des époques reculées de l’histoir —, que la psychanalyse considère comme la base originelle à partir de laquelle se développent, à la suite d’une restriction dans un sens ou dans l’autre, le type normal aussi bien que le type inversé […]. Parmi les facteurs accidentels qui influencent le choix d’objet, nous avons trouvé que la frustration (l’intimidation sexuelle précoce) était digne d’intérêt et nous avons également noté que la présence des deux parents jouait un rôle important. Il n’est pas rare que l’absence d’un père fort dans l’enfance favorise l’inversion » (Paris, Gallimard, 1987, pp. 51-52). C’est moi qui souligne.
-
[15]
A. Schmitt, « Different Approaches to Male-Male Sexuality/Eroticism from Morocco to Uzbekistan », op. cit., p. 12. C’est moi qui souligne.
-
[16]
K. Duran, « Homosexuality and Islam », dans A. Swidler (dir.), Homosexuality and World Religions, Valley Forge, Trinity Press International, 1993 ; cité à partir de J. Massad, Desiring Arabs, Chicago, University of Chicago Press, 2007, pp. 176-177.
-
[17]
Sur le traitement de la différenciation du masculin et du féminin dans la philosophie occidentale voir G. Lloyd, The Man of Reason. “Male” and “Female” in Western Philosophy, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1984.
-
[18]
S. Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, op. cit., pp. 71-72, note. C’est moi qui souligne.
-
[19]
L’objet sexuel, selon la définition de S. Freud, est « la personne dont émane l’attraction sexuelle », tandis que le but sexuel est « l’acte auquel pousse la pulsion ». Ibid., p. 38.
-
[20]
Pour une critique de l’hétérocentrisme dans les études anthropologiques sur les « pratiques homosexuelles », et notamment sur l’« homosexualité ritualisée » en Mélanésie, voir D. A. Elliston, « Erotic Anthropology : “Ritualized Homosexuality” in Melanesia and Beyond », in J. Robertson (dir.), Same-Sex Cultures and Sexualities. An Anthropological Reader, Oxford, Blackwell Publishing, 2005, pp. 91-115.
-
[21]
Cf. M. Foucault, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, ainsi que Histoire de la sexualité 2, L’usage des plaisirs, Paris, Gallimard, 1984.
-
[22]
Le « faux mariage homosexuel de Ksar el-Kebir », événement qui a eu lieu au Maroc en 2007, fut en réalité la représentation farcesque du mariage d’un garçon (Fouad) de cette ville du nord et d’un djinn féminin (Aïcha Kandisha) qui lui serait apparu en rêve lui intimant l’ordre de s’habiller en mariée et de mettre en scène la cérémonie du mariage (avec une procession dans les rue du quartier). Les images du garçon habillé en mariée ont été publiées sur Internet, faisant éclater un grand scandale dans la presse et sur la scène politique. Les partis conservateurs islamiques, le PJD et Al Adl Wal Ihsane, ont ensuite lancé une pétition pour demander l’arrestation du garçon ainsi que des participants à la cérémonie. Il y eut aussi une tentative de « lynchage » de Fouad à son domicile. Les autorités ont finalement arrêté et condamné Fouad à dix mois de prison pour « commerce illégal d’alcool » et « perversion sexuelle » en violation de l’article 489 du code pénal qui punit « les actes contre-nature ».
-
[23]
G. Rebucini, « Masculinités hégémoniques et “sexualités” entre hommes au Maroc. Entre configurations locales et globalisation des catégories de genre et de sexualité », Cahiers d’études africaines, « Masculin pluriel », n°209-210, 2013/1-2, pp. 387-415.
-
[24]
M. Cervulle et N. Rees-Roberts, Homo exoticus. Race, classe et critique queer, Paris, Armand Colin, 2010.
-
[25]
Il existe en Palestine, au Liban, en Turquie et dernièrement en Tunisie, des associations pour la défense des droits des minorités sexuelles et de genre. Au Maroc aussi commencent à voir le jour des associations de ce genre. Mon propos doit donc être nuancé par la présence de ces nouvelles subjectivités politiques.
1La question de l’identité sexuelle, notamment homosexuelle, ne peut être purement et simplement transposée d’un contexte culturel à un autre, en vue de discerner les similitudes ou les différences historiques et sociales entre les deux contextes. L’identité sexuelle en elle-même, aussi bien que les pratiques et le discours sur la sexualité, se sont construits dans le temps et dans des conditions sociales et culturelles particulières. Si l’on suit la lecture proposée par John Gagnon [1], le discours contemporain sur la sexualité repose sur la conviction, erronée ou du moins surdéterminée, que ce sont des pulsions biologiques innées qui déterminent en grande partie le développement sexuel des individus. Ce présupposé amènerait les chercheurs qui travaillent sur la sexualité à sous-estimer les composantes essentiellement sociales et culturelles à l’origine des pratiques corporelles érotiques et des identités sexuelles. S’il est généralement admis, depuis la publication de La volonté de savoir de M. Foucault [2], que les identités sexuelles sont le produit de l’histoire de l’Europe du dix-neuvième siècle, avec J. H. Gagnon la critique à laquelle est soumise la tradition des études sur la sexualité en Occident, et notamment aux États-Unis, se radicalise. Selon lui, la psychologie, dont les deux principales figures dans ces études seraient S. Freud et A. C. Kinsey, mais aussi les sciences sociales en général, ont regardé la sexualité comme le produit de l’interaction de forces éminemment biologiques qu’il est nécessaire de canaliser à travers la socialisation de l’individu. On se trouverait ainsi, dans l’œuvre de Freud, dans un monde dominé par la recherche des motivations, un monde où le corps n’est jamais assez problématisé puisqu’il est à la fois source de la naturalité (« l’anatomie, c’est le destin ») et destinataire inerte des significations qui lui sont attribuées.
2Pour Foucault, cependant, l’histoire de la sexualité moderne en Occident se caractérise par la mise en place du « dispositif de sexualité [3] » faisant du désir l’élément organisateur de toute l’expérience subjective concernant les pratiques corporelles. Les pratiques corporelles érotiques sont prises dans ce « dispositif » d’un savoir-pouvoir à la fois contraignant et productif. Contraignant au sens où il a réduit les possibilités d’entendement et d’expérience de la multitude de pratiques corporelles possibles à celles qui pouvaient désormais entrer de plein droit dans ce dispositif, il est également productif en ce qu’il a permis l’émergence d’identités et de subjectivités (psychologiques mais surtout politiques) jusque-là inconnues — les identités homosexuelles et hétérosexuelles entre autres.
3La productivité du dispositif s’est aussi exprimée par un modèle de sexualité moderne et occidentale articulé autour de l’« aveu », du discours sur et de la sexualité. À travers un processus de prise de conscience, d’expression langagière et rationelle, la sexualité a fini par désigner à elle seule le marquage de la frontière entre la conscience et l’inconscient du moi. Le discours de (et sur) la sexualité fonctionne aussi comme un « dicours de vérité » quant à cette frontière. Elle sert à la détermination du vrai soi, du for intérieur de chacun.
4On pourrait, en d’autres termes, dire que la sexualité moderne en Occident est une sexualité kantienne qui s’est substituée à un dispositif de la corporéité aristotélicien. Si l’on suit le raisonnemment de Saba Mahmood sur les conceptions de l’éthique du monde moderne occidental, la sexualité de l’aveu et du discours de vérité est un système moral qui reposerait sur « la faculté critique qu’est la raison [4] ». Le recentrement du dispositif de sexualité sur le discours de vérité et sur les pratiques langagières de la sexualité a eu pour conséquence le « relatif désintérêt que l’on porte aujourd’hui à la forme apparente des pratiques [corporelles] et l’indifférence générale pour la conduite, l’attitude et l’étiquette sociale qui se dégage de nos analyses des systèmes [corporels] [5] ».
5Ce qui intéresse les sciences sociales n’est donc pas de savoir comment les pratiques corporelles érotiques peuvent s’inscrire dans un modèle moral et de comportements sociaux particuliers, mais plutôt ce que ces pratiques signifient, pour les individus (leur personnalité) et pour les groupes sociaux (le rapport entre les pratiques sexuelles et les réactions ou les représentations qu’elles produisent dans la société). L’accent n’est jamais mis sur les pratiques elles-mêmes, en tant que réalisations particulières, ou sur leur place dans le jeu complexe des pratiques sociales, mais sur leur rôle « d’indicateur du statut social, de la classe, ou de l’habitus idéologique d’un groupe [6] ». Je souscris à ce que dit S. Mahmood : « La spécificité d’une pratique corporelle nous renseigne également sur le type de rapport qu’elle présuppose en amont de l’acte qui est constitué ; et une analyse de la forme particulière que prend le corps pourrait transformer notre compréhension de l’acte lui-même. De plus, un comportement corporel ne peut être réduit à une relation de signification individuelle et sociale ; il dote également le soi d’un certain type de capacités d’agir [7]. »
6Les pratiques corporelles ne signifient pas nécessairement autre chose que leur réalisation concrète. D’une façon foucaldienne, cela revient aussi à dire que l’on peut analyser les pratiques érotiques entre hommes non pas du seul point de vue du désir (donc de la signification, du renvoi, de la réduction à, de l’indication de, du vecteur), mais plutôt de celui du plaisir (donc de la concrétisation dans le corps et par le corps).
Un pas en arrière. La littérature des sciences sociales sur les « homosexualités » dans le monde islamique
7Toute la littérature des sciences sociales est traversée par une focalisation sur la distinction entre les pratiques sexuelles passives, c’est-à-dire le fait de se faire pénétrer, et les pratiques actives, le fait de pénétrer. Cette distinction est devenue l’une des caractérisations majeures de la spécificité des sociétés islamiques contemporaines à l’égard de l’homosexualité. Cette considération, quoiqu’importante, a pris dans le discours scientifique sur ces questions une portée telle qu’elle a probablement occulté nombre d’aspects tout aussi importants. La plupart des auteurs ont en fait repris et intégré cette dichotomie dans un cadre épistémologique occidental plus large sur la sexualité, en assimilant le partenaire passif à la femme, et en laissant au seul actif la prérogative de la masculinité. Ainsi, par exemple, Abdellah Hammoudi, dans Maîtres et disciples, décrit la subordination du disciple en termes de passivité sous la forme d’une féminisation et du renoncement à « certains traits de la virilité [8] », comme l’une des caractéristiques principales du rapport au pouvoir dans la relation maître/disciple.
8Au fondement de ce discours renvoyant les catégories sexuelles aux catégories de genre, il y a un fort discours dualiste présupposé par toute l’épistémologie sexuelle occidentale qui, s’actualisant principalement dans les théories psychanalytiques, sert de référence principale à toute analyse de la sexualité en Occident. Les auteurs qui se sont intéressés aux sociétés islamiques, autant dans le passé qu’à notre époque, ont souvent transposé cette épistémologie dans la tentative d’expliquer les comportements et les systèmes de représentation vis-à-vis de la sexualité et tout particulièrement les pratiques homoérotiques, notamment masculines. Comme l’affirme sans hésitation Bruce Dunne dans un article consacré à l’homosexualité au Moyen-Orient, « l’effort pour concilier les théories universalistes freudiennes et psycho-biologiques sur le développement du moi avec les modes de production et les systèmes culturels et historiques patriarcaux est un nécessaire et formidable défi pour les chercheurs qui s’intéressent au genre et à la sexualité [9] ». Je voudrais souligner ici le fait que les études en sciences sociales sur les pratiques homosexuelles ou homoérotiques ont le plus souvent pris comme point de départ le statut aberrant de l’identité homosexuelle dans les sociétés occidentales plutôt que la place réelle des pratiques érotiques entre hommes dans les sociétés islamiques. Ainsi, dans la description et l’explication des pratiques érotiques entre hommes et éphèbes à l’époque pré-moderne — et entre hommes en général dans les sociétés contemporaines — au moyen de catégories telles que « l’homosexualité », « l’hétérosexualité » et des identifications catégorielles « pénétrant/actif/masculin » et « pénétré/passif/ féminin », on en vient à adopter des concepts sur la sexualité issus du modèle occidental qui ne sont liés qu’aux systèmes du genre, de la sexualité, et de la personne propres à l’Occident. Ce déplacement catégoriel ne fait qu’obscurcir et rendre incompréhensibles les significations propres au système idéologique des sociétés islamiques du passé mais aussi, d’une façon certes différente, du présent.
9Ainsi, Arno Schmitt propose une analyse socio-psychologisante des pratiques homosexuelles masculines dans le monde islamique [10]. Partant de l’idée que les pays allant du Maroc à l’Ouzbékistan partageraient une même civilisation transhistorique puisant ses schémas de comportement dans une histoire culturelle commune basée sur la religion, la jurisprudence et la proximité avec les pratiques du monde hellénique, l’auteur trace une généalogie psycho-culturelle de l’homosexualité masculine à partir des théories freudiennes du développement sexuel de l’individu. Adoptant une démarche résolument constructiviste, il cherche dans les particularités culturelles et psychologiques de l’éducation des enfants dans le « monde islamique » la racine du désir homosexuel : la forte séparation des genres et la division des espaces en un espace public proprement masculin et un espace privé où sont relégués femmes et enfants, engendrerait une dichotomie hiérarchique — ou en résulterait, la question n’est pas claire —, lieu d’un partage entre un mâle musulman dominateur et les autres individus qui se trouveraient du mauvais côté de la barrière : les femmes, les enfants, les esclaves, les non-musulmans, les eunuques, etc. Cette position de domination du mâle lui garantirait, dans la sphère sexuelle, le « droit de pénétrer et l’obligation de rester dans une position de supériorité [11] ». Selon Schmitt, du fait de cette séparation stricte entre le monde masculin et féminin, le petit garçon s’identifierait dans ses premières années aux femmes pour vivre par la suite une rupture abrupte, passant de la sphère privée à la sphère publique des hommes. Dans cette situation de passage, le garçon aurait « droit à une identité masculine précaire. Cette incertitude est souvent cachée par un comportement machiste. Le désir d’être enculé, et le désir d’être pris en charge va être inconsciemment transformé en désir de sodomiser et d’apparaître invulnérable. L’homme en devenir demeure un non-homme par rapport à son père [12] ». On voit clairement que cette interprétation est redevable de la théorie freudienne du développement sexuel [13] et d’une conception de la sexualité fondée sur une théorie du désir et de la vérité de soi. L’instabilité du processus de construction de la masculinité adulte conduirait à un désir précaire oscillant entre domination et soumission.
10Les enfants mâles du monde islamique, se trouvant dans une situation sociale et culturelle particulière (notamment dans les rapports hommes/femmes), seraient dans l’impossibilité de connaître un développement « normal » par le biais du dépassement du complexe d’Œdipe. Si le petit garçon ne peut que s’identifier aux femmes pendant son enfance, et si la figure paternelle est complètement absente jusqu’à un certain moment de la vie du jeune homme, une « inversion », même temporaire, pour reprendre les termes freudiens, peut se faire jour, fournissant le cadre explicatif des pratiques homosexuelles. C’est donc sous le signe de la faiblesse de l’identification à la masculinité, que l’auteur analyse l’émergence des pratiques sexuelles entre hommes dans les pays islamiques [14].
11C’est bien une téléologie identitaire dans un sens freudien, doublée d’un déterminisme social fort, qui est à la base du discours d’A. Schmitt. Dans les sociétés islamiques, affirme-t-il selon ce cadre constructiviste, « il n’y a pas d’“homosexuels” — il n’y a pas de mot pour “homosexualité” » et « le concept est complètement inconnu ». Cependant, son analyse psychanalysante des pratiques homosexuelles réintroduit les identités sexuelles par le biais de la distinction généalogique, toute freudienne, entre un développement œdipien normal et celui de comportements et de « caractères invertis ».
12A. Schmitt considère dans la même perspective freudienne les rôles actif et passif. Même s’il concède que la dichotomie entre le pénétrant et le pénétré doit se faire sur un modèle homme/non-homme, il opère, de manière toute freudienne, un glissement vers une dichotomie homme/femme. Dans l’analyse des termes linguistiques désignant le pénétré, il identifie le zamel, et les autres termes sémantiquement proches, aux « garçons (non encore hommes) ou aux personnes de statut inférieur, ou à des hommes qui sexuellement ne sont pas des hommes, mais des femmes (ils sont baisés) [15] ».
13L’anthropologue d’origine marocaine Khalil Duran, par exemple, affirme concernant les relations sexuelles entre Marocains et Européens, que seuls les partenaires « passifs » des relations homosexuelles sont au Maroc considérés comme homosexuels ; les « actifs » n’auraient pas d’inclinations homosexuelles mais seraient plutôt acteurs d’une « homosexualité d’urgence » (emergency homosexuality), de substitution, leur procurant de plus une espèce de soulagement psychologique en leur fournissant l’occasion d’une revanche sur l’exploitation coloniale subie au quotidien [16]. Cette analyse, centrée sur la dichotomie actif-homme/passif-femme (ou substitut temporaire) associée de surcroît à une explication en termes de révolte anti-coloniale, rend totalement invisibles les aspects proprement axés sur le désir, et surtout sur le plaisir, présupposés par une perspective psychanalytique. Si, en fait, le partenaire actif se retrouve dans une relation sexuelle avec un homme ou un garçon, simplement pour des raisons « physiologiques » ou même « politiques » (pour prendre sa revanche contre l’exploitation coloniale), nul besoin de convoquer, dans l’analyse de ces comportements, le désir sexuel comme élément explicatif. D’un autre côté, identifier le partenaire passif comme incarnant seul l’« homosexuel », revient à l’identifier, lui seul, à l’homosexualité en tant qu’espèce ou identité, ce qui le fait entrer de force dans une catégorie absolue qui n’a guère de sens au Maroc.
14Pourquoi donc identifier aussi strictement le rôle passif d’un homme ou d’un garçon avec la féminité ? Comment le fait d’être pénétré pourrait-il effacer la masculinité d’un homme en le faisant glisser aussi facilement du côté de la féminité ? Pourquoi le fait d’être un « non-homme » ou « pas-encore-un-homme » devrait-il être systématiquement identifié à la féminité ? N’existerait-il pas des degrés intermédiaires, médians, entre la masculinité incarnée par un homme hégémonique, et les autres hommes ? Comment peut-on aussi facilement, même dans le cas des éphèbes, les renvoyer à la féminité, alors que depuis la naissance les enfants sont très strictement assignés à leur genre respectif et élevés dans cette différence foncière ?
15À mon sens, ces difficultés d’interprétation et ces blocages conceptuels sont l’héritage de la philosophie occidentale [17] qui considère le masculin et le féminin comme deux entités et deux identités fixes, inconciliables et fortement discontinues. Freud a justement construit sa théorie de l’inversion sur cette dichotomie foncière. Selon le père de la psychanalyse, les termes masculin et féminin doivent être entendus comme des synonymes d’« actif » et de « passif ». Selon cette théorie de la bisexualité constitutive de l’individu, tout individu comprend une composante masculine et une composante féminine de l’organisation psychique fondée sur un dualisme primaire. Au sujet du sadisme et du masochisme en tant que déviations sexuelles, il écrit : « On serait tenté […] de mettre cette présence simultanée d’opposés en rapport avec l’opposition du masculin et du féminin réunis dans la bisexualité, qu’il faut souvent remplacer, en psychanalyse, par celle d’actif et de passif [18] ».
16C’est à partir de la puberté que se décident, pour chaque individu, l’objet sexuel et le but sexuel [19], normaux ou inversés. La mise en place de l’hétérosexualité, en tant que forme sexuelle normale et définitive, se fait à cette époque. L’hétérosexualité, ou forme normale de la sexualité adulte, a donc idéologiquement besoin de cette identification forte entre le masculin et l’activité d’un côté, le féminin et la passivité de l’autre. Si le but normal du développement psychique est le rapport hétérosexuel où le masculin est, selon la norme, censé assumer le rôle actif et le féminin le rôle passif, il est nécessaire que ces deux qualités soient déjà, et depuis la naissance, portées d’une façon prépondérante, par l’homme et par la femme.
17La théorie freudienne ferme ainsi le cercle idéologique et la téléologie psychanalytique sous-jacente trouve toute sa justification logique, quoique d’une façon circulaire. C’est parce qu’on a déjà inventé l’hétérosexualité comme forme normale de l’identité sexuelle, et l’homosexualité en tant qu’inversion de la normalité, que le masculin peut aussi clairement être identifié à l’activité et le féminin à la passivité et que ces termes peuvent se comporter comme des « types », des « espèces », des « identités fixes ». C’est aussi parce qu’à cette époque on avait déjà, à la suite de la biologie, de l’embryologie et de la génétique, fossilisé et rendu distincts les concepts de masculinité et de féminité, que la psychanalyse a pu rendre compte d’une généalogie de l’hétérosexualité et de l’homosexualité en des termes aussi stricts et sans appel.
18Les auteurs que j’ai évoqués plus haut utilisent ce système catégoriel et épistémologique pour tenter d’expliquer les « pratiques homosexuelles », admettant de fait le préalable occidental qui consiste à expliquer l’homosexualité comme une aberration. Pourquoi ne chercherait-on pas, en fait, à expliquer — sur les mêmes bases — les « pratiques hétérosexuelles [20] » ? De fait, en utilisant les catégories d’actif et de passif de manière équivalente à celles de masculin et de féminin, ces auteurs, comme Freud avant eux, utilisent la sexualité et le genre dans une téléologie hétérocentrée, et échouent donc à donner une interprétation convaincante du désir et des pratiques homoérotiques dans les sociétés islamiques contemporaines. Mais tout cela ne tient pas compte du fait que ces dichotomies actif/passif, masculin/féminin, dominant/dominé n’étaient pas considérées comme synonymes, et que même cette pensée dualiste extrêmement poussée est étrangère à l’épistémologie de l’époque pré-moderne, mais aussi, d’une façon plus complexe, à celle des classes subalternes de l’époque contemporaine. En fait, par l’utilisation d’un modèle psychanalytique, fût-il caché, s’affirme une conception occidentale de la sexualité dans laquelle l’identité sexuelle correspond à une caractéristique centrale de la personne. Comme on l’a vu, les analyses de Foucault sur la sexualité occidentale ont montré la centralité de « l’aveu » de son propre désir dans l’individualisme occidental, en l’identifiant au noyau du for intérieur dans lequel les individus sont formés à travers le processus d’assujettissement [21]. L’accent mis en Occident sur la confession énonce une notion culturellement spécifique du désir, qui en fait quelque chose de profondément individué, d’authentique, de particulier à l’individu, et intériorisé par rapport à une réalité extérieure. La sexualité en Occident est en effet le signe le plus éclatant de l’individualisme. Concevoir ainsi la sexualité c’est transposer la philosophie et l’épistémologie qui sous-tendent cette conception dans un contexte culturel, historique et social hétérogène à cette vision éminemment individualisée de la personne.
Retour au Maroc. Ce que « dire » veut dire
19Cette vision « kantienne » des interprétations et des explications que les auteurs ont produites de la réalité des pratiques érotiques entre hommes — décalage dérivant aussi d’une application abusive de catégories sexuelles — est aussi le cadre conceptuel sur lequel reposent les actions des organisations politiques internationales concernant la prétendue « homophobie » des sociétés islamiques. Si l’on prend l’exemple du faux « mariage homosexuel de Ksar el Kebir [22] », il me semble que certaines questions méritent d’être abordées.
20Prenons pour exemple la pétition lancée à la suite de cet événement par Human Rights Watch (HRW) et l’Association marocaine des droits humains (AMDH). En demandant l’abrogation de l’article portant sur les actes contre-nature et en laissant entendre que ces actes sont liés à l’homosexualité, cette action ne fait que corroborer, pour ne pas dire imposer, une vision et un concept universels de l’homosexualité et de la sexualité en général, supposés s’appliquer à tous. Ce type de pétition repose sur un non-dit qui est celui de l’universalité de l’homosexualité, censée être appréhendée partout de la même manière. La lutte contre l’homophobie est ici un instrument performatif en ce qu’il crée une catégorie universelle de l’homosexualité dans un contexte en réalité beaucoup plus complexe. Les actions des mouvements islamistes postulent aussi cette universalité, ou du moins cette essentialisation de l’homosexualité, en l’occurrence pour mieux la combattre. Les actions des deux mouvances donc, certes avec des intentions opposées, procèdent du même système idéologique et conceptuel.
21Comme j’ai essayé de le montrer ailleurs [23], dans la situation complexe du Maroc l’identité homosexuelle n’est ni universelle ni applicable à tout le monde. Elle ne concerne au contraire qu’une minorité sociale et culturelle précise.
22En outre, comme le remarquent très justement Maxime Cervulle et Nick Rees-Roberts dans un ouvrage récent, « l’approche qui consiste à aplatir les différents concepts juridiques pour les relire exclusivement selon le prisme de l’homosexualité, occulte la capacité de ces lois à viser d’autres catégories de populations comme les personnes transgenres ou les travailleurs et travailleuses du sexe. C’est ici non seulement la solidarité entre minorités sexuelles et de genre qui passe à la trappe, mais surtout la possibilité d’un modèle politique complexe prenant en compte l’interaction entre les diverses formes de coercition qui parfois les touchent simultanément [24] ». Et de fait, la focalisation sur l’homosexualité et sur l’abrogation de l’article 489 du code pénal qui, rappelons-le, ne punit pas l’homosexualité mais « les actes contre-nature », occulte toute une série d’applications de cette article qui peut viser aussi bien des actes « homosexuels » que d’autres types d’infraction du code social comme la prostitution, la pédérastie, etc.
23Pour autant, même si ce constat paraît assez juste, l’analyse qu’en font Maxime Cervulle et Nick Rees-Roberts mérite d’être nuancée. On ne peut en effet en appeller à une solidarité entre minorités que si ces dernières existent politiquement — ce qui, à mon sens, est assez problématique. Il existe certainement au Maroc des réseaux de sociabilité et d’amitié qui peuvent s’apparenter à la construction d’une minorité politique, mais ces réseaux ne concernent qu’une partie restreinte des garçons ou des hommes qui s’adonnent à des pratiques homosexuelles. À Marrakech, par exemple, il existait (à la période où j’ai fait ma recherche de terrain, c’est-à-dire entre 2002 et 2005) un bar et une boîte de nuit qui étaient ouvertement des lieux de rencontre. Si les chats et les forums de discussion sur Internet peuvent aussi être considérés comme des lieux de sociabilité où des réseaux peuvent se créer, ces lieux ne sont pas fréquentés par tout le monde, et s’agissant des bars ou des boîtes de nuit cela est encore plus prégnant. Pour pouvoir, à mon sens, parler de minorités il faut déjà être en mesure de les nommer, de les caractériser.
24Comment ne pas tomber dans le piège de l’essentialisation de l’« autre » dès lors que l’on réfléchit selon des catégories politiques qui peuvent difficilement s’appliquer en dehors du contexte où elles ont vu le jour ?
25Si l’on prend par exemple la catégorie politique de l’homosexualité identitaire, la question qu’il faudrait poser serait de savoir quel avantage cette catégorie peut apporter à la vie d’un Marocain qui n’a pas l’intention de se revendiquer en tant qu’homosexuel, et qui donc ne l’est politiquement pas. Si l’on réfléchit à partir de ce point de vue, il me semble que s’il faut envisager une politique d’émancipation ou même de progrès social et civique ce doit être dans le but d’améliorer la vie de ceux et celles qui devraient revendiquer ces politiques. Brandir une catégorie politique comme celle de l’homosexualité comme étendard de libération et de progrès, non seulement crée et impose de l’extérieur un modèle unique de sexualité auquel on est censé se conformer, mais encore ne produit pas du tout les effets politiques escomptés. Autre exemple, celui du coming-out et de la visibilité sociale supposés apporter aux personnes la reconnaissance de ce qu’elles sont (parce qu’il s’agit là évidemment d’une question de reconnaissance et d’un « discours de vérité ») : pourquoi, en effet, cette question de la visibilité et de la reconnaissance est-elle si importante pour les associations de défense des droits humains ? On nous dit qu’il s’agit là de lutter pour que les individus puissent vivre leur sexualité d’une façon épanouie, et que la visibilité doublée de la reconnaissance serait le moyen de sortir de l’ombre, du silence et de l’oppression. Mais sommes-nous vraiment sûrs que les hommes et les garçons, au Maroc par exemple, souffrent de cette prétendue invisibilité et de ce manque de reconnaissance ? Les pratiques homosexuelles se voient-elles, autant qu’on le prétend, imposer « silence » ? J’ai pour ma part, à partir de mon expérience de terrain, constaté que c’est une certaine banalisation sociale qui accompagne ces pratiques, et que le « silence » qui les entoure est le fait de cette banalisation plutôt que celui d’une prétendue répression. Pourquoi devrait-on parler de choses qui vont peut-être sans dire? C’est en Occident que les pratiques sexuelles doivent être dites, parlées, décrites, racontées, avouées pour qu’elles deviennent « vraies » pour le sujet qui en fait l’expérience.
26Au Maroc en général, les hommes ont entre eux des expériences amicales, affectives, de complicité et sexuelles, et cela n’a pas besoin d’être expliqué, dit ou justifié. Il me semble que dans la sexualité entre hommes le scandale du dire est plutôt lié au risque de manquer une trajectoire de vie orientée par le mariage. C’est là qu’une sexualité exclusive devient scandaleuse. Elle ne l’est pas en soi, par essence. Le scandale est plutôt lié au renoncement au mariage, et partant à la revendication consciente de l’exclusivité de pratiques homoérotiques. C’est lorsqu’on prétend ne pas se marier qu’il faut dire son homosexualité.
27Mettre l’accent sur l’homosexualité en tant qu’identité ne fait à mon sens que rendre suspecte toute relation entre hommes : la visibilité qu’exige cette identité politique, le dire de l’homosexualité exclusive qu’elle impose court-circuitent le mariage. Cette suspicion ne peut que réduire les marges de manœuvre que l’on a pour œuvrer à une vie décente et épanouie des hommes qui ne revendiquent pas une exclusivité « homosexuelle », mais veulent continuer à avoir des pratiques érotiques et affectives avec d’autres hommes.
28Si ces politiques de défense d’une liberté d’expression sexuelle sous la forme d’une identité essentielle, assimilées qui plus est aux revendications pour l’accès aux droits humains, ne sont pas utiles à la vie de la majorité des hommes au Maroc, ne doit-on pas commencer à remettre en question leur utilité pour d’autres sujets ?
29On peut semble-t-il affirmer que les intérêts des associations gays et lesbiennes euro-américaines résident précisément dans cette quête de l’« universel homosexuel » qui comme dans le cas de la domination masculine universelle sert un double objectif : celui, d’une part d’acquérir une plus grande reconnaissance, d’autre part de rechercher les fondements universels de l’homophobie. Ainsi, même s’il est possible d’adresser cette critique à la volonté d’universalisation de l’homosexualité, on se trouve en revanche confronté à des difficultés majeures lorsqu’on regarde le cas du Maroc. Où sont donc ces autres subjectivités censées contester cette uniformatisation des revendications, et surtout, peut-on s’attendre à l’émergence de ces subjectivités politiques ? Sur quelles bases, avec quelles conditions de possibilité, à partir de quelles expériences partagées ? Il me semble qu’une question importante est de savoir si des minorités politiques sont en train de voir le jour au Maroc ou ailleurs dans le monde islamique. Les expériences d’hommes qui ne se disent pas homosexuels et qui pourtant ont des relations sexuelles avec d’autres hommes, au Maroc comme ailleurs dans le monde islamique, peuvent-elles donner forme à des subjectivités politiques particulières [25] ? Peut-on envisager l’émergence d’une spécificité propre à une identité politique qui prenne en compte les expériences de ces hommes dans le but d’une vie possible dans le contexte concret des rapports sociaux, économiques et culturels du Maroc d’aujourd’hui ? Telles sont les questions qui se posent à mon sens. Si l’on peut espérer que se forment de telles subjectivités politiques, cela ne peut certainement pas se faire par une victimisation venant de l’extérieur visant à sauver les « homosexuels » du monde islamique, même sous couvert de bonnes intentions.
Notes
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[1]
J. H. Gagnon, Les scripts de la sexualité, Paris, Payot, 2008.
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[2]
M. Foucault, Histoire de la sexualité. La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976.
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[3]
Ibid., p. 101.
-
[4]
Saba Mahmood, Politiques de la piété. Le féminisme à l’épreuve du renouveau islamique, Paris, La Découverte, 2009, p. 48.
-
[5]
Ibid. C’est moi qui souligne.
-
[6]
Ibid., p. 49. C’est moi qui souligne.
-
[7]
Ibid., p. 49.
-
[8]
A. Hammoudi, Maîtres et disciples, Paris/Casablanca, Maisonneuve et Larose/Éditions Toubkal, 2001, p. 133.
-
[9]
B. Dunne, « Homosexuality in the Middle East : an Agenda for Historical Research », Arab Studies Quarterly, 12, 1990, pp. 58-59.
-
[10]
A. Schmitt, « Different Approaches to Male-Male Sexuality/Eroticism from Morocco to Uzbekistan », in A. Schmitt, J. Sofer (dir.), Sexuality and Eroticism Among Males in Moslem Societies, New York/London/Norwood, Routledge, Haworth Gay and Lesbian Studies, 1992.
-
[11]
Ibid., pp. 2-3.
-
[12]
Ibid., p. 3.
-
[13]
S. Freud écrit dans une note ajoutée en 1909 à son œuvre Trois essais sur la théorie sexuelle : « Nous avons établi dans tous les cas examinés que les futurs invertis traversent, au cours des premières années de leur enfance, une phase de fixation très intense et cependant éphémère à la femme (le plus souvent à la mère) et qu’après avoir surmonté cette phase, ils s’identifient à la femme » (Paris, Gallimard, 1987, p. 50).
-
[14]
Dans une note ajoutée en 1915 à son essai sur les aberrations sexuelles, l’un des Trois essais sur la théorie sexuelle, Freud écrit : « c’est l’indépendance du choix d’objet vis-à-vis du sexe de l’objet, la liberté de disposer indifféremment d’objets masculins ou féminins — telle qu’on l’observe dans l’enfance, dans des états primitifs et à des époques reculées de l’histoir —, que la psychanalyse considère comme la base originelle à partir de laquelle se développent, à la suite d’une restriction dans un sens ou dans l’autre, le type normal aussi bien que le type inversé […]. Parmi les facteurs accidentels qui influencent le choix d’objet, nous avons trouvé que la frustration (l’intimidation sexuelle précoce) était digne d’intérêt et nous avons également noté que la présence des deux parents jouait un rôle important. Il n’est pas rare que l’absence d’un père fort dans l’enfance favorise l’inversion » (Paris, Gallimard, 1987, pp. 51-52). C’est moi qui souligne.
-
[15]
A. Schmitt, « Different Approaches to Male-Male Sexuality/Eroticism from Morocco to Uzbekistan », op. cit., p. 12. C’est moi qui souligne.
-
[16]
K. Duran, « Homosexuality and Islam », dans A. Swidler (dir.), Homosexuality and World Religions, Valley Forge, Trinity Press International, 1993 ; cité à partir de J. Massad, Desiring Arabs, Chicago, University of Chicago Press, 2007, pp. 176-177.
-
[17]
Sur le traitement de la différenciation du masculin et du féminin dans la philosophie occidentale voir G. Lloyd, The Man of Reason. “Male” and “Female” in Western Philosophy, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1984.
-
[18]
S. Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, op. cit., pp. 71-72, note. C’est moi qui souligne.
-
[19]
L’objet sexuel, selon la définition de S. Freud, est « la personne dont émane l’attraction sexuelle », tandis que le but sexuel est « l’acte auquel pousse la pulsion ». Ibid., p. 38.
-
[20]
Pour une critique de l’hétérocentrisme dans les études anthropologiques sur les « pratiques homosexuelles », et notamment sur l’« homosexualité ritualisée » en Mélanésie, voir D. A. Elliston, « Erotic Anthropology : “Ritualized Homosexuality” in Melanesia and Beyond », in J. Robertson (dir.), Same-Sex Cultures and Sexualities. An Anthropological Reader, Oxford, Blackwell Publishing, 2005, pp. 91-115.
-
[21]
Cf. M. Foucault, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, ainsi que Histoire de la sexualité 2, L’usage des plaisirs, Paris, Gallimard, 1984.
-
[22]
Le « faux mariage homosexuel de Ksar el-Kebir », événement qui a eu lieu au Maroc en 2007, fut en réalité la représentation farcesque du mariage d’un garçon (Fouad) de cette ville du nord et d’un djinn féminin (Aïcha Kandisha) qui lui serait apparu en rêve lui intimant l’ordre de s’habiller en mariée et de mettre en scène la cérémonie du mariage (avec une procession dans les rue du quartier). Les images du garçon habillé en mariée ont été publiées sur Internet, faisant éclater un grand scandale dans la presse et sur la scène politique. Les partis conservateurs islamiques, le PJD et Al Adl Wal Ihsane, ont ensuite lancé une pétition pour demander l’arrestation du garçon ainsi que des participants à la cérémonie. Il y eut aussi une tentative de « lynchage » de Fouad à son domicile. Les autorités ont finalement arrêté et condamné Fouad à dix mois de prison pour « commerce illégal d’alcool » et « perversion sexuelle » en violation de l’article 489 du code pénal qui punit « les actes contre-nature ».
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[23]
G. Rebucini, « Masculinités hégémoniques et “sexualités” entre hommes au Maroc. Entre configurations locales et globalisation des catégories de genre et de sexualité », Cahiers d’études africaines, « Masculin pluriel », n°209-210, 2013/1-2, pp. 387-415.
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[24]
M. Cervulle et N. Rees-Roberts, Homo exoticus. Race, classe et critique queer, Paris, Armand Colin, 2010.
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[25]
Il existe en Palestine, au Liban, en Turquie et dernièrement en Tunisie, des associations pour la défense des droits des minorités sexuelles et de genre. Au Maroc aussi commencent à voir le jour des associations de ce genre. Mon propos doit donc être nuancé par la présence de ces nouvelles subjectivités politiques.