Tumultes 2011/1 n° 36

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Article de revue

Michel Leiris : écrire les formes de l'asservissement

Pages 35 à 49

Notes

  • [1]
    « Faire un livre qui soit un acte », écrit Michel Leiris, in L’âge d’homme, Paris, Folio, Gallimard, 1973, p. 14.
  • [2]
    Michel Leiris, La règle du jeu. I Biffures, 1948 ; II Fourbis, 1955 ; III Fibrilles, 1966 ; IV Frêle bruit, 1976, Paris, Gallimard.
  • [3]
    Philippe Lejeune, Lire Leiris, Autobiographie et langage, Paris, Bibliothèque du XXe siècle, Éditions Klincksieck, 1975 p. 154.
  • [4]
    Michel Leiris, Frêle bruit, La règle du jeu, IV, op. cit., p. 312.
  • [5]
    Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, 1986, n°62-63, pp. 69-73.
  • [6]
    Alain-Michel Boyer, Michel Leiris, Éditions universitaires, coll. « psychotèque », 1974, p. 103.
  • [7]
    Jean Jamin, « Les fantaisies du voyageur », Revue de musicologie, t. 68, n°1-2, pp. 18-33, 1982.
  • [8]
    Sylvia Ostrowetsky (dir.), Sociologues en ville, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 15.
  • [9]
    Ibid, p. 25.
  • [10]
    « J’ai besoin de tremper dans leur drame, de toucher leurs façons d’être, de baigner dans leur chair vive. Au diable l’ethnographie ! » Michel Leiris, L’Afrique fantôme, Gallimard, 1934, p. 352.
  • [11]
    Roger Caillois, Pour un Collège de sociologie, NRF, 1938.
  • [12]
    Expression empruntée à Alain-Michel Boyer, in Michel Leiris, op. cit.
  • [13]
    Roland Barthes, « Écrivains et écrivants » (1960), in Essais critiques, Paris, Seuil, 1964, pp. 147-154.
  • [14]
    Michel Leiris, Cinq études d’ethnologie, Paris, Gonthier, 1969. Cité par Alain-Michel Boyer, in Michel Leiris, op. cit., p. 31.
  • [15]
    Michel Leiris, L’Afrique fantôme, in Leiris, Miroir de l’Afrique, Paris, Quarto, Gallimard, 2003, p. 838.
  • [16]
    Ibid., p. 396.
  • [17]
    Pierre Bourdieu, « Préface » in Paul Rabinow, Un ethnologue au Maroc. Réflexions sur une enquête de terrain, Hachette, coll. Histoire des Gens, 1988, p. 11.
  • [18]
    Michel Leiris, L’Afrique fantôme, in Leiris, Miroir de l’Afrique, op. cit., p. 672.
  • [19]
    Bronislaw Malinowski, Journal d’ethnographe, traduit de l’anglais par Tina Jolas, Paris, Seuil, 1981.
  • [20]
    Jean Jamin, Présentation de L’Afrique fantôme, in Leiris, Miroir de l’Afrique, op. cit, p. 71.
  • [21]
    Michel Leiris, Frêle bruit, La règle du jeu, IV, op. cit., p. 310.
  • [22]
    Ibid., p. 158.
  • [23]
    Alain-Michel Boyer, Michel Leiris, op. cit, p. 88.
  • [24]
    Philippe Sollers, L’écriture et l’expérience des limites, Paris, Seuil, 1968.
  • [25]
    Titre du colloque « Bataille-Leiris. L’intenable assentiment au monde », organisé à Orléans les 22 et 23 novembre 1997 à l’occasion du centenaire de la naissance de Georges Bataille, dont les actes ont été publiés sous la direction de Francis Marmande, aux éditions Belin, en 1999.
  • [26]
    Michel Leiris, L’âge d’homme, op. cit., p. 27.
  • [27]
    Michel Leiris, Aurora, Paris, Gallimard, coll « L’imaginaire », 1977.
  • [28]
    Voir l’article inédit de Michel Leiris introduit par Jean Jamin, « La sculpture africaine », où une fois encore Leiris dénonce une interprétation de cet art liée « à la pénétration des habitudes d’agir et de penser inhérente à notre civilisation capitaliste moderne ». « La sculpture africaine, Michel Leiris, ethnologue et écrivain (1901-1990) », texte établi, présenté et annoté par J. Jamin, Journal des anthropologues, n°75, 1998, pp. 11-29.
  • [29]
    M. Leiris, Frêle bruit, op. cit., p. 288.
  • [30]
    M. Leiris, Brisées, Paris, Mercure de France, 1966, p. 68.
  • [31]
    M. Leiris, Biffures, op. cit., p. 266.
  • [32]
    M. Leiris, Fourbis, op. cit., p. 65.
  • [33]
    Ibid, p. 152.
  • [34]
    M. Leiris, L’âge d’homme, op. cit., p. 80.
  • [35]
    Voir les pages de Michel Leiris « De la littérature considérée comme une tauromachie », in L’âge d’homme, op. cit., pp. 9-24.
  • [36]
    M. Leiris, Fibrilles, op. cit, p. 254.
  • [37]
    La notion d’intertextualité remet en question la totalité close du texte littéraire, point de vue abordé par Sartre qui préfère parler de « praxis de la littérature ». Dans la pratique de l’intertextualité, le texte est une forme toujours inachevée, une combinaison, le lieu d’un échange constant entre des fragments que l’écriture redistribue en construisant un texte nouveau à partir de textes antérieurs, détruits, niés, repris. Voir Julia Kristeva, Semeiôtikè. Recherches pour une sémanalyse, Paris, Seuil, 1969 et La révolution du langage poétique, Paris, Seuil, 1974. Ces thèmes ont été également développés dans la revue Tel Quel et dans la sémiologie de Roland Barthes.
  • [38]
    Michel Jarrety, Michel Leiris ou la métaphysique dans le langage, NRF, n°394, 1984.
  • [39]
    Extrait tiré de Jean Jamin, présentation de L’Afrique fantôme, in Leiris, Miroir de l’Afrique, op. cit., p. 67.
  • [40]
    Voir en ce sens l’écriture féminine de Laure, compagne de Georges Bataille. Les écrits de Laure se composent d’un corpus de lettres réunies à sa mort par Bataille et Leiris. On peut véritablement lire ces écrits déchirés par la révolte comme une écriture du dépassement de soi dans une ivresse du corps perdu, du corps tragique. Les écrits de Laure, préface de Jérôme Peignot, Paris, coll. Change errant, Pauvert, 1985.
  • [41]
    Denis Hollier, Le Collège de sociologie, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1979, p. 24.
  • [42]
    Ibid., in Appendices, p. 568.
  • [43]
    Georges Bataille, L’apprenti sorcier, in Denis Hollier, Le Collège de sociologie, ibid., p. 54.
  • [44]
    Martine Hovanessian, Traversées de lieux exilés : recoudre les fragments, Habilitation à diriger des recherches, Université Paris 7— Denis Diderot, avril 2009, vol. 1, 276 p.
  • [45]
    Michel Foucault, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966, p. 391.
  • [46]
    « L’homme total est celui pour qui réel et imaginaire ne font qu’un » (Michel Leiris, Brisées, Paris, Mercure de France, 1966, p. 173).
  • [47]
    Ces thèmes sont développés dans les conférences de Leiris, Bataille et Caillois réunis par Denis Hollier, Le Collège de sociologie, op. cit.
  • [48]
    Ariane Deluz, Martine Hovanessian, « Introduction. Statut de l’écrit et de l’écriture en anthropologie », Journal des anthropologues, n°75, 1998, p. 8.
  • [49]
    Lors d’un travail universitaire sur Leiris et sa vision du sacré, nous avions effectué un entretien inédit avec l’écrivain en juin 1980. Précisons la qualité d’accueil de l’ethnologue, d’une humilité touchante. L’écrivain me rapportait son expérience au Collège de sociologie, le côté « excessif » de Georges Bataille, et d’autres considérations, comme l’aspect « confession » de L’âge d’homme, son rapport à la femme « objet très désirable mais en même temps redoutable », etc. Mais nous retiendrons essentiellement, dans le cadre de ce propos, l’aveu suivant : « La mort c’est mon obsession depuis toujours. L’écriture est pour moi un lieu entre vivre et mourir. »
  • [50]
    Ghislain Lévy, « Faire œuvre de dissidence ou ce qui reste d’Hiroshima », PTAH (Psychanalyse Traversées Anthropologie Histoire), Mémoire et oubli. Désir de l’œuvre, 13/14, 2000-2002, p. 44.
  • [51]
    Martine Hovanessian, Traversées de lieux exilés : recoudre les fragments, op. cit.
  • [52]
    Voir son goût pour l’alchimie dans un roman inspiré de la technique surréaliste, in M. Leiris, Aurora, Paris, Gallimard, 1946.
  • [53]
    Michel Leiris, Frêle bruit, op. cit., p. 310.
  • [54]
    Ibid, op. cit., p. 311.

1L’itinéraire de Michel Leiris (1901-1990) nous semble exemplaire d’un rapport à l’écriture qui se veut « acte [1] », celle d’un ethnologue et écrivain qui a oscillé tout au long de sa vie entre l’écriture ethnographique et une grande entreprise autobiographique, qui va de L’âge d’homme à La règle du jeu[2], écrite à partir de fiches et commencée en 1940. Il y apparaît « une complexité de tressage », pour reprendre les propos de Philippe Lejeune [3]. Leiris a en effet privilégié une pratique d’écriture d’où l’on peut dégager un savoir-faire afin de mettre au jour des lignes d’illusion et tendre à approcher un réel qui se fracasse sans cesse sur les fantasmes, les souvenirs, les rêves, le temps du présent de l’observation de l’ethnologue. On ne saurait réduire l’œuvre autobiographique de Leiris à un déroulement linéaire de présentation de soi. Elle ne cesse d’inventer des formes et ses messages heurtés mobilisent également des ressources poétiques et esthétiques.

2Notre propos, sur une œuvre abondamment commentée, se voudrait la mise en relief de l’écriture subversive qui se dégage de ce mouvement de balancier où le sujet narrateur, malgré une apparente visibilité, s’efface, se rature — « mais je dois, une fois de plus, biffer après avoir avancé [4] ». Leiris, constamment étonné, désarmé face à une présence au monde où nous sommes propulsés, en explore l’étrangéité par l’écriture et, dans cette quête de vérité et d’authenticité, n’hésite pas à en dénoncer les injustices, les simulacres, les violences, les rapports de domination, les iniquités sociales.

L’écriture tissée du passeur

3L’écriture tissée déploie des trajectoires, série de postures « dans un espace lui-même en devenir et soumis à d’incessantes transformations [5] », tordant l’événement biographique continu en autant de placements et de déplacements dans un espace social, qui ne dessinent nullement une cohérence de vie. Le récit autobiographique de Leiris postule au contraire que la vie n’a pas de sens et qu’il serait illusoire d’y voir la quelconque réfraction d’un sens dessinant un chemin. Plus précisément, l’écriture autobiographique de Leiris prend appui sur l’absence de chemin — « incessante mobilité du “je” écrivant [6] » — défiant toute tentative de classement dans un genre littéraire. Des incursions dans son œuvre nous conduisent à parler de traversées entre la confession, la poésie, la littérature ethnologique — « ce lieu de l’autre » écrit Jean Jamin — où l’observateur se perd pour lui et les siens et renonce « au chez-soi [7] » et au confort intellectuel ; nous ajouterons à ces pratiques d’écriture le journal intime, l’essai d’inspiration surréaliste et la critique d’art. Il surgit de ces déplacements une écriture des fissures, des marges, des fragments d’un monde insaisissable, une écriture elle-même constamment menacée.

4L’œuvre autobiographique de Leiris n’est pas sans illustrer l’idée de passeur qui avait été analysée par la sociologue Sylvia Ostrowetsky : « Le terme de passeur, il faut le prendre comme un concept, celui des passages de ligne de démarcation, d’une discipline à une autre, celui des transgressions habiles, celui d’un médiateur entre cultures dominantes et dominées. Passeur entre savoir et savoir-faire, passeur entre subjectivité et objectivité, passeur entre individu et société. Le passeur fait justement de la frontière un lieu de passage [8]. » Se défendant d’un objectivisme « pur », le concept de passeur propose une analyse réflexive bien éloignée du retour intimiste, une sorte de retournement du regard où la production de la connaissance s’accompagne d’un travail d’auto-analyse lent et difficile. Ce que nous retenons de l’apport de la notion de « passeur », c’est le souhait de jeter des ponts entre « l’œuvre du chercheur » et son « espace interne » en tant que dynamique d’une expérience spécifique [9].

5Le mouvement de va-et-vient entre l’entreprise autobiographique et l’écriture des escapades ethnologiques nous fait percevoir des bords, les origines des déchirures, les désillusions face à la science descriptive qui exclut l’usage des sens [10] et lui interdit de participer à la fête, un mouvement de la mort dans la vie pour reprendre une expression de Georges Bataille dans L’érotisme. Les liens que Leiris avait noués avec Bataille se sont concrétisés au moment de la création du Collège de sociologie en 1938, « foyer d’énergie » qui entendait un nouvel emploi des sciences de l’homme, une interrogation sans fond, « un travail critique ayant pour objets les rapports mutuels de l’être de l’homme et de l’être de la société [11] ».

6Leiris auteur, briseur de cloisons, « mangeur de langages [12] » approche au plus près les frontières de la littérature et des sciences humaines et sociales, nous faisant entendre le texte autobiographique comme une pratique sociale éprouvée par des volontés conscientes, des instances inconscientes, des projections, des mythes, des souvenirs fugitifs, des rêves, des observations de l’autre, des expériences du désenchaînement. Il devient le lieu d’un travail entre des fragments et une prolifération d’associations, pour faire de l’écriture un lieu habité « où tout l’espace historique, celui des formes, des structures, des écritures revient avec son temps propre ou, plus exactement, “ses” temps [13] ».

Leiris ethnologue : la matière de la subjectivité

7Au tout début de son initiation à l’ethnologie, Leiris a magnifié la discipline. Elle était la science polyvalente par excellence, celle qui naissait d’un regard entier. Ce qui l’animait du point de vue scientifique, c’était la séduction du savoir ethnologique dans sa visée holistique : « Le véritable ethnologue ne se contente pas d’un humanisme de raison pure, mais cherche à prendre une vue complète de l’être à travers sa double existence de produit de culture et de parcelle de nature [14]. » Cet idéal, il l’explique comme une réaction à la faillite de l’Occident — « travailler à sa propre libération » écrit-il. En 1931, Michel Leiris est invité à se joindre comme secrétaire archiviste à la mission Dakar-Djibouti organisée par Marcel Griaule. Ce long voyage, qui s’achève en 1933 dans des conditions éprouvantes, donne lieu à un journal où Leiris décrit sans retenue le travail de collecte du patrimoine africain, proche parfois du « vol manifeste » ou du pillage de la part des ethnologues européens. Marcel Griaule, chef de l’expédition, lui reprochera ce témoignage ainsi que ses faiblesses envers les informateurs indigènes, son comportement non distancié d’Européen qui souhaite adhérer aux pratiques des habitants en participant directement au dispositif de la transe.

8Il y a des pages admirables de L’Afrique fantôme qui dépeignent l’impossibilité d’être admis comme un « même » et le renvoi incessant à sa condition d’étranger, accentuant l’exil intérieur de l’écrivain. Dans ce journal dit de terrain ou de route tenu quotidiennement, Leiris dépeint les conditions de l’observation de l’ethnologue, en faisant vibrer les voix et les faits et gestes des acteurs du terrain à travers lesquels, simultanément, il s’expose et se donne à voir crûment, et dans le sillage du retour à lui-même, dénonce la morale aliénante de son appartenance à la bourgeoisie : « Je maudis toute mon enfance et toute l’éducation que j’ai reçue, les conventions imbéciles dans lesquelles on m’a élevé, la morale que, croyant que c’était pour mon bien et pour ma dignité, on a jugé bon de m’inculquer, toutes règles qui n’ont abouti qu’à me lier, à faire de moi l’espèce de paria sentimental que je suis, incapable de vivre sainement, en copulant sainement [15]. » Ce texte contribuera à l’émergence d’un savoir qui intègre pleinement la subjectivité. Ni « récit de voyage », explique Leiris, ni « récit historique » de la mission Dakar-Djibouti, mais des notes « au caractère strictement personnel » qui réhabilitent une subjectivité à ne pas confondre avec une méprisable individualité : « Car rien n’est vrai que le concret. C’est en poussant le particulier jusqu’au bout qu’on atteint au général, et par le maximum de subjectivité qu’on touche à l’objectivité [16]. »

9On pourrait citer d’autres exemples d’ethnologues s’interrogeant sur le travail de terrain où l’objectivation participante ne peut faire l’économie d’une subjectivité du chercheur comme ressource, imprimant sa propre mémorisation. Claude Lévi-Strauss, Paul Rabinow, Jeanne Favret-Saada, Clifford Geertz et tant d’autres encore nous livrent ces regards sur l’autre qui s’aiguisent en même temps qu’ils bousculent les certitudes sur soi et le bien-fondé de l’enquête, praxis déroutante où le doute, l’insécurité, les velléités de repli, de fuite s’installent. Ainsi, Paul Rabinow au Maroc, décrivant son rude travail « d’entrée » dans la société étudiée et les ruses de ses informateurs, revient lui aussi sur un parcours herméneutique dans la « compréhension de soi obtenue par le détour de la compréhension de l’autre », ce qui amène Bourdieu à démystifier, dans la préface de l’ouvrage, « le field work », « souvent constitué en épreuve initiatique […] pour ce qu’il est c’est-à-dire un travail de construction d’une représentation de la réalité sociale ». Le sociologue évoque « la démolition des fantasmes d’exotisme dont le paradigme reste L’Afrique fantôme[17] ».

10Certes, l’idée de démolition n’est pas trop forte et l’on s’accroche à ces pages où Leiris affiche le désillusionnement croissant face à sa fonction de secrétaire archiviste doublée du statut d’enquêteur, qui exige un froid regard alors qu’il préfère participer pleinement aux rituels de possession et de sacrifice, « se dépenser » au lieu de collecter. Il refuse de se cantonner aux tâches d’enregistrement. Pourtant, le désenchantement sera accru par le constat d’une impossible immersion : « J’en arrive à me demander si je n’ai pas été dupé, si par exemple Abba Moras Worquié est bien descendu sur Emmayish quand elle buvait le sang, si l’on n’a pas joué devant moi une misérable comédie, dans le seul but de contenter le “frendji” que je suis [18] […] ». L’écriture est sans complaisance, dépouillée d’affects, sèche et rend compte des rencontres sur le terrain où se mêlent des impressions, des souvenirs et des considérations dévalorisantes sur sa propre personne, des perceptions désabusées d’un vide ontologique, d’un ennui, d’une angoisse de la mort qui ont poursuivi Leiris toute sa vie.

11La publication du journal provoquera de vives réactions de rejet chez les ethnologues européens patentés et éminents, représentants de la science académique attelés aux opérations de décodage et d’encodage des sociétés dites « exotiques », où le goût du risque et celui de l’exploration aventureuse tiédissent dans d’interminables cérémonials de politesse organisés par les officiels. Le texte échappe à la loi de la nomenclature, qui n’est pas véritablement « hors-texte » autonome par rapport aux travaux scientifiques puisqu’il livre en même temps des informations précieuses sur le monde social soumis à investigation. On pense par exemple au Journal posthume de Malinowski [19] qui, du reste, jette un froid sur son dessein ethnologique. Ce dernier, animé également d’une volonté de saisir une « totalité » au présent en faisant table rase de tout présupposé, conduit l’ethnologue à planter sa tente en plein air dans une stratégie d’isolement et d’immersion. Mais son Journal témoigne de l’énorme contrainte de son projet. Il laisse libre cours à l’expression de sa subjectivité et de son animosité, voire de sa haine à l’égard des indigènes avec qui il partage le quotidien, alors que Leiris renonce au clivage des situations comme au clivage de l’écriture.

Le corps de l’écriture

12Plus encore, Leiris hisse l’écriture vers le lieu d’une transgression et privilégie une pratique qui gomme la lecture thématique et parfois même, dans La règle du jeu, le narrataire. Selon Jean Jamin, spécialiste de Leiris, L’Afrique fantôme précède des textes scientifiques publiés beaucoup plus tard et se conçoit davantage comme « leur antitexte [20] ». Dans La règle du jeu, le briseur de cloisons affectionne les contradictions du texte, les mises en perspective de plusieurs niveaux de la réalité, les rebondissements d’un fragment à l’autre sans enchaînement discursif, en utilisant des techniques littéraires condensées dans le dernier tome de La règle du jeu (Frêle bruit). Le jeu littéraire clairement défini dans un « art poétique » qui « doit être aussi un savoir vivre [21] », ramasse des rêves soigneusement consignés, utilise la libre association, les figures allégoriques, la métaphore, le paratexte, fait surgir des morceaux poétiques, des souvenirs d’enfance, des rappels d’images prégnantes lors de son activité d’ethnographe : « Gondar, où plusieurs mois j’ai fréquenté des Éthiopiennes qui se convulsaient et rugissaient quand les chevauchaient leurs esprits maîtres [22] ».

13Leiris privilégie à tout moment la transformation de l’homme dans une mise en saillance de ses contradictions et ambivalences, à travers une expérience-limite de l’écriture, « d’un état de guerre intégré dans l’écriture [23] », non sans rappeler l’expérience de ces intellectuels « dissidents » qui promouvaient une écriture de la rupture, inassimilable au concept classique de texte écrit. Philippe Sollers a clamé le bien-fondé du texte multidimensionnel qui se déforme sans arrêt, produisant des langages de la discontinuité [24]. Mais, chez Leiris, la complexité du tressage et les langages de la discontinuité obéissent à une architecture ordonnée du fragment, édifice bâti pièce par pièce et dans laquelle il se rejoint par intermittences, dans le soi à soi, pour nous laisser entrevoir une quête de centralité vaine, le vide du vide que le texte, tissu de signifiances, semble recouvrir ou vouloir supplanter.

14En multipliant les passages d’une écriture à l’autre dans cette autobiographie plurielle qui n’évince pas ses anciennes adhésions au courant surréaliste par exemple, l’œuvre de Leiris, chasseur de traces, doutant constamment de lui-même et de ses entreprises, offre des visions d’un tourment intérieur sur la condition de l’homme et son « intenable assentiment au monde [25] ». Chez Leiris, les enjeux de l’autobiographie recèlent bien plus que des explications pour ressusciter l’individu, car elle aspire à des manières de penser le monde en nous offrant une multiplicité d’éclairages. Leiris, extrêmement scrupuleux sur la méthode rapportée aux limites de son métier, ne prétend à aucun moment ériger ce tourment en discours philosophique ou métaphysique, mais le dégage de l’expérience et de la confrontation avec l’autre proche et le lointain « exotique », avec l’autre de lui-même, dans l’expérience du langage et la besogne des mots.

15De ces explorations multiples, y compris dans la polyphonie des formes d’appropriation de son passé, il se dégage des formes d’abandon de places occupées, un espace critique souvent virulent, critique non seulement de la position dominatrice de l’ethnologue colonial mais aussi de l’ensemble des prescriptions sociales et habitus conditionnant notre rapport à la naissance, à la reproduction, à la sexualité, à l’amour, à la paternité : « Il me serait impossible de faire l’amour si, accomplissant cet acte, je le considérais autrement que comme stérile et sans rien de commun avec l’instinct humain de féconder [26]. » Ses prises de position franches, son anti-conformisme, « l’horreur qui y est affichée à l’égard de toute fixation » écrit-il dans l’avant-propos du roman Aurora[27], le conduiront à développer de nouveaux regards sur l’ethnologie africaniste, à une défense de l’art africain et de son esthétique (sculpture, jazz [28]), à « mettre l’ethnographie au service, non de la science occidentale, mais des peuples du tiers monde [29] ». Elles le conduiront aussi à des adhésions politiques : engagé aux côtés de Sartre avec sa collaboration aux Temps Modernes, il est signataire de nombreuses pétitions, notamment celle relative à la « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie » en 1960, le Manifeste des 121.

16Dans La règle du jeu, le passeur insurgé dégage des « fibrilles » du savoir où Leiris expérimente la condition de l’homme dans l’arrachement des masques, « sans tricherie [30] » — « me livrer, me dénuder, me galvauder […], me prostituer, faire commerce de moi […], battre monnaie de ma propre chair [31] ». Il dépasse, dans ce second apprentissage de lui-même, la notion de sujet annoncée dans L’âge d’homme, en référence à son travail analytique, « acte par rapport à moi-même puisque j’entendais bien, le rédigeant, élucider […] certaines choses encore obscures sur lesquelles la psychanalyse, sans les rendre tout à fait claires, avait éveillé mon attention quand je l’avais expérimentée comme patient ». Mais cette fois le je se dissout dans l’« acte littéraire consistant à montrer le dessous des cartes », il espère crever le plafond : « Du portrait de moi que je peins et des lambeaux de vérités plus lointaines que je m’efforce d’arracher pour en faire comme l’éclairage en même temps que le rayonnement de ce portrait, ne m’est-il pas d’ailleurs permis d’espérer qu’il se dégagera un beau jour — et au besoin à mon insu — quelque vérité générale [32] ? »

17Le dispositif autobiographique de La règle du jeu rompt avec le mirage d’une catharsis salutaire par l’écriture pour se calquer peut-être sur le mode d’un dispositif du rituel, que Leiris a longuement observé, et qui combine le simulacre, la mise en scène, la théâtralité, l’apparition et la disparition, le visible et l’invisible, la croyance et son immédiate évanescence. Se proposant de s’analyser comme un objet de connaissance, il empruntera à la méthode ethnologique des règles d’organisation des matériaux et, de façon très rigoureuse, inscrira le contenu de ses rêves et leur contexte d’apparition. Sa passion pour la corrida, principe sacrificiel où le sang gicle, « art qui prend corps [33] », traverse bon nombre de ses écrits. Art du danger, elle opère une célébration du conflit, une fusion en « même temps qu’un combat — ainsi qu’il en est de l’amour et des cérémonies sacrificielles dans lesquelles il y a un contact étroit avec la victime, fusion de tous les officiants et assistants dans cette bête qui sera leur ambassadrice vers les puissances de l’au-delà [34] […] ». Son engagement dans l’écriture est métaphoriquement représenté par la tauromachie, lieu du risque, tout comme l’écriture [35], où l’on se sent tangent au monde, « tout comme le matador qui tire du danger couru occasion d’être plus brillant que jamais et montre toute la qualité de son style à l’instant qu’il est le plus menacé : voilà ce qui m’émerveillait, voilà ce que je voulais être ». « Introduire l’ombre d’une corne de taureau dans une œuvre littéraire », écrit Leiris. Revenir sur son œuvre autobiographique, c’est être frappé par le rapport à l’écriture qu’elle convoque. « Trouver dans la poésie un système total puisque celle-ci vise à rompre, soit à nier des limites », « une zone off limits où mon temps s’abolit », « recréer des moments d’une rare intensité », « des moments qui soient totaux [36] », ce souhait s’inscrit dans la matière même de l’écriture autobiographique, défiant le modèle par l’utilisation du morcellement, de l’intertextualité [37], par l’introduction de temporalités différentes, matière viatique faisant voler en éclats toute illusion de continuité, où le réel en tant que « lieu de l’impossible », comme lieu de la coupure, doit être constamment suggéré par des mises en trouée.

18Nul doute que le corps de l’écriture de Leiris est un corps contenant qui n’espère en rien une pratique de libération par l’acte d’écrire, mais traduit un creux existentiel, une angoisse abyssale paradoxalement porteuse d’une créativité, certains diront « d’une métaphysique dans le langage [38] ». Leiris affectionne le brouillage des frontières entre genres littéraires et exprime son mépris pour les grilles d’interprétation et les catégorisations. Ainsi, de ces glissements d’une quête de l’autre étrange à l’étrange de soi-même, quelques critiques ont évoqué une « ethnographie de soi-même », longtemps accolée à L’Afrique fantôme et à l’ensemble de l’œuvre de Leiris, destination épistémologique qu’il récuse de façon virulente : « Les analyses que j’ai données, par exemple l’impression que me faisaient quand j’étais petit les idées déclenchées en moi par certains mots que je connaissais mal, qu’est-ce que ça a à voir avec l’ethnographie de soi-même ? Quand je parle dans L’âge d’homme de mes premiers éveils sexuels, ça n’a rien d’ethnographique. Ce qui prête à confusion, c’est qu’en effet, dans mes Titres et travaux, j’ai dit que c’était au fond le même but que je poursuivais par deux voies différentes, c’est-à-dire d’arriver à une anthropologie générale par l’observation de moi et par celle de gens appartenant à d’autres sociétés [39]. »

19Il faut expliciter cette anthropologie générale, car elle est loin de rejoindre l’exercice monographique des ethnologues immergés dans le terrain à la recherche d’une traduction du fait social total de Mauss. Elle réactive d’anciens engagements au Collège de sociologie, fondé par Georges Bataille, Roger Caillois et Michel Leiris, qui inventait les notions de dépense improductive, réintroduisait les valeurs du don, du partage d’un sens sacré, de la fête, du sacrifice, d’une expérience de l’écriture de la « mise à nu [40] ». Dans le texte du manifeste, on peut lire : « L’objet précis de l’activité envisagée peut recevoir le nom de sociologie sacrée, en tant qu’il implique l’étude de l’existence sociale dans toutes celles de ses manifestations où se fait la présence active du sacré. Elle se propose ainsi d’établir des ponts de coïncidence entre les tendances obsédantes fondamentales de la psychologie individuelle et les structures directrices qui président à l’organisation sociale et commandent ses révolutions [41]. » Ce projet laisse poindre une critique politique de la sociologie universitaire française pour ériger une sociologie du sacré. Ne pas être une « communauté de savants mais une communauté virulente [42] », un collectif de la « dépense », notion chère à Bataille et qui traduit un engagement de la pensée-corps dans l’action. Ces thèmes récurrents ouvraient des scènes d’affrontement entre la pulsion de vie et la pulsion de mort propulsant le sujet « hors de lui ». Le collectif était engagé dans la quête « de moments fugitifs », ceux de la transgression alliés à une écriture « de tous les possibles ». Les auteurs ont signifié et commenté des expériences de « bord », de limites, de décentrement du soi, d’effusion du sang et de sentiment du tragique aussi, de dépropriation de l’existence, de dénuement. Ils ont rapporté les bouleversements intérieurs liés à des expériences « hors normes » annihilant les repères habituels, plongeant le sujet dans son évanouissement, « là où la vie se joue [43] » disent-ils, et qui contribuent à l’instar d’écritures d’exils extrêmes à tracer le lieu d’un irreprésentable, à inscrire de l’intraduisible, des déchaînements intérieurs et des brûlures [44]. De toute évidence, ces auteurs ont noué des connivences avec une démarche qui « ne cesse de défaire cet homme qui dans les sciences humaines fait et refait sa positivité [45] », évoquait Foucault pour signifier les parentés entre l’ethnologie et la psychanalyse. Leur recherche d’une activité totale de l’être, de « l’homme total [46] » se place volontairement au carrefour des expériences les plus variées pour approcher au plus près quelque chose de vertigineux et de tragique [47]. Dans une préface rédigée en collaboration avec Ariane Deluz pour un numéro du Journal des anthropologues consacré au statut de l’écrit et de l’écriture en anthropologie [48], nous écrivions qu’il serait considérablement réducteur de ramener la recherche d’une vue complète de l’homme chez Leiris à la seule introspection personnelle. D’ailleurs Leiris exècre la vision d’une autobiographie dirigée vers des temps chronologiques de maturation du sujet ; au contraire, il narre nos basculements répétés dans des brisures, sapant nous l’avons dit, l’idée de chemin.

20Tout au long de son travail, Leiris écrit son étrangéité au monde, angoisse existentielle [49] avec laquelle il se débattra et qui a suscité un passage à l’acte, celui du suicide manqué. Mais nous refusons de concevoir une fonctionnalité de son écriture, des tentatives de colmater la brèche, bien que certaines interprétations psychanalytiques sur des écritures de l’extrême [50] explorent l’élaboration salutaire d’un « lieu de l’écriture » qui n’a rien à voir avec cette sorte de psychanalyse appliquée où l’œuvre est décryptée pour y repérer les symptômes de l’auteur, mais qui sert à réélaborer une localisation.

21La notion de corps de l’écriture [51] me semble judicieuse pour qualifier le corps enrobant qui s’en dégage, couches sédimentées, épaisseur temporelle, inscriptions au sens d’un topos à reconfigurer à partir d’errances, explosions de la pensée, surgissement du tragique, confection subtile entre des fragments d’existence incarnée par la figure récurrente de l’alchimiste [52]. Ce corps enrobant fait converger différentes postures de l’interprète, tour à tour critique, commentateur, sujet en procès, observateur engagé, narrateur qui, tout en prônant le non-évanouissement du sujet, l’efface dans une dialectique déroutante à partir de ce « je » qui n’est jamais le même, subit les échos de l’expérience et cherche à se métamorphoser.

22Ce qui « arrive » par l’écriture n’est pas de l’ordre de ce qui arrive dans la réalité implacable de notre finitude, et Leiris l’entend bien, mais loin de lui l’idée de considérer la littérature comme une évasion. Au contraire, il soumet la matière de l’écriture à l’incompréhension du monde, s’ingénie à rompre les circularités du discours obsessionnel et les répétitions par une pratique d’écriture inachevée qui s’oppose au discours et qui suspend et prolonge le sens dans le risque, s’élance en un élan vital vers l’inconnu. Dans le lieu, qu’il évoque sans cesse, de l’impuissance de l’homme à réparer l’effroi de sa naissance et à conjurer l’horreur de son anéantissement, Leiris se jette dans une écriture du péril, en tordant et manipulant le langage dans un « jeu littéraire [53] » — « Bref, ce qu’aujourd’hui je cherche c’est ce que c’est que je cherche [54] ». Et tout son art de l’insurgé a consisté à mêler esthétique et exigence éthique contre la parole aplatie, afin de renouer avec une parole critique, feux du langage courageux à contre-courant d’une honteuse malléabilité, arrachant les masques du simulacre et faisant résonner un mode politique de la protestation et de la dénonciation, affilié à une connaissance engagée de soi.

Notes

  • [1]
    « Faire un livre qui soit un acte », écrit Michel Leiris, in L’âge d’homme, Paris, Folio, Gallimard, 1973, p. 14.
  • [2]
    Michel Leiris, La règle du jeu. I Biffures, 1948 ; II Fourbis, 1955 ; III Fibrilles, 1966 ; IV Frêle bruit, 1976, Paris, Gallimard.
  • [3]
    Philippe Lejeune, Lire Leiris, Autobiographie et langage, Paris, Bibliothèque du XXe siècle, Éditions Klincksieck, 1975 p. 154.
  • [4]
    Michel Leiris, Frêle bruit, La règle du jeu, IV, op. cit., p. 312.
  • [5]
    Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, 1986, n°62-63, pp. 69-73.
  • [6]
    Alain-Michel Boyer, Michel Leiris, Éditions universitaires, coll. « psychotèque », 1974, p. 103.
  • [7]
    Jean Jamin, « Les fantaisies du voyageur », Revue de musicologie, t. 68, n°1-2, pp. 18-33, 1982.
  • [8]
    Sylvia Ostrowetsky (dir.), Sociologues en ville, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 15.
  • [9]
    Ibid, p. 25.
  • [10]
    « J’ai besoin de tremper dans leur drame, de toucher leurs façons d’être, de baigner dans leur chair vive. Au diable l’ethnographie ! » Michel Leiris, L’Afrique fantôme, Gallimard, 1934, p. 352.
  • [11]
    Roger Caillois, Pour un Collège de sociologie, NRF, 1938.
  • [12]
    Expression empruntée à Alain-Michel Boyer, in Michel Leiris, op. cit.
  • [13]
    Roland Barthes, « Écrivains et écrivants » (1960), in Essais critiques, Paris, Seuil, 1964, pp. 147-154.
  • [14]
    Michel Leiris, Cinq études d’ethnologie, Paris, Gonthier, 1969. Cité par Alain-Michel Boyer, in Michel Leiris, op. cit., p. 31.
  • [15]
    Michel Leiris, L’Afrique fantôme, in Leiris, Miroir de l’Afrique, Paris, Quarto, Gallimard, 2003, p. 838.
  • [16]
    Ibid., p. 396.
  • [17]
    Pierre Bourdieu, « Préface » in Paul Rabinow, Un ethnologue au Maroc. Réflexions sur une enquête de terrain, Hachette, coll. Histoire des Gens, 1988, p. 11.
  • [18]
    Michel Leiris, L’Afrique fantôme, in Leiris, Miroir de l’Afrique, op. cit., p. 672.
  • [19]
    Bronislaw Malinowski, Journal d’ethnographe, traduit de l’anglais par Tina Jolas, Paris, Seuil, 1981.
  • [20]
    Jean Jamin, Présentation de L’Afrique fantôme, in Leiris, Miroir de l’Afrique, op. cit, p. 71.
  • [21]
    Michel Leiris, Frêle bruit, La règle du jeu, IV, op. cit., p. 310.
  • [22]
    Ibid., p. 158.
  • [23]
    Alain-Michel Boyer, Michel Leiris, op. cit, p. 88.
  • [24]
    Philippe Sollers, L’écriture et l’expérience des limites, Paris, Seuil, 1968.
  • [25]
    Titre du colloque « Bataille-Leiris. L’intenable assentiment au monde », organisé à Orléans les 22 et 23 novembre 1997 à l’occasion du centenaire de la naissance de Georges Bataille, dont les actes ont été publiés sous la direction de Francis Marmande, aux éditions Belin, en 1999.
  • [26]
    Michel Leiris, L’âge d’homme, op. cit., p. 27.
  • [27]
    Michel Leiris, Aurora, Paris, Gallimard, coll « L’imaginaire », 1977.
  • [28]
    Voir l’article inédit de Michel Leiris introduit par Jean Jamin, « La sculpture africaine », où une fois encore Leiris dénonce une interprétation de cet art liée « à la pénétration des habitudes d’agir et de penser inhérente à notre civilisation capitaliste moderne ». « La sculpture africaine, Michel Leiris, ethnologue et écrivain (1901-1990) », texte établi, présenté et annoté par J. Jamin, Journal des anthropologues, n°75, 1998, pp. 11-29.
  • [29]
    M. Leiris, Frêle bruit, op. cit., p. 288.
  • [30]
    M. Leiris, Brisées, Paris, Mercure de France, 1966, p. 68.
  • [31]
    M. Leiris, Biffures, op. cit., p. 266.
  • [32]
    M. Leiris, Fourbis, op. cit., p. 65.
  • [33]
    Ibid, p. 152.
  • [34]
    M. Leiris, L’âge d’homme, op. cit., p. 80.
  • [35]
    Voir les pages de Michel Leiris « De la littérature considérée comme une tauromachie », in L’âge d’homme, op. cit., pp. 9-24.
  • [36]
    M. Leiris, Fibrilles, op. cit, p. 254.
  • [37]
    La notion d’intertextualité remet en question la totalité close du texte littéraire, point de vue abordé par Sartre qui préfère parler de « praxis de la littérature ». Dans la pratique de l’intertextualité, le texte est une forme toujours inachevée, une combinaison, le lieu d’un échange constant entre des fragments que l’écriture redistribue en construisant un texte nouveau à partir de textes antérieurs, détruits, niés, repris. Voir Julia Kristeva, Semeiôtikè. Recherches pour une sémanalyse, Paris, Seuil, 1969 et La révolution du langage poétique, Paris, Seuil, 1974. Ces thèmes ont été également développés dans la revue Tel Quel et dans la sémiologie de Roland Barthes.
  • [38]
    Michel Jarrety, Michel Leiris ou la métaphysique dans le langage, NRF, n°394, 1984.
  • [39]
    Extrait tiré de Jean Jamin, présentation de L’Afrique fantôme, in Leiris, Miroir de l’Afrique, op. cit., p. 67.
  • [40]
    Voir en ce sens l’écriture féminine de Laure, compagne de Georges Bataille. Les écrits de Laure se composent d’un corpus de lettres réunies à sa mort par Bataille et Leiris. On peut véritablement lire ces écrits déchirés par la révolte comme une écriture du dépassement de soi dans une ivresse du corps perdu, du corps tragique. Les écrits de Laure, préface de Jérôme Peignot, Paris, coll. Change errant, Pauvert, 1985.
  • [41]
    Denis Hollier, Le Collège de sociologie, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1979, p. 24.
  • [42]
    Ibid., in Appendices, p. 568.
  • [43]
    Georges Bataille, L’apprenti sorcier, in Denis Hollier, Le Collège de sociologie, ibid., p. 54.
  • [44]
    Martine Hovanessian, Traversées de lieux exilés : recoudre les fragments, Habilitation à diriger des recherches, Université Paris 7— Denis Diderot, avril 2009, vol. 1, 276 p.
  • [45]
    Michel Foucault, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966, p. 391.
  • [46]
    « L’homme total est celui pour qui réel et imaginaire ne font qu’un » (Michel Leiris, Brisées, Paris, Mercure de France, 1966, p. 173).
  • [47]
    Ces thèmes sont développés dans les conférences de Leiris, Bataille et Caillois réunis par Denis Hollier, Le Collège de sociologie, op. cit.
  • [48]
    Ariane Deluz, Martine Hovanessian, « Introduction. Statut de l’écrit et de l’écriture en anthropologie », Journal des anthropologues, n°75, 1998, p. 8.
  • [49]
    Lors d’un travail universitaire sur Leiris et sa vision du sacré, nous avions effectué un entretien inédit avec l’écrivain en juin 1980. Précisons la qualité d’accueil de l’ethnologue, d’une humilité touchante. L’écrivain me rapportait son expérience au Collège de sociologie, le côté « excessif » de Georges Bataille, et d’autres considérations, comme l’aspect « confession » de L’âge d’homme, son rapport à la femme « objet très désirable mais en même temps redoutable », etc. Mais nous retiendrons essentiellement, dans le cadre de ce propos, l’aveu suivant : « La mort c’est mon obsession depuis toujours. L’écriture est pour moi un lieu entre vivre et mourir. »
  • [50]
    Ghislain Lévy, « Faire œuvre de dissidence ou ce qui reste d’Hiroshima », PTAH (Psychanalyse Traversées Anthropologie Histoire), Mémoire et oubli. Désir de l’œuvre, 13/14, 2000-2002, p. 44.
  • [51]
    Martine Hovanessian, Traversées de lieux exilés : recoudre les fragments, op. cit.
  • [52]
    Voir son goût pour l’alchimie dans un roman inspiré de la technique surréaliste, in M. Leiris, Aurora, Paris, Gallimard, 1946.
  • [53]
    Michel Leiris, Frêle bruit, op. cit., p. 310.
  • [54]
    Ibid, op. cit., p. 311.
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