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Article de revue

Les phonosymbolismes : continuité d'une motivation primaire ?

Pages 77 à 103

Notes<atict:add user="imincu" time="1271434185"></atict:add>

  • [*]
    Université Stendhal - Grenoble3
  • [1]
    Au cours des dernières décennies un grand nombre de travaux ont été consacrés au symbolisme phonétique. Pour une vision d’ensemble du problème et pour les différentes approches nous renvoyons, entre autres, à Dogana (1988) et Balconi (2000 ; 2001) et, pour l’analyse du phénomène dans différentes langues du monde, à Hinton et al. (1994), Bartens (2000), Berlin (1992, 1994), Bettex et Demolin (1999).
  • [2]
    En quechua, par exemple, on relève les lexèmes ch’i, chiri, ch’iri, ch’ili : ch’iuca ‘guêpe’, chiri, ch’iri ‘petits animaux, mouches, sorte de taon’, ch’irípa ‘fourmi’, ch’ilipu ‘sauterelle’ (Obando Montes, 2004). La présence de la voyelle /i/ peut indiquer aussi le caractère pointu d’un objet (Carpitelli, 2006).
  • [3]
    Ces mêmes p.lex se retrouvent par ailleurs, dans les mêmes domaines linguistiques, à la base de verbes signifiant ‘voler, flotter dans l’air, battre des ailes’. Ex. : finnois liippotaa, carélien liipoyoa, hongrois lebeg ‘voler, planer, flotter’, lituanien lapatuoti, croate lepetati ‘battre des ailes’, letton [’?apatu:s] ‘id.’.
  • [4]
    Ce p. lex. est sans doute à la base du lat. palpebra ‘cil’, puis ‘paupière’ ou de l’intransitif *palpere ‘être animé de mouvements répétés’ qui est à son origine, tout comme palpitare (André, 1978). Voir aussi le hongrois figure im21 ‘clignoter, briller’ d’où la forme suffixée figure im22 ‘papillon’ ou la désignation composée komy-zyriène [tiribobe] ‘id.’, avec tiri ‘trembler’ et le p.lex. *bo-.
  • [5]
    La deuxième nasale peut être le résultat d’une dissimilation l-l > n-l, facilitée par l’influence de la consonne initiale.
  • [6]
    L’évolution p > m, ou l’alternance des deux bilabiales, dans les désignations de petits animaux se retrouve dans de nombreux domaines linguistiques, notamment en basque, y compris dans les désignations du papillon. Voir à ce propos Bähr (1928 ; 1936 ), W. Oehl (1922).
  • [7]
    Voir, à ce propos, Mastrelli (1982). Les labio-dentales des formes germaniques seraient issues plutôt de *bhl- et donc apparentées aux formes avec pel (André, 1978).
  • [8]
    Pour le classement des langues européennes nous adoptons la terminologie d’Alinei (1996).
  • [9]
    Nous pouvons ajouter, à l’ouest, la Belgique flamande, le Luxembourg, l’Alsace et la Lorraine germaniques ; au sud, des parlers alémaniques de Suisse et d’Italie, des points d’Autriche et du sud-est de l’Allemagne.
  • [10]
    Sur ce phénomène voir, entre autres, Nocentini (1994), qui donne de nombreux exemples pris à différents groupes linguistiques. Nous retiendrons, à titre d’exemple, albanais bubë ‘épouvantail, cafard’, ‘ver à soie’ ; neogrec babúls, bubúlas ‘épouvantail’ et ‘cafard’, tchèque bubák ‘épouvantail’, serbo-croate. buba ‘ver à soie’, ‘insecte’ ou encore, pour des parlers italo-romans, friulan bobó, ‘épouvantail’ et ‘insecte’, toscan bóbo ‘id.’, piémontais babója ‘épouvantail’ et ‘ver’, etc.
  • [11]
    Nos exemples ont été relevés dans les Atlas déjà mentionnés mais aussi dans les différents dictionnaires consacrés au sarde ou à certaines de ses variétés : Espa (1999), Pittau (2000), Puddu (2000), Casu (2002), Farina (2002).
  • [12]
    Cf. Contini (2002). Dans le même sens : babau, babaua ‘personne naïve,<atict:add user="imincu" time="1271434204"></atict:add> influençable’.
  • [13]
    Pour la présence de nos lexèmes dans des désignations de l’épouvantail ou même des simples d’esprit, nous renvoyons à Profili (1989). Une recherche (en cours) sur les désignations européennes de l’épouvantail, dans le cadre de l’ALE, confirme la présence de formes se rattachant, probablement, à nos lexèmes, dans les groupes celtique, germanique, slave et finno-ougrien, comme le signalait déjà Nocentini (1994).
  • [14]
    Voir, entre autres, dans les domaines italo-romans, gallo-romans et ibéro-romans les continuateurs du latin BULLA qu’Ernout et Meillet (E. M. : sous bulla, -ae) considèrent comme un ‘mot expressif’. En domaine bantu le lexème bùlu peut traduire l’image de rondeur : ciluba lubùlùbùlu ‘abeille’ (litt. ‘la ronde’).
  • [15]
    Schuchardt (1898-1899) pense que cette forme est apparentée à COCHLEA. Des formes semblables sont attestées en Corse, dans l’Italie centre-méridionale, dans les domaines occitan, asturien et basque (Hubschmid, 1953 : 51).
  • [16]
    Des dizaines de toponymes avec tili / tsili ou tiri / tsiri sont présents dans l’ouvrage de Paulis (1987) : tiliconnera, tilidanu, tiliesti, tilini, tilinchis, tiliò, tilipera, tilisai, tilitta, tilocca, tiritili, bidistili ; tiriddò, tirisseitiroi, bitiri ; tsillai, tsilorixè, tsirivoddi, estertsili, etc.

1Notre étude s’inscrit dans le cadre des recherches sur la motivation sémantique à laquelle Mario Alinei (1983 ; 1984 ; 1986 ; 1995 ; 1996…) a consacré une réflexion théorique originale et qui ont connu un développement considérable au cours de ces dernières décennies : elles représentent, en particulier, l’une des approches dominantes dans les projets de géolinguistique que sont l’ale et l’alir. On peut admettre l’existence de trois sortes de motivations : onomatopéique, phonosymbolique et iconique. La dernière, de loin la plus productive, définit un référent par rapport à des traits saillants : le nom d’un animal, par exemple, peut renvoyer à l’une de ses caractéristiques physiques, à son activité, à sa relation à l’homme ou à l’univers culturel des hommes à un moment de leur histoire. Les formations onomatopéiques pourraient être considérées comme des créations ‘primaires’ de cette même catégorie : un oiseau peut être désigné par des productions phoniques censées imiter son chant. La motivation phonosymbolique se différencie en revanche des précédentes, dans la mesure où elle suppose que les sons du langage soient porteurs, eux-mêmes, d’information sémantique ou capables d’évoquer, symboliquement, des réalités extra-acoustiques.

2Le concept de motivation dans la création lexicale va à l’encontre de l’affirmation saussurienne du caractère arbitraire du signe linguistique et celui de ‘motivation phonosymbolique’ remet en question le caractère marginal des éléments phonétiques, que l’on retrouve dans la phonologie classique, définissant le phonème comme la plus petite unité distinctive, sans aucune fonction sémantique. Contre cette rigidité séparant totalement la forme de la substance, et pour la reconnaissance du rôle linguistique des éléments phoniques, et par là du symbolisme phonétique, se sont exprimés de nombreux linguistes (Coseriu, 1954 ; Jakobson, 1965 ; 1976 ; Malmberg, 1974 entre autres) [1]. Plus ouverte apparaît en particulier l’approche de Jakobson, définissant le phonème comme un faisceau simultané de traits distinctifs, de nature acoustique, opérant dans un système d’oppositions binaires (Jakobson et al., 1952), approche qui a favorisé sans doute les recherches sur la valeur expressive des unités phoniques : le TD, composante linguistique minimale, peut apparaître aussi comme une unité phonesthésique ou phonesthémique.

3De nombreux travaux ont mis en évidence la possibilité qu’ont les productions sonores d’évoquer des images ou des sensations. Dogana (1988) fait remarquer, par exemple, qu’il y a toujours un lien motivationnel entre une impression acoustique et l’objet qui l’émet : ainsi le bruit d’un corps qui tombe peut véhiculer des informations sur la masse, le volume, le poids de ce dernier. Dans le domaine de la parole, on connaît le lien entre certains contenus communicatifs et la substance phonique, par exemple dans la manifestation des émotions, et le rôle des unités segmentales (voyelles et consonnes) ou de variables comme la fréquence laryngienne, l’intensité et la durée (Fonagy et Magdigs, 1963 ; Scherer, 1986 ; Dogana, 1988 ; 1990 ; Arnolli et Ciceri, 1997). Les réalisations phonétiques semblent dotées de fonctions synesthésiques spécifiques : les recherches montrent que ces dernières sont observables, régulièrement indépendamment des langues et des contextes culturels. Ainsi, telle voyelle ou telle consonne peuvent être associées à des notions de dimension (grand/petit, haut/bas, large/étroit…), de distance (près/loin), mais aussi à des impressions chromatiques (clair/sombre), tactiles (lisse/rugueux) ou encore à des degrés d’une sensation (grave/non grave). Leur perception peut être aussi évocatrice de certains états d’âme comme la joie, la tendresse, la tristesse, la colère, l’agressivité, pouvoir qu’on reconnaît habituellement à l’intonation ou à la musique. D’autres travaux tendraient à montrer que le lien entre les traits émotionnels et les réalisations phoniques serait facilité par la présence concomitante de facteurs d’ordre mimico-gestuels, voire par des réponses neuro-végétatives comme la variation de la respiration ou de la pression respiratoire, les tremblements, etc. (Jakobson, 1976) qui faciliteraient l’opposition entre impressions agréables ou désagréables, manifestées, ces dernières, par une pression expiratoire élevée, une tension plus grande aboutissant au raccourcissement des voyelles et à un allongement des consonnes, à la rupture de schémas mélodiques, des manifestations opposées indiquant, au contraire, une impression agréable. De même, le gonflement des joues et une forte expulsion de l’air serait caractéristique des expressions de dégoût et de mépris (Fonagy, 1972).

4Dans le langage, le pouvoir des sons à représenter des référents non sonores serait lié à leur structure articulatoire (Ladefoged, 1980), qui véhiculerait plus d’informations que la structure acoustique (Newman, 1933 ; Fonagy, 1970 ; Dogana, 1990). Par dérivation métaphorique, les sentiments d’amour ou de haine, seraient exprimés, respectivement, par des articulations ‘molles’ ou ‘fluides’ (nasales, latérales, constrictives) ou par des articulations ‘dures’, ‘tendues’ (occlusives, vibrantes) : les occlusives, en particulier, seraient l’expression de l’agressivité (Fonagy, 1975). Le côté visuel des réalisations jouerait aussi un rôle important, comme la perception des caractéristiques posturales, des mouvements des organes mobiles (bouche, langue, lèvres). Il est possible que dans le développement du langage les formes de représentation symbolique liées aux productions phoniques représentent un passage obligé vers une ultérieure conventionalisation des signes linguistiques (Dogana, 1990 ; Arnolli et Ciceri, 1997). On peut supposer qu’après leur création, dans une phase que l’on pourrait définir de ‘naturaliste’, les phonosymbolismes aient subi toutes les contraintes liées aux systèmes des langues qui les ont employés et à l’univers culturel qu’ils véhiculent. Toujours Arnolli et Ciceri (ibid.) supposent une évolution dans le sens d’une dénaturalisation des véhicules symboliques et d’une distanciation entre ces derniers et la signification, pour aboutir à un stade plus avancé de la communication. Après un stade de phonosymbolisme primaire, on serait passé à une extension sémantique : la notion de mince ou de rapide, par exemple, pourrait être une dérivation de petit (Dogana, 1988) et la voyelle /i/ évoquant une impression de clarté (plan synesthésique) aurait été assimilée à la représentation de la joie. Plus tard, par une phase de représentation conventionnelle, référents et bases phoniques auraient été associés par un lien de type arbitraire.

5Les recherches sur les phonosymbolismes devraient poursuivre deux objectifs, à savoir la définition d’une typologie phonético-symbolique, avec la définition des fonctions synesthésiques des sons ou de l’interconnexion des perceptions sensorielles des langues, et la mise en évidence d’universaux symboliques. Elles pourraient permettre de définir une superstructure caractérisée, à l’image de la structuration des TD, par une nature typologique et universelle (Jakobson et Laugh, 1980) : il devrait être possible, pour une langue donnée, de mettre en évidence un système de représentations issues d’un symbolisme phonique.

6On constate cependant que la linguistique générale accorde toujours peu de place aux formes d’origine phonosymbolique que les dictionnaires étymologiques classent parmi les désignations auxquelles on ne peut pas attribuer une origine assurée et sont définies, le plus souvent, soit comme des créations enfantines, soit comme des formations expressives voire onomatopéiques. Cette marginalisation mérite d’être reconsidérée, de nombreuses recherches tendant à prouver que, dans toutes les langues, leur place s’avère plus importante que celle qu’on a bien voulu leur accorder. Rappelons, à ce propos, que la réflexion sur un éventuel pouvoir expressif des sons du langage, qui pourrait même constituer un moteur primordial à l’origine des langues, a des racines anciennes. Déjà présente chez les philosophes grecs, elle a toute sa place dans la linguistique moderne, avec les contributions de spécialistes comme Jespersen (1922), Sapir (1929), Coseriu (1954), Wandruszka (1954), Chastaing (1958), Fonagy (1972), Malmberg (1974), Genette (1976), Ficher-Jørgensen (1978), Jakobson et Waugh (1979), Hinton et al. (1994), entre autres. D’autres spécialistes ont abordé le problème avec une approche psychophonétique et dans le cadre de recherches expérimentales en psychoacoustique (Newman, 1933 ; Taylor, 1963 ; Weiss, 1963 ; Bozzi et Flores d’Arcais, 1967 ; Peterfalvi, 1970).

7Déjà dans le Cratyle de Platon, Socrate pensait que la voyelle /i/ semblait indiquer la petitesse, observation que l’on retrouve chez Jespersen (1922) et Sapir (1929), qui ajoutait l’idée de mince, étroit, grêle ou faible. Ce dernier soumettait un test à différentes personnes qui devaient désigner par les logatomes /li/, /la/ et /law/ trois tables de dimension différente. Presque toujours /li/ désignait la plus petite, /law/ la plus grande et /la/ la table de dimension moyenne. Le /i/ et les voyelles palatales (claires) exprimeraient donc la petitesse, la minceur, et le /u/ et les voyelles d’arrière, mais aussi le /a/, la grandeur, la grosseur, la rondeur (voir aussi Berlin, 2005) [2]. Si l’on se réfère aux T.D. (Jakobson et al., 1952 ; Jakobson, 1963) l’opposition petit/grand devrait correspondre à aigu/grave (i/u), voire à l’opposition diffus/compact (i,u/a). Beaucoup de travaux ont été réalisés sur différentes langues (Chastaing, 1965 (français) ; Johnson, 1967 (anglais) ; Tarte, 1974 (tchèque) ; Fisher-Jørgensen, 1978 (danois) ; Fonagy, 1983 (hongrois)). Ce dernier, à l’aide de tests d’oppositions binaires – démarche que préconisait Jakobson -, a étudié notamment le pouvoir symbolique de /i/ par rapport à /u/ avec des sujets hongrois : le /i/, par rapport au /u/, évoquerait l’idée de plus petit, plus rapide, plus joli, plus gentil, plus dur ; le /u/ celle de plus grand, plus lent, plus vilain, plus méchant, plus doux. La vélaire, par rapport à la palatale, évoquerait aussi l’idée de ‘plus épais, plus sourd, plus sombre, plus triste, plus flou, plus amère, plus fort’ ; inversement, le /i/ serait ‘plus mince, plus clair, plus gai, plus net, plus doux, plus faible’. Ces conclusions s’appuient sur un pourcentage élevé des réponses supérieur à 80 %. Des travaux montrent par ailleurs que les consonnes sont aussi susceptibles d’évoquer, symboliquement, un contenu sémantique. Toujours d’après Fonagy (ibid.), une comparaison entre /r/ et /l/ donnerait, pour la vibrante, une image de ‘plus violent, plus agressif, plus houleux, plus dur’ (à une écrasante majorité). Pour le danois, Fisher-Jørgensen (ibid.) trouve des résultats comparables. Chastaing (1964b) fait des tests semblables avec des étudiants francophones, en analysant le pouvoir symbolique des consonnes, notamment dans l’opposition tendu/lâche. Les discontinues évoqueraient la dureté et les continues la douceur ; le /r/ l’idée de rugueux, fort, violent, proche, lourd, acre, dur, amère ; le /l/ celle de léger, clair, débonnaire, lisse, faible, doux, distant. Beaucoup de réalisations phonétiques semblent aussi corrélées avec des impressions tactiles : une vibrante /r/ exprimerait l’impression d’une main qui passe sur une surface rêche ; l’articulation des constrictive /s/ ou equation im1 avec celle d’une main qui passe sur une surface lisse, glissante (Girotti et Dogana, 1968).

8Certes, la plupart des recherches ont mis en évidence surtout la corrélation entre certaines voyelles et la notion de dimension : cependant, des travaux ont montré que les voyelles palatales pouvaient évoquer la proximité et les vélaires l’éloignement (Chastaing, 1958 ; Tanz, 1971) et que les mêmes pouvaient aussi rendre compte de l’opposition temporelle entre présent et passé (Tanz, 1971). Dans la langue ewé, l’opposition tendu/lâche peut être employée pour des oppositions de distances : ex. kpóvió kplé gòbviò ‘ici et là’ (près et loin) « avec un parallélisme entre ton haut et consonne tendue, ton bas et consonne lâche » (Westermann, 1927, cité par Jakobson et Waugh, 1980). La même opposition tendu/lâche semble être associée aux notions de haut ou bas (Grammont, 1930).

9Les voyelles ouvertes, et a en particulier, évoqueraient la notion d’ouvert ou d’espace ouvert ; les voyelles fermées celle de fermé ou d’espace fermé (Bruni, 1958 : 73-74).

10Les consonnes peuvent évoquer aussi l’image d’un mouvement : les occlusives indiqueraient des mouvements violents, brusques (percussion, rupture, craquement), les constrictives des actions rapides (sifflantes) ou fluides, lentes, voire ondoyantes (labiodentales, surtout suivies de la latérale). Des études consacrées au symbolisme de certains groupements consonantiques indiquent que FL ou SL (Jespersen, 1922 ; Roback, 1954) traduisent un mouvement lent, fluide ou l’idée de flotter ou voler. Les voyelles peuvent évoquer le mouvement : rapide pour les palatales — et pour le /i/ en particulier — lent pour les vélaires (Jespersen, 1929 ; Grammont, 1930 ; Chastaing, 1958). Il en est de même pour les consonnes : les sourdes exprimeraient la rapidité et les sonores la lenteur (Chastaing, 1964).

11Le redoublement d’un même lexème phonosymbolique peut traduire aussi une impression d’un mouvement rapide ou cyclique (Contini, 1997). Par ailleurs, Jakobson et Waugh (1980 : 246-247) (citant Boas et Deloria, 1941) signalent que dans la langue dakota (langue amérindienne des USA), l’emploi de constrictives de lieux d’articulation différents permet de différencier des degrés d’une sensation (s/z (continues, diffuses, aigues : degré faible) ; ?/? (continues, compactes, aigues : degré neutre); ? /equation im2 (continues, graves, compactes : degré fort) : suza ‘(il est) légèrement meurtri’ / ?u?a ‘(il est) gravement meurtri’ / xuequation im3a ‘(il est) fracturé’. Dans la même langue, les voyelle /i, ?, a/ peuvent avoir une fonction semblable, par exemple pour évaluer les variations d’intensité d’une impression sonore : kpi ‘petit bruit’ / kp? ‘bruit de deux bâtons frappés’ / kpa ‘grand bruit soudain’.

12On connaît depuis longtemps l’opposition entre voyelles claires (palatales) et voyelles sombres (voyelles vélaires) : il est possible qu’il existe une certaine concordance entre les productions phoniques et les couleurs (audition colorée) même s’il paraît impossible d’associer une couleur donnée à une voyelle ou à une consonne (Chastaing, 1961). Jakobson suggère, dans ce domaine aussi, de procéder par des tests binaires (une paire de voyelles opposées à une paire de couleurs) en demandant de mettre en évidence les meilleurs rapprochements entre les deux. Dans la perception des couleurs il existerait une corrélation entre les trois couleurs fondamentales rouge/blanc/noir, résultant de l’opposition sombre/clair, et du contraste secondaire teinté/neutre, et le triangle acoustique primaire du langage enfantin, où la voyelle optimale /a/, compacte, non marquée, est opposée à deux consonnes optimales diffuses, non marquées, /p/ et /t/ (Sahlins, 1976). Plus particulièrement il existerait une corrélation entre les oppositions binaires clair/sombre et les oppositions de T.D. aigu/grave (Vallier, 1979). Toujours dans le système du dakota, les continues /s, ?, equation im4/ correspondent à une évolution du plus clair au plus sombre : zi ‘c’est jaune’ /?i/ ‘c’est fauve’ /equation im5i ‘c’est brun’. Il semblerait donc qu’il existe des liens constants et universels entre des notions comme clair/sombre, grand/petit, léger/lourd, appartenant aux structures élémentaires requises pour la différenciation perceptuelle, et les traits distinctifs universels (td) caractéristiques des langues humaines. L’un des objectifs des recherches futures devrait être la définition d’une échelle de valeurs symboliques des voyelles et des consonnes, comme cela a été proposé par Newman (1933) pour l’anglais américain.

13Le phonosymbolisme, enfin, peut se manifester à travers les traits prosodiques. Les tons, par exemple, peuvent avoir une fonction symbolique comme les unités dites segmentales. En yoruba par exemple, mais aussi dans d’autres langues africaines (ewé, bini, etc.) l’opposition ton haut / ton bas peut rendre compte des degrés de dimension : bírí ‘être de petite taille’ / bìrì ‘être vaste’ ; gbóró ‘être étroit’ / gbòrò ‘être large’ (Westermann, 1927). Il en est de même pour les interjections, comme nous avons pu le montrer pour le sarde (Contini, 1988), où la plupart des voyelles, définissables par des traits de nature prosodique, peuvent constituer un véritable système d’oppositions aux implications symboliques précises comme les manifestations d’états d’âme (surprise, joie, tristesse, hésitations, méfiance, ironie, etc.). On sait que des sous-systèmes phonétiques semblables peuvent exister dans toutes les langues. Je rappellerai que Grevisse (1964), à propos du ah du français, précise que « suivant le cas » il peut indiquer la joie, la douleur, l’admiration, l’amour, la colère, la crainte, la surprise, etc. Cela rappelle l’une des fonctions bien connues de l’intonation (Fonagy et Magdigs, 1963 ; Delattre, 1967).

14Il est rare malgré tout que des sons isolés véhiculent une information sémantique sauf, bien entendu, lorsque ces derniers sont le résultat d’une évolution phonétique connue (fr. /o/ ‘eau’ < aqua), d’onomatopées ou d’interjections, comme nous l’avons déjà signalé. Le plus souvent, les formations d’origine phonosymbolique constituent des groupements phonétiques mono- ou bisyllabiques : des protolexèmes (par la suite p.lex). Il est difficile de savoir si, à l’origine, ces derniers étaient composés d’une structure syllabique du type CV, qui semble être le type syllabique dominant dans les langues du monde, ou d’une structure du type CVC. Les formations lexicales actuelles ne permettent pas de trancher sur cette question : on ne peut pas exclure que les deux solutions aient pu exister, en même temps, et que le deuxième type ait pu déjà apporter un développement sémantique ultérieur au premier. C’est ce qui s’est produit sans doute dans le cas du redoublement d’un p.lex initial, qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre type, phénomène observé et étudié dans toutes les langues, dont le rôle était de renforcer une image, qu’il s’agisse d’une image de dimension, de sensation ou d’une quelconque caractéristique d’un mouvement (dans le cas des zoonymes, l’image d’un déplacement rapide, du battement des ailes, du vol irrégulier, etc. (Brandstetter, 1917 ; Alessio, 1943 ; Gonda, 1950 ; Thun, 1963 ; André, 1978 ; Skoda, 1982) : (*per) grec perperi ‘papillon’ ; (*pel) russe dial. pelepel ‘caille’. Ce procédé rappelle de nombreuses créations dialectales actuelles, dont la motivation est évidente : sarde [kurri’equation im6urri] (litt. cours-cours) ‘mille pattes’ [drommi’drommi] (litt. dors-dors) ‘chrysalide’ ; [luequation im7equation im8luequation im9?] (litt. brille-brille) ‘ver luisant’; [kanta’equation im10anta] (litt. chante-chante) ‘cigale’ ; [v?la’v?la] (litt. vole-vole) ‘papillon’, etc. Des phénomènes phonétiques bien connus ont pu modifier, par la suite, la structure initiale des créations p.symb., qu’il s’agisse du changement du timbre vocalique (apophonie) : (*bo) sarde bobboi > babboi ‘petite bête’; de la chute de la consonne finale de la première syllabe CV(C) dans le cas du redoublement de celle-ci : grec peperuda < perperuda ‘papillon’. Ce phénomène rappelle les formes françaises [m?r] ‘mère’ > [me’m?r], [p?r] ‘père’ > [pe’p?r], [b?t] ‘bête’ > [be’b?t], [fij] ‘fille’ > [fi’fij], etc. ; de la métathèse : slovène prepelitsa (< perpelitsa) ‘papillon’; ou encore de la dissimilation : slovène prepelitsa > krepelitsa ‘id.’. Les formations phonosymboliques s’intègrent par ailleurs dans les systèmes morphologiques (marques de genre ou de nombre, suffixes : prt. borboreta ‘papillon’, esp. cucaracha ‘cafard’, etc.) des langues qui les utilisent.

15Dans le cadre des petits animaux, on relève souvent des formes à suffixes diminutifs (sarde [babba’utsu] ‘petit insecte’, catalan cuqueta ‘insecte’, portugais [borbo’reta] ‘papillon’) mais qui pourraient avoir aussi une fonction hypocoristique, motivée par des procédés de tabouisation. Dans une même désignation, elles peuvent être aussi associées soit à d’autres p.lex (sarde [tili’kuku] ‘gecko, limace’ (tili+kuk), soit à d’autres lexèmes (sarde [b?bb?’sorik?] ‘toutes sortes de bestioles qui mangent les céréales’, avec [’sorik?] ‘souris’) ou faire partie de syntagmes (espagnol [’koko de lu?], catalan [’kuke de ?um], galicien [’koko ka’luma], gascon barbot luzent ‘ver luisant’, [’kuk de terra] ‘ver de terre’. Suite à l’oubli de la motivation du p.symb initial, plusieurs de ces formations ne conservent plus qu’une charge sémantique réduite, et deviennent des génériques (par ex. ‘petite bête’, dans les zoonymes). Autre conséquence : la perte de la motivation rend ces formes arbitraires et ouvre la voie à des phénomènes de remotivation (Dalbera, 2006). Ainsi, en sarde, une désignation du papillon comme [pa?a’rittu], à base p.symb peut être réinterprétée comme [po?e’rittu], par une interférence avec [’p??eru] ‘pauvre, pauvre homme’ ; en galicien une forme comme [pol?o’reta], pour le même insecte, de la famille du portugais [bor?o’reta > bol?o’reta], pourrait être une remotivation par l’espagnol polvo ‘poussière’, ce qui classerait cette forme dans une autre catégorie motivationnelle (à savoir la poussière des ailes). Une démarche classificatoire pourrait regrouper toutes les désignations d’origine phonosymbolique, y compris celles qui résultent d’une remotivation.

16Dans la suite de notre exposé nous prendrons des exemples tirés de nos recherches personnelles en privilégiant un champ sémantique particulièrement riche en formations d’origine phonosymbolique, celui des petits animaux. Nous analyserons deux cas de figure. Dans le premier, plusieurs p.lex d’origine phonosymbolique peuvent se retrouver dans les désignations d’un même référent ; dans le deuxième, un même p.lex peut apparaître dans les désignations de référents différents mais ayant des caractéristiques communes ou appartenant à un même champ sémantique ou à des champs sémantiques proches dans le cadre de structures socioculturelles particulières : et cela aussi bien à l’intérieur d’un même domaine linguistique que dans des domaines différents. Le collectage de données dialectales sur l’ensemble de l’espace européen, et roman en particulier, permet aujourd’hui de disposer de vastes bases de données lexicales relatives à des milliers de points d’enquête. Ces dernières ont révélé une richesse insoupçonnée de zoonymes reconductibles à différentes motivations et à celle qui nous intéresse ici.

17Le premier cas de figure peut être représenté par les désignations du papillon, dans l’ensemble des domaines linguistiques de l’espace européen explorés par l’ale, comportant plusieurs p.lex d’origine phonosymbolique (Contini, 1997). Ces derniers, évoquant le battement des ailes ou le vol particulier de la bestiole, présentent différentes structures phonétiques, à savoir :

18lip / lep ; lib / leb / lab[3]

19Ces p.lex., qui pourraient être rattachés à une racine i.e. *lep, avec le sens de ‘flotter, planer, voler, voltiger, couler, verser, nager’, apparaissent soit dans des formes simples : hongrois [lip?] ; soit dans des formes à redoublement : live [libalaba], estonien [’liblik, ’libluk], lapon [loblahka], (avec dissimilation consonantique) ; soit dans des formes suffixées : russe [’lipk?] ; finnois [’lipukkainen] ; soit dans des formes composées : finnois [’lippilintu] ‘lip- + lintu ‘oiseau’, russe [’lipk? ’babk?] ‘lip - + ’babk? ‘grand-mère’).

20pil / pel / pal / pol

21Ces formes, au consonantisme inversé par rapport aux précédentes, pourraient être rattachées à une racine i.e. *pel ou *pal (Pokorny, IEW, 798 ; Vasmer, REW, II-339). Comme les précédentes, elles traduisent l’image d’un mouvement (André, 1978 : 36 et s.), mais aussi d’un clignotement ou d’un tremblement [4] : on les relève dans les mêmes domaines linguistiques, mais aussi dans d’autres aires européennes : hongrois [’pill?], lituanien [p`et`e’li?ke] (< *pe[l]-t)el < *pe[l]-pel, par dissimilation), ossète [p?elp?e’ly] ; géorgien pepele, catalan [papa’?o] ( < [pa(l)-pal] < lat. PAPILIONE, avec monotonie vocalique (comme dans le domaine occitan), vénitien [pa’val], oïl [papi’jt] ( < [pa(l)-pil]), sarde [pa’????a] (< lat. *PAPELLA). Les mêmes se rencontrent dans les désignations d’autres animaux, notamment des oiseaux : pour la caille, par exemple, on relève les formes : lituanien p’iepala, letton paipala, v. prussien penpalo, russe dialectal pelepel. Notons aussi des désignations phonétiquement proches, dans des domaines linguistiques non européens : dogon pipilu, peul bilbila (Calame-Griaule, 1975), lumbala kambelibeli (< racine - mbel- ‘errer, battre des ailes’ (Kutangidiku, 1995), aztèque papalot, indonésien négrito palu palu, papalo, etc.

22per/par/pur/pir ; ber/bar/bur/bir

23On ne peut pas exclure que les p.lex avec -r soient des variantes des précédents, l’alternance l / r étant fréquente dans de nombreuses aires dialectales : l’emploi de la ‘vibrante’ semble renforcer l’image d’un mouvement rapide (des ailes). Ces formes sont assez nombreuses, y compris dans les domaines linguistiques mentionnés ci-dessus : finnois [’perho], [’perhonen] (forme suffixée), [’lento ’perhonen] ‘vol (ou vole) ? + p.’, [’verkulintu] ‘v-/p- + lintu ‘oiseau’, hongrois [’p?r??k?], ukrainien [p?r?’pi`lka], macédonien [per’pelitsa], grec [perpe’runa, ’birbilas, baba’rola], basque pinpirin, portugais [borbo’reta], sarde [puppu’re??u, braba’llisku], occitan [parpa’jot], etc.

24*mel / *mal / *mol

25Dans le domaine slave l’occlusive nasale bilabiale figure à la place des occlusives orales (p, b) des p.lex ci-dessus : slovaque, polonais [mentel], [men’telek] ‘forme suffixée’, croate d’Autriche [’metul`], tchèque [’mot?l], biélorusse [ma’til`], russe [m?ti’l`ok] (diminutif), tzigane de Slovénie [mo’tilis] [5]. Le p.lex de base de ces formes pourrait être *MOT (Vasmer, II, 165 ; Skok, 2, 417) ou *MET (Berneker, 1908-1913 : II ; Machek, 1968 : 375-376). À notre avis, on ne peut pas exclure non plus une parenté avec les p.lex. précédents, avec une évolution explicable par des phénomènes de dissimilation (*pelpel >*peltel > *beltel >*meltel > mentel/metel) [6]. Reste à expliquer l’évolution vers une nasale, se produisant, essentiellement, en domaine slave.

26far, fur, fer, fir

27Ces p.lex peuvent traduire également un mouvement rapide. On les retrouve dans l’italien farfalla, proche de l’arabe [furfu’run, firfi’run] ‘papillon, petit oiseau’, du malti [far’fet] ‘papillon’ ou encore du verbe arabe [ferfer] ‘battre des ailes, s’agiter’ ou du substantif [farfaratun] ‘inconstance, légèreté’. On les retrouve dans des noms de personnages fantastiques : Italie méridionale farfaricchiu, farfareddu, toscan farfarello, occitan farfadet et il n’est pas exclu qu’ils soient à la base des mots des familles de fanfaron ou de l’a. français forfant. L’aire de diffusion de ces formes semble intéresser plutôt la région méditerranéenne : leur parenté avec des formes germaniques issues de *fifaldron (alémanique d’Italie et de Suisse : [’fifoltre] (Gressoney-Saint Jean), [pfif?lt?r], norvégien [’fivreld], suédois [fiffel]), phonétiquement proches, ne semble pas démontrée [7].

28Les données de l’ale laissent apparaître, enfin, un grand nombre de créations p.symb dans les désignations du même insecte, dans des domaines linguistiques moins connus de l’espace européen. Nous signalerons, à titre d’exemple, dans le domaine turco-mongol et dans les langues du Caucase appartenant aux domaines nacko-daghestanien et iranien : turc [’k?l?b?k], kalmouque [?rv?’k?], rutul [deb’debil`], karata [p?ap?at?o], tindi [’k?urk?ula], ossète [gaba’lo].

29La carte I. 52 de l’ale, relative aux désignations du papillon d’origine phonosymbolique, montre que si ces dernières sont présentes dans tous les phylas [8] du continent, elles sont absentes ou faiblement représentées dans quelques groupes linguistiques. Dans le groupe germanique, cela concerne les domaines allemand, néerlandais, danois et la plupart des variétés des Îles Britanniques ; dans le groupe roman, les domaines espagnol, galicien ou roumain. Dans ces domaines, les désignations renvoient à différentes motivations (caractéristiques physiques, référence au vol, références temporelles, habitat, religion et croyances populaires). Les raisons de l’absence de créations phonosymboliques dans ce vaste espace linguistique européen nous échappent. Il n’est pas exclu qu’elles aient été remplacées, à des époques postérieures, par des désignations plus concrètes, liées à des changements culturels importants. La présence massive de formes d’origine phonosymbolique dans des aires périphériques, et notamment de Norvège et de Suède [9], permet d’envisager cette hypothèse.

30Le deuxième cas de figure concerne la présence de p.lex de même nature dans les désignations de différents animaux, à l’intérieur d’une même variété linguistique ou dans des variétés différentes. Les exemples seront pris, en particulier, au sarde, langue riche en zoonymes de ce type, mais aussi à d’autres variétés du groupe roman.

31bu(b)-bo(b)-ba(b) ; pu(p)-po(p)-pa(p)

32Ils désignent souvent de petits animaux, insectes surtout rampants, qui creusent leur habitat dans la terre ou dans des anfractuosités. Les formes dominantes comportent la voyelle ‘u’ ou des voyelles vélaires, sombres, qui, associées aussi à des consonnes sombres, comme les labiales, ont pu évoquer un sentiment de peur. La corrélation entre la voyelle /u/ au caractère sombre, noir, et l’image de la divinité ou des puissances surnaturelles, celles de la nuit en particulier, suscitant la terreur, a été envisagée par plusieurs spécialistes (Cassirer, 1925 ; Havers, 1947 ; Kaintz, 1949 ; Dogana, 1983). Il n’est pas exclu donc que les insectes, vivant souvent dans la terre, dans un habitat noir, aient été associés à des divinités chtoniennes et considérés comme étant en lien avec le monde des morts. On peut penser aussi que la voix de ces êtres fantastiques, suscitant la frayeur, était censée se manifester par des signaux graves, semblables à ceux que constituent les p.lex mentionnés. Comment fait-on pour faire peur aux enfants, par la voix, encore aujourd’hui ? L’association de l’animal au monde surnaturel est signalée, depuis longtemps, par de nombreux spécialistes. Nous pensons entre autres à Bec (1960), qui écrivait à propos des zoonymes : « La mentalité dite populaire vit encore ici sur une saisie mythique et surréelle du monde, et l’expressivité sémantique d’un grand nombre de noms d’animaux semble bien avoir gardé quelque chose de l’animisme primitif ». Cela ne peut pas nous étonner, connaissant la place de l’animal dans l’univers mythologique de nombreux peuples du monde. On pourrait mentionner, par exemple, la mythologie luba, où la première créature engendrée par Maweja Nangila (Dieu) était un insecte, la Sauterelle-Hyène Tshimungu, aînée de tous les animaux de la terre (Kutangidiku, 1995). Toujours en lubà, un type de sauterelle est appelée mujàànyì, mushàànyì ou mujààngì ‘le fantôme’ : elle habite dans la forêt, milieu qui abrite les forces du mal, et on ne la mange pas. On pourrait rappeler aussi les religions totémiques plaçant chaque clan, tribu ou ethnie sous la protection d’un animal-totem, élément cosmogonique, véritable ‘puissance tutélaire’, avec lequel les hommes ‘tissent des liens de parenté’ (Kutangidiku, ibid.). Ou encore le rôle d’animaux sacrés de certains insectes dans des peuples de l’antiquité (ex. le scarabée ou l’abeille chez les Egyptiens ; ou encore le papillon pour lequel les Grecs emploient un même terme : l’âme). La présence des mêmes p.lex dans plusieurs désignations d’animaux (généralement des insectes) et d’êtres fantastiques qui suscitent la terreur, comme les croquemitaines que l’on évoque pour faire peur aux enfants, les fantômes, le diable et même l’épouvantail [10], est un témoignage encore vivant d’une conception primordiale du monde, du rôle sacré de l’animal entretenant une relation étroite avec l’au-delà et le monde des morts. Il arrive parfois que dans une même aire dialectale, une même forme désigne deux référents (animal/être fantastique ; croquemitaine/peur ; épouvantail/peur). Symboliquement le sentiment de peur, associé au noir et à l’au-delà, a pu être évoqué par l’emploi de réalisations phonétiques marquées par le trait grave caractérisant à la fois les voyelles vélaires, sombres, et les consonnes labiales.

33En sarde nombreux sont les zoonymes comportant ces p.lex [11]. Nous mentionnerons d’abord un générique comme [ba’boi], [bo’boi] (avec un suffixe [-oi], d’origine prélatine probable, que l’on rencontre dans d’autres désignations en dehors des zoonymes (mannoi ‘grand-père’, marrangoi ‘croquemitaine’), en toponymie prélatine (Gavoi) et, surtout, dans d’innombrables formes suffixées comme : bubbuciu, babauddu, babbaurru (avec suff. probablement prélatin) ‘sorte de petit escargot’ ; babbauda ‘araignée aux longues pattes’; babbautu, bubburrinku ‘insecte, petite bête, noire le plus souvent’, babbasori, bobboruci ‘mille pattes’; babbirodda ‘petite sauterelle; babaiola ‘coccinelle’; babballiscu ‘papillon’; babarra, babbaluca ‘escargot sans coquille’ ; babbarottu, pabarrottu, paparottu ‘chauve-souris’ ; boborrottu, ‘petite bête noire, cafard’ ; boborotti ‘courtillère’ ; babbarrotzi ‘toute sorte d’animaux petits et nuisibles’; babbassau ‘cafard’ ; bobborissina ‘fourmi’ ; boborriga ‘perce-oreilles’ (croisement avec origa ‘oreille’), etc.

34Souvent les p.lex sont associés à un autre lexème ou suivis d’un spécificateur dans des syntagmes à double motivation : babbakorra ‘sorte de gros escargot’ (avec corru ‘corne’) ; bau mociómini (litt. b. renard) ‘courtilière’, babboi de soli (litt. b. du soleil) ‘cérambyx’; babboi de centu peisi (litt. b. aux cent pieds) ‘mille-pattes’ ; babboi de casu ‘b. (du ver) du fromage’, babboi de santu Giuanni ‘b. de Saint Jean) ‘coccinelle’; bobboi mociomini (litt. b. tue-homme) ‘id.’. Des formes semblables sont fréquentes dans le domaine roman et dans d’autres domaines linguistiques. En daco-roumain, le p.lex bob- est un générique pour grain, graine ou même pour fève : en phytonymie on le rencontre souvent avec une suffixation diminutive, dans des syntagmes désignant des référents caractérisés par le caractère rond d’une de leurs parties : [bobutsi] ‘cynorrhodon’, [bobo?i] ‘immortelle des sables’.

35Pour les zoonymes nous pouvons mentionner encore : émilien bubarina, lombard [bafigure im11 dla ma’d?na] (litt. b. de la Vierge) ‘coccinelle’, toscan (Versilia) babòlo, bobòlo ‘toute sorte de coléoptères noirs’, sicilien babbùciu ‘sorte de petit escargot’ (< arabe babbu) ; occitan barbarota ‘coccinelle’, [’bobo], [ba’b?la], [’bobo merda’sj?ro] ‘bousier’; boba lusenta ‘ver luisant’ ; franco-provençal [l? ’b?j? dal fen] ; baavot ‘insecte noir, cafard’ ; daco-roumain buburuza* ‘coccinelle’ (sur une base buburuz qui signifie ‘toute masse ronde et petite’ (Cioranescu, 1935)), albanais boborítsa, bobóli ‘cafard’ ; bulgare bubuliga ‘id’; maltais bebbux ‘petit escargot’.

36Le même p.lex se rencontre dans de nombreuses désignations d’êtres fantastiques. Nous mentionnerons le sarde [pu’purru], [’puba] ‘croquemitaine’ [12], [pa’pantule], [bau], [ba’bboi], [bu’bbu], [bo’bbotti], [bobbo’dinu], [bo’bbisku] ‘croquemitaine, épouvantail, fantôme’, [babbak’utsi], [bo’bboi] (Aritso), [bibbi’rittu] ‘diable’, [babba’rotu pantsa’nj???a] (litt. ‘b. au ventre noir) ‘croquemitaine’ ; sassarien [pa’boi] ‘ogre, diable’, [bibbi’korru, bibbi’rriu] ‘idée étrange, folle, extravagante’. Dans d’autres aires dialectales : calabrais babbàu (Monasterace) ‘croquemitaine et épouvantail’, piémontais babója ‘ver, croquemitaine’, babbipossèja ‘épouvantail’ (Dasà), babbàu ‘croquemitaine’ ; Guardia Piemontese [pappu’ott??] ‘épouvantail’, [babu’rutt??] ‘croquemitaine’ ; frioulan bobò ‘insecte et croquemitaine’, toscan bóbo ‘id.’, francoprovençal [bab’at?o] ‘épouvantail’, [ba’ban] ‘croquemitaine’ (Ajas, Vallée d’Aoste), catalan babarota ‘épouvantail’, lorrain bobu ‘épouvantail’, ouest de la France babuen, babuai, baboia ‘épouvantail’ (Contini, 2008), albanais bubë ‘cafard et croquemitaine’, tchèque bubak ‘ver à soie et croquemitaine’, etc. Signalons, enfin, la présence des mêmes lexèmes dans des désignations de personnes simples d’esprit : c’est le cas, en sarde, des mots [bo’bboi], [ba’bbassu], [babbu’assu], [babba’zuku], [babba’ll??], [babbi’?k?] [13]. Des formes semblables, avec le même sens, se rencontrent aussi dans d’autres domaines (catalan babau, babaua ‘personne naïve, influençable’).

37Pour les noms de maladies nous pouvons mentionner : sarde pupurunca, bua, bubua ‘furoncle’, bubuzone ‘bosse, hématome’, buata ‘espèces de variole’, italien bubua ‘petite blessure, bouton’, calabrais bubua ‘petite blessure, plaie’, espagnol buba, pupa, français bobo ‘petite blessure’, roumain buba* ‘enflure, abcès, bouton, furoncle’ (pour Cioranescu il s’agit d’une ‘création expressive’…).

38Une connexion avec l’image de la rondeur n’est pas exclue, comme semblent l’indiquer, entre autres, de nombreux phytonymes (daco-roumain buburuz ‘fruits de l’églantier’). Le LEW propose une racine indo-germanique *pap- traduisant l’idée de ‘gonflé’ ou ‘enflé’.

39bumb

40Des variantes des formes précédentes peuvent être considérées comme des désignations qui présentent une base bumb- (référent de forme arrondie) avec une nasale homorganique : daco-roumain bumb ‘bouton’ que l’on retrouve, per exemple en phytonymie, pour des plantes ayant des fleurs de forme arrondie : [bumbi] (boutons) ‘centaurée impériale’, [bumbi?ori] (petits boutons blancs) ‘Aquillée sternutatoire’, [bumbuts] ‘pâquerette’ (Scarlat, 2008 ; cf. aussi Carpitelli, 2004).

41bu(l)-bo(l)-ba(l)

42Certaines formations supposent au départ des bases bul, bol, bal, souvent redoublées, qui semblent évoquer une forme arrondie [14], comme le prouve leur présence dans des désignations d’objets ronds : sarde [bobo’ll?nka] ‘enflure sur la peau, ampoule’, [bubbu’lika], [b?’ll?nka] ‘bulle de savon’, [b?b?’l???a, bubbuli’k???a, bobbori’kina] ‘galle du chêne ou baie du genièvre’, [bubbu’lanka] ‘verrue, excroissance de la peau’. On pourrait ajouter [pupu’j?n?], [pupu’??ni], [pu’pj?n?], [pi’pj?n?] ‘graine de raisin, luette’, [pu’putula], [pu’putsula] ‘artichaut sauvage’, [pupu’runka], [pubu’runkula] ‘furoncle’, avec une bilabiale sourde. Dans le domaine roumain la forme bulbuc signifie ‘tout objet rond, bulle, bourgeon’ : on le retrouve dans de nombreux phytonymes, souvent avec le pluriel bulbfigure im12t?, suivi d’un spécificateur, pour les plantes dont les corolles arrondies et enflées sont les principales caractéristiques (campanules, trolles). La forme latine bulla (et donc tous ses continuateurs romans (français : boule, boulon, boulot, abouler ‘porter’, bouleverser, chambouler, mais aussi bouillir (< bullire) et ses dérivés : bouillon, ébouillanter, bouillonnement, bouillotte, etc.), considérée par e.m. comme ‘mot expressif’ indiquant une protubérance ronde, peut être expliquée par une motivation semblable. L’idée de ‘rondeur’ pourrait être aussi à l’origine d’un mot comme bouche (< bucca) (et auquel se rattachent des dérivés comme boucle, boucler, bouclier) qui, à l’origine, était un mot familier avec le sens de ‘joue gonflée’, supposé d’origine celtique et qui se serait imposé, par son caractère expressif, face au lat. classique os, oris (e.m.). En réalité, la présence généralisée de la première sur l’ensemble de l’espace roman, plaide plutôt pour l’origine très ancienne du type bucca, qui n’aura jamais été remplacée par la forme classique.

43Parmi les zoonymes, on peut mentionner les formes srd. [babba’llotti, bobbo’llotti, babi’llotti, bibi’llotti] connus dans la plupart des variétés de l’île, désignant toute ‘petite bête’ (parfois un animal précis, comme la courtilière), mais pouvant avoir aussi le sens d’animal dangereux. Ces formes supposent une base *bo(l)- redoublée (bo(l)bol) avec la perte de la première consonne latérale : ils présentent aussi un suffixe -otti (de probable origine prélatine) que l’on retrouve dans des mots comme [mo’mmotti] ou [marra’figure im13otti] ‘croquemitaine’.

44coc/cuc ; gog-/gug-

45Ils sont à la base de nombreux zoonymes, mais pas uniquement. Leur origine pourrait être à la fois p.symb et onomatopéique (impression sonore consécutive à un choc) : Grammont (1930 : 319) soulignait que « entre ces deux domaines, il n’y a pas de limite tranchée ». Le sens primitif a dû être, peut-être, celui de quelque chose de dur associé à l’idée de rond, d’arrondi, comme le montre leur présence dans des mots comme l’italien. còccola ‘bacca, testa’ (< lat. coccum (cf. grec kókkos ‘noyau des fruits’ (dei : 994), ‘excroissance d’une plante’), le napolitain còccola ‘coquille de noix’, romagnol cocla ‘id.’, l’aragonais coca ‘id.’, le français coque, coquille, cocon, cocotte ‘sorte de casserole’, b.latin cucuma ‘casserole’, le portugais transmontan cócora ‘châtaigne cuite qui a gardé une partie de la peau’, sarde [’k?kk?r?] ‘noix’, [ku’kuja] ‘petite amande verte’, [’koku, ’kokuru] ‘chose ronde, pierre, noeud, excroissance dans la peau’, [ko’kotsu, ko’kotu] ‘hérisson de la châtaigne’, [kuku’m?l?] (c. + miel) ‘gomme des arbres fruitiers’, sarde cocca, coccoi ‘sortes de pains’.

46C’est probablement le même lexème qui figure dans des désignations signifiant ‘sommet’ (à l’origine, peut être ‘sommet arrondi’), comme le sarde [’kukuru] ‘sommet, cime’ [15] ou les formes dérivées [kuku’ral?, kuku’ril?] ‘proéminence, petit sommet’ image à laquelle se rattache celle du crâne, la partie la plus élevée du corps humain, [’kuka] et [’kukara] ‘arrière du crâne, nuque’, [kuka’j?n?, ku’kal?] ‘chignon’, [kuku’lia] ‘marmite en terre’, [koko’rista] ‘crête du coq’, [’kukura, ’kokura] ‘rotule’, etc. ; voir aussi m.rou coca*, alb. kok (jë) ‘tête’. On le retrouve aussi dans le daco-roumain cuca* ‘pic isolé et dénudé, rocher’ ou dans les formes gallo-romanes cuche, cuchon ‘petit tas de foin dans un champ’, accucher ‘faire des cuches’ et fréquemment en toponymie (occitan Coucourde, Cucuron, Montcuq).

47On peut envisager l’élargissement à la famille des continuateurs de cucullu et de cucutiu ‘capuchon’ (sarde [ku’ku??u, ku’ku??u] ‘id.’ où l’on retrouve le français cagoule d’origine poitevine, issu d’un croisement entre cagouille ‘escargot’ et cogole ou cagole (lat. d’église cuculla à côté du class. cucullus) (b.w. : sous cagoule), au lat. cochlea ‘escargot’ avec ses continuateurs romans et jusqu’aux désignations du champignon comme le sarde [kuku’me??u], francoprovençal cocomé (Vallée d’Aoste), portugais cogumelo, catalano cogomella (< latin cucumellu < cucuma (rew : 2361)).

48ciuc

49Dans l’espace balkanique, on rencontre un élément d’origine phonosymbolique, ciuc- qui semble apparenté aux formes mentionnées ci-dessus (Cioranescu, 2002 : 2068) et dont le sens général est celui de ‘sommet’, mais aussi ‘de forme arrondie’ : d.roum. ciuca* ‘cime, sommet, pic, faîte’, ciuc ‘houppe’, ciucure ‘pompon’, désignation que l’on retrouve en phytonymie pour des plantes caractérisées par des fleurs, des inflorescences ou des fruits arrondis ([t?u’kure], [t?uku’rik?] (petit pompon) ‘campanule agglomérée’ ; [’t?ukuri de m?r?t?’ine] (pompons de chardon) ‘cynorrhodons’, etc. (Scarlat, 2008) ; néo-grec tsoúca ‘tumulus’, albanais ?uka ‘sommet’, bulgare ?uka ‘colline’, serbe cuca ‘côte élevée et pentue’, hongrois csùcs ‘sommet, pointe, cime’, etc.
Dans les désignations d’animaux nous relevons : sarde [ku’kurra, ku’figure im14urra] ‘perce-oreilles, chenille’, [k?’k?rra] ‘gros escargot’ ; [ko’koi] ‘escargot’, [ko’kofigure im15?u] ‘petit escargot’ ; catalan cuc ‘générique pour ver, ver de terre’, occitan coucouro ‘hanneton’, catalan / espagnol cuco ‘mille pattes’, espagnol cucaracha ‘cafard’, galicien coco ‘ver ou tout petit animal’.
Ces formes apparaissent souvent avec des spécificateurs, les p.symb étant devenus des génériques : [k. i o’rifigure im16?] ‘k. des oreilles’, [k. a ’kk?a] ‘k. à queue’, [k. frut?i’??a?a] ‘k. fourchue’, [k. ? ’figure im17?rrus] ‘k. des cornes’ ; du catalan [kuk t?’rre], [kug d? ’t?rre] ‘ver de terre’, [kuk sa?a’te] (litt. k. cordonnier) ‘mille pattes’; cuca de llum, galicien coco relumbrón ‘ver luisant’. On les retrouve aussi dans des désignations d’êtres fantastiques : cuca de Sant Jean, cuca fera ‘animal fabuleux, croquemitaine’, esp. coco ‘fantôme, croquemitaine’ et peut-être còcora ‘persona molesta en demasía’ (Corominas, delc), portugais coco ‘cauchemar, croquemitaine’.
gog
Une base p.symb gog- est assez productive en daco-roumain. Comme dans le cas précédent, elle semble exprimer l’idée de rondeur (fréquente en phytonymie), mais on la retrouve aussi dans des désignations d’êtres fantastiques, comme les fantômes ou les épouvantails. Les exemples sont nombreux dans tout l’espace dialectal roumain (Cioranescu, 2002 : 3826-3828) : daco-roumain gogon ‘boule, grain, objet rond en général’, gogofigure im18?e ‘objet rond ou sphérique’, mais aussi ‘excroissance sphérique d’un chêne, pomme de terre, cocon, chrysalide, vessie natatoire des poissons, globe oculaire, pâtisserie avec la pâte levée, mensonge, galejade’, [gogon’ele] (petites boules) ‘cynorrhodons’, [go’go?i] (objets ronds) ‘alkékenge’ ; gogomfigure im19n ‘niais, stupide’, gog?* ‘noix, croquemitaine’ (voir aussi albanais gogë ‘épouvantail’, hongrois gogó ‘noix’).
mor / morm
Certaines désignations, moins fréquentes, comportent des p.lex. du type mar / mor / mur / reconductibles à une racine i.e. *mor / *morm (Nocentini, 1994). L’origine de ces formations, comme celle des p.lex du type ba- /bo- /bu- est probablement phonosymbolique et pourrait être en relation, comme ces derniers, à la fois, avec l’impression sonore des voix attribuées aux êtres fantastiques et à certains insectes, suscitant la crainte et supposés entretenir des relations avec l’au-delà. Le iew mentionne un nombre important d’exemples reconductibles à trois racines : mora, mormo et morw et qui seraient à la base, entre autres, de nombreuses désignations : tchèque mura ‘papillon nocturne, cauchemar’ ; grec mormó ‘croquemitaine’ / mórmoros, mírmos ‘épouvante’ (Hésychie), mírmics, mírmos (Licofrone) ‘fourmi’ ; provençal marmau, marman ‘croquemitaine’; bulgare mrava ‘fourmi’ / morava ‘cauchemar’. À ces formes nous pouvons ajouter certaines désignations du papillon, en Slovaquie, signalées par Vazny (1955) : mura, mora, kanimura, zmora, morka, sanimorka, ratismorskà, slepa mara, ou l’allemand Mahr, Nachtmahr ‘phalène’, sans oublier le français cauchemar.
Proche de cette famille est celle des désignations à p. lex mom / mum, fréquente dans des variétés romanes, relative également à de petits animaux mais aussi à des êtres fantastiques et à des maladies : sarde mummùsulu ‘petite bête nocturne, puante (non identifiée), sorte de mouche’, mumusu ‘grosse mouche’, mumuleu ‘sorte d’abeille (Xylocopa violacea), mummutzu, mumuche ‘frelon’ (onomatopées ?), mùmulu ‘groupe d’insectes, essaim d’abeilles’, mumucconi ‘hanneton’, mummuddeu ‘fantôme (Orgosolo)’ (mumm- + Dieu ?), mommoi ‘croquemitaine, pou’, mammoi ‘croquemitaine’, mummuggione, mumujone, momonissa ‘tourbillon de vent’, mummuttone, mammuttone ‘masque de carnaval, épouvantail’, mamudinu ‘diable’, mamutt, mamuccu ‘nuit noire, obscurité qui fait peur’, mammurolu ‘orgelet’ ; mumunzolu ‘variole’, peut-être aussi mommia dans oja mommia ! ‘quel malheur !’, calabrais mommu, mammune, mammau, mammarutu ‘croquemitaine’ (Rohlfs), sicilien mammuni ‘id.’ (Traîna), napolitain mammone ‘id.’ (D’Ambra), italien gatto mammone ‘id.’, Italie centrale et méridionale mamoccio ‘croquemitaine et épouvantail’, catalan momaracu ‘épouvantail’ (Griera).
ti(li)-, thi(li)-, tzi(li)-, tzi(ri)-, si(ri)-
On retrouve ces p.lex, avec leurs variantes phonétiques, dans une importante famille de zoonymes sardes, placés au début ou en fin de mot, et associés toujours à d’autres lexèmes au sens souvent opaque et parfois également d’origine phonosymbolique : tilicherta ‘lézard’, tilipirche, tzilibriccu, pibintzili ‘sauterelle’, tilibbu, tilicuccu, ‘gecko’, tirigugu, tiligna, tilingione, tilingrone ‘ver de terre’, tilipedde ‘chauve-souris’, tilibriu ‘petit rapace’ (Tinunculus alaudarius), tiloria, tirolia ‘milan’.
Le sens primitif nous échappe. Nous pouvons aussi ajouter le nom d’un petit gâteau très connu dans toute l’île, en forme d’anneau (évocation d’un animal vermiforme ou d’un petit serpent ?) : [ti’lika, ti’rika ?i’lika, tsi’lika, silika]. On peut penser à une expression de la dimension, avec le sens d’un générique équivalent à ‘petite bête’, la voyelle i étant souvent présente, dans des mots indiquant la petitesse, dans les langues européennes comme dans d’autres domaines linguistiques. Dans notre cas, l’idée de petit (animal), renforcée par le redoublement intensif de la voyelle, pourrait trouver une confirmation dans la présence des mêmes p.lex. dans des désignations comme tilibizu ‘petite chose de rien’, tilipiu ‘petite poussière qui se lève quand on bat le blé’ ; tirinu ‘toute petite veine d’eau’, etc. Plus tard les mêmes p.lex. ont pu être employés pour les désignations d’animaux plus grands, volants, mangeurs d’insectes. Ajoutons que le même lexème se retrouve dans la désignation d’un être fantastique, un croquemitaine, tilioca, défini comme sa mama de sor bentos ‘la mère des vents’ ou comme un mauvais vent (Puddu) et qui est bien attesté dans la toponymie prélatine de la Sardaigne [16], ce qui plaide pour son ancienneté. La liste des phonosymbolismes reste ouverte…
Les apports de l’ALiR
Les chantiers d’Atlas nationaux et supranationaux nous apportent des informations intéressantes sur ces formations lexicales : ils montrent, en particulier, une certaine régularité à l’intérieur d’un même domaine linguistique mais aussi l’existence d’aires linguistiques différentes. Les analyses lexicales déjà publiées par l’alir et relatives aux désignations romanes de petits animaux fournissent des renseignements plus précis. Une carte (ci-jointe) présentant la fréquence de mots d’origine p.symb dans ce groupe linguistique, relevés parmi les désignations de 21 petits animaux, laisse apparaître, comme dans le cas précédent, une répartition inégale de ces formations, leur nombre pouvant varier de 0 à 7. Pour des raisons de lisibilité de la carte nous n’y avons pas fait figurer les variétés pauvres en attestations de ce type (de zéro à une occurrence) ou assez pauvres (deux occurrences) : on les retrouve, notamment, dans les domaines portugais, espagnol (à de rares exceptions près), roumain, mais aussi dans les domaines gallo-roman et italo-roman, où elles constituent des aires assez vastes. D’autres aires, moins étendues et discontinues, sont caractérisées par un nombre plus élevé d’attestations (de 3 à 4) (nord-ouest et nord-est du domaine espagnol, une partie du domaine galicien, nord du domaine catalan, ouest du domaine occitan, des parlers rhéto-romans, nord-ouest et nord-est de l’Italie (régions de l’Apennin liguro-toscan, d’Emilie, du centre et de la Sardaigne). Enfin, de petites aires avec un pourcentage élevé de désignations d’origine p.symb (de 5 à 6) et même très élevé (7 attestations, soit 33,3 %) concernent surtout des variétés de Galice ; une aire pyrénéenne s’étendant des deux côtés de la frontière avec des parlers occitans (gascons et languedociens) au nord, et ibéro-romans (aragonais et catalans) au sud ; des variétés situées à l’ouest du domaine d’oïl (Charentes) et en occitan provençal ; une région rhéto-romane, quelques parlers de Vénétie et de Toscane et une vaste région de la Sardaigne, où l’on relève le pourcentage le plus élevé.
Ces résultats sont bien entendu provisoires puisqu’ils ne reposent que sur les noms d’un nombre limité d’animaux. Pour y voir plus clair nous attendons la publication prochaine des volumes 3 et 4 de l’alir consacrés aussi, comme le volume 2, aux zoonymes : nous disposerons alors d’une base de données relatives aux désignations d’une soixantaine d’animaux sauvages. Mais, d’ores et déjà, à la lumière de cette première analyse, on observe que quelques régions se révèlent particulièrement riches en phonosymbolismes, parmi lesquelles certaines, comme la Sardaigne et certaines aires pyrénéennes (Aragon, Gascogne), sont bien connues (surtout la première), pour leur conservatisme phonétique. Ce dernier serait-il corrélé avec une plus grande fréquence des phonosymbolismes ?
Des recherches menées dans d’autres espaces linguistiques semblent aller dans le même sens. Nous voudrions signaler, à ce propos, les travaux réalisés par Kutangidiku en domaine bantu du Congo portant sur les désignations de plusieurs centaines d’animaux (Kutangidiku, 1995). L’auteur conclut en disant que, à la lumière de ses premiers résultats, la forte concentration de phonosymbolismes en pays Lubà peut faire penser qu’il s’agit de désignations aussi anciennes que celles qui sont motivées par la religion et les croyances populaires. Les premiers résultats de ces recherches sembleraient plaider pour l’ancienneté des phonosymbolismes dans une chronologie motivationnelle (Kutangidiku, ibid.). C’est aussi notre avis. Nous y ajouterons deux indices qui nous paraissent significatifs comme témoignages de cette ancienneté : la polysémie des protolexèmes présents dans les désignations d’animaux, d’êtres fantastiques, de maladies ainsi que dans les couches les plus profondes de la toponymie.

Fig. 1

Zoonyms. Phono-symbolical formations (derived from 21 references)

Fig. 1

Zoonyms. Phono-symbolical formations (derived from 21 references)

(Contini, 2005)

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Date de mise en ligne : 26/04/2010.

https://doi.org/10.3917/tl.059.0077

Notes<atict:add user="imincu" time="1271434185"></atict:add>

  • [*]
    Université Stendhal - Grenoble3
  • [1]
    Au cours des dernières décennies un grand nombre de travaux ont été consacrés au symbolisme phonétique. Pour une vision d’ensemble du problème et pour les différentes approches nous renvoyons, entre autres, à Dogana (1988) et Balconi (2000 ; 2001) et, pour l’analyse du phénomène dans différentes langues du monde, à Hinton et al. (1994), Bartens (2000), Berlin (1992, 1994), Bettex et Demolin (1999).
  • [2]
    En quechua, par exemple, on relève les lexèmes ch’i, chiri, ch’iri, ch’ili : ch’iuca ‘guêpe’, chiri, ch’iri ‘petits animaux, mouches, sorte de taon’, ch’irípa ‘fourmi’, ch’ilipu ‘sauterelle’ (Obando Montes, 2004). La présence de la voyelle /i/ peut indiquer aussi le caractère pointu d’un objet (Carpitelli, 2006).
  • [3]
    Ces mêmes p.lex se retrouvent par ailleurs, dans les mêmes domaines linguistiques, à la base de verbes signifiant ‘voler, flotter dans l’air, battre des ailes’. Ex. : finnois liippotaa, carélien liipoyoa, hongrois lebeg ‘voler, planer, flotter’, lituanien lapatuoti, croate lepetati ‘battre des ailes’, letton [’?apatu:s] ‘id.’.
  • [4]
    Ce p. lex. est sans doute à la base du lat. palpebra ‘cil’, puis ‘paupière’ ou de l’intransitif *palpere ‘être animé de mouvements répétés’ qui est à son origine, tout comme palpitare (André, 1978). Voir aussi le hongrois figure im21 ‘clignoter, briller’ d’où la forme suffixée figure im22 ‘papillon’ ou la désignation composée komy-zyriène [tiribobe] ‘id.’, avec tiri ‘trembler’ et le p.lex. *bo-.
  • [5]
    La deuxième nasale peut être le résultat d’une dissimilation l-l > n-l, facilitée par l’influence de la consonne initiale.
  • [6]
    L’évolution p > m, ou l’alternance des deux bilabiales, dans les désignations de petits animaux se retrouve dans de nombreux domaines linguistiques, notamment en basque, y compris dans les désignations du papillon. Voir à ce propos Bähr (1928 ; 1936 ), W. Oehl (1922).
  • [7]
    Voir, à ce propos, Mastrelli (1982). Les labio-dentales des formes germaniques seraient issues plutôt de *bhl- et donc apparentées aux formes avec pel (André, 1978).
  • [8]
    Pour le classement des langues européennes nous adoptons la terminologie d’Alinei (1996).
  • [9]
    Nous pouvons ajouter, à l’ouest, la Belgique flamande, le Luxembourg, l’Alsace et la Lorraine germaniques ; au sud, des parlers alémaniques de Suisse et d’Italie, des points d’Autriche et du sud-est de l’Allemagne.
  • [10]
    Sur ce phénomène voir, entre autres, Nocentini (1994), qui donne de nombreux exemples pris à différents groupes linguistiques. Nous retiendrons, à titre d’exemple, albanais bubë ‘épouvantail, cafard’, ‘ver à soie’ ; neogrec babúls, bubúlas ‘épouvantail’ et ‘cafard’, tchèque bubák ‘épouvantail’, serbo-croate. buba ‘ver à soie’, ‘insecte’ ou encore, pour des parlers italo-romans, friulan bobó, ‘épouvantail’ et ‘insecte’, toscan bóbo ‘id.’, piémontais babója ‘épouvantail’ et ‘ver’, etc.
  • [11]
    Nos exemples ont été relevés dans les Atlas déjà mentionnés mais aussi dans les différents dictionnaires consacrés au sarde ou à certaines de ses variétés : Espa (1999), Pittau (2000), Puddu (2000), Casu (2002), Farina (2002).
  • [12]
    Cf. Contini (2002). Dans le même sens : babau, babaua ‘personne naïve,<atict:add user="imincu" time="1271434204"></atict:add> influençable’.
  • [13]
    Pour la présence de nos lexèmes dans des désignations de l’épouvantail ou même des simples d’esprit, nous renvoyons à Profili (1989). Une recherche (en cours) sur les désignations européennes de l’épouvantail, dans le cadre de l’ALE, confirme la présence de formes se rattachant, probablement, à nos lexèmes, dans les groupes celtique, germanique, slave et finno-ougrien, comme le signalait déjà Nocentini (1994).
  • [14]
    Voir, entre autres, dans les domaines italo-romans, gallo-romans et ibéro-romans les continuateurs du latin BULLA qu’Ernout et Meillet (E. M. : sous bulla, -ae) considèrent comme un ‘mot expressif’. En domaine bantu le lexème bùlu peut traduire l’image de rondeur : ciluba lubùlùbùlu ‘abeille’ (litt. ‘la ronde’).
  • [15]
    Schuchardt (1898-1899) pense que cette forme est apparentée à COCHLEA. Des formes semblables sont attestées en Corse, dans l’Italie centre-méridionale, dans les domaines occitan, asturien et basque (Hubschmid, 1953 : 51).
  • [16]
    Des dizaines de toponymes avec tili / tsili ou tiri / tsiri sont présents dans l’ouvrage de Paulis (1987) : tiliconnera, tilidanu, tiliesti, tilini, tilinchis, tiliò, tilipera, tilisai, tilitta, tilocca, tiritili, bidistili ; tiriddò, tirisseitiroi, bitiri ; tsillai, tsilorixè, tsirivoddi, estertsili, etc.
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