Travailler 2004/2 n° 12

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Article de revue

Femmes, travail et émotions : concilier emploi et vie de famille

Pages 135 à 160

Notes

  • [1]
    Chapitre publié dans Women, Work, and Family in the United States, Europe, and the Former Soviet Union, édité par Kaisa Kauppinen-Toropainen.
  • [2]
    Note de traduction : A. Wharton utilise le terme « emotion work » de façon générique, alors que le terme « emotion labor » renvoie au travail émotionnel effectué au sein d’un emploi rémunéré.
  • [3]
    Les secrétaires et les réceptionnistes ne rentrent pas habituellement dans la catégorie des travailleurs qui proposent des « soins aux personnes ». Néanmoins, la description que les trois employées de l’hôpital font de leur travail justifie leur inclusion dans cette catégorie. En particulier, les emplois de ces femmes requièrent un contact significatif et parfois émotionnellement intense avec les patients et leurs familles.
  • [4]
    Afin d’examiner la possibilité que les femmes interviewées se différencient de manière significative des femmes de l’étude plus étendue, mariées, ou vivant en concubinage, nous avons comparé les réponses des deux groupes sur des items variés. Ces comparaisons ont mis en évidence quelques différences entre les deux groupes. Par exemple, les deux groupes ont rapporté la même intensité dans les conflits entre travail et famille, bien que les femmes interviewées soient légèrement plus jeunes, moins diplômées et moins « satisfaites » par leur travail que les femmes de l’étude plus étendue. Bien que des différences plus essentielles entre les groupes ne soient pas à exclure, ces comparaisons suggèrent que les femmes de cette étude ne sont pas significativement différentes de leurs homologues de l’étude plus étendue.
  • [5]
    Rappel : Au cours de l’interaction sociale, la serveuse surveille la mise en scène de sa personnalité, mais cela n’induit pas une aliénation par désorientation émotionnelle (cf. supra).

1Les rapports entre travail et famille, concernant les femmes principalement, ont été étudiés par de nombreux chercheurs (Haavio-Mannila, 1989, Voydanoff, 1987, Crosby, 1987). Il apparaît que les femmes actives assumeraient plus de responsabilités que leurs homologues masculins en ce qui concerne le travail domestique et l’éducation des enfants ; les femmes salariées auraient donc une « double tâche » (Hochschild, 1989). Cependant, malgré l’intérêt porté aux relations entre travail et famille, la plupart des études sur ce sujet n’accordent qu’une importance relative à la nature des tâches auxquelles les femmes sont confrontées, aussi bien dans leur travail rémunéré que dans leur famille, et ne se préoccupent pas du fait que ces tâches donnent forme à des conflits spécifiques de l’expérience féminine.

2En attirant l’attention sur un type particulier de travail – appelé travail émotionnel (emotion work) – accompli par les femmes salariées dans des emplois de services, mais aussi par les femmes qui prennent soin de leur famille et de la maison, cet article a pour but d’initier une recherche sur ces sujets encore peu explorés. En particulier, je propose d’explorer les rapports entre relations de service et vie familiale en cherchant à comprendre comment les femmes ressentent l’investissement simultané de ces deux sphères du travail reproductif et perçoivent les conflits entre elles. En analysant les données recueillies par des entretiens auprès de femmes employées dans le secteur des services, j’examine comment le fait d’occuper un emploi de service façonne l’expérience et le sens accordé à la vie de famille et comment les responsabilités familiales orientées vers les soins et la prise en charge des personnes influent sur la manière de travailler des femmes.

Différentes conceptions sur les relations entre emplois de service et vie de famille

3Les activités de service ont été amenées à occuper un rôle de plus en plus important dans pratiquement toutes les économies industrialisées. Aux États-Unis, « le secteur des services représentait, en 1988, 72 % du produit national brut et 76 % des emplois » (Bowen and Cummings, 1990). En outre, pour la plupart des observateurs, ces estimations doivent être maniées avec prudence, car elles excluraient ce qui relève des relations de service dans le secteur industriel (Groonos, 1990). Les femmes ont joué un rôle central dans la révolution des services dans tous les pays industrialisés (Ward and Pampel, 1985 ; Lyson, 1986 ; Saraceno, 1984). Comme le soutient Smith (1984), l’augmentation de la participation des femmes au monde du travail après la Seconde Guerre mondiale a été sous-tendue en partie par l’expansion du secteur des services. Ainsi, Urquhart (1984) démontre que la part de l’emploi dévolue aux services aux États-Unis ne résulterait pas de la migration des travailleurs d’un secteur à un autre, mais plutôt de « l’expansion de la force de travail et spécialement de la participation accrue des femmes ».

4La majorité des travaux sur les emplois de service et sur leurs répercussions pour les femmes discutent des effets économiques comparés de l’emploi dans les services ou dans l’industrie (Smith, 1984 ; Glass, Tienda and Smith, 1988). Par exemple, pour Smith (1984), la faible rémunération proposée par les entreprises du secteur des services aurait contribué à la féminisation de la pauvreté. En se fondant sur l’analyse des métiers, England (1992) a observé que les emplois requérant des « soins » proposent des rémunérations moindres en comparaison avec des emplois qui ne nécessitent pas ce genre d’activité. Bien qu’England ne s’intéresse pas particulièrement aux services, ses résultats mettent en évidence les rapports entre les efforts mobilisés pour rendre service et la dévalorisation du travail des femmes. De façon plus générale, quelques chercheurs ont étudié les répercussions de l’économie de service sur les rapports coextensifs de race et de genre (Lorence, 1992 ; Glenn, 1992).

5Les conséquences de la révolution des services ne résultent pas seulement de son impact économique. Les activités de service se différencient de façon importante des activités du secteur industriel, par des demandes différentes aux salariés et par des intérêts nouveaux pour les employeurs. Bowen et Cummings (1990) ont repéré la spécificité des activités de service à travers trois aspects :

  • « elles sont immatérielles » et consistent en des « activités qui sont rendues » par comparaison aux « objets que l’on possède » ;
  • elles sont simultanément produites et consommées ;
  • et les services dépendent de la participation des clients à la fois dans leur production et dans leur accomplissement.
Il en résulte que la plupart des emplois de service nécessitent un travail émotionnel (emotional labor) ou une « maîtrise des sentiments pour afficher une expression faciale et corporelle observable/présentable publiquement » (Hochschild, 1983).

6Du fait que les femmes sont surreprésentées dans les emplois de service et spécialement dans ceux qui impliquent un contact direct avec le public, elles sont plus susceptibles que les hommes d’occuper des emplois qui demandent un travail émotionnel (Hochschild, 1983).

7La spécificité des activités de service résulte aussi de leurs rapports avec la reproduction sociale (social reproduction). Cette notion renvoie à « l’ensemble des activités et relations établies en vue de la prise en charge quotidienne et intergénérationnelle des personnes » (Glenn, 1992). La plupart des emplois de service entraînent un travail de reproduction (reproductive labor), transféré de la sphère domestique à l’économie de marché. Ces emplois, comme la préparation de nourriture, la prise en charge et les soins aux enfants ou aux personnes âgées, ressemblent aux tâches « soignantes » historiquement assumées par les femmes à la maison (Abel and Nelson, 1990 ; Saraceno, 1984). Les activités associées aux soins à la famille, comme celles convoquées dans les activités de service rémunérées demandent aussi une maîtrise émotionnelle (Wharton and Erickson, 1993). Interpréter les activités de service du point de vue de la reproduction sociale met en évidence leurs rapports « genrés » avec le travail domestique et les soins à la famille.

8De même que les conséquences économiques de la révolution des services, les conséquences sociales de ce développement sont fortement contestées. Certains envisagent l’expansion des activités de service comme partie prenante du large tournant culturel de la postmodernité, où l’apparence et la superficialité sont célébrées et où la capacité de distinguer l’imaginaire et la réalité disparaît (Erickson, 1991 ; Jamseon, 1984). Dans cette perspective, les employés de service se retrouveraient confrontés à une nouvelle forme d’aliénation caractérisée par une perte de contact avec leurs sentiments et, en conséquence, avec eux-mêmes (Hochschild, 1983 ; Paules, 1991). Ces sentiments d’étrangeté avec soi-même menaceraient aussi les personnes dans la sphère non professionnelle, en débordant de la sphère du travail sur les autres relations interpersonnelles. En vertu du fait que les emplois de service sont occupés de manière disproportionnée par des femmes, ce sont elles (et peut-être leurs familles) qui devraient supporter la majorité du coût émotionnel et psychique de la révolution des services. D’autres discussions sur l’économie de service proposent une vision plus nuancée. Par exemple, Kanter (1977) envisage le fait que l’expansion des services « aurait comme fonction de réintroduire ou de renforcer les formes de relations et les normes familiales dans le monde du travail ». Selon ce point de vue, l’étendue des orientations des activités de service serait associée à la diffusion de normes interpersonnelles issues de la sphère familiale jusque sur le lieu de travail. Comme les employés de service assument souvent des charges familiales, les femmes sont celles qui supporteraient le plus ces normes et ces types de relations et ouvriraient la voie à un monde du travail différent, plus humain, caractérisé par la convergence entre les normes du travail et les normes familiales.

9Ces visions contrastées reposent sur des conceptions divergentes des services et des changements de l’organisation du travail que leur expansion a entraînés. Plus encore, elles supposent des hypothèses différentes sur l’expérience des femmes confrontées aux relations entre travail et vie de famille. Par exemple, les auteurs qui font valoir que les emplois de service seraient à l’origine de l’apparition potentielle de nouvelles formes émotionnelles d’aliénation soulignent les discontinuités entre relations de service et vie de famille. Pour Hochschild (1983), ces discontinuités proviennent de la nature des émotions convoquées dans chaque sphère d’investissement. Les femmes contrôleraient elles-mêmes leurs émotions à la maison alors qu’au travail leurs efforts seraient contrôlés par les employeurs. La transformation du travail émotionnel non rémunéré (emotion work) en travail émotionnel rémunéré (emotional labor) aboutirait à des changements qualitatifs dans les conditions d’apparition de ce comportement [2]. Bien que les deux participent au travail reproductif, le travail émotionnel requis dans les relations de service ne présenterait que peu de ressemblances avec le travail émotionnel non rémunéré réalisé dans la sphère privée. Le fait que la maîtrise des émotions demandée aux employés de service ne soit pas en accord avec celle demandée à domicile serait à l’origine d’un conflit potentiel entre travail et famille et de l’apparition d’un stress psychologique individuel. Cette vision implique donc que les femmes employées de service avec des responsabilités familiales auraient à faire avec des conflits spécifiques entre travail et famille, qui proviendraient à la fois des demandes émotionnelles issues du travail et des rôles à tenir en famille.

10À l’opposé, la perspective proposée par Kanter considère, au moins implicitement, les limites entre relation de service et vie de famille comme plus perméables, plus continues et moins conflictuelles pour les femmes. En particulier, cette perspective sous-entend que les demandes en termes de travail reproductif ne seraient pas différentes sur le plan qualitatif dans la famille ou dans les emplois de service rémunérés. Ainsi, rien ne préserverait les identités et les stratégies familiales féminines de chevauchements, envisagés comme positifs, avec le milieu de travail. Les employés de service rencontreraient donc moins de conflits avec leurs familles et s’en sortiraient mieux que les autres femmes salariées (avec familles), étant donné les continuités supposées entre les rôles attendus dans les deux sphères.

11Comme ces scénarios divergents le suggèrent, les conséquences des emplois de service pour les femmes et leurs familles restent incomprises. Les études sur les employées de service sont en augmentation (Leidner, 1993), ainsi que les recherches sur la reproduction sociale dans la famille (De Vault, 1992), mais peu d’études ont réussi à proposer des liens entre ces domaines. De la même manière, alors que les études sur les relations entre travail et famille sont généralement en augmentation (Haavio-Mannila,1989), les tentatives pour comprendre les liens entre emplois de service et vie de famille manquent largement de cet ensemble de la littérature. Comme Saraceno (1984) le relève :

12« Peu de choses sont connues sur l’écart dont beaucoup de femmes font l’expérience, entre être membre de la famille et leur proposer des services et être des travailleuses professionnelles proposant des services analogues mais rémunérés aux autres… En tant que principale personne responsable des soins pour les membres de la famille, les femmes ont à traverser de manière accrue les limites qui séparent les deux sphères d’investissement en faisant des liens tout en assumant les séparations. »

13Le rôle continu des services comme secteur d’activité féminisé donne une importance sociologique aux relations entre emplois de service et vie de famille. Par ailleurs, en étudiant les expériences des femmes sur les relations entre emplois de service et vie de famille, nous pourrions gagner une meilleure compréhension des conflits auxquels ont à faire ce groupe de femmes et leurs familles. Est-ce que la compétence requise pour le travail émotionnel rémunéré est dangereuse psychologiquement en augmentant le conflit entre travail et famille ? Ou bien, est-ce que le groupe des employées de service serait moins affecté par les conflits entre travail et famille que les autres femmes salariées ?

14Dans l’analyse et la discussion qui suivent, je pose ces questions. Mon argument principal est que les descriptions des emplois de service et de la famille, considérées comme fondamentalement discontinues et conflictuelles ou continues et intégrées, sont toutes les deux trop simplistes. Au lieu de cela, je montre que la recherche peut être sensible aux sources de continuité et de discontinuité entre travail et famille, et j’illustre mon propos par quelques facteurs qui organisent ces liens. Les approches qui supposent à la fois le conflit ou l’intégration entre emploi de service et vie de famille sont également limitées par leur impossibilité à prendre en considération les stratégies actuelles utilisées pour savoir concilier travail et famille. Ces approches unilatérales négligent les conflits possibles et les contradictions issues des demandes multiples des membres des institutions salariale et familiale. Plus important, en ne reconsidérant pas les suppositions prises pour acquises sur les relations entre emplois de service et vie de famille, on est conduit à des conclusions inappropriées sur la nature des conflits auxquels ce groupe de femmes salariées et leurs familles sont confrontés.

15Méthode de recherche

16Les données principales de cette étude ont été recueillies à partir d’entretiens réalisés avec vingt femmes pendant le printemps et l’été 1989. Chaque entretien a duré de une à deux heures et a été retranscrit pour l’analyse. Des données supplémentaires ont été recueillies à partir d’un questionnaire envoyé par courrier et rempli par chaque personne. Les deux outils ont mis l’accent sur le travail et la vie de famille et sur l’effort des participantes pour maîtriser (manage) leur investissement dans les deux sphères.

17Les données ainsi collectées font partie d’une étude plus large portant sur les employés de service hommes et femmes dans trois secteurs d’activité ; une agence bancaire, un grand hôpital et un hôtel. Des échantillons de ces employés ont d’abord complété le questionnaire envoyé par courrier. Joint au questionnaire se trouvait une demande adressée aux personnes volontaires pour être interrogées de manière plus ouverte et approfondie que le format de l’enquête ne le proposait au départ. J’ai spécialement voulu interviewer des femmes salariées avec des responsabilités familiales. J’étais plus particulièrement intéressée de m’entretenir avec des femmes dont le travail impliquait une composante de service directe (contact intensif/étendu avec le public, clients ou usagers). Les vingt femmes qui composent l’étude remplissaient ces critères, étaient employées au moins à mi-temps et avaient des responsabilités familiales. Dix-huit étaient mariées ou vivaient en concubinage avec des partenaires masculins, alors que deux avaient le statut de parent isolé. Toutes avaient au moins un enfant, la moitié des femmes en avaient deux. Leur moyenne d’âge était de trente-cinq ans et toutes étaient de couleur blanche.

18Toutes les femmes occupaient un emploi dans le secteur des services, bien qu’il y ait eu des différences entre les types d’emploi occupés. Approximativement, la moitié des femmes (N = 11) était employée dans un grand hôpital en tant que techniciennes ou secrétaires et réceptionnistes, infirmières, ou de profession paramédicale. Parce que onze femmes ont décrit leur travail comme impliquant un contact direct avec des patients et leurs familles, j’ai intitulé ces emplois « services de soins aux personnes [3] ». Le contact avec le public, demandé par ce type de travail, serait plus intense et d’une durée généralement plus importante que le contact requis dans les autres emplois de service exposés, et occupés par le reste de l’échantillon. Les femmes travaillaient dans l’hôtellerie (N = 3) et le milieu bancaire (N = 6), tenant des postes comme guichetière, serveuse ou barmaid. Ces emplois nécessitent aussi un contact étendu avec le public, mais les échanges tendraient à être plus courts, et donc moins personnels que ceux, plus spécifiques, exercés par les travailleuses hospitalières. Seules deux femmes ont rapporté avoir des responsabilités de surveillance et de supervision des guichetiers.

19Aucun doute n’est possible sur le fait que ces participantes sont représentatives des femmes travaillant dans des relations de service et ayant des responsabilités familiales. De plus, l’échantillon est homogène en termes de race et, ainsi, n’inclut pas les expériences de femmes de races différentes. Par ailleurs, on peut faire l’hypothèse que les volontaires de l’étude sont aussi celles pour lesquelles les conditions de conciliation entre travail et famille font particulièrement sens [4].

20Par exemple, la plupart des femmes interviewées ont exprimé des sentiments semblables à ceux de cette employée de banque :

21« Ma mère était une mère active. Elle travaillait à plein temps et c’était à une époque où il y avait un pourcentage important de mères qui restaient à la maison. Elle s’est débattue avec cette situation tout le temps de notre enfance. Mais au moins c’était “réglé” pour elle. Elle savait que c’était comme ça et qu’il fallait qu’elle assume. Pour moi, c’était vraiment très différent. C’est un sujet très émouvant, quand je l’aborde. Que vous parliez à votre meilleure amie, votre sœur ou quelqu’un d’autre que vous venez de rencontrer, à chaque fois que le sujet est convoqué, vous devez être prudente parce que c’est très émouvant, chargé émotionnellement. »

22Bien que les résultats ne soient pas généralisables à une population plus étendue, ils pourraient être utilisés pour accroître ou stimuler les conceptualisations existantes sur les relations entre emplois de service rémunérés et soins à la famille (caregiving). En particulier, les résultats pourraient aider à illustrer les sources de la continuité ou de la discontinuité entre emplois de service et famille pour les femmes. Celles pour lesquelles les rapports entre travail et famille sont personnellement et émotionnellement « impliquants » seraient les meilleurs sujets pour ce travail exploratoire.

Transitions et frontières entre travail et domicile

23D’après Friedland et Alford (1991), les grandes institutions contemporaines possèdent toutes une logique propre, ou une série de principes d’organisation, qui consistent, à la fois, en des pratiques matérielles et des constructions symboliques. Les logiques institutionnelles représenteraient les paramètres selon lesquels l’expérience et le comportement devraient être compris et interprétés :

24« Les institutions contraignent non seulement la finalité selon laquelle le comportement doit être dirigé, mais aussi la signification de ces comportements. Elles fournissent aux individus un vocabulaire de motivations et de sentiment de soi. Elles génèrent non seulement ce qui est valorisé mais aussi les règles selon lesquelles cela est étalonné/calibré et distribué. »

25Il en résulte que les individus sont, à certains niveaux, redevables envers les demandes et les attentes de l’institution. Dans le même temps, du fait que vivre implique de se déplacer « à travers » les institutions, les gens doivent apprendre à réconcilier et négocier les pratiques et symboles institutionnels multiples auxquels ils sont confrontés (Friedland and Alford, 1991).

26Un procédé important associé au fait de se déplacer à travers les institutions concerne la transition d’une sphère à une autre. Les femmes, dans cette étude, sont confrontées à des frontières multiples entre travail et domicile et ont à les franchir quotidiennement. Comme nous le verrons, certaines perçoivent ces frontières entre travail et famille comme plus perméables que d’autres. De plus, du point de vue de la perméabilité des frontières entre travail et famille, les femmes font l’expérience de chevauchements à la fois positifs et négatifs entre travail et domicile. Contrairement aux études de Hochschild et de Kanter, les femmes ne perçoivent pas les rapports entre relations de service et famille de manière unilatérale, comme étant soit continues et intégrées, soit discontinues et conflictuelles. Au lieu de cela, leur expérience serait plus hétérogène et modelée par les conditions particulières de leur situation.

Négocier les frontières physiques

27Quelques-unes des frontières sont sans aucun doute expérimentées par toutes les salariées qui ont une famille, selon leur type d’emploi, alors que d’autres reflèteraient plutôt les demandes particulières de leur emploi de service. Par exemple, seule une minorité travaille à domicile, alors que la plupart des employées se heurtent à une séparation physique entre leur domicile et leur lieu de travail. Comme Kanter (1977) le démontre, cette séparation serait associée à des changements apparus depuis le processus d’industrialisation et spécialement accentués pour la classe moyenne de race blanche. Le recours à des « zones de restrictions » permettant la régulation du chevauchement entre les quartiers résidentiels et ceux dévolus au commerce, ainsi que la croissance des zones urbaines seraient deux mécanismes grâce auxquels le travail et la famille auraient été historiquement séparés physiquement et géographiquement.

28Parce que toutes les femmes de cette étude ont à se déplacer pour venir travailler, toutes seraient confrontées à une frontière physique entre famille et travail. La plupart considèrent la distance physique entre leur travail et leur domicile comme ayant une influence importante sur leur capacité de se déplacer entre ces sphères institutionnelles. Quelques femmes émettent des commentaires sur la séparation physique entre travail et domicile et la manière dont cette séparation faciliterait ou interfèrerait avec leur capacité de réaliser des transitions psychologiques et émotionnelles entre les deux domaines. Certaines savent exactement combien de temps leur est nécessaire pour aller du travail à la maison et décrivent les itinéraires qu’elles empruntent pendant ce temps :

29« J’ai un bon trajet à faire pour rentrer à la maison, entre une demi-heure et quarante minutes. Et pour moi c’est un moment important. Auparavant, quand j’étais mariée, deux enfants, qui n’étaient pas vraiment des anges, du précédent mariage de mon mari vivaient avec nous. Je devais quitter le travail et être à la maison en cinq minutes. J’avais à la fois le stress de mon travail et celui de la maison à évacuer. Cette période a été vraiment difficile pour moi. Ensuite, j’ai été transférée dans un endroit où il me fallait une heure et demie pour rentrer à la maison. J’étais capable d’utiliser ce temps pour évacuer le travail, pour me sortir en quelque sorte du “mode travail” et me mettre en condition pour rentrer à la maison. C’est quelque chose que j’aime maintenant. Je suis capable de penser pendant peut-être quinze minutes, évacuer et faire le point sur ma journée et ensuite me mettre en condition pour rentrer à la maison et voir ce qui m’attend là-bas.

30Le chemin jusqu’à la maison dure environ vingt minutes… Je prends juste de grandes respirations et laisse les choses s’en aller comme ça quand je rentre à la maison, je peux juste de nouveau être moi-même.

31C’est sympa de marcher pour rentrer à la maison. Cela m’aide vraiment beaucoup, d’avoir cette sorte de transition pour aller d’un endroit à un autre. Je trouve que quand je marche pour rentrer, je pense à ma journée. Cela m’aide. C’est beaucoup mieux que de courir et de monter la colline pour arriver ici. »

32Même les femmes qui ne commentent pas le trajet décrivent la façon dont elles négocient la transition entre les deux sphères. Par exemple, cette infirmière qui travaille dans l’équipe de l’après-midi à l’hôpital :

33« Les jours où je travaille, je ne fais généralement rien à l’extérieur de la maison. Je ne vais pas chez le médecin. Je ne vais pas chez le dentiste, je ne vais pas faire les courses, je ne vais pas à l’épicerie, je reste juste à la maison, je lis le journal et je prends mon café. Parfois, je porte ma blouse jusqu’à une heure… d’une certaine façon, c’est comme être paresseux, parce que, quand je vais au travail, alors tous les systèmes sont en place. Donc, ne me demandez pas de coordonner le fait d’aller chercher les enfants à l’école, de les emmener chez le dentiste et chez le coiffeur. Je garde mes autres tâches pour les jours où je suis de repos. »

34Au long de commentaires similaires, une employée de banque décrit comment elle a besoin de prévoir une transition de quinze minutes au bureau avant de rentrer à la maison. Quand il lui est demandé comment elle occupe ce temps-là, elle explique ceci :

35« Je mets en ordre mon bureau. Si j’ai des coups de fil personnels à passer, je les passe. Je m’assois et je pense et j’ai une paire de versets que je lis. En fait, je change mon rythme de respiration et je me force à me relaxer physiquement. Je suis tellement dans tous mes états après une journée de course dans mon travail. J’utilise tellement d’énergie que c’est bam-bam-bam. Alors pour m’apaiser et être une personne calme pour les enfants la nuit, c’est difficile. C’est vraiment difficile. »

36Par conséquent, toutes ces femmes utilisent la séparation physique entre le travail et la maison comme une ressource pour permettre la transition entre ces domaines. Le fait que le domicile et le lieu de travail soient géographiquement distincts facilite le mouvement d’une sphère à une autre, grâce au temps utilisé pour se déplacer entre des logiques institutionnelles différentes. Ce temps est important, car le mouvement entre les sphères institutionnelles implique non seulement une façon d’être sur le lieu même, mais requiert aussi une autre façon d’être plus fondamentale par rapport à soi et aux autres.

« Rentrer et redevenir mère »

37Comme les femmes se déplacent entre le travail et la maison, la plupart relatent un processus d’altération de soi et leurs efforts pour s’adapter aux demandes institutionnelles de la sphère dans laquelle elles entrent. Comme cela a été illustré ci-dessus, il n’est pas inhabituel pour les femmes de décrire le retour du travail comme une opportunité de transformation personnelle. Des phrases telles que :

38« J’ai besoin de me mettre moi-même en condition de rentrer à la maison et voir ce qui m’attend là-bas » ou « quand je rentre à la maison, je peux de nouveau être moi-même » en sont deux exemples. Une autre femme s’exprime en ces termes : « Je suis éloignée de mes enfants pendant de nombreuses heures et je veux leur donner la meilleure partie de moi quand je suis avec eux. Ils ne comprendraient pas si j’accourais du travail et que je n’avais pas pris de temps de transition pour revenir et être leur mère. Ils auraient en face d’eux une personne très grincheuse et fatiguée qui dirait “laissez-moi respirer” au lieu d’une mère qui dirait “vous m’avez manqué toute la journée, approchez-vous” ».

39Ce processus de transformation de soi représenterait le changement dans les attentes et les demandes qui apparaissent quand les femmes se meuvent d’une logique institutionnelle à une autre. Comme Friedland et Alford (1991) le notent, les identités ne sont pas stables, mais sont au contraire ajustées par les gens qui ont affaire à des contextes et des cadres sociaux. Les personnes qui expérimentent le fait de traverser des frontières institutionnelles et les changements qui y sont associés, en termes de compréhension de soi, n’ont pas fait l’objet de beaucoup d’attention dans la littérature sur les rapports entre travail et famille. Loin d’être exhaustives, les données rapportées ici suggèrent que ces conditions mériteraient une réflexion soutenue de la part des chercheurs. En particulier, ces données soulignent que la traversée de frontières institutionnelles réclamerait des variations du travail sur soi-même. La séparation physique entre travail et famille serait un des facteurs facilitant ces efforts. Comme nous le verrons plus loin, la façon dont le degré de continuité entre les sphères est perçu apparaîtrait alors comme ayant une influence sur les efforts émotionnels nécessaires à la traversée des frontières institutionnelles.

40Dans l’étude, les femmes étaient toutes employées dans des fonctions de service qui engendrent un contact direct avec le public, il est donc impossible d’affirmer si les descriptions qu’elles fournissent des transitions entre travail et famille divergent de celles d’autres femmes employées. Ce qui est clair, cependant, c’est que cette transition diffère en fonction des conditions de travail et que les expériences ne sont pas les mêmes pour toutes les femmes interrogées. En l’occurrence, pour certaines femmes, l’expérience des transitions entre travail et famille est soulignée comme étant moins abrupte que pour d’autres, mettant en évidence le fait que ces deux sphères seraient ressenties comme relativement en continuité. D’autres, cependant, font l’expérience du travail et du domicile comme étant moins intégrés et plus discontinus. Pour ces femmes, les transitions entre les deux sphères seraient fortement marquées et le processus de transformation de soi plus dramatique et reconnu. Pour comprendre les sources de ces différences, nous devons nous pencher sur les expériences de continuité ou de discontinuité entre le travail et la maison, et la façon dont ces expériences sont modelées par les femmes, en particulier dans les situations de travail.

Continuité entre travail et famille

41Comme il a été noté précédemment, certains auteurs mettent l’accent sur la continuité entre emploi de service et famille, pendant que d’autres font l’hypothèse que ces logiques institutionnelles seraient fondamentalement discontinues. Les activités de service et la vie de famille seraient vécues comme tout à fait continues, quand leurs logiques respectives, en d’autres termes, les attentes et les normes associées à une sphère d’investissement, seraient relativement compatibles. À l’opposé, les logiques institutionnelles conflictuelles ou incompatibles seraient en mesure de susciter des sentiments de discontinuité entre emplois de service et famille. Dans ces circonstances, il devient important d’examiner les sources de la continuité et discontinuité entre travail et famille, mais aussi les facteurs qui expliquent les différences entre les expériences des femmes et les répercussions psychologiques de ces expériences.

42Le fait de ressentir le travail et la famille comme des expériences en continuité signifierait que les principes organisateurs et les demandes interpersonnelles de chacune des sphères seraient cohérentes et se renforceraient mutuellement. Parce que les emplois de service occupés par les femmes supposent des compétences historiquement dévolues aux femmes à la maison, certains pensent que les femmes employées de service devraient faire l’expérience d’un haut degré de continuité entre leur travail et leur vie de famille. De fait, beaucoup de femmes commentent les ressemblances entre les compétences requises pour le travail et les attentes familiales :

43« Ce qui se passe à la maison est du même ordre que ce que vous rencontrez au travail. Beaucoup de personnes qui vont et viennent et des enfants dedans et dehors.

44Une des bonnes choses à propos de mon travail, c’est que je n’ai vraiment pas à me comporter différemment de la maison. Quand je rentre chez moi, je ne remarque pas que j’ai à beaucoup changer. Je suis toujours aux petits soins avec mes enfants.

45Au travail, je dois être sûre de moi, parfois énergique. Je dois être capable de penser au pied levé et prendre des décisions rapides. Mais je fais aussi ça aussi bien à la maison. »

46Toutes ces femmes travaillent dans des postes qui impliquent des soins aux personnes. En fait, aucune de celles qui remarquent des similarités entre travail et famille n’est employée dans une banque ou dans un hôtel. Ces formes de réponses reflèteraient les différences réelles dans les demandes spécifiques de ces emplois. Les habiletés et les demandes interpersonnelles associées aux services aux personnes seraient objectivement plus similaires à celles associées aux rôles familiaux que ne le sont les demandes requises par d’autres emplois occupés par les femmes de l’étude, comme les guichetières. En l’occurrence, le type de travail émotionnel requis dans le soin rémunéré aux personnes serait semblable au travail émotionnel requis par le travail domestique. Les femmes, dans ces circonstances, percevraient donc ces domaines comme plus continus que celles dont les rôles au travail et en famille diffèrent dans le type de travail émotionnel requis.

Chevauchements positifs et négatifs ; conséquences psychologiques pour les femmes

47La proposition de Kanter (1977), selon laquelle les emplois de service reflètent l’orientation familiale, impliquerait que les attentes associées à ces emplois soient relativement compatibles avec celles des membres de la famille. Comme il a été observé ci-dessus, et de façon cohérente avec Kanter, certaines femmes employées de service perçoivent des similarités entre travail et vie de famille. Ces ressemblances dans les attentes seraient assumées en termes de chevauchement positif entre travail et domicile. « Chevauchement positif » supposerait que le travail et la famille se mettent en valeur mutuellement et que la conciliation entre travail et famille ne soit pas dommageable sur le plan psychologique. Des preuves vont dans le sens de cet argument. Les similarités perçues entre les attentes du travail et celles de la famille amèneraient certaines femmes à éprouver leurs interactions avec les gens au travail comme les rendant plus disponibles sur le plan interpersonnel à la maison :

48« Je pense que le travail et la vie de famille s’influencent mutuellement. Je pense que comme j’ai tellement affaire aux gens au travail, cela m’aide à être disponible pour les membres de ma famille.

49Travailler avec des gens m’aide à faire des liens. Comme j’ai à faire avec des personnalités différentes et des problèmes variés, cela m’aide à mieux comprendre les besoins des gens avec lesquels je vis. »

50Mais, dans le même temps, d’autres ressentent la continuité entre travail et famille comme une source de stress, ce qui apporte un éclairage nouveau sur le fait que des logiques similaires faciliteraient l’expérience de traverser des frontières institutionnelles. En fait, comme je l’ai expliqué ailleurs, les femmes feraient l’expérience de tensions justement à cause du fait qu’elles s’attendent à devoir dispenser des soins à domicile comme au travail (Wharton and Erickson, 1993). Avoir à s’occuper des autres, à la fois au travail et à la maison, les conduirait à ressentir un vécu de surcharge et éventuellement un burnout émotionnel. Selon ce point de vue, le sentiment d’être surchargé entraînerait un « nombre plus important d’activités prescrites que celles que les individus pourraient supporter de manière adéquate et supportable » (Kelly and Voydanoff, 1985) « tandis que le burnout émotionnel représenterait une conséquence de cet état ». Voici ce que dit une participante :

51« Hé bien vous savez, c’est horrible, mais je me sens comme si j’étais payée pour être toujours disponible pour quelqu’un qui me chercherait et aurait besoin de moi et, quand je rentre à la maison, j’en ai un de 8 ans, un autre de 2 ans et un de 34 ans toujours après moi pour demander quelque chose, je voudrais juste dire : “Attendez une minute ! Qui est-ce qui s’occupe de moi ? ”

52Il y a des fois où vous rentrez à la maison et vous êtes vraiment épuisée et votre famille vous demande de donner de vous-même et vous avez juste à leur dire : “J’ai tout donné au boulot et là je n’ai plus rien à donner. Mes poches sont vides. Il ne reste rien et vous devrez être patients et attendre que j’ai retrouvé mes forces”.

53Il y a des jours où vous donnez tout sur le plan émotionnel au travail et quand vous rentrez à la maison il ne reste plus rien. Tout ce que vous voudriez, c’est vous asseoir et pleurer comme un bébé ou juste aller vous coucher et remercier Dieu que la journée soit finie. »

54En substance, ces données suggèrent que certains profils de femmes qui travaillent dans le secteur des services perçoivent plutôt le conflit que la continuité entre les demandes interpersonnelles issues de leur travail et de leur famille. Pourtant, cette continuité pourrait aider à un chevauchement positif entre travail et famille, quand les compétences acquises dans un domaine peuvent être transférées à l’autre. Ainsi, ces commentaires, sont-ils, à un certain niveau, cohérents avec la perspective proposée par Kanter, mais avec une différence. Au lieu d’utiliser leurs compétences apprises dans la vie de famille pour régler leurs problèmes de travail, les femmes interrogées dans cette étude, voient leurs compétences du domaine professionnel rehausser leurs compétences mobilisées dans les soins à la famille. En même temps, cette ressemblance perçue dans les rapports entre famille et travail n’implique pas l’absence de stress. Ainsi, même si ces conditions particulières ne sont pas encore bien comprises, les données suggèrent que les femmes qui ont à faire avec les mêmes sortes d’activités, et au travail, et à domicile, seraient vulnérables et susceptibles de connaître un surmenage.

Discontinuités entre travail et famille

55Des commentaires des femmes émergent aussi des discontinuités, des différences et un manque de cohérence entre travail et vie de famille. En premier lieu, les femmes discernent une discontinuité entre les expressions émotionnelles associées à chaque sphère et qu’elles doivent mobiliser. En cohérence avec Hochschild (1983), nous avons constaté que le travail émotionnel rémunéré les conduit à mettre en scène des émotions qu’elles ne ressentent pas forcément. La plupart des femmes trouvent qu’elles sont plus elles-mêmes à la maison et qu’elles peuvent y exprimer plus librement leurs émotions :

56« Dans votre famille, vous ne cachez pas beaucoup ce que vous ressentez, alors qu’au travail, vous le faites, parce que vous voulez que les étrangers avec qui vous êtes en relation aient une bonne opinion de vous. Vous voulez qu’ils pensent que vous êtes quelqu’un de bien. Votre famille, elle, voit tous les aspects de votre personnalité.

57Au travail c’est tellement différent. Là-bas, vous vous comportez d’une certaine manière, ici vous devenez quelqu’un d’autre, vous vous comportez autrement. Ici, je me permets de montrer mes sentiments.

58Quand vous êtes au travail, vous êtes exposée et vous vous cramponnez à votre estomac (rires). Quand vous rentrez à la maison, vous laissez filer. Je suis plus relaxée à la maison.

59Je sais qui je suis à la maison. Je ne fais pas semblant avec mes enfants. Je leur ai déjà crié après, j’ai été déprimée et je leur ai laissé savoir cela. J’ai essayé de ne pas contrôler toutes mes émotions devant mes enfants parce que je ne veux pas qu’ils contrôlent les leurs. »

60Ces sentiments ont été évoqués en premier lieu par des femmes n’exerçant pas une activité de soin aux personnes, mais plutôt dans des emplois comme guichetière ou hôtesse pour une centrale de réservation d’hôtel. Ces données sont cohérentes avec la discussion précédente qui portait sur la perception des continuités entre travail et famille. Rappelons nous que les soignantes (et assimilées) étaient plus susceptibles que les autres de distinguer les ressemblances entre travail et responsabilités familiales. À l’opposé, les femmes employées dans des secteurs qui nécessitent des contacts moins intenses avec le public font état d’une plus grande disparité entre leur façon d’être au travail et à la maison. Si l’on compare ces deux types d’emplois de service sollicitant un travail émotionnel, les soignantes (et assimilées) auraient plus de difficultés que les autres à ne pas être elles-mêmes au travail et à devoir simuler leurs émotions. Ainsi, quand nous avons demandé à une infirmière s’il lui arrivait de mettre en scène des émotions qu’elle ne ressentait pas vraiment avec ses patients, elle a répondu :

61« Je n’ai pas l’habitude de faire ça. Il serait difficile pour moi de faire ça. Être infirmière est un travail tellement personnel et vous avez à faire à des gens qui sont en crise. C’est difficile d’être distante et de mettre en marche son sourire automatique, non ? Peut-être que certaines le font. Moi non. »

62Une autre problématique a affleuré à propos des discontinuités entre travail et famille concernant le degré de contrôle que les femmes exercent dans chaque sphère. Ross et Mirowsky (1992) ont trouvé que les femmes actives témoignaient d’un sens plus élevé de contrôle sur leur vie que les femmes inactives. Dans la même vision, Paules (1991) suggère que les femmes, spécialement les femmes actives, valorisent l’autonomie dans le travail parce qu’elles se sentent dénigrées à domicile. Bien que cela soit de manière contrastée, ces études proposent que les femmes doivent se considérer comme plus efficaces au travail qu’à la maison.

63De façon cohérente avec cette remarque, toutes les femmes interrogées à ce propos pensent que leur capacité de contrôler leur entourage serait plus flagrante au travail qu’à la maison. Le contrôle de leur travail conduirait à une certaine satisfaction qui contraste souvent avec le moindre sentiment d’efficacité ressenti en famille.

64« Le travail est en réalité une réelle coupure pour moi. Le travail, c’est pour moi. Ces petits corps ne sont pas en train de me grimper dessus tout le temps et à vouloir mon attention. Au travail, j’ai plus de contrôle. J’ai un emploi du temps et je peux faire des choses et je sais à quoi m’attendre.

65J’aime aller au travail. J’aime avoir le sentiment du travail accompli et que cela n’a rien à voir avec mon incapacité de faire certaines choses à la maison. »

66Le meilleur sentiment de contrôle des femmes au travail se retrouverait aussi dans leur croyance en ce que l’organisation du travail est moins frénétique et plus ordonnée qu’à la maison.

67« Il y a des jours où je traverse la journée et je réalise que je n’ai rien mangé de la journée. J’ai donné à manger à tout le monde plusieurs fois, mais je n’ai pas mangé. Le côté plaisant du travail c’est que vous pouvez prendre une pause-café ou vous pouvez avoir une conversation d’adulte. »

68Contrairement aux interprétations qui voudraient encourager les femmes actives à reconduire leur sens des obligations familiales jusque sur le lieu de travail, les femmes de cette étude retirent leur satisfaction du travail précisément parce qu’il diffère de la nature chaotique de l’environnement familial. Quand l’une d’elles est interrogée sur le type de personne qu’elle voudrait être pour ses enfants, elle répond :

69« C’est intéressant… je voudrais être la même personne que j’ai été toute la journée avec mes clients. Je voudrais être la personne qui peut leur donner du temps et vraiment s’intéresser à eux. Je voudrais les écouter me raconter leur journée, parler avec eux et me promener avec eux… »

70En d’autres termes, au moins quelques-unes d’entre elles envisagent leurs possibilités d’autonomie au travail comme véhiculant un modèle désirable aussi pour la vie de famille.

71L’argumentation d’Hochschild (1983) implique que les femmes qui réalisent un travail émotionnel rémunéré pourraient en subir des conséquences psychologiques. Ces conséquences proviendraient en premier lieu de l’aliénation de soi qui apparaîtrait quand les employeurs dictent aux travailleurs la conduite émotionnelle à tenir. Hochschild (1983) accorde moins d’attention aux conséquences potentiellement positives du travail émotionnel et les façons dont celles-ci pourraient contribuer à renforcer la part non professionnelle de la vie des femmes. L’analyse des nombreuses données recueillies à partir des interviews et des études qualitatives sur les serveuses (Wharton, 1993 ; Paules, 1991) indique que le fait d’avoir à effectuer un travail émotionnel n’aurait pas de conséquences négatives uniformes sur les travailleuses. Paules (1991) observe que « comme tous les travailleurs sociaux, la serveuse surveille la mise en scène de sa personnalité et manipule ses sentiments au cours de l’interaction sociale, mais elle agit aussi dans son propre intérêt. Cette manipulation de soi-même n’induit pas une aliénation par désorientation émotionnelle ». Les femmes interviewées pour cette étude ont aussi rapporté des conséquences positives associées au fait d’avoir à maîtriser leurs émotions au travail. Le plus important serait que le fait d’accomplir un travail émotionnel amènerait, dans une certaine mesure, à la possibilité d’exercer un contrôle sur son travail et sur les compétences de mise en scène de soi-même qu’il appelle :

72« Dans mon travail, je sens que je me contrôle complètement. Je dois sourire, même quand, peut-être, je ne veux pas vraiment sourire et être au-dessus de tout. Et ne pas baisser la garde. Si vous passez un mauvais moment à la maison ou que quelque chose se passe, vous ne pouvez pas le montrer au travail. »

73Il existe d’autres façons de montrer que les discontinuités entre travail et famille aboutissent à des conséquences positives pour les femmes. La conviction que le travail et la famille engagent différemment, ces deux domaines pouvant rester séparés, en est la plus importante. Ainsi, les employées parviendraient-elles à dissocier le stress ressenti au travail du stress ressenti à la maison. Une guichetière de banque l’exprime comme ceci :

74« Même si c’est quelque chose de très important au travail, quand je sors du bâtiment, je ne suis plus une guichetière et je ne suis plus concernée par mon entreprise. C’est ce que j’essaie de faire de toute manière. Je pense que cela préserve ma santé.

75Mon travail et ma vie de famille ne concordent pas beaucoup. Je pense que c’est bien comme ça. Pour moi ça fonctionne de toute façon.

76Je pense qu’ici il y a de la place à la fois pour mon travail et ma famille aussi longtemps que vous pouvez laisser votre travail au travail. Et j’essaie de quitter ma famille quand je vais au travail… j’essaie de les garder séparés mais j’ai besoin des deux. »

77A contrario, faire l’expérience d’une discontinuité entre travail et domicile serait une source de stress pour certaines femmes. De façon cohérente avec Hochschild (1983), ces femmes sont supposées se comporter pour leur travail d’une manière opposée à leur manière de répondre aux attentes des membres de la famille. Quand le travail et la famille ne peuvent rester séparés, comme décrit ci-dessus, les relations interpersonnelles des femmes deviendraient conflictuelles. C’est ce que ces femmes expliquent :

78« Mon travail me demande de ne pas montrer mes émotions. Je ne peux pas faire autrement. Mon mari montre bien mieux ses émotions que moi et il me perçoit comme quelqu’un de froid parfois, ce qui est très juste. Je dois être très » factuelle « et masquer mes émotions. C’est comme ça qu’est mon travail et c’est comme ça que j’ai appris à être.

79Je me considère comme quelqu’un de perfectionniste et pense que c’est une malédiction… Les médicaments amènent les gens à être perfectionnistes parce que c’est comme ça, à la vie et à la mort. Vous ne pouvez pas faire quelque chose juste normalement, il faut le faire à 100 %. Je pense que ça déborde même sur ce que vous attendez d’une relation. Vous attendez la perfection dans votre relation avec votre mari et vos enfants, et c’est mauvais signe.

80Parfois, quand je rentre à la maison, je n’ai pas envie d’être gentille. Je voudrais rester seule ou dire : “D’accord, laissez-moi quinze minutes de répit, laissez maman se mettre en condition.” Mon mari l’a remarqué aussi. Il vient parfois me voir au travail et quand je rentre à la maison, je suis d’humeur complètement différente. Il me dit : “Hé bien, je t’ai vue, il y a quelques heures, et tu allais très bien”. Je lui réponds : “C’est parce que je devais être comme ça au travail.” Et il me dit : “Tu n’en peux plus ?”

81Je dois m’occuper de beaucoup de choses quand je suis au travail et je me dis : “C’était vraiment un bon boulot avec ce client et ce genre de choses. Je pense que la raison pour laquelle je ne le fais pas avec mon mari c’est parce que je suppose qu’il pourrait bien savoir ce que c’est qu’un bon travail. Je ne pense pas avoir besoin de verbaliser ce que je ressens… je pense que devoir toujours verbaliser ce que je ressens au travail et ensuite rentrer à la maison et essayer d’être sincère… ça ne marche pas.” »

82Ainsi, les femmes employées de service percevraient-elles le travail et la vie de famille comme des espaces discontinus, ce qui est congruent avec la discussion d’Hochschild (1983). Les femmes employées à des postes non orientés vers les soins aux personnes seraient plus aptes que les autres à décrire les relations entre travail et famille en ces termes. De plus, comme cela fut discuté précédemment, la discontinuité entre travail et vie de famille serait à l’origine de troubles psychologiques pour certaines femmes et une source de satisfaction pour d’autres. Identifier les conditions dans lesquelles ces conséquences négatives ou positives surgissent devrait être un but important pour de futures recherches.

Comprendre les relations entre emplois de services et vie de famille : répercussions sur les conflits ressentis par les femmes

83Les femmes jouent un rôle important dans le développement de l’économie de service aux États-Unis. Comme la majorité des femmes salariées, la plupart ont des partenaires et des enfants ainsi que la responsabilité d’accomplir un travail physique et émotionnel pour maintenir la vie de famille. La continuité historique entre les emplois de service rémunérés et les tâches domestiques associées à la famille a été la source de spéculations grandissantes sur les rapports entre travail émotionnel salarié et travail émotionnel impliqué dans les soins et la vie de famille. Est-ce que les femmes humaniseraient le travail en y important des compétences mobilisées dans la vie familiale ? Ou bien est-ce que les modifications des emplois de service aboutiraient à ce que les femmes soient les premières victimes d’une nouvelle aliénation de nature émotionnelle ? Les réponses à ces questions impliquent des conclusions différentes sur la nature et la sévérité des conflits auxquels sont confrontées les femmes ayant des responsabilités familiales. Un premier point de vue met en évidence la continuité émotionnelle entre relation de service et vie de famille, cette perspective suppose que les femmes employées de service et responsables de familles devraient gérer moins de conflits entre travail et famille que les femmes pour lesquelles les demandes entre travail et famille seraient moins concordantes. À l’opposé, une autre opinion met en avant les discontinuités émotionnelles entre emploi de service et vie de famille et explique que les femmes employées de service avec des familles seraient confrontées à des conflits entre travail et famille plus importants, ainsi qu’à des répercussions psychologiques plus graves.

84Bien que les résultats qualitatifs discutés ici ne proposent pas de réponses définitives à ces questions, ils mettent l’accent sur les deux perspectives suivantes. En premier lieu, cette étude suggère que la description selon laquelle les relations entre emplois de service et vie de famille seraient soit continues et intégrées soit discontinues et conflictuelles est dépassée. En réalité, les femmes de cette étude rapportent à la fois continuité et discontinuité entre leur travail et leur vie de famille. Le type de travail émotionnel réalisé sur le lieu de travail par les infirmières, par exemple, les pousserait à exprimer de l’empathie et des émotions plus sincères que celles qui travaillent au contact du public dans des banques ou des hôtels. Comme les femmes décrivent, presque toutes, la famille comme un lieu où elles peuvent laisser libre cours à leurs sentiments réels et se sentir elles-mêmes, il n’est pas surprenant que les employées orientées vers les soins aux personnes perçoivent plus que les autres le travail et la vie de famille comme étant plus continus, et ce, de plusieurs façons. Par conséquent, il apparaît que souligner la continuité entre emplois de service et vie de famille serait justifié dans certains types de configurations. Décrire les discontinuités serait plus adapté dans d’autres types de configurations. Ces résultats impliquent donc que les similarités entre travail et famille seraient multiforme.

85Un deuxième aspect de cette étude concerne les conséquences psychologiques de la continuité versus discontinuité entre travail et famille. Les femmes, qui font l’expérience du travail et de la famille comme étant des domaines essentiellement continus, ne sont pas forcément épargnées par le stress au travail ou en famille par comparaison avec celles qui les ressentent comme plus discontinus. Chaque type d’expérience aurait des conséquences positives ou négatives pour les femmes. Par exemple, les femmes qui réalisent un travail émotionnel salarié pourraient faire l’expérience que les demandes de type relationnel dans leur travail sont peu cohérentes avec celles impliquées par leur vie de famille. Dans certaines conditions, ces incohérences seraient vécues comme stressantes et problématiques, comme quand il serait nécessaire de « garder les émotions sous contrôle » au travail lors de relations conflictuelles avec des collègues. Dans d’autres cas, les discontinuités entre travail et famille seraient précisément ce qui permet que les femmes parviennent à concilier leur travail et leur vie de famille. Identifier les conditions selon lesquelles les femmes font l’expérience de la discontinuité comme une source de désagréments devrait être une des priorités des recherches futures. De la même manière, les femmes qui ressentent qu’au travail elles « n’ont vraiment pas à être si différentes qu’à la maison » ne seraient pas plus à l’abri que les autres. Bien que ces femmes soient capables d’utiliser leurs compétences apprises dans une sphère pour les transférer et résoudre les problèmes dans une autre, elles peuvent aussi sembler comme plus vulnérables au burnout émotionnel. Cela relativise le point abordé précédemment qui suppose que les liens entre emplois de service, vie de famille et bien-être des femmes sont plus compliqués que la simple mise en évidence de la ressemblance ou de la différence entre sphère professionnelle et sphère privée.

86En explorant les continuités et les discontinuités entre emplois de service et vie de famille, cette étude fait aussi porter l’attention sur la complexité du rôle de l’autonomie dans la vie active des femmes. Comme les femmes interviewées par Paules (1991), les femmes de notre étude déduisent leur satisfaction de l’impression de contrôle qu’elles obtiennent à partir de leur travail. Ce que Paules propose, mais ne démontre pas, c’est que les femmes valoriseraient le contrôle au travail d’autant plus que celui-ci défaille à la maison. Les données proposées ici sont cohérentes avec cet argument. Pour ces femmes, le travail conduirait à évoluer dans un environnement moins chaotique que la vie de famille, et donc serait plus enclin à faciliter les interventions et le contrôle de la part des femmes. Les participantes qui souhaitent être aussi disponibles pour leurs enfants qu’elles peuvent l’être pour leurs clients seraient les meilleurs témoins du rôle complexe exercé par la recherche de contrôle. Quand les emplois de service exigent un travail émotionnel, le contrôle sur l’expression émotionnelle est incontestablement diminué dans les autres circonstances, comme le suggère Hochschild (1983). Les femmes avec des familles ne deviendraient pas forcément aliénées, mais répondraient plutôt comme la serveuse de l’étude de Paules (1991) [5]. La possibilité de contrôler ses émotions dans le travail deviendrait l’occasion d’une expression de soi qui ferait défaut dans les milieux non professionnels. Mais toutes les femmes ne réagissent pas non plus de cette manière. Il n’empêche que les femmes de l’étude qui réalisent un travail émotionnel ainsi que les autres devraient être plus sensibilisées à la façon dont elles envisagent leur autonomie dans le travail et sont affectées par leurs responsabilités familiales.

87Cette étude a démarré par la description des transitions entre travail et famille. Bien que les études sur les relations entre travail et famille se soient développées, le processus de franchissement des frontières entre les sphères d’investissement reste relativement peu étudié. Les données rapportées ici suggèrent que les femmes négocient avec soin leurs déplacements entre les institutions et accomplissent un effort émotionnel considérable pour négocier les transitions entre travail et famille. Parce que le travail et la famille fonctionnent selon des logiques institutionnelles différentes, les déplacements entre les deux sphères demanderaient un travail des individus sur eux-mêmes. Comme nous l’avons vu, toutes les transitions ne nécessitent pas le même degré de transformation de soi. On peut dire également que les efforts émotionnels varient selon que les femmes se déplacent du travail vers la maison ou inversement et dépendent de l’importance accordée à chaque rôle. Le point majeur est que la compréhension des relations et des conflits entre travail et famille enjoindrait de porter l’attention non seulement sur le travail et la famille, mais aussi sur les processus qui rendent possibles les déplacements entre ces deux domaines.

88En conclusion, je reviens à une proposition faite au début de cet article. Les recherches sur les relations entre travail et famille bénéficieraient grandement d’efforts renouvelés pour examiner les formes spécifiques des caractéristiques familiales. Dans sa revue de la littérature sur les relations entre travail et famille, Lambert (1990) conclut à l’existence de liens multiples entre les deux sphères. Son analyse critique les approches sur les relations entre travail et famille qui privilégient les modèles prédéfinis de conflit ou d’intégration. Notre étude va dans le même sens. Au lieu d’assumer soit le conflit, soit l’intégration, la continuité ou la discontinuité, les chercheurs devraient chercher à identifier les conditions selon lesquelles chaque aspect serait justifié et explorer les répercussions positives ou négatives pour chaque femme sur son travail et sa vie de famille. Des recherches futures sont nécessaires avant que nous puissions déterminer si la société de services aidera à résoudre ou exacerber les conflits auxquels sont confrontées les femmes et leurs familles.

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Mots-clés éditeurs : femmes, vie de famille, relations de service, conflits, travail émotionnel

Date de mise en ligne : 01/01/2008

https://doi.org/10.3917/trav.012.0135

Notes

  • [1]
    Chapitre publié dans Women, Work, and Family in the United States, Europe, and the Former Soviet Union, édité par Kaisa Kauppinen-Toropainen.
  • [2]
    Note de traduction : A. Wharton utilise le terme « emotion work » de façon générique, alors que le terme « emotion labor » renvoie au travail émotionnel effectué au sein d’un emploi rémunéré.
  • [3]
    Les secrétaires et les réceptionnistes ne rentrent pas habituellement dans la catégorie des travailleurs qui proposent des « soins aux personnes ». Néanmoins, la description que les trois employées de l’hôpital font de leur travail justifie leur inclusion dans cette catégorie. En particulier, les emplois de ces femmes requièrent un contact significatif et parfois émotionnellement intense avec les patients et leurs familles.
  • [4]
    Afin d’examiner la possibilité que les femmes interviewées se différencient de manière significative des femmes de l’étude plus étendue, mariées, ou vivant en concubinage, nous avons comparé les réponses des deux groupes sur des items variés. Ces comparaisons ont mis en évidence quelques différences entre les deux groupes. Par exemple, les deux groupes ont rapporté la même intensité dans les conflits entre travail et famille, bien que les femmes interviewées soient légèrement plus jeunes, moins diplômées et moins « satisfaites » par leur travail que les femmes de l’étude plus étendue. Bien que des différences plus essentielles entre les groupes ne soient pas à exclure, ces comparaisons suggèrent que les femmes de cette étude ne sont pas significativement différentes de leurs homologues de l’étude plus étendue.
  • [5]
    Rappel : Au cours de l’interaction sociale, la serveuse surveille la mise en scène de sa personnalité, mais cela n’induit pas une aliénation par désorientation émotionnelle (cf. supra).

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