Notes
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[1]
Ces communautés s’inspirent, autrement dit, des principes utopiques édictés respectivement par le britannique Robert Owen (1771-1858) et les français Charles Fourier (1772-1837) et Étienne Cabet (1788-1856).
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[2]
La critique mutuelle est un dispositif qui, à Oneida, contribue à la régulation de la vie collective. Elle sert officiellement à favoriser l’amélioration de chacun·e et à renforcer l’esprit communautaire (le we-spirit). Le principe en est simple : chaque membre doit se soumettre régulièrement, en se taisant, au feu roulant de la critique de ses pair·e·s. La critique mutuelle est également utilisée pour convaincre les malades qu’ils peuvent adopter des comportements propices à leur guérison. On trouve dans les archives de l’université de Syracuse [Oneida Community Collection, carton 16] des comptes rendus fidèles de ce type d’exercice.
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[3]
Après le sevrage, les mères confient leurs progénitures à la maison des enfants, dans une aile de la Mansion House. Là, elles travaillent comme assistantes. Conformément aux préceptes fouriéristes, la structure est basée sur une organisation par classe d’âge. Même si les enfants ne doivent pas faire formellement de différence entre leurs parents biologiques et les autres adultes, ils bénéficient d’un droit de visite auprès de leurs géniteurs une à deux fois par semaine, et à la condition de ne pas manifester trop de tendresse à leur égard.
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[4]
Le premier rapport annuel de l’Association Oneida [1849] couche noir sur blanc ces règles du jeu en tout juste quinze lignes. Le texte précise également que, lorsqu’un membre quitte la communauté, les biens qu’il avait légués lors de son entrée lui sont restitués. Il ne peut revendiquer en revanche le versement d’un quelconque salaire au moment de son départ. Reproduit dans le registre de la communauté de 1864, ce texte réglementaire est suivi de la signature des 265 membres du moment. Source : Daily Journal 1863-1864, Université de Syracuse, Oneida Community Collection, carton 11, dossier 7.
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[5]
Jules Prudhommaux, « Ma visite à Oneida (15 octobre 1904) », International Institute of Social History, Amsterdam, Jules Prudhommeaux Papers, arch01091, carton 22. D’autres sources fournissent des informations un peu différentes. Spencer Klaw [1993] note qu’en 1862 se met en place un système d’allowance (25 cents pour trois mois par adulte) et 12,5 cents pour les enfants. En 1875, le système évolue à nouveau. Une somme est dédiée à chaque adulte pour s’habiller selon ses goûts et effectuer des dépenses accessoires : les hommes reçoivent 75 dollars à cette fin, les femmes 40 dollars (car, à la différence des hommes, elles sont supposées confectionner elles-mêmes leurs effets).
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[6]
John Humphrey Noyes, « Questions posées par M. Godin sur la communauté d’Oneida avec les réponses de M. Noyes », Institut international d’histoire social, Amsterdam, Jules Prudhommeaux Papers, arch011091, carton 29. Le véritable rédacteur de la lettre est Frank Wayland Smith, le bras droit de John Humphrey Noyes, qui s’est chargé de consigner les réponses par écrit.
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[7]
Aux États-Unis, la législation sur le mariage varie alors d’un État à l’autre. Dans un rapport rédigé à destination du Sénat, Carroll D. Wright [1891] a mis en évidence dans le détail, pour la période 1867-1886, la pluralité des lois dont les termes varient selon l’âge minimal pour contracter une union, l’opportunité offerte de se remarier avant même d’avoir divorcé, les personnes habilitées à unir deux êtres… Selon des modalités et pour des raisons tout aussi diversifiées, le divorce est possible dans de nombreux États, à commencer par celui de New York où l’Association Oneida est établie. Il revient à des tribunaux dont le statut n’est pas nécessairement le même d’un État à l’autre de se prononcer à ce sujet.
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[8]
Avec l’assentiment de John Humphrey Noyes, alors exilé au Canada, il est mis fin officiellement au mariage complexe le 28 août 1879. 18 mariages traditionnels sont ensuite célébrés entre septembre et décembre 1879, 12 en 1880, 2 en 1881. Source : Université de Syracuse, Oneida Community Collection, carton 7, dossier 24.
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[9]
Selon une enquêtrice qui a interrogé plusieurs femmes en 1891, après le Breakup d’Oneida, celles-ci avaient « des relations sexuelles tous les deux à quatre jours. Certaines femmes avaient plus de succès que d’autres, comme on pouvait s’y attendre, et elles étaient davantage sollicitées. » [Muncy, 1973, p. 178].
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[10]
Les caractéristiques physiques et mentales des parents sélectionnés comme celles de leurs progénitures étaient soigneusement consignées dans un Record-Book. Source : Université de Syracuse, Oneida Community Collection, carton 14, dossier 2.
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[11]
Sur de multiples aspects concernant aussi bien le travail (le refus de la méritocratie par exemple) que le genre (absence de reconnaissance de l’homosexualité), John Humphey Noyes et les sien·ne·s n’étaient absolument pas au diapason des principes et des valeurs fouriéristes.
-
[12]
John Humphrey Noyes, « Questions posées par M. Godin sur la communauté d’Oneida avec les réponses de M. Noyes », archive citée précédemment.
-
[13]
L’initiative est aussi à mettre au crédit féminin s’agissant de la création à Oneida de ce que l’on peut considérer comme un des premiers prototypes de porte-jarretelles dont l’intérêt était de libérer les jambes des compressions néfastes à la circulation sanguine.
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[14]
Auguste Fabre, « Lettre à Frederick W. Frankland, Nîmes, 19 juin 1896 », International Institute of Social History, Amsterdam, Jules Prudhommeaux Papers, arch01091, carton 28. Auguste Fabre, spécialiste du socialisme pratique, fut l’un des tout premiers français à s’intéresser dans le détail à Oneida.
1 Dans l’histoire du féminisme, le socialisme utopique a joué un rôle déterminant. Prosper Enfantin, une des figures du mouvement saint-simonien qui éclôt au début du xixe siècle, initie tôt une réflexion sur le sujet. Il développe ainsi une théorie de la femme-mère dont l’ambition est d’en finir avec une représentation masculine de la mission sacerdotale. Dans la galaxie saint-simonienne, les hommes ne sont pas les seuls à parler des femmes. À l’instar de Prosper Enfantin et de ses proches, Claire Démar, pour ne citer qu’elle, reconnaît que l’individu social complet c’est l’homme et la femme. Mais elle ne s’en tient pas là. À l’écart de toute tentation spiritualiste, elle ajoute que nous, les femmes, « sommes les esclaves des hommes, dont nous sommes les mères, les sœurs et les épouses, mais dont nous ne voulons pas être les très humbles servantes, car nous sentons clairement que nous sommes nées libres comme l’homme. » [Démar, 1833, p. 6]. Fait notable, le discours consonne avec la pratique : dans le petit monde des saint-simonien·ne·s, les femmes ont de fait accès à des fonctions et à des statuts de première importance.
2 Après le saint-simonisme, le fouriérisme est une autre source d’inspiration décisive. On a parfois attribué, mais à tort, l’invention du mot « féminisme » à Charles Fourier. Qu’elles concernent l’éducation, le travail ou le mariage, ses vues n’en ont pas moins chamboulé les représentations relatives, au xixe siècle, aux relations entre les femmes et les hommes. L’ambition de cet article est d’évaluer la portée de la critique et des préceptes fouriéristes au sein d’utopies concrètes, soit, si l’on préfère, des communautés décidées à prendre leur distance avec les valeurs et les principes caractéristiques de l’ordre social dominant. Dans une telle perspective, les utopies méritent d’être considérées d’un point de vue sociologique non pas en tant que modèles à l’aune desquelles on pourrait mesurer l’originalité et la portée de pratiques alternatives mais comme des ressources utiles pour l’action et le changement social. Au xixe siècle, les États-Unis, terres d’utopies concrètes par excellence, constituent un terrain d’enquête particulièrement fertile [Albertson, 1936]. En y opérant un détour, on peut donc se demander pourquoi et comment des expérimentations inspirées des théories de Charles Fourier ont pu y voir le jour et, plus encore, quelles leçons il est possible de tirer de ces mondes alternatifs. Le cas de l’Association Oneida (1848-1880), l’une des communautés utopiques du xixe siècle les plus connues des États-Unis, me servira de terrain privilégié afin de proposer quelques éléments de réponse.
3 En France, Henri Desroche est probablement le premier à avoir mis au jour un principe fouriériste majeur longtemps méconnu. « Dans son message initial, celui-ci [Charles Fourier] annonçait non pas un mais deux “nouveaux mondes” : un nouveau monde “commercial” dit aussi parfois “nouveau monde industriel” ; un nouveau monde “conjugal”, nommé également ailleurs “nouveau monde amoureux”. Le fondateur, Charles Fourier, soutenait mordicus que l’instauration du second était la condition nécessaire voire suffisante de l’émergence du premier. » [Desroche, 1978, p. 7]. John Humphrey Noyes, le fondateur d’Oneida, n’était pas à proprement parler un fouriériste. Mais ses idées, tout comme les pratiques qu’il a directement contribué à instituer, sont grandement redevables de l’utopie de Charles Fourier. Dans la mesure où J.H. Noyes a souhaité expérimenter in vivo l’application conjointe des principes de travail libre (free labor) et d’amour libre (free love), on dispose d’un cas d’école tout à fait remarquable pour tester l’affirmation du maître rêveur français. À cette fin, en m’appuyant à la fois sur la littérature déjà publiée sur l’Association Oneida, mais aussi sur les archives disponibles à l’université de Syracuse de l’État de New York (États-Unis) et à l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam (Pays-Bas), je vais commencer par rendre compte du contexte qui a permis à la communauté de voir le jour. Je m’intéresserai ensuite aux principes afférant à la gestion des biens communs, à l’organisation du travail et aux relations entre les femmes et les hommes, mais aussi à leurs déclinaisons pratiques. Pour évaluer plus finement encore l’impact du modèle féministe de Charles Fourier, je finirai en croisant plus étroitement encore que précédemment les questions de travail et de genre telles qu’elles se posent à Oneida et telles qu’elles ont pu être résolues.
Communisme biblique et influences fouriéristes
4 Aux États-Unis, l’utopie a pris une tournure empirique plus rapidement qu’en France. La raison majeure tient aux racines historiques d’un pays qui a tôt exalté des formes d’organisations communautaires. Deux ensembles de facteurs permettent de rendre raison du type de cadre qui aura facilité bien plus qu’ailleurs l’expérimentation d’utopies concrètes. Par opposition aux modèles politiques caractéristiques des puissances colonisatrices dont elle s’émancipe à l’occasion de la seconde guerre d’indépendance, la jeune nation américaine fait d’abord le choix, par le truchement de Thomas Jefferson, de promouvoir une société démocratique, égalitaire et décentralisée dont les fermiers indépendants et les artisans qualifiés sont les figures de proue [Thomas, 1983 ; Oved, 2007]. La fuite hors d’Europe de sectes religieuses en quête d’espaces d’accueil tolérants est un autre élément déterminant. D’origines française et anglaise, les Shakers ont fait œuvre de pionniers avant que, au début du xixe siècle, d’autres groupes de migrants viennent prouver par l’exemple que la vie communautaire était un contrepoint viable et durable au paradigme social qui allie alors philosophie individualiste et magnification de la propriété privée. Après que ces premiers collectifs ont donné le ton, plusieurs vagues de créations communautaires se succèdent durant la période qui court de la décennie 1820 à celle de 1850. Placées, successivement, sous le sceau des idées oweniennes, fouriéristes et cabetiennes [1], elles imposent une vision plus séculière à l’aventure utopique, sans jamais tarir pour autant la veine religieuse initiale.
5 Oneida naît en 1848 dans un élan de ferveur puritain. À cette période, le fouriérisme – ou plutôt l’associationnisme selon la terminologie privilégiée par les disciples américains de Charles Fourier – a le vent en poupe. Carl J. Guarneri [1991] estime que ce mouvement a mobilisé près de 100 000 personnes environ. En dépit de son ampleur, celui-ci se déchire à l’occasion des débats sur l’esclavage. Il s’épuise avec la guerre de Sécession, après que la fondation de près d’une quarantaine de phalanstères a pu être mise à son actif. Peuplés au mieux de quelques centaines personnes, ces phalanstères sont loin en pratique de mettre en musique les idées les plus débridées de Charles Fourier. L’organisation du travail y fait l’objet, en revanche, d’une attention soutenue.
6 Directement débitrice de ce contexte singulier, l’histoire d’Oneida est rythmée par trois moments différents [Lockwood Carden, 1969]. La première période (1848-1864) s’ouvre lorsque la communauté est portée sur les fonts baptismaux. Elle adopte d’emblée un mode de fonctionnement aux résonances typiquement fouriéristes, associant variété des tâches, mixité dans le travail et mariage complexe. La deuxième période (1865-1880) est marquée par l’industrialisation des activités communautaires (production de pièges pour animaux et fabrication de fils de soie) et le recours à des travailleurs extérieurs que l’Association Oneida salarie. Des doutes sur la qualité et la pérennité du collectif commencent à se faire insistants à partir du milieu des années 1870. Ils conduisent la communauté à envisager un breakup [Noyes Robertson, 1972]. La dernière période (1881-2004), que je ne vais pas considérer ici, signe définitivement la fin de la communauté et sa transformation en Joint-Stock Company. Même si les traces du passé vont rester durables, la nouvelle entreprise abandonne alors toute prétention spirituelle et morale [Wayland-Smith, 2017].
7 L’histoire d’Oneida est indissociable du nom de son fondateur, John Humphrey Noyes. Destiné initialement à embrasser la profession de juriste, celui-ci se tourne rapidement vers la religion. Doté d’un véritable magnétisme charismatique, il se persuade rapidement (il n’a pas encore atteint la trentaine) qu’il est missionné par Dieu pour mettre fin au chaos du monde. Enseignant de théologie à Yale, il rationalise son énergie spirituelle dans les termes d’un « perfectionnisme » religieux fondé sur l’idée que croire suffisamment dans le Christ permet, ici-bas, de se laver à jamais de tous les péchés. J.H. Noyes défend autrement dit un communisme biblique dont l’ambition est de transporter le paradis sur terre afin que chacun·e puisse, ici et maintenant, vivre dans la plénitude du Christ. Après avoir été interdit d’enseignement, il s’engage dans l’aventure communautaire. Il fonde d’abord la communauté de Putney (Vermont) puis celle d’Oneida (New York).
8 L’ombre de Charles Fourier a plané de façon insistante sur la communauté oneidienne. Même si J.H. Noyes n’a jamais revendiqué une telle paternité, les thèses fouriéristes ont pesé lourd dans les choix effectués par la communauté. Carl J. Guarneri [1996] a montré que, durant les années 1840, John Humphrey Noyes a lu Social Destiny of Man and Reorganization of Industry [1840] d’Albert Brisbane, le principal vulgarisateur des thèses de Charles Fourier aux États-Unis. Le fondateur d’Oneida s’est penché sur d’autres écrits d’une veine similaire. Il était ainsi lecteur de The Phalanx, l’organe du mouvement associationniste américain. J.H. Noyes a pu présenter par ailleurs sa communauté comme la prolongation légitime de celle de Brook Farm (1841-1847) qui est réputée pour être le premier phalanstère implanté sur le sol états-unien.
9 En réalité, J.H. Noyes a entretenu avec les thèses de Charles Fourier et avec le mouvement associationniste américain un rapport ambivalent. Le prêcheur perfectionniste leur reprochait un défaut de spiritualisme chrétien et un écart trop important avec la réalité. « Nous connaissons très peu les écrits de Fourier, peut-on lire dans une publication d’Oneida ; mais nous constatons, d’après ce que nous en avons vu, que nous nous sommes grandement en désaccord avec ses thèses majeures. » [Oneida Community, 1853, p. 7]. Dans les années 1860, les relations s’apaisent et changent quelque peu de nature. J.H. Noyes et les siens ne regardent plus C. Fourier comme un rival mais davantage comme un aïeul dont il est possible de faire fructifier l’héritage, ou du moins une partie de celui-ci [Guarneri, 1996]. Les oneidien·ne·s, à commencer par le fondateur de la communauté, ont ainsi reconnu la possibilité d’utiliser la théorie de l’attraction passionnée de l’utopiste français pour lier religion et esprit communautaire, pour modeler des formes de travail créatif ou encore pour justifier l’institution de nouvelles relations entre les femmes et les hommes.
Le commun en pratique
10 Contrairement à ce que l’on croit parfois, Charles Fourier n’était pas qu’un doux rêveur : il voulait changer le monde hic et nunc. C’est à cette fin que, dans le Traité de l’Association Domestique-Agricole [1822] puis dans le Nouveau monde industriel et sociétaire [1829], il invente un nouvel art de vivre. Les piliers principaux en sont les phalanstères, lieux d’habitation communautaire construits à l’image du palais de Versailles. Alors que Charles Fourier conçoit ces espaces de vie pour une population de 1 600 personnes, à son acmé, Oneida ne pourra jamais revendiquer plus de trois cents membres, venus de leur plein gré, sans sélection et libres de partir à tout moment.
11 Situés sur un terrain de 235 acres, les bâtiments de la communauté sont le siège d’une vie collective serrée analogue à celle des phalanstères [2]. Un premier manoir (la Mansion House) est érigé en 1842. Un second, bien plus majestueux, est construit en 1862 dans un style victorien. Il est doté de chambres individuelles ainsi que de multiples espaces partagés : halls, salle à manger, salles de détente, bibliothèque, salles de réunion et de prière, etc. Les enfants étant élevés en commun [3], il n’existe pas à Oneida d’espace réservé à une quelconque cellule familiale. Pour satisfaire à l’esprit fouriériste, la deuxième Mansion House devait être accommodée d’une rue-galerie. Elle ne verra jamais le jour, à la différence des cours intérieures qui, elles aussi, signalent l’influence d’un esprit phalanstérien dans la conception des lieux [Hayden, 1976]. D’autres bâtiments complètent le complexe architectural dont la Mansion House est le cœur. En 1867, le Handbook of the Oneida Community indique la présence de cinq édifices qui font office, respectivement, de salle dédiée aux grands dîners, de boulangerie, de buanderie, de conserverie et d’ateliers pour différentes activités. Des pelouses, des vignes, des vergers, des jardins, etc. jouxtent l’ensemble, les manufactures industrielles ayant été (dans une logique owenienne) implantées à bonne distance des espaces de vie domestique.
12 Afin de pouvoir gagner de l’argent, Oneida fait le choix initialement de l’horticulture. Elle développe ensuite d’autres activités de natures différentes, comme la mise en boîtes de fruits et de légumes ou la fabrication, assez rapidement abandonnée faute de rentabilité, de chaînes en or. Des hommes se font aussi colporteurs pour vendre du fil de soie, des aiguilles, des boutons, des épingles, etc. [Klaw, 1993]. En 1852, la communauté se lance dans la fabrication de pièges en métal et devient la référence en la matière aux États-Unis comme au Canada. Les oneidien·ne·s fabriquent également des manches en bois, des meubles d’extérieur, des bagages de voyage ou encore, à partir de 1866, du fil à soie. Une fois la communauté dissoute, l’entreprise qui en est issue se spécialisera dans la confection de couverts en argent.
13 Conformément aux principes communautaires, à Oneida, tout appartient à tous et à toutes. Lorsqu’ils/elles arrivent, les nouveaux/elles membres font don de leurs biens et de leur argent au collectif. En échange d’un travail quotidien, l’Association s’engage à fournir tout le nécessaire à une vie décente : de la nourriture, des vêtements, un toit, une éducation, etc. Les membres de la communauté ne perçoivent donc pas de salaire et vivent et œuvrent ensemble comme s’ils constituaient une grande famille [4]. Conformément à ce que l’on trouve dans l’utopie de Charles Fourier, les enfants sont aussi mis au travail. Ils contribuent aux activités productives au moins une à trois heures par jour, six jours par semaine. Quels que soient les âges, il n’est pas tenu de comptabilité destinée à évaluer ce que chacun·e apporte et ce qu’il/elle coûte, ce qui signifie encore que la communauté place sur un pied d’égalité tous les travaux effectués.
14 De nombreux indices incitent à penser, comme on pouvait s’y attendre, qu’il est de nombreux écarts entre ces principes généraux et les pratiques. Rosabeth Moss Kanter [1972] rapporte par exemple que si la communauté estimait qu’une personne prélevait trop de ressources à des fins personnelles, on pouvait lui demander de rééquilibrer la balance entre ses apports et ses dépenses. L’accès aux biens, autre illustration, n’a pas toujours été de soi, du moins dans les premières années. À l’occasion d’entretiens qu’il mène en 1904 avec des membres d’Oneida, l’historien français Jules Prudhommaux enregistre la réponse suivante. « Au début, le magasin était si pauvre que le même pardessus faisait plusieurs hivers et que les femmes sortaient les unes après les autres, se repassant un même châle. Les armoires de chacun étaient contrôlées par le “board” spécial (clothing, etc.). Mais c’était trop communiste ; rien de personnel. En 1870, on crée les crédits individuels, remplaçant la monnaie de poche. Chaque adulte, homme et femme, a un crédit de 60 dollars par an, à dépenser en vêtements et en achat à sa guise. Puis, à mesure que l’abondance vint, on put satisfaire tous les besoins légitimes et jamais il n’y eut de plaintes et de réclamations sur la consommation. » [extrait d’entretien, Prudhommaux, 1904, le document ne permet pas d’identifier l’auteur·e du propos] [5].
Le travail libre en pratique
15 À Oneida, le travail occupe une place d’autant plus importante qu’il est investi d’une forte charge spirituelle. En vertu des idées professées par leur leader, les oneidien·ne·s sont en effet persuadé·e·s qu’améliorer le monde créé par Dieu est une manière pour eux/elles de s’assurer de sa bienveillance et de sa reconnaissance. Aussi non seulement le célèbrent-ils/elles chaque dimanche, discutent-ils/elles de religion à chaque fin de journée, mais ils/elles imaginent aussi des dispositifs permettant de lier étroitement travail et religion. En 1856, la communauté décide ainsi que, trois fois par semaine, l’atelier « pièges » cessera le travail pour organiser des réunions destinées à célébrer l’esprit du Christ dans l’industrie et l’économie. Afin de garantir l’efficacité de la main-d’œuvre onédienne, John Humphrey prend tôt position par ailleurs en faveur du « travail libre » (free labor). Pour comprendre la portée d’un tel engagement, il faut se souvenir que, lorsque l’Association Oneida voit le jour, la question du free labor est au cœur des débats qui opposent pro et anti-esclavagistes. Cette thématique commence à s’imposer dans les écrits abolitionnistes vers 1790. Au fil des années, ceux-ci rompent progressivement avec la vision purement morale de celles et ceux, tels les Quakers, qui invitaient les propriétaires d’esclaves à en finir avec un système inhumain (et cela en dépit des avantages économiques qu’ils pouvaient en tirer). Pour justifier l’abolition, un nouvel argument est mis en avant : le travail libre n’est pas moins, mais plus productif que le travail des esclaves. Avec son essai Observations concerning the Increase of Mankind qu’il rédige en 1751, Benjamin Franklin a joué très tôt un rôle décisif en faveur de cette thèse qui aura l’heur de plaire aux Républicains [Sheppard Wolf, 2011].
16 À Oneida, où l’on se vante de pratiquer le free labor, la rhétorique n’est pas dissonante. Dans Bible Communism [1853], ouvrage qui compile une série de rapports et de documents ayant trait à la communauté, le premier chapitre reproduit un dialogue destiné à informer les lecteurs des pratiques du lieu. « Reader : Quelles sont les règles relatives au travail ? Mr F. : le travail dans l’Association est libre ; et nous trouvons que le “free labor” est plus rentable que le “slave labor”. » [Oneida Community, 1867, p. 13]. Dans l’esprit des Républicains qui le promeuvent, le free labor n’est pas seulement un levier de performance économique qui justifie la revendication abolitionniste. Au nom de la dignité du travail, il sert également à nourrir la critique à l’encontre des nouvelles formes d’organisations économiques que charrient les mouvements d’industrialisation et d’urbanisation. Les Républicains définissent ainsi le free labor comme un travail qui offre la possibilité d’échapper à la condition salariale. « Un homme qui, toute sa vie durant, restait dépendant d’un salaire était considéré comme presqu’aussi peu libre qu’un esclave du Sud. » [Forner, 1995, p. 17]. La propriété privée, l’entrepreneuriat, l’indépendance économique et la mobilité sociale sont présentés à ce titre comme autant d’ingrédients de base du free labor.
17 Pour libérer le travail autrement que ne le proposent les Républicains, J.H. Noyes opte pour une solution sociétaire. Charles Fourier avait tôt réfléchi sur les moyens d’en finir avec la Civilisation, et partant d’abolir graduellement l’esclavage. Sa proposition : la promotion d’une « industrie combinée et attrayante » [Fourier, 1808, 1822], autrement dit la mise en œuvre d’une organisation du travail assise sur le principe de l’attraction passionnée. En vertu d’un tel modèle, les groupes de travail phalanstériens se font et se défont au gré des envies, des talents et des affinités des sociétaires. Trois passions, que Fourier qualifie de distributives, alimentent plus exactement le moteur de l’action productive : la composite (plaisirs associés à la complémentarité des tâches), la papillonne (besoin de variété périodique dans les phases de la vie et dans les occupations) et la cabaliste (esprit d’intrigue et de rivalité). Dans un prêche de 1853, J.H. Noyes revendique haut et fort un tel héritage. Il est évident, affirme-t-il, que le modèle de l’attraction passionné que Charles Fourier applique au travail doit servir de parangon à Oneida. Il convient en conséquence de trouver les bons moyens pour aiguiser sainement l’appétence au travail. Une vingtaine d’années plus tard, dans un courrier adressé à Jean-Baptiste André Godin, un industriel français acquis à la cause sociétaire [Lallement, 2009], J.H. Noyes explique qu’il a trouvé la voie. À Oneida « le travail est volontaire dans la communauté. Les habitudes industrieuses sont en dominance. […] Le but général est de rendre le travail attrayant, et d’en faire un moyen d’amélioration personnelle. [6] ».
18 Mais il y a parfois loin de la coupe aux lèvres. Les oneidien·ne·s sont les premier·e·s à le savoir. Aussi, pour rompre la monotonie qu’imposent immanquablement certains travaux, la communauté encourage-t-elle le changement régulier d’occupations. Les tâches à assumer sont, il est vrai, d’un intérêt inégal. Certaines ne sont guère populaires. Pour faciliter leur prise en charge, Oneida invente les bees, des ateliers collectifs qui offrent des conditions de travail stimulantes : mélange des sexes et des âges, ouvrage effectué en extérieur, lectures pour encourager celles et ceux qui œuvrent. La fabrication des bagages, le désherbage et l’écossage des pois sont effectués sur un tel mode. Pour d’autres travaux, les règles sont encore différentes. Chaque samedi, par exemple, les noms de douze femmes et de douze hommes sont tirés au sort. Celles et ceux que le hasard a désigné sont réveillé·e·s à quatre heures et demie du matin pour travailler à la buanderie jusqu’au moment du petit-déjeuner.
19 Il est, fort heureusement, des tâches qui rebutent beaucoup moins. Aussi est-il possible, pour les membres qui le désirent, de se spécialiser dans leurs domaines de prédilection. Pour satisfaire néanmoins aux exigences de variété, à chaque printemps, une réunion est organisée afin d’anticiper et de planifier les activités de l’année à venir. À cette occasion, chacun·e est invité·e à rédiger une note qui indique dans quel département il/elle souhaite travailler à l’avenir. Lors de cette même session annuelle, un comité d’organisation est mis en place. Sa fonction est de sélectionner les contremaîtres et de répartir la main-d’œuvre dans les ateliers en tenant compte autant que possible des désirs des un·e·s et des autres. Ce système fonctionne avec efficacité jusqu’au milieu des années 1860.
L’amour libre en pratique
20 Dans Le nouveau Monde amoureux [1816], Charles Fourier explique que l’amour borné au couple a pour conséquence l’adultère (ou cocuage) dont il distingue soixante-quatre espèces. En civilisation, cette forme d’égoïsme est assortie d’une dégradation et d’une persécution d’un sexe aux dépens de l’autre. Or, constate-t-il, les hommes et les femmes n’ont jamais manifesté d’aversion pour les amours inconstants et pluriels. Tout au contraire. Les premiers sont partisans de la polygamie et les secondes, en tous les cas les « dames civilisées, tant soit peu libres […] aiment de même la pluralité d’hommes ou tout au moins le changement périodique » [Fourier, 1967 (1816), p. 235]. Afin de promouvoir un « amour libre » (l’expression est usitée par Fourier) aux vertus également émancipatrices pour les femmes et pour les hommes, le philosophe bisontin utilise des catégories similaires à celles qu’il mobilise pour penser le travail : la composite (qui signifie que l’amour se mêle à d’autres relations – amitié, ambition, cynisme, gourmandise, etc. – qui cimentent les relations entre les sexes), la papillonne (plaisir de la variété dans le choix des partenaires) et la cabaliste (tendance dans les « réunions libidineuses » à se liguer pour faire et défaire des réputations).
21 Après le décès de Charles Fourier, Le nouveau Monde amoureux a été délibérément mis sous le boisseau par des disciples rétifs à toute forme d’ébouriffement libertaire. Carl J. Guaneri [1996] fait l’hypothèse que, en dépit de cette censure, John Humphrey Noyes a pu avoir vent de son contenu. Les grandes lignes des thèses de Fourier sur le genre ont fait l’objet en effet de publications, par exemple, par Parke Godwin dans son Popular View of the Doctrines of Fourier [1844]. Comme dans le cas du travail, par ailleurs, on ne peut comprendre l’usage que J.H. Noyes a pu faire de Charles Fourier en dehors de tout cadrage socio-historique. Pour s’en persuader, il faut se tourner vers le livret de seize pages, Slavery and Marriage, que le fondateur d’Oneida publie en 1850. Ce qui fait alors souci à l’auteur n’est pas l’impossibilité de divorcer [7] mais le mariage lui-même ou, plus exactement, un modèle de mariage qui lie deux êtres de façon exclusive. Pour alimenter la critique, l’ouvrage de John Humphrey Noyes se présente comme une pièce de théâtre mettant en scène trois personnages, le juge Nord, le major Sud et Monsieur Église Libre (Free Church). La discussion porte d’abord sur l’esclavage. Elle oppose frontalement le juge Nord au major Sud avant que Monsieur Église Libre ne propose une comparaison avec le mariage. Celui-ci, estime-t-il, est aussi (comme le pense le juge Nord à propos de l’esclavage) une institution arbitraire et contraire à la liberté naturelle. Tout comme l’esclavage, le mariage confère à un homme un « pouvoir de propriété » sur une femme. Il est source d’excès que la loi ne permet pas entièrement de tempérer. Pour Monsieur Free Church, la solution réside dans l’abolition du mariage. Combiné au communisme des biens, l’amour libre sera alors la meilleure des préventions contre l’adultère et les abus sexuels. On voit bien l’homologie qui fonde le raisonnement. En marchant main dans la main, le free labor (abolition de l’esclavage) et le free love (abolition du mariage) sont sources d’émancipation : ils délivrent les personnes de l’emprise qu’un homme peut avoir sur elles.
22 Avec ce fond doctrinal en toile de fond, la reconfiguration des relations entre femmes et hommes s’opère à Oneida par paliers successifs. John Humphrey Noyes en est à chaque fois l’instigateur. Affecté par la routine sexuelle avec son épouse ainsi que par la perte de quatre enfants en bas âge, les années qui suivent son mariage constituent le moment fondateur. C’est au milieu de la décennie 1840, note-t-il, que « je conçus l’idée que la sexualité pouvait être distincte de la reproduction et que ces fonctions pouvaient être pratiquement séparées. J’en fis l’expérience, découvris que le self-control exigé n’était pas difficile […] » [Noyes, 1877, p. 12-13]. Pour éviter des naissances non désirées, et au nom d’arguments à la fois spirituels et biologiques (la perte de semences rendrait le corps masculin plus perméable à la maladie), il prône un principe de continence masculine (coitus interruptus). Par ailleurs, alors qu’il avait interdit à ses disciples toute relation sexuelle extraconjugale, J.H. Noyes change d’avis en 1846. Au nom de Dieu, il préconise désormais le « mariage complexe », soit le mariage au sein de la communauté de tous les hommes avec toutes les femmes [Foster, 1984, 2001 ; Muncy, 1973].
23 Déjà éprouvé à Putney, ce modèle entre immédiatement en vigueur à Oneida dès sa fondation. Il sera maintenu plus de trente ans durant [8]. Débitrices d’une norme hétérosexuelle, les règles du mariage complexe sont les suivantes. Afin, en premier lieu, de pouvoir devenir membres à part entière, les couples mariés doivent se démarier lors de leur arrivée dans l’Association. En deuxième lieu, chaque oneidien·ne a sexuellement accès, de droit, à ses pair·e·s, sous réserve néanmoins d’un consentement préalable [9]. Pour éviter les dépits et les frustrations qu’un libre commerce des corps n’a pas manqué de susciter très rapidement, John Humphrey Noyes met en place une régulation d’inspiration fouriériste. Un médiateur ou une médiatrice se fait comptable, en toute discrétion, des désirs des un·e·s et des autres, les personnes convoitées ayant tout loisir ensuite de refuser les offres qui leur sont faites. Troisième règle, à la tonalité fouriériste également, celle du compagnonnage ascendant (ascending fellowship). L’idée ici est que l’apprentissage idéal exige une initiation par les ainé·e·s. Dans la communauté, les oneidiennes ménopausées ont ainsi pour mission d’aider les jeunes garçons à percer les mystères du sexe et, ce faisant, de les initier à la technique de la male continence.
24 Le mariage complexe semble avoir été plutôt bien vécu par la première génération des membres d’Oneida. Mais plusieurs problèmes sont venus ensuite gripper la machine. Parce qu’elles sont trop marquées du sceau de l’amour exclusif, certaines relations d’abord sont découragées voire brisées [Fogarty, 1994]. Par ailleurs, le quasi-monopole que s’octroie J.H. Noyes pour l’initiation sexuelle des jeunes filles est regardé par certain·e·s comme l’expression d’un droit de cuissage condamnable. On assiste enfin à une rupture eugéniste quand, à partir de 1869, et sous influence de ses lectures de Charles Darwin, John Humphrey Noyes met en place ce qu’il nomme la stirpiculture [Newcomb McGee, 1891 ; Wyatt, 1976]. Il s’agit en l’occurrence de contrôler l’appariement entre des hommes et des femmes volontaires de façon à « obtenir des enfants promis à la vie, à la beauté, à la santé, à la longévité » [Desroche, 1975, p. 375]. 53 femmes et 38 hommes acceptent de se soumettre à l’expérience. Cinquante-huit enfants issus de la stirpiculture naissent à Oneida, dont neuf de John H. Noyes lui-même [10]. Facteurs de divisions internes mais aussi de critiques externes peu amènes à l’endroit de cette « utopie de l’obscénité » (selon une expression utilisée en 1873 par un pasteur presbytérien), ces dérives multiples précipitent l’exil de J.H. Noyes vers le Canada en 1879 (il est alors sous le coup d’une accusation de détournement de mineur), le retour du mariage traditionnel au sein de la communauté, un resserrement des liens entre les enfants et leurs parents biologiques et, finalement, la dissolution de la communauté en 1880.
Travail et mélange des sexes
25 Oneida a non seulement promu le free labor et le free labor sur un mode homologique, mais l’Association a aussi tenté de lier positivement et étroitement le travail et le genre. Charles Fourier y aurait donc retrouvé ses petits, lui qui estimait que, à quelques exceptions majeures près, l’allocation des tâches ne devait pas être une question de sexe mais de compétence. Pour mesurer la portée d’une telle ambition « féministe » appliquée au cas d’Oneida, il faut se souvenir que, tel qu’il est promu par les Républicains avant la guerre de Sécession, le free labor concerne avant tout des hommes blancs, propriétaires de leurs forces de travail et possesseurs de leurs terres [Forner, 1995]. La rhétorique est fortement débitrice, autrement dit, d’une vision masculiniste de l’émancipation. Les arguments mobilisés en portent la marque. Le travail gratuit, affirment les abolitionnistes, abîme la virilité des propriétaires d’esclaves et nuit finalement à la dynamique démographique du pays [McCoy, 1980]. De moindres efforts physiques et une aisance matérielle qui confine au luxe feraient donc le lit de la féminisation. Le free labor favoriserait à l’inverse la puissance masculine. Il offrirait la promesse d’une capacité de reproduction biologique sans commune mesure avec celle des propriétaires d’esclaves.
26 Tout en étant persuadé de la supériorité intellectuelle des hommes, J.H. Noyes n’adhère pas à cette représentation qui conjugue de façon exclusive travail libre et masculinité. Pour le fondateur d’Oneida, les femmes doivent aussi travailler, et dans des conditions similaires à celles des hommes. Le 26 avril 1855, le Circular, le journal édité par l’Association, rapporte qu’il « a été décidé qu’il n’y aurait plus aucune journée sans que nos femmes n’assument des tâches masculines. Ce qu’elles pourront apprendre chaque jour d’un tel type de travail sera bien meilleur pour leur éducation que jouer du piano, coudre ou balayer. Nous avons estimé que, journalièrement, chaque femme de la communauté pourrait effectuer deux heures de travail masculin en extérieur. La proposition a été bien accueillie. » [Noyes Robertson, 1970, p. 299-300]. Vingt ans plus tard, les femmes sont toujours à l’œuvre. « Notre département de stirpiculture emploie beaucoup d’entre elles d’une manière ou d’une autre. D’autres travaillent à l’imprimerie et à la comptabilité. Une a la responsabilité de la buanderie, deux de la cuisine, une de l’atelier de filage de soie, une est dentiste, d’autres sont jardinières, etc., etc. » [Oneida Community, 1875, p. 25]. Dans un esprit fouriériste, la communauté encourage également la mixité dans le travail. Le mélange des genres, croit-on, rend le travail plus attractif. En 1867, le Handbook of the Oneida Community indique que, dans les ateliers, la mixité est effectivement de règle. Femmes et hommes travaillent côte à côte aussi bien pour s’occuper du linge, fabriquer des pièges, coudre des bagages de voyage ou cultiver du maïs.
27 Las, avec le succès rencontré par ses pièges, Oneida change progressivement de cap. Le mélange des sexes se fait plus rare et les conditions de travail se durcissent. Le lancement, en 1866, de la fabrication de fils de soie renforce la division genrée. Ce sont ainsi des femmes qui, sous le contrôle d’autres femmes, trient, nettoient, filent, embobinent et teintent la soie. En 1872, à Willow Place (usine de la communauté), on décompte 1 150 hommes œuvrant à la fabrication de pièges et 90 « silk girls » (« filles de soie ») selon la dénomination indigène. La demande des biens produits par la communauté dépassant finalement les forces de travail disponibles, Oneida doit embaucher des travailleurs/euses extérieur·e·s. Interrogée par Jules Prudhommaux, une oneidienne résume en ces termes la trajectoire de la communauté. « À l’origine, on a alterné dans les travaux pénibles. Ainsi, on se levait le matin à tour de rôle pour traire les vaches et faire leur litière, etc. Cela a duré 15 ans. Or même pour les travaux des femmes, vaisselles, etc., c’était la période héroïque, celle de la pauvreté. Puis peu à peu on a pris des salariés et on leur a laissé les travaux pénibles. […] Mais c’est cette introduction des salariés, concurremment avec l’arrivée aux affaires des jeunes, sceptiques quant aux dogmes perfectionnistes, et sourdement rebelles au communisme qui a dévoyé la commune. À ce moment, Noyes et les leaders ont compris que ça n’irait plus longtemps. » [extrait d’entretien, Prudhommaux, 1904]. L’auteur·e de ces paroles, que les archives ne permettent pas d’identifier, évoque ici le travail domestique. Ce n’est pas un hasard. Tôt, en effet, John Humphrey Noyes avait été sensible à l’enjeu égalitaire en ce domaine. À Putney, la communauté qui avait servi de premier laboratoire perfectionniste avant l’établissement à Oneida, les femmes ne devaient préparer qu’un seul repas par jour. Avec pour en-tête « Santé, confort, économie et droits des femmes », une affichette apposée sur le garde-manger expliquait que les obliger à en confectionner trois revenait à les soumettre au pire des esclavages et elle invitait chacun·e à se débrouiller avec la nourriture mise à la disposition de tous et toutes [Klaw, 1993].
28 À Oneida, en dépit d’une même volonté, l’équilibre paritaire n’est jamais atteint. Hormis à la buanderie, les femmes restent largement majoritaires quand il s’agit de s’occuper des bébés, de faire les lits, de remplir les lampes. Une domination raciale redouble la domination masculine. Les quelques noir·e·s (quatre hommes et six femmes au milieu des années 1870) qui vivent dans la communauté sont affecté·e·s aux seules tâches domestiques. Les hommes blancs ne sont pas pour autant exemptés de ce type de travail. Avant que des salarié·e·s extérieur·e·s ne viennent prêter main-forte, deux hommes étaient systématiquement affectés, aux côtés de cinq femmes, à l’équipe de cuisine et de vaisselle. Ils étaient également employés à la maison des enfants. Faut-il le considérer comme une conséquence de cette implication masculine plus forte qu’ailleurs dans les tâches domestiques ? C’est un homme (John Leonard) en tous les cas qui, en 1868, invente à Oneida deux instruments susceptibles d’économiser les efforts habituellement réservés à la main-d’œuvre féminine : un rince-serpillère (mop wringer) et une machine à laver les pommes de terre (potato washer).
29 Que les écrits de Charles Fourier comptent dans l’histoire du féminisme, et plus généralement dans celle des théories sociales à ambition émancipatrice, est aujourd’hui une évidence. Même si l’on peut trouver matière à débat et à contestation s’agissant de l’une ou l’autre de ses vues, l’implication de l’utopiste français en faveur de la libération des femmes est d’autant plus incontestable que celle-là traverse l’ensemble de son œuvre depuis la Théorie des quatre mouvements [Fourier, 1808] jusqu’à son dernier ouvrage, La fausse Industrie (1836-37), qui paraît peu avant sa mort [Goldstein, 1982]. Afin de comprendre comment il est possible à ce sujet de passer des rêves de papier à l’utopie concrète, le cas d’Oneida est particulièrement intéressant. Bâtie à la croisée de la lutte anti-esclavagiste et de quelques principes tirés de l’œuvre du maître rêveur de Besançon [11], l’expérience de cette communauté mérite attention parce qu’elle fut notamment un creuset féministe. L’écart avec les stéréotypes alors dominants en fournit un indice sûr. À Oneida, « les dames portent la robe courte et les pantalons ; elles considèrent ce costume comme plus convenable et plus sain et comme s’accordant mieux avec la simplicité qu’elles recherchent. Pour des raisons analogues, elles portent les cheveux courts. La communauté sous le rapport de la toilette tend à s’affranchir du joug de la mode, qui est considéré comme propre à développer des sujets de critiques [12]. » Poussant la logique jusqu’au bout, l’Association s’est aussi interrogée sur l’opportunité de demander aux hommes de s’habiller comme leurs compagnes [Wonderley, 2017]. À Oneida, les femmes inventent par ailleurs les final shoes. Grâce à un ingénieux système de fermeture à élastique, celles-ci remplacent avantageusement les chaussures à talons et à lacets [13].
30 Ajoutés à ceux qui ont été évoqués précédemment, ces éléments n’autorisent pas cependant à conclure de façon simple et unilatérale qu’Oneida fût un royaume d’égalité entre les sexes pas plus qu’elle ne fût une terre de démocratie. Jusqu’au moment de sa fuite définitive vers le Canada, J.H. Noyes règne en quasi-monarque. À lui revient le soin de nommer les responsables des cinq établissements extérieurs à Oneida. La trentaine de commissions chargées d’organiser le travail et la vie quotidienne est par ailleurs placée sous sa coupe, directement ou non. Il est vrai que le Business Committee était composé à parts égales d’hommes et de femmes, mais l’analyse des pratiques révèle que, en dépit d’un discours en faveur du droit des femmes à une éducation et à des emplois similaires à ceux des hommes, la communauté restera toujours loin du compte. « Les femmes prenaient rarement la parole dans les réunions et elles étaient habituellement reléguées dans les commissions dédiées aux affaires domestiques. » [Hayden, 1976, p. 188].
31 Oneida peut donc décevoir par de nombreux aspects, à commencer par les fourvoiements néodarwiniens et la domination patriarcale dont son fondateur s’est rendu coupable. Il n’en reste pas moins qu’avec Oneida, et avec quelques autres communautés qui lui étaient contemporaines, un pas a été franchi. « Tentative socialiste la plus curieuse du siècle » [14], son expérience convainc que, même tissées d’imperfections, les révolutions locales sont des stratégies viables qui ne condamnent pas nécessairement celles et ceux qui les portent à des échecs cuisants ou, au mieux, à des succès éphémères. Pierre dans le jardin de la censure la plus sinistre, Oneida a légué un héritage, qu’expurgé de ses égarements les plus douteux, des communautés intentionnelles font aujourd’hui fructifier avec succès [Lallement, 2019]. Walter Benjamin [2013] n’avait donc pas tort : même déviantes et résiduelles, les traces de l’histoire demeurent toujours des promesses d’avenir.
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Notes
-
[1]
Ces communautés s’inspirent, autrement dit, des principes utopiques édictés respectivement par le britannique Robert Owen (1771-1858) et les français Charles Fourier (1772-1837) et Étienne Cabet (1788-1856).
-
[2]
La critique mutuelle est un dispositif qui, à Oneida, contribue à la régulation de la vie collective. Elle sert officiellement à favoriser l’amélioration de chacun·e et à renforcer l’esprit communautaire (le we-spirit). Le principe en est simple : chaque membre doit se soumettre régulièrement, en se taisant, au feu roulant de la critique de ses pair·e·s. La critique mutuelle est également utilisée pour convaincre les malades qu’ils peuvent adopter des comportements propices à leur guérison. On trouve dans les archives de l’université de Syracuse [Oneida Community Collection, carton 16] des comptes rendus fidèles de ce type d’exercice.
-
[3]
Après le sevrage, les mères confient leurs progénitures à la maison des enfants, dans une aile de la Mansion House. Là, elles travaillent comme assistantes. Conformément aux préceptes fouriéristes, la structure est basée sur une organisation par classe d’âge. Même si les enfants ne doivent pas faire formellement de différence entre leurs parents biologiques et les autres adultes, ils bénéficient d’un droit de visite auprès de leurs géniteurs une à deux fois par semaine, et à la condition de ne pas manifester trop de tendresse à leur égard.
-
[4]
Le premier rapport annuel de l’Association Oneida [1849] couche noir sur blanc ces règles du jeu en tout juste quinze lignes. Le texte précise également que, lorsqu’un membre quitte la communauté, les biens qu’il avait légués lors de son entrée lui sont restitués. Il ne peut revendiquer en revanche le versement d’un quelconque salaire au moment de son départ. Reproduit dans le registre de la communauté de 1864, ce texte réglementaire est suivi de la signature des 265 membres du moment. Source : Daily Journal 1863-1864, Université de Syracuse, Oneida Community Collection, carton 11, dossier 7.
-
[5]
Jules Prudhommaux, « Ma visite à Oneida (15 octobre 1904) », International Institute of Social History, Amsterdam, Jules Prudhommeaux Papers, arch01091, carton 22. D’autres sources fournissent des informations un peu différentes. Spencer Klaw [1993] note qu’en 1862 se met en place un système d’allowance (25 cents pour trois mois par adulte) et 12,5 cents pour les enfants. En 1875, le système évolue à nouveau. Une somme est dédiée à chaque adulte pour s’habiller selon ses goûts et effectuer des dépenses accessoires : les hommes reçoivent 75 dollars à cette fin, les femmes 40 dollars (car, à la différence des hommes, elles sont supposées confectionner elles-mêmes leurs effets).
-
[6]
John Humphrey Noyes, « Questions posées par M. Godin sur la communauté d’Oneida avec les réponses de M. Noyes », Institut international d’histoire social, Amsterdam, Jules Prudhommeaux Papers, arch011091, carton 29. Le véritable rédacteur de la lettre est Frank Wayland Smith, le bras droit de John Humphrey Noyes, qui s’est chargé de consigner les réponses par écrit.
-
[7]
Aux États-Unis, la législation sur le mariage varie alors d’un État à l’autre. Dans un rapport rédigé à destination du Sénat, Carroll D. Wright [1891] a mis en évidence dans le détail, pour la période 1867-1886, la pluralité des lois dont les termes varient selon l’âge minimal pour contracter une union, l’opportunité offerte de se remarier avant même d’avoir divorcé, les personnes habilitées à unir deux êtres… Selon des modalités et pour des raisons tout aussi diversifiées, le divorce est possible dans de nombreux États, à commencer par celui de New York où l’Association Oneida est établie. Il revient à des tribunaux dont le statut n’est pas nécessairement le même d’un État à l’autre de se prononcer à ce sujet.
-
[8]
Avec l’assentiment de John Humphrey Noyes, alors exilé au Canada, il est mis fin officiellement au mariage complexe le 28 août 1879. 18 mariages traditionnels sont ensuite célébrés entre septembre et décembre 1879, 12 en 1880, 2 en 1881. Source : Université de Syracuse, Oneida Community Collection, carton 7, dossier 24.
-
[9]
Selon une enquêtrice qui a interrogé plusieurs femmes en 1891, après le Breakup d’Oneida, celles-ci avaient « des relations sexuelles tous les deux à quatre jours. Certaines femmes avaient plus de succès que d’autres, comme on pouvait s’y attendre, et elles étaient davantage sollicitées. » [Muncy, 1973, p. 178].
-
[10]
Les caractéristiques physiques et mentales des parents sélectionnés comme celles de leurs progénitures étaient soigneusement consignées dans un Record-Book. Source : Université de Syracuse, Oneida Community Collection, carton 14, dossier 2.
-
[11]
Sur de multiples aspects concernant aussi bien le travail (le refus de la méritocratie par exemple) que le genre (absence de reconnaissance de l’homosexualité), John Humphey Noyes et les sien·ne·s n’étaient absolument pas au diapason des principes et des valeurs fouriéristes.
-
[12]
John Humphrey Noyes, « Questions posées par M. Godin sur la communauté d’Oneida avec les réponses de M. Noyes », archive citée précédemment.
-
[13]
L’initiative est aussi à mettre au crédit féminin s’agissant de la création à Oneida de ce que l’on peut considérer comme un des premiers prototypes de porte-jarretelles dont l’intérêt était de libérer les jambes des compressions néfastes à la circulation sanguine.
-
[14]
Auguste Fabre, « Lettre à Frederick W. Frankland, Nîmes, 19 juin 1896 », International Institute of Social History, Amsterdam, Jules Prudhommeaux Papers, arch01091, carton 28. Auguste Fabre, spécialiste du socialisme pratique, fut l’un des tout premiers français à s’intéresser dans le détail à Oneida.