Notes
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[1]
Nous remercions Marie Larroquelle pour les échanges ayant suivi son mémoire et qui ont largement stimulé notre réflexion. Nous remercions aussi les membres du comité de rédaction de Travail, genre et sociétés et les coordinatrices du dossier pour leurs critiques et suggestions.
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[2]
Le bocage ornais se situe à l’ouest du département de l’Orne, au sud de la région Normandie. Voir la carte sur le blog du collectif Rocs : <https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/3365/files/2017/11/ROCS_Le-Domfrontais-dans-le-bocage-et-dans-le-temps.png>. (consulté le 04/06/2020).
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[3]
Sans que par la suite les guillemets soient associés systématiquement à cette catégorie, c’est ici le cas pour respecter l’usage de l’auteure auquel nous adhérons. À la suite d’Ivan Bruneau, Madlyne Samak [2017] reprend entre guillemets « « néoruraux » pour mettre à distance tout l’imaginaire collectif que suscite cette notion [alors que] ces agricultrices […] ne sont pas toujours aussi étrangères au milieu rural et agricole qu’on ne le pense » [Samak, 2017, p. 58]. Cette catégorie, aussi appelée « néo-agriculteurs » renvoie à deux mouvements, des décennies (1970-1980 et 2000-2010), de personnes qui ne sont souvent pas issues directement du milieu agricole et créent « simultanément leur exploitation et le circuit court de proximité » [Baysse-Lainé, 2019].
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[4]
690 423 exemplaires diffusés en moyenne par jour en 2017, c’est le premier quotidien francophone au monde (Ouest-France, 12 décembre 2017). En 2015-2016, le quotidien était diffusé à 687 527 exemplaires en France (Alliance pour les chiffres de la presse et des médias – acpm). Le Figaro, deuxième quotidien français diffusait lui 305 635 exemplaires par jour en 2015-2016 (id.).
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[5]
La personne concernée par cette étude de cas a donné son accord pour que cette recherche soit publicisée.
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[6]
À la fin du journal Ouest-France, à proximité de la page agricole et de la rubrique « entreprendre », on retrouve la rubrique juridique. Dans l’édition du 21 janvier 2016, dans l’article de Sébastien Jensonny, « Contrat de mariage : pour quoi faire ? », Ouest-France, on pouvait par exemple lire, au sujet du régime de la communauté réduite aux acquêts : « En cas de problèmes financiers, là aussi, on partage. Ce régime n’est pas le mieux adapté aux couples exerçant une activité indépendante (profession libérale, chef d’entreprise, etc.) ».
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[7]
Anne-Emmanuelle Lambert, « Plus que cinq jours pour sauver sa ferme », Ouest-France, 27 août 2015.
-
[8]
« Le troupeau de Charlotte est sauvé », Ouest-France, 29 août 2015.
-
[9]
Anne-Emmanuelle Lambert, « Les animaux de Charlotte sont sauvés », Ouest-France, 1er septembre 2015.
-
[10]
Sur son site internet, cette association revendique la protection des animaux de ferme et la lutte contre la maltraitance animale de l’élevage à l’abattage. Elle prône une consommation responsable en faveur du bien-être animal : <https://oaba.fr/> (consulté le 23/03/2020).
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[11]
« Une soupe partie pour aider la ferme du Ronfil », Ouest-France, 11 novembre 2015, [En ligne], <https://www.ouest-france.fr/normandie/la-lande-saint-simeon-61100/une-soupe-partie-pour-aider-la-ferme-de-ronfil-3837133>.
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[12]
Sophie Capelle, « La bergère avait le tort d’avoir un bélier noir », Ouest-France, 26 septembre 2014.
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[13]
Sophie Capelle, « Le bélier noir a enfin été retrouvé », Ouest-France, 4 février 2015.
-
[14]
Portrait de Stéphanie Maubé, éditions du Rouergue. Voir la vidéo : <https://www.youtube.com/watch?v=bw3YYOozVUA> (consulté le 20/03/2020).
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[15]
Maud Lescoffit, « Les moutons de l’Avranchin retrouvent leurs terres », Ouest-France, 29 septembre 2016.
-
[16]
Maud Lescoffit, « Une marque de laine avranchine », Ouest-France, 15 février 2017.
-
[17]
Caroline Gaujard-Larson, « La bergère contrainte d’arrêter son troupeau », Ouest-France, 8 novembre 2017.
-
[18]
Guillaume Le Du, « Stéphanie Maubé a quitté sa vie parisienne pour élever des moutons dans le Cotentin », Ouest-France, 20 février 2020.
-
[19]
Voir les résultats complets sur le site internet : <https://elections.interieur.gouv.fr/municipales-2020/050/050267.html> (consulté le 20/03/2020). Romain Le Bris, « Stéphanie Maubé devient maire de Lessay », Ouest-France, 24 mai 2020.
-
[20]
Isabelle Bordes, « La liste de Stéphanie Maubé remporte la mairie », Ouest-France, 15 mars 2020.
-
[21]
Lorrie Gourdin, « Près de Bayeux, Arnaud Paiola fabrique des pâtes avec des variétés anciennes de blés issus de sa ferme », La Renaissance Le Bessin, 15 septembre 2019. <https://actu.fr/societe/pres-bayeux-arnaud-paiola-fabrique-pates-des-varietes-anciennes-bles-issus-sa-ferme_27190187.html> (consulté le 12/06/2020).
-
[22]
Voir le site internet : <https://www.societe.com/societe/earl-trait-nature-532225844.html> (consulté le 12/06/2020).
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[23]
Voir les informations légales : <https://actulegales.fr/recherche/siren/532225844> (consulté le 12/06/2020).
-
[24]
« Elle devient boulangère paysanne », Ouest-France, 13 février 2015.
-
[25]
« Puits pollué, une ferme bio sans eau depuis quatre mois », Ouest-France, 23 avril 2016.
-
[26]
Comme l’exprime sa fournisseuse de farine afin d’excuser son absence lors d’une assemblée générale de l’Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne du Domfrontais et expliquer sa présence lors d’une distribution à venir : « comme ses enfants seront chez le père, elle sera à l’Amap » [observations directes, collectif rocs, octobre 2016].
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[27]
Voir son témoignage dans cette vidéo : <https://www.toutpourchanger.com/de-laudiovisuel-aux-brebis-le-changement-de-vie-de-stephanie/> (consulté le 12/06/2020)
-
[28]
Deux sites internet de gestion d’entreprises font état d’un capital social s’élevant à 284 000 euros mais signalent toujours son ex-mari comme cogérant : <https://dirigeant.societe.com/dirigeant/Charlotte.PAIOLA.69322400.html et www.societe.com/societe/earl-trait-nature-532225844.html> (consulté le 23/03/2020).
-
[29]
Voir l’annonce en ligne : <http://attelagesbovinsdaujourdhui.unblog.fr/2015/09/20/urgent-vends-boeufs-de-race-jersiaise-la-lande-st-simeon-61/> (consulté le 23/03/2020).
-
[30]
Parmi des « néoruraux » bio (2015-16).
-
[31]
On peut retrouver son parcours scolaire sur son profil sur le site suivant : <http://copainsdavant.linternaute.com/p/charlotte-eymard-19127212> (consulté le 12/06/2020).
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[32]
Jérôme Lefilliâtre et Sabrina Mariez, « Stéphanie Maubé, la laine fraîche », Libération, 26 février 2019 : <https://www.liberation.fr/france/2019/02/26/stephanie-maube-la-laine-fraiche_1711726> (consulté le 12/06/2020).
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[33]
« De bons retours de l’opération Manger bio et local », Ouest-France, 29 septembre 2016.
-
[34]
À titre d’exemple, on peut citer le chargé de communication d’un collectif de producteurs, artisans, militants pour les plantes aromatiques et médicinales (Pam-pam) dont bon nombre sont installé·e·s en Suisse Normande ornaise, à proximité de l’agricultrice qui nous intéresse : « D’une moyenne d’âge de 30-45 ans majoritairement féminine, nous sommes d’horizons divers, en reconversion du maraîchage, de l’arboriculture, docteur en pharmacie, artiste, écologue gestionnaire d’espaces naturels. ». « 3e Fête des plantes à la Roche d’Oëtre samedi », Ouest-France, 9 novembre 2017.
-
[35]
Institut national de la statistique et des études économiques 2008-2010, cité dans Ouest-France du 17 décembre 2015.
1Jeune bergère, film sorti en 2018, retrace l’entrée en agriculture d’une Parisienne quittant son travail dans l’audiovisuel pour s’installer comme éleveuse de brebis dans les prés-salés de Lessay, dans la Manche [1]. Ce mode de vie ne convient pas à son compagnon grâce à qui elle avait découvert le Cotentin. Ils se séparent et la néoagricultrice reste seule pour élever leur fils et conduire son troupeau. Largement médiatisée, cette trajectoire « atypique » [Lemarchant, 2017] semble déjouer la précarité et la domination structurelle que connaissent les agricultrices qui divorcent et perdent bien souvent travail et domicile [Bessière et Gollac, 2014]. Ceci surprend quand s’installer en agriculture reste encore une affaire de couple [Barthez, 1982]. Comme pour une autre éleveuse-boulangère atypique du bocage ornais [2], ces agricultrices divorcées/séparées résistent sans l’appui du « couple conjugal/couple de travail » ou du « couple complémentaire » [ibid.] qui peut sécuriser les installations alternatives par des revenus issus du salariat. À partir de ces situations, cet article propose une approche empirique basée sur deux études de cas sans prétendre généraliser. La réflexion « en termes de cas négatifs [et] de cas limites » [Hamidi, 2012] ouvre de nouvelles questions de recherche pour une approche matérialiste du genre [Clerval et al., 2015] en études rurales et agricoles, inscrivant le patriarcat dans une imbrication des rapports de domination, qui considère l’inégalité économique comme fondement de groupes sociaux antagonistes [ibid.]. Entre des modes de production atypiques et une entrée en agriculture tardive avec de fortes dotations en capitaux culturels, dans des contextes sociodémographiques plutôt favorables [Bermond, Guillemin et Maréchal, 2019], certaines agricultrices témoigneraient-elles d’expériences de séparation moins défavorables que d’autres entrées en agriculture de manière plus endogène et dans des filières plus dominantes ? Alors qu’en maraîchage biologique des « néo-rurales » [3] d’origine urbaine et diplômées sont « exploitée[s] en couple » [Samak, 2017], est-ce lié au secteur de l’élevage ? Certaines configurations « dans lesquelles les propriétés sociales des individus jouent d’une façon plus complexe, [permettraient-elles] des compensations inattendues » [Jaunait et Chauvin, 2012, p. 13] ? Après un bref état de la littérature relatif à la place du couple conjugal et à la domination masculine en agriculture, nous exposerons deux études de cas avant de discuter la pertinence des questions de recherche par un retour à la littérature.
Encadré méthodologique
La revue de presse a ainsi mis au jour deux éleveuses biologiques et proches de la Confédération paysanne, séparées de leurs conjoints et exposées à des difficultés sociales et financières. L’éleveuse-boulangère dans le bocage ornais et son exploitation agricole sont médiatisées via dix articles parus entre les mois d’août 2015 et septembre 2016, avec une répartition dans la hiérarchie des rubriques du quotidien comme suit : sept en pages locales, deux en page régionale (Normandie) et un en page nationale (France). L’autre agricultrice, bergère, transforme des plantes sauvages et son exploitation, ses engagements associatifs et politiques sont médiatisés, entre autres, par neuf articles du même quotidien entre le 26 septembre 2014 et le 24 mai 2020. Sept sont publiés en page « Normandie ». Cette éleveuse a, par ailleurs, été rencontrée lors d’une table ronde du colloque Les « Petites Gens » de la Terre, organisé à l’Université de Caen en 2014. Du fait du caractère public de ces articles parus dans le premier quotidien national [4] – outre l’accord de la première éleveuse pour publiciser ce travail [5] – les sources seront citées sans procédure d’anonymisation pour les études de cas. Mais, avant toute chose, il paraît nécessaire d’apporter quelques précautions méthodologiques quant aux matériaux accumulés. L’un des défauts de la presse – sa tendance à l’uniformisation des discours [Le Lay et Germaine, 2017] – peut être vu comme un atout, dès lors qu’elle offre des contenus similaires autorisant la comparaison.
Les articles ne renseignent pas tous les déterminants de la divortialité en agriculture (origine sociale des ex-conjoints, écart d’âge au mariage/à la mise en couple, capitaux économiques respectifs lors de l’union, type de mariage – séparatiste/communautaire – et nature de la procédure de divorce pour l’une, partage éventuel des investissements immobiliers pour l’autre). Les données biographiques et contextuelles ont été peu à peu consolidées par des observations participantes répétées à l’occasion de réunions publiques, d’assemblées générales d’Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) et de réunions familiales. Au final, parce que les histoires de ces femmes sont newsworthy (ce qui mérite de faire l’actualité [Le Lay et Germaine, 2017]), une presse abondée d’observations participantes illustre comment elles sont érigées en figures paysannes locales. L’absence d’entretiens (évidemment difficiles à négocier, délicats à mener du fait d’une verbalisation et objectivation « douloureuse » des expériences vécues) ne permet pas une réflexivité sur les pratiques. Mais la mobilisation de la presse, parce que « nombre d’acteurs locaux – élus, [autres agriculteurs], associations – s’y font entendre » [ibid.], aide à restituer leurs trajectoires récentes dans l’espace local. Pour définir les contextes sociodémographiques dans lesquels s’inscrivent ces exploitations agricoles, des analyses diachroniques du recensement de population (Insee) sont réalisées.
Couple et divorce en agriculture
Des transformations du couple dans le modèle de l’exploitation familiale…
2Si le champ de la sociologie agricole a connu un certain renouveau théorique et méthodologique dans le contexte de transformations très rapides de l’après-guerre [Alphandéry et Sencébé, 2009], l’émergence des approches par le genre se fait plus tardivement, non sans lien avec la féminisation des recrutements dans le milieu de la recherche. Il faut attendre la décennie 1970, et surtout celle de 1980, pour voir publiés quelques articles et des ouvrages fondateurs [Segalen, 1980 ; Rogers, 1980 ; Barthez, 1982 ; Lagrave, 1987 ; Rieu, 1989 ; Jacques-Jouvenot, 1997]. Une fois l’accent mis sur les inégalités juridiques et symboliques dans l’accès au statut professionnel d’exploitant·e agricole, sur les effets de genre liés à l’imbrication de temps sociaux inégalement valorisés au sein des professions indépendantes (travail domestique versus travail professionnel), les études de genre en agriculture s’ouvrent, dans les décennies 1990 et 2000, à de nouvelles problématiques : progression du travail des conjointes hors de l’exploitation familiale et ses effets sur l’autonomisation des membres de la famille [Bessière, Giraud et Rénahy, 2008] ; recomposition du travail conjugal agricole du fait de nouvelles activités liées au développement de l’agrotourisme [Giraud, 2001], aux circuits courts de commercialisation ou à l’agrobiologie, féminisant les responsables d’exploitation [Bermond, Guillemin et Maréchal, 2019] ; transformation des normes et identités professionnelles agricoles facilitant l’exercice autonome de la profession par des femmes entrepreneuses non issues du milieu agricole [Rieu, 2008] ; effet des unions hétérogames et de l’élargissement de l’aire matrimoniale des agriculteurs sur les stratégies scolaires des enfants et les logiques de transmission d’exploitation [Giraud et Rémy, 2008].
3C’est désormais une des transformations majeures de l’agriculture familiale contemporaine : la place des femmes a considérablement évolué au sein des mondes agricoles lors du dernier demi-siècle, qu’elles soient agricultrices ou non, originaires du milieu agricole ou pas. Pour celles devenues agricultrices, leurs activités s’exercent plus souvent que par le passé sous un statut social reconnu par la législation, ouvrant des droits en matière de protection sociale et de retraite. Elles dirigent un quart des exploitations françaises en 2010, contre 8 % en 1970 [Laisney et Lerbourg, 2012]. Et, si la plupart d’entre elles entrent dans la profession agricole par leurs liens conjugaux [Giraud et Rémy, 2008], une part croissante des agricultrices s’installe en dehors de toute parenté ou alliance. Mais la transformation la plus importante réside dans la professionnalisation des conjointes en dehors de l’exploitation, autant par recherche d’indépendance professionnelle et financière que par souci de sécurisation des revenus du ménage dans un contexte de crise agricole. C’est dans ce contexte qu’ont émergé récemment des travaux mettant en lumière des histoires de rupture conjugale dans un monde réputé stable – la visibilité sociale des divorces renforçant pour certains agriculteurs la symbolique d’un monde en crise. Encore faibles chez les agriculteurs en regard d’autres groupes sociaux, ces ruptures peuvent être vécues par les protagonistes comme cruciales à travers la mise en péril de l’entreprise, voire d’un patrimoine familial à transmettre.
…à la perpétuation de la domination masculine et de l’exploitation conjugale au sein des mondes agricoles
4L’article de Céline Bessière et Sibylle Gollac [2014] sur les exploitations agricoles à l’épreuve du divorce se base sur une vingtaine de dossiers judiciaires impliquant un agriculteur ou une agricultrice. Elles rappellent d’abord qu’en agriculture, l’accroissement des unions libres, de la rupture de la première union, le développement du salariat féminin hors exploitation ou encore le choix des régimes matrimoniaux séparatistes « permettent d’anticiper les risques des séparations conjugales, en présence d’une entreprise familiale qui constitue l’assise d’un statut social qu’il s’agit aussi de transmettre » [ibid., p. 78] [6]. Certains dossiers éclairent « la faillite d’un couple et d’une exploitation » sur la base de propriétés communes : il s’agit d’exploitations maraîchère et laitière à fort taux de travail conjugal. Pour les exploitations résistant au divorce, les auteures insistent sur l’importance « des conditions d’acquisition du patrimoine productif » [ibid., p. 88]. Céline Bessière et Sybille Gollac pointent que « lorsque les agriculteurs sont issus d’une lignée d’agriculteurs – qui plus est bien dotée et soucieuse de la pérennité de son patrimoine – ils ont peu de chance de voir leur exploitation, et donc leur statut social, mis en danger par un divorce. » [ibid., p. 92]. Elles constatent que les procédures de divorce intègrent peu la contribution économique des femmes et les contraignent à rester solidaires de leur ex-époux agriculteur au-delà de la séparation. Les inégalités qu’elles subissent se fondent sur le sacrifice de leurs conditions de vie auquel est lié le maintien de la position de leur ex-conjoint [ibid., p. 98], au détriment de leur situation patrimoniale, alors même qu’elles perdent leur logement, parfois leur travail. Les auteures concluent que « la perpétuation de la domination masculine, selon des modalités renouvelées, participe à la reproduction de groupes sociaux agricoles inégalement dotés. » [ibid., p. 99]. Pour les couples stables, une enquête basée sur 86 entretiens a montré que négocier le partage des tâches au sein des couples d’exploitants agricoles fait aussi « prévaloir une logique économique » et la défense d’intérêts communs conjugaux, ce qui assigne les femmes à l’édification de la famille, support de l’exploitation agricole construite par les hommes [Comer, 2016]. Les néorurales d’origine urbaine et diplômées ont-elles réinventé les normes de genre professionnelles ? Une enquête sur le maraîchage biologique maralpin infirme cette hypothèse et montre que l’exploitation conjugale s’y double de l’invisibilisation du travail des conjointes par la non-déclaration [Samak, 2017]. Le « prix du retour » [ibid.] à la terre serait-il forcément celui d’un recul statutaire ? Et, pour le divorce [Bessière et Gollac, 2014] celui de quitter la ferme familiale et perdre travail et logement ? Les deux études de cas à suivre constituent des exceptions à la règle, dont elles valident toutefois certains déterminants.
Séparations conjugales, deux éleveuses résistent
5On peut considérer les deux éleveuses séparées comme des agricultrices alternatives : installation hors cadre familial, production biologique, élevage de races à petits effectifs, commercialisation en circuits courts, transformation et accueil à la ferme. Voyons ce que la presse révèle de leurs trajectoires récentes.
L’éleveuse-boulangère divorcée sauve sa ferme grâce à la finance solidaire
6Voici la Une à l’origine de la première étude de cas [doc. 1]. Par les sources mobilisées, l’histoire de cette agricultrice divorcée commence le 27 août 2015, alors qu’elle se trouve dans une situation financière difficile. L’article de cette édition nous apprend que suite au divorce entre l’agricultrice et son mari associé, l’exploitation agricole est en redressement judiciaire, avec obligation de rassembler 30 000 euros pour sauver le cheptel et 50 000 euros pour relancer l’activité. Ami·e·s et confrères/sœurs lui suggèrent de solliciter du financement participatif via le site dédié KissKissBankBank. Le 26 août 2015, à 18 h 00, 26 423 euros [7] sont collectés. L’opération réussit partiellement dans un premier temps puisque 36 238 euros sont récoltés le 28 août 2015 [8], et finalement 48 840 € le 1er septembre 2015. S’ajoutent 6 000 euros reçus par voie postale. L’agricultrice dispose ainsi de 54 840 euros pour la sauvegarde du troupeau et la relance partielle de son activité agricole. Elle décrit ainsi à la journaliste les donateurs et donatrices : « Des personnes qui souhaitent […] une agriculture plus paysanne, en équilibre avec la nature » [9].
Extrait de la Une de l’édition ornaise de Ouest-France du 27 août 2015
Extrait de la Une de l’édition ornaise de Ouest-France du 27 août 2015
7Malgré des soutiens tels que l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs [10], le financement participatif ne permet pas d’atteindre la somme pérennisant l’exploitation, en raison de la défection d’une personne devant apporter le solde nécessaire. L’association Les amis du Ronfil, Histoire paysanne, alors créée ad hoc, organise une « soupe partie » pour lever les fonds et régler le redressement judiciaire. Après les 700 premières donations, 150 personnes participent à la « soupe partie », certaines venues de l’agglomération de Caen ou de la Mayenne. L’une d’elles explique : « Nous ne connaissions pas la ferme avant, nous avons pu voir ce que fait réellement Charlotte, la richesse en biodiversité du site et comment elle met un point d’honneur à gérer sa ferme dans les meilleures conditions pour les animaux, l’environnement et, surtout, notre paysage bocager » [11]. Sa trésorière rappelle la finalité de l’association : soutenir la ferme du Ronfil en préservant les espèces animales du terroir, les variétés botaniques anciennes, en restaurant le bâti, en créant un lieu participatif de partage des savoir-faire, d’entraide, d’expositions, de conférences-débats et de fêtes. De nombreuses personnes adhèrent à l’association lors de la soupe partie À ce jour, l’exploitation est conduite par l’agricultrice, séparée de son ex-mari associé, tandis qu’elle a la garde de leurs enfants. Elle connaît toujours des difficultés liées ou non au divorce : diversification de l’exploitation contrariée, débouchés commerciaux fragilisés et précarité résidentielle.
Mère célibataire, la jeune bergère est devenue maire de Lessay
8À la fin des années 2000, Stéphanie Maubé vit à Paris où elle travaille comme assistante de réalisation et de production, puis comme graphiste free-lance, en parallèle d’un salariat dans l’informatique. Elle souhaite se reconvertir et son compagnon lui fait découvrir le Cotentin. Ils décident d’y habiter avec leur jeune fils et elle s’installe en 2011 comme éleveuse de brebis à Saint-Germain-sur-Ay, en agriculture biologique. Ce nouveau mode de vie ne convient pas à son conjoint, ils se séparent. D’autres vicissitudes la projettent sur le devant de la scène médiatique. Élevant un troupeau de 180 brebis de race de l’Avranchin (petit effectif menacé d’extinction), elle introduit un bélier au pelage noir à des fins de préservation génétique de la race. Le pâturage est collectif dans les prés-salés des havres de Lessay et Geffosses. Des éleveurs et éleveuses contestent cette introduction. D’abord séquestré, le bélier est volé. Elle dépose une plainte. La Chambre d’agriculture la désavoue en se référant au cahier des charges de l’appellation d’origine contrôlée (aop) prés-salés. L’éleveuse démissionne du cahier des charges, ne se sentant ni acceptée, ni « prise au sérieux » [12]. Cinq mois plus tard, les gendarmes lui restituent son bélier, après perquisition chez une éleveuse qui fait pâturer dans le même havre. Selon elle, le vol sert à limiter les saillies après la mise bas de cinquante-six agneaux noirs, disant avec un autre éleveur que ce bélier n’avait pas les certifications de garantie sanitaire, au risque de pertes financières à l’abattage de sa descendance [13]. Outre cette intégration locale contestée (au vol s’ajoutent des destructions de clôtures dans des parcelles privées), l’exploitation agricole peine à démarrer du fait des emprunts et du marché de la viande peu rémunérateur. Dans son portrait vidéo posté sur le site internet des Éditions du Rouergue qui publient son autobiographie en 2020, elle témoigne de ses difficultés : « Au début, je ne souhaitais pas être militante, mais j’ai découvert que chaque fois que je voulais faire entendre mes droits, ça devenait un combat pour faire reconnaître le fait que j’étais une femme, que j’étais indépendante, que j’étais mère célibataire, que je faisais certains choix techniques dans les races que je voulais élever » [14]. Malgré la précarité et les violences subies, l’éleveuse résiste. Elle devient présidente de l’association du Mouton de l’Avranchin, qui promeut la deuxième meilleure race pour la laine, par ailleurs « très plébiscitée en gastronomie » [15]. Début 2017, elle réunit « une vingtaine d’éleveurs, artisans, artistes et sérigraphistes du Grand Ouest » pour créer une marque collective de textile à base de laine de mouton de l’Avranchin [16]. Mais les problèmes resurgissent, après des « désaccords successifs » avec la Fédération des chasseurs de la Manche qui gère la zone Natura 2000 du havre de Geffosses : l’éleveuse décide d’arrêter l’élevage d’un de ses deux troupeaux qui pâturait ces prés-salés, « face aux contraintes d’exploitation et aux obstacles rencontrés » [17]. Ce choix est rendu possible par l’accroissement de son chiffre d’affaires lié à la diversification de son exploitation. Elle ne peut agrandir son troupeau quand « les arbitrages de la profession, au moment d’accorder des terres, ne lui sont pas favorables », mais se lance dans l’accueil pédagogique à la ferme, la transformation de plantes sauvages des prés-salés pour la vente de thés et infusions ainsi que dans des chroniques sur France tv Info. La vente de viande ovine constitue la moitié de son chiffre d’affaires [18]. Plus que résister, elle s’établit localement en devenant maire de Lessay, élue au premier tour des élections municipales 2020 (59 % de participation), avec 58 % des suffrages exprimés [19]. Elle devance contre toute attente la candidate de la droite soutenue par le maire sortant, l’ancien maire et ex-président du conseil départemental et par le président de la Région Normandie [20].
Des capitaux et effets de contextes compensatoires ?
9Alternatives par leur activité agricole et leur trajectoire, ces éleveuses sont aussi atypiques au regard de leurs situations conjugales sitôt après l’installation agricole : divorcée ou séparée. Contrairement à la plupart des cas étudiés par Céline Bessière et Sibylle Gollac [2014], elles restent à la tête d’exploitations agricoles en élevage. Pour l’éleveuse-boulangère, l’installation est un projet conjugal, tandis que pour la bergère, le projet individuel de reconversion impliquant déménagement et changement de vie est à l’origine de sa séparation. Sur des exploitations d’élevage au taux de travail conjugal élevé et donc moins propice à la pérennité de l’exploitation, s’ajoutent la transformation à la ferme et la vente en circuits courts. Avec « un temps de travail important et/ou à des horaires précis […] », la charge de travail est tributaire des consommateurs « qui dictent durées et horaires de cette commercialisation. » [Aubry, Bressoud et Petit, 2011, p. 24].
10Toutes deux déjouent la trajectoire typique des agricultrices divorcées alors même qu’elles cumulent des difficultés liées à leurs systèmes d’exploitation. Après leur divorce, l’ex-mari de l’éleveuse ornaise, petit-fils d’agriculteurs augerons, diplômé d’un bac professionnel agricole, poursuit la culture de cinquante hectares et l’élevage de trente bovins sur son exploitation localisée à la frontière de la Manche et du Calvados, convertie au bio en 2008 (il s’y était installé en 2004) [21]. L’éleveuse doit a priori racheter une partie du capital de leur Exploitation agricole à responsabilité limitée (earl) créée en 2011. Les ex-époux en sont chacun·e mandataires et gérant·e·s, et le capital social s’élève à 284 000 € [22]. L’entreprise est placée en redressement judiciaire deux ans environ [23] après leur séparation [24]. Elle se montre atypique, jusque dans la stratégie déployée face au redressement judiciaire, recourant au financement participatif sans choisir une plateforme dédiée à l’agriculture (Miimosa ou BlueBees). Enfin, son élevage, sans valorisation de la viande, dénote dans le bocage normand et les prestations d’écopâturage lancées se développent généralement en ville [Darly, 2014]. Mais ce caractère atypique n’épargne pas l’éleveuse-boulangère d’une précarité post-divorce : mesure de redressement judiciaire (résolue depuis), conflit de voisinage dont nous reparlerons [25] car il contrarie un projet de diversification entrepreneuriale, précarité résidentielle et dépendance vis-à-vis de la garde paternelle des enfants pour certaines activités commerciales [26]. Quant à Stéphanie Maubé, les rendez-vous avec le comptable qui jalonnent le film biographique Jeune Bergère, attestent des difficultés financières de l’exploitation les premières années. Ses plaintes déposées en gendarmerie rappellent la persistance des difficultés sociales rencontrées. Séparée, privée de revenus issus de salariat extérieur à l’exploitation, elle ne se prélève avant la diversification que 600 € par mois [27] et devient mère célibataire d’un jeune enfant quand son troupeau l’astreint à un travail quotidien, à toute heure et parfois en urgence.
Résister à la séparation : le rôle de différentes espèces de capitaux pour deux éleveuses atypiques
11Si ces éleveuses déjouent les tendances associées au divorce ou à la séparation conjugale en agriculture, leur atypicité semble bien réglée socialement. L’analyse de leurs propriétés sociales en témoigne. Au sujet du capital économique, nous ignorons si l’éleveuse ornaise était entièrement propriétaire ou non du logement et de l’outil de production lors du mariage, et dans quels termes cela s’est réglé financièrement dans le cadre de la procédure de divorce [28]. D’autres dimensions économiques de l’exploitation sont à observer, notamment ses quarante-cinq hectares et trente vaches laitières, inférieurs à la surface moyenne et à la taille moyenne du troupeau des exploitations laitières françaises (cinquante et un hectares de moins et onze vaches de moins que la moyenne nationale). La précarité financière post-divorce est critique pour cette petite exploitation : en pleine procédure de redressement judiciaire, elle annonce en urgence la vente de deux bœufs jersiais faute de place pour les élever [29]. Pour l’éleveuse de la Manche, le logement est un facteur de stabilité. Un maçon spécialisé terre crue, rencontré pendant notre enquête ethnographique [30], nous a indiqué qu’il a participé à réhabiliter la longère qu’elle a achetée et dont elle est l’unique propriétaire. Mais d’un point de vue professionnel, une grande partie des prés-salés où ses brebis pâturent est exploitée en fermage (300 hectares). La taille de son troupeau (qui passe de 180 à 130 brebis) montre qu’elle conduit une petite exploitation : elle est inférieure à la taille moyenne d’un troupeau éligible à la prime « brebis » en 2010 (238 ovins). Elle explique qu’il lui faudrait 300 animaux pour vivre des ventes de viande. Les capitaux économiques exploités par ces deux éleveuses sont donc limités.
12Elles activent d’autres espèces de capitaux pour pérenniser leurs exploitations agricoles, notamment leur capital culturel. Le document ii, une capture d’écran du site internet de l’exploitation agricole de l’éleveuse ornaise, témoigne de la mise en avant du capital culturel certifié grâce à son cursus scientifique : après son baccalauréat obtenu en 1998 dans un lycée privé de la Manche, elle obtient une licence de droit en 2001, qui lui donne accès à une formation certifiante de l’European School of Animal Osteopathy de Brighton en 2001-2002, poursuivie à la Faculté libre d’étiopathie de Bretagne à Rennes jusqu’en 2005 [31], sans mention de diplôme mais signifié par l’emploi d’un vocabulaire académique. Stéphanie Maubé, elle, est issue d’une famille aisée de l’Ouest parisien (son père était cadre dans l’informatique) et décrit à Libération « une enfance serre-tête en velours, bcbg, mais pas très catho ». Elle suit des études de cinéma et commence sa carrière parisienne comme intermittente du spectacle en 2001 [32]. Ces deux néoagricultrices se revendiquent de l’agriculture paysanne qui renvoie de fait à : « des mobilités sociales guidées d’abord par l’accumulation du capital culturel [conduisant] à une rupture à la fois de l’ordre familial et de l’ordre social agricole » [Laferté, 2014, p. 47].
Présentation de l’exploitation et de l’éleveuse sur le site internet de l’entreprise
Présentation de l’exploitation et de l’éleveuse sur le site internet de l’entreprise
13Cette rupture avec l’ordre social agricole renvoie, chez la première à l’élevage, opposée à la souffrance animale et à l’abattage pour la boucherie, chez la deuxième à l’introduction d’une race marginale dans une pâture collective labellisée, contre l’avis d’autres berger·e·s. L’autobiographie et le biopic qui lui est consacré relatent une forte dotation en capital culturel dont fait état la bergère Manchotte. La conversion des savoir-faire qualifiés et réseaux professionnels (graphisme, marketing, production et réalisation audiovisuelles) d’avant son installation permettent la diversification financière de son exploitation agricole. À ces pratiques agricoles alternatives, à l’interface du mode de production et du style de vie, correspond un capital social spécifique. En effet, la protection animale et de l’environnement [Luglia, 2015], comme la consommation en circuits courts [Richard et al., 2014] sont des pratiques socialement sélectives qui recrutent parmi les fractions diplômées des catégories sociales supérieures. C’est vrai pour l’éleveuse ornaise, avec par exemple ses clientes et collègues de l’Association pour le maintien d’une agriculture paysanne du Domfrontais (dont certain·e·s sont ses ami·e·s), où on remarque une surreprésentation des cadres et professions intellectuelles supérieures (selon le Collectif pour la revisite de l’observation du changement social Rocs – Fig 1). En fait, son capital culturel prend une forme de capital symbolique dont la reconnaissance et la légitimation passent par plusieurs canaux.
Professions et catégories socioprofessionnelles dans le Domfrontais et au sein de l’Amap du Domfrontais
Professions et catégories socioprofessionnelles dans le Domfrontais et au sein de l’Amap du Domfrontais
14Le traitement médiatique des difficultés de l’éleveuse-boulangère constitue une première forme de capital symbolique. S’ouvrant par la « une » du premier quotidien français, le traitement de sa situation par les médias peut s’apparenter au principe de remontée médiatique [Neveu, 2010]. Sur la première séquence médiatique de l’été 2015, l’affaire, d’abord traitée en pages régionale et locale, va l’être en page nationale, certes par la même journaliste, à l’issue du financement participatif. La reconnaissance des capitaux de cette agricultrice passe aussi par la labellisation, la tenue d’un marché paysan organisé par la Confédération paysanne sur sa ferme, le succès du financement participatif et la création d’une association de soutien à vocation patrimoniale. On ne connaît ni sa socialisation, ni la nature de l’acquisition des savoirs (-faire) structurant son capital symbolique, qui s’approche pourtant d’une forme de capital militant [Matonti et Poupeau, 2004]. D’abord, les sources mobilisées révèlent la proximité de l’agricultrice avec le syndicat Confédération paysanne. Puis, la labellisation à l’œuvre constitue une valorisation de ses espaces de vie et de production, grâce à un réseau composé notamment d’associations naturalistes (l’Association pour la protection des animaux sauvages et le Groupe ornithologique normand). Or, ces réseaux militants et labellisations associées sont bien mobilisés dans le champ entrepreneurial et pas strico sensu dans le champ politique ou militant. L’éleveuse-boulangère semble donc bénéficier d’un « taux de change » favorable [ibid.], d’une forme de capital militant vers son capital économique (acquisition de labels, diversification de l’activité, constitution d’une clientèle ou d’un réseau d’investisseurs solidaires). Si des similitudes existent pour la bergère du Cotentin, le capital symbolique de Stéphanie Maubé prend surtout et finalement une forme de capital politique. À travers leurs discours et leurs pratiques agricoles, qu’elles veulent respectueuses de l’environnement et du bien-être animal, ces deux éleveuses appréhendent leur travail comme une prise de position écologiste qui passe par « la politisation du moindre geste » [Pruvost, 2015] : par exemple, « respect des conditions de vie d’un ruminant » pour la bergère dont les agneaux et les mères pâturent ensemble en plein air, non-abattage des animaux et aménagement d’habitats faunistiques pour l’éleveuse-boulangère.
Des effets de contexte compensatoires ?
15Les capitaux mobilisés par ces éleveuses divorcées ou séparées apportent des éléments de compréhension de leur atypicité mais ces propriétés sociales prennent tout leur sens à l’aune des contextes au sein desquelles elles s’actualisent. Lors d’événements tel qu’un petit-déjeuner bio organisé à la ferme du Ronfil, il est apparu que l’origine géographique des participantes correspondait au chef-lieu de canton Athis-de-l’Orne et aux villages alentour [33], un espace rural populaire en recomposition sociale. Cet ancien canton voit le profil sociodémographique de sa population se transformer : la part des ouvriers et ouvrières diminue fortement quand celle des professions intermédiaires et des cadres s’accroît [Fig. 2].
Professions et catégories socioprofessionnelles parmi la population de 15 ans et plus dans l’ancien canton d’Athis-de-l’Orne en 1999 et 2016
Professions et catégories socioprofessionnelles parmi la population de 15 ans et plus dans l’ancien canton d’Athis-de-l’Orne en 1999 et 2016
16Au cœur d’une Suisse Normande aux aménités environnementales recherchées, situé en troisième couronne caennaise, ce canton, encore majoritairement populaire, connaît un renouvellement générationnel du marché des maisons par migration résidentielle des professions intermédiaires depuis des pôles urbains environnants [Bermond et Marie, 2018]. Les recompositions sociales des campagnes peuvent être également liées au développement des circuits courts de proximité pratiqués par les deux éleveuses, divorcée ou séparée, néoagricultrices mais aussi nouvelles arrivantes. Les circuits courts, en partie développés ici par des néoruraux, trouvent un écho favorable auprès de nouveaux arrivants aux capitaux économique et culturel plus élevés, réceptifs aux démarches de consommation locale. Comme l’ont observé Richard et al. [2014] dans le Parc naturel régional du plateau de Millevaches, les profils socioculturels des producteurs et productrices et des ménages nouvellement installés tendent ici à converger. La mise en commun des réseaux sociaux révélés par les partenariats producteurs/trices-consommateurs/trices développe, en retour, de nouvelles formes d’alliance socioculturelle entre des fractions alternatives du monde agricole et des populations locales en renouvellement. Ces observations rejoignent aussi celles de Jean-Baptiste Parenthoën dans son étude d’une Amap du Maine-et-Loire : « La constitution d’une Amap peut être réintégrée dans le processus plus général de recomposition des espaces ruraux : […] maintien d’une frange stabilisée du salariat public, associée à l’émergence d’une population agricole plus dotée culturellement [et] participe à la constitution d’un groupe social relativement homogène, qui a vocation à intervenir au sein de l’espace local. » [Paranthoën, 2013, p. 130]. Ces situations sont comparables aux cantons dans lesquels sont installées ces éleveuses atypiques [34]. Pour Stéphanie Maubé, l’intervention locale s’illustre par la constitution d’une liste victorieuse aux élections municipales, qui préside à son élection comme maire d’une commune où l’agro-industrie domine [Guillemin et al., 2018].
17Même si ces figures réinterrogent les analyses de la domination masculine en agriculture au prisme du divorce, ces éleveuses subissent néanmoins une précarité post-divorce dont les déterminants dépassent le statut d’indépendante : d’après une enquête conduite entre 2008 et 2010, l’Insee concluait que « dans l’année qui suit la rupture d’un couple, le niveau de vie des hommes s’accroît en moyenne, de 3,5 %, alors que celui des femmes baisse de 14,5 %. » [35]. Et l’Institut national de la statistique et des études économiques de rappeler, qu’à l’issue d’un divorce, 75 % des gardes sont maternelles et seulement 16 % sont partagées. L’appartenance de sexe dans le système patriarcal précarise, pour un temps, ces éleveuses. En termes de rapports sociaux, leur appartenance aux fractions culturelles et alternatives de la petite bourgeoisie agricole est à analyser à plusieurs niveaux. Au sein de la profession, si l’on regarde leurs régions agricoles d’exercice, elles se tiennent en marge de bocages laitiers où les agricultrices sont nombreuses et surreprésentées par rapport à leur part dans les effectifs nationaux ou du Grand Ouest français [Lemarchant et Marie, 2014]. Ces chiffres sont à considérer en termes d’insertion aux réseaux professionnels locaux. Autant que la moindre féminisation locale de la profession agricole, leurs dispositions politiques interviennent aussi dans les rapports sociaux qu’elles entretiennent avec leurs voisins agriculteurs. Et leur proximité avec la Confédération paysanne s’accompagne d’une « rupture à l’ordre social agricole établi » [Laferté, 2014]. Leurs conflits d’usages sont à considérer à l’aune de cet autre champ de forces. L’eau du puits consommée par l’éleveuse ornaise et ses enfants, utilisée pour fabriquer son pain et abreuver ses bêtes, est polluée selon elle par un tas de fumier entreposé par son voisin agriculteur. En litige, elle n’obtient pas le soutien du maire de la commune qui lui refuse l’autorisation de créer un camping à la ferme pour cause de pollution et renvoie l’affaire au cadre privé. Les compagnies d’assurances proposent une dépollution chimique qu’elle refuse, en cohérence avec sa labellisation biologique. Quant à Stéphanie Maubé, les conflits fonciers et zootechniques avec la fédération départementale de chasse ou les bergers de l’appellation de prés-salés la conduisent à se rapprocher de la Confédération paysanne, à abandonner l’agrandissement de son troupeau au profit d’activités de diversification. Ainsi, dans le cadre de luttes de classement entre fractions agricoles, elles apparaissent structurellement dominées au même titre que la Confédération paysanne, ou les Non issu·e·s du milieu agricole (nima) en recherche de foncier agricole [Baysse-Lainé, 2019]. Refusant l’accumulation productiviste, elles résistent grâce à une légitimité extérieure aux mondes agricoles [Laferté, 2014], en s’appuyant sur des fractions sociales plus favorisées dont la présence progresse dans certains types d’espaces ruraux littoraux ou pittoresques [Bermond et Marie, 2018].
18* * *
19Ces deux éleveuses constituent des « cas négatifs » [Hamidi, 2012] de l’analyse de Céline Bessière et Sybille Gollac [2014], car elles restent structurellement dominées et précarisées dans le cadre de séparations conjugales. Comme « cas limites » [Hamidi, 2012], elles paraissent plus éloignées des tendances liées aux recompositions familiales en agriculture mais valident la théorie selon laquelle les séparations sont vécues différemment par les femmes agricultrices ou conjointes, selon leurs dotations inégales [Bessière et Gollac, 2014] en capital culturel, social et symbolique.
20Ces études de cas interrogent l’imbrication des rapports de domination en agriculture : domination masculine liée au système patriarcal, luttes de classement au sein des mondes agricoles, domination de classe associée aux recompositions sociales des espaces ruraux. Elles ouvrent des perspectives de recherche et appellent d’autres études de cas, par l’enquête de terrain, pour savoir dans quelle mesure de telles trajectoires ne passeraient pas de la marge au cœur des mondes ruraux, par la transformation des statuts juridiques, des mutations agricoles et la multiplication du déplacement social de diplômés du tertiaire urbain vers l’agriculture. In fine, il s’agirait d’analyser plus largement la place tenue par les femmes selon leur trajectoire socioprofessionnelle et résidentielle dans les processus de cloisonnement/décloisonnement des mondes agricoles au sein des mondes ruraux. Enfin, la source mobilisée pourrait se muer en objet de recherche, à partir de l’intérêt marqué d’une journaliste pour l’éleveuse-boulangère et la remontée médiatique associée, dans une perspective de sociologie des médias. Des entretiens auprès des journalistes de Ouest-France seraient prometteurs pour comprendre les ressorts de la médiatisation des agricultrices.
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- Rogers Susan-Carol, 1980, « Les femmes et le pouvoir », in Hugues Lamarche, Susan-Carol Rogers et Claude Karnoouh (dir.), Paysans, femmes et citoyens : luttes pour le pouvoir dans un village lorrain, Arles, Actes Sud, p. 59-139
- Samak Madlyne, 2017, « Le prix du “retour” chez les agriculteurs “néoruraux”. Travail en couple et travail invisible des femmes », Travail et emploi, n° 150, p. 53-78.
Notes
-
[1]
Nous remercions Marie Larroquelle pour les échanges ayant suivi son mémoire et qui ont largement stimulé notre réflexion. Nous remercions aussi les membres du comité de rédaction de Travail, genre et sociétés et les coordinatrices du dossier pour leurs critiques et suggestions.
-
[2]
Le bocage ornais se situe à l’ouest du département de l’Orne, au sud de la région Normandie. Voir la carte sur le blog du collectif Rocs : <https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/3365/files/2017/11/ROCS_Le-Domfrontais-dans-le-bocage-et-dans-le-temps.png>. (consulté le 04/06/2020).
-
[3]
Sans que par la suite les guillemets soient associés systématiquement à cette catégorie, c’est ici le cas pour respecter l’usage de l’auteure auquel nous adhérons. À la suite d’Ivan Bruneau, Madlyne Samak [2017] reprend entre guillemets « « néoruraux » pour mettre à distance tout l’imaginaire collectif que suscite cette notion [alors que] ces agricultrices […] ne sont pas toujours aussi étrangères au milieu rural et agricole qu’on ne le pense » [Samak, 2017, p. 58]. Cette catégorie, aussi appelée « néo-agriculteurs » renvoie à deux mouvements, des décennies (1970-1980 et 2000-2010), de personnes qui ne sont souvent pas issues directement du milieu agricole et créent « simultanément leur exploitation et le circuit court de proximité » [Baysse-Lainé, 2019].
-
[4]
690 423 exemplaires diffusés en moyenne par jour en 2017, c’est le premier quotidien francophone au monde (Ouest-France, 12 décembre 2017). En 2015-2016, le quotidien était diffusé à 687 527 exemplaires en France (Alliance pour les chiffres de la presse et des médias – acpm). Le Figaro, deuxième quotidien français diffusait lui 305 635 exemplaires par jour en 2015-2016 (id.).
-
[5]
La personne concernée par cette étude de cas a donné son accord pour que cette recherche soit publicisée.
-
[6]
À la fin du journal Ouest-France, à proximité de la page agricole et de la rubrique « entreprendre », on retrouve la rubrique juridique. Dans l’édition du 21 janvier 2016, dans l’article de Sébastien Jensonny, « Contrat de mariage : pour quoi faire ? », Ouest-France, on pouvait par exemple lire, au sujet du régime de la communauté réduite aux acquêts : « En cas de problèmes financiers, là aussi, on partage. Ce régime n’est pas le mieux adapté aux couples exerçant une activité indépendante (profession libérale, chef d’entreprise, etc.) ».
-
[7]
Anne-Emmanuelle Lambert, « Plus que cinq jours pour sauver sa ferme », Ouest-France, 27 août 2015.
-
[8]
« Le troupeau de Charlotte est sauvé », Ouest-France, 29 août 2015.
-
[9]
Anne-Emmanuelle Lambert, « Les animaux de Charlotte sont sauvés », Ouest-France, 1er septembre 2015.
-
[10]
Sur son site internet, cette association revendique la protection des animaux de ferme et la lutte contre la maltraitance animale de l’élevage à l’abattage. Elle prône une consommation responsable en faveur du bien-être animal : <https://oaba.fr/> (consulté le 23/03/2020).
-
[11]
« Une soupe partie pour aider la ferme du Ronfil », Ouest-France, 11 novembre 2015, [En ligne], <https://www.ouest-france.fr/normandie/la-lande-saint-simeon-61100/une-soupe-partie-pour-aider-la-ferme-de-ronfil-3837133>.
-
[12]
Sophie Capelle, « La bergère avait le tort d’avoir un bélier noir », Ouest-France, 26 septembre 2014.
-
[13]
Sophie Capelle, « Le bélier noir a enfin été retrouvé », Ouest-France, 4 février 2015.
-
[14]
Portrait de Stéphanie Maubé, éditions du Rouergue. Voir la vidéo : <https://www.youtube.com/watch?v=bw3YYOozVUA> (consulté le 20/03/2020).
-
[15]
Maud Lescoffit, « Les moutons de l’Avranchin retrouvent leurs terres », Ouest-France, 29 septembre 2016.
-
[16]
Maud Lescoffit, « Une marque de laine avranchine », Ouest-France, 15 février 2017.
-
[17]
Caroline Gaujard-Larson, « La bergère contrainte d’arrêter son troupeau », Ouest-France, 8 novembre 2017.
-
[18]
Guillaume Le Du, « Stéphanie Maubé a quitté sa vie parisienne pour élever des moutons dans le Cotentin », Ouest-France, 20 février 2020.
-
[19]
Voir les résultats complets sur le site internet : <https://elections.interieur.gouv.fr/municipales-2020/050/050267.html> (consulté le 20/03/2020). Romain Le Bris, « Stéphanie Maubé devient maire de Lessay », Ouest-France, 24 mai 2020.
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[20]
Isabelle Bordes, « La liste de Stéphanie Maubé remporte la mairie », Ouest-France, 15 mars 2020.
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[21]
Lorrie Gourdin, « Près de Bayeux, Arnaud Paiola fabrique des pâtes avec des variétés anciennes de blés issus de sa ferme », La Renaissance Le Bessin, 15 septembre 2019. <https://actu.fr/societe/pres-bayeux-arnaud-paiola-fabrique-pates-des-varietes-anciennes-bles-issus-sa-ferme_27190187.html> (consulté le 12/06/2020).
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[22]
Voir le site internet : <https://www.societe.com/societe/earl-trait-nature-532225844.html> (consulté le 12/06/2020).
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[23]
Voir les informations légales : <https://actulegales.fr/recherche/siren/532225844> (consulté le 12/06/2020).
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[24]
« Elle devient boulangère paysanne », Ouest-France, 13 février 2015.
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[25]
« Puits pollué, une ferme bio sans eau depuis quatre mois », Ouest-France, 23 avril 2016.
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[26]
Comme l’exprime sa fournisseuse de farine afin d’excuser son absence lors d’une assemblée générale de l’Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne du Domfrontais et expliquer sa présence lors d’une distribution à venir : « comme ses enfants seront chez le père, elle sera à l’Amap » [observations directes, collectif rocs, octobre 2016].
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[27]
Voir son témoignage dans cette vidéo : <https://www.toutpourchanger.com/de-laudiovisuel-aux-brebis-le-changement-de-vie-de-stephanie/> (consulté le 12/06/2020)
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[28]
Deux sites internet de gestion d’entreprises font état d’un capital social s’élevant à 284 000 euros mais signalent toujours son ex-mari comme cogérant : <https://dirigeant.societe.com/dirigeant/Charlotte.PAIOLA.69322400.html et www.societe.com/societe/earl-trait-nature-532225844.html> (consulté le 23/03/2020).
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[29]
Voir l’annonce en ligne : <http://attelagesbovinsdaujourdhui.unblog.fr/2015/09/20/urgent-vends-boeufs-de-race-jersiaise-la-lande-st-simeon-61/> (consulté le 23/03/2020).
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[30]
Parmi des « néoruraux » bio (2015-16).
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[31]
On peut retrouver son parcours scolaire sur son profil sur le site suivant : <http://copainsdavant.linternaute.com/p/charlotte-eymard-19127212> (consulté le 12/06/2020).
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[32]
Jérôme Lefilliâtre et Sabrina Mariez, « Stéphanie Maubé, la laine fraîche », Libération, 26 février 2019 : <https://www.liberation.fr/france/2019/02/26/stephanie-maube-la-laine-fraiche_1711726> (consulté le 12/06/2020).
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[33]
« De bons retours de l’opération Manger bio et local », Ouest-France, 29 septembre 2016.
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[34]
À titre d’exemple, on peut citer le chargé de communication d’un collectif de producteurs, artisans, militants pour les plantes aromatiques et médicinales (Pam-pam) dont bon nombre sont installé·e·s en Suisse Normande ornaise, à proximité de l’agricultrice qui nous intéresse : « D’une moyenne d’âge de 30-45 ans majoritairement féminine, nous sommes d’horizons divers, en reconversion du maraîchage, de l’arboriculture, docteur en pharmacie, artiste, écologue gestionnaire d’espaces naturels. ». « 3e Fête des plantes à la Roche d’Oëtre samedi », Ouest-France, 9 novembre 2017.
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[35]
Institut national de la statistique et des études économiques 2008-2010, cité dans Ouest-France du 17 décembre 2015.