Notes
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[1]
Économiste et homme politique équatorien, il se définit comme humaniste et chrétien de gauche. Depuis l’accession au pouvoir de son successeur Lenin Moreno en 2017, il réside en Belgique.
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[2]
Le mouvement des Indignés (Indignados) est né à la Place centrale de Madrid, Puerta del Sol, le 15 mai 2011, dans la mouvance des mouvements « Occupy » et du Printemps arabe. Il a rassemblé des centaines de milliers de manifestants dans une centaine de villes et a donné lieu à divers modes d’action (campements, marches).
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[3]
Dans ce texte, je me réfère aux personnes primo-arrivantes pour désigner les personnes nouvellement arrivées dans un pays étranger avec l’intention d’y rester.
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[4]
Johanna Siméant, « Immigration et action collective. L’exemple des mobilisations d’étrangers en situation irrégulière », Sociétés contemporaines 20 (1), janvier 1994.
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[5]
Les lois et normes des biens immobiliers en Espagne sont particulièrement favorables aux banques : si l’hypothèque n’est pas soldée, le bien est vendu aux enchères. S’il n’y a pas d’acheteur, la banque acquiert le bien à hauteur de 50 % du prix proposé aux enchères. Dans ce cas, la personne au nom de laquelle figure l’hypothèque doit alors régler les 50 % restants de cette hypothèque ainsi que les frais légaux.
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[6]
On appelait huasipungo le lopin de terre que des paysans pouvaient cultiver, en échange d’un travail exorbitant exigé par le patron de l’hacienda. La condition de vie du huasipunguero était misérable, il n’avait pas le temps de travailler pour lui, s’endettait et la dette se transmettait aux enfants. (Source : Claude Bourguignon Rougier, Histoire, nation et effraction, Ilcea – Université Stendhal Grenoble) (ndt).
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[7]
L’expression « théologie de la libération » est née en 1968, sous la plume de l’aumônier péruvien Gustavo Gutiérrez. Elle cristallise l’idée de bâtir une église alliée des pauvres et œuvrant pour la transformation sociale. L’acte de fondation de la théologie de la libération en tant que mouvement au sein de l’Église date de la conférence du Conseil épiscopal latino-américain, Celam, en 1968. À cette occasion, et en opposition à une Eglise majoritairement de droite, le Celam déclara : « Nous sommes au seuil d’une époque nouvelle de l’histoire de notre continent, époque clé du désir ardent d’émancipation totale, de la libération de toutes espèces de servitude ». La théologie de la libération a eu une énorme influence au sein de l’Église dans tous les pays d’Amérique latine. Considérée comme communiste, elle fut durement poursuivie.
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[8]
Óscar Arnulfo Romero (1917 – 1980) est un prélat salvadorien de l’Église catholique. Ayant pris la défense des droits de l’homme face au pouvoir, et alors qu’il était archevêque de San Salvador, il a été assassiné en pleine messe (crime commandité par des militaires d’extrême droite). Figure marquante en Amérique latine, sa vie a inspiré de nombreux ouvrages et films, dont Romero, de John Duigan (1989). Il a été canonisé en 2018 par le pape François.
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[9]
Leonidas Proaño (1910 – 1988) est un évêque équatorien et l’un des fondateurs de la théologie de la libération. Il est connu comme l’« évêque des indiens » en raison de son travail pour les indiens en tant qu’évêque de Riobamba.
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[10]
Le Prix Don Bosco est un concours organisé par le Centre Salésien Notre Dame du Pilier de Saragosse, dans le but de développer la créativité et l’innovation chez les jeunes.
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[11]
La valeur donnée à l’éducation est très importante en Amérique latine. Elle est vue comme le vecteur du progrès personnel (acquisition de connaissances) et plus généralement comme le moyen d’avoir un progrès social et économique. L’éducation ne s’arrête pas à la scolarité obligatoire. Les adultes cherchent des formations et des diplômes. Aída, elle-même, a entrepris de longues études de droit depuis 2017.
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[12]
Pour approfondir la question des modalités qui empêchent les personnes pauvres d’aspirer à des postes d’élus, voir Julia Cagé, Le prix de la démocratie, Gallimard, 2020.
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[13]
Au début des années 2000, alors que l’Espagne jouissait de bons indicateurs macro-économiques, la législation pour obtenir des papiers était très favorable aux migrant·e·s.
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[14]
Signifie « petit enclos ». Ce sont les mesures économiques, notamment le gel des comptes bancaires, mises en place pour mettre fin à une course aux liquidités et à la fuite des capitaux. (ndt).
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[15]
L’Euribor (Euro Interbank Offered Rate) est le taux d’intérêt moyen auquel un grand nombre de banques européennes de premier plan (le panel de banques) se consentent des prêts en euros.
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[16]
La crise de 2008, qui trouve son origine dans la crise des subprimes, a eu un grand impact en Espagne. Trois ans après sa déclaration officielle, le chômage n’avait pas reculé : il était de 21 %. Les migrant·e·s (et par conséquence leurs proches, y compris restés au pays mais que recevaient des transferts d’argent) furent sévèrement touché·e·s, car ils/elles étaient surreprésenté·e·s dans des secteurs durement affectés comme le bâtiment, l’hôtellerie et les emplois moins stables. Voir l’article d’Olga L González, « Les migrants, sujets de la mobilisation ? L’expérience des migrants équatoriens dans la crise espagnole à la fin des années 2000 », Les Cahiers Alhim (Amérique latine Histoire & Mémoire). <https://journals.openedition.org/alhim/4151?lang=fr>
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[17]
La Confederación Sindical de Comisiones Obreras est la plus grande fédération syndicale espagnole, proche du Parti Communiste.
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[18]
Iván Cisneros, économiste. Il soutient activement la Conadee depuis 2006.
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[19]
Plusieurs présidents ont été déchus en Équateur dans les années 1990-2000 suite à la colère populaire. Dans ce pays, les manifestations dans la rue sont très impressionnantes, et les secteurs indiens organisés en sont un acteur de premier plan.
1Aída Quinatoa est une migrante économique équatorienne vivant en Espagne, où elle est devenue leader de la mobilisation des migrants contre l’« arnaque immobilière », contre les banques et les agences immobilières. Cette même lutte a permis de faire connaître Ada Colau et a porté celle-ci jusqu’à la Mairie de Barcelone (2015-2019).
2L’histoire d’Aída est mêlée à celles des Équatorien·ne·s qui émigrèrent massivement à la fin des années 1990 et durant toute la décennie des années 2000. Lors du mandat de Rafael Correa [1] (2007-2017), ce processus migratoire s’est accompagné de la volonté de développer une certaine conscience politique des migrant·e·s : la possibilité de voter devient réalité à partir de 2006 ; les migrant·e·s peuvent choisir les député·e·s qui les représentent dans la circonscription internationale ; le « droit à la migration » est inscrit dans la Constitution. Toutefois, la mobilisation qu’Aída évoque dans cet entretien concerne une « arnaque immobilière », exclusivement accomplie par des migrant·e·s, en dehors de la politique officielle développée par le gouvernement.
3Dans cet entretien, Aída détaille le rôle de la Coordination nationale des Équatoriens en Espagne (Conadee), organisation qu’elle a dirigée de 2006 à 2013, active bien avant la mobilisation qui a débuté à partir de la mi-2011 et qui a permis de rendre visible la présence des migrant·e·s dans les expulsions au-delà des cercles militants habituels. Grâce aux réseaux sociaux et à la Plateforme des victimes du crédit hypothécaire (pah) de Madrid, des mobilisations massives se sont coordonnées pour freiner les expulsions. Depuis la première journée d’opposition publique face à une expulsion, en 2011, dans le quartier populaire de Tetuán, la mobilisation dans la rue d’éventuel·le·s futur·e·s expulsé·e·s et de nombreux/ses migrant·e·s a été massive. Tandis que l’année 2011 est marquée par l’occupation par les « indigné·e·s » de la place de la Puerta del Sol [2], cette lutte mérite d’être soulignée, car les mobilisations effectuées par les migrant·e·s, surtout les primo arrivant·e·s [3], sont rares et difficiles en raison de leur exclusion du champ politique et de l’injonction à l’intégration [4].
4Si la Conadee a exigé de freiner les expulsions, elle a également proposé une modification de la loi immobilière [5] en réclamant une loi rétroactive de « dation en paiement », c’est-à-dire une loi permettant d’annuler la dette préexistante (l’hypothèque) au moment où la banque saisit le logement. Enfin, elle a vivement dénoncé « l’arnaque du système bancaire », en exigeant des réponses en termes juridiques et politiques. Concrètement, elle s’est constituée partie civile de certaines plaintes pour escroquerie contre les agences immobilières, comme nous le verrons.
5Aujourd’hui, Aída est auxiliaire de vie, en internat. Elle commence sa journée de travail à 8 h 30 et finit à 23 heures Elle a droit à deux heures de repos par jour, soit une charge de soixante-cinq heures par semaine. Elle est payée un peu plus de 600 € nets par mois. Son mari, de son côté, travaille en tant que gardien d’immeuble la nuit. Il travaille de 20 heures à 8 heures du matin. Ils se voient dans les heures libres, mais Aída préférerait avoir un travail qui lui permette de rentrer chez elle.
6Aída ne se couche pas à 23 heures mais à 3 heures du matin : entre 23 heures et 3 heures, elle étudie. En effet, depuis quelques années elle suit des cours de droit à distance (via Internet) avec l’Universidad Técnica Particular de Loja (utpl, Équateur). En septembre 2020, elle étudiait au 9e degré (sur dix).
7Parallèlement, Aída poursuit son activité militante. En 2018, elle est élue aux primaires des élections du parti Podemos et se présente à l’Assemblée, en douzième position sur la liste, sans succès. En 2020, pendant ses vacances, elle préparait sa candidature pour participer aux élections nationales en Équateur. Dans ce pays, les migrant·e·s ont le droit d’avoir six élu·e·s au Congrès. Aída a été choisie par le parti indien Pachakutik et sera donc candidate aux élections de février 2021.
8Pour le moment, elle ne compte pas rentrer en Équateur car la pandémie a aggravé les conditions de vie de ses proches. Cependant, elle leur envoie de l’argent, et eux comptent sur elle.
9Dans cet entretien, réalisé fin 2018 et complété en 2020, Aída Quinatoa raconte les épisodes marquants de sa vie, sa formation politique, ses migrations, son insertion professionnelle, les partenariats créés et, plus globalement, sa lutte. Sa trajectoire de vie, une lutte incessante afin d’obtenir justice contre les grands pouvoirs, illustre ce que le grand résistant français Stéphane Hessel appelait de ses vœux : avoir la faculté de s’indigner pour changer le monde.
La famille et la vie à la campagne
10Aída Quinatoa : Je suis née en 1964 dans une petite communauté nommée Santa Teresita, dans la province de Bolívar, en Équateur. Ma communauté se trouve dans la sierra, dans la partie andine qui jouxte la province de Chimborazo, au centre de l’Équateur. De là, il faut environ trois heures de route pour rejoindre mon village. Les gens du village parlent espagnol, mais on parle aussi encore quichua. J’ai grandi là-bas jusqu’à 12 ans. Petite, je vivais avec ma famille, au sein de la communauté. Nous nous soutenions mutuellement, même si nous manquions de beaucoup de choses, mais il existait toujours cette solidarité, cette aide mutuelle.
11Olga González : Que faisaient tes parents ? Combien d’enfants étiez-vous ?
12AQ : Ils étaient paysans. Ils travaillaient la terre et élevaient des animaux domestiques. Nous vivions de cela. Nous étions sept enfants et je suis l’aînée. Enfin… Il y a eu deux autres enfants avant moi qui sont morts à cause des conditions de vie, dans une grande pauvreté. J’ai survécu et mes parents m’ont justement donné le nom de ma sœur qui venait de mourir. Elle s’appelait Etelvina María et je m’appelle Aída María.
13OG : Ton prénom te plaît ?
14AQ : Oui, il me plaît. Je l’aime bien pour tout ce qu’a fait ma maman, sa vie, le temps qu’elle a passé avec nous, j’adorais tout ça. Ma maman s’appelait Lucinda Irene Quinatoa. Elle est là [elle montre un portrait au mur]. Cette photo date de quand elle est venue en ville, elle avait changé de tenue. Mes frères avaient fait une photo d’elle avec son costume [traditionnel], que nous n’avons plus.
15OG : Tu as eu une enfance à la ferme, au contact des animaux.
16AQ : C’était vraiment chouette d’être en contact avec les petits oiseaux, les oiseaux de basse-cour, avec tout ce qui t’entoure à la campagne. Je me souviens que j’adorais aller à l’école pieds nus parce qu’on s’habitue et qu’on est au contact direct de la terre et ça a été une torture lorsqu’ils m’ont obligée à mettre des chaussures. Il paraît que j’allais à l’école avec, mais que je revenais avec les chaussures à la main et que je pleurais quand je devais les porter.
17OG : En tant qu’aînée, tu devais t’occuper de tes petits frères ?
18AQ : Le fait d’être la première a été pour moi une très belle chose. Pour l’ensemble de ma famille, j’étais la protégée, mais je devais prendre soin de mes frères. C’était merveilleux, mais c’était aussi une responsabilité. Ma mère travaillait toute la journée dans les champs. Je me souviens très peu de mon papa, parce qu’il était tout le temps dehors et, enfin, j’avais 19 ans quand il est décédé. Nous étions beaucoup de frères et sœurs et, quand je finissais l’école, je devais les aider. Pour aller à l’école, je devais faire deux heures de marche, c’était vraiment dur : je partais donc à six heures du matin pour commencer à huit heures et ensuite je revenais à la maison à seize heures avec mes frères et sœurs, ainsi que deux autres enfants qui me suivaient. Il fallait que je m’en occupe, les aider à faire leurs devoirs, ensuite, s’occuper des animaux et changer les piquets de place pour que le bétail puisse manger. Nous faisions cela tous les après-midi et le soir, il fallait aider à la maison et parfois faire d’autres choses encore : aider à ramasser aux champs, à charger les haricots et tout ce que l’on produisait. Parfois nous devions faire cela même la nuit. Et alors que nous étions épuisé·e·s, nous allions encore faire nos devoirs. Donc c’était beaucoup de travail et de responsabilités alors que j’étais toute jeune, mais cela créait aussi quelque chose de très beau. Cela me rendait joyeuse quand, avec mes oncles et tantes, lors des fêtes où nous nous reposions, les aînés devaient aider à faire de la musique. J’ai appris avec mes oncles et ma famille à jouer de la guitare et du tambour, en rythme, j’adorais ça. C’est pour cela que j’étais avec eux. J’étais donc la protégée et, en même temps, j’avais des responsabilités. Je ne pouvais pas étudier tranquillement ; à partir de 8 ans, j’ai dû aider à la maison, dans la cusine et, à l’âge de 13 ans, j’ai dû partir à la capitale pour gagner de l’argent que j’envoyais à mes frères et sœurs, pour qu’ils survivent avec ça. Mon frère âgé de 9 ans m’a accompagnée. Et quand mes frères et sœurs sont venus à Quito, j’étais responsable d’eux.
19OG : Tu as quitté très tôt la communauté. Tu avais besoin de gagner de l’argent ?
20AQ : Gagner de l’argent et changer de vie. Enfin ce n’était pas tant pour gagner de l’argent, car nous n’avions pas grand-chose. Dans la communauté, ma mère apportait un peu de fèves sèches et les échangeait contre des pommes de terre ; on avait des poules, on les emmenait et on les échangeait contre quelques galettes ; on se débrouillait comme ça pour manger. Mais, de l’argent, il n’y en avait pas, car les conditions de vie étaient mauvaises ! On n’avait pas de routes en bon état. Alors j’ai dit : « Il faut que ça change ! », j’ai toujours dit : « Il faut que ça change ! » Et nous n’avions pas de maison. Ma mère vivait sur le terrain et dans la maison de mes grands-parents. Ils avaient récupéré ce terrain d’une hacienda qui leur avait été donnée par les huasipungueros [6].
21OG : Tes grands-parents n’ont jamais été propriétaires ?
22AQ : Après oui, mes grands-parents ont reçu un acte de propriété pour ces terres, mais comme elle était toute petite et que mon oncle, le frère de ma mère, l’avait mise en hypothèque pour demander un emprunt afin d’acheter du bétail et de semer beaucoup de graines… Au final, la banque a gardé le terrain. Ma mère n’a jamais eu de terre.
23OG : Et ton père non plus ?
24AQ : Je n’ai pas de souvenir de mon père, je ne l’ai plus en mémoire, parce que mon père, en plus de boire de l’alcool, il avait aussi beaucoup de femmes… Et cette image que j’ai de lui est… désagréable. Je ne supportais pas mon père, alors je ne voulais rien savoir de lui… Moi, j’avais plutôt une bonne image de mon grand-père, le père de ma mère, de deux de mes oncles, j’avais une très belle image d’eux. Pour moi, c’étaient eux, mes parents. Mes oncles m’ont d’ailleurs enseigné la musique jusque tard. Enfin, je me souviendrai toujours que mon oncle voulait que j’étudie. Il m’a emmenée sur la côte pour que je change d’école. J’y suis restée six mois mais ça a été une torture pour lui parce que je pleurais toute la journée, je voulais qu’il me ramène. Mais il disait que j’étais intelligente, et ça, c’était touchant ; depuis toute petite, il a toujours eu confiance en moi.
25OG : Cet oncle ne faisait pas de différence entre toi, fille, et les garçons ?
26AQ : Non. Cet oncle, on aurait dit mon père, il était un être humain très beau.
Première rencontre avec la ville
27OG : Pourquoi as-tu quitté la communauté ?
28AQ : Pour mes études, pour l’école, l’université, et surtout parce qu’il fallait que j’aide ma famille, je n’avais pas d’autres solutions que de quitter la communauté. On nous a donné un travail à mon frère et moi et nous avions la possibilité d’étudier à l’école. Moi, je devais travailler dans une maison. Mon frère, dans un entrepôt. Mais comme il était très jeune, il ne s’y est pas habitué. Mon frère ne dormait pas avec moi, il dormait dans la famille qui avait le commerce. Isolé, il pleurait jour et nuit, c’est pour ça qu’ils l’ont ramené. Je ne savais pas où il était et personne n’a réussi à me mettre en contact avec lui. Ce n’est qu’après plusieurs années, quand ma mère m’a cherchée et m’a retrouvée que j’ai réalisé que mon frère n’était plus à Quito.
29OG : Et toi, en revanche, tu es restée vivre dans la maison où tu travaillais ? Tu t’es adaptée à cette nouvelle vie ?
30AQ : Oui, mais c’était horrible, j’ai eu beaucoup de mal. Je me suis adaptée, mais je ne me suis jamais habituée, c’était très dur. J’ai passé des nuits terribles, à pleurer aussi, mais je me souviens que j’ai toujours dit à mes grands-parents, à ma mère, que j’allais tout faire pour aider ma famille.
31OG : Alors, après deux ans, ta maman te cherche et te dit que ton frère n’est plus là-bas. Et toi, qu’as-tu fait ?
32AQ : À ce moment-là, je décide retourner voir ma mère et mes frères et sœurs. Ma petite sœur qui était restée et qui avait grandi ne voulait plus me voir, elle se cachait. Elle disait qu’elle ne me reconnaissait plus. Évidemment, deux années s’étaient écoulées ! Auparavant, avec mes frères, on jouait toujours ensemble : après les devoirs, on faisait plein de jeux, on restait jusqu’à minuit, on sautait à la corde, on avait un chien qui jouait aussi et c’était vraiment une belle vie, moi, je rêvais de continuer ainsi. Mais tout ça est resté derrière moi quand je suis partie en ville, tout s’est arrêté là, c’était fini.
33OG : Ta petite sœur ne t’a pas reconnue et ça t’a rendue triste ?
34AQ : Bien sûr ! Et le chien non plus ne m’a pas reconnue, il m’a presque mordue ! Alors j’ai dit : « Je suis devenue une inconnue ici ! » Et je suis repartie vivre en ville. Mais, à partir de ce moment-là, je revenais chaque année, j’étais plus proche. Quand j’ai eu 18 ans, j’ai décidé que ma mère ne pouvait plus être encore loin de moi. Les choses allaient toujours mal à la maison, alors on a décidé que ma mère viendrait vivre à Quito. J’ai cherché un endroit et j’ai fait en sorte qu’elle vienne avec mes six frères et sœurs et ma grand-mère qui vivait encore. Mon grand-père était déjà mort à cette époque, je ne l’ai pas revu, et ça m’a fait beaucoup de peine. Mais enfin, ma grand-mère était là, ma mère était là et mes frères et sœurs étaient là aussi… Je ne sais pas comment j’ai fait pour tous les loger…
La famille réunie à Quito
35OG : Vous viviez dans quelle partie de la ville ?
36AQ : Dans le sud de Quito.
37OG : Et tu continuais à travailler dans une maison ?
38AQ : Non, j’avais trouvé un travail dans une boulangerie, au comptoir de vente. Je travaillais le jour à la boulangerie et j’étudiais la nuit. En revanche, comme ma mère était enceinte de trois mois de ma petite sœur, elle ne pouvait pas travailler. Donc mes autres frères durent travailler. L’un aidait à encaisser l’argent dans les transports, un autre travaillait dans la construction et, à nous trois, nous assurions l’économie de la maison. On a tenu le coup comme ça un bon moment, jusqu’à ce que l’un de mes frères se trouve une petite amie, et alors la famille s’est écroulée. Nous avions convenu que les plus jeunes frères et sœurs devaient continuer à étudier pendant que les autres travaillaient le jour et étudiaient la nuit, et ce, jusqu’à la fin de nos études. Mais l’un d’entre nous a décidé de sortir du jeu, donc…
39OG : Quand il a trouvé une petite amie, il est parti avec elle ?
40AQ : Oui, c’est ça. Et ensuite il a eu une petite fille avec elle.
41OG : Donc il ne contribuait plus à l’unité familiale.
42AQ : Non, et cela m’a bien agacée. Alors, j’ai poursuivi avec mon autre frère, on a continué à avancer, on faisait ce qu’on pouvait.
43OG : Et pour ta maman, comment s’est passée son arrivée à la ville ? Quel âge avait-elle ?
44AQ : Elle avait environ 40 ans. Ça a été difficile, mais je crois qu’elle a bien été obligée de s’habituer. C’était dur parce qu’elle voulait repartir sans savoir vraiment où aller.
45OG : Et il fallait travailler…
46AQ : Oui. Moi, je continuais ce que je faisais. Il fallait que j’étudie, j’avais des réunions, parce qu’en plus, à Quito, je cherchais toujours un milieu, un endroit pour échanger. À 14 ou 15 ans, je me suis rapprochée de la paroisse, d’une église où se réunissaient des jeunes. J’y allais les week-ends. J’ai commencé à donner des cours là-bas, dans cette paroisse. Et quelle surprise ! Je me suis rendu compte par la suite que cette église faisait partie de l’équipe pastorale du sud de Quito et qu’ils étaient proches de la théologie de la libération [7]. J’ai connu de près les œuvres et la vie de Óscar Arnulfo Romero [8], Leonidas Proaño [9]. On faisait de nombreuses rencontres, beaucoup de gens d’Amérique latine, des défenseurs de la paix, se retrouvaient dans cette église, qu’on appelait El barquito (« Le petit bateau ») parce qu’elle ressemblait à un bateau et, en fait, le président actuel du Nicaragua – Daniel Ortega – a lui-même, très jeune, assisté à ces réunions. Je l’ai donc connu très jeune et je suis tombée amoureuse de sa lutte sociale, de son engagement pour le peuple. J’aimais beaucoup ce qu’il disait ; il avait une façon de s’exprimer qui était géniale. Il y avait beaucoup de Cubains, des gens de la vraie gauche. J’ai alors réalisé que j’aimais le travail social, que je pouvais travailler avec les enfants mais aussi avec les personnes âgées. Par la suite, je suis restée cinq ans à l’Instituto Radiofónico Fe y Alegría, (Institut radiophonique foi et joie). Cet institut faisait partie de l’Église mais c’était un Espagnol qui le dirigeait. Il avait une maison énorme, il y avait toute une infrastructure pour faire ce travail, j’étais là-bas et je collaborais aussi dans la paroisse avec les communautés qui formaient la base ; comme je passais beaucoup de temps à travailler le week-end et comme je savais jouer de la guitare, le Père de la paroisse m’emmenait chanter avec lui, on avait formé un groupe de musique avec mon amie Margarita. Nous avons ainsi gagné le Prix de Don Bosco [10] en Équateur.
47OG : Et vous jouiez quelles chansons avec le groupe ?
48AQ : On avait créé un hymne, un hymne à saint Pablo, mais c’était saint Pablo le libérateur, un Pablo différent, et je me souviens qu’on répétait cette chanson jusqu’à la nuit tombée. L’idée était de proposer une jolie musique et quelque chose de nouveau. C’est resté dans l’histoire, ils ont fait des photos qui sont toujours à la paroisse. À 18 ans, je me souviens que j’étais heureuse parce que je travaillais, j’étudiais et j’étais avec ma famille.
Études universitaires et activisme
49AQ : Après avoir été dans cette paroisse, j’ai réussi à devenir secrétaire d’un groupe de prêtres qui suivaient Monseigneur Proaño, l’« évêque des Indiens », il était très populaire en Équateur, au même niveau que Monseigneur Óscar Romero. Mais ce dernier a été tué et Monseigneur Proaño a été cinq fois prisonnier de la dictature militaire. Alors, ces prêtres m’ont incitée à devenir secrétaire et, en réalité, j’ai appris à gérer des documents, ils m’ont conseillée sur la manière d’étudier, ils m’ont aidée dans mes études de management pendant les week-ends.
50OG : Dans leur université ?
51AQ : Oui, c’est ça, mais Monseigneur Proaño avait établi un plan pour que les laïcs puissent étudier la théologie au sein de l’Église au lieu de devoir le faire à l’extérieur. Moi, je n’ai pas pu finir mes études parce qu’il est décédé cette année-là. J’ai continué du lundi au vendredi, je travaillais le jour et j’étudiais gratuitement la nuit à l’Université Centrale. Heureusement car on avait du mal à joindre les deux bouts et, en plus, il y avait les frais d’électricité, l’eau, etc. De leur côté, mes deux frères n’ont pas réussi à terminer le bac, les autres oui et, parmi les plus jeunes, la dernière n’a pas voulu étudier, alors que nous la poussions à le faire [11].
52OG : Donc, toi, tu as choisi d’aller à l’Université Centrale. Quelle formation as-tu suivie ?
53AQ : La sociologie. Je voulais finir mes études, avoir un diplôme, mais je n’ai pas terminé. Je suis partie parce qu’ils m’ont choisie comme déléguée des Communautés ecclésiales de base (Ceb) pour participer à une rencontre de plus de 250 organisations du pays, afin de former un comité avec la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (Conaie) et de réunir toutes les recherches faites en Amérique latine sur le génocide et l’ethnocide commis il y a plus de cinq cents ans. C’était avant le soulèvement indigène, en 1992. J’ai donc participé à cette rencontre, ils m’ont ensuite nommée secrétaire exécutive du Comité et, à partir de là, j’ai collaboré un bon moment avec eux. Il fallait que j’étudie à l’université ou que je finisse le mandat. Alors je me suis dit : « Une opportunité comme celle-là ne se reproduira jamais. » J’ai donc terminé le mandat, puis j’ai continué à étudier. J’ai repris mes études, mais je n’avais plus envie de faire de la sociologie. J’aimais bien la psychologie aussi, parce que je pense qu’on peut mieux aider et s’aider soi-même. Mes frères me disaient : « Ça, c’est pour résoudre les problèmes que tu as, continue et finis tes études de sociologie. »
Vie maritale. Travail politique et décision d’émigrer
54OG : C’est à cette époque que tu as rencontré ton conjoint ?
55AQ : Oui, je l’ai rencontré à Quito à ce moment-là, mais il ne faisait pas partie de mon projet de vie, même si je faisais partie du sien. Comme je travaillais, j’étudiais, je m’occupais de ma famille, de l’organisation, j’oubliais souvent les rendez-vous avec mes petits copains, alors on finissait toujours par se disputer. Cependant, je suis allée vivre avec lui, dans son village à Echeandía. C’est la même province de Bolívar où je suis née, mais lui, il vient de la partie côtière et moi, de la Sierra, la partie andine, mais c’est très proche, à trois heures de distance. À l’époque, il était activiste social et technicien radio. J’ai donc passé cinq ans à Echeandía, avant de venir ici à Madrid et ça fait déjà dix-huit ans que nous sommes là.
56OG : Et comment avez-vous pris cette décision ?
57AQ : Alors, Gerardo, mon conjoint, avait un commerce qui ne marchait pas bien. Et moi, au contraire, ça allait bien, j’avais un travail fixe : j’étais secrétaire au département juridique de la municipalité. J’y suis restée plusieurs années, ça payait plus ou moins bien, pas beaucoup mais pas trop mal non plus, assez pour vivre. En revanche, lui, il a dû créer une affaire à l’Ouest, loin, à douze heures de route. Il est parti là-bas et ça n’a pas trop marché. Et ensuite, j’ai été choisie pour devenir conseillère municipale, on me reconnaissait comme leader.
58OG : À Echeandía ?
59AQ : Oui. J’ai dû faire des dépenses, j’ai dû investir, mais comment obtenir de l’argent ? Parce que la logique des partis, la logique des campagnes, c’est d’abord de dépenser beaucoup d’argent pour gagner, puis de « profiter » de la municipalité, obtenir des contrats. Et au final, ce sont les gens, la population, qui doivent faire face aux dépenses. Et qu’est-ce que la population y gagne ? Rien. Alors, moi, je ne marche pas dans ces plans-là [12]. Je me suis dit : « Cette dette, la dette de la campagne politique, c’est à moi de la payer. » Je me suis endettée. Mais c’est à ce moment-là que le pays est passé au dollar. La dette a augmenté, comme tu peux l’imaginer. Alors un jour j’ai dit : « Je vais en Europe quelque temps, je règle ces dettes et je reviens travailler. »
60OG : Tu étais la conseillère municipale de quel parti ?
61AQ : Pachakutik, des peuples indigènes, une branche du mouvement indigène participant aux élections. Mais je n’ai pas été élue. Je n’ai rien gagné. Je pouvais revenir pour travailler là-bas, à la municipalité. Mais j’ai dit : « Non, il vaut mieux que je paye de mon côté et je reviendrai après. »
62Avec le passage au dollar, la vie qui nous attendait allait être plus précaire et plus complexe. Comme beaucoup d’Équatoriens, on a décidé que ce serait certainement mieux de partir en Espagne pour travailler là-bas et de revenir ensuite. Nous savions qu’il y aurait du travail et que nous pourrions payer la dette. On est donc arrivés à Madrid chez une amie qui nous attendait. Elle nous a fourni un toit les premiers huit ou quinze jours, ensuite on a trouvé un travail dans une maison tous les deux.
63OG : En quoi consistait votre travail respectif ?
64AQ : Moi, j’étais à la cuisine et lui, il faisait le ménage, car c’était une grande maison. On s’occupait du ménage et on aidait à servir. Toujours dans la même maison. On était logés sur place et on avait une chambre pour deux.
65OG : Et comment ça s’est passé ?
66AQ : Eh bien… ça s’est bien passé. On est parvenu à payer les dettes. Mais évidemment, il y avait beaucoup de travail. Il fallait s’occuper d’une personne non valide, d’une autre qui ne pouvait pas trop bouger non plus mais qui pouvait marcher avec l’aide de deux personnes, et puis il fallait aussi s’occuper de cinq autres personnes. On a passé deux ans là-bas. Au bout d’un an et demi, on a eu nos papiers. Gerardo avait obtenu ses papiers auparavant, et moi, je les ai obtenus grâce au travail d’aide à domicile [13].
Du rêve de devenir propriétaire à la découverte de l’« arnaque immobilière »
67AQ : À ce moment-là, en 2004, ma petite sœur nous a rejoints. Elle avait 17 ans. Quand elle est arrivée, nous avons dû louer une chambre. C’était compliqué. Nous avons dû chercher à toute vitesse un appartement à louer et, comme c’était impossible, j’ai dû acheter. En réalité, c’était plus facile d’acheter que de louer, car les banquiers te disaient qu’au lieu de dépenser l’argent dans un loyer, tu ferais des économies. Ils te disaient que quand tu veux récupérer ton argent, tu vends l’appartement, que les prix ne baissent jamais. Alors, évidemment, je pouvais soi-disant vendre cet appartement et ensuite retourner dans mon pays avec de l’argent, c’est comme ça qu’ils nous l’ont vendu au début. Nous les avons crus et nous nous sommes endettés. C’est l’appartement où nous sommes actuellement. C’était en 2004. Nous étions arrivés en 2001, et trois ans après, ma sœur nous a rejoint. Mais bon, l’appartement n’était pas habitable : ils nous avaient soi-disant vendu un appartement meublé, mais ce n’était pas le cas. Nous n’avions pas de cuisine, il y avait des câbles qui étaient tous pourris, cela créait parfois des courts-circuits, etc. Nous avons tout nettoyé pour pouvoir y vivre.
68OG : Qui vous avait vendu cet appartement ?
69AQ : Une agence immobilière. En fait, c’était la Central Hipotecaria del Inmigrante (Chi), il s’agissait d’une société de crédit qui nous a attirés pour que nous achetions cet appartement.
70OG : En quoi consistait l’arnaque et en quoi consistait la lutte ?
71AQ : Tout était organisé, planifié par la banque. Ils avaient leurs conseillers, ils avaient des gens très préparés pour que les victimes tombent dans le panneau de croire que le mieux était d’acheter un logement. En plus, pour faire venir nos familles de l’Équateur, selon les conditions requises, il fallait avoir un logement. Alors ici, l’État était réellement impliqué dans le fait d’inciter les gens à obtenir un logement. Beaucoup de Latino-Américains, sont venus en Espagne au début des années 2000 parce que, dans nos pays, les conditions s’annonçaient bien pires. Là-bas, il y avait le « corralito [14] », la débâcle économique, les banques ont aussi été les responsables de cela, et ils n’ont pas résolu le problème, car ce qu’ils ont fait, c’est de tous nous mettre à la rue. Ici, on s’est retrouvés dans la même situation, mais nous n’étions pas au courant. Et même si nous avions su, je ne sais pas ce que nous aurions fait.
72Pour moi, la lutte a été… comment le dire ? Ce n’est pas que ça me plaît, mais nous sommes nés, nous avons grandi et nous avons obtenu des changements importants en luttant. Moi, j’avais cette foi dans le fait qu’ici je ne dois pas perdre cette capacité de lutte. J’ai fait partie de beaucoup de groupes, je me suis intégrée, mais personne ne m’a dit qu’il pouvait y avoir des arnaques ici ou qu’il fallait bien lire les lignes en petits caractères, personne ne m’a rien dit…
73OG : Vous avez été nombreux à tomber dans le piège ?
74AQ : Des milliers… On ne se rend pas compte à quel point cette arnaque a été brutale pour les gens. On était des victimes dans nos pays d’origine et maintenant, ici aussi, on s’est fait avoir. Il nous manquait le soutien de personnalités qui avaient des connaissances. Par exemple, on ne connaissait pas les enquêtes menées en Équateur sur ce qu’ont fait les États-Unis pour dollariser le pays et pour que les banques gardent l’argent de beaucoup de gens… Comprendre ceci nous aurait aidés, pour qu’on puisse se préparer ici. Ce sont des choses qui se répètent, seuls changent quelques contenus, mais l’arnaque finit par se répéter. Et nous, les victimes, nous sommes toujours les mêmes. Mais on a juste changé d’endroit. La bataille ici a été très dure, vraiment dure.
La lutte avec la Conadee et la difficulté à se faire connaître
75OG : Quand cette bataille a-t-elle commencé ?
76AQ : En 2007. J’ai assumé la présidence de la Coordination nationale des Équatoriens en Espagne (Conadee) en 2006. Créée en 2000, son objectif est de diffuser la culture, de faire de la musique et de la danse. Quand je suis arrivée, il y avait des conflits parce que certains voulaient seulement se consacrer à la culture et au sport, mais je n’étais pas partisane de cela. Le programme que j’ai présenté pour être présidente était non seulement de faire connaître la partie culturelle, mais aussi d’autres choses fondamentales. Les jeunes ainsi que les femmes m’ont donné leurs votes. Ça a été une vraie bataille. Et même, une nuit avant les élections, la femme de l’un des candidats qui postulaient à la présidence est venue me voir pour me dire : « Vous m’avez offert une assiette de nourriture et vous ne m’avez rien demandé en échange. » Elle m’a dit : « De vous, j’ai reçu des conseils et un soutien solidaire. » Et elle a continué son discours ainsi : « Moi, de mon mari, je n’ai reçu que des coups. » Je me suis rendu compte que ces machistes sont nos ennemis jusque dans nos maisons. Elle a poursuivi : « Prépare-toi pour demain, car il va ramener du monde, des Équatoriens qui vont adhérer à l’organisation, et ce, juste pour gagner des voix. » Je lui ai répondu : « De mon côté, il n’y a pas de problème. » En fait, j’ai sollicité des médias pour avoir des témoins extérieurs et une preuve. Il y avait des journalistes qui enregistraient tout. La femme de ce candidat a voté pour moi. Ça a été un superbe moment. Lorsque d’autres personnes avec lesquelles je faisais de la danse s’en sont rendu compte, elles ont rassemblé plus de monde encore. La salle était pleine, il y avait environ deux cents personnes. Douze d’entre elles ont voté pour les deux candidats, l’un a obtenu huit voix, l’autre quatre. Tous les autres ont voté pour moi. J’ai gagné grâce aux femmes et aux jeunes, grâce à quelques hommes aussi ; il y en a quand même qui sont bien.
77OG : Quand as-tu découvert le féminisme ? Es-tu féministe ?
78AQ : Oh ! [Silence produit par la surprise] Voyons. Je ne sais pas quel âge je pouvais avoir… Il y avait un groupe de femmes qui parlait entre femmes, de la réalité des femmes, de notre réalité, de nos problèmes. Je pense qu’à ce moment, je suis devenue féministe.
79OG : Tu ne te souviens plus quel âge tu avais ?
80AQ : Laisse-moi me rappeler… [Elle cherche dans ses souvenirs] C’était avec le mouvement des femmes indiennes. Je devais avoir environ 26 ou 27 ans. Mais, en réalité, je ne sais pas si je suis féministe. Je sais que je suis humaniste. Les vies des femmes et des hommes sont fondamentales. Et c’est bien que les femmes, nous ayons notre espace pour parler entre nous. Moi, cela m’est resté gravé, par exemple, que le jour dédié aux femmes, ce jour, les camarades de l’Église, les hommes disaient : « Aujourd’hui, les femmes doivent se reposer, parce que c’est leur jour, aujourd’hui c’est nous qui allons cuisiner. Tous les gens de leur entourage peuvent venir ». C’était très beau. Moi, j’étais heureuse, parce qu’on venait avec mes frères et sœurs, avec toute la famille. Il faut l’égalité des droits, il faut le respect et la réciprocité. C’est sûr qu’on ne peut pas charger les femmes parce qu’elles sont femmes.
81OG : Revenons à la mobilisation. Que s’est-il passé après ton élection ?
82AQ : C’était magnifique. On travaillait sur des propositions concernant l’immigration, qui expliquaient que nous, les immigrés, ne venions pas ici pour prendre le travail de quiconque, mais pour construire et, pour cela, nous avions besoin de connaître la réalité d’ici ainsi que l’histoire, car il y a aussi de bonnes choses. De plus, tout ce que nous avions apporté de bon était à partager. Il fallait débattre et parvenir à des consensus. On travaillait là-dessus et on préparait des textes, mais, avec la crise de 2008, mon mari a perdu son travail, comme les maris de mes collègues et amies. Ce sont d’abord les migrants, ceux qui travaillaient dans la construction, qui ont été touchés. Quand on s’est retrouvés sans travail, la première chose que j’ai faite a été de m’adresser à la banque. Car quand j’ai pris l’hypothèque, ils m’ont dit que j’aurais à payer une certaine somme les premières années et qu’ensuite, j’aurais moins à payer. Mais des paroles aux actes, ça a été une autre histoire. Ils m’ont dit que ça ne se passait pas comme ça : « Vous avez signé une hypothèque à taux variable et, par conséquent, l’Euribor [15] change et ça, c’est votre problème. » J’ai dit : « Comment ça ? » Et on a commencé les réunions avec la Conadee, avec les questions, pour comprendre ce que cela signifiait. J’ai demandé à l’avocat qu’il nous conseille et qu’il nous aide à trouver un professionnel pour voir si ce que me disait la banque était vrai. Il a lu l’hypothèque et a dit : « Je ne sais pas ce que vous avez signé, mais c’est énorme. » On a engagé une équipe d’avocats et aussi un autre groupe de femmes avocates. Et les deux équipes sont presque arrivées aux mêmes conclusions : l’une a dit « il s’agit d’une fraude » et l’autre « c’est une arnaque ». Avec d’autres collègues comptables, nous avons analysé combien j’avais payé et comment se répartissaient les intérêts et le capital. Mais pour le capital, il n’y avait rien ! Tout allait pour les intérêts seuls ! Au début, cette analyse avait été réalisée à partir de mon acte hypothécaire. Ensuite, j’ai décidé de partager cela avec les gens, pour que l’information ne soit pas seulement pour moi, mais aussi pour ceux qui subissaient la même chose que moi. Dès 2008, on a organisé des ateliers. Je demandais qu’il n’y ait que vingt personnes, mais il en venait quarante ou soixante. Si j’invitais quarante ou soixante personnes, il en venait trois cents. En fait, la plupart des hypothèques ont été contractées par des immigrés. Parce que nous, à ce moment-là, on avait des ressources pour cela. Nous, on ne disait jamais « non » à ce que les banques mettaient sur la table. Ce sont eux qui nous ont floués et ont préparé le paquet pour qu’on tombe dans le panneau. Ce sont eux, les responsables, mais au final, ils n’ont jamais assumé leurs responsabilités [16].
83OG : Comment s’est organisée la lutte et quel a été ton rôle ?
84AQ : Pour moi, c’était un rôle fondamental que d’endurer, de résister, de ne pas dormir jusqu’à ce que cette affaire soit connue. En 2006, j’ai été élue présidente. En 2007, j’étais heureuse, je faisais des choses, et j’ai dû tout abandonner parce que je venais de découvrir le problème des hypothèques. Alors, pour moi, ça n’a pas été… enfin, ma vie est partie en fumée… Au début, j’ai dit : « Si nous sommes nombreux, ça ne va pas durer, on va sortir rapidement de cette histoire. » Mais ça ne s’est pas passé comme ça.
85OG : Quelles ont été les étapes ?
86AQ : En 2007, on a mené une enquête, on a fait une réunion d’information pour les migrants. Il n’y avait que des migrants, tous Équatoriens, en collaboration avec la Conadee. On s’est organisés et je participais à la commission qui discutait avec les autorités. Je suis allée parler avec le président Zapatero, il nous a rencontrés trois fois. Puis il nous a envoyés voir la Banque d’Espagne et le représentant du psoe (Partido Socialista Obrero Español) pour les affaires économiques. On a aussi été reçus par les responsables des banques Banco Bilboa Vizcaya Argentaria bbva, Bankia et Banco Santander. On a parlé avec plein de monde. Ça, c’était en 2008, et ils nous ont dit que c’était de notre faute. Ils nous ont dit : « Vous avez décidé d’acheter. » Notre seul espoir a donc été de montrer la réalité aux ong (organisations non gouvernementales), ou à des organisations syndicales comme l’ugt (Union générale des travailleurs) ou aux Commissions ouvrières [17]. Mais, eux… eh bien, rien du tout ! Ils nous ont dit que nous avions signé et que chacun d’entre nous devait résoudre le problème avec sa banque. Dans cette situation, j’ai dit : « Voilà, soit on se mobilise tous, soit on se fait manger. » J’ai assisté à une réunion avec le psoe où ils nous demandaient de démontrer l’arnaque, de fournir les actes de vente. J’ai apporté deux cents contrats. Les représentants du psoe m’ont dit : « Si tu es sûre que c’est une arnaque, les autorités et les juges sont là pour ça. Et puis, ne fais pas autant de bruit, parce que ce que tu veux, c’est que le système s’effondre. » Quand ils m’ont dit cela, j’ai pensé : « J’assumerai mon erreur, je vais devoir affronter certaines questions ici, mais ce n’est pas possible que je doive tout assumer. Et si c’est ça, le système, ce n’est pas terrible, mais eux, ils devront aussi assumer leur part. »
87OG : Les banques ont encouragé, voire forcé, les gens à se porter caution de personnes qu’ils ne connaissaient pas, c’est le système de « caution croisée ». Comment ce système t’a-t-il affecté ?
88AQ : Par exemple, la personne dont j’avais signé la caution en 2004 m’a appelée en 2008 pour me dire qu’elle avait arrêté de payer l’appartement. Et que cet appartement était en jugement. Huit jours plus tard, j’ai reçu un appel de la banque qui me disait : « Tu dois payer parce que tu possèdes un salaire. On va prendre ton salaire parce que tu t’es portée garante pour cette personne. » J’étais consternée. J’ai pensé : « Je vais me retrouver sans salaire », sachant que c’était toujours moi qui continuais de payer l’appartement que nous avions acheté avec mon mari, qui était désormais sans emploi. J’étais la seule qui était solvable. Alors j’ai couru jusqu’à cette banque, Caja del Mediterráneo, et je leur ai dit que j’allais raconter cette arnaque à toute l’Espagne. Et je ne sais pas ce qui s’est passé, mais ils ne m’ont plus jamais rappelée pour cela. J’ai seulement su que l’appartement était « sain » et qu’il n’y aurait pas de problèmes. Je me suis libérée de cela. Mais ça n’a pas été le cas pour d’autres. En ce moment même, j’ai une amie qui s’est portée garante d’une autre et ils encaissent sa paie suite à une décision de justice. Tout cela s’est produit en 2008, il y a dix ans. Après les réunions avec le syndicat ugt, le gouvernement et les banquiers, on se rendait compte qu’ils n’allaient pas nous aider. On a compris qu’il fallait qu’on se bouge, même si on n’allait pas très loin, parce qu’il fallait qu’on garde les idées claires.
89OG : Il y a eu des partenariats avec des organismes espagnols ?
90AQ : Seulement avec la Fédération des associations de quartier de Madrid (fra-vm). Pendant ce temps, nous avons créé une plateforme des victimes du crédit hypothécaire. On y avait rassemblé nos actes hypothécaires. On a créé cette plateforme parce qu’il y avait environ huit ou dix associations d’Équatoriens. Mais ça n’a mené à rien. Personne ne s’est fait l’écho de la situation, ni la presse latino-américaine, ni même la presse espagnole, ce qui est pire encore. Lors de la première mobilisation du 20 décembre 2008, nous étions quatre mille immigrés. Nous avons manifesté de l’Ambassade de l’Équateur à la Banque d’Espagne. En 2009, Ada Colau (voir l’encadré ci-après), avec son travail à l’Observatoire, nous a rejoints à la Conadee. Je lui ai fourni tous les papiers et toute l’information sur notre lutte. Ensuite, je suis allée dans cinq des plus grandes provinces espagnoles pour organiser des ateliers et préparer les gens, qu’ils soient conscients de ce qui les attendait : qu’ils n’allaient pas avoir d’emploi, qu’ils allaient être expulsés de leurs maisons et, de plus, qu’ils allaient perdre leurs papiers, parce qu’ils sont immigrés. Moi, je faisais des conférences, je prenais des contacts, Iván Cisneros et Rafa Mayoral, des diplômés de la Conadee, s’occupaient des ateliers et montraient les enquêtes réalisées. Le mouvement d’Ada Colau, c’était Stop Desahucios (« Stop Expulsions »), à Barcelone.
Ada Colau, de la Plateforme des victimes du crédit hypothécaire à la Mairie de Barcelone
91OG : Donc elle s’est inspirée de ce que vous faites ici.
92AQ : En effet, il y a un livre que je vais te montrer qui dit : « Avant Ada, il y a Aída. » Ada a raconté au journaliste d’El País, l’auteur du livre, qu’elle s’était inspirée de cette histoire. Elle, elle a créé Stop Desahucios. Pendant que nous, on remuait ciel et terre, en vain, pour essayer de nous faire connaître. Il y avait déjà des expulsions, énormément. Mais on pensait que si, depuis Barcelone, elle arrivait à les arrêter, ce serait génial. La plateforme des victimes du crédit hypothécaire, c’est nous qui l’avons lancée, mais nous n’avons pas déclaré l’organisation devant les autorités. Ada Colau, elle, a créé la Plateforme des victimes du crédit hypothécaire (pah). Après son discours à l’Assemblée, je me suis dit que j’avais franchi une étape. On avait acquis une visibilité, on a récolté des signatures pour changer la loi, ça a fait beaucoup de bruit et on a réussi à monter jusqu’en haut lieu.
93OG : Le gouvernement équatorien vous a-t-il soutenu pendant ces années ?
94AQ : Pas du tout. En 2010, Banco Pichincha, une banque équatorienne, avait acheté des dettes venant de détenteurs d’hypothèques de Bankia. Quand on a vu ça et que le président Correa est venu en Espagne, on lui a demandé : « Voilà ce qu’il se passe. Qu’en est-il exactement ? ». Il a répondu que tout était faux. Or, quelques mois plus tard, depuis l’Équateur, ils ont commencé à réclamer les dettes aux Équatoriens. C’est-à-dire que les banques en Équateur réclamaient le paiement de dettes contractées en Espagne !
95Par la suite, avec Iván [18] et une équipe, nous avons préparé un projet pour que Correa puisse le défendre au sein du gouvernement. C’était en 2012. Mais Correa ne l’a pas signé, il n’était pas à nos côtés. Nous avons été très isolés. D’ailleurs, la demande collective que nous avons faite récemment, c’est nous qui l’avons financée. Nous sommes soixante familles.
96OG : En 2018, il reste encore soixante familles qui demandent justice. Comment s’est déroulé ce processus ?
97AQ : Nous les Équatoriens, on avait confiance dans la mobilisation. En 2008, on disait : « On va porter plainte contre la banque ; en Équateur on a renversé des gouvernements, on va montrer que oui, c’est possible [19]. » Mais pour ce qui est d’aller jusqu’au tribunal, c’est une autre histoire. Il fallait monter les dossiers. C’est pourquoi, sur cinq cents personnes plaignantes, uniquement cinq se sont présentées avec les papiers en 2010. Puis, en 2012, un avis de recherche a été lancé contre le directeur d’un de ces micmacs financiers. Lui, il faisait partie de la Central Hipotecaria del Inmigrante (chi). Il a fait beaucoup de déclarations : il a raconté ce que nous avions déjà dit, ce que nous savons. Ce qu’il a dit a été enregistré sur vidéo. Avec tous ces éléments, nous avons continué à déposer encore plus de plaintes, mais les tribunaux nous ont fait tourner en bourrique. Il aura fallu sept ans dans les tribunaux de la place de Castille avant que la procédure n’arrive à la Cour d’appel, au Tribunal constitutionnel et, en dernier lieu, nous sommes arrivés, après huit ans, à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. C’est le dernier recours.
98OG : À quoi tout cela a-t-il conduit ?
99AQ : Le tribunal nous a dit qu’il n’y avait pas d’infraction. Ils n’ont pas donné suite. Ils ne veulent pas enquêter. Ils ne veulent pas toucher aux responsables des banques. En revanche, ils s’en sont pris au directeur de la société immobilière et ont lancé un avis de recherche contre lui, pour embrouille financière. Celui-ci a dit qu’il était prescripteur de la banque, que la banque le conseillait. Cet homme-là a dit qu’il était prêt à payer les expulsés, mais que la banque ne l’entendait pas de cette oreille. Les tribunaux protègent les directeurs des institutions financières. Il existe des preuves, des vidéos où les directeurs de banque racontent quels étaient leurs plans. On a travaillé dur pour en arriver là. Comme disent nos avocats : « Nous y sommes arrivés avec dignité. »
100Mais lors du dernier recours légal des victimes [du crédit hypothécaire], la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg s’est prononcée le 18 juin 2018. Dans son avis, elle affirme qu’une formation de juge unique a décidé de rejeter la plainte soumise et que la décision, définitive, ne peut faire l’objet d’aucun recours.
Notes
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[1]
Économiste et homme politique équatorien, il se définit comme humaniste et chrétien de gauche. Depuis l’accession au pouvoir de son successeur Lenin Moreno en 2017, il réside en Belgique.
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[2]
Le mouvement des Indignés (Indignados) est né à la Place centrale de Madrid, Puerta del Sol, le 15 mai 2011, dans la mouvance des mouvements « Occupy » et du Printemps arabe. Il a rassemblé des centaines de milliers de manifestants dans une centaine de villes et a donné lieu à divers modes d’action (campements, marches).
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[3]
Dans ce texte, je me réfère aux personnes primo-arrivantes pour désigner les personnes nouvellement arrivées dans un pays étranger avec l’intention d’y rester.
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[4]
Johanna Siméant, « Immigration et action collective. L’exemple des mobilisations d’étrangers en situation irrégulière », Sociétés contemporaines 20 (1), janvier 1994.
-
[5]
Les lois et normes des biens immobiliers en Espagne sont particulièrement favorables aux banques : si l’hypothèque n’est pas soldée, le bien est vendu aux enchères. S’il n’y a pas d’acheteur, la banque acquiert le bien à hauteur de 50 % du prix proposé aux enchères. Dans ce cas, la personne au nom de laquelle figure l’hypothèque doit alors régler les 50 % restants de cette hypothèque ainsi que les frais légaux.
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[6]
On appelait huasipungo le lopin de terre que des paysans pouvaient cultiver, en échange d’un travail exorbitant exigé par le patron de l’hacienda. La condition de vie du huasipunguero était misérable, il n’avait pas le temps de travailler pour lui, s’endettait et la dette se transmettait aux enfants. (Source : Claude Bourguignon Rougier, Histoire, nation et effraction, Ilcea – Université Stendhal Grenoble) (ndt).
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[7]
L’expression « théologie de la libération » est née en 1968, sous la plume de l’aumônier péruvien Gustavo Gutiérrez. Elle cristallise l’idée de bâtir une église alliée des pauvres et œuvrant pour la transformation sociale. L’acte de fondation de la théologie de la libération en tant que mouvement au sein de l’Église date de la conférence du Conseil épiscopal latino-américain, Celam, en 1968. À cette occasion, et en opposition à une Eglise majoritairement de droite, le Celam déclara : « Nous sommes au seuil d’une époque nouvelle de l’histoire de notre continent, époque clé du désir ardent d’émancipation totale, de la libération de toutes espèces de servitude ». La théologie de la libération a eu une énorme influence au sein de l’Église dans tous les pays d’Amérique latine. Considérée comme communiste, elle fut durement poursuivie.
-
[8]
Óscar Arnulfo Romero (1917 – 1980) est un prélat salvadorien de l’Église catholique. Ayant pris la défense des droits de l’homme face au pouvoir, et alors qu’il était archevêque de San Salvador, il a été assassiné en pleine messe (crime commandité par des militaires d’extrême droite). Figure marquante en Amérique latine, sa vie a inspiré de nombreux ouvrages et films, dont Romero, de John Duigan (1989). Il a été canonisé en 2018 par le pape François.
-
[9]
Leonidas Proaño (1910 – 1988) est un évêque équatorien et l’un des fondateurs de la théologie de la libération. Il est connu comme l’« évêque des indiens » en raison de son travail pour les indiens en tant qu’évêque de Riobamba.
-
[10]
Le Prix Don Bosco est un concours organisé par le Centre Salésien Notre Dame du Pilier de Saragosse, dans le but de développer la créativité et l’innovation chez les jeunes.
-
[11]
La valeur donnée à l’éducation est très importante en Amérique latine. Elle est vue comme le vecteur du progrès personnel (acquisition de connaissances) et plus généralement comme le moyen d’avoir un progrès social et économique. L’éducation ne s’arrête pas à la scolarité obligatoire. Les adultes cherchent des formations et des diplômes. Aída, elle-même, a entrepris de longues études de droit depuis 2017.
-
[12]
Pour approfondir la question des modalités qui empêchent les personnes pauvres d’aspirer à des postes d’élus, voir Julia Cagé, Le prix de la démocratie, Gallimard, 2020.
-
[13]
Au début des années 2000, alors que l’Espagne jouissait de bons indicateurs macro-économiques, la législation pour obtenir des papiers était très favorable aux migrant·e·s.
-
[14]
Signifie « petit enclos ». Ce sont les mesures économiques, notamment le gel des comptes bancaires, mises en place pour mettre fin à une course aux liquidités et à la fuite des capitaux. (ndt).
-
[15]
L’Euribor (Euro Interbank Offered Rate) est le taux d’intérêt moyen auquel un grand nombre de banques européennes de premier plan (le panel de banques) se consentent des prêts en euros.
-
[16]
La crise de 2008, qui trouve son origine dans la crise des subprimes, a eu un grand impact en Espagne. Trois ans après sa déclaration officielle, le chômage n’avait pas reculé : il était de 21 %. Les migrant·e·s (et par conséquence leurs proches, y compris restés au pays mais que recevaient des transferts d’argent) furent sévèrement touché·e·s, car ils/elles étaient surreprésenté·e·s dans des secteurs durement affectés comme le bâtiment, l’hôtellerie et les emplois moins stables. Voir l’article d’Olga L González, « Les migrants, sujets de la mobilisation ? L’expérience des migrants équatoriens dans la crise espagnole à la fin des années 2000 », Les Cahiers Alhim (Amérique latine Histoire & Mémoire). <https://journals.openedition.org/alhim/4151?lang=fr>
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[17]
La Confederación Sindical de Comisiones Obreras est la plus grande fédération syndicale espagnole, proche du Parti Communiste.
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[18]
Iván Cisneros, économiste. Il soutient activement la Conadee depuis 2006.
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[19]
Plusieurs présidents ont été déchus en Équateur dans les années 1990-2000 suite à la colère populaire. Dans ce pays, les manifestations dans la rue sont très impressionnantes, et les secteurs indiens organisés en sont un acteur de premier plan.