Couverture de TGS_044

Article de revue

L’intersectionnalité comme stratégie de mobilisation sociale

Les défenseures des immigrées asiatiques aux États-Unis

Pages 67 à 85

Notes

  • [1]
    Cet article est une version raccourcie de : Jennifer Chun, George Lipsitz et Young Shin, 2013, « Intersectionality as a Social Movement Strategy: Asian Immigrant Women Advocates », Signs: Journal of Women in Culture and Society, vol. 38, n° 4, p. 917-940.
  • [2]
    Un worker center aux États-Unis vise à mobiliser et défendre les travailleurs précaires, avec un modèle inspiré du community organizing de Saul Alinsky, et tente de combler le vide laissé par le déclin syndical. Cf. Sébastien Chauvin, 2007, « Le worker center et ses spectres : les conditions d’une mobilisation collective des travailleurs précaires à Chicago », Sociologies pratiques, vol. 15, n° 2, p. 41-54.
  • [3]
    NdT : Nous avons choisi de traduire littéralement l’expression « women of color ».
  • [4]
    NdT : Ce terme nepantla signifie la « terre du milieu » et a été conceptualisé par les féministes chicanas comme un espace d’inconfort et de création, lié notamment à l’expérience de la traversée des frontières.
  • [5]
    NdT : Organisation révolutionnaire socialiste de femmes de couleur, fondé au départ au sein d’une organisation étudiante (Student Nonviolent Coordinating Committee), qui a existé aux États-Unis entre 1968 et 1980.
  • [6]
    NdT : Fondée sur trente ans d’action directe et de campagnes d’éducation fructueuses, la ctos est la théorie et le modèle du changement social élaborés par l’aiwa. Cette stratégie propose une voie concrète pour que les femmes immigrées marginalisées deviennent des agentes du changement grâce à un parcours en sept étapes, qui associe éducation politique, développement concret de compétences et entraînement à l’action effective à chaque stade de la campagne <https://www.aiwa.org/ctos/>.
  • [7]
    Texan Farm Workers Union : syndicat des travailleurs agricoles du Texas, qui a organisé des grèves et campagnes entre 1975 et 1985 pour dénoncer les conditions de travail et de vie des journaliers agricoles, souvent latinos immigrés, et obtenir (en vain) une convention collective.
  • [8]
    NdT : Center for Third World Organizing : centre de formation et de ressources, qui vise à soutenir l’organisation d’un mouvement de justice raciale animé par les personnes de couleur, présent sur tout le territoire étatsunien.
  • [9]
    NdT : National Welfare Rights Organisation : groupe militant qui a existé entre 1966 et 1975 et défendait des droits sociaux, principalement pour lutter contre la pauvreté et pour la dignité des femmes et enfants de couleur.
  • [10]
    NdT : Association of Community Organizations for Reform Now : association américaine de solidarité, de défense et d’aide envers les personnes et familles en situation de précarité, active de 1975 à 2010.
  • [11]
    Née en 1963, arrivée à 12 ans avec sa famille coréenne aux États-Unis, elle fait des études d’histoire et de droit, avec une spécialisation en études asiatiques, à l’université du Minnesota. Marquée par le racisme et l’exploitation qu’ont subi ses deux parents, elle s’engage comme bénévole puis comme salariée à l’aiwa, où elle coordonne la campagne « Justice pour les ouvrières de la confection ». Cf. « Helene Kim », in John Mongillo et Bibi Booth (dir.), Environmental activists, Wesport, Greenwood Press, p. 152-157.
  • [12]
    Mujeres Unidas y Activas (Femmes unies et actives) : créée en 1989, cette association offre du soutien aux femmes immigrées latinas, défend les droits des immigré·e·s et œuvre pour la justice sociale <http://mujeresunidas.net/about/history/>.
  • [13]
    NdT :Tableau extrait de Jennifer Chun [2017, p. 108].

1L’histoire des Asian Immigrant Women Advocates (aiwa ou Défenseures des immigrées asiatiques) à Oakland et à San Jose en Californie, sur près de trois décennies, offre un exemple éloquent de l’intersectionnalité mise en œuvre dans un mouvement social et de son utilité pour révéler la dimension diffuse et différentielle des formes imbriquées d’oppression. Fondée en 1983 à Oakland, l’Asian Immigrant Women Advocates fut l’une des premières organisations communautaires de type worker center[2], créées pour répondre à la prédominance d’immigrées asiatiques dans les emplois à bas salaires dans la région de la baie de San Francisco. Les problèmes auxquels ont à faire face les femmes qu’elle défend ne se limitent pas à certains commerces ou quartiers, au cercle familial ou aux guichets des administrations. Cette organisation non gouvernementale fournit aux travailleuses immigrées la possibilité de devenir des responsables actives et visibles au sein d’un mouvement social qui lutte en faveur de plus de justice économique et sociale, indépendamment de leur niveau d’éducation antérieur, de leur maîtrise de l’anglais ou de leur position dans l’ordre social, économique et politique. L’Asian Immigrant Women Advocates n’épouse pas l’intersectionnalité simplement parce que ses membres ont subi racisme, sexisme, impérialisme, exploitation de classe et discrimination linguistique, mais parce que chacune de ces sphères d’expérience a aidé l’organisation à comprendre le fonctionnement du pouvoir et le besoin de nouvelles identités pour combattre ses mécanismes et ses effets intersectionnels.

2Nous faisons valoir l’importance de l’intersectionnalité comme stratégie de lutte sociale grâce à une étude de cas approfondie de ce mouvement et de ses campagnes. La première partie revient sur les origines du concept d’intersectionnalité, à la fois dans les milieux universitaires et dans la longue histoire des luttes sociales aux États-Unis. La deuxième partie s’appuie sur des travaux ethnographiques et des documents d’archives pour montrer comment l’Asian Immigrant Women Advocates a placé l’intersectionnalité au cœur du travail quotidien de mobilisation. Cette notion intervient de trois manières principales : comme grille d’analyse pour comprendre l’imbrication du genre, de la famille, du travail et de la nation dans l’expérience des travailleuses immigrées ; comme outil réflexif pour combiner théorie et pratique des mouvements sociaux ; et comme structure pour élaborer un modèle de « leadership par les paires » et de nouvelles formes de mobilisation plus inclusives.

Intersectionnalité, mouvements sociaux et activisme des femmes de couleur

3Les mobilisations et le militantisme parmi les femmes de couleur [3] reconnaissent depuis longtemps la pertinence d’utiliser les injustices particulières subies par un groupe spécifique comme point de départ d’un combat plus large. Au xixe siècle, Anna Julia Cooper enjoignait aux femmes noires de soutenir toutes les causes justes qui avaient jusque-là « manqué de porte-parole et de défenseurs » et de s’élever contre « toute injustice nécessitant porte-voix » [Cooper, 1998]. Dans la première moitié du xxe siècle, Claudia Jones, une communiste noire, argua que les femmes noires étaient surexploitées parce qu’elles subissaient une combinaison d’oppression de race, de classe et de genre, et qu’il était impossible d’y remédier en se concentrant uniquement sur l’un de ces aspects indépendamment des autres [Boyce Davies, 2007]. Les mobilisations féministes chicanas durant les années 1960 et 1970 ont mené des campagnes complexes autour des questions de classe, de race, de nation, de genre et de sexualité. Ces luttes ont aidé à forger les concepts de « nepantla[4] » et de zones frontalières, formulés par Gloria Anzaldua et d’autres, qui sont des outils clés pour élaborer ce que Maylei Blackwell appelle une conception des identités sociales privilégiant le « à la fois/et » plutôt que le « soit/soit » [Anzaldua, 2007 ; Blackwell, 2011]. La militante américaine d’origine asiatique Miriam Ching Yoon Louie se souvient du rôle majeur du concept de « triple péril », associant race, genre et classe, formulé par la Third World’s Women’s Alliance[5], dans sa propre prise de conscience politique dans les années 1960 [Louie, 2001a]. Dans les années 1970, des femmes noires qui militaient contre la stérilisation forcée, pour la défense de leurs droits reproductifs et pour soutenir les femmes qui se défendaient contre la violence de genre formèrent le Combahee River Collective et publièrent une « déclaration féministe noire » qui souligne l’imbrication des identités sociales [Combahee River Collective, 1995 ; Kelley 2002].

4Des idées et des analyses affûtées au fil des luttes ont préparé le terrain pour les théories des féministes de couleur dans le monde universitaire sur l’intersectionnalité, les oppressions imbriquées, la conscience différentielle et l’hybridité, l’hétérogénéité et la multiplicité [Collins, 1990 ; Sandoval, 1991]. Dans son travail pionnier sur le travail reproductif, Evelyn Nakano Glenn [1992] a souligné que les liens entre la race et le genre créaient des enchevêtrements troublants entre femmes blanches et femmes de couleur : même s’il peut être dans l’intérêt des premières à court terme de renforcer la division raciale du travail, et de se protéger ainsi des formes sales et moins désirables de travail reproductif effectuées par les femmes de couleur, ce n’est pas dans leur intérêt à long terme, puisque la division raciale du travail reproduit la division sexuée du travail et renforce les obstacles persistants auxquels les femmes blanches sont elles-mêmes confrontées pour accéder aux « emplois masculins » mieux rémunérés et plus désirables.

5L’intersectionnalité a émergé dans la recherche en sciences sociales comme l’une des nombreuses réponses aux luttes démocratiques et égalitaires pour la justice sociale au xxe siècle, dans diverses sphères d’activité. Bien qu’elle soit parfois perçue à tort dans les milieux universitaires comme un outil conçu pour forger une sorte d’identité individuelle « sur mesure », fondée sur les complexités et contradictions de chaque biographie particulière, le concept d’intersectionnalité est, à l’origine, un outil permettant de révéler que le pouvoir fonctionne de manière inégale et différenciée. Ses premières formulations appelaient expressément à résister aux risques que la désintégration et l’individuation inhérentes aux approches monothématiques faisaient peser sur les luttes collectives pour la justice sociale [Crenshaw, 2011 ; Lipsitz, 2011]. La notion d’intersectionnalité a aidé à déplacer le cœur des contestations féministes et antiracistes universitaires de l’analyse de préjugés et stéréotypes vers l’étude du pouvoir institutionnel et des dynamiques systémiques.

6Les problèmes fondamentaux auxquels s’est attelée l’analyse intersectionnelle au départ émanaient directement de la confrontation aux difficultés rencontrées par les membres des groupes subissant des discriminations dans les luttes concrètes des mouvements sociaux. Kimberlé Williams Crenshaw a, la première, utilisé le terme d’« intersectionnalité » dans deux articles de revues juridiques, parus en 1989 et 1991. Ces essais n’étaient pas des réflexions philosophiques sur l’identité mais des analyses et des critiques empiriques sur la manière dont la législation antidiscrimination entravait les efforts des travailleuses noires pour améliorer leurs perspectives professionnelles et dont les campagnes contre le viol et les violences faites aux femmes présupposaient à tort une expérience commune, sans prendre en compte les vulnérabilités cumulées des femmes noires et des immigrées de couleur.

7Sans intersectionnalité, l’unité du groupe menace de dégénérer en une uniformité imposée, qui profite à certain·e·s de ses membres au détriment des autres. Par exemple, l’amélioration des perspectives professionnelles et la promotion des travailleurs noirs ne signifient pas nécessairement plus de justice pour les femmes noires. L’activisme antiraciste peut très bien ne pas critiquer la misogynie. L’homophobie peut s’insinuer dans les mobilisations féministes et antiracistes, de même que les privilèges raciaux et de classe peuvent être négligés dans une perspective queer. Kimberlé Crenshaw ne défend pourtant pas l’abandon des catégories d’identité au profit d’un universalisme désincarné. Elle reconnaît au contraire que ces identités spécifiques peuvent receler des connaissances ancrées dans l’expérience, qui offrent de précieux points de vue sur le pouvoir. Dans la tradition d’Aimé Césaire, elle rejette à la fois le particularisme borné et l’universalisme désincarné. Elle plaide pour un « universel » contingent, provisoire et riche en spécificités, qui implique le dialogue de toutes et tous, l’autonomie de chacun et la dictature de personne [Césaire, 2000]. L’intersectionnalité de Kimberlé Crenshaw promeut des luttes fondées sur la race mais pas limitées à la race, féministes mais pas essentialistes, toujours en faveur des Noirs et des femmes mais jamais uniquement en faveur des Noirs et des femmes.

8Les idées et les expériences de l’Asian Immigrant Women Advocates peuvent nous aider à réexaminer les relations entre le militantisme et la théorie. Elles permettent de comprendre que l’intersectionnalité est non seulement un outil analytique vital et donc crédible pour les universitaires, mais qu’elle s’applique aussi, au quotidien, aux groupes victimes de discriminations dans leurs luttes pour la justice sociale. Les travailleuses immigrées asiatiques qui participent aux activités de l’aiwa n’exercent pas des métiers de théoriciennes avec tout le prestige social que cela comporte, mais les besoins pratiques de la lutte les obligent à se livrer à un travail théorique. Tous les projets de l’organisation tournent autour de la notion d’intersectionnalité, telle qu’elle a été développée et affinée dans le cadre de dialogues, de délibérations et d’actions démocratiques définis par le processus ctos : Community Transformational Organizing Strategy[6]. Manifestation concrète du travail théorique de l’Asian Immigrant Women Advocates, cette stratégie représente la tentative de l’organisation d’« élaborer un modèle participatif de leadership par les paires émanant de la base », un modèle théorique qui soit potentiellement reproductible, afin que la formation de responsables issues du terrain devienne une priorité de la mobilisation, et pas un simple vœu pieux.

9Les données empiriques ont été recueillies entre 2007 et 2010 et se fondent principalement sur douze groupes de discussion, menés avec trente immigrées chinoises, coréennes et vietnamiennes, et quinze entretiens approfondis avec le personnel, les ancien·ne·s employé·e·s et les sympathisant·e·s de l’Asian Immigrant Women Advocates, dans le cadre d’un partenariat que ce dernier a initié pour évaluer l’impact de son action au cours des vingt-cinq dernières années. Cette collaboration entre chercheurs universitaires et militant·e·s de terrain s’inscrit dans la tradition de la recherche-action participative féministe [Smith, 1987] et des méthodologies de décolonisation [Smith, 1999 ; Sandoval, 2000].

Les sphères interdépendantes du genre, de la famille, du travail et de la nation

10L’Asian Immigrant Women Advocates mobilise autour du marqueur panethnique de l’identité asiatique plutôt que de catégories ethniques spécifiques comme le fait d’être coréenne ou chinoise. Mais l’organisation relie néanmoins sa perspective asiatique généraliste à des sous-groupes spécifiques : les immigrées, les femmes et les ouvrières. Les usines de confection d’Oakland ont été l’une des premières voies d’accès pour les immigrées chinoises originaires de Hong Kong et des régions côtières du sud-est de la Chine continentale. De nombreuses femmes racontent qu’on leur avait affirmé, avant leur départ : « Si vous allez aux États-Unis, vous ferez soit de la couture, soit la plonge ». À San Jose, le slogan « petite, femme, étrangère » était la formule simple de la Silicon Valley pour embaucher à faible coût des femmes asiatiques et latino-américaines dans les usines d’assemblage électronique [Hossfeld, 1994]. Dans les hôtels d’affaires de San Francisco, les immigrées chinoises et coréennes, entre autres groupes de femmes de couleur immigrées, sont cantonnées « aux coulisses », en tant que femmes de chambre, tandis que les agents d’accueil et les serveurs de restaurant, blancs et diplômés, travaillent « sur le devant de la scène » [Louie, 2001b].

11Dès le début, l’Asian Immigrant Women Advocates a édicté comme priorité les besoins des travailleuses immigrées. Les responsables de ce worker center qui à l’époque étaient pour la plupart des femmes diplômées de l’université d’origine asiatique, immigrées de deuxième génération ou arrivées aux États-Unis dans leur enfance ou adolescence, se sont rendues dans les usines de confection, les restaurants et les hôtels de la région pour demander aux femmes immigrées quels types de programmes et d’activités répondraient le mieux à leurs besoins. Young Shin (fondatrice de l’organisation et co-auteure de cet article) se souvient que, lors d’une action de sensibilisation sur le lieu de travail, elle fut de prime abord surprise d’entendre évoquer l’importance de l’apprentissage de l’anglais pour les ouvrières immigrées :

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« Je me rappelle encore ma discussion avec une couturière chinoise, qui déjeunait sur le pas de la porte de la boutique de vêtements pour laquelle elle travaillait, à Chinatown. Lorsqu’on lui a demandé quel type de dispositif lui paraissait utile pour les immigrées comme elle, elle a répondu : “Apprendre l’anglais”. Je me suis demandé où elle parlerait anglais puisqu’elle travaillait de 8 à 10 heures par jour, 7 jours sur 7, faisait ses courses à Chinatown, et passait le reste de son temps avec ses amis et sa famille chinois. Mais j’ai vite réalisé et compris qu’apprendre à parler anglais représentait pour certaines femmes le besoin symbolique de sentir qu’elles faisaient partie de leur pays d’adoption, les États-Unis ».

13L’Asian Immigrant Women Advocates a, peu après, commencé à proposer des cours de langue sur les lieux de travail. En plus d’un apprentissage de base de l’anglais, l’association a aussi élaboré un programme fondé sur les principes de l’éducation populaire visant à éduquer les femmes sur leurs droits au travail, en tant que femmes et immigrées. Alors que certaines femmes désiraient apprendre l’anglais pour améliorer leurs perspectives professionnelles, d’autres faisaient valoir que parler anglais était indispensable pour pouvoir se défendre et s’affirmer. Une immigrée coréenne qui travaillait comme femme de ménage dans un hôtel de luxe de San Francisco explique ainsi qu’elle voulait apprendre l’anglais « afin que nous puissions dire au patron d’arrêter de nous crier dessus. Nous ne sommes pas des machines mais des êtres humains qui méritent un certain respect ». En remettant en cause les présupposés des employeurs selon lesquelles les ouvrières ayant une maîtrise limitée de l’anglais n’opposeront pas de résistance, ne se plaindront pas et ne déposeront pas de plainte écrite, les travailleuses immigrées asiatiques commencent à défaire la corrélation entre compétence linguistique et discrimination au travail.

14La collaboration avec d’autres femmes aide également les travailleuses immigrées à enrichir leur compréhension du genre. La « seconde journée de travail » à la maison, est une réalité omniprésente pour la plupart des membres de l’aiwa, qui doivent faire la cuisine, le ménage et s’occuper de leur famille, y compris de membres de leur famille étendue, en plus de leur travail salarié. Les longues heures passées à travailler peuvent les isoler de la vie de la communauté et restreindre leur estime de soi et leur identification à leur rôle d’aidantes. La participation aux activités de l’Asian Immigrant Women Advocates offre à ces femmes la possibilité de nouer des relations choisies et attentionnées avec d’autres femmes avec qui elles n’ont pas de liens de parenté, ce qui génère une autre perception de soi et ouvre de nouveaux horizons chez des femmes habituées à devoir se définir exclusivement en fonction de leurs rôles au sein de la famille. Sunhee, l’une des plus anciennes responsables d’origine coréenne, explique :

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« Je pense que j’ai découvert ce qu’était une “femme” depuis mon arrivée à l’aiwa, et cela me donne du pouvoir. Si je conseille à des femmes de s’instruire et si je les entends répondre qu’elles doivent rester à la maison pour cuisiner, je leur dis : “Réservez deux heures par semaine pour vous-même, c’est tout. Venez pour votre bien.” Nous sommes trop prises par nos familles et nos enfants. Oui, bien sûr, nous avons des devoirs. Je ne cherche pas à suggérer que vous devez les négliger. Mais si vous pouvez réserver ne serait-ce que deux heures par semaine pour vous-même, la vie sera plus belle. “Trouvez-vous”, c’est ce que je dis toujours aux femmes. Et quand elles y parviennent, elles me disent qu’elles se sentent tellement bien. Elles viennent ici pour suivre deux heures de cours d’anglais, pour leur propre bien. Apprendre l’anglais n’est pas nécessairement l’unique objectif. Lorsque vous venez ici, vous vous découvrez. »

16L’Asian Immigrant Women Advocates est particulièrement attentive aux intersections qui compliquent le statut des femmes au travail en raison de leurs rôles sociaux de mère et d’épouse. Pour participer aux activités de l’aiwa, les femmes doivent souvent convaincre leurs enfants et leur conjoint de participer davantage aux tâches domestiques. L’absence de soutien des membres de leur famille empêche d’ailleurs certaines femmes de s’impliquer davantage dans des postes à responsabilité au sein de l’organisation. D’autres bénéficient au contraire du soutien crucial de leur entourage pour se former. La participation à des activités autres que le travail et les tâches ménagères fait souvent évoluer de manière surprenante les relations entre les mères immigrées et leurs enfants. Les enfants immigrés de la classe ouvrière assument souvent beaucoup de responsabilités à un jeune âge, lorsqu’ils se font traducteurs anglais pour leurs parents, renversant les schémas dominants d’autorité et de respect entre parents et enfants.

17Le militantisme à l’Asian Immigrant Women Advocates permet à certaines femmes de remettre en cause ces renversements. Jinmee est arrivée à Santa Clara depuis la Corée avec son mari et ses deux enfants au milieu des années 1980, et a commencé à suivre des cours de langue peu après. Elle devait rédiger un bref essai sur les expériences de Rosa Parks durant les luttes de 1955 pour obtenir la fin de la ségrégation dans les transports publics, à Montgomery dans l’Alabama, et elle demanda à sa fille, lycéenne à l’époque, de relire son texte et d’en corriger l’orthographe et la grammaire. La jeune fille commenta quelque chose de plus important que les coquilles ; sa mère se souvient :

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« Elle a lu tout le texte puis m’a demandé : “Tu lis toujours ce genre d’histoire dans tes cours ?” Je lui ai répondu : “Tu connais Rosa Parks ?”. En apprenant la signification que cette histoire avait pour elle, j’ai ressenti une chaleur intérieure. Ma fille découvrait que sa mère apprenait ce type d’histoire, et elle m’a toujours soutenue depuis ce jour-là. Mon mari ne montrait pas d’intérêt jusque-là, mais la perception de mes enfants a changé. Les enfants m’ont soutenue, et dans la foulée mon mari s’est lui aussi mis à me soutenir. »

19La création d’espaces qui permettent aux femmes de renouveler leurs relations, dans de multiples sphères, souligne la nature intersectionnelle de leurs vies de femmes, à la fois travailleuses, mères, épouses et immigrées. Réussir à faire accepter aux hommes une nouvelle répartition des tâches domestiques ; susciter un nouveau respect chez ses enfants grâce à l’acquisition de nouvelles connaissances et compétences ; appréhender les rôles de mère, épouse, fille et sœur comme des conditions de vie importantes et non leurs seules identités ; cultiver des relations de confiance, électives et attentives, avec des personnes étrangères à la famille, tout cela contribue à construire une autre perception de soi et à ouvrir de nouveaux horizons.

Victoires historiques contre l’exploitation des ouvrières dans les ateliers de confection et les usines d’assemblage électronique

20En plaçant au cœur des campagnes en faveur des ouvrières un leadership émanant de la base, l’approche intersectionnelle de l’Asian Immigrant Women Advocates fonctionne comme un révélateur du fonctionnement inégal et différencié du pouvoir, fait apparaître de nouveaux objectifs pour l’action collective, et active de nouvelles solidarités et affinités, par-delà la race, le sexe, le statut social et la génération. Les toutes premières expériences de l’organisation visant à mobiliser les ouvrières des secteurs de la confection et des nouvelles technologies mettent en évidence les dilemmes spécifiques auxquels sont confrontées les travailleuses immigrées asiatiques lorsqu’elles tentent de faire valoir leurs droits. Ces expériences soulignent en retour la nécessité de développer des solutions différentes, ancrées dans leurs expériences de marginalisation et d’oppression quotidiennes.

21Dans la confection, l’organisation a rapidement compris les risques encourus par chaque ouvrière qui tenterait de faire valoir ses droits. Après avoir appris le montant du salaire minimum lors d’un cours de langue sur son lieu de travail, à Oakland, une immigrée chinoise a demandé à son patron de la rémunérer au salaire minimum. Elle fut licenciée le lendemain. Cet incident a révélé qu’il pouvait être dangereux de se contenter d’informer les travailleuses sur leurs droits légaux sans en même temps transformer les structures sociales, économiques et politiques. L’absence de protection sociale élémentaire pour les ouvrières qui travaillent à l’assemblage des produits technologiques dans la Silicon Valley a également révélé les limites des approches syndicales conventionnelles en matière de mobilisation des travailleuses immigrées. En collaboration avec le groupe Services, Immigrant Rights and Education Network de San Jose et l’association juridique à but non lucratif Equal Rights Advocates, l’Asian Immigrant Women Advocates a lancé entre 2002 et 2004 un partenariat « Nouvelles Technologies » pour lutter contre les pratiques abusives et les bas salaires auxquels sont confrontées les femmes immigrées dans l’industrie électronique de la Silicon Valley. Alfredo Avila de Silva, un militant chevronné du syndicat Texan Farm Workers Union[7], ancien militant du Center for Third World Organizing[8] (ctwo) à Oakland, reconnaît la pertinence de la nouvelle stratégie du mouvement vis-à-vis des usines d’assemblage d’électronique, où les employeurs sont hostiles aux syndicats. Il explique :

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« Lorsque des militants syndicaux tentaient de pénétrer l’industrie des nouvelles technologies dans la Silicon Valley, si un militant syndical se présentait dans une entreprise, en à peine quelques jours, il devenait impossible à cette personne de pénétrer dans l’usine. Elle se heurtait à un mur ; il lui était tout simplement impossible d’avoir accès aux ouvrières. Les quelques ouvrières avec lesquelles un dialogue s’engageait étaient rapidement isolées des autres. Les campagnes syndicales faisaient long feu et devaient s’arrêter car elles ne parvenaient pas à toucher suffisamment de personnes. En revanche, curieusement, quand l’aiwa contactait les usines pour proposer des cours d’anglais gratuits sur le lieu de travail, les employeurs et les sous-traitants lui ouvraient leurs portes. Personne n’anticipait l’effet qu’auraient ces cours, vous comprenez ? »

23Le secteur des nouvelles technologies s’est révélé beaucoup plus résistant à la stratégie d’action par la base développée par l’organisation que l’industrie textile, où ont été obtenues des victoires historiques contre les infractions au droit du travail dans les ateliers de confection. La réputation croissante de l’Asian Immigrant Women Advocates, comme organisation de défense des droits des travailleuses immigrées au début des années 1990, a conduit douze couturières du quartier chinois d’Oakland à se rendre à son bureau pour demander de l’aide afin de récupérer des salaires impayés. Bien que le non-versement des salaires ne soit pas rare pour les ouvrières de l’industrie textile, le mouvement y a vu une chance d’assister un groupe courageux d’ouvrières du secteur, et d’exiger que les enseignes de mode telles que Jessica McClintock reconnaissent la responsabilité de leurs entreprises dans le vol salarial courant dans la confection, même si elles n’étaient pas les employeurs directs de ces ouvrières et donc pas légalement responsables. Pour démontrer comment la structure par sous-traitance dans le secteur textile éclipse le travail des ouvrières, l’organisation s’est appuyée sur des méthodes de recherche-action participative. Le personnel a organisé une visite sur le terrain à la boutique Jessica McClintock à Union Square, à San Francisco. Lorsque les ouvrières ont repéré les robes qu’elles avaient elles-mêmes cousues, vendues au prix délirant de 175 $, Young Shin se souvient qu’« il n’a pas fallu des calculs et des explications très longs pour comprendre que quelqu’un réalisait un énorme profit tandis que ces couturières étaient payées une misère ».

24La campagne « Justice pour les ouvrières de la confection » menée par l’Asian Immigrant Women Advocates (1992-1998) a activé un dense réseau de sympathisant·e·s du mouvement et de militant·e·s étudiant·e·s, à la fois localement et à l’échelle nationale, pour mettre à l’index Jessica McClintock, qui refusait d’assumer la responsabilité des abus dans les ateliers textiles. Gary Delgado, directeur fondateur du Center for Third World Organizing (ctwo), et ancien militant associatif pour la National Welfare Rights Organisation[9] et l’Association of Community Organizations for Reform Now[10], reconnaît l’approche novatrice de l’aiwa en matière de lutte en faveur des ouvrières et de militantisme de terrain. Il explique :

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« C’était une campagne de femmes. Elle était différente des autres parce que la majorité des autres campagnes était dominée ou gérée par des hommes. Alors que là, il y avait non seulement une base multiraciale de femmes asiatiques, ce que les gens ont déjà du mal à envisager, mais vous alliez sur les campus universitaires et les étudiantes s’activaient là aussi. La campagne publique, dans laquelle Helen Kim [11] était très impliquée, fut décisive et très impressionnante. Elle a précédé l’action dans les ateliers. Toute une série de jeunes militantes asiatiques se sont fait les dents avec cette campagne, en luttant pour se débarrasser du joug de la « minorité exemplaire », et tout ça. C’était une campagne passionnante, en elle-même, en ce qu’elle mettait aux prises des responsables de minorités ethniques et McClintock, mais aussi parce qu’elle a inspiré de nombreuses jeunes femmes, lycéennes ou étudiantes, qui voyaient que ça concernait leurs propres mères. »

26La conjonction de ressemblances et de différences joua un rôle décisif dans la mobilisation des jeunes Américain·e·s d’origine asiatique de deuxième génération en faveur des immigrées chinoises de la confection. Vivian Chang, qui travaillait en tant que coordinatrice de campagne et dont la grand-mère taïwanaise était une ouvrière textile, a expliqué que, lorsqu’elle présentait la campagne dans des lycées, des universités ou à des groupes de soutien, elle commençait par demander : « Qui parmi vous a un membre de sa famille employé dans la confection ? » Helen Kim, une Américaine née en Corée et arrivée enfant aux États-Unis, et Stacy Kono, une Américaine d’origine japonaise de troisième génération, étaient aussi des responsables clés de l’Asian Immigrant Women Advocates dans l’organisation de cette campagne. Bien que ni l’une ni l’autre n’ait de la famille proche travaillant dans la confection, chacune souligne combien il est important d’avoir de multiples portes d’entrée et possibilités d’identification, notamment pour ceux qui ont grandi dans des familles immigrées. Revenant sur l’immense soutien que l’aiwa a pu générer parmi les étudiant·e·s américain·e·s d’origine asiatique, de Los Angeles à Chicago, de New York à Atlanta, Helen Kim explique : « Je pense que les personnes comprennent bien les difficultés et sacrifices endurés par les immigré·e·s de première génération. Et donc, même si leur famille proche ne travaillait pas dans les ateliers de confection, ils et elles pouvaient s’identifier à la fois aux discriminations subies et à l’absence de perspectives. »

27La campagne publique spectaculaire de l’Asian Immigrant Women Advocates, déployée sur trois ans et demi, a abouti à la mise en place de nouvelles normes et protections dans la confection. En février 1996, Jessica McClintock a signé un accord de coopération, avec l’appui de Robert Reich, du département américain du Travail, pour créer un fonds de formation et une ligne d’assistance téléphonique gratuite, multilingue et confidentielle pour les ouvrières de la confection aux États-Unis. En 1997, le mouvement a obtenu la participation de trois autres marques de vêtements, Esprit de Corp, Byer California et Fritzi of California, pour établir des permanences téléphoniques permettant aux ouvrières textiles travaillant pour des sous-traitants de signaler les violations du droit du travail. Quand l’organisation émergea d’une phase intense de mobilisation face à une situation de crise, les responsables entreprirent de recenser les forces et les faiblesses de cette campagne. Si, par leur courage et leur résilience, les travailleuses immigrées avaient été au cœur de la campagne par leurs témoignages lors d’audiences publiques et leurs prises de parole lors de rassemblements et manifestations, elles avaient en revanche joué un rôle limité dans l’issue concrète de la mobilisation. En outre, l’Asian Immigrant Women Advocates avait consacré beaucoup de son temps et de ses ressources à intensifier le message en direction du grand public pour soutenir une mobilisation d’ampleur plutôt qu’à développer la capacité des immigrées à défendre leurs propres intérêts. Pour se recentrer sur sa mission fondamentale, le mouvement est passée d’une stratégie de mobilisation fondée sur les problèmes à résoudre à une approche relationnelle des défenseures des immigrées. Cette approche organisationnelle relationnelle ne privilégie pas la « mobilisation sur des campagnes thématiques », comme l’explique Mark Warren [1998], mais cherche plutôt à cultiver la participation continue des membres de la communauté « dans le but de trouver des terrains d’entente pour l’action politique » [ibid.].

28Entre 2000 et 2006, l’Asian Immigrant Women Advocates a modifié ses pratiques pour que la participation active des travailleuses immigrées aux campagnes menées devienne une priorité. Lors d’un séminaire annuel, en 2000, les membres de l’organisation ont convenu qu’il était nécessaire de s’occuper de la pénibilité du travail, des douleurs et des blessures chroniques des ouvrières dont le corps se détériorait après des années passées à coudre dans les ateliers de confection. En s’appuyant sur son réseau de promotion de la santé par les pair·e·s, grâce auquel les membres identifiaient et contestaient elles-mêmes les risques pour la santé et la sécurité au travail, l’Asian Immigrant Women Advocates a ouvert une clinique pour les ouvrières de la confection dans le quartier chinois d’Oakland. Celle-ci leur a non seulement fourni des prestations de santé de base ainsi qu’un dépistage des blessures professionnelles, elle a également fait naître de nouvelles collaborations, qui ont placé les travailleuses immigrées de la confection dans des relations plus horizontales et collaboratives avec des professionnel·le·s de santé de l’Université de Californie à San Francisco et avec les responsables des politiques publiques en matière de sécurité et de santé au travail pour l’État de Californie. Les immigrées ont utilisé leurs connaissances, ancrées dans leur expérience accumulée au fil des ans de maux de dos, de blessures dues au stress répétitif, de fatigue oculaire et de maux de tête, pour concevoir un modèle de poste de travail ergonomique. L’Asian Immigrant Women Advocates a lancé sa campagne d’amélioration ergonomique appelée ergo, pour convaincre les ateliers de confection sous-traitants de moderniser leurs postes de travail, en installant des chaises, des tables inclinables, des repose-pieds et des trousses à outils de conception ergonomique, afin de lutter contre les blessures douloureuses récurrentes dans la confection.

29La campagne ergo (2002-2006) combinait des éléments clés de la stratégie de mobilisation par la base. Une fois que les ouvrières eurent identifié l’ergonomie comme étant le problème majeur, elles furent chargées d’étudier la question et de conduire la campagne du début à la fin, de faire face aux revers et de concevoir des solutions innovantes. L’une des alliances les plus inattendues s’est nouée entre l’organisation, les sous-traitants et l’administration municipale locale. Lorsque les immigrées ont fait valoir aux employeurs la nécessité de réformer l’ergonomie des postes de confection, ceux-ci ont initialement reculé devant le coût des chaises ergonomiques (250 $). Tout comme l’Asian Immigrant Women Advocates avait élaboré une stratégie novatrice pour exiger la responsabilité des entreprises dans le secteur de la confection, elle a collaboré avec des sous-traitants pour faire pression sur la ville d’Oakland et le comté d’Alameda, afin que des fonds publics servent à l’amélioration des conditions de santé et de sécurité pour les habitants à faibles revenus. La campagne ergo n’a pas forcé les sous-traitants et les détaillants à créer eux-mêmes des environnements de travail plus sains, mais les dilemmes pratiques rencontrés pour mettre en œuvre des changements ergonomiques ont suscité de nouvelles analyses sur la manière d’impliquer la responsabilité des communautés locales dans la définition des normes en vigueur sur les lieux de travail dans une industrie qui est transnationale.

Entre travailleuses immigrées, faire advenir un « leadership par les paires »

30Au sein de ces campagnes, le rôle des femmes immigrées en tant que formatrices et leaders a été essentiel pour contrer des formes plus subtiles et invisibles de marginalisation et de subordination. Presque toutes les responsables de l’Asian Immigrant Women Advocates ont souligné qu’à leur arrivée aux États-Unis, s’engager dans des organisations et des mouvements plus vastes pour faire advenir le changement ne les intéressait pas. Cela ne signifiait pas pour autant qu’elles pensaient que leur nouvelle vie se déroulerait sans encombres. Contrairement à l’idée répandue que les immigré·e·s viennent aux États-Unis en quête d’une vie meilleure, peu d’immigrées asiatiques parmi celles que nous avons interrogées perçoivent les États-Unis comme un lieu d’opportunité économique. Les journaux en Chine et à Hong Kong regorgent de récits sur la vie misérable et tragique des nouveaux immigrés et beaucoup ont affirmé qu’elles étaient conscientes qu’émigrer aux États-Unis signifiait pour elles une vie isolée et difficile, à trimer de longues heures pour des salaires de misère.

31Les formations au leadership de l’Asian Immigrant Women Advocates visent à enrichir les repères des immigrées et à leur fournir des exemples concrets de modes de vie différents. Hai Yan explique comment l’organisation a changé sa vie, en utilisant la métaphore d’une tasse :

32

« Si je n’étais jamais venue à l’aiwa, je serais toujours coincée dans une tasse. Maintenant, je suis sortie de la tasse et je me suis ouverte au monde extérieur. » Lorsqu’on lui demande de développer, elle explique : « À quoi ressemble la vie dans une tasse ? Vous mangez, dormez, allez travailler, terminez le travail et rentrez chez vous. C’est aussi simple que ça. Mais depuis mon arrivée à l’aiwa, je rencontre beaucoup de personnes, j’entre en contact avec des gens d’autres groupes raciaux, je rends visite à diverses organisations pour faire des discours. Les femmes de base comme nous ont le courage d’aller dans des endroits comme l’université de Berkeley, pour faire des présentations devant les étudiant·e·s. Et si nous voyons quelque chose d’injuste, alors nous nous battons pour que ça change. »

33Mieux comprendre l’injustice sociale, politique et économique est un élément vital de l’évolution individuelle, mais l’expérience directe de nouvelles formes de liens et de solidarité avec d’autres travailleuses immigrées a produit des formes d’identification plus flexibles et stratégiques, au-delà des similitudes et des différences existantes. Chung Hee et Hung Ja, deux des formatrices expérimentées de l’Asian Immigrant Women Advocates, se sont rendues de San Jose à San Francisco pour conduire un atelier sur la prédominance de l’anglais pour les membres de Mujeres Unidas y Activas[12] (mua), une organisation sœur qui œuvre à rendre autonomes les ouvrières immigrées d’origine latino-américaine qui ne parlent qu’espagnol. En tant que locutrices coréennes unilingues, Chung Hee et Hung Ja avaient contribué à l’atelier sur la domination de l’anglais pour un grand nombre de leurs paires suivant le cursus de formation au leadership, le Community Transformational Organizing Strategy (ctos). Mais elles n’avaient jamais formé de travailleuses immigrées parlant une autre langue que la leur. Les vingt participantes du Mujeres Unidas y Activas étaient toutes des hispanophones unilingues. À l’exception des traductrices, toutes les participantes n’avaient qu’une maîtrise limitée de l’anglais. Pourtant, l’atelier fut un grand succès. Malgré le processus fastidieux obligeant à attendre que les propos soient traduits du coréen vers l’anglais puis vers l’espagnol, avant que les réponses ne suivent le sens inverse, les participantes ont apprécié de découvrir ce qu’elles avaient en commun, en tant que travailleuses immigrées, à faibles revenus et parlant très peu anglais. Elles ont aimé discuter avec des femmes venues de différentes parties du monde, parlant des langues différentes mais partageant des expériences similaires, sans être identiques. Et le plus important, dans tout cela, c’est peut-être que chaque aspect de l’atelier, de l’organisation à l’animation puis à la discussion elle-même, a été conçu et mis en œuvre par des ouvrières immigrées, ayant une connaissance limitée de l’anglais et non des responsables de l’organisation diplômées de l’université et de langue maternelle anglaise, ou des consultantes externes, comme cela arrive souvent dans les mouvements pour la justice sociale qui reproduisent de la hiérarchie en leur sein.

34Voir d’autres immigrées en action a permis de redéfinir les attentes des travailleuses envers elles-mêmes et envers les autres. Chao Ju avait déménagé de Guangzhou à Oakland depuis peu et ne se considérait pas comme une responsable au sein du mouvement au moment de notre groupe de discussion, en 2009. Mais elle a reconnu qu’elle aussi pourrait devenir un jour une leader, en apprenant de ses homologues à l’Asian Immigrant Women Advocates. Elle explique :

35

« Moi, par exemple, personnellement, en ce moment, je ne dirige personne. Je suis juste une participante. Je pense que les formatrices expérimentées ont une compétence. Donc pour l’instant, je dois peu à peu apprendre d’elles. »

36La simplicité du modèle ctos (cf. tableau 1) a révélé comment les femmes immigrées pouvaient s’engager dans leur propre processus de transformation. Chao Ju explique :

37

« Si vous avez un tableau avec des niveaux, il devient plus facile pour les gens de comprendre et de voir. Cela simplifie les choses [et donne aux femmes] des éléments de comparaison. Elles peuvent se dire : “Bon, moi je suis actuellement au niveau 3 du modèle. Si j’en apprends davantage au cours des prochains mois, j’atteindrai le niveau 4”. »

Tableau 1

Les niveaux du Community Transformational Organizing Strategy (ctos)[13]

Niveau 7 : « Leader » de la communauté et à l’extérieur
Etre un responsable représentant la communauté dans des rencontres avec d’autres organisations, des réunions de négociation, et prenant la parole lors de rassemblements, des conférences grand public ou universitaires
Niveau 6 : Responsabilités dans l’organisation
S’engager comme formateur ou militant – « organizer », participer au bureau de l’organisation
Niveau 5 : Participation à des comités de mobilisation
Participer à des comités d’organisation de la mobilisation (concernant les cours d’alphabétisation, la santé et la sécurité au travail, les droits des travailleurs migrants, les campagnes publiques)
Niveau 4 : Formation au leadership
Participer régulièrement à des séminaires d’éducation politique (histoire des droits civiques, histoire de l’immigration asiatique, de la domination linguistique de l’anglais, du colonialisme blanc)
Niveau 3 : Formation de compétences de base
S’inscrire à des cours d’alphabétisation, de maîtrise de l’anglais écrit, d’informatique
Niveau 2 : Participation à des évènements communautaires
Participer à des événements, comme le banquet du Nouvel an chinois
Niveau 1 : Connaissance du programme
Découvrir l’existence de l’Asian Immigrant Women Advocates en tant qu’organisation communautaire, son programme et ses activités

Les niveaux du Community Transformational Organizing Strategy (ctos)[13]

38Une autre responsable du mouvement se souvient d’avoir été encouragée par l’existence d’une méthode claire, simple et linéaire de participation des membres, déclarant : « Oui, me disais-je, c’est pas mal du tout. On peut suivre [le modèle ctos] et progresser niveau par niveau. Cela nous donne un cadre pour vous projeter et pour faire les choses. »

39L’accent mis par l’Asian Immigrant Women Advocates sur la formation de responsables issues de la base pourrait sembler trahir une insistance excessive sur les préoccupations personnelles au détriment de préoccupations plus collectives, explicitement tournées vers les luttes syndicales et politiques. Mais le mouvement rejette cette fausse dichotomie. La sous-représentation des ouvrières immigrées asiatiques comme des partenaires à part entière dans la lutte pour la justice sociale n’est pas un symptôme de ce qu’elles sont ; c’est la résultante des rapports de pouvoir qui dévaluent leur mérite et leur potentiel dans de multiples domaines. Le « manque de parité dans la participation », comme le dit Nancy Fraser, est le produit d’injustices entrecroisées, dans les sphères économique, culturelle et politique [Fraser et Honneth, 2003]. La subordination des travailleuses immigrées asiatiques dans la sphère économique les prive des ressources élémentaires pour contribuer à égalité aux avancées sociales. Les personnes qui se situent à des niveaux élevés dans les hiérarchies sociales et institutionnelles les jugent inférieures et leur incapacité à faire entendre leur voix dans les débats et la prise de décision démocratiques se traduit par une représentation biaisée de manière systémique. Nancy Fraser affirme : « Pour ce qui est de la justice conçue comme la parité dans la participation, vaincre l’injustice signifie démanteler les obstacles institutionnalisés qui empêchent certaines personnes de participer sur un pied d’égalité avec les autres » [Fraser, 2008, p. 404]. Pour renforcer et approfondir la construction du mouvement de justice sociale, l’Asian Immigrant Women Advocates s’est mise à partager, depuis 2011, son modèle stratégique de « leadership par les paires » (ctos) avec d’autres organisations, universités, sympathisant·e·s et allié·e·s, à l’échelle locale, nationale et mondiale.

40***

41Les immigrées asiatiques employées dans des emplois mal rémunérés et socialement dévalorisés tels que la confection, l’assemblage électronique, le soin des ongles et le travail à domicile constatent les effets cumulatifs du colonialisme, de la guerre, du racisme, du sexisme, de l’exploitation au travail et de l’oppression linguistique chaque jour de leur vie. La guerre froide et les « guerres chaudes », au Japon, aux Philippines, en Corée, au Vietnam, au Laos et au Cambodge, ont façonné les expériences, les aspirations et l’accueil de tous les groupes asiatiques aux États-Unis [Kim, 2010]. Les crimes motivés par la haine ainsi que la discrimination en matière de logement témoignent d’une « confusion raciale », en vertu de laquelle l’hostilité à une nationalité asiatique particulière est généralisée à toutes [Saito, 1998]. Les membres de l’Asian Immigrant Women Advocates se rendent compte qu’une partie de la discrimination et du harcèlement qu’elles subissent vient du fait qu’elles sont ciblées en tant que femmes, mais leurs identités incarnées et leurs histoires personnelles, liées à la guerre, à l’impérialisme et au colonialisme, sont aussi saturées d’oppressions entrecroisées : le legs spécifique du racisme sexuel qui préside aux pratiques et aux processus de conquête et de domination impériales, les images diffusées par l’industrie culturelle à des fins de divertissement, et la manière dont les employeurs utilisent le genre pour accentuer l’exploitation de classe. Les problèmes de ces femmes ne peuvent pas être abordés par des luttes focalisées sur un axe unique, libération nationale, paix, féminisme, justice de classe ou multilinguisme, mais chaque privation de pouvoir à laquelle elles sont confrontées révèle une facette différente de la fabrique et de la préservation des inégalités.

42La race, le sexe, la classe et d’autres identités ancrées dans l’expérience ne deviennent pas un amalgame indistinct dans l’activisme de l’Asian Immigrant Women Advocates. Les différences font toujours une différence. Comme l’affirme Kimberlé Crenshaw, les avantages de l’intersectionnalité doivent être modulés par la reconnaissance de l’apport des approches spécifiquement fondées sur la race ou le genre dans la production de ressources intellectuelles, sociales et politiques parmi les groupes lésés [Crenshaw, 1988, 1991]. Utilisée correctement et dans certaines circonstances, la distinction des différences peut engendrer un gain de pouvoir social, voire des reconfigurations fructueuses. Cette position fut historiquement importante dans les années 1990, et elle le demeure aujourd’hui face aux accusations acerbes d’esprit de clocher et d’essentialisme de genre que de nombreux/ses chercheur·e·s associent aux approches fondées sur les identités. Ces chercheur·e·s soutiennent que la division des individus en groupes liés à des identités affaiblit les forces progressistes et empêche le développement d’une perspective universelle capable de faire progresser l’émancipation de chacun·e.

43Certes, il n’a jamais existé une seule façon d’être homme ou femme, hétéro ou gay, blanc ou non blanc. Une vision progressiste ne découle pas comme par magie des identités lésées. Au contraire, il est important pour le progressisme que les personnes fondent leurs identités sur leurs convictions politiques plutôt que leurs convictions politiques sur leurs identités, et que les militant·e·s reconnaissent la nécessité d’offrir aux identités sociales incarnées de nouvelles perspectives fondées sur des principes politiques. Tout positionnement politique est identitaire. Toutes les luttes de pouvoir ont trait dans une certaine mesure aux significations que la société accorde aux constructions identitaires et aux identifications sociales. Le sujet légal qui a des droits, le sujet économique soucieux de son intérêt, le sujet politique qui est citoyen, le sujet intime de la psychanalyse, et le sujet ouvrier du marxisme ne sont pas moins socialement construits que la femme du féminisme ou le sujet racisé du Black Power.

44Les mouvements fondés sur le genre et la race comme l’Asian Immigrant Women Advocates cherchent à donner à l’identité une définition politique, à unir des groupes autour de convictions et d’expériences communes plutôt que de phénotypes ou de caractéristiques biologiques commun·e·s. Comme le fait remarquer Robin Kelley, les mobilisations victorieuses sur les questions de race se sont en réalité moins préoccupées du sang partagé des lignées biologiques que de l’histoire partagée du sang versé [Kelley, 1999]. Les identités sociales politisées sont des créations intentionnelles, ce que Chela Sandoval appelle des « illusions consensuelles » [Sandoval, 2000]. Partout dans le monde, de petits groupes comme l’Asian Immigrant Women Advocates sont engagés dans des projets d’éducation politique et de contestation. Le concept d’intersectionnalité nourrit leur travail et permet la création de nouvelles identités et identifications, qui peuvent à leur tour servir de modèles pour d’autres luttes qui cherchent à approfondir la démocratie et à transformer les relations sociales contemporaines, faites d’injustice et d’indécence croissantes.

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Notes

  • [1]
    Cet article est une version raccourcie de : Jennifer Chun, George Lipsitz et Young Shin, 2013, « Intersectionality as a Social Movement Strategy: Asian Immigrant Women Advocates », Signs: Journal of Women in Culture and Society, vol. 38, n° 4, p. 917-940.
  • [2]
    Un worker center aux États-Unis vise à mobiliser et défendre les travailleurs précaires, avec un modèle inspiré du community organizing de Saul Alinsky, et tente de combler le vide laissé par le déclin syndical. Cf. Sébastien Chauvin, 2007, « Le worker center et ses spectres : les conditions d’une mobilisation collective des travailleurs précaires à Chicago », Sociologies pratiques, vol. 15, n° 2, p. 41-54.
  • [3]
    NdT : Nous avons choisi de traduire littéralement l’expression « women of color ».
  • [4]
    NdT : Ce terme nepantla signifie la « terre du milieu » et a été conceptualisé par les féministes chicanas comme un espace d’inconfort et de création, lié notamment à l’expérience de la traversée des frontières.
  • [5]
    NdT : Organisation révolutionnaire socialiste de femmes de couleur, fondé au départ au sein d’une organisation étudiante (Student Nonviolent Coordinating Committee), qui a existé aux États-Unis entre 1968 et 1980.
  • [6]
    NdT : Fondée sur trente ans d’action directe et de campagnes d’éducation fructueuses, la ctos est la théorie et le modèle du changement social élaborés par l’aiwa. Cette stratégie propose une voie concrète pour que les femmes immigrées marginalisées deviennent des agentes du changement grâce à un parcours en sept étapes, qui associe éducation politique, développement concret de compétences et entraînement à l’action effective à chaque stade de la campagne <https://www.aiwa.org/ctos/>.
  • [7]
    Texan Farm Workers Union : syndicat des travailleurs agricoles du Texas, qui a organisé des grèves et campagnes entre 1975 et 1985 pour dénoncer les conditions de travail et de vie des journaliers agricoles, souvent latinos immigrés, et obtenir (en vain) une convention collective.
  • [8]
    NdT : Center for Third World Organizing : centre de formation et de ressources, qui vise à soutenir l’organisation d’un mouvement de justice raciale animé par les personnes de couleur, présent sur tout le territoire étatsunien.
  • [9]
    NdT : National Welfare Rights Organisation : groupe militant qui a existé entre 1966 et 1975 et défendait des droits sociaux, principalement pour lutter contre la pauvreté et pour la dignité des femmes et enfants de couleur.
  • [10]
    NdT : Association of Community Organizations for Reform Now : association américaine de solidarité, de défense et d’aide envers les personnes et familles en situation de précarité, active de 1975 à 2010.
  • [11]
    Née en 1963, arrivée à 12 ans avec sa famille coréenne aux États-Unis, elle fait des études d’histoire et de droit, avec une spécialisation en études asiatiques, à l’université du Minnesota. Marquée par le racisme et l’exploitation qu’ont subi ses deux parents, elle s’engage comme bénévole puis comme salariée à l’aiwa, où elle coordonne la campagne « Justice pour les ouvrières de la confection ». Cf. « Helene Kim », in John Mongillo et Bibi Booth (dir.), Environmental activists, Wesport, Greenwood Press, p. 152-157.
  • [12]
    Mujeres Unidas y Activas (Femmes unies et actives) : créée en 1989, cette association offre du soutien aux femmes immigrées latinas, défend les droits des immigré·e·s et œuvre pour la justice sociale <http://mujeresunidas.net/about/history/>.
  • [13]
    NdT :Tableau extrait de Jennifer Chun [2017, p. 108].
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