Couverture de TGS_044

Article de revue

Domesticité blanche et politiques raciales en France métropolitaine (1850-1930)

Pages 31 à 47

Notes

  • [1]
    Comme c’est le cas aujourd’hui, ce que montrent les travaux d’Evelyn Nakano Glenn, notamment le récent Forced to care, Havard University Press, 2010.
  • [2]
    Dans l’enquête administrative menée en 1926, à peine 2 015 personnes venues d’Afrique sub-saharienne sont présentes en métropole, dont 10 % travaillent dans la domesticité, rappelle Jean-Philippe Dedieu [2006].
  • [3]
    6MP709, adr.
  • [4]
    Base de données des fiches d’étrangers se déclarant à la Mairie de Saint-Etienne, ordonnées par nationalité et par ordre alphabétique. 4M1115, adl.
  • [5]
    La domesticité de « ville » ou « à la personne » correspond aux métiers de cuisinier-e, valet, femme de chambre, gouvernante, précepteur, etc. vivant et travaillant au domicile des employeur·e·s. La domesticité « à l’exploitation » ou « de ferme » est aussi une domesticité car les travailleurs et travailleuses vivent et officient chez leurs patron·ne·s, même si les tâches réalisées peuvent en partie différer, avec une composante agricole. Cette distinction domesticité rurale/urbaine est très présente dans l’historiographie, mais ne correspond pas à notre approche.
  • [6]
    Lettre du 16 février 1923 de l’agence économique du gouvernement général d’Indochine à Paris à Hermann Baudoin, 4Slotfom8, anom. Le transport des domestiques est pris en charge par l’État pour les fonctionnaires coloniaux ; et une classification raciale s’opère sur les bateaux effectuant les trajets, comme le souligne Jean-Philippe Dedieu [2006].
  • [7]
    4Slotfom8, anom.
  • [8]
    Arrêté du 26 décembre 1928.
  • [9]
    Tableau des effectifs de la domesticité étrangère dans la Loire par communes, Service de la main-d’œuvre agricole de la préfecture de la Loire (non daté) 7M152, adl.
  • [10]
    Lettre de la chambre d’agriculture au préfet du 29 mai 1930, 7M152, adl.
  • [11]
    La pratique religieuse étant difficilement contestable par les employeur·e·s, plusieurs domestiques racontent fréquenter assidûment les offices catholiques. Voir par exemple l’interrogatoire de Marie Borias du 13 avril 1863, Affaire Marie Borias, 4U163, adl.
  • [12]
    Lettre du ministre de l’Agriculture au préfet de la Loire du 6 septembre 1930 7M152, adl.
  • [13]
    408 hommes domestiques contre 323 femmes domestiques n’ont pas la nationalité française. Tableau des effectifs de la domesticité étrangère dans la Loire, 7M152, adl.
  • [14]
    Voir notamment le dossier de procédure d’assises de Jules Favre, domestique suisse travaillant dans la Loire en 1916. Affaire Jules Favre, 4U430, adl.
  • [15]
    Lucie Collard, « La crise des domestiques et la main d’œuvre de couleur » in. L’ouvrière du 14 avril 1923 ; citée par Marie-Victoire Louis [Louis, 1994, p. 77].
  • [16]
    Acte d’accusation de Mohammed du 19 novembre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [17]
    Petite ville à la frontière franco-suisse.
  • [18]
    Les dépêches envoyées à travers la France ne s’embarrassent pas de la présomption d’innocence : « vol de 3 000 francs commis cette nuit à St Etienne par le nègre Mohammed. Prière d’arrêter et de faire transférer, il y a mandat d’amener ». Affaire Mohammed, 4U176, adl. Mais cette présomption de culpabilité est fréquente sous le Second Empire, et ne doit donc pas être retenue comme un mode de racialisation spécifique.
  • [19]
    Télégramme du commissaire spécial G. Haurillon du 9 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [20]
    Interrogatoire de Mohammed du 14 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [21]
    Journal d’Henry Morel-Journel, Tome 1, p. 17. 1 ii 78, Archives Municipales de Lyon (aml).
  • [22]
    Rémy Dubois, De la condition juridique des domestiques, Thèse de doctorat en droit, Paris, 1907, p. 131.
  • [23]
    Codification des Usages Locaux dans la Loire, pp. 53-60 (cantons de l’arrondissement de Saint-Etienne) et pp. 215-219 (cantons de l’arrondissement de Roanne) et p. 510 (cantons de l’arrondissement de Montbrison), adl.
  • [24]
    Phénomène dont témoignent les journaux intimes et correspondances de la bourgeoisie. Voir par exemple le journal de Fanny Tresca-Payen, entrée du 19 janvier 1879, cité par Catherine Pellissier [Pellissier, 1996, p. 51]
  • [25]
    Interrogatoire de Mohammed du 14 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [26]
    Rémy Dubois, De la condition juridique des domestiques, op. cit., p. 6.
  • [27]
    (…) j’ai eu l’occasion de m’apercevoir qu’elle n’avait pas ses pertes mensuelles (…) ». Déposition de Jeanne Perrachon du 18 octobre 1876, Affaire Antoinette Charles, 2U366, adr.
  • [28]
    Interrogatoire de Mohammed du 14 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [29]
    Déposition de Paul Didier du 20 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [30]
    Déposition de Mathieu Pagliano du 26 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [31]
    Déposition de Paul Didier du 20 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [32]
    Lettre de M. Andrieu au gouvernement économique d’Indochine à Paris du 3 mai 1924, 3Slotfom/8, anom.
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Par exemple, Marie Choulet est licenciée par Véronique Génin pour ce motif, alors même que sa patronne ne questionne pas son statut de victime. Déposition de Véronique Génin du 12 janvier 1876, Affaire François Debout, 2U362, adr.
  • [35]
    Interrogatoire de Mohammed du 25 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    Journal d’Henry Morel-Journel, Tome 1, 1969, p. 17. 1 ii 78, aml.
  • [38]
    Sur les rapports entre familiarité et processus de racialisation, voir Sara Ahmed [2007].
  • [39]
    Journal d’Henry Morel-Journel, Tome 1, p. 17. 1 ii 78, aml.
  • [40]
    Dépositions de Claude Vachon et d’Alcide Teyssieux du 25 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [41]
    Dépositions de Jean Gouttefargue du 16 septembre 1869 et de Catherine Gouttefargue du 2 octobre 1869, Affaire Maria Nalson, 4U176, adl.
  • [42]
    La police s’échine par exemple à penser qu’elle a commis son crime en compagnie de complices italiens, sans parvenir à mettre la main sur eux ; et Maria est reconnue dans sa fuite en raison de son accent italien. Acte d’accusation du 25 octobre 1869, Affaire Maria Nalson, 4U176, adl.

1Existe-t-il une racialisation des travailleurs et travailleuses domestiques en France métropolitaine entre la deuxième moitié du xixe siècle et la première moitié du xxe siècle ? À un moment historique où se constitue le corpus idéologique du racisme en France [Guillaumin, 2002], avec entre autres les publications de Gobineau, nous pensons utile de nous interroger sur la racialisation d’une catégorie de travailleurs et de travailleuses, les domestiques. Il faudra expliciter dans une première partie ce que nous entendons par « racialisation », puis mettre à jour les processus de racialisation – et leurs limites – qui concernent une frange particulière de la population laborieuse, en comparant gestion métropolitaine de la main-d’œuvre domestique et gestion coloniale de cette même main-d’œuvre, en analysant plus spécifiquement, dans une seconde partie, la situation de plusieurs domestiques travaillant en métropole à la fin du xixe et au début du xxe siècle. J’utilise ici des archives examinées au cours d’une recherche doctorale sur la domesticité dans le Rhône et dans la Loire entre 1848 et 1940. Ces sources sont issues des archives judiciaires (dossier de procédure de poursuites aux Assises), des archives administratives locales (archives des recensements) et nationales (fonds Slotfom des archives nationales d’outre-mer, qui porte sur la surveillance des domestiques venu·e·s des territoires coloniaux et sur la politique française en matière de circulation de la main-d’œuvre coloniale).

2Qu’entendre par « racialisation » ? Il s’agit d’examiner comment des institutions et leurs agent·e·s produisent la « race », c’est-à-dire attribuent à des catégories de population des traits de caractères homogènes, analogues, qui découleraient du biologique. Comment ces institutions et ces agent·e·s, en fabriquant ces catégories, produisent un rapport de domination, lui-même articulé aux rapports de domination de genre, de sexualité, de position de classe ? C’est en référence aux travaux de Kimberlé Crenshaw sur l’intersectionalité [Crenshaw, 1989] que nous examinons cette racialisation, en étant attentive aux effets de l’assignation de genre et de l’appartenance de classe sur les processus de racialisation et sur l’influence de la racialisation sur les catégorisations de classe et de genre.

Une racialisation de la composition de la main-d’œuvre domestique ?

3Peut-on dire que l’État et le patronat français travaillent à la construction d’une main-d’œuvre domestique spécifiquement racialisée, entre la deuxième moitié du xixe siècle et la première moitié du xxe siècle ? Précisons ici le choix du terme « patronat » pour désigner les ménages d’employeur·e·s : ces derniers payent, embauchent, licencient directement les domestiques, contrôlent leurs activités et déplacements, et surtout tirent des bénéfices matériels et immatériels de ce travail. Ce patronat manifeste-t-il la volonté de recruter prioritairement, pour un travail considéré comme dévalorisant, salissant, pénible, une main-d’œuvre racisée [1] ? Répondre de manière pleinement satisfaisante à cette question nécessiterait des investigations plus poussées que celles menées dans le cadre de cet article. Néanmoins, il apparaît déjà que l’État français ne mène pas la même politique en métropole et dans ses colonies concernant les domestiques. Comme l’a montré Ann Laura Stoler [2013], la domesticité constitue dans l’empire colonial une modalité de domination déterminante, en utilisant la classe et la race pour renforcer la frontière entre colonisateurs/trices et colonisé·e·s. Ainsi, l’ensemble du corps des domestiques est constitué de travailleurs et travailleuses coloniaux/ales et racisé·e·s : les blanc·he·s ne sauraient être montré·e·s en position de faiblesse, et donc « en service ». Ces raisonnements existent dans les Indes néerlandaises et britanniques, mais aussi dans l’empire français : Jean-Philippe Dedieu rappelle, citant Albert Memmi, que la différence raciale incarnée par les domestiques participe du mode de vie colonial [Dedieu, 2006]. Qu’en est-il en métropole ? Dans les territoires métropolitains européens, la domesticité apparaît bien comme un rapport de domination, parfois même décrit comme une « fabrique de la subordination » [Hantzaroula, 2002]. Michel Foucault considère que la domesticité est « un rapport de domination constant, global, massif, non-analytique, illimité » [Foucault, 1975, p. 160]. Travailler pour un ménage ou une exploitation agricole en vivant et dormant sur place, aux côtés de ses employeur·e·s, serait en soi une forme de travail distincte des formes de salariat habituel, ancré dans un mode d’exploitation plus total, plus abouti, que le travail ouvrier. Le travail domestique rémunéré se définit selon nous par l’exercice de tâches subalternes dans un lieu de travail qui est aussi un lieu d’habitation, à la fois pour les travailleurs et travailleuses mais aussi pour le patronat employeur. C’est précisément ce que cette cohabitation et cette position subalterne font aux relations de travail qui expliquent que Michel Foucault ou Pothiti Hantzaroula considèrent la domesticité comme l’une des formes paroxystiques des rapports de domination au travail, et qui expliquent l’image particulièrement dégradée de la figure de la « bonne à tout faire » dans l’historiographie [Hantzaroula, 2002]. La composition du corps social des domestiques alimente cette domination sociale : choisie dans les classes sociales les plus vulnérables d’une société marquée par le développement du capitalisme industriel, la main-d’œuvre domestique se doit d’être jeune, d’origine rurale, féminine, célibataire, soit autant de gages de docilité apparente. Si la domination liée au genre, à l’âge ou à la classe est facile à démontrer, qu’en est-il du rapport racial ? Avec la colonisation de peuples africains et asiatiques qui s’accélèrent entre les années 1880 et 1930, la France pourrait favoriser l’arrivée de domestiques issu·e·s de ces territoires en métropole, d’autant que les traités de la bourgeoisie sur la domesticité au xixe siècle ne cessent de déplorer une « crise » de ce secteur et le manque de bras disponibles. La politique patronale et étatique en matière de constitution de la main-d’œuvre domestique sur le sol hexagonal montre pourtant une volonté de garder cette profession comme un travail pour les blanc·he·s [2], sans non plus en faire un travail réservé à une main-d’œuvre uniquement de nationalité française. La domesticité ne diffère alors pas du travail ouvrier : avant la Première Guerre mondiale, les travailleurs et travailleuses des colonies ne sont pas bienvenu·e·s en métropole.

4En effet, l’heure est surtout à la migration européenne [Noiriel, 2006]. Les recensements des villes grandes et moyennes de province soulignent la présence d’une part importante de domestiques suisses, allemand·e·s, britanniques, mais ne mentionnent jamais de domestiques d’origine coloniale avant les années 1930, alors même que nous avons accès aux départements ou communes de naissance des personnes recensées (et donc, parmi ces personnes, des domestiques). La conception même des fichiers de recensement révèle également que l’administration ne pense pas comptabiliser des ressortisant·e·s des peuples coloniaux : ainsi dans la case religion il est possible de cocher au choix « catholique romain », « calviniste », « luthérien », « israélite » ou « autre culte ». Il n’est pas fait mention de l’islam, tant les populations musulmanes paraissent ultraminoritaires, y compris dans l’une des plus grandes villes de France. De fait, aucun domestique recensé par nos soins ne se déclare musulman·e en 1851 (sur six cent trente-trois personnes) et la religion n’est plus indiquée par la suite dans les dossiers examinés. Au total, à Lyon, sur 1 563 domestiques dont nous connaissons la ville ou le département de naissance entre 1876 et 1936, seuls deux sont né·e·s dans les colonies françaises. Il s’agit de Rose Imathas, née en Algérie, et Louis Thombau, né à Saïgon, recensé·e·s en 1936. Rose Imathas et Louis Thombau travaillent dans des commerces, où il et elle vivent, dorment, et effectuent un travail de service à la personne [3]. Aucune autre information ne permet de savoir s’il ou elle expérimentent une forme de racialisation sur le sol métropolitain. Dans la Loire, les recensements montrent une même absence de main-d’œuvre domestique « indigène » entre les années 1850 et 930. L’immigration de travail est, depuis le début du xxe siècle, encouragée par les gouvernements français [Lewis, 2007], mais les travailleurs/euses issu·e·s des colonies sont employé·e·s par l’industrie, quelques-un·e·s ont un petit commerce à partir des années 1920 [4]. Une lettre du service des affaires indigènes nord-africaines au préfet, datée du 6 juin 1929, souligne que l’ensemble du département n’accueille que quatre Algériennes, et qu’elles ne sont pas domestiques, ni « en ville » ni « à l’exploitation » [5]. Cette (quasi) absence de domestiques né·e·s dans l’empire colonial dans les recensements, et plus largement leur invisibilité dans les archives, illustre l’efficacité de l’État dans sa politique raciale de gestion de la main-d’œuvre : les travailleuses et travailleurs domestiques racisé·e·s restent au maximum dans l’empire, quel que soit leur genre, leur âge ou leur niveau de qualification. Les seules exceptions sont les domestiques « indigènes » autorisé·e·s à rejoindre la métropole à la demande officielle de leurs employeur·e·s, la plupart sont des fonctionnaires coloniaux devant faire un séjour temporaire en métropole et le déplacement des domestiques est valable uniquement pour la durée de leur contrat de travail [6]. La volonté de contrôle étatique est forte et paraît en partie contradictoire avec les souhaits d’un patronat domestique, notamment ayant vécu dans l’empire qui, lui, semble rechercher des domestiques issu·e·s des colonies, comme en témoignent les dizaines de lettres reçues par l’agence économique du gouvernement général d’Indochine à Paris dans les années 1920 [7].

Dans les années 1920 et 1930, le choix étatique d’une domesticité blanche

5Cette politique étatique est une politique raciale : au même moment, l’État français cherche activement à résoudre le « manque de bras » déploré par le patronat domestique, notamment agricole. La solution choisie est alors une solution blanche, qui consiste à conclure des accords avec la Pologne, afin de favoriser l’immigration de travail de jeunes, blanc·he·s, prêt·e·s à travailler en milieu rural. La Pologne exige que les départements français créent des comités locaux d’aide et de protection pour accueillir ses ressortissantes, ce qui est rendu possible dès 1928 [8]. Cette politique se traduit, dans le département de la Loire, par une arrivée importante de domestiques polonais·e·s au début des années 1930 : cinq cent trente-quatre Polonais·e·s sont alors comptabilisé·e·s comme domestiques dans le département, surtout dans ses zones agricoles [9], et un comité départemental d’aide et de protection des femmes polonaises est créé en 1930 [10]. Cette politique raciale de l’État français maintient donc la domesticité comme une profession blanche, une profession européenne, occupée par des personnes sous la protection d’un État véritablement constitué (et non de « sujets » d’un empire colonial).

6« Domestique » est aussi une profession de femmes jeunes, éloignées des hommes de leur communauté (qu’elles soient célibataires ou que leurs maris restent en Pologne), et catholiques. L’appartenance confessionnelle n’est pas explicitement présentée comme un critère favorable au recrutement, ni par le patronat, ni par les représentants locaux de l’État. Est-ce trop évident pour faire l’objet d’un argumentaire ? La question mérite cependant d’être posée lorsque l’on sait toute l’importance de la confiance dans la bonne « moralité » des domestiques pour le patronat et la méfiance systématique produite par la domination de classe, de genre, la xénophobie ou le racisme. Pourtant, en dépit du silence des sources sur l’importance donnée à la foi catholique dans la constitution de la main-d’œuvre domestique, il apparaît dans le cas précis des domestiques polonaises travaillant dans la Loire des années 1930, que leur religiosité soit au final perçue comme un obstacle à leur mise au travail. Peur que les ferventes Polonaises ne passent trop de temps à l’église, une échappatoire fréquente pour la domesticité [11] ? Ou qu’elles ne se rapprochent, par communauté de langue et par racines communes, du desservant polonais local qui acquiert vite un statut de notable dans la communauté polonaise ? Le prêtre polonais officiant dans le département n’est ainsi pas le bienvenu dans le comité d’aide et de protection des Polonaises, le ministre de l’agriculture craignant qu’il ne soit trop tenté de « [porter] des revendications des émigrantes polonaises plutôt que des moyens de faciliter [la] tâche [du comité] » [12].

7Si la politique raciale est claire, la politique genrée est plus ambigüe. Le comité n’a pour vocation que la protection des femmes et les travailleurs hommes sont plus généralement orientés vers l’industrie, grande consommatrice d’emplois dans la Loire. Cependant, les statistiques départementales montrent que les étrangers (et les Polonais) sont bien présents dans la domesticité agricole locale, à peu près à parité avec leurs compatriotes féminines [13]. La domesticité agricole est en effet traditionnellement plus mixte dans son recrutement : au milieu du xixe siècle déjà, pour la Loire et le Rhône, ce secteur précis est l’un des plus paritaires du marché de l’emploi, dans une région largement rurale. Le type de tâches demandé se révèle souvent proche du travail à la journée ; sous cette forme et parce que le travail agricole n’est pas organisé dans de très larges exploitations aux effectifs pléthoriques, le pragmatisme s’impose en termes de répartition genrée du labeur : à part quelques tâches comme la lessive, la plupart des activités sont réalisées par qui est disponible, homme ou femme, sans contrevenir aux normes de genre puisqu’il faut bien soigner le bétail et s’occuper des récoltes. Le patronat et l’État français sont en effet parvenus à construire une domesticité agricole avec des caractéristiques qui permettent une plus grande exploitation des travailleurs et travailleuses (pas de délimitation horaire facilitée par le coucher chez l’employeur·e, part de la rémunération en nature, flou des tâches ordonnées) et des caractéristiques rendant le métier attractif pour les jeunes hommes (plus grande liberté de mouvement et de déplacement qu’en usine, format de rémunération permettant d’économiser, valorisation des compétences techniques et physiques acquises).

8La profession reste alors, jusqu’au début du xxe siècle, intéressante pour les hommes qui savent se rendre indispensables sur les exploitations. Le recours aux Polonais montre tout de même que, pour les hommes aussi, la blanchité et/ou la catholicité est un critère de choix dans les recrutements opérés par les patron·ne·s paysan·ne·s. Quitte à devoir embaucher des étrangers parce que les Français travaillent dans d’autres secteurs ou sont au front, le patronat agricole veut des hommes blancs, privilégiant les Italiens dans les années 1890-1910, puis les Suisses pendant la Première Guerre mondiale [14], et enfin les Polonais par la suite. La division raciale du travail en France dans la première moitié du xxe siècle se révèle ainsi différente de celle des États-Unis étudiée par Evelyn Nakano-Glenn [1992], où le marché de l’emploi amène principalement les femmes racisées vers la domesticité.

Une minorité de domestiques subissent une racialisation patronale et étatique

9En dépit de cette blanchité générale de la domesticité en métropole, des exceptions existent et les archives attestent de formes de racialisation. D’abord, une division hiérarchisée du travail entre domestiques selon le genre et la race apparaît dans les ménages qui emploient plusieurs personnes. Selon Yann Le Bihan, les domestiques noires sont à la fois masculinisées et hypersexualisées de façon dépréciative [Le Bihan, 2011]. On leur attribue des capacités physiques hors du commun (et « masculines »), puisqu’elles sont décrites comme plus capables que les domestiques blanches, de « porter de lourds fardeaux » [15]. Aux femmes Noires ou Nord-Africaines sont attribuées les capacités physiques supérieures ; aux blanches sont attribuées des capacités plus techniques. Cette segmentation raciale du travail domestique entre femmes se retrouve dans l’Algérie des années 1940 et 1950. Les colons français·e·s confient aux domestiques européennes mieux payées les tâches considérées comme plus « fines » (repassage, cuisine) et aux domestiques algériennes les tâches « lourdes » (lessive, nettoyage des sols) [Brac de la Perrière, 1987]. L’assignation raciste de certaines tâches à certaines catégories de travailleuses dans le secteur des services à la personne est encore commune en France aujourd’hui [Avril, 2014]. Une politique de gages différenciés suivant l’appartenance raciale des domestiques est par ailleurs attestée en métropole [Cooper, 2004].

10Dans le Rhône et dans la Loire, nous avons pu récolter des informations sur une poignée de domestiques masculins noirs, originaires de Tunisie ou de Madagascar et travaillant, à la fin du xixe siècle, à Saint-Etienne et Lyon. À un niveau plus microsocial, nous constatons qu’ils sont soumis à des formes de racialisation, à la fois par l’État, à travers le fonctionnement de la justice, par leurs employeur·e·s, et par des membres des classes populaires. Le cas le plus éclairant à ce titre est celui de Mohammed, 18 ans, condamné en 1869 à deux ans de prison pour « vol domestique » par la Cour d’assises de la Loire.

Une racialisation policière et judiciaire

11La première pièce du dossier de procédure judiciaire est l’acte d’accusation, qui démarre par cette phrase « M. Didier, directeur du théâtre de St Etienne, avait à son service depuis le commencement de septembre dernier, le nègre Mohammed » [16]. La racialisation, au sens de l’attribution de traits uniformes et dévalorisants à une personne, renforçant la position de supériorité des personnes blanches [Guillaumin, 2002], est donc produite par la justice dans la construction même de son identité. Son prénom n’est assorti d’aucun nom de famille : il est le seul dans ce cas sur plus de sept cent quatre-vingt dossiers d’assises examinés pour la période 1848-1936. En 1869, le vol domestique est jugé aux assises, et l’importance de cette Cour explique que les fichiers soient si bien tenus. Ce soin apporté à la compilation des diverses pièces du dossier paraît contredit par l’absence de patronyme pour l’accusé dans cette affaire précise. Son jeune âge n’explique pas cette lacune, puisque bien des domestiques plus jeunes passent aux Assises avec, eux, mention de leurs noms de famille. Certes, l’usage du seul prénom s’explique peut-être par la tradition tunisienne, qui n’emploie pas de patronyme. La mention pourtant du qualificatif « nègre » dans l’ensemble des documents de police du dossier confirme un traitement spécifique de la part des autorités judiciaires. En effet, c’est bien l’ensemble des forces de l’ordre et fonctionnaires de justice qui répète constamment cette formule « le nègre Mohammed » dans le dossier. Accolant ainsi un qualificatif raciste à un simple prénom, les structures étatiques classent le jeune homme dans une catégorie raciale (et dans une catégorie de genre) qui le met dans une posture minoritaire. Bien d’autres domestiques masculins plus jeunes encore sont poursuivis de crimes dans la Loire à la même époque : quand un seul nom est écrit sur les rapports de police (ce qui est rare), c’est bien leur nom de famille. Eux ont constamment donc droit à leur patronyme, marqueur de virilité et qui les inscrit dans une filiation blanche, et ne sont jamais qualifiés par leurs simples prénoms, ni encore moins par « le blanc X » ou « le blanc Y ».

12La racialisation institutionnelle apparaît dès l’implication de la police. En effet, celle-ci se met en action dès le signalement du vol, dès que Mohammed, en fuite, semble le principal suspect. D’emblée, la police mobilise des moyens peu habituels pour capturer le fugitif. Des télégrammes sont ainsi envoyés à la police de Marseille, port colonial desservant Tunis dont est originaire le jeune travailleur, mais aussi aux forces de l’ordre de Dieppe, Dunkerque, Paris, Lyon, Toulon, Le Havre, et même Gex [17]. Un tel dispositif s’explique en partie par l’importance de la somme dérobée (près de 3 000 francs, ce qui correspond à cinq années de gages pour un domestique masculin en ville). Comme dans d’autres cas de vols et de fuite, une description physique est envoyée aux polices des environs de Saint-Etienne. Mais l’appartenance raciale de Mohammed est au cœur du processus de recherche : là encore, le terme « nègre » apparaît dans tous les courriers de recherche [18] et à Marseille, le commissaire qui arrête Mohammed envoie à son homologue de Saint-Etienne le télégramme laconique suivant « le nègre auteur du vol est arrêté » [19].

Une racialisation patronale à plusieurs visages

Une racialisation incapacitante et infantilisante

13Lorsqu’il retrace son parcours professionnel aux autorités, Mohammed ne détaille pas les raisons de son entrée dans la domesticité, ce qui nous empêche d’étudier, dans ce cas précis, l’influence de la division raciale du marché de l’emploi. Aucun indice n’émerge dans le dossier indiquant par exemple qu’il aurait pu être orienté vers un travail industriel. Néanmoins, ses entretiens avec le juge d’instruction permettent de constater que Mohammed ne semble pas avoir eu de difficultés à trouver du travail comme domestique. Dans son récit biographique, le jeune homme fait du décès de sa mère à Tunis (son père étant absent) l’événement déclencheur de son entrée dans la domesticité. Mohammed raconte avoir alors quitté Tunis, sa ville de naissance, à 16 ans « avec un Sieur Sureau » [20]. Ce début de carrière combine deux caractéristiques emblématiques de la domesticité, et de la domesticité coloniale : la mort d’un parent et le départ « avec » l’employeur. En effet, un décès parental signifie souvent le besoin de trouver un emploi rémunéré et la domesticité, bien qu’elle ne soit pas réservée aux plus jeunes, est souvent perçue comme une bonne entrée sur le marché du travail [Rahikainen, 2004]. Par ailleurs, le départ en métropole de Mohammed se fait « avec » son employeur, M. Sureau, confirmant alors que les employeur·e·s de métropole désirant des domestiques « indigènes » doivent bien se déplacer avec leur personnel pour que ce dernier puisse exercer dans l’hexagone. Une trentaine d’années plus tard, les domestiques malgaches travaillant pour les Gindre, riche famille lyonnaise, ont eux aussi été « ramenés » à Lyon par Henri Gindre, leur patron [21]. Contrairement à d’autres hommes de son âge, Mohammed n’a pas cherché librement du travail : il a fait la traversée, découvert Paris et le monde métropolitain en étant déjà sous contrat avec son patron. Parce qu’il est considéré comme un indigène, Mohammed travaille alors dans un cadre contractuel encore plus asymétrique que celui des domestiques français·es et blanc·he·s. Pour elles et eux, le droit du travail qui s’applique aux domestiques en métropole est presque inexistant : aucune limite n’existe sur la durée de travail quotidienne imposable par le patronat et la domesticité n’a pas accès aux prud’hommes [22]. La mobilité est alors l’une des rares ressources à la disposition de ce prolétariat de services : les domestiques peuvent quitter leurs places s’ils et elles trouvent mieux avec un préavis de huit jours [23]. Or, Mohammed, ainsi que les autres domestiques issu·e·s du monde colonial, ne peuvent se déplacer librement sur le territoire métropolitain puisqu’ils et elles doivent retourner dans les colonies en quittant leurs employeur·e·s. Cette discrimination légale est d’autant plus pénible pour les domestiques racisé·e·s qu’elle entame l’une des rares marges de manœuvre de la domesticité face à un patronat qui apparaît en position de force, et qui ne craint véritablement, en plus du vol, que le départ de son personnel [24]. Lorsque Mohammed part donc de chez M. Sureau (le motif de son départ est inconnu), il est clair pour lui qu’il doit retourner à Tunis [25], et le fait de ne pas pouvoir trouver d’emploi à Paris ou ailleurs en métropole limite nettement son agentivité, là où celle d’autres domestiques blanc·he·s ne l’est pas.

14Apparaît en outre dans le dossier que Mohammed subit une véritable infantilisation. Ce type de traitement constitue un processus de contrôle et d’humiliation courant dans la domesticité. Les domestiques doivent en effet obéir aux « maîtres » sans questionner les ordres et sans avoir un poste de travail clairement défini [26]. Cette notion d’obéissance n’est pas seulement inscrite dans une tradition patriarcale : elle est ancrée dans le droit même et renvoie ainsi tout un pan du prolétariat adulte à un devoir d’obéissance, comme des enfants. Comme des mineur·e·s, les domestiques peuvent se voir imposer un contrôle des sorties. On appelle les domestiques « garçon » ou « fille » [Sarti, 2008], y compris lorsqu’ils et elles ont largement dépassé la trentaine, car les domestiques sont dans leur écrasante majorité célibataires. Cette dénomination par un titre enfantin s’applique également en contexte impérial où le boy devient une figure – racisée – de la domesticité coloniale. Cette infantilisation prend également des tours genrés. Pour les hommes, elle se traduit parfois par l’interdiction du port de la moustache [Mihaely, 2007], tandis qu’elle s’accompagne, pour les femmes, de dispositions plus vexatoires et intrusives encore, comme le contrôle de l’apparition des règles [27]. L’infantilisation peut aussi se manifester par des châtiments corporels.

15Dans les archives, on trouve peu de cas de domestiques se plaignant de coups patronaux. Il est donc particulièrement révélateur de constater que, parmi les quelques brutalités physiques (non décrites comme sexuelles) mentionnées par les domestiques dans les dossiers d’assises (moins d’une demi-douzaine), au moins l’une d’entre elles vient de Mohammed. Ce dernier se plaint en effet, dès son premier interrogatoire, de « mauvais traitements » de la part de Paul Didier, son patron [28]. Celui-ci est, à 25 ans, le directeur du théâtre de Saint-Etienne. Il n’est pas interrogé sur les mauvais traitements dénoncés par Mohammed, sur lesquels d’ailleurs ni la police ni la justice n’insistent. Paul Didier, bien qu’il n’ait que quelques années de plus de Mohammed et partage sa condition de célibataire, adopte à l’égard de ce dernier une attitude paternaliste, décrivant Mohammed comme un enfant mal élevé, à surveiller constamment, ayant « un grand nombre de défauts notamment la paresse et l’habitude constante du mensonge » [29]. Ce poncif de la paresse est régulièrement produit pour décrire les populations africaines, et ne manque pas de réapparaître, chez un autre ancien patron de Mohammed, un négociant marseillais du nom de Mathieu Pagliano. Ce dernier, interrogé dans le cadre de la procédure contre son ex-employé, explique : « J’étais assez satisfait de son travail, sa conduite était assez bonne et il me paraissait être d’une bonne moralité. Je ne l’ai pas renvoyé, c’est lui-même qui m’a quitté […] En terminant ma déclaration je dois vous dire que cet individu était enclin à la paresse » [30]. Cette déclaration est pour le moins ambiguë : doit-on en conclure que Mohammed était paresseux ou un bon travailleur dont était « assez satisfait » son patron ? Cette contradiction, évidente à l’intérieur d’une même et unique déposition, est-elle un moyen, pour un patron, de réitérer une forme de racialisation ? Il semblerait que même en fournissant une quantité de travail acceptable, Mohammed ne pourrait être perçu autrement que comme paresseux par le patronat blanc appelé à témoigner. Dans la domesticité, les accusations de paresse sont fréquentes pour un patronat qui cherche, notamment dans un contexte de vol, à avilir les traits de leurs domestiques afin d’obtenir plus certainement leur condamnation. Mais, parmi les centaines d’affaires examinées, celle de Mohammed est celle pour laquelle cette accusation de « paresse » a été posée de la manière la plus improbable et la plus incohérente, avec plusieurs employeurs qui se contredisent ouvertement en quelques minutes dans leurs déclarations. Les cas d’accusation de « paresse » de la part du patronat domestique existent dans la domesticité blanche et ne font pas l’objet de contradictions : le patronat accusateur ne fait pas dans la demi-mesure et ne retient pas son mépris lorsqu’un travail n’est pas ou mal fait. Or, ici, il est frappant de constater comment Mathieu Pagliano se souvient soudainement, à la fin de sa déposition, qu’il ne faut pas oublier l’identité raciale de l’accusé et donc l’assortir d’un poncif. En effet, cette attribution de la paresse aux hommes racisés est une constante [Stovall, 2003]. Puisque cette situation d’intense contradiction dans les témoignages concernant le travail de Mohammed n’a pas été rencontrée dans les interactions mettant aux prises employeur·e·s et employé·e·s blanc·he·s, nous estimons qu’elle est le signe d’une racialisation, et donc que le patronat y participe. N’oublions cependant pas que ce « stéréotype » de la paresse a la vie dure également parce qu’il permet d’extraire un travail supplémentaire aux travailleurs et travailleuses domestiques : pour échapper à cette accusation de fainéantise, y compris dans les classes populaires, les personnes racisées se doivent de travailler plus encore que les autres.

La méfiance systématique, autre vecteur de la racialisation des domestiques

16De surcroît, les domestiques racisé-e-s sont très souvent accusé·e·s de mentir par leurs employeur·e·s. Paul Didier connaît Mohammed depuis un mois mais le considère déjà comme un menteur invétéré [31]. Dans les colonies, les domestiques indigènes sont structurellement perçu·e·s comme sournois·e·s, manipulateurs et manipulatrices. M. Andrieu décrit son employée indochinoise en 1924 : « Une congaï nommée Nguyen Thi Nhan […] a consenti à venir en France parce qu’elle était enceinte et qu’elle craignait le scandale et la colère de son mari. Elle a d’ailleurs toujours nié sa grossesse jusqu’au dernier moment. […] Non contente de nous avoir ainsi trompés […], elle a volé […] une bague […]. » [32]. M. Andrieu se plaint longuement d’avoir dû payer les frais d’accouchement de cette domestique, puis explique même, comble de la sournoiserie, qu’elle manipule le boy qu’il a également embauché en Indochine : « La congaï qui est bien plus intelligente que lui et bien plus mauvaise lui monte la tête » [33]. Ces propos soulignent la misogynie qui s’ajoute au racisme dans le cas de M. Andrieu, car le domestique masculin est présenté comme correct jusqu’à sa rencontre avec Nguyen Thi Nhan.

17Ces accusations de mensonges et de trahisons ne peuvent être attribuées à quelques employeur·e·s particulièrement racistes ou misogynes : elles s’ancrent dans le fonctionnement institutionnel du pays. La loi de recherche en paternité de 1912 impose que seules les preuves écrites soient admissibles au tribunal pour faire reconnaître la paternité patronale d’un·e enfant·e de domestique. L’objectif de cette loi est de limiter les responsabilités patronales dans les cas de viols mais son application est plus étroite dans les colonies : pour accuser un homme blanc, les femmes indigènes doivent bénéficier, en plus, d’une autorisation du gouverneur [Pedersen, 1998]. Ce filtre supplémentaire montre que ces domestiques sont considérées plus encore que leurs homologues blanches comme hypersexualisées et calculatrices. Il faudrait une analyse plus fine pour évaluer précisément la manière dont la racialisation s’articule avec les dominations de genre et de classe, puisque, sur l’ensemble des archives dépouillées, les domestiques blanc·he·s font régulièrement l’objet d’accusation de mensonges et de manipulations sournoises. Néanmoins, en contexte blanc, ce type de discours est parfois tempéré par une forme d’apitoiement (essentiellement discursif), notamment lorsque les dissimulations concernent des grossesses. L’absence totale d’empathie de M. Andrieu, y compris lorsqu’il mentionne le décès de l’enfant de son employée, montre que sa priorité est de faire rapatrier sa domestique au plus vite vers l’Indochine, aux frais de l’État. Est-ce parce que l’enfant de Nguyen Thi Nhan n’est pas blanc qu’il est à ce point déconsidéré et expédié en une ligne dans un courrier qui accorde autant de mots à la description de la bague volée par la domestique ? Il est difficile de se prononcer en l’absence de sources complémentaires.

18Cette méfiance transparaît dans le rapport qu’entretient le patronat domestique aux relations entre les domestiques racisé·e·s et les enfants de la bourgeoisie blanche, dans la lignée des travaux d’Ann Laura Stoler. Si, dans les colonies, les domestiques fréquentent les enfants de leurs employeur·e·s, qu’en est-il des domestiques racisé·e·s de métropole ? Nous manquons de sources sur ce point, les quelques domestiques originaires du monde colonial rencontré·e·s dans les archives examinées ne travaillent pas au contact d’enfants. Seul·e·s les patron·ne·s familier·e·s avec des relations coloniales semblent s’autoriser à mettre en contact leur domesticité racisée et leurs enfants. Dans le monde blanc de métropole, le patronat perçoit comme hypersexualisée sa domesticité féminine et souhaite préserver sa progéniture de ce qui est vu comme une menace : plusieurs cas témoignent de domestiques victimes d’agression sexuelle licenciées par leurs employeur·e·s à seule fin de ne pas laisser ces femmes au contact d’enfants bourgeois [34].

L’exotisation, manifestation habituelle de la racialisation

19La méfiance exacerbée du patronat à l’égard des domestiques racisé·e·s s’accompagne d’une exotisation de leur personne. Mohammed n’est au service de Paul Didier que depuis quelques jours quand celui-ci lui demande de poser pour être photographié par un de ses amis [35]. En 1869, dans une ville de province, au vu du coût et de la rareté des appareils photographiques, cette proposition est extrêmement surprenante : même la police ne dispose pas d’un tel matériel. Mohammed accepte de poser et se voit remettre en échange quelques portraits. Il choisit d’en donner certains à « quelques artistes » [36]. Il serait intéressant de savoir si ces images, rares dans un Saint-Etienne alors essentiellement blanc, lui sont demandées par les artistes en question ou si Mohammed prend les devants, conscient de potentielles retombées économiques de cette exotisation, mais nos sources sont limitées. À Lyon une trentaine d’années plus tard, l’exotisation de domestiques masculins racisés est encore plus explicite sous la plume d’Henry Morel-Journel. Dans son journal, celui-ci décrit son mariage en 1900 avec Thérèse Gindre, dont la famille emploie plusieurs domestiques malgaches. Henry Morel-Journel cherche à impressionner son lectorat : le repas de mariage a lieu « dans l’immense salon » des Gindre et surtout « la queue de la robe blanche de Thérèse était portée par un valet de pied nègre. Cela impressionnait les populations. » [37]. L’objectif social et économique de cette exotisation est évident : montrer toute la puissance de la famille et marquer sa domination sociale et raciale aux yeux du public, ce dernier étant entendu ici comme principalement issu des classes populaires, mais aussi alliés et partenaires économiques des deux familles s’unissant. Henry Morel-Journel a conscience, du moins lorsqu’il écrit, que la « rareté » de la main-d’œuvre domestique racisée lui attribue, en tant qu’employeur, de la valeur. Mais pour être véritablement valorisables, ces domestiques malgaches doivent être au bon niveau de racialisation, c’est-à-dire qu’ils doivent rentrer dans les catégories raciales de la bourgeoisie blanche. En effet, employer des domestiques racisé·e·s impressionne des populations peu familières du fait colonial ; mais Henry Morel-Journel va au-delà. Les Lyonnais·e·s ne sont pas « familiarisé·e·s » [38] avec les populations dont la peau n’est pas aussi blanche que la leur. Mais ils et elles ont peut-être en tête les images associant les Africain·e·s ou les Noir·e·s à des brutes épaisses, largement véhiculées dans la presse ou dans les expositions coloniales. Il faut donc, pour Henry Morel-Journel, se distinguer de cette image : ce serait dégradant, pour lui, que l’on puisse penser que ses domestiques effectuent des travaux de force peu sophistiqués ; ou alors qu’il emploie des hommes uniquement pour leur force de travail. Par conséquent Henry Morel-Journel tient dans la même entrée de journal des propos contradictoires : après avoir insisté sur le contraste de couleur de peau des domestiques malgaches avec la robe blanche de son épouse, il tient à relativiser la noirceur de leur peau en écrivant que « Ces Malgaches étaient propres, fins, d’une jolie couleur cuivrée ; ils étaient intelligents, et au bout de quelques années, ils ont quitté le service pour rentrer dans leur pays comme commerçants ; l’un d’eux est même devenu employé de banque » [39]. Ces qualificatifs révèlent la forte négrophobie du négociant lyonnais, couplée à la pensée implicite de l’existence d’une hiérarchie des appartenances ethniques selon un gradient de couleur : c’est leur couleur « cuivrée » et non « noire » qui est décrite comme jolie. La précision que les domestiques sont « propres » sous-entend qu’ils auraient pu ne pas l’être. Son insistance sur leur ascension sociale est elle aussi un marqueur d’exotisation : aucun·e autre domestique blanc·he ne voit son destin professionnel post-domesticité mentionné dans les trois cents pages de son journal. Enfin, si les prénoms des domestiques blanc·he·s de la famille sont régulièrement cités par Henry Morel-Journel, celui-ci ne mentionne qu’une identité géographique et raciale pour ses employés malgaches, dont nous ne connaissons ni les prénoms, ni même le nombre.

Domestiques au sein du monde ouvrier : racialisation et xénophobie, deux réalités distinctes

20Les processus de racialisation des domestiques sont-ils différents à l’intérieur du monde ouvrier ? Les indices sont très minces sur ce point. Cependant, en comparant la manière dont sont traitées par leurs pairs de classe deux domestiques en fuite après avoir commis un vol la même année, nous pouvons ébaucher une distinction entre des indices de racialisation et des manifestations de xénophobie à l’intérieur des classes populaires. Comme Mohammed, Maria Nelson, une domestique italienne de 38 ans, est reconnue coupable de vol domestique en 1869. La manière dont la police, la justice et le patronat s’impliquent et produisent de la domination dans les deux cas diffère ; mais c’est ici l’attitude des classes populaires qui nous intéresse. En effet, Mohammed ne bénéficie d’aucune solidarité de la part de ses pairs de classe et de genre. Il n’a pas de relations amicales à Saint-Étienne, ce qui est inhabituel pour un domestique travaillant en ville. Surtout, les quelques contacts qu’il a noués avec les employé·e·s du théâtre où officie son patron se retournent contre lui : les machinistes fournissent des témoignages à charge, en indiquant à la police que Mohammed leur a demandé des horaires de trains, ce qui peut ajouter la préméditation aux circonstances du vol. Ils fournissent même la liste des destinations qui intéressaient le jeune homme [40]. L’attitude des personnes croisant Maria Nalson est très différente. Arrivée à Roanne, ville où elle ne connaît personne, la domestique s’attire vite la sympathie de ses pairs au point d’obtenir gîte, couvert et des contacts pour un travail. Plus expérimentée que Mohammed, Maria utilise les armes de son genre pour susciter l’empathie, n’hésitant pas à pleurer ou à mettre en scène une faiblesse physique pour faire porter par un homme son butin fraîchement dérobé. Interrogés par la police après l’arrestation de Maria, les membres des classes populaires l’ayant aidée ne manifestent aucune hostilité particulière, alors même qu’ils et elles réalisent que Maria leur a copieusement menti, et n’ajoutent rien dans leur déposition qui puisse aggraver sa condamnation [41]. Cette clémence de leur part vient, selon moi, d’une identification partielle à la blanchité populaire de Maria. Même si cette dernière n’est pas française, qu’elle s’exprime avec un accent italien prononcé, elle suscite moins de méfiance dans les classes populaires urbaines que Mohammed. L’expérience (Maria a vingt ans de plus que Mohammed) et le genre (une femme étant perçue comme moins dangereuse qu’un homme) jouent un rôle déterminant dans cette différence de traitement, mais ne peuvent être analysé·e·s séparément du facteur racial. Son genre et son expérience participent d’un certain blanchiment de Maria Nalson. Les Italien·ne·s (comme les Polonaises au début du xxe siècle) peuvent ainsi subir de la xénophobie, ce que montre le dossier de Maria Nalson [42], mais cette xénophobie se distingue nettement d’une racialisation.

21***

22L’État et le patronat français préfèrent une main-d’œuvre de domestiques blanc·he·s, et femmes, entre les années 1850 et 1930. Ce choix se traduit par un contrôle accru des populations coloniales en métropole, mais n’empêche pas une minorité de domestiques racisé·e·s d’y être recruté·e·s. Leur expérience témoigne d’une racialisation certaine : infantilisation, méfiance exacerbée, exotisation. Ces phénomènes existent pour la domesticité blanche en raison du contact entre classes sociales antagonistes dans la sphère intime, produit par la situation de domesticité ; mais ils sont bien plus systématiques et plus prononcés dans le cadre d’une domesticité racisée. La racialisation produit également des normes sexuelles et de genre spécifiques, sur lesquelles il faudrait encore davantage s’interroger. D’autres sources seraient également nécessaires pour interroger la manière dont la racialisation d’une partie de la main-d’œuvre domestique produit, aux yeux de la domesticité blanche, sa propre blanchité et s’utilise dans le cadre d’un rapport de pouvoir.

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Date de mise en ligne : 27/10/2020.

https://doi.org/10.3917/tgs.044.0031

Notes

  • [1]
    Comme c’est le cas aujourd’hui, ce que montrent les travaux d’Evelyn Nakano Glenn, notamment le récent Forced to care, Havard University Press, 2010.
  • [2]
    Dans l’enquête administrative menée en 1926, à peine 2 015 personnes venues d’Afrique sub-saharienne sont présentes en métropole, dont 10 % travaillent dans la domesticité, rappelle Jean-Philippe Dedieu [2006].
  • [3]
    6MP709, adr.
  • [4]
    Base de données des fiches d’étrangers se déclarant à la Mairie de Saint-Etienne, ordonnées par nationalité et par ordre alphabétique. 4M1115, adl.
  • [5]
    La domesticité de « ville » ou « à la personne » correspond aux métiers de cuisinier-e, valet, femme de chambre, gouvernante, précepteur, etc. vivant et travaillant au domicile des employeur·e·s. La domesticité « à l’exploitation » ou « de ferme » est aussi une domesticité car les travailleurs et travailleuses vivent et officient chez leurs patron·ne·s, même si les tâches réalisées peuvent en partie différer, avec une composante agricole. Cette distinction domesticité rurale/urbaine est très présente dans l’historiographie, mais ne correspond pas à notre approche.
  • [6]
    Lettre du 16 février 1923 de l’agence économique du gouvernement général d’Indochine à Paris à Hermann Baudoin, 4Slotfom8, anom. Le transport des domestiques est pris en charge par l’État pour les fonctionnaires coloniaux ; et une classification raciale s’opère sur les bateaux effectuant les trajets, comme le souligne Jean-Philippe Dedieu [2006].
  • [7]
    4Slotfom8, anom.
  • [8]
    Arrêté du 26 décembre 1928.
  • [9]
    Tableau des effectifs de la domesticité étrangère dans la Loire par communes, Service de la main-d’œuvre agricole de la préfecture de la Loire (non daté) 7M152, adl.
  • [10]
    Lettre de la chambre d’agriculture au préfet du 29 mai 1930, 7M152, adl.
  • [11]
    La pratique religieuse étant difficilement contestable par les employeur·e·s, plusieurs domestiques racontent fréquenter assidûment les offices catholiques. Voir par exemple l’interrogatoire de Marie Borias du 13 avril 1863, Affaire Marie Borias, 4U163, adl.
  • [12]
    Lettre du ministre de l’Agriculture au préfet de la Loire du 6 septembre 1930 7M152, adl.
  • [13]
    408 hommes domestiques contre 323 femmes domestiques n’ont pas la nationalité française. Tableau des effectifs de la domesticité étrangère dans la Loire, 7M152, adl.
  • [14]
    Voir notamment le dossier de procédure d’assises de Jules Favre, domestique suisse travaillant dans la Loire en 1916. Affaire Jules Favre, 4U430, adl.
  • [15]
    Lucie Collard, « La crise des domestiques et la main d’œuvre de couleur » in. L’ouvrière du 14 avril 1923 ; citée par Marie-Victoire Louis [Louis, 1994, p. 77].
  • [16]
    Acte d’accusation de Mohammed du 19 novembre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [17]
    Petite ville à la frontière franco-suisse.
  • [18]
    Les dépêches envoyées à travers la France ne s’embarrassent pas de la présomption d’innocence : « vol de 3 000 francs commis cette nuit à St Etienne par le nègre Mohammed. Prière d’arrêter et de faire transférer, il y a mandat d’amener ». Affaire Mohammed, 4U176, adl. Mais cette présomption de culpabilité est fréquente sous le Second Empire, et ne doit donc pas être retenue comme un mode de racialisation spécifique.
  • [19]
    Télégramme du commissaire spécial G. Haurillon du 9 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [20]
    Interrogatoire de Mohammed du 14 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [21]
    Journal d’Henry Morel-Journel, Tome 1, p. 17. 1 ii 78, Archives Municipales de Lyon (aml).
  • [22]
    Rémy Dubois, De la condition juridique des domestiques, Thèse de doctorat en droit, Paris, 1907, p. 131.
  • [23]
    Codification des Usages Locaux dans la Loire, pp. 53-60 (cantons de l’arrondissement de Saint-Etienne) et pp. 215-219 (cantons de l’arrondissement de Roanne) et p. 510 (cantons de l’arrondissement de Montbrison), adl.
  • [24]
    Phénomène dont témoignent les journaux intimes et correspondances de la bourgeoisie. Voir par exemple le journal de Fanny Tresca-Payen, entrée du 19 janvier 1879, cité par Catherine Pellissier [Pellissier, 1996, p. 51]
  • [25]
    Interrogatoire de Mohammed du 14 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [26]
    Rémy Dubois, De la condition juridique des domestiques, op. cit., p. 6.
  • [27]
    (…) j’ai eu l’occasion de m’apercevoir qu’elle n’avait pas ses pertes mensuelles (…) ». Déposition de Jeanne Perrachon du 18 octobre 1876, Affaire Antoinette Charles, 2U366, adr.
  • [28]
    Interrogatoire de Mohammed du 14 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [29]
    Déposition de Paul Didier du 20 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [30]
    Déposition de Mathieu Pagliano du 26 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [31]
    Déposition de Paul Didier du 20 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [32]
    Lettre de M. Andrieu au gouvernement économique d’Indochine à Paris du 3 mai 1924, 3Slotfom/8, anom.
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Par exemple, Marie Choulet est licenciée par Véronique Génin pour ce motif, alors même que sa patronne ne questionne pas son statut de victime. Déposition de Véronique Génin du 12 janvier 1876, Affaire François Debout, 2U362, adr.
  • [35]
    Interrogatoire de Mohammed du 25 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    Journal d’Henry Morel-Journel, Tome 1, 1969, p. 17. 1 ii 78, aml.
  • [38]
    Sur les rapports entre familiarité et processus de racialisation, voir Sara Ahmed [2007].
  • [39]
    Journal d’Henry Morel-Journel, Tome 1, p. 17. 1 ii 78, aml.
  • [40]
    Dépositions de Claude Vachon et d’Alcide Teyssieux du 25 octobre 1869, Affaire Mohammed, 4U176, adl.
  • [41]
    Dépositions de Jean Gouttefargue du 16 septembre 1869 et de Catherine Gouttefargue du 2 octobre 1869, Affaire Maria Nalson, 4U176, adl.
  • [42]
    La police s’échine par exemple à penser qu’elle a commis son crime en compagnie de complices italiens, sans parvenir à mettre la main sur eux ; et Maria est reconnue dans sa fuite en raison de son accent italien. Acte d’accusation du 25 octobre 1869, Affaire Maria Nalson, 4U176, adl.
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