Couverture de TGS_027

Article de revue

Les épouses des auditeurs

Le film Retour à l'école ? Couples et formation d'adultes dans les années 1960

Pages 125 à 146

Notes

  • [1]
    Titel : Zurück zur Schule ?
  • [2]
    Nos travaux sur ce film ont conduit à sa mise en ligne : depuis mars 2010, Retour à l’école ? est téléchargeable sur le site de l’ina <http://boutique.ina.fr/video/economie-et-societe/education-et-enseignement/CPF86636247/retour-a-l-ecole.fr.html>.
  • [3]
    Signalons toutefois quelques travaux récents ou en cours sur l’histoire de l’éducation populaire ou de la formation syndicale (par exemple Geneviève Poujol [2010] ; Marie-Thérèse Cheroutre [2010] ; Jocelyne Chabot [2009]).
  • [4]
    Ainsi qu’une étude archivistique nous a permis de le montrer [Laot, 2010b].
  • [5]
    Différents fonds de la Délégation générale à la promotion sociale (800405 ; pour l’Éducation nationale : 810553, 900234, de R. Cercelet, 780 670) ; du Comité interministériel, du Comité de coordination de la promotion sociale, dgps (810406) ; de la Délégation à la Formation professionnelle et la promotion sociale (800406, 830190) au Centre d’archives contemporaines des Archives nationales ; des archives privées du Centre universitaire de coopération économique et sociale ; des archives syndicales (Fonds unsen cgt, 227J, Centre d’archives de la Seine Saint-Denis ; de la cfdt 7h et 8h, différents cartons, Centre d’archives de la cfdt).
  • [6]
    Principalement des écrits produits dans le cadre du cuces-infa qui ont d’ailleurs fortement influencé les travaux des commissions des instances chargées de la mise en œuvre des politiques de promotion, ainsi que de nombreuses actions de terrain.
  • [7]
    Notamment avec Alain Bercovitz (entretien du 31 août 2006) mais aussi avec d’anciens cadres du cuces et de l’infa ou d’anciens conseillers techniques de la dgps (entretiens s’échelonnant entre 2006 et 2010).
  • [8]
    Comité restreint et Comité de coordination de la promotion sociale au sein de la dgps, groupe des conseillers techniques de la dgps.
  • [9]
    L’expression sera utilisée en mai 1968 pour désigner les publics oubliés (les os – ouvriers spécialisés – et les femmes).
  • [10]
    Loi n° 66-892 d’orientation et de programme sur la formation professionnelle et la promotion sociale.
  • [11]
    Loi n° 71-575, portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente.
  • [12]
    « Bilan des effectifs des auditeurs de la promotion sociale en 1965 », dgps, juin 1966. an dgps, 810405-1.
  • [13]
    « La Promotion sociale radiographiée », texte de neuf pages ronéotées, non signé mais vraisemblablement écrit par Charles Ravaux, représentant de la cgt au Comité de coordination de la promotion sociale, 1966, Fonds unset-cgt, Archives de Seine-Saint-Denis.
  • [14]
    « La Promotion sociale radiographiée », opus cit.
  • [15]
    Note de Jacques Decoust à Monsieur le Ministre d’État du 3 février 1966, Archives de la dgps, an 800 406-242.
  • [16]
    cuces, Session pédagogique, 10-14 septembre, session du 11/9 au matin, Rapport des commissions (résumé), note de quatre pages ronéotées. Archives personnelles de René Cercelet, cac- an 780670-25.
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    Ibid.
  • [19]
    Note d’information (non signée) de 1966, Etude du cuces (mai 1965) sur les raisons des abandons aux cours du soir, cac-an 80 0406-10.
  • [20]
    Qui, comme son prénom ne l’indique pas, est une des rares chercheures femmes sur ces questions de formation d’adultes dans les années 1960, d’abord au cuces puis à l’infa.
  • [21]
    Les auditeurs ont été numérotés par ordre d’intervention à l’écran, de 1 à 17.
  • [22]
    Problèmes d’action sur le milieu familial, Annexe vi du Rapport Thuillier. Réflexions sur les problèmes de la pédagogie des adultes, Notes introductives au Rapport Grégoire, avril 1965, deux pages, Archives de la dgps, cac-an 80 0405-11.
  • [23]
    Le cuces, document ronéoté de seize pages (non paginées). Archives de Pierre Schaeffer, Institut Mémoires de l’édition contemporaine (imec-psr55).
  • [24]
    C’est l’année de recueil de son matériel qui ne sera analysé et publié que plusieurs années plus tard à son retour des États-Unis.
  • [25]
    Elles représenteront 2 % de l’effectif au cuces en 1968-1969, 6 % l’année suivante et 16 % en 1970.
  • [26]
    Un seul comité comprend une femme, le comité Grégoire, du nom de son président, Roger Grégoire, Conseiller d’État et aussi… mari de Ménie Grégoire. C’est d’ailleurs ce comité qui portera la question de la promotion des femmes.

1Cet article trouve son point de départ dans un travail de recherche entrepris dans le cadre plus général d’une socio-histoire de la formation des adultes, sur et autour d’un film, Retour à l’école ? Ce documentaire en noir et blanc de 45 minutes a été tourné au Centre universitaire de coopération économique et sociale (cuces) de Nancy, en décembre 1966. Réalisé par Jacques Demeure dans le cadre du Service de la recherche de l’Office de la radiotélévision française (ortf), il a pour auteur Alain Bercovitz (formateur au cuces). Il a été produit par la Délégation générale à la promotion sociale (dgps), dans le but de servir de support à la discussion dans le cadre de formations de formateurs d’adultes [2].

2Les travaux sur l’histoire de la formation des adultes en France, le plus souvent conduits à l’échelle nationale et privilégiant les aspects juridiques ou économiques, ont jusqu’ici très peu prêté attention à la question du genre [3] et n’ont donc pas relevé les différences très significatives de traitement des publics de la formation selon les sexes dans les années 1960, ni d’ailleurs dans les années qui ont suivi. Encore aujourd’hui, en France, et contrairement à d’autres pays, alors que la place des filles et les questions de mixité à l’école ont été largement étudiées (notamment, Duru-Bellat, [1990] ; Baudelot et Establet [1992] ; Mosconi [1998] ; Rogers [2004] ; Marry et Mosconi [2006]), les femmes adultes en formation ont très rarement fait l’objet de recherches spécifiques [Ollagnier, 2010].

3Les travaux d’histoire de la formation n’ont pas davantage sollicité les sources audiovisuelles pour éclairer les conceptions et les politiques de formation d’adultes dans le passé. Or, le film est un matériau très riche pour l’histoire. Selon Marc Ferro, un des rares historiens à avoir utilisé des sources cinématographiques, « un film, quel qu’il soit, est toujours débordé par son contenu » [1975, p. 10] :

4

« Le film a cet effet de déstructurer ce que plusieurs générations d’hommes d’État, de penseurs, avaient réussi à ordonner en un bel équilibre. Il détruit l’image du double que chaque institution, chaque individu, s’était constitué devant la société. La caméra révèle le fonctionnement réel de ceux-là, elle dit plus sur chacun qu’il n’en voudrait montrer. Elle dévoile le secret, elle montre l’envers d’une société, ses lapsus. »
[Ferro, 1977, p. 39]

5Un de ces lapsus de l’histoire des années 1960, révélé par les images du film Retour à l’école ? est l’oubli des femmes en tant que cibles de la politique de promotion sociale [4]. En tant qu’épouses, en revanche, on leur reconnaît un rôle central de soutien de leur mari auditeur des cours du soir. C’est précisément ce rôle très spécifique que nous proposons d’analyser dans cet article, en nous appuyant sur plusieurs méthodes complémentaires : l’étude d’archives [5] et de la littérature sur la pédagogie des adultes dans les années 1960 [6] et une analyse filmique. Quelques entretiens menés auprès de différents acteurs viennent éclairer certains aspects de cette analyse [7].

6S’intéresser aux épouses des auditeurs contribue au projet ouvert en France dans les années 1990 : lever les silences de l’histoire [Perrot, 1998], écrire l’histoire des femmes et du genre [Duby, Perrot et Thébaud, 1992 ; Thébaud, 2008]. Il s’agit également de compléter l’histoire de l’éducation des filles [Mayeur, 1979 ; Lelièvre et Lelièvre, 1991 ; Rogers, 2007] par celle de la formation des femmes. L’approche est ici socio-historique, au sens d’une méthode historique accordant une place centrale à la question du lien social et aux rapports de pouvoir, y compris dans leurs dimensions interpersonnelles [Noiriel, 2001]. La démarche comporte aussi une dimension archéologique, inspirée par Michel Foucault [1969], qui vise à mettre au jour les formes de pensée et de savoir dans un contexte donné.

7Nous voulons mettre en évidence le caractère discriminant de la politique de promotion sociale vis-à-vis des femmes mais aussi montrer qu’aux plans individuel et pédagogique, une des questions soulevées alors dans la mise en place concrète des actions, le danger que pourrait représenter une formation pour l’équilibre dans le couple, était peut-être une question pertinente.

Une mise en image de la politique de promotion sociale

Un film comme source pour l’histoire de la (non) formation des femmes ?

8Retour à l’école ? n’est pas un film parmi d’autres sur la formation des adultes. Tout d’abord, ce thème est très rarement traité par le cinéma. Ce document rare apparaît donc comme exceptionnel. Il est tourné au cuces de Nancy, plus exactement dans le cadre des cours de promotion supérieure du travail (pst) qui y ont été ouverts dès 1956. Or, le cuces n’est pas un banal centre de formation. Avec l’Association du cuces (acuces) et l’Institut national pour la formation des adultes (infa) il constitue le Complexe de Nancy (1963-1972) dirigé par Bertrand Schwartz, un creuset d’innovations et de recherches dans le domaine de la formation des adultes [Laot, 1999]. Enfin, sa facture est tout à fait singulière : à la fois film de recherche et film de formation de formateurs, il met en images des conceptions de la formation historiquement significatives. Il peut être à ce titre considéré comme un concentré du savoir sur la formation des adultes des années 1960.

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Groupe des auditeurs – Image du film Retour à l’école ? (A. Berkovitz, J. Demeure, 1966). Crédit ina.

9Le Service de la recherche de l’ortf qui l’a réalisé n’a pas fait d’autres films traitant de la formation des adultes mais menait, en revanche, une véritable politique de recherche à la fois sur l’image, le son et, dans le domaine sociologique, sur les publics de l’image et la vie sociale contemporaine [Tournet-Lammer, 2010]. Qualifié par ses commanditaires, la Délégation générale à la promotion sociale (dgps), de « film de recherche sur la pédagogie des adultes », il est présenté par le Service de la recherche lui-même comme une « enquête cinématographique ». Après que le projet eut varié plusieurs fois, ce dont rendent compte les présentations successives dans les instances où il est discuté [8], le film est finalement conçu comme un support de base pour la formation de formateurs [Laot, 2010a]. À notre connaissance, c’est le seul film réalisé avec cet objectif-là, dans les années 1960 et pour longtemps. Aujourd’hui encore, l’état de la filmographie spécifiquement consacrée à la formation de formateurs reste extrêmement mince.

10En tant que film, il fournit en outre une quantité d’informations très riches, bien au-delà du discours produit, sur le contexte social et culturel de l’époque : il s’agit de ce que Barthes nomme l’infra-savoir, ces « détails » auxquels l’image photographique permet d’accéder directement et qui « font le matériau même du savoir ethnographique » [Barthes, 1980, p. 52]. Ce sont ces détails, leur traitement mais aussi l’absence de certains d’entre eux, qui font de tout film, quel qu’il soit, un document historique [Ferro, 1977]. À partir de ce qui y est montré – et de ce qui ne l’est pas – l’analyse socio-historique de Retour à l’école ? a consisté à relier discours filmique et discours sur la formation (publié ou conservé dans les archives) au moment même où était tourné ce film.

11Parce qu’il met en scène des « épouses » d’auditeurs de cours de promotion sociale, mais aucune auditrice, le film, de manière tout à fait involontaire, désigne les femmes comme « non-public » de la formation [9]. Cette « anomalie » criante saute immanquablement aux yeux de tout spectateur d’aujourd’hui. Et pourtant, elle n’est que la mise en image de discours alors très répandus. Ceux-ci s’appuyaient sur les premières recherches sur la pédagogie des adultes et sur l’étude des publics des cours du soir, ces « hommes à former » ainsi qu’ils sont désignés dans tous les textes de l’époque.

La promotion sociale : une politique inhumaine ?

12La définition très large donnée à la promotion sociale en fait un quasi équivalent de la formation d’adultes ou de ce qui deviendra, dans les années 1970, la formation permanente. La politique de promotion, progressivement mise en place à partir de 1948, est consolidée à l’arrivée au pouvoir des Gaullistes par la loi de 1959 sur la Promotion sociale (dite loi Debré). Plusieurs ouvrages analysent ses évolutions et les enjeux de justice sociale et de modernisation de l’économie qu’elle représente [David, 1976 ; Terrot, 1997 ; Tanguy, 1998 ; Dubar et Gadéa, 1999 ; Benoist, 2004 ; Brucy et al., 2007].

13La dgps est chargée de piloter les actions au plan national. Cette institution ne durera que quelques courtes années. Elle tient, en effet, sa dernière réunion de service en janvier 1967, puisqu’elle disparaît avec la loi du 3 décembre 1966 [10]. De nouvelles instances sont alors mises en place et préparent la loi du 16 juillet 1971 [11], qui ouvre l’ère de la formation professionnelle continue (cf. encadré).

Brève synthèse sur l’histoire de la formation en France

Les actions d’éducation et la formation des adultes ont été mises en œuvre au cours des deux derniers siècles sous la pression conjuguée de trois évolutions :
  • politique (former le citoyen, éclairer l’électeur) ;
  • sociale (selon les époques et les promoteurs : « résoudre la question sociale », alphabétiser et moraliser le peuple, l’émanciper, assurer sa promotion individuelle ou collective, pacifier les relations sociales…) ;
  • économique (participer à la modernisation du pays, et ceci dès la première industrialisation).
La formation est d’abord essentiellement prise en charge par des associations (charitables, religieuses, politiques, philanthropiques, ouvrières…), par des municipalités (cours d’adultes, dès les années 1830) et par les entreprises elles-mêmes. L’État y interviendra peu au xixe siècle et au début du xxe siècle. Éducation de base, générale ou sociale et formation professionnelle seront longtemps mêlées.
Un système national de formation des adultes s’institutionnalise dans l’après Seconde Guerre mondiale, dans le contexte de la reconstruction et de la modernisation de l’industrie, à travers la mise en œuvre de politiques publiques : promotion ouvrière (1948), promotion sociale (1959), puis différentes lois (1966, 1968) préparent celle du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente.
Cette loi ouvre une nouvelle ère et un « marché de la formation ». Le droit à la formation sur le temps de travail est élargi à tous les salariés (d’abord du privé, ensuite du public). La formation, qu’elle soit entreprise à l’initiative des employeurs (plan de formation de l’entreprise) ou du salarié (congé individuel de formation) est financée par les employeurs dans le cadre d’une obligation légale. Bien que souvent remaniées et complétées depuis par de nombreuses lois, les grandes lignes des modalités de la fpc (ou formation permanente), devenue – sous la pression des instances européennes – « éducation et formation tout au long de la vie », restent les mêmes depuis 1971. En revanche, les enjeux de la formation ont beaucoup changé. Avec l’installation de la crise économique dans la durée, la question de l’employabilité est devenue prioritaire.
Pour plus de détails, consulter les travaux du « Groupe d’étude- Histoire de la formation des adultes » <http://www.gehfa.com>, notamment la bibliographie en ligne, et Emmanuel de Lescure [2004] ; Françoise F. Laot et Emmanuel de Lescure [2008].

14En décembre 1966, au moment du tournage du film, la dgps en est donc à l’heure du bilan. S’il est vrai que le nombre de personnes en formation a fortement augmenté au cours des années, les chiffres n’en demeurent pas moins très faibles, au regard des possibles. 433 800 personnes auraient été concernées par des actions financées sur des crédits de promotion sociale en 1965 [12].

15Ces chiffres sont d’ailleurs contestés par les syndicats qui les estiment gonflés [13]. Notons que, dans ce domaine comme dans bien d’autres, les statistiques n’isolent pas la variable « sexe ». Il est donc très difficile de connaître le nombre de femmes effectivement concernées par ces actions [Laot, 2010b].

16La politique de promotion est-elle efficace ? Un chiffre est étudié à la loupe : le taux des abandons aux cours du soir. Il est phénoménal. Comme l’écrit Charles Ravaux, représentant de la cgt : « L’ouvrier qui veut se perfectionner chez nous [en France] doit être une sorte de héros » [14]. Les conditions de formation sont en effet quasi inhumaines, tout le monde en convient. Pour les auditeurs des cours de promotion supérieure du travail, il faut en effet parfois compter jusqu’à six ou sept années d’études, à raison de trois cours en moyenne par semaine, le soir après le travail ou le samedi, la durée effective moyenne du travail oscillant alors entre 45 et 46 heures. Le fort taux d’abandon n’est pas surprenant dans de telles conditions. À celles-ci, il faut encore ajouter des déplacements parfois longs entre le domicile et le centre de formation, l’absence d’engagement des employeurs, la très faible corrélation entre formation et promotion dans le travail ou encore des méthodes de formation non adaptées à un public d’adultes.

17Tout ce gâchis d’énergie et de moyens conduit la dgps à susciter des recherches en vue d’élaborer une « pédagogie des adultes » visant à rationaliser et rentabiliser la formation dispensée. C’est ainsi que seront financées nombre d’études et de recherches du « complexe nancéien qui constitue le pôle par excellence » de la politique de recherche de la dgps[15]. Ces travaux seront largement mobilisés pour la conception du film Retour à l’école ?

Un film qui donne largement la parole à des hommes en formation

18Construit à partir d’interviews d’auditeurs des cours pst du cuces, ce film décrit les motivations de ces travailleurs et les espoirs qu’ils ont mis dans leur projet de formation, mais aussi leurs difficultés au quotidien. Les interviews sont conduites par l’auteur, Alain Bercovitz.

19La première séquence, tournée dans la salle de formation, montre un groupe d’auditeurs en discussion. Plusieurs thèmes sont abordés successivement, introduits par l’enquêteur. Certains de ces thèmes font l’objet d’un approfondissement. Le montage nous renvoie alors sur un autre lieu de tournage (atelier ou appartement familial), puis nous ramène à chaque fin de séquence à la discussion collective du début. Dix-sept auditeurs prennent la parole à tour de rôle. Ce sont tous des hommes. La grande majorité semble trentenaire. En contrepoint, d’autres personnages sont amenés à s’exprimer : trois épouses, les enfants d’un auditeur, des supérieurs hiérarchiques, un patron.

20La discussion s’ouvre sur la question de l’école : la formation suivie ici ressemble-t-elle ou non à celle de l’école ? La réponse qui se dégage est globalement non. Ici, l’on vient libre de toute contrainte, par choix personnel, « presque par plaisir », et cela fait toute la différence. Les contenus de la formation sont – ou non – directement utilisés dans le travail quotidien, pour prendre en charge la formation d’un apprenti, pour se reconvertir, pour s’adapter, pour se donner l’espoir d’une promotion, pour améliorer la vie de famille…

21À ce stade, une première difficulté surgit : celle de l’incompréhension de l’entourage. Celle des patrons d’abord, qui ne font rien pour aider, puis celle des collègues et aussi des proches. Car, et c’est là qu’apparaît la deuxième grande difficulté : la formation, ça coûte ! Non pas de l’argent, mais du temps, beaucoup de temps. Les sorties familiales le dimanche, le temps de présence (et de participation aux tâches ménagères) à la maison, tout cela est compromis et pour longtemps. L’acceptation, l’aide, le soutien, la participation même des épouses se révèle donc indispensable.

22Le thème de la vie conjugale et familiale est largement exploré. Le film y consacre environ 18 minutes, soit 40 % du temps total. C’est le thème le plus important du film en temps et en moyens (lieux de tournage) consacrés. Le lien entre formation et travail, autre thème qui traverse le film, ne sera pas abordé ici.

Portraits de trois couples pour une formation par mari interposé

Se former : une responsabilité de « chef de famille »

23Le premier couple filmé, dans l’ordre du montage, est jeune. Ils ont tous les deux entre 25 et 30 ans, sont vraisemblablement ensemble depuis peu et sans enfant. Ils sont assis sur un canapé. Lui travaille à edf. Il dit avoir « peur », peur de ne pas arriver au bout de sa formation, d’être « saturé ». Il estime le taux d’échec à 98 %. Néanmoins, il prend confiance. Sans doute en est-il au moins à sa troisième ou quatrième année de cours du soir… D’elle, on saura beaucoup moins de choses, quasiment rien en fait. Elle prend peu la parole et donne de brèves réponses aux questions qui lui sont directement adressées par l’enquêteur, sauf pour sa dernière intervention. Les informations échangées ne nous permettent pas de savoir si elle travaille ou non.

24Il explique qu’il s’est inscrit aux cours, en lui disant que c’était « six années de sacrifice » et : « ma femme a accepté, […] elle savait ce qui l’attendait ».

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Premier couple – Image du film Retour à l’école ? (A. Berkovitz, J. Demeure, 1966). Crédit ina.

25La conversation court sur l’éventualité, pour lui, de ne pas aller au bout des études. Il lie sa réussite à la formation à sa « responsabilité de chef de famille » vis-à-vis de sa femme ; il en fait un « devoir d’homme ». Il porte donc l’enjeu de la formation au plan socio-sexuel. L’enquêteur demande ensuite :

26« Est-ce qu’il vous arrive de discuter ensemble des cours ? »

27

Elle : Presque tous les soirs.
Enquêteur : Comment ça se passe ?
Lui : J’essaye de lui faire profiter si vous voulez de ce que j’apprends et de ce qui est susceptible de l’intéresser.
Enquêteur : Par exemple, vous avez…
Lui : Par exemple oui, par exemple, attendez voir euh… en formation générale par exemple en ce moment on nous passe des tableaux de peintres, je sais que ma femme aime bien les arts et que ça l’intéresserait très bien et je lui raconte ce que j’ai vu […]. Un autre exemple, on entend parler de neutrons, de protons, de nucléons, c’est des émissions qui deviennent à la mode, on en entend parler. C’est tout ce qu’il y a de plus facile à comprendre, vous savez, même si elle ne retient pas, voyez, tout au moins elle ne sera pas… elle aura entendu ces mots-là.
Enquêteur : Vous essayez de lui retransmettre…
Lui : De lui transmettre, d’une façon plus simple, de façon simplifiée, schématisée. Si elle ne retient pas tant pis, mais enfin, je lui en aurais parlé
Enquêteur : Vous avez un peu l’impression que c’est un devoir pour vous de lui expliquer, non ?
Lui : Peut-être pas un devoir, mais, vous savez, j’estime que c’est toujours bon d’apprendre des choses (rire).
Elle : Tu estimes aussi que si je comprends, c’est que tu m’as bien expliqué et que tu as compris toi-même.
Lui : Oui, c’est un test pour moi-même, si ma femme comprend, c’est que j’ai compris la leçon.
Enquêteur : Une forme de répétition.
Lui : Oui.

28Il n’a pas conscience des stéréotypes que véhicule son discours sur les savoirs féminins (les arts) et masculins (les sciences) [Mosconi, 1994], ces derniers pouvant se transmettre à une femme, du moment qu’ils deviennent « à la mode », à condition qu’ils soient « simplifiés », « schématisés ». Elle, tout au long de cet entretien filmé, semble comprendre le sens caché du discours. Elle parvient finalement à retourner les rôles. D’enseignée par son mari [de Singly, 1996], elle en devient la répétitrice, celle qui lui permet de savoir qu’il sait. Il reconnaît finalement qu’elle est le miroir de ses propres difficultés d’apprendre, de sa fierté d’y parvenir. Elle semble soulagée de ce dénouement, son visage affiche un franc sourire sur lequel se termine la séquence.

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Première épouse – Image du film Retour à l’école ? (A. Berkovitz, J. Demeure, 1966). Crédit ina.

Pour une promotion de couple

29Le deuxième couple est également jeune, sans enfant. Elle est assise, bien droite sur un canapé, en surplomb. Il semble tassé à ses côtés. Il a entrepris la pst pour améliorer sa position dans l’entreprise. Il souhaite devenir contremaître. Il est déjà « un peu dans le bain » puisqu’il s’occupe des relations avec les clients, des devis… Il rêve de devenir ingénieur mais ose à peine formuler cette issue. Il a quitté l’école à 14 ans, parce que « l’école ne [lui] disait absolument plus rien ». Il le regrette maintenant.

30Elle travaille, mais on ne sait pas où. « S’il n’y a pas plus d’un enfant », elle continuera à travailler, les deux époux se sont mis d’accord là-dessus (selon lui), mais (selon elle, sur un ton chantant), « si, dans 6 ou 7 ans, mon mari a une plus belle situation, je pourrai peut-être m’arrêter de travailler […] C’est l’avenir qui le dira. ». Est-ce une idée ? La caméra s’attardant sur son visage à lui lorsqu’elle dit cela enregistre comme une moue désapprobatrice. Pour le moins montre-t-il à ce moment précis un visage bien moins souriant que dans l’ensemble de la séquence. La discussion avec le couple tourne essentiellement autour des études des enfants : ex-enfant devenu adulte (lui) et futurs enfants à naître ; et de la responsabilité des parents qui doivent « forcer les enfants » à poursuivre leurs études, « s’efforcer » de leur donner tout de suite « une belle situation » et leur éviter ainsi les cours du soir… Il est patent ici que le projet de reprise d’étude est un projet du couple.

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Deuxième couple – Image du film Retour à l’école ? (A. Berkovitz, J. Demeure, 1966). Crédit ina.

31Elle y est totalement impliquée, « on » est le sujet de l’action, pour lui comme pour elle. Elle le pousse à « s’élever », à dépasser la situation dominée de « simple ouvrier », à avoir des bases solides et des connaissances « supérieures à la moyenne ». Il s’agit en fait de réparer les erreurs du passé. Ce couple tient le même discours, sur beaucoup de points. Mais il n’est pas question d’échange entre mari et femme sur les contenus d’enseignement. Ce qui semble partagé ici, c’est le projet de promotion, pas le nouveau savoir acquis pendant les cours. N’en a-t-elle pas besoin ? On pourrait avancer l’hypothèse, suggérée par l’image elle-même qui la montre comme dominant son mari, ainsi que par la facilité de sa prise de parole, que son niveau scolaire est supérieur à celui de son mari et qu’il comble, par la pst, un déséquilibre, aussi vis-à-vis d’elle.

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Deuxième épouse – Image du film Retour à l’école ? (A. Berkovitz, J. Demeure, 1966). Crédit ina.

Un enrichissement personnel pour toute la famille

32L’interview du troisième couple met en scène toute la famille puisque cinq des six enfants entrent en scène sur la fin de la séquence. Celle-ci se déroule encore dans le salon familial. Pas de canapé cette fois, mais deux fauteuils crapaud, aux dossiers tapissés, où chacun d’eux est installé en face de l’enquêteur.

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Troisième couple – Image du film Retour à l’école ? (A. Berkovitz, J. Demeure, 1966). Crédit ina.

33Ce couple est plus âgé, plus mûr. Le ton est posé, le vocabulaire élaboré, les phrases sont longues et bien construites, l’atmosphère semble détendue. Le niveau d’étude de ce couple semble bien plus élevé que celui des deux autres. Sans que cela soit précisé, on comprend qu’elle ne travaille pas à l’extérieur. Ses six enfants, dont elle semble suivre de très près l’éducation, ne lui en laissent sans doute pas le « loisir ». Lui est déjà cadre. Il est l’adjoint de direction d’un service de son entreprise. Il reprend la pst après plusieurs années d’interruption des cours, pour « acquérir des éléments de connaissance nouvelle » qui lui permettront d’être « plus efficace dans l’entreprise ». Il espère une promotion interne. Il avait commencé sa formation six ans auparavant, mais avait été contraint de l’arrêter à la suite d’un « cracking » de sa femme, survenu après la naissance des enfants. En effet son entreprise n’avait pas, alors, accepté de le laisser partir pour un an en formation à plein-temps.

34Elle dit : « J’avais plus mon mari ». Cette réplique, manifestement extraite d’une autre séquence pour être réinsérée à cet endroit du montage, vient à propos souligner ce qui vient d’être dit. La famille tient une place décisive dans le projet de cet auditeur :

35

« Lorsqu’on frise la quarantaine, que les enfants ont déjà un certain âge, l’optique est changée, il y a quand même des impératifs familiaux, sociaux, qui vous font hésiter à prendre une option différente et à changer d’entreprise. »

36Plus jeune, il aurait choisi des solutions plus radicales. Le « cracking » de sa femme semble un fait reconnu par les deux époux, comme s’il s’agissait d’un épisode « normal », dans l’ordre des choses. Mais il est intéressant de noter qu’il ne constitue pas l’unique cause de l’arrêt temporaire des cours. Tout au long de l’entretien, les deux membres de ce couple se montrent très respectueux l’un envers l’autre, attentionnés tout en dégageant une identité forte, indépendante. Mais ils se constituent avant tout comme un couple parental. Tout tourne autour des enfants. Aussi, lorsqu’il décide de reprendre ses cours, il apparaît logiquement que toute la famille doit en profiter :

37

Elle : Et alors moi je suis contente le soir lorsque mon mari rentre parce qu’il me fait part de ce qu’il a vu, de ce qu’il a entendu, de ce qu’il a appris et non seulement pour moi, personnellement, mais pour les enfants.
Lui : c’est un enrichissement pour tous.
Elle (en même temps) : C’est un enrichissement personnel, pour tout le monde.

38La discussion se poursuit en essayant d’impliquer les enfants qui mettent, à dire vrai, peu d’empressement à répondre aux questions. Durant tout l’échange entre le père et ses enfants, la mère est hors champ et n’intervient pas. Mais on la sait consentante, et même amusée, grâce à un jeu de plans où elle apparaît souriante quand son mari interpelle Philippe, le fils aîné, pour la première fois.

figure im7
Troisième épouse – Image du film Retour à l’école ? (A. Berkovitz, J. Demeure, 1966). Crédit ina.

Du discours filmique aux discours sur la formation : la rhétorique de « l’épouse » comme frein ou aiguillon de la formation du mari

L’obstacle familial

39De manière très précoce, le thème de l’épouse de l’auditeur est retenu au cuces comme devant être étudié et abordé en formation de formateurs. En effet, il est souligné dans de nombreux textes de l’organisme qu’une des spécificités de l’adulte en formation est bien d’être engagé dans la vie sociale et familiale, en tant que conjoint et aussi père de famille. Ainsi apprend-on dans le compte rendu d’une session pédagogique de 1962 [16] que les participants, qui étaient amenés à réfléchir en petits groupes sur les « contraintes du milieu social, professionnel et familial sur l’adulte qui désire se former », avaient noté, en ce qui concerne les difficultés familiales :

40

« Rôle de l’épouse, qui a une charge accrue du fait de l’absence de son mari pendant les cours du soir. L’épouse a tendance à freiner l’activité de son mari si elle estime que cette activité n’est pas “rentable”. Dans d’autres cas, elle saura l’encourager, dans un but de promotion sociale. Difficulté de l’absence du père pour l’éducation et l’instruction des enfants » [17].

41Et, en guise de « remède », ils avaient proposé « [d’] informer les familles de l’organisation matérielle des cours et des efforts que cela imposera au chef de famille, par diffusion d’une circulaire ou d’un fascicule (voire par une réunion avec les épouses). » [18]

42Il est flagrant, dans ces extraits, que l’adulte qui se forme ne peut être une femme… Bien entendu, la formation technique dispensée au cuces, s’adressant à de futurs ingénieurs, groupe professionnel encore quasi exclusivement masculin [De Peslouan, 1974 ; Marry, 2004], explique en grande partie cela.

43Au plan national, la question de l’entourage familial de cet « adulte » en formation devient un « obstacle » pris au sérieux.

44

« L’obstacle “familial” ne doit pas être sous-estimé. En dehors même des difficultés que peut susciter de ce point de vue une promotion sociale réussie, il se pose, pendant la période où le travailleur fait des stages ou suit des cours de promotion, de délicats problèmes qui ne semblent pas avoir été nettement aperçus jusqu’à présent. Si l’intéressé accomplit des stages à plein-temps d’une certaine durée, il doit le plus souvent abandonner son foyer pendant plusieurs semaines ou même plusieurs mois. S’il suit des cours du soir, la situation est plus difficile encore. Il doit en effet, durant plusieurs années, se consacrer à son effort de promotion et renoncer, par conséquent, à toute vie familiale véritable. Ne pouvant plus s’occuper de ses enfants, il risque de sacrifier à son effort de promotion personnelle leur éducation et leur accès à la situation professionnelle et au niveau social qu’il désire atteindre. Quant à son épouse, même lorsqu’elle peut supporter un isolement dont elle ne perçoit pas toujours l’intérêt, elle se lasse bientôt d’une situation qui n’aboutit encore à aucune amélioration de la vie matérielle du foyer, mais qui, au contraire, se traduit par une diminution de salaire ou, dans la meilleure hypothèse, par un manque à gagner. »
[Livre Blanc de la Promotion sociale, 1966, pp. 63-64].

45Comment en est-on arrivé là ? Plusieurs travaux de recherche sur le public de la promotion sociale ont traité de manière plus ou moins approfondie cette thématique. Les premières études menées sur les abandons aux cours du soir ont en effet montré que les difficultés familiales en sont, en partie, responsables. Ces résultats sont discutés dans les instances nationales comme le montre cette note d’information de janvier 1966 sur une étude du cuces concernant les raisons des abandons aux cours du soir, retrouvée dans les archives de la dgps, qui fait état d’une « pression négative de l’environnement familial et social » :

46

« L’attitude défavorable de la femme (voire de la mère, dans le cas de certains célibataires…) est particulièrement mise en lumière. Plus généralement, la façon dont les intéressés “appellent à leur secours” la contrainte familiale pour justifier leur abandon apparaît en un certain sens très significative » [19].

47Notons que l’étude de Claude Debon [20] [Thesmar-Debon, 1965] dont il est question ici se montre pourtant mesurée sur cette question et souligne même [p. 84] que les contraintes qui pèsent sur les personnes en formation et qui tiennent à l’environnement familial et social occupent une place « nettement moindre » que celles liées aux situations de travail ou à l’organisme de formation lui-même. L’écart entre des résultats de recherche et l’utilisation caricaturale qui en est faite est, en l’occurrence, quelque peu troublant.

Une forte divortialité dans les institutions de formation ?

48Quasiment au même moment, Viviane Glikmann [1970] démontre, chiffres à l’appui, que le Conservatoire national des métiers (cnam) n’est pas une « usine à divorce » comme le laisse entendre la rumeur largement propagée par les auditeurs du cnam eux-mêmes. C’est, au contraire, le rôle positif du soutien conjugal qui est souligné dans son étude, puisqu’elle remarque pour les titulaires du diplôme d’ingénieur, en 1965-1966 et en 1966-1967, une durée des études moins longue pour ceux qui étaient mariés lorsqu’ils sont entrés au cnam que pour leurs collègues célibataires ou qui se sont mariés en cours d’étude (8,8 contre 10,8 annnées !).

49Il est vrai qu’entre-temps, une autre étude sur le cnam avait incidemment relevé que le célibat apparaissait à nombre d’élèves comme une « condition essentielle de la réussite ». Les chercheurs ne faisaient que reprendre des bribes d’interviews d’élèves du cnam, mais ces ressentis, présentés de manière équivoque, ont été lus comme des résultats d’observation :

50

« Tout donne à penser qu’il n’est possible de persévérer et de réussir au cnam que si l’on parvient à intérioriser une disposition morale ascétique et malthusienne, capable non seulement de régler les actes de la vie quotidienne, mais aussi d’intérioriser de manière durable les attitudes et les projets les plus fondamentaux, par exemple à l’égard du mariage et de la fécondité »
[Champagne et Grignon, 1969, p. 105].

51La personnification des échecs des hommes à travers leur femme s’impose rapidement comme une évidence.

52Dans le film, les deux facettes de l’épouse, celle qui soutient et celle qui freine, sont évoquées par les auditeurs. L’un (A9) [21] expose des difficultés de compréhension de son projet par son épouse, l’autre (A10), au contraire, insiste sur l’aide qu’il a trouvée chez la sienne. Il faut souligner que le thème des épouses est introduit dans le film par l’enquêteur lui-même, à la neuvième minute du film :

53

Enquêteur : C’est les épouses qui sont méritoires dans ce cas-là ! [il fait écho à ce que dit précédemment un auditeur à savoir qu’il passe « les deux tiers de son samedi, ou les trois quarts même et des fois même un peu le dimanche » à préparer et suivre ses cours du soir.
A10 : Oui, il faut qu’elles contribuent beaucoup les épouses. Vous avez le coup de barre, il faut qu’elles vous aident là (silence).
Enquêteur : Par exemple comment ?
A10 : Eh bien par exemple, en pst, en cours de soir, vous avez quatre cours par semaine, vous savez, bien souvent, vous auriez envie, enfin, peut-être pas de sécher un cours, mais vous en avez marre, vous avez le bourdon, la femme elle vous aide : “tu vas pas laisser tomber, ça fait deux ans que t’y es”. Vous savez les deux premières années en pst, elles sont difficiles. Après trois ans, on arrête plus à ce moment-là. Mais, là, faut qu’elle vous aide. Et puis malgré tout, on n’est pas toujours de bonne humeur, vous venez de sécher un problème ou quoi, l’humeur s’en ressent, les enfants et tout, alors, il faut qu’elle soit très conciliante l’épouse.
Enquêteur : C’est un peu comme si elle suivait un peu les cours avec vous ?
A10 : Elle y participe, oh oui !

54L’enquêteur revient avec insistance sur le thème des épouses à la treizième minute (entre-temps, le montage a permis d’intercaler les images filmées chez les auditeurs A1, A11 et A8) :

55

Enquêteur : Il n’y a aucun d’entre vous, alors, qui ait eu des difficultés avec son épouse, ou avec les enfants, des accrochages ?
A9 : C’est-à-dire, c’est surtout sur le plan compréhension, parce qu’elle ne voyait pas très bien ce que je voulais faire.
[…]
Enquêteur : Et alors, qu’est-ce qu’elle vous disait ?
A9 : “Écoute, les d’voirs [il s’agit des devoirs à la maison qui sont à faire dans le cadre les cours du soir], écoute, il n’y a pas que ça à la maison, tu devrais un peu penser à nous, ranger un petit peu, m’aider un petit peu”. Je lui dis “écoute, moi je ne peux pas être partout”. Maintenant, ça y est, c’est terminé, je fais ce que je dois faire, bien sûr, elle me laisse quand même le temps… sans reproches, quoi.

56Le fait que le thème soit proposé par l’enquêteur-auteur du film montre bien que cette dimension était alors jugée très importante au cuces. Alain Bercovitz le reconnaît bien volontiers :

57

« Le sujet de l’éducation n’est pas seulement celui qui suit les cours, c’est son milieu social, au moins son couple et sa famille, mais de quoi je me mêle quand je dis ça ? C’est un drôle de truc de dire qu’il faut que je m’occupe de la promotion sociale de la femme parce que le mari suit des cours du soir. De quel droit ? C’est là qu’on était complètement exorbitant. »
(Entretien avec Alain Bercovitz)

Former les femmes à soutenir leur mari

58Cette figure d’épouse, du fait de son importance décisive, est donc à prendre en compte – d’une certaine façon – dans les réflexions sur le développement de la politique de promotion sociale. C’est ainsi qu’au niveau national on en vient à concevoir un élargissement de la promotion individuelle à l’entourage familial, comme c’est déjà le cas au cuces de Nancy où ont été introduits, dans la « formation générale » de la pst, des enseignements non scientifiques, avec des possibilités de rencontres sous forme de veillées culturelles (musique, poésie, littérature, cinéma, théâtre ou philosophie). Ces activités facultatives regroupent un tiers des inscrits et quelques-unes de leurs épouses et ont pour objectif de contribuer à réduire le taux d’abandon.

59En avril 1965, le comité chargé de l’étude des structures et des problèmes pédagogiques de la promotion sociale (le comité Grégoire) rend un rapport à la dgps, composé de notes élaborées par différents membres. Celle que signe Guy Thuillier, alors Conseiller à la Cour des comptes, reprend le thème de l’action en direction du milieu familial. Il écrit ainsi :

60

« On oublie trop souvent qu’une action en matière d’éducation des adultes ne peut être séparée d’une action sur le milieu social, en effet, on ne peut saisir le sujet isolé : il est lié étroitement à sa famille et il est nécessaire, dès qu’on élève le niveau professionnel et culturel du mari, de veiller à ce qu’aucun déséquilibre, aucune coupure ne se produise : toute désadaptation serait dangereuse. » [22]

61Il précise un peu plus loin :

62

« Les obstacles sont évidents : la femme est surchargée de besognes ménagères, ne peut suivre son mari dans son effort de promotion, et si elle travaille, ne peut assurer, faute de temps, sa propre promotion professionnelle. »

63Le cas des femmes qui travaillent a donc bien été envisagé. Mais la promotion sociale ne leur semble pas davantage destinée. Guy Thuillier, qui suit de près les travaux du cuces, retient l’idée d’une action en direction des épouses dans le « Que sais-je ? » intitulé La promotion sociale qu’il publie en 1966 :

64

« L’effort de promotion est plus ou moins compris et soutenu par l’épouse […]. Tous les observateurs insistent sur la nécessité d’associer assez étroitement la femme à l’effort de promotion, presque de lui donner une “formation” pour éviter tout déséquilibre : tâche délicate aux limites encore mal définies »
[Thuillier, 1966, pp. 45-46].

65Une des solutions qu’il avance pour cette « quasi-formation » en direction, notamment, des femmes à la maison, consiste à créer des émissions de radio et de télévision diffusées pendant les heures de classe des enfants.

66À Nancy, la réflexion sur le thème se poursuit et trouve des développements dans l’élargissement de l’entourage, du cercle familial à une collectivité plus large. Une formation strictement individuelle est jugée peu profitable :

67

« La cause en est que souvent cette formation est plaquée sur lui [l’adulte], superficiellement, ne prenant pas racine dans sa vie affective et professionnelle ; elle le laisse seul bénéficiaire dans le milieu dans lequel il vit, sans la possibilité de l’utiliser – donc en fait d’en bénéficier – ni de la communiquer aux autres ». [23]

68La formation, pour être efficace, doit donc être directement utilisable, mais aussi communicable, faire sens pour l’entourage.

Formation et déséquilibre dans les couples

69C’est en effet essentiellement à travers la communication que le problème de la formation vis-à-vis du couple est traité dans le film Retour à l’école ? Ces portraits filmés de couples nous montrent que la formation, les buts visés à travers elle, mais aussi ses effets, dépassent l’individu, le transcendent. Le couple, la famille tout entière sont pris dans ce jeu où entrent attentes sociales et transformations identitaires par le savoir. C’est bien ce que voulait souligner l’auteur : qu’un auditeur adulte n’est pas un « élève » lambda, mais qu’il est porteur non seulement de son histoire d’ancien enfant, parfois fâché avec l’école, mais encore des espoirs et des « sacrifices » de son entourage, qu’il y implique non seulement le présent et le futur de sa personne, mais aussi ceux de sa femme, de ses enfants déjà là ou à venir. Cependant, si ces derniers « profitent » des cours, ils ne le font que par personnes interposées. Les épouses davantage encore que les enfants, qui eux, vont à l’école. Pourtant, la formation représente bien alors un enjeu majeur pour les femmes, non seulement parce que la plupart n’ont aucune formation professionnelle ou bien une formation totalement inappropriée au marché de l’emploi [Guilbert, 1966 ; Thibert, 1968], mais encore, parce qu’elles ont tout à y gagner, y compris pour la position qu’elles occupent dans le couple, comme le montrent les premières études sociologiques sur le sujet.

70En 1966 [24], Andrée Michel [1972], s’appuyant sur des études déjà menées aux États-Unis et dans d’autres pays d’Europe, entreprend de manière pionnière en France de recueillir des données sur plus de cinq cents couples français. Elle y démontre en particulier que le pouvoir de décision au sein du couple augmente de manière significative avec le niveau d’instruction mais que, ce qui compte encore davantage au niveau de la « structure du pouvoir dans le couple », c’est moins le niveau (de salaire ou d’instruction) que la comparaison de ces niveaux entre les deux protagonistes. La question du déséquilibre provoqué dans le couple par la formation serait donc bien réelle. Ce film met en images des situations qui seront analysées bien plus tard par les sociologues du travail ou de la mobilité sociale : familles nombreuses dans les milieux ingénieurs, part des femmes dans les projets de mobilité [Gadéa et Marry, 2000]… Mais il montre aussi un monde sur le point de basculer.

71La première moitié des années 1960 constitue l’« âge d’or de la famille et de la femme au foyer » [Battagliola, 2008, P. 85], mais « la longue phase de repli du travail féminin qui court depuis le début du xxe siècle touche à sa fin » [Omnès, 2003, p. 381]. Quelques publications seulement [Guilbert et Isambert-Jamati, 1956 ; Esprit, 1961, n° 5 ; Guelaud-Leridon, 1964] ont commencé à accorder une attention aux situations de travail et de qualification des femmes. Elles montrent surtout les très grandes résistances au changement dont font preuve la société française et le marché de l’emploi, qui reste clivé en « travaux masculins » et « travaux féminins ». La tendance à considérer le travail des femmes comme « accidentel » et les femmes comme une main-d’œuvre d’appoint reste fortement ancrée dans les mentalités. Dans l’industrie, les tâches nécessitant une formation pouvant être obtenue dans l’entreprise sont confiées de préférence aux hommes [Guilbert 1966].

72Le recensement de 1962 a permis de montrer les évolutions des emplois vers un peu plus de mixité ainsi que la progression des femmes à tous les niveaux d’éducation. Si les emplois sont encore très inégalement répartis selon les sexes et si les disparités persistent de manière flagrante dans l’échelle hiérarchique, une progression du pourcentage des femmes chez les cadres supérieurs du secteur public et les cadres administratifs du secteur privé est observée [Thibert, 1968]. Nous noterons une proportion encore très faible des ingénieures. Elles représentent 3,7 % de l’ensemble du groupe. Parmi elles, seize ont obtenu leur diplôme par la promotion sociale, au cnam, en 1965 :

73

« Seize diplômes couronnant des études poursuivies assidûment, d’année en année, aux heures de leurs prétendus loisirs, par des travailleuses dotées d’une tenace volonté de perfectionnement professionnel »
[Thibert, 1968, p. 25].

74Notons que pour ces femmes-là, impliquées dans une formation par cours du soir, « le célibat est la règle » [De Peslouan, 1974, p. 38].

75Dans la deuxième moitié des années 1960, pourtant, la question des femmes au travail ou dans la société se constitue peu à peu comme problème public. C’est en 1965 que débute la montée de l’activité féminine qui ne faiblira plus jusqu’aujourd’hui. Ces données ne prendront une certaine visibilité que bien des années plus tard. L’évolution est en marche mais, comme le souligne Margaret Maruani [2001] pour la prise en compte de l’emploi féminin dans la sociologie du travail, « à petits pas ».

76Quant à la mobilisation des couples dans les projets professionnels de chacun des protagonistes, les travaux de sociologie ont, depuis, mis en évidence des déséquilibres entre maris et femmes [Singly, 1991]. Chantal Nicole-Drancourt [1989] observe par exemple que la réussite des hommes résulte d’une mobilisation conjugale tandis que celle des femmes résulte d’une mobilisation individuelle, associée à une absence de mobilisation, de leur part, pour le projet de leur mari. Autrement dit, il n’aurait sans doute pas été possible de faire le film Retour à l’école ? sur les mêmes bases pour un public de femmes en formation interviewées en compagnie de leur « époux ».

77Le film Retour à l’école ? met en scène un certain ordre social au moment précis où il est en train de basculer. En effet, tout au long du film, une question n’est jamais posée : seriez-vous, vous, « épouse », prête à rejoindre les cours du soir ? Une, peut-être deux de ces trois femmes travaillent à l’extérieur. Que font-elles ? Ont-elles des chances de promotion ? Auraient-elles ne serait-ce que l’idée qu’elles aussi pourraient suivre une formation ? Cette perspective est-elle, alors, totalement incongrue ? Si elle l’est en 1966 (et il semble bien qu’elle le soit), elle ne le sera plus deux ans plus tard, quand les femmes vont commencer à s’inscrire aux cours du soir, au cuces comme ailleurs, d’abord au compte-gouttes, puis de plus en plus nombreuses [25].

78Dès 1967, la politique de formation d’adultes de la dgps, mise en œuvre par des groupes et commissions quasi exclusivement masculins [26], cède le pas. Elle avait « oublié » une partie des « hommes » à former : les femmes et les os. Les cours du soir, longtemps prototypiques des actions de formation sont eux-mêmes sur le point de céder du terrain. Avec le développement de la formation sur le temps de travail, l’« obstacle familial » perd de sa consistance.

79Le problème d’un certain déséquilibre, dans les couples, provoqué par la formation d’un de ses membres est-il pour autant résolu ? Sans doute parce qu’elle a été posée de manière unilatérale (les effets de la formation du mari sur le couple, jamais celle de « l’épouse »), cette question n’a semble-t-il pas résisté aux évolutions de la « condition féminine » et du rôle des femmes dans la société et dans le couple. C’est du moins l’hypothèse que l’on peut faire pour tenter d’expliquer la disparition de cette préoccupation dans les politiques de formation, mais aussi dans les travaux de recherche, dans les années qui ont suivi.

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Date de mise en ligne : 11/03/2012

https://doi.org/10.3917/tgs.027.0125

Notes

  • [1]
    Titel : Zurück zur Schule ?
  • [2]
    Nos travaux sur ce film ont conduit à sa mise en ligne : depuis mars 2010, Retour à l’école ? est téléchargeable sur le site de l’ina <http://boutique.ina.fr/video/economie-et-societe/education-et-enseignement/CPF86636247/retour-a-l-ecole.fr.html>.
  • [3]
    Signalons toutefois quelques travaux récents ou en cours sur l’histoire de l’éducation populaire ou de la formation syndicale (par exemple Geneviève Poujol [2010] ; Marie-Thérèse Cheroutre [2010] ; Jocelyne Chabot [2009]).
  • [4]
    Ainsi qu’une étude archivistique nous a permis de le montrer [Laot, 2010b].
  • [5]
    Différents fonds de la Délégation générale à la promotion sociale (800405 ; pour l’Éducation nationale : 810553, 900234, de R. Cercelet, 780 670) ; du Comité interministériel, du Comité de coordination de la promotion sociale, dgps (810406) ; de la Délégation à la Formation professionnelle et la promotion sociale (800406, 830190) au Centre d’archives contemporaines des Archives nationales ; des archives privées du Centre universitaire de coopération économique et sociale ; des archives syndicales (Fonds unsen cgt, 227J, Centre d’archives de la Seine Saint-Denis ; de la cfdt 7h et 8h, différents cartons, Centre d’archives de la cfdt).
  • [6]
    Principalement des écrits produits dans le cadre du cuces-infa qui ont d’ailleurs fortement influencé les travaux des commissions des instances chargées de la mise en œuvre des politiques de promotion, ainsi que de nombreuses actions de terrain.
  • [7]
    Notamment avec Alain Bercovitz (entretien du 31 août 2006) mais aussi avec d’anciens cadres du cuces et de l’infa ou d’anciens conseillers techniques de la dgps (entretiens s’échelonnant entre 2006 et 2010).
  • [8]
    Comité restreint et Comité de coordination de la promotion sociale au sein de la dgps, groupe des conseillers techniques de la dgps.
  • [9]
    L’expression sera utilisée en mai 1968 pour désigner les publics oubliés (les os – ouvriers spécialisés – et les femmes).
  • [10]
    Loi n° 66-892 d’orientation et de programme sur la formation professionnelle et la promotion sociale.
  • [11]
    Loi n° 71-575, portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente.
  • [12]
    « Bilan des effectifs des auditeurs de la promotion sociale en 1965 », dgps, juin 1966. an dgps, 810405-1.
  • [13]
    « La Promotion sociale radiographiée », texte de neuf pages ronéotées, non signé mais vraisemblablement écrit par Charles Ravaux, représentant de la cgt au Comité de coordination de la promotion sociale, 1966, Fonds unset-cgt, Archives de Seine-Saint-Denis.
  • [14]
    « La Promotion sociale radiographiée », opus cit.
  • [15]
    Note de Jacques Decoust à Monsieur le Ministre d’État du 3 février 1966, Archives de la dgps, an 800 406-242.
  • [16]
    cuces, Session pédagogique, 10-14 septembre, session du 11/9 au matin, Rapport des commissions (résumé), note de quatre pages ronéotées. Archives personnelles de René Cercelet, cac- an 780670-25.
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    Ibid.
  • [19]
    Note d’information (non signée) de 1966, Etude du cuces (mai 1965) sur les raisons des abandons aux cours du soir, cac-an 80 0406-10.
  • [20]
    Qui, comme son prénom ne l’indique pas, est une des rares chercheures femmes sur ces questions de formation d’adultes dans les années 1960, d’abord au cuces puis à l’infa.
  • [21]
    Les auditeurs ont été numérotés par ordre d’intervention à l’écran, de 1 à 17.
  • [22]
    Problèmes d’action sur le milieu familial, Annexe vi du Rapport Thuillier. Réflexions sur les problèmes de la pédagogie des adultes, Notes introductives au Rapport Grégoire, avril 1965, deux pages, Archives de la dgps, cac-an 80 0405-11.
  • [23]
    Le cuces, document ronéoté de seize pages (non paginées). Archives de Pierre Schaeffer, Institut Mémoires de l’édition contemporaine (imec-psr55).
  • [24]
    C’est l’année de recueil de son matériel qui ne sera analysé et publié que plusieurs années plus tard à son retour des États-Unis.
  • [25]
    Elles représenteront 2 % de l’effectif au cuces en 1968-1969, 6 % l’année suivante et 16 % en 1970.
  • [26]
    Un seul comité comprend une femme, le comité Grégoire, du nom de son président, Roger Grégoire, Conseiller d’État et aussi… mari de Ménie Grégoire. C’est d’ailleurs ce comité qui portera la question de la promotion des femmes.

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