Notes
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[1]
Commission européenne (2010), Europe 2020. Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, Bruxelles, Commission européenne [en ligne]. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52010DC2020&from=FR, consulté le 9 janvier 2023.
-
[2]
Pour plus de détails sur l’enquête Sumer 2017, voir Coutrot et al. (2018) et se reporter au site : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/enquete/la-surveillance-medicale-des-expositions-des-salaries-aux-risques-professionnels-sumer-2016, consulté le 9 janvier 2023.
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[3]
Le travail en milieu hyperbare est caractérisé par une pression du milieu de travail supérieure à la pression atmosphérique (par exemple certains travaux publics sous-marins ou le percement de tunnels).
-
[4]
Pour la liste complète des produits retenus, voir Havet et al. (2017b).
-
[5]
Les seuils de pénibilité retenus sont sans rapport avec ceux du décret du 9 octobre 2014 relatif à l’acquisition et à l’utilisation des points acquis au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Les seuils privilégiés dans le décret renvoient dans certains cas à des grandeurs non décrites par l’enquête Sumer et les expositions y sont mesurées sur une année alors que l’enquête Sumer les repère sur la dernière semaine travaillée.
-
[6]
Selon le Code du travail (article L. 3122-29), la période de travail de nuit est définie comme la plage horaire entre 21 heures et 6 heures du matin, mais elle peut être modifiée dans certaines limites par convention collective ou accord avec les partenaires sociaux. Néanmoins, la tranche de minuit à 5 heures du matin est obligatoirement considérée comme travail de nuit, les physiologistes la décrivant comme une période pendant laquelle l’organisme fonctionne en état de moindre résistance.
-
[7]
Cette définition est très proche de celle du Code du travail (article L. 416-1) qui stipule que le « travail répétitif est caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte ».
-
[8]
Le Programme des Nations unies pour l’environnement définit les emplois verts comme ceux qui, dans l’agriculture, la fabrication, la construction, l’installation et l’entretien, ainsi que dans les activités scientifiques, techniques, administratives, sont liés aux services contribuant substantiellement à la conservation et au rétablissement de la qualité de l’environnement.
-
[9]
Selon la définition retenue par la Commission européenne, les emplois verts sont ceux qui dépendent du secteur de l’environnement ou qui ont été créés, remplacés ou redéfinis (en termes de compétences, méthodes de travail, profils rendus verts, etc.) dans le cadre d’une transition vers une économie plus verte.
-
[10]
Selon Eurostat, les emplois verts sont ceux qui ont été créés dans l’industrie des biens et des services environnementaux, qui comprend les activités qui produisent des biens et des services servant à mesurer, prévenir, limiter, réduire au minimum ou corriger les atteintes à l’environnement telles que la pollution de l’eau, de l’air et du sol, ainsi que les problèmes liés aux déchets, au bruit et aux écosystèmes.
-
[11]
Par exemple, à partir des codes de la Nomenclature d’activités française (NAF), du Répertoire opérationnel des métiers et des emplois (Rome) et de la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS).
-
[12]
Dans le reste de l’article, nous parlerons de façon équivalente de métiers ou de professions de l’économie verte puisque c’est l’approche adoptée par l’Onemev : la classification a pris pour point de départ une approche par métiers mais le repérage statistique se fait au niveau de la nomenclature des PCS, c’est-à-dire des professions.
-
[13]
Il s’agit des employés de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), d’Électricité de France (EDF), d’Engie (anciennement GDF Suez), etc.
-
[14]
Les tests statistiques se révèlent souvent inefficaces pour détecter des différences significatives dans les expositions entre les professions vertes et les professions hors économie verte, faute d’un manque de puissance statistique en raison du nombre limité de répondants exerçant une profession verte. Par conséquent, nous commenterons principalement les différences entre professions de l’économie verte (regroupant professions vertes et verdissantes) et hors économie verte.
-
[15]
Comme les statistiques descriptives (tableau 1) ont montré que la proportion d’employés (administratifs et de services) était marginale dans le secteur de l’économie verte, nous avons effectué les estimations des modèles économétriques après avoir retiré les employés de l’échantillon dans le but d’obtenir des comparaisons plus fiables.
-
[16]
Chiffres obtenus en calculant les effets marginaux associés aux variables « professions vertes » et « professions verdissantes ». Ces variables sont significatives dans les régressions expliquant les probabilités d’exposition aux vibrations mécaniques et aux nuisances sonores, alors que seule la variable « profession verdissante » est significative dans le modèle relatif aux expositions aux agents chimiques CMR.
-
[17]
La somme du coefficient et du terme d’interaction associés à la variable « ouvrier qualifié » dans la régression expliquant l’exposition au travail posté est négative et statistiquement différente de 0.
-
[18]
L’estimation de modèles identiques sur l’échantillon des salariés ne travaillant pas dans des professions relevant de l’économie verte permet seulement de conclure à un accroissement des inégalités d’exposition concernant les postures pénibles (au détriment des ouvriers, des contrats précaires et des travailleurs en équipes tournantes successives). Faute de place, les résultats de ces régressions ne sont pas reportés ici. Ils sont disponibles sur simple demande auprès des auteurs.
1 Les politiques publiques, menées tant au niveau européen que national, s’efforcent de concilier croissance économique et nécessité de protéger l’environnement. Depuis trois décennies, l’Union européenne s’est ainsi fixé des objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’augmentation de l’efficacité énergétique, de promotion des énergies renouvelables et de réduction des déchets (OCDE, 2015), qui se sont traduits par des créations d’emplois et l’émergence de nouveaux métiers (AEE, 2015). Par exemple, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2015) estime que les investissements réalisés dans le secteur des énergies renouvelables devraient générer vingt millions d’emplois d’ici à 2030. En France, la loi de transition énergétique pour une croissance verte de 2015 et la stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable (SNTEDD), menée de 2015 à 2020, ont essayé de poser les bases d’un élan écologique positif, renouvelant les façons de consommer, de produire et de travailler. Sur la période 2004-2016, les emplois relevant de l’économie verte, c’est-à-dire associés par définition à la préservation ou à la restauration de l’environnement, ont connu une croissance de 36 %, alors que l’emploi n’a progressé que de 5,2 % dans l’ensemble de l’économie (Onemev et al., 2019). L’économie verte a par conséquent souvent été présentée comme un levier de sortie de crise économique et a bénéficié du soutien de plusieurs plans de relance (Gouin, Roturier, 2015) et ce, d’autant plus qu’était largement admis le postulat selon lequel les exigences environnementales et sociales (notamment en termes d’emplois décents et de conditions de travail) allaient de pair (Stoevska, Hunter, 2012). Les pouvoirs publics espéraient ainsi créer « plus et de meilleurs emplois » et atteindre « une croissance véritablement intelligente, durable et inclusive » pour reprendre les termes de la stratégie Europe 2020 de la Commission européenne [1].
2 Or, au fur et à mesure, s’est développé un discours plus nuancé, émanant notamment de grandes organisations internationales (UNEP et al., 2008), affirmant que la conciliation simultanée des enjeux sociaux et environnementaux n’était pas si évidente. D’une part, la transition écologique s’accompagne de profondes répercussions sociales, qu’il s’agisse de mobilité professionnelle, de destruction créatrice d’emplois (réallocations de facteurs de production, travail et capital, entre secteurs déclinants et secteurs émergents) ou de gestion des compétences (BIT, 2019). D’autre part, les nouvelles législations destinées à protéger l’environnement peuvent accroître les risques auxquels sont confrontés les travailleurs, y compris ceux dont les emplois appartiennent à l’économie verte. Selon l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact, 2016), la réduction de la quantité de déchets mis en décharge, c’est-à-dire laissés à l’air libre ou enfouis sans traitement, signifie que davantage de déchets ont dû être retraités, provoquant une augmentation des maladies professionnelles chez les personnes chargées des tâches de retraitement. La vitesse à laquelle certains métiers de l’économie verte se développent a pour conséquence que des travailleurs inexpérimentés sont impliqués dans des processus auxquels ils n’ont pas été formés, ce qui les expose à des situations de travail risquées, pouvant avoir des conséquences sur leur santé et leur sécurité. Parallèlement, nous pouvons craindre que les travailleurs les moins qualifiés, qui rencontreraient des difficultés à se reconvertir professionnellement pour s’adapter à la mutation des emplois générés par la transition écologique, se retrouvent forcés d’accepter de moins bonnes conditions de travail. Enfin, une autre source d’inquiétude concerne les pressions politiques et économiques exercées sur les entreprises pour atteindre les objectifs fixés en matière de transition écologique qui amènent à négliger certaines questions de sécurité et de santé au travail. Nous pouvons ainsi nous demander si la transition écologique, qui assure une évolution vers un nouveau modèle économique et social, ne se fait pas au détriment des conditions de travail des salariés dans l’économie verte.
3 Alors que plusieurs travaux ont mis en évidence une certaine précarité des emplois de l’économie verte en France, avec une forte proportion de contrats à durée déterminée et d’emplois non salariés (Margontier et al., 2014 ; Babet, Margontier, 2017 ; Brochier, 2019), peu d’études se sont intéressées à la question de la pénibilité, faute de données disponibles à grande échelle. Les rares travaux existants se sont principalement focalisés sur des métiers ou sous-secteurs particuliers (par exemple, le recyclage des déchets) et ne permettent pas d’avoir, à ce jour, une vision globale de l’exposition aux différents facteurs de pénibilité (contraintes physiques importantes, environnement physique agressif et rythmes de travail atypiques) des salariés dans l’économie verte. Nous proposons de combler ce manque en menant des analyses statistiques et éco-nométriques à partir des deux dernières éditions de l’enquête Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (Sumer), réalisées en 2010 et 2017. Dans un premier temps, nous examinerons si des écarts existent entre les professions de l’économie verte et les autres en 2017, en termes d’expositions aux facteurs de pénibilité, et nous chercherons à savoir si ces écarts sont imputables à la structure des emplois de l’économie verte ou à d’autres éléments. Dans un deuxième temps, nous étudierons l’évolution des expositions à ces différents facteurs entre 2010 et 2017, au gré de la mise en place des politiques publiques liées à la transition écologique, et nous nous demanderons si la baisse de l’exposition aux facteurs de pénibilité a été plus marquée pour les professions relevant de l’économie verte que dans le reste de l’économie. Nous chercherons ainsi à savoir, grâce à cette analyse comparée des deux vagues de l’enquête, si l’économie verte peut être un levier pour réduire certaines inégalités d’exposition ou si elle contribue à la dégradation des conditions de travail de salariés déjà fragilisés.
Les données
4 Pour avoir une vue globale et actualisée de la prévalence d’un certain nombre de risques professionnels en France, nous utilisons les vagues les plus récentes de l’enquête transversale et périodique, Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (Sumer), coordonnée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et la Direction générale du travail (DGT), toutes deux dépendant du ministère en charge du travail. Afin de savoir si les salariés de l’économie verte sont plus exposés aux facteurs de pénibilité que les autres, deux défis méthodologiques sont à relever : le premier est l’identification des salariés dont les emplois appartiennent à l’économie verte, objet de nombreuses définitions, et le second, la caractérisation d’indicateurs de pénibilité pertinents à partir des réponses disponibles sur les risques professionnels.
L’enquête Sumer
5 L’enquête Sumer, créée pour dresser un état des lieux des expositions des salariés aux principaux risques professionnels (contraintes physiques et organisationnelles, risques chimiques, biologiques et psychosociaux, etc.) en France (Héran-Leroy, Sandret, 1999) permet d’identifier les conditions de travail pénibles. Sa principale originalité est d’être administrée par des médecins du travail volontaires, auprès d’un échantillon représentatif de salariés tirés au sort, parmi ceux dont ils assurent la surveillance médicale. Les données de cette enquête sont collectées selon une procédure d’échantillonnage correspondant à un sondage à deux degrés : celui des médecins (2 400 en 2010 et 1 243 en 2017), puis celui des salariés (53 940 en 2010 et 33 600 en 2017). Au total, 47 983 salariés (89 %) ont accepté de répondre à l’édition 2010 et 26 494 (81 %) à l’édition 2017 [2].
6 La taille des échantillons interrogés permet de quantifier des expositions à des risques relativement rares et, dans notre cas, d’interroger suffisamment de salariés exposés à des produits cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) ou à des bruits nocifs, pour mener une étude statistique robuste. Les résultats obtenus auront une portée importante, puisque les champs couverts par les enquêtes 2010 et 2017 sont représentatifs de plus de 90 % des salariés français. Par ailleurs, la stabilité des questionnaires et la standardisation de la méthodologie de l’enquête autorisent une comparaison des résultats dans le temps. Toutefois, comme le champ de l’enquête Sumer s’est étendu entre les éditions 2010 et 2017, nous avons pris la précaution de raisonner à périmètre constant, en restreignant notre échantillon d’étude au champ des salariés métropolitains (certains territoires d’Outre-mer ayant été intégrés progressivement à l’enquête) et en excluant les enseignants de l’Éducation nationale, qui n’ont été interrogés qu’à partir de l’édition 2017 (Arnaudo et al., 2012). Avec ces restrictions et en pondérant les données pour s’assurer de la représentativité des échantillons et des prévalences par rapport à la population cible, les éditions 2010 et 2017 permettent d’étudier si les expositions aux facteurs de pénibilité ont évolué depuis la mise en place des politiques destinées à promouvoir la transition écologique.
Les facteurs de pénibilité repérables et étudiés
7 L’expertise et les connaissances de terrain des médecins administrant l’enquête assurent la fiabilité de l’information recueillie sur les risques professionnels des salariés. Les médecins évaluent la durée des expositions individuelles liées au poste de travail (ambiance au travail et contraintes physiques, agents biologiques ou produits chimiques) auxquelles ont été soumis les salariés durant leur dernière semaine travaillée. Ils s’appuient non seulement sur leurs connaissances des procédés de travail spécifiques au poste et à l’entreprise, mais également sur les déclarations du salarié lors de la visite médicale. En cas de doute sur une déclaration du salarié, le médecin peut réaliser une visite du poste de travail.
8 À l’exception du travail en milieu hyperbare [3], tous les facteurs de pénibilité au travail recensés dans la réforme des retraites de 2010 sont repérables dans les enquêtes Sumer, à savoir :
- des contraintes physiques marquées : manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques ;
- un environnement physique agressif : agents chimiques dangereux, températures extrêmes, bruit. Pour les expositions aux produits chimiques dangereux, nous avons restreint notre analyse aux produits chimiques cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR). Parmi les 89 familles de produits répertoriés dans l’enquête, nous en avons identifié 28 comme CMR en nous basant sur la classification réglementaire européenne (catégories 1 et 2 en vigueur en 2010) et celle du Centre international de recherche sur le cancer (Circ) (groupes 1 et 2A) [4] ;
- certains rythmes de travail atypiques : travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif.
10 Un choix possible aurait été de considérer dans nos analyses comme exposé à un facteur de pénibilité tout salarié connaissant une exposition même ponctuelle à ces risques professionnels (l’exposition ponctuelle est repérée dans l’enquête par une durée d’exposition inférieure à deux heures par semaine). Or cette définition très large est sans grande signification du point de vue de la prévention, puisque les répercussions négatives de l’exposition à ces facteurs sur la santé des salariés dépendent de leur durée d’exposition. Nous avons donc retenu des seuils de durée – définissables avec les données de l’enquête Sumer – au-dessus desquels l’exposition peut être qualifiée de « pénible », en raison d’une pathogénicité significativement accrue. Notre démarche de repérage est similaire à celle utilisée dans de précédentes études (Arnaudo et al., 2006 ; Rivalin, Sandret, 2014 ; Havet et al., 2017a, 2020) qui retiennent des seuils plus stricts mais plus pertinents en termes de prévention [5]. Les seuils choisis sont de dix heures par semaine pour la manutention de charges lourdes, l’exposition à des températures extrêmes, à un bruit supérieur à 85 décibels ou à des vibrations créées par des installations fixes et de deux heures par semaine pour les contraintes posturales, les expositions aux vibrations transmises aux membres supérieurs et aux bruits comportant des chocs et des impulsions.
11 Pour les expositions à des rythmes de travail atypiques, certains seuils ont aussi été retenus, notamment pour le travail de nuit. Dans l’enquête Sumer, il est considéré qu’une personne travaille la nuit dès lors qu’elle déclare que sa période de travail se situe, même occasionnellement, dans la tranche de minuit à 5 heures du matin, ce qui est plus restrictif que la définition juridique [6]. Comme de précédentes études sur des données françaises (Guignon et al., 2008 ; Rivalin, Sandret, 2014 ; Havet et al., 2017a), nous avons estimé que le travail de nuit est régulier si le salarié a travaillé plus de 50 nuits par an et avons retenu le travail de nuit régulier comme facteur de pénibilité dans nos analyses. Enfin, dans l’enquête Sumer, le travail répétitif est défini comme « la répétition d’un même geste ou d’une même série de gestes à une cadence élevée, plus de 10 heures par semaine [7] ».
L’identification des professions de l’économie verte et leurs spécificités
12 Pour connaître les écarts d’exposition entre les salariés de l’économie verte et les autres, nous devons caractériser ces deux groupes à partir des données collectées dans l’enquête Sumer. La première difficulté est que, même si on peut considérer les emplois de l’économie verte comme ceux qui contribuent, d’une manière ou d’une autre, à la préservation ou à la restauration de l’environnement, ces derniers font l’objet de nombreuses définitions telles que celles fournies par le Programme des Nations unies pour l’environnement [8], par la Commission européenne [9] ou par Eurostat [10]. La deuxième difficulté est, à définition donnée, d’être capable de les identifier à partir des nomenclatures usuelles de secteurs d’activité, de métiers ou d’emplois des sources statistiques [11]. Dans notre étude, nous avons retenu l’approche métiers, proposée par l’Observatoire national des emplois et métiers de l’économie verte (Onemev), qui considère comme individu en emploi de l’économie verte tout professionnel dont le métier est vert (c’est-à-dire à finalité environnementale) ou verdissant (métiers dont les compétences sont amenées à évoluer afin de prendre en compte les enjeux environnementaux), quelle que soit l’activité de l’entreprise dans laquelle il travaille. L’avantage de cette approche est que l’Onemev a dressé une liste de ces métiers, à dire d’experts, pouvant être repérés à partir de la nomenclature 2003 des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), qui a été utilisée dans l’enquête Sumer pour caractériser la profession des répondants (encadré 1). Ainsi, nous avons pu attribuer à chaque salarié enquêté l’un des groupes suivants : exerce un métier/une profession verte, exerce un métier/une profession verdissante, ou exerce un métier/une profession hors économie verte [12]. La grande majorité des professions vertes sont liées à la production et à la distribution d’énergie et d’eau ou à l’assainissement et au traitement des déchets, alors que les professions verdissantes renvoient à des activités plus variées, allant de l’entretien des espaces verts à l’industrie, à la recherche-développement ou au tourisme-animation par exemple.
13 Dans notre échantillon global, regroupant les années 2010 et 2017 de l’enquête Sumer, 15,3 % des salariés de France métropolitaine travaillaient dans l’économie verte : 1,1 % occupaient un emploi dans une profession verte et 14,2 % un emploi dans une profession verdissante. Le tableau 1 met en évidence le fait que ces salariés présentent certaines spécificités, qui doivent parfois être nuancées selon le caractère verdissant ou vert de leur profession. Certes, les hommes sont largement surreprésentés dans les emplois des professions de l’économie verte, de même que les contrats à temps plein, les agents aux statuts particuliers [13] ou les ouvriers qualifiés. A contrario, les employés y sont vraiment peu nombreux (0,3 % vs 42,3 % pour les emplois hors professions de l’économie verte). Toutefois, seuls les emplois des professions verdissantes présentent une surreprésentation significative de cadres, de professions intellectuelles et intermédiaires. En outre, elles sont caractérisées par une sous-représentation d’ouvriers non qualifiés, contrairement aux professions vertes dans lesquelles ces derniers sont surreprésentés. Les salariés relevant de l’économie verte occupent non seulement davantage de fonctions d’installation, réparation, maintenance, mais aussi des fonctions d’études, de recherche et développement et de méthodes que les salariés ayant des emplois hors économie verte. Les salariés relevant de professions vertes occupent plus fréquemment des fonctions de nettoyage, gardiennage, entretien ménager (20,6 % contre 8,6 % pour les professions hors économie verte) alors que les salariés relevant des professions verdissantes exercent davantage des fonctions de production, fabrication, chantier et construction.
Encadré 1. Approche statistique retenue pour caractériser les salariés de l’économie verte
L’Observatoire national des emplois et métiers de l’économie verte (Onemev), créé en 2010, a développé deux approches pour définir et mesurer l’emploi lié à l’économie verte : la première repose sur les activités des entreprises, et la seconde, la seule compatible avec les informations de l’enquête Sumer et présentée ici, s’intéresse aux métiers/professions des individus. Selon cette approche, le périmètre de l’économie verte est constitué de métiers verts dont la « finalité et les compétences mises en œuvre contribuent à mesurer, prévenir, maîtriser et corriger les impacts négatifs et les dommages sur l’environnement » (par exemple, agent d’entretien des espaces naturels, garde forestier, technicien chargé de la police de l’eau) et de métiers verdissants dont la « finalité n’est pas environnementale, mais qui intègrent de nouvelles briques de compétences pour prendre en compte de façon significative et quantifiable la dimension environnementale dans le geste métier » (par exemple, architecte, poseur en isolation thermique, responsable logistique, jardinier).
Méthodologie
L’Onemev a identifié ces métiers dans le Répertoire opérationnel des métiers et des emplois (Rome), puis construit une table de correspondances entre le Rome (table métiers) et la nomenclature usuelle des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS 2003) (table professions), pour finalement établir une liste des professions considérées comme vertes et verdissantes. Au total, celle-ci contient 9 professions vertes et entre 69 et 76 professions verdissantes (selon la prise en compte ou non de certaines professions commerciales et de la fonction publique) [1]. Pour notre étude, nous considérons que tout salarié occupant une profession verte ou verdissante (au sens large) appartient à l’économie verte.
Limites
Notre caractérisation des salariés de l’économie verte est tributaire des nomenclatures (Rome, PCS) qui, malgré les modifications dont elles font l’objet au cours du temps, peuvent ne pas tenir compte de l’ensemble des évolutions des métiers liés à l’environnement. La liste des professions de l’économie verte n’est donc pas exhaustive. Concernant les professions verdissantes, le verdissement effectif ne touche qu’une partie des professionnels. Faute d’une nomenclature plus fine et face à l’impossibilité d’estimer la part exacte des professionnels concernés, l’ensemble des effectifs d’une même profession est pris en compte pour définir les emplois de l’économie verte. Enfin, il faut garder en tête que le champ des enquêtes Sumer ne couvre que la population salariée. Or, 12 % des professionnels occupant une profession verdissante exercent en tant qu’indépendants alors que les professionnels des professions vertes sont tous salariés (Babet, Margontier, 2017).
-
[1]
La liste complète des professions de l’économie verte (professions vertes et verdissantes) est disponible sur le site : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Onemev_emploi_metiers.pdf ; consulté le 9 janvier 2023.
Caractéristiques sociodémographiques et d’emploi des salariés
Caractéristiques sociodémographiques et d’emploi des salariés
Notes : (1) les professions de l’économie verte regroupent les métiers/professions vertes et les métiers/professions verdissantes.Les symboles * indiquent la significativité aux tests d’égalité en moyenne effectués par rapport aux professions hors économie verte : * au seuil de 10 %, ** de 5 %, *** de 1 %.
Lecture : dans les emplois des professions vertes, des professions verdissantes et des professions de l’économie verte, la proportion d’hommes (respectivement 83,67 %, 79,37 % et 79,63 %) est significativement plus élevée que dans les professions hors économie verte (46,78 %).
Champ : salariés en France métropolitaine, hors Éducation nationale.
14 La proportion de salariés en contrat à durée indéterminée (CDI) diffère aussi beaucoup entre les deux sous-groupes de l’économie verte : elle est de 47 % dans les professions vertes contre 74,3 % dans les professions verdissantes et 72,6 % dans les autres. Les salariés occupant des professions vertes exercent également moins souvent dans les très petites entreprises (1 à 9 salariés).
15 C’est pourquoi, dans notre étude comparée des expositions aux facteurs de pénibilité entre les salariés de l’économie verte et les autres, nous chercherons à dissocier ce qui est attribuable aux structures différenciées des emplois (CDD/CDI, temps complet/temps partiel, etc.) de ce qui est imputable à des effets spécifiques des différents facteurs influençant les conditions de travail parmi les professions de l’économie verte.
Les professions de l’économie verte sont-elles davantage exposées aux facteurs de pénibilité ?
Les salariés de l’économie verte surexposés, sauf aux rythmes de travail atypiques
16 En 2017, 61,3 % des salariés de France métropolitaine (hors enseignants de l’Éducation nationale) étaient exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité. Les expositions aux risques professionnels étaient cependant beaucoup plus marquées dans les professions de l’économie verte, avec un taux supérieur de presque 6 points à la moyenne nationale (soit 66,93 % ; tableau 2). Parmi les 13,2 millions de salariés français exposés à au moins un facteur de pénibilité, 2,2 millions exerçaient une profession verdissante et 0,2 million une profession verte [14]. Quel que soit le groupe de professions considéré, l’exposition à des contraintes physiques marquées restait la principale source de pénibilité, avec notamment des prévalences d’exposition aux postures pénibles bien plus fortes qu’au port répété de charges lourdes.
Prévalence d’expositions aux différents facteurs de pénibilité en 2017
Prévalence d’expositions aux différents facteurs de pénibilité en 2017
Notes : (1) les vibrations mécaniques désignent les vibrations dans les membres supérieurs provoquées par des machines (meuleuses, tronçonneuses, marteaux-piqueurs, etc.) et les vibrations créées par des installations fixes (concasseurs, tables vibrantes, presses, malaxeurs).Les symboles * indiquent la significativité aux tests d’égalité en moyenne effectués par rapport aux professions hors économie verte : * au seuil de 10 %, ** de 5 %, *** de 1 %.
Lecture : la prévalence d’exposition aux contraintes physiques marquées est significativement plus élevée dans les professions verdissantes et les professions de l’économie verte que dans les professions hors économie verte : ainsi, 57,12 % des salariés occupant un emploi dans les professions de l’économie verte et 57,08 % des salariés occupant un emploi dans les professions verdissantes sont exposés à des contraintes physiques marquées alors que c’est le cas de 47,39 % des salariés occupant un emploi dans les professions hors économie verte.
Champ : salariés France métropolitaine, hors Éducation nationale.
17 Néanmoins, au-delà de ce constat général, d’importantes disparités existent. Les salariés de l’économie verte (c’est-à-dire exerçant un emploi dans une profession verte ou verdissante) sont sur-exposés aux contraintes physiques marquées (57 %) et à un environnement physique agressif (32 % environ), mais ils sont moins concernés par des rythmes de travail atypiques (presque 15 %). Par exemple, leur prévalence d’exposition aux vibrations mécaniques est entre 2,5 et 4 fois plus élevée, selon le caractère vert ou verdissant de leur profession, que celle des salariés occupant des emplois dans des professions hors économie verte. Des écarts significatifs sont aussi observés pour la manutention de charges lourdes, même s’ils sont moins prononcés pour les professions verdissantes. Parmi les facteurs constituant un environnement physique agressif, les différences d’exposition entre salariés de l’économie verte et hors économie verte sont particulièrement importantes pour les agents CMR et les nuisances sonores, les salariés occupant une profession verdissante étant les plus exposés. La proportion de salariés exposés à des postures cervicales (position fixe de la tête et du cou) et à des bruits supérieurs à 85 décibels est d’ailleurs plus faible parmi les professions vertes que parmi les professions hors économie verte, alors que l’inverse est observé pour les professions verdissantes. Concernant les rythmes de travail atypiques, le travail posté, qui représente le risque principal, est moins imposé aux salariés de l’économie verte (8 % vs 15 %) et l’exposition à un travail répétitif se révèle particulièrement faible pour les professions vertes.
Des différences qui ne sont pas uniquement liées à des effets de structures des emplois
18 Toutefois, certaines de ces disparités d’exposition aux risques professionnels pourraient être attribuables à l’absence d’homogénéité des caractéristiques individuelles des salariés ou des structures des emplois entre les professions vertes, verdissantes et hors économie verte. Par exemple, la plus forte exposition des professions de l’économie verte aux contraintes physiques marquées ou aux nuisances sonores pourrait être imputable à la surreprésentation dans ces professions d’ouvriers qualifiés, catégorie socioprofessionnelle en général la plus exposée à ces risques professionnels (Havet et al., 2020). C’est pourquoi nous avons utilisé des modèles économétriques (encadré 2) offrant un raisonnement « toutes choses étant égales par ailleurs », c’est-à-dire permettant de savoir si les écarts de pénibilité constatés entre les professions de l’économie verte et les autres persistent lorsque nous comparons deux individus aux caractéristiques individuelles (genre, âge, statut, etc.) et d’emploi (PCS, taille de l’entreprise, etc.) identiques [15].
19 La réponse est négative pour les expositions au port répété de charges lourdes, aux postures pénibles, aux nuisances thermiques et aux rythmes de travail atypiques (travail répétitif, travail de nuit, travail posté), les coefficients associés aux professions vertes et verdissantes n’étant pas significatifs dans les régressions relatives à ces risques (tableau 3). Autrement dit, un salarié de l’économie verte a en moyenne les mêmes risques d’exposition à ces pénibilités qu’un individu identique exerçant une profession hors économie verte. Ainsi, les écarts de prévalence d’exposition à ces risques, constatés dans le tableau 2, sont entièrement attribuables aux différences de profil et d’activités observables entre salariés de l’économie verte et hors économie verte (tableau 1) et non à d’autres spécificités inobservées de l’économie verte (telles que l’utilisation de technologies plus innovantes, des différences dans les processus de travail ou la sensibilisation à la prévention des risques, etc.). Par exemple, de manière générale, le fait d’être un homme, un ouvrier qualifié ou un travailleur à temps complet est associé à un plus fort risque d’exposition au port de charges lourdes (tableau 3). Ces profils étant sur-représentés parmi les professions de l’économie verte, ils contribuent à expliquer la prévalence d’exposition au port de charges lourdes plus importante dans ces professions que dans les professions hors économie verte. De même, les travailleurs à temps complet, les ouvriers qualifiés et les personnes travaillant dans des fonctions d’installation, réparation et maintenance sont davantage exposés aux postures pénibles. La prédominance de ces caractéristiques dans les professions de l’économie verte explique le taux d’exposition aux postures pénibles plus élevé dans ces professions. Enfin, la moindre exposition des salariés de l’économie verte au travail posté semble être quant à elle davantage imputable à la sur-représentation des fonctions de production, d’études et recherche et développement et à une sous-représentation du travail le dimanche et les jours fériés, facteurs jouant respectivement positivement et négativement sur ce risque d’exposition.
20 Les différences de profils et d’activités constatées entre les salariés des professions de l’économie verte et les autres ne permettent pas d’expliquer tous les écarts de prévalence aux risques. Trois écarts persistent, même si l’on compare les salariés des deux groupes à caractéristiques équivalentes (genre, âge, ancienneté dans le poste, PCS, etc.). Plus précisément, à caractéristiques équivalentes, les salariés exerçant une profession verte ont des probabilités d’exposition aux vibrations et aux bruits nocifs supérieures d’environ 16 points de pourcentage (respectivement + 15,6 et + 16,1) à celles des salariés hors économie verte. Pour les salariés exerçant une profession verdissante, leurs probabilités d’exposition sont supérieures de 14,5 points de pourcentage pour les vibrations, de 13,8 points de pourcentage pour les nuisances sonores et de 9,8 points de pourcentage pour les agents chimiques CMR [16].
21 Par ailleurs, l’introduction dans nos modélisations économétriques de termes d’interaction entre les caractéristiques des répondants et d’une variable dichotomique indiquant si le salarié exerce ou non une profession de l’économie verte permet de vérifier si les déterminants des différents risques professionnels étudiés jouent de la même façon dans les professions de l’économie verte et dans les autres (encadré 2). Nos résultats mettent en évidence le fait que les deux groupes étudiés (économie verte et non verte) ont une sensibilité différente à certains déterminants de la pénibilité, comme en témoigne la significativité de certains termes d’interaction (tableau 3). Par exemple, les fonctionnaires et les agents aux statuts particuliers sont davantage exposés aux agents chimiques CMR que leurs homologues en CDI ou sous contrat à durée limitée (apprenti, intérimaire, CDD), mais de façon plus prononcée dans les emplois de l’économie verte. En ce qui concerne la catégorie socioprofessionnelle, à caractéristiques équivalentes, les ouvriers sont plus exposés aux facteurs de pénibilité que les professions intermédiaires, elles-mêmes plus exposées que les cadres et ce, quel que soit le secteur d’activité (coefficients significatifs et positifs). Toutefois, cette surexposition des ouvriers est plus marquée dans l’économie verte, en ce qui concerne les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les agents chimiques CMR (termes d’interaction significatifs et positifs). Elle est en revanche moins forte pour le port répété de charges lourdes, les nuisances sonores et le travail répétitif (termes d’interaction significatifs et négatifs). En fin de compte, les inégalités d’exposition à un rythme de travail atypique (répétitif, de nuit, posté), qui pénalisent globalement les ouvriers, sont moins prégnantes dans les professions de l’économie verte. Les ouvriers qualifiés sont même moins exposés au travail posté que les professions intermédiaires dans l’économie verte [17].
Encadré 2. Spécifications économétriques
\(Penib_{ikj}=\left\{\begin{matrix}1&siPenib_{ikj}^*=\beta_{oj}+X_{ij}\delta+\varepsilon_{ijk}=\beta_0+X_{ij}\delta+u_j+\varepsilon_{ijk}>0\\0> sinon,\end{matrix}\right.\)
avec Penibikj = 1 si l’individu i dans le secteur d’activité j est exposé au facteur de pénibilité k, X un vecteur de caractéristiques du salarié, de son emploi et de son entreprise et les termes d’interaction associés, δ les paramètres inconnus captant leur influence, ε un terme d’erreur distribué selon une loi logistique et la constante aléatoire \(u_j \rightarrow N(0, \sigma^{2}_{u} )\).
Les paramètres du modèle ont été estimés par maximisation de la fonction de vraisemblance suivante :
\(L=\prod_{i=1}^n \int_{-\infty}^{+\infty} \prod_{j=1}^J\left\{F\left(\beta_0+X_{i j} \delta+\sigma_u u_j\right)^{Penib_ {i k j}} \cdot\left[1-F\left(\beta_0+X_{i j} \delta+\sigma_u u_j\right)\right]^{\left(1- Penib _{i k j}\right)}\right\} \phi\left(u_j\right) d u_{j},\)
avec F la fonction de répartition de la loi logistique du terme d’erreur ε.
Les estimations ont été menées dans un premier temps à partir de la seule édition 2017 de l’enquête Sumer en intégrant des termes d’interaction avec une variable dichotomique reflétant l’appartenance à l’économie verte, afin de savoir si certains déterminants d’exposition aux facteurs de pénibilité étaient spécifiques à l’économie verte. Plus précisément, dans nos spécifications, les coefficients associés aux variables explicatives captent les effets du groupe de référence, à savoir les effets pour les salariés dont les emplois ne relèvent pas de l’économie verte. Si le terme d’interaction associé à une variable explicative donnée n’est pas statistiquement significatif, cela signifie que l’effet de ce déterminant ne diffère pas entre les salariés de l’économie verte et les autres. En revanche, si le terme d’interaction est statistiquement significatif, on peut conclure que l’effet de ce déterminant est différent entre les deux groupes. Dans un deuxième temps, les estimations ont été conduites sur les éditions 2010 et 2017 de l’enquête Sumer, mais en ne considérant que les salariés relevant de l’économie verte. Dans ces régressions, des termes d’interaction entre une variable dichotomique indiquant l’édition de l’enquête et les variables explicatives sont introduits, afin de savoir si les déterminants des facteurs de pénibilité ont changé entre 2010 et 2017 et, dans l’affirmative, si les inégalités sociales d’exposition se sont plutôt creusées ou réduites. Dans cette spécification temporelle, si les termes d’interaction sont significatifs, cela veut dire que l’effet du déterminant associé s’est modifié au cours du temps.
22 En résumé, nos analyses montrent qu’une grande partie des écarts d’exposition aux facteurs de pénibilité entre les professions de l’économie verte et les autres s’explique par les différences de profils des salariés et de structures des emplois. Toutefois, l’économie verte présente des spécificités pour certains risques professionnels, avec une sensibilité plus marquée à certains déterminants (être ouvrier, par exemple). Les emplois de l’économie verte ayant connu une forte croissance sur la dernière décennie, nous pouvons nous interroger sur l’évolution de l’exposition aux risques professionnels des travailleurs qui les occupent. En nous plaçant dans une perspective temporelle, nous allons vérifier si les professions de l’économie verte ont bénéficié, comme le reste de l’économie, d’une baisse des expositions aux risques professionnels et, dans l’affirmative, si cette baisse s’est effectuée à un rythme plus important et/ou au détriment de certains groupes de salariés.
Modèles multi-niveaux expliquant l’exposition aux facteurs de pénibilité en 2017 et les différences entre professions de l’économie verte et hors économie verte
Modèles multi-niveaux expliquant l’exposition aux facteurs de pénibilité en 2017 et les différences entre professions de l’économie verte et hors économie verte
Notes : les résultats reportés correspondent aux régressions logistiques multi-niveaux décrites dans l’encadré 2. Les régressions ont été effectuées en intégrant des variables dichotomiques pour les régions, la présence d’un CHSCT, de représentants syndicaux, d’intervenants sur les risques professionnels, ainsi que les termes d’interaction associés. Fautede place, les coefficients associés à ces variables n’ont pas étéreportés ici.***coefficient significatif à 1 %, ** à 5 %.
Lecture : les hommes occupant une profession hors économie verte (c’est-à-dire ni une profession verte ni une profession verdissante) ont une probabilité significativement plus élevée d’être exposés aux charges lourdes que leurs homologues féminines. Comme le terme d’interaction (entre la variable de genre et la variable dichotomique reflétant l’appartenance à l’économie verte) est statistiquement significatif et positif, on peut conclure que cet écart hommes-femmes est encore plus fort pour les salariés relevant de l’économie verte.
Champ : salariés en France métropolitaine, hors Éducation nationale, hors employés (administratifs et de services).
Une forte dynamique de réduction de la pénibilité dans les professions de l’économie verte entre 2010 et 2017 ?
23 La prise de conscience relativement récente des pouvoirs publics quant à l’importance de réduire les risques professionnels s’est traduite, au niveau national, par des politiques générales de santé publique et des politiques spécifiques de prévention. Par exemple, la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004 a fixé comme objectifs d’améliorer non seulement la prévention des maladies professionnelles, mais aussi leur reconnaissance et leur prise en charge. Ainsi, le Plan santé au travail (PST1) 2005-2009 a réformé le dispositif national de prévention des risques professionnels en renforçant les moyens d’intervention et de contrôle de l’administration et de l’inspection du travail. Plus tard, le Plan santé au travail (PST2) 2010-2014 a visé principalement à renforcer la prévention des accidents au travail et des maladies professionnelles, en diminuant avant tout l’exposition aux risques en développant des actions de prévention des risques professionnels, en particulier pour limiter le risque chimique et les troubles musculo-squelettiques. Parallèlement, la réduction de l’exposition aux substances CMR en milieu professionnel est inscrite dans le Plan national santé environnement 2009-2013. Trois principaux leviers y sont considérés comme prioritaires : i) réduire les expositions liées à l’amiante en révisant à la baisse la valeur limite d’exposition ; ii) développer des actions pour inciter les entreprises à substituer des produits non nocifs aux substances toxiques utilisées en milieu de travail et favoriser le développement de procédés alternatifs ; iii) renforcer le suivi des expositions professionnelles. Enfin, le Plan cancer 2009-2013 a clairement affiché avoir pour objectif de soustraire 100 000 salariés à l’exposition aux produits CMR sur la période 2009-2012.
24 Ce contexte réglementaire a vraisemblablement favorisé la réduction des expositions aux risques professionnels. Ainsi, selon les deux dernières éditions de l’enquête Sumer, la proportion de salariés de France métropolitaine (hors enseignants de l’Éducation nationale) exposés à au moins un facteur de pénibilité a diminué de 4,9 % entre 2010 et 2017, passant de 64,4 % à 61,3 %. Si l’on se rapporte aux données pour les salariés exerçant une profession de l’économie verte, on observe que cette baisse a toutefois été beaucoup plus réduite (– 1,7 %) (tableau 4).
Les salariés de l’économie verte ont moins bénéficié des améliorations constatées au niveau national
25 Alors que les prévalences d’exposition aux contraintes physiques marquées ont augmenté entre 2010 et 2017, celles associées à un environnement physique agressif et aux rythmes de travail atypiques ont fortement baissé sur la même période. Dans les professions de l’économie verte, ces mêmes évolutions sont globalement observées, à l’exception d’une stagnation des expositions à un environnement physique agressif (+ 0,5 %) versus une baisse importante pour les professions hors économie verte (– 12,8 %, voir tableau 4).
Évolution des prévalences d’exposition aux différents facteurs de pénibilité entre 2010 et 2017
Évolution des prévalences d’exposition aux différents facteurs de pénibilité entre 2010 et 2017
En %Lecture : la prévalence d’exposition aux contraintes physiques marquées est passée, au sein des professions de l’économie verte, de 55,63 % en 2010 à 57,12 % en 2017, soit une augmentation de + 2,7 % sur la période. Cette hausse n’a été que de + 0,3 % au sein des professions hors économie verte.
Champ : salariés de France métropolitaine, hors Éducation nationale.
26 Les professions de l’économie verte se distinguent aussi par une hausse plus forte des expositions aux contraintes physiques marquées (+ 2,7 % vs + 0,3 %), essentiellement liée à une augmentation substantielle des prévalences d’exposition aux vibrations mécaniques (alors que les professions de l’économie verte présentaient déjà un taux d’exposition à ce risque environ 3,5 fois plus élevé en 2010 que les autres) et à une diminution moins prononcée de la proportion de salariés sujets au port répété de charges lourdes. De même, la baisse des expositions aux nuisances sonores a été plus faible pour les salariés de l’économie verte (– 8,8 % vs – 21,4 % hors économie verte) entre 2010 et 2017. Seul le travail répétitif enregistre une baisse nettement plus sensible dans les professions de l’économie verte que dans les autres (– 58,8 %, vs – 49,2 %).
Une inquiétante tendance à la hausse des expositions aux agents chimiques CMR et du travail posté et de nuit dans les professions de l’économie verte
27 Alors que pour les professions hors économie verte, les prévalences d’exposition aux agents chimiques CMR et au travail posté ont diminué entre 2010 et 2017 (respectivement – 7,9 % et – 15,2 %), elles ont fortement augmenté pour les salariés de l’économie verte, avec des hausses respectives de 10,6 % et 2,3 %. S’ajoute à ces tendances inquiétantes pour les professions de l’économie verte la croissance brutale du travail de nuit régulier (+ 57,1 % contre + 2,9 % dans le reste de l’économie). Or, le travail posté de longue durée avec interruption des rythmes circadiens est classé depuis 2007 sur la liste des agents « probablement cancérogènes » par le Circ. En outre, de nombreuses études ont mis en évidence le fait que le risque de cancer du sein est bien plus élevé lorsque les femmes effectuent un travail de nuit (Ijaz et al., 2013 ; Jia et al., 2013 ; Knutsson et al., 2013 ; Ménegaux et al., 2013), alors que d’autres évoquent la possibilité d’un risque accru de cancers d’autres organes (prostate, poumon, colon) (Parent et al., 2012 ; Yong et al., 2014 ; Papantoniou et al., 2015).
28 Les évolutions à la hausse observées dans l’économie verte sont d’autant plus inquiétantes que les expositions aux risques professionnels concernés s’inscrivent dans des processus cumulatifs, qui ont tendance à aggraver et à multiplier les effets néfastes. Des études épidémiologiques ont montré que le corps humain est plus vulnérable la nuit que le jour aux agressions produites par des nuisances sonores ou thermiques, aux expositions aux agents toxiques, etc. (Anses, 2016). Ainsi, la tension causée par les horaires postés de nuit peut être fortement accrue lorsque d’autres facteurs de stress liés à un environnement physique agressif sont présents dans la situation de travail (Oginski et al., 1987). D’après d’autres travaux, les horaires atypiques tendent à se cumuler avec d’autres facteurs de risque occasionnés par un travail plus difficile sur les plans émotionnel et physique (Rouxel, 2009 ; Algava, 2014 ; Havet et al., 2017a). Les résultats issus des régressions effectuées sur l’année 2017 (tableau 3) vont dans ce sens : le travail de nuit était associé à une plus forte exposition aux nuisances sonores et aux agents CMR et le travail posté à de plus fortes expositions aux nuisances sonores et thermiques, mais aussi aux agents chimiques CMR et au travail répétitif.
Certaines inégalités entre groupes professionnels se sont creusées au sein de l’économie verte durant la période 2010-2017
29 Afin de savoir si les déterminants des facteurs de pénibilité ont évolué entre 2010 et 2017 dans l’économie verte, nous avons eu recours à de nouvelles estimations économétriques (encadré 2) effectuées sur les deux éditions fusionnées de l’enquête Sumer et ne conservant, pour l’analyse, que les répondants occupant une profession verte ou verdissante. Les résultats présentés dans le tableau 5 mettent en évidence un renforcement de certaines inégalités d’exposition dans l’économie verte sur la période. Les écarts d’exposition aux postures pénibles, aux vibrations mécaniques et aux agents CMR entre les ouvriers (qualifiés ou non) et les autres PCS se sont accrus sur cette période (termes d’interaction significatifs et positifs). De plus, les salariés occupant un emploi en équipe tournante (travail posté) étaient, à caractéristiques équivalentes, plus exposés en 2010 aux nuisances sonores et thermiques et au travail répétitif (coefficients significatifs positifs) que les autres salariés ; dans le même temps, ils présentaient des expositions similaires aux postures pénibles et aux vibrations mécaniques (coefficients non significatifs). Or, l’écart d’exposition aux nuisances sonores s’est encore creusé à leur désavantage en 2017 et ils sont désormais surexposés aux postures pénibles et aux vibrations mécaniques (termes d’interaction significatifs et positifs).
30 Les salariés de l’économie verte aux statuts professionnels les plus précaires (CDD, apprentis et intérimaires) ont également vu leurs conditions de travail se dégrader entre les deux enquêtes. En 2010, ils ne présentaient aucune surexposition aux risques professionnels par rapport à leurs homologues en CDI (coefficients non significatifs). Ils étaient même moins exposés aux charges lourdes et au travail de nuit régulier (coefficients significatifs et négatifs). Or, en 2017, ces salariés sont davantage exposés aux postures pénibles, aux agents CMR et au travail de nuit régulier (inter-actions significatives et positives). Les hausses générales des risques d’exposition, observées dans l’économie verte entre 2010 et 2017, ont ainsi été plus prononcées pour les salariés aux statuts les plus précaires.
31 L’économie verte semble donc contribuer à la dégradation des conditions de travail de publics déjà fragilisés sur le marché du travail (ouvriers, contrats précaires, salariés occupant un travail posté). La majorité des inégalités d’exposition qui se sont accentuées dans l’économie verte entre 2010 et 2017 ne sont en effet pas constatées hors économie verte [18].
32 Seules quelques inégalités d’exposition se sont réduites dans l’économie verte durant la période 2010-2017. Nous constatons ainsi une diminution des effets de genre dans l’exposition aux vibrations mécaniques, même si en 2017 les femmes sont toujours moins exposées à ce facteur de risque que leurs homologues masculins. La surexposition significative des travailleurs de nuit au port répété de charges lourdes observée en 2010 a disparu en 2017, de même que celle des travailleurs des très petites entreprises (de 1 à 9 salariés), par rapport à ceux des entreprises de 500 salariés et plus. En revanche, les travailleurs des entreprises de moins de 50 salariés, moins exposés au travail de nuit régulier en 2010, le sont devenus tout autant que ceux des entreprises de 500 salariés et plus en 2017.
33 Globalement, les expositions aux risques professionnels dans l’économie verte ont évolué dans le même sens que dans le reste de l’économie au cours de la dernière décennie, mais avec des baisses plus modérées (concernant notamment l’environnement physique agressif) et des hausses plus fortes (pour les contraintes physiques marquées par exemple). Les seules exceptions concernent les expositions aux agents chimiques CMR et au travail posté, dont les prévalences ont augmenté dans l’économie verte alors qu’elles ont baissé ailleurs. Or, les salariés exposés à ces facteurs courent des risques importants de développer des cancers. Parallèlement à ces tendances générales, certaines inégalités d’exposition aux risques professionnels se sont creusées au sein de l’économie verte, au détriment notamment des salariés occupant un emploi d’ouvrier, ayant un statut précaire ou soumis au travail posté. Les stratégies de prévention ainsi que les actions de suppression ou de réduction des expositions devront donc cibler en priorité ces populations, surexposées aux facteurs de pénibilité en général, et qui le sont encore davantage dans les professions vertes et verdissantes. En outre, au sein même de l’économie verte, des incitations pour substituer les substances toxiques et développer des procédés alternatifs ne recourant pas à des agents CMR et à du travail posté doivent être proposées, puisque les plans de santé au travail successifs ainsi que les cadres réglementaires (tels que l’entrée en vigueur de la réglementation REACH de l’Union européenne sur les produits chimiques) n’ont pour l’instant pas réussi à atteindre ces objectifs.
Modèles multi-niveaux expliquant les évolutions des inégalités d’exposition aux facteurs de pénibilité entre 2010 et 2017 dans l’économie verte
Modèles multi-niveaux expliquant les évolutions des inégalités d’exposition aux facteurs de pénibilité entre 2010 et 2017 dans l’économie verte
Notes : les résultats reportés correspondent aux régressions logistiques multi-niveaux décrites dans l’encadré 2. Les régressions ont été effectuées en intégrant des dichoto-miques pour les régions, la présence d’un CHSCT, de représentants syndicaux, d’intervenants sur les risques professionnels, ainsi que les termes d’interaction temporels associés. Faute de place, les coefficients associés à ces variables n’ont pas été reportés ici.***coefficient significatif à 1 %, ** à 5 %.
Lecture : dans l’économie verte, les hommes avaient en 2010 une probabilité plus élevée d’être exposés au port de charges lourdes que leurs homologues féminines ; cet écart est resté le même en 2017 puisque le terme d’interaction temporel associé à la variable de genre n’est pas significatif.
Champ : salariés en France métropolitaine, hors Éducation nationale, occupant une profession verte ou verdissante (encadré 1), hors employés (administratifs et de services).
34 En explorant de façon approfondie les inégalités d’exposition aux facteurs de pénibilité (contraintes physiques marquées, environnement physique agressif, rythmes de travail atypiques) dans l’économie verte et leur évolution au cours du temps, notre étude met en avant un paradoxe : alors que, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, l’économie verte est une économie qui est censée entraîner une amélioration du bien-être humain et l’équité sociale, tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux, les professions relevant de cette économie sont aujourd’hui associées à de plus fortes expositions aux facteurs de pénibilité que les autres. Les objectifs de la Commission européenne, à savoir le développement d’emplois durables et soutenables nécessaires pour porter la transition écologique, ne semblent pas atteints, du moins au regard de ce qui est repérable dans les données construites avec les catégories de l’Onemev. Au-delà des considérations politiques, ce constat est particulièrement inquiétant, puisque les salariés exposés à ces facteurs ont des risques importants de développer des pathologies sévères comme des cancers ou des troubles musculo-squelettiques. De nouvelles stratégies doivent donc être élaborées pour promouvoir le développement des professions de l’économie verte, tout en veillant à ce qu’elles garantissent des emplois moins exposés aux facteurs de pénibilité et des conditions de travail décentes.
35 Le renforcement de la législation sur la sécurité et la santé au travail (SST) pourrait contribuer à atteindre ces deux objectifs simultanément. En effet, l’adoption de mesures de sécurité et santé au travail joue un rôle essentiel dans la gestion des risques des entreprises et dans l’accroissement de leur productivité, en diminuant notamment l’absentéisme lié aux arrêts maladie et aux accidents du travail. Dans ce contexte, nos résultats pourraient être utiles aux responsables politiques et aux partenaires sociaux nationaux, puisqu’ils fournissent des informations essentielles pour mieux orienter la mise en place de réglementations ainsi que l’affectation des ressources de prévention. Il semblerait ainsi pertinent d’accorder une attention particulière aux expositions aux agents cancérogènes et de cibler prioritairement des programmes de prévention à destination des ouvriers qui, en plus de leur surexposition aux facteurs de pénibilité, cumulent, selon la littérature, d’autres risques majeurs pour la santé (une surexposition à la consommation de tabac, d’alcool ou une mauvaise alimentation). Les démarches concernant la sécurité et la santé au travail dans l’économie verte devront aussi être innovantes, puisque les nouvelles technologies et processus de travail développés pour minimiser les impacts environnementaux pourraient engendrer de nouveaux dangers pour les salariés. Les connaissances acquises en matière de SST devront ainsi évoluer et les solutions proposées être adaptées au fur et à mesure de la transition écologique.
Bibliographie
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- Onemev, Margontier S., Nauroy F., Tessier N., Duarte S., Cormier S., Matus M. (2019), « Observatoire national des emplois et des métiers de l’économie verte. Rapport d’activité 2018 », Document de travail [en ligne], n° 44, Commissariat général au développement durable, Service des données et des études statistiques. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2019-07/document-travail-44-onemev-rapport-2018-juillet2019.pdf, consulté le 9 janvier 2023.
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Notes
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[1]
Commission européenne (2010), Europe 2020. Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, Bruxelles, Commission européenne [en ligne]. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52010DC2020&from=FR, consulté le 9 janvier 2023.
-
[2]
Pour plus de détails sur l’enquête Sumer 2017, voir Coutrot et al. (2018) et se reporter au site : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/enquete/la-surveillance-medicale-des-expositions-des-salaries-aux-risques-professionnels-sumer-2016, consulté le 9 janvier 2023.
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[3]
Le travail en milieu hyperbare est caractérisé par une pression du milieu de travail supérieure à la pression atmosphérique (par exemple certains travaux publics sous-marins ou le percement de tunnels).
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[4]
Pour la liste complète des produits retenus, voir Havet et al. (2017b).
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[5]
Les seuils de pénibilité retenus sont sans rapport avec ceux du décret du 9 octobre 2014 relatif à l’acquisition et à l’utilisation des points acquis au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Les seuils privilégiés dans le décret renvoient dans certains cas à des grandeurs non décrites par l’enquête Sumer et les expositions y sont mesurées sur une année alors que l’enquête Sumer les repère sur la dernière semaine travaillée.
-
[6]
Selon le Code du travail (article L. 3122-29), la période de travail de nuit est définie comme la plage horaire entre 21 heures et 6 heures du matin, mais elle peut être modifiée dans certaines limites par convention collective ou accord avec les partenaires sociaux. Néanmoins, la tranche de minuit à 5 heures du matin est obligatoirement considérée comme travail de nuit, les physiologistes la décrivant comme une période pendant laquelle l’organisme fonctionne en état de moindre résistance.
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[7]
Cette définition est très proche de celle du Code du travail (article L. 416-1) qui stipule que le « travail répétitif est caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte ».
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[8]
Le Programme des Nations unies pour l’environnement définit les emplois verts comme ceux qui, dans l’agriculture, la fabrication, la construction, l’installation et l’entretien, ainsi que dans les activités scientifiques, techniques, administratives, sont liés aux services contribuant substantiellement à la conservation et au rétablissement de la qualité de l’environnement.
-
[9]
Selon la définition retenue par la Commission européenne, les emplois verts sont ceux qui dépendent du secteur de l’environnement ou qui ont été créés, remplacés ou redéfinis (en termes de compétences, méthodes de travail, profils rendus verts, etc.) dans le cadre d’une transition vers une économie plus verte.
-
[10]
Selon Eurostat, les emplois verts sont ceux qui ont été créés dans l’industrie des biens et des services environnementaux, qui comprend les activités qui produisent des biens et des services servant à mesurer, prévenir, limiter, réduire au minimum ou corriger les atteintes à l’environnement telles que la pollution de l’eau, de l’air et du sol, ainsi que les problèmes liés aux déchets, au bruit et aux écosystèmes.
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[11]
Par exemple, à partir des codes de la Nomenclature d’activités française (NAF), du Répertoire opérationnel des métiers et des emplois (Rome) et de la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS).
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[12]
Dans le reste de l’article, nous parlerons de façon équivalente de métiers ou de professions de l’économie verte puisque c’est l’approche adoptée par l’Onemev : la classification a pris pour point de départ une approche par métiers mais le repérage statistique se fait au niveau de la nomenclature des PCS, c’est-à-dire des professions.
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[13]
Il s’agit des employés de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), d’Électricité de France (EDF), d’Engie (anciennement GDF Suez), etc.
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[14]
Les tests statistiques se révèlent souvent inefficaces pour détecter des différences significatives dans les expositions entre les professions vertes et les professions hors économie verte, faute d’un manque de puissance statistique en raison du nombre limité de répondants exerçant une profession verte. Par conséquent, nous commenterons principalement les différences entre professions de l’économie verte (regroupant professions vertes et verdissantes) et hors économie verte.
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[15]
Comme les statistiques descriptives (tableau 1) ont montré que la proportion d’employés (administratifs et de services) était marginale dans le secteur de l’économie verte, nous avons effectué les estimations des modèles économétriques après avoir retiré les employés de l’échantillon dans le but d’obtenir des comparaisons plus fiables.
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[16]
Chiffres obtenus en calculant les effets marginaux associés aux variables « professions vertes » et « professions verdissantes ». Ces variables sont significatives dans les régressions expliquant les probabilités d’exposition aux vibrations mécaniques et aux nuisances sonores, alors que seule la variable « profession verdissante » est significative dans le modèle relatif aux expositions aux agents chimiques CMR.
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[17]
La somme du coefficient et du terme d’interaction associés à la variable « ouvrier qualifié » dans la régression expliquant l’exposition au travail posté est négative et statistiquement différente de 0.
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[18]
L’estimation de modèles identiques sur l’échantillon des salariés ne travaillant pas dans des professions relevant de l’économie verte permet seulement de conclure à un accroissement des inégalités d’exposition concernant les postures pénibles (au détriment des ouvriers, des contrats précaires et des travailleurs en équipes tournantes successives). Faute de place, les résultats de ces régressions ne sont pas reportés ici. Ils sont disponibles sur simple demande auprès des auteurs.