Couverture de TE_166

Article de revue

Le conflit éthique environnemental au travail

Une première analyse empirique à partir de l’enquête Conditions de travail 2019

Pages 183 à 206

Notes

  • [1]
    La première contradiction étant celle qui oppose la création et la réalisation de la valeur (le capital cherchant à réduire le plus possible les salaires dans la production, et se heurtant ensuite à des problèmes de demande solvable dans la réalisation).
  • [2]
    « The way in which nature and labour are intrinsically linked and equally threatened by globalising capital » (notre traduction pour cet extrait et les suivants).
  • [3]
    « initiatives which address members’ interests outside the workplace […], which link workers’ interests as producers and consumers (as, for example, in demands for the improvement of public health care) so as to enable the construction of new types of encompassing and solidaristic alliances ».
  • [4]
    « while they have had significant impacts on energy usage and harmful substances at the workplace, they have not aimed to redefine the labour-nature relationship in terms of environmental and social justice ».
  • [5]
    « Sadly, some UK trade unions have retrenched from previous commitments to climate campaigning, while the TUC has significantly reduced its environmental activity ».
  • [6]
    Il s’agit du « Pacte pour le pouvoir d’agir » (autour de la Confédération française démocratique du travail [CFDT] et du World Wildlife Fund [WWF]) et de « Plus jamais ça » (autour de la Confédération générale du travail [CGT] et de Greenpeace).
  • [7]
    Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
  • [8]
    La loi Blandin de 2013 définit le lanceur d’alerte comme une personne ayant relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives des faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l’environnement dont elle aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
  • [9]
    CnDAspe (2018), Rapport d’activité 2018, Paris, Ministère de la Transition écologique et solidaire, p. 17 [en ligne]. https://www.alerte-sante-environnement-deontologie.fr/IMG/pdf/rapport_activite_cndaspe_2018.pdf, consulté le 6 juin 2023.
  • [10]
    Voir la page « Amazon Employees Share Our Views on Company Business » [en ligne]. https://amazonemployees4climatejustice.medium.com/amazon-employees-share-our-views-on-company-business-f5abcdea849, consultée le 6 juin 2023.
  • [11]
    « converting what was already an exploited labor force into one which was also engaged in useless, uncreative, empty toil, no longer serving to satisfy social needs, but rather squandering both resources and lives ».
  • [12]
    22 321 personnes ont répondu à l’auto-questionnaire. Il comportait des questions sensibles concernant les troubles psychiques ou des situations de harcèlement moral.
  • [13]
    La plupart des résultats présentés ci-dessous demeurent cependant valides si l’on inclut la réponse « parfois » dans la définition du conflit éthique environnemental.
  • [14]
    Les commentaires qui suivent sont qualitativement validés dans une analyse à caractéristiques observables similaires (modèle logit expliquant la probabilité de signaler un conflit éthique environnemental par l’ensemble des variables ici mobilisées). Par souci de concision, on s’abstiendra de le répéter dans le texte. Ainsi, le fait d’être un homme ou un ouvrier est associé à un odds ratio supérieur à 1, tout comme l’exposition à un produit chimique.
  • [15]
    Y compris le métier (appréhendé par la nomenclature des familles professionnelles en 87 postes, FAP 87) et les expositions professionnelles.
  • [16]
    Dans ce sondage, les réponses à la plupart des « questions les plus importantes aujourd’hui pour la France » dépendent peu du sexe des répondants (emploi, inégalités, impôts, immigration, sécurité, etc.), mais certaines sont plus genrées : l’environnement (39 % des femmes, 34 % des hommes), la hausse des prix (38 % des femmes, 31 % des hommes), les déficits publics et la dette de l’État (35 % des hommes, 21 % des femmes).
  • [17]
    Dans l’enquête, la moitié d’entre eux sont originaires d’Afrique.
  • [18]
    Il s’agit des treize professions suivantes (en FAP 87) : A2Z, techniciens et cadres de l’agriculture ; B7Z, cadres du bâtiment et des travaux publics ; H0Z, ingénieurs et cadres techniques de l’industrie ; J6Z, cadres des transports, de la logistique et navigants de l’aviation ; L5Z, cadres des services administratifs, comptables et financiers ; L6Z, dirigeants d’entreprises ; M2Z, ingénieurs de l’informatique ; N0Z, personnels d’études et de recherche ; P3Z, professionnels du droit ; Q2Z, cadres de la banque et des assurances ; R4Z, cadres commerciaux et technico-commerciaux ; U0Z, professionnels de la communication et de l’information ; U1Z, professionnels des arts et des spectacles.
  • [19]
    Réponse 1 à la question : « Les indications données par vos supérieurs hiérarchiques vous disent ce qu’il faut faire. En général, est-ce que 1. ils vous disent aussi comment il faut faire, 2. ils indiquent plutôt l’objectif du travail et vous choisissez vous-même la façon d’y arriver. »
  • [20]
    Par les ordonnances de septembre 2017, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) au sein des comités d’entreprise (CE) ont été remplacés par les commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) au sein des comités sociaux et économiques (CSE).
  • [21]
    Et où seulement certaines professions se détachent vraiment, comme on l’a commenté ci-dessus.
  • [22]
    À la question « Travaillez-vous dans un bureau sans cloison, plateau ouvert (open space) ? », 19 % des salariés répondent « oui », de même que 38 % de ceux appartenant aux professions dites « à risque » de conflit fonctionnel. L’odds ratio associé à l’open space est supérieur à 2 (tableau 4).
  • [23]
    Notamment les variables relatives aux caractéristiques sociodémographiques, à la taille de l’établissement et aux caractéristiques du travail.
  • [24]
    L’enquête utilise le questionnaire « Who 5 » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les questions posées sont les suivantes : Au cours des deux dernières semaines : je me suis senti(e) bien et de bonne humeur ; je me suis senti(e) calme et tranquille ; je me suis senti(e) plein(e) d’énergie et vigoureux(se) ; je me suis réveillé(e) en me sentant frais(che) et dispos(e) ; ma vie quotidienne a été remplie de choses intéressantes. Les modalités de réponse sont : tout le temps, la plupart du temps, la moitié du temps, moins de la moitié du temps, de temps en temps, jamais. Un score de 0 à 100 est calculé à partir de ces réponses, le symptôme dépressif est diagnostiqué en dessous du score de 32.
  • [25]
    « Since profit-oriented production and technological fixes will not lead to the necessary transformation, the question is whether workers and their representatives might be able to develop not only sufficient resistance to further exploitation of the earth, but also political and economic perspectives that will connect environmental protection, social justice, and workers’ rights ».

1 La prise de conscience à une large échelle de la gravité des enjeux écologiques a fortement progressé au cours des dernières années, à mesure que les effets du changement climatique deviennent perceptibles pour tous et que des mouvements sociaux (comme les marches pour le climat) se développent, notamment dans la jeunesse. Ainsi, pour la première fois en 2019, le sondage annuel de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) sur les « représentations sociales du changement climatique » place la préoccupation pour l’environnement au premier rang, ex æquo avec l’emploi (Ademe, 2019).

2 Cette inquiétude n’est pas sans conséquences sur la santé psychique des personnes : une littérature émergente en santé publique (Obradovich et al., 2018) étudie les effets de « l’éco-anxiété » (Pihkala, 2020), de la « détresse écologique » (ecological grief) (Cunsolo et al., 2020) ou de la « solastalgie » (Albrecht et al., 2007), termes forgés pour désigner les pathologies mentales liées à la prise de conscience de la fragilité des écosystèmes, de l’irréversibilité des atteintes écologiques et de l’impuissance individuelle et collective à y faire face. Les origines de la pandémie de Covid-19 restent à éclaircir mais leur lien possible avec la crise environnementale (qu’il s’agisse de déforestation, de baisse de la biodiversité ou d’élevages industriels de visons) (Platto et al., 2021) ne peut qu’accroître cette inquiétude.

3 Du côté du travail, l’existence et l’impact sanitaire des conflits de valeurs au travail, ces situations où le travailleur est amené à réaliser des actions contraires à ses valeurs personnelles ou professionnelles, font l’objet d’une littérature déjà abondante (Liedtka, 1989 ; Dejours, 2000 ; Davezies, 2009 ; Girard, 2009 ; Gollac, Bodier, 2011 ; Kammeyer-Mueller et al., 2012 ; Clot, 2021) – particulièrement concernant les professions de santé (Ingwiller, Molinier, 2010 ; Rainer et al., 2018). À partir de la constatation très généralement faite par les analystes du travail que « les mobiles du salarié et le but de la tâche qui lui est assignée ne correspondent pas » (Davezies, 2009, p. 9), le conflit de valeurs surgit quand les exigences du travail se heurtent à « ce qui compte dans le travail pour les sujets » (Molinier, Flottes, 2012, p. 54). Lors de la crise sanitaire, tandis que des professions de « première ligne » se trouvaient au moins symboliquement revalorisées, d’autres travailleurs interrogeaient l’utilité sociale et le sens même de leur travail, jusqu’à envisager des reconversions radicales (Belsoeur, 2020 ; Haerts, 2020).

4 Il est peu contestable que les pollutions et atteintes environnementales trouvent presque toujours leur source dans la production ou la consommation de biens ou de services résultant du travail humain. On doit alors constater un paradoxe : alors que la crise écologique d’un côté, les conflits éthiques au travail de l’autre, deviennent des préoccupations sociétales majeures, peu de débats publics et encore moins de travaux scientifiques relient les deux enjeux en s’intéressant aux conflits éthiques à caractère environnemental auxquels pourraient être confrontés les travailleurs.

5 Il est vrai que ces derniers se trouvent d’ordinaire enrôlés dans le système du productivisme (« l’engrenage de la production » ; Gould et al., 2015), et que leur situation de subordination ainsi que la nécessité du succès économique de l’entreprise afin de sécuriser leur emploi font obstacle à une remise en cause des finalités ou des effets externes de leur activité de travail. Pourtant, l’activité économique orientée vers la croissance et le profit provoque une destruction peut-être irréversible des « conditions sociales de la production » (O’Connor, 1988) au premier rang desquelles se trouve l’équilibre des écosystèmes. Cette « seconde contradiction du capitalisme [1] » (O’Connor, 2003) affecte la stabilité et le caractère intégrateur du productivisme. La conscience croissante de l’urgence environnementale pourrait multiplier les situations où les salariés s’inquiètent des conséquences de leur travail sur l’environnement et, à terme, sur la possibilité d’une vie humaine décente sur la planète. Ces conflits éthiques concernant le sens du travail (Coutrot, Perez, 2021) en lien avec la crise environnementale concernent-ils un nombre significatif de travailleurs ? Si oui, ont-ils un impact sur les perspectives professionnelles ou la santé psychique des personnes concernées ? Et, question stratégique pour les mouvements sociaux, peuvent-ils stimuler une action collective organisée favorisant la convergence des causes sociales et environnementales, jusqu’alors difficile ?

6 À notre connaissance, il n’existe pas à ce jour de travaux scientifiques sur les conflits de valeurs au travail liés aux questions écologiques. La question du « sale boulot » (dirty work) (Hughes, 1962 ; Ashforth, Kreiner, 1999 ; Simpson et al., 2012) a souvent été analysée en sociologie du travail, mais ne semble évoquer que très exceptionnellement les conséquences environnementales du travail. Pour la première fois avec l’édition 2019 de l’enquête Conditions de travail de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), une enquête statistique de grande ampleur montre que le « conflit éthique environnemental au travail » concerne un nombre non négligeable de travailleurs : à la question « Avez-vous l’impression que votre travail a des conséquences négatives pour l’environnement ? », la majorité (68 %) répond « jamais », mais 2 % répondent « toujours », 5 % « souvent » et 24 % « parfois » (tandis que 1 % dit ne pas savoir). La première partie de cet article, à caractère théorique et historique, évoque les contradictions entre le mode de production capitaliste et les limites écologiques, ainsi que l’émergence d’un « environnementalisme du travail » (labour environmentalism) visant à peser sur ces contradictions par l’action collective ; elle se conclut par des hypothèses sur la manière dont ces contradictions peuvent se manifester sur le terrain pour les travailleurs engagés dans la production, en distinguant deux types de conflit éthique environnemental : le conflit « direct » et le conflit « fonctionnel ». Une seconde partie à caractère statistique décrit les personnes qui indiquent vivre ce conflit de valeurs, leurs conditions de travail et les caractéristiques des établissements où elles travaillent ; elle analyse économétriquement les liens entre ce conflit éthique environnemental et l’action collective, la soutenabilité du travail, la santé psychique et les perspectives de reconversion professionnelle.

La « seconde contradiction » du capitalisme

7 Le paradoxe évoqué en introduction est une manifestation d’un phénomène plus général, celui d’un cloisonnement récurrent entre les questions du travail et de l’écologie, qui se traduit à la fois dans le champ des luttes sociales et dans celui de la recherche, où peu de courants de pensée s’intéressent aux liens entre économie capitaliste et crise écologique. À ce constat font exception les développements récents du « marxisme écologique » (O’Connor, 1988 ; 1998). Commentant les travaux des chimistes de son époque concernant les méfaits de la grande industrie et de l’agriculture chimique mécanisée sur la fertilité des sols, Karl Marx (1968, p. 1986) disait déjà que le capitalisme ne peut se développer « qu’en épuisant simultanément les sources originelles de toute richesse : le sol et le travailleur ». L’intensification du travail, l’épuisement des terres et des ressources naturelles provoquent une « rupture du métabolisme universel de la nature » (Foster, 2013).

8 Prolongeant et amplifiant ces intuitions marxiennes, James O’Connor (2003) diagnostique une « seconde contradiction » du capitalisme liée au rapport de celui-ci à la société et à la nature. Au-delà de la première contradiction (endogène), analysée par Marx, entre production et réalisation de la valeur, qui amène à des crises économiques périodiques, la seconde (exogène) oppose les « forces productives » capitalistes à la « reproduction des conditions sociales de la production » (O’Connor, 2003, p. 33). Ces dernières désignent les facteurs indispensables à l’économie capitaliste mais qu’elle ne produit pas (ou peu), voire qu’elle sape : les infrastructures, l’éducation et les qualifications des travailleurs, la santé, la nature, etc. Dans ce cadre d’analyse, « le procès de travail, qui constitue l’élément moteur des processus économiques, est compris comme une simple médiation dans un système plus vaste d’échanges physiques qui lui impose des limites, et dont il reste fatalement solidaire » (Charbonnier, 2012, p. 155). Mais, entraîné dans sa logique d’accumulation illimitée, le capitalisme sape les fondements de sa dynamique et de la vie même par « l’appropriation et l’utilisation autodestructrices de la puissance de travail, de l’espace, de la nature ou de l’environnement extérieur » (O’Connor, 2003, p. 57).

9 Cette analyse implique que la santé humaine et la santé des écosystèmes sont simultanément menacées par le déploiement illimité de la logique d’accumulation et de croissance du capital. D’où le développement récent d’un courant de recherche dit du « labour environmentalism » qui se fonde sur l’hypothèse selon laquelle « la nature et le travail sont intrinsèquement liés et également menacés par la mondialisation du capital [2] » (Uzzell, Räthzel, 2012, p. 10), et a pour objectif d’analyser les dynamiques possibles d’alliances entre les causes du travail et de l’écologie, entre syndicats et associations environnementales.

10 Du fait de la relation de subordination constitutive du rapport salarial, la prise en compte des conséquences environnementales du travail par les salariés et leurs représentants n’a pourtant rien de spontané : « l’agenda politique du mouvement syndical peut être caractérisé, pendant la majeure partie du xxe siècle, comme résolument favorable à l’engrenage de la production et même parfois comme ouvertement anti-environnemental » (Obach, 2014, p. 36). Les luttes menées dans le cadre du salariat n’ont que rarement investi la question environnementale, et « la politique de l’environnement s’est arrêtée à la porte des usines » (Bécot, 2018). Réciproquement, les mouvements de défense de l’environnement se sont longtemps peu souciés des questions de justice sociale, négligeant souvent les conséquences de leurs revendications sur les salariés concernés.

11 Or, c’est du moins l’hypothèse de cet article, la possibilité d’une telle alliance dépend au moins en partie de la manière dont la « seconde contradiction » se manifeste dans la pratique aux yeux des travailleurs à l’occasion de leur travail, et des processus de conscientisation et de mobilisation qui peuvent alors s’enclencher.

Travail et écologie : entre indifférence réciproque et rapprochements difficiles

12 Au cours des dernières décennies, divers acteurs du mouvement syndical international ont tenté de surmonter le fossé entre causes syndicale et environnementale, non sans difficultés. En se limitant au monde occidental, des formes d’« environnementalisme ouvrier » (Bécot, 2019) se sont développées autour de 1968 et ont connu leur apogée dans les années 1970, avec des luttes emblématiques comme celle de Shell Oil aux États-Unis (Gordon, 1998), Pennaroya en France (Pitti, 2010) ou Montedison en Italie (Perulli, 1978), lors desquelles les syndicalistes ont relié leur combat pour la santé des salariés à celui pour la santé des riverains et de l’environnement des usines. Nombre d’observateurs et de responsables syndicaux ont compris l’intérêt d’endosser des causes extérieures à l’entreprise, comme celle de l’environnement, pour redynamiser un mouvement syndical en déclin, en lançant des « initiatives qui s’adressent aux intérêts des travailleurs à l’extérieur de l’entreprise […], qui lient les intérêts des travailleurs en tant que producteurs et que consommateurs (comme par exemple dans les revendications pour l’amélioration de la santé publique), afin de construire de nouveaux types d’alliances larges et solidaires [3] » (Hyman, 1991, p. 6).

13 Au tournant du xxe siècle, à la fois pour préserver la santé des travailleurs et des habitants et pour renforcer sa position en nouant des alliances avec les mouvements environnementaux, le syndicalisme évolue « vers une plus grande prise en compte de l’environnement dans son programme » (Obach, 2014, p. 40). La Confédération internationale des syndicats élabore une stratégie de « transition juste » visant à faire de la nécessaire transition écologique une opportunité pour l’emploi (« green jobs ») et la justice sociale ; des coalitions de syndicats et d’organisations non gouvernementales (ONG) mènent des campagnes pour les « climate jobs » en Afrique du Sud, au Royaume-Uni ou en France. Au Royaume-Uni, une politique volontariste du Trades Union Congress (TUC) et de plusieurs grands syndicats permet la formation de « plusieurs milliers de militants syndicaux pour le climat (« union climate activists ») dans des établissements publics et privés » (Hampton, 2018, p. 483). Ces « green representatives » impulsent ou soutiennent des initiatives de réduction des émissions liées au processus de travail, sans toutefois mettre en question les choix d’investissement et de production, qui restent la prérogative exclusive du management : « bien qu’ils aient eu des impacts significatifs sur l’utilisation d’énergie et de produits toxiques sur les lieux de travail, ils n’ont pas cherché à redéfinir la relation entre travail et nature dans le sens de la justice sociale et environnementale [4] » (Stevis et al., 2018, p. 446). Cet engagement semble avoir faibli dans les années 2010 : « malheureusement, certains syndicats britanniques sont revenus sur des engagements antérieurs dans des campagnes sur le climat, tandis que le TUC a significativement réduit son activité environnementale [5] » (Hampton, 2018, p. 483).

14 Aux États-Unis, de nombreux syndicats et associations environnementales se sont réunis au sein de la BlueGreen Alliance, qui a organisé des formations ou des événements comme la conférence nationale « Good Jobs, Green Jobs » rassemblant 3 000 militants syndicaux et écologistes à Washington D.C. en février 2009. Là encore, la dynamique a été affaiblie dans les années 2010 par le soutien explicite de plusieurs syndicats, y compris l’American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO) et la confédération syndicale états-unienne, aux projets de pipelines (Keystone, Dakota) combattus par les associations environnementales, et au boom de l’extraction du gaz et du pétrole de schiste (Velut, 2011 ; Sweeney, 2017).

15 En France, les questions environnementales ne sont que rarement évoquées dans les instances représentatives du personnel, et l’impact environnemental du travail ne déclenche guère de mobilisations collectives (Chaskiel, Suraud, 2009). Des rapprochements entre syndicats et ONG ont récemment eu lieu, notamment à l’occasion du « Grenelle de l’environnement » de 2008 (Saincy, 2015) ; deux coalitions permanentes (et concurrentes) sont apparues [6]. Du côté des politiques publiques, la loi « Sapin 2 [7] » entend soutenir l’intervention de salariés confrontés à des atteintes écologiques au cours de leur travail, en instaurant un statut de lanceur d’alerte pour les personnes physiques [8]. Mais son application demeure lacunaire : la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CnDAspe) constate « qu’il n’existe pas, s’agissant des atteintes à l’environnement, de dispositif comparable à ce qui a été mis en place sous l’égide du ministère en charge de la santé avec le portail de signalement des événements sanitaires indésirables [9] ». Les cas d’alertes environnementales venant de salariés inquiets des conséquences de leur travail semblent peu fréquents. Il y a bien cet intérimaire, « Karim, le premier lanceur d’alerte ouvrier », qui « s’est filmé, en décembre 2016, en train de déverser un liquide vert fluorescent – de l’acide, dit-il alors – directement dans la boue du crassier de Marspich, en Moselle, pour dénoncer les pratiques imposées par ArcelorMittal Florange et son sous-traitant, Suez RV Osis Industrial Cleaning » (Dépretz, 2018), ou ces ouvriers CGT de la verrerie Verallia de Chalon-sur-Saône qui manifestent avec des associations environnementales contre la pollution à l’amiante provoquée par leur usine (Muller, 2020). Récemment, ont été signalés des cas de salariés (non syndiqués) tentant de faire pression sur leur entreprise pour réduire son impact environnemental. Quatre cents salariés d’Amazon, inquiets des impacts environnementaux de leur entreprise, ont créé un groupe Amazon Employees for Climate Justice [10], pour faire pression sur la direction afin de réduire les émissions de CO2. Des salariés d’Orange ont créé un blog « Jsuisvert » sur le réseau social interne pour élaborer un rapport argumenté à propos des dégâts environnementaux liés à la technologie 5G en cours de déploiement par l’entreprise (Teslabel Coordination, 2020).

16 En définitive, la prise en compte de la question environnementale dans le travail semble progresser au sommet des organisations syndicales (confédérations syndicales internationales comme nationales) ; on dispose de moins d’informations concernant le niveau des équipes syndicales de terrain ou celui des salariés eux-mêmes, même si des signaux émergents indiquent qu’avec l’aggravation rapide de la crise écologique, la visibilité de ces enjeux devrait s’accroître.

Conflits éthiques environnementaux et risques du travail

17 Les exemples historiques et récents évoqués ci-dessus indiquent qu’il est sans doute utile de distinguer deux types d’atteintes environnementales au cours des activités de travail. D’une part, des atteintes directes : dans les usines ou les chantiers, des salariés sont à l’origine ou doivent laisser se produire des émissions toxiques qui, organisées ou tolérées par des dirigeants d’entreprise pris dans les logiques de concurrence et de profit faisant obstacle au financement de procédés d’élimination à la source, impactent directement l’environnement. D’autre part, des atteintes indirectes : dans les bureaux, sous l’influence de ces mêmes logiques, des salariés déploient dans leurs fonctions les techniques de la publicité, du marketing et de l’innovation, afin de créer des besoins et des débouchés nouveaux, contribuant à entretenir une croissance sans limites destructrice de l’environnement. William Morris, l’un des premiers théoriciens de l’écosocialisme, critiquait dès la fin du xixe siècle la création capitaliste de besoins artificiels, qui « convertit ce qui était déjà une force de travail exploitée en une force de travail engagée dans un labeur inutile, abrutissant et vide, qui ne sert plus à satisfaire les besoins sociaux mais saccage les ressources et les vies [11] » (Foster, 2013, p. 16).

18 Du point de vue de l’activité de travail, cette dualité implique deux types potentiels de conflits éthiques environnementaux. Les conflits directs sont la conséquence de pollutions immédiatement perceptibles, souvent malodorantes et dangereuses pour le travailleur lui-même, comme pour « Karim l’ouvrier lanceur d’alerte ». Les conflits fonctionnels prennent place dans les bureaux, comme chez Amazon ou Orange, où les salariés, sans que leur santé physique soit directement menacée, perçoivent leur travail comme alimentant le consumérisme, le productivisme et la surexploitation des ressources naturelles : ces atteintes à l’environnement, invisibles et inodores, sont liées à la fonction remplie par le salarié dans le cycle de la marchandise.

19 Le conflit éthique environnemental est-il associé à d’autres facteurs de risque pour la santé au travail ? On peut supposer qu’il pourra susciter d’autres conflits de valeurs liés au sens du travail (Coutrot, Perez, 2021) : nuire à l’environnement réduit probablement la satisfaction de faire du « bon travail », de travailler conformément à ses normes éthiques ou d’avoir un sentiment d’utilité sociale. Pour le reste, notre approche théorique nous conduit à des hypothèses différentes selon le type de conflit éthique environnemental. Les conflits directs, qui concerneront par nature plutôt des ouvriers, devraient être associés à l’usage de produits toxiques et malodorants dans le travail. S’ils sont amenés à rejeter de tels produits dans l’environnement, ces travailleurs sont probablement inquiets pour leur propre sécurité, du fait notamment de pratiques défaillantes de leur entreprise en matière de prévention des risques professionnels et environnementaux.

20 On s’attend aussi à ce que les salariés concernés disposent de peu d’autonomie dans leur travail, d’un faible soutien social des collègues ainsi que d’une faible représentation collective, qui ne leur permettent pas de prévenir ou de dénoncer les dommages environnementaux qu’ils perçoivent ; on anticipe également que les salariés qui craignent pour leur emploi puissent moins facilement refuser ces tâches dangereuses et polluantes.

21 Pour les conflits fonctionnels, les conditions de travail concrètes jouent a priori moins que la finalité et/ou les effets secondaires du travail : on cherchera à repérer des professions où cette finalité ou ces effets sont susceptibles de prêter le flanc à une critique écologique, comme les professions scientifiques, publicitaires ou commerciales.

22 L’enquête Conditions de travail de 2019, réalisée d’octobre 2018 à mars 2019 par des enquêteurs de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour le compte du ministère du Travail, en face à face au domicile d’environ 24 000 travailleurs, est représentative de l’ensemble des travailleurs résidant en France (Beatriz et al., 2021). Elle contient une description précise des conditions de travail, ainsi qu’un auto-questionnaire (passé sous casque pour des raisons de confidentialité [12]) où sont posées des questions sensibles sur la vie personnelle, les risques psychosociaux au travail et la santé psychique : ces données vont nous permettre de tester l’ensemble des hypothèses ici énoncées.

« Mon travail a des conséquences négatives pour l’environnement » : une analyse empirique

23 On décrit dans cette section les salariés et les professions les plus concernés par le conflit éthique environnemental, avant d’analyser le lien entre ce conflit et les comportements des travailleurs d’une part, leur santé psychique d’autre part.

La division sociale du « sale boulot »

24 Le conflit éthique environnemental est ici mesuré par les réponses « toujours » ou « souvent » à la question portant sur les conséquences environnementales négatives du travail : 7 % de l’ensemble des salariés ont répondu en ce sens (la réponse « parfois », plus fréquente, est apparue nettement moins discriminante [13]). Les ouvriers sont la catégorie sociale la plus souvent confrontée à ce conflit : 14 % d’entre eux indiquent ressentir « toujours » ou « souvent » l’impression que leur travail nuit à l’environnement [14] (tableau 1) ; un peu plus de 10 % des exploitants agricoles répondent « toujours » ou « souvent » et, surtout, 45 % « parfois » (contre 24 % des actifs). Il s’agit plutôt dans leur cas de conflits directs : agriculteurs et ouvriers sont plus souvent que les autres salariés en contact avec la nature ou la matière, les trois quarts d’entre eux sont exposés à des produits chimiques, et plus de la moitié disent souffrir de mauvaises odeurs sur leur lieu de travail, facteurs associés à une fréquence accrue de conflits éthiques environnementaux (tableau 2).

25 Les hommes sont plus nombreux à déclarer un conflit éthique environnemental (9 %) que les femmes (6 %). C’est en partie parce qu’ils travaillent, plus souvent que celles-ci, comme ouvriers exposés à des produits chimiques, mais pas seulement : même à caractéristiques observables similaires [15], ils demeurent plus enclins à estimer leur travail nuisible à l’environnement. Cela peut sembler surprenant dans la mesure où l’on sait les femmes en général plus enclines à considérer le travail sous l’angle du care, de la sollicitude envers les autres (Molinier, 2020) : on aurait pu s’attendre à constater cette même sollicitude à l’égard de l’environnement, comme d’ailleurs l’indiquent le sondage de l’Ademe[16] (2019) ou les enquêtes sur le vote écologiste (Close, Delwit, 2018). Nous reviendrons sur ce paradoxe dans la conclusion.

26 Ce résultat renvoie peut-être aux mécanismes sociaux d’attribution du « sale boulot ». Au sein des professions, les tâches polluantes et dangereuses sont plus souvent attribuées aux hommes, supposés moins « fragiles » selon les représentations sexuées dominantes : « l’exposition à la saleté ou à certaines dimensions matérielles et physiques du travail des hommes peut parfois être source de reconnaissance au travail dans des métiers peu qualifiés quand ces dimensions sont niées pour les femmes au profit du “relationnel” » (Seiller, Silvera, 2020).

27 De même, on aurait pu s’attendre à ce que les personnes peu diplômées ou détentrices de faibles revenus, dont les enquêtes d’opinion montrent qu’elles sont moins sensibles à la question environnementale, se sentent aussi moins concernées par les conséquences de leur travail sur la nature : là encore, ce n’est pas le cas, puisqu’à caractéristiques observables similaires, la probabilité de juger son travail nuisible à l’environnement est multipliée par 1,25 pour les titulaires de diplômes inférieurs au bac, et par 1,27 pour les personnes appartenant au premier quartile de la distribution des revenus. Il est possible qu’au sein même des professions, le « sale boulot » environnemental soit plus systématiquement attribué aux moins qualifiés et aux moins rémunérés.

Tableau 1

Conflit éthique environnemental et caractéristiques des répondants

En %
Avoir l’impression que son travail a des conséquences négatives pour l’environnementJamaisParfoisSouvent ou toujoursNon-réponseTotalRapports de chances
Ensemble67,924,27,30,6100
Sexe
  Homme61,629,18,80,51001,39***
  Femme74,719,05,60,7100réf.
Diplôme < bac63,424,710,81,11001,25***
Âge
  Jeune (<30 ans)64,924,89,60,71001,43***
  30-49 ans68,024,47,00,6100réf.
  Senior (50 ans et +)69,423,46,50,7100ns
Nationalité étrangère65,721,010,52,81001,44***
Faible revenu (1er quartile)67,821,39,51,41001,27***
Travail à temps partiel75,119,14,81,01000,81***
Catégorie socioprofessionnelle
  Agriculteur exploitant43,245,110,41,31001,63***
  Artisan, commerçant ou chef d’entreprise71,722,95,00,4100ns
  Cadre73,222,93,60,31000,56***
  Profession intermédiaire71,023,15,50,4100réf.
  Employé72,519,86,90,8100ns
  Ouvrier53,331,714,10,91001,45***
Taille de l’établissement
  < = 20 salariés67,623,08,70,7100Ns
  20-19966,225,57,80,5100réf
  200 et plus67,925,06,60,51001,23***
Travail en chantier ou en déplacement52,035,011,81,21001,15*
Statut
  Indépendant70,024,84,70,51000
  CDI ou CDD(1)67,024,38,00,7100réf.
  Intérim52,032,715,20,11001,67***
  Fonctionnaire72,222,54,80,51000,78***

Conflit éthique environnemental et caractéristiques des répondants

Notes : (1) contrat à durée indéterminée et contrat à durée déterminée.
Les oddd-ratios ici présentés résultent d’un modèle logit expliquant la probabilité de conflit éthique environnemental (« souvent » ou « toujours ») par les caractéristiques sociodémographiques qui figurent dans le tableau 1 et les caractéristiques du travail présentées dans le tableau 3.
*** indique un odds ratio significatif au seuil de 1 % (** et * respectivement 5 et 10 %).
Les professions à risque de conflits fonctionnels sont les treize professions citées en note 18.
Lecture : 61,6 % des hommes jugent que leur travail n’a jamais de conséquences négatives pour l’environnement.
Champ : actifs occupés France entière, ayant répondu à l’auto-questionnaire (N = 22 321).
Source : enquête Conditions de travail 2019, Dares.
Tableau 2

Les professions les plus concernées par le conflit direct

En %
Pourcentage de salariés estimant que leur travail a des conséquences négatives pour l’environnementJamaisParfoisSouvent ou toujoursNon-réponseTotalRapports de chances
B5Z Conducteurs d’engins du bâtiment et des travaux publics44,029,726,301002,65***
G0B Ouvriers qualifiés de la réparation automobile31,140,828,00,11002,95***
D3Z Ouvriers non qualifiés de la mécanique46,426,627,001002,15***
C1Z Ouvriers qualifiés de l’électricité et de l’électronique55,823,220,70,31001,60**
J3Z Conducteurs de véhicules47,432,818,31,51001,90***
B1Z Ouvriers qualifiés des travaux publics, du béton et de l’extraction27,256,618,51,7100ns
E1Z Ouvriers qualifiés des industries de process56,826,516,701001,55***
E0Z Ouvriers non qualifiés des industries de process45,337,916,70,11001,95***
D6Z Techniciens et agents de maîtrise des industries mécaniques55,030,214,801002,59***

Les professions les plus concernées par le conflit direct

Lecture : parmi les conducteurs d’engins du bâtiment et des travaux publics, 26,3 % des salariés déclarent avoir souvent ou toujours l’impression que leur travail a des conséquences négatives pour l’environnement.
Champ : actifs occupés France entière, ayant répondu à l’auto-questionnaire (N = 22 321).
Source : enquête Conditions de travail 2019, Dares.

28 Cette hypothèse est renforcée par le résultat concernant les salariés étrangers [17] et les intérimaires : ils signalent plus fréquemment (tableau 1) que les autres que leur travail a des conséquences négatives sur l’environnement, ce qui renvoie sans doute au fait qu’ils sont souvent affectés à des tâches dangereuses et salissantes (ICMPD, 2003 ; Jounin, 2006).

29 En revanche, l’âge joue dans le sens attendu : les jeunes déclarent plus souvent (10 %) que leur travail nuit toujours ou souvent à l’environnement. À métier et conditions de travail similaires, ils semblent plus sensibles au conflit éthique environnemental, ce qui, cette fois-ci, est cohérent avec les enquêtes précitées (Close, Delwit, 2018 ; Ademe, 2019), mais aussi avec le fait que dans les collectifs de travail, les jeunes se voient souvent attribuer les tâches les plus pénibles (Lhuilier, Waser, 2019). En définitive, la répartition des conflits éthiques d’origine environnementale semble dépendre davantage de ces mécanismes sociaux d’attribution du « sale boulot » que d’une sensibilité a priori à la question environnementale.

30 Ces résultats renvoient surtout aux conflits éthiques environnementaux directs, manifestement les plus fréquents. Pour tenter de repérer les conflits éthiques fonctionnels, nous avons sélectionné un certain nombre de professions d’ingénieurs et cadres du secteur privé [18] pour lesquelles ces conflits paraissent a priori possibles au vu de leur position de responsabilité dans le déploiement de « l’engrenage de la production ». On a exclu les cadres du secteur public, nettement moins nombreux (3 %) que leurs homologues du secteur privé (6 %) à signaler un conflit éthique environnemental, et dont on peut penser qu’ils ne participent pas directement aux logiques productivistes et consuméristes typiques du conflit fonctionnel. Dans l’ensemble, les salariés de ces professions ne se distinguent guère de la moyenne : seuls 5 % d’entre eux pensent que leur travail a des conséquences négatives pour l’environnement. Cependant, si l’on va plus dans le détail, certaines professions dont les finalités correspondent assez étroitement au profil théoriquement attendu et décrit ci-dessus paraissent particulièrement concernées (tableau 4) : les professionnels de la communication ou du spectacle et les graphistes (sans doute parce qu’ils travaillent souvent pour l’industrie publicitaire), les chercheurs (qui alimentent l’innovation nécessaire à la croissance), les ingénieurs et cadres du BTP (en première ligne dans l’artificialisation et la bétonnisation des sols), les cadres commerciaux et technico-commerciaux (dont l’activité nourrit le consumérisme). En revanche, les cadres de l’industrie ou de la banque ne se sentent pas spécialement concernés.

Des liens étroits entre risques professionnels et environnementaux

31 Concernant le risque direct, les professions les plus touchées pratiquent la conduite ou la réparation de véhicules, la production dans les industries de process (chimie, pharmacie, métallurgie, ciment, agroalimentaire, verre, etc.) ou dans les travaux publics (tableau 2). L’examen des conditions de travail associées au conflit éthique environnemental confirme pour une large part les hypothèses précédentes. Le fait de disposer d’une faible autonomie, tant sur le plan opérationnel (avoir peu de marges de manœuvre au quotidien ou des tâches strictement prescrites [19]) que sur celui de la capacité de développement (ne pas « pouvoir apprendre de choses nouvelles dans son travail »), est associé à un plus fort risque de survenue d’un conflit éthique environnemental : les salariés fortement contraints par l’organisation du travail ne peuvent empêcher certaines dégradations d’avoir lieu, au cours de leur activité. Comme anticipé, le manque de soutien des collègues en cas de difficulté dans le travail, ou le manque de « coopération suffisante pour faire correctement son travail », sont également associés au risque de conflit éthique environnemental.

32 Au-delà de son lien avec l’exposition à des produits chimiques et au manque d’autonomie, le sentiment de nuire à l’environnement est plus généralement associé à un contexte dégradé de sécurité au travail. Les salariés concernés sont plus nombreux à déclarer : « Il m’arrive d’avoir peur pendant mon travail, pour ma sécurité ou celle des autres » (tableau 3). Ils signalent en même temps une forte intensité émotionnelle : ils sont plus nombreux à dire devoir « cacher leurs émotions » ou à se sentir souvent « bouleversés, secoués, émus » dans leur travail.

Tableau 3

Le conflit éthique environnemental selon les caractéristiques du travail

En %
Mon travail a des conséquences négatives sur l’environnementJamaisParfoisSouvent ou toujoursNon-réponseTotalRapports de chances
Ensemble67,924,27,30,6100
Expositions professionnelles
  Exposition aux produits chimiques55,432,910,90,81001,44***
  Mauvaises odeurs au travail56,331,411,60,71001,30***
  Avoir peur dans le travail pour sa sécurité ou celle des autres53,634,111,70,61001,55***
  Devoir cacher ses émotions61,925,711,90,51001,84***
  Être souvent bouleversé, ému69,219,411,10,31001,64***
  Tâches strictement prescrites64,522,811,31,41001,40***
  Faire des choses qu’on désapprouve59,430,79,50,41001,37***
  Pas de soutien des collègues si difficulté64,523,011,51,01001,32***
  Pas de coopération suffisante pour faire correctement son travail66,522,210,60,71001,15*
  Ne pas faire quelque chose d’utile62,128,78,90,31001,20***
  Ne pas être fier du travail bien fait65,725,68,40,3100ns
  Ne pas apprendre de choses nouvelles63,724,011,21,11001,40***
  Craindre pour son emploi62,626,210,50,71001,18***
Relations professionnelles et prévention (salariés)
  Présence syndicale dans l’établissement67,825,46,40,41000,78***
  Adhérent à un syndicat67,224,38,00,5100ns
  Présence d’un CHSCT67,125,86,60,5100ns
  Discussion avec un représentant du personnel (RP) sur le travail64,626,88,30,31001,18***
  Bonne connaissance du travail réel par l’évaluateur du travail69,123,56,90,51000,85***
  Connaissance d’un DUERP(1)66,525,37,70,51000,90*

Le conflit éthique environnemental selon les caractéristiques du travail

Notes : (1) Document unique d’évaluation des risques professionnels.
Les odds ratios sont issus d’un modèle logit expliquant la probabilité de conflit éthique environnemental (« souvent » ou « toujours ») par les caractéristiques sociodémographiques du tableau 1 (+ la taille d’établissement) et les caractéristiques du travail du tableau 3.
*** indique un odds ratio significatif au seuil de 1 % (** et * respectivement 5 et 10 %).
Lecture : 10,9 % des salariés exposés à des produits chimiques déclarent que leur travail a souvent ou toujours des conséquences négatives sur l’environnement.
Champ : actifs occupés France entière.
Source : enquête Conditions de travail 2019, Dares.

33 À l’inverse, la présence d’une représentation syndicale ou d’un CHSCT-CSSCT [20] est associée à un moindre risque de conflit éthique environnemental : c’est surtout la présence syndicale qui joue, l’existence d’un CHSCT-CSSCT (souvent associé à une présence syndicale) n’ayant pas de rôle significatif par lui-même. Cette présence syndicale peut inciter le management à déployer activement des pratiques de prévention des risques sanitaires mais aussi environnementaux (Antonioli, Mazzanti, 2017). Ainsi, les salariés qui indiquent avoir eu connaissance d’un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) établi par la direction sont significativement moins nombreux à estimer que leur travail impacte « toujours » ou « souvent » l’environnement. Une bonne connaissance du travail réel par les managers joue le même rôle (Jounin, 2006) : les salariés en accord avec l’affirmation selon laquelle « les personnes qui évaluent mon travail le connaissent bien » sont moins touchés par le conflit éthique environnemental. En définitive, comme c’est le cas pour les risques sanitaires liés au travail (Coutrot, 2009 ; Walters, Nichols, 2009), une présence syndicale, une prévention des risques de qualité et une bonne connaissance du travail réel par les managers et les préventeurs jouent dans le sens d’une réduction du risque de conflit éthique environnemental.

34 Quel impact le conflit éthique environnemental a-t-il sur la propension des salariés à s’engager dans l’action collective ? Il n’est pas corrélé à l’adhésion à une organisation syndicale ; en revanche, il est associé, à caractéristiques observables similaires, à une probabilité significativement plus élevée (avec un odds ratio de 1,18, tableau 3) d’avoir « participé au cours des douze derniers mois à une discussion autour de problèmes liés à [son] travail avec un représentant du personnel » (délégué du personnel, délégué syndical, membre du CE ou du CHSCT, etc.). C’est un premier résultat intéressant, mais l’apport de données longitudinales et d’une description plus fine des formes d’action collective serait cependant nécessaire pour conclure de façon plus affirmée que les conflits éthiques environnementaux peuvent contribuer à déclencher des actions collectives.

Conflit fonctionnel : plus fréquent en open space

35 Les traits généraux des conflits éthiques environnementaux renvoient bien davantage au type direct qu’au type fonctionnel, car le premier ressort comme étant largement plus fréquent que le second. Dans les treize professions potentiellement les plus concernées par ce dernier [21], qu’est-ce qui caractérise les salariés (5 %) qui signalent un conflit éthique environnemental ? L’analyse statistique limitée à ces professions très qualifiées confirme certains résultats obtenus sur l’ensemble de l’échantillon, notamment la plus forte exposition des hommes, ainsi que les corrélations avec les contraintes émotionnelles, avec d’autres conflits de valeur ou avec une faible autonomie. Le lien avec le sentiment de faire un travail inutile est renforcé par rapport au modèle portant sur l’ensemble des actifs (l’odds ratio passe de 1,20 à 1,66, tableaux 3 et 4).

36 En revanche, le lien avec le manque de coopération entre collègues en cas de difficultés dans le travail n’est plus significatif. À l’inverse, une nouvelle variable apparaît fortement significative : le fait de travailler en open space[22] (tableau 4). Cette variable a été introduite dans l’analyse afin de tester l’hypothèse selon laquelle le fait de travailler en open space favoriserait la communication entre collègues de bureau, au-delà d’une simple entraide dans les tâches, et serait propice à une prise de conscience critique vis-à-vis des finalités ou des effets du travail. De fait, travailler en open space est statistiquement corrélé non seulement avec le conflit éthique environnemental, mais aussi avec une meilleure coopération horizontale et verticale (aide des collègues en cas de difficulté dans le travail), ainsi qu’avec le sentiment de ne pas éprouver la « fierté du travail bien fait » et de ne pas « faire un travail utile aux autres ». Autrement dit, le conflit fonctionnel est plus rare, mais contrairement au conflit direct, il apparaît associé à une vision critique des finalités et de la qualité du travail réalisé, particulièrement dans des configurations de travail en open space. Ce constat de la spécificité des représentations du travail en situation d’open space appelle des investigations complémentaires qui dépassent le cadre de cet article.

Tableau 4

Les professions les plus concernées par le conflit fonctionnel

En %
Mon travail a des conséquences négatives sur l’environnementJamaisParfoisSouvent ou toujoursNon-réponseTotalRapports de chances
Ensemble67,924,27,30,6100
  Ne pas faire quelque chose d’utile62,328,58,80,41001,66***
  Travailler en open space70,023,06,80,21002,10***
Professions à risque de conflit fonctionnel(@) dont :71,523,54,70,3100ns
  Professionnels de la communication(a)66,321,312,20,21001,85**
  Professionnels du spectacle, graphistes(b)53,933,312,801001,96***
  Chercheurs(c)66,426,57,101002,28***
  Ingénieurs et cadres du BTP(d)50,444,94,701003,32***
  Cadres commerciaux et technico-commerciaux(e)66,628,25,201002,06***
  Cadres de l’industrie(f)79,616,73,70100ns
  Cadres des banques et des assurances(g)76,820,22,90,1100ns
  Patrons de PME(h)71,322,85,90100ns

Les professions les plus concernées par le conflit fonctionnel

Notes : (@) (a) FAP 87 = U0Z, sauf les interprètes (FAP 225 = U0Z81) ; (b) FAP 225 = U1Z80 ou U1Z82 ; (c) FAP 87 = N0Z ; (d) FAP 87 = B7Z ; (e) FAP 87 = R4Z ; (f) FAP 87 = H0Z ; (g) FAP 87 = Q2Z ; (h) FAP 225 = L6Z00.
Les odds ratios sont issus d’un modèle logit expliquant la probabilité de conflit éthique environnemental (« souvent » ou « toujours ») par les caractéristiques sociodémographiques du tableau 1 (+ la taille d’établissement) et les caractéristiques du travail du tableau 3.
*** indique un odds ratio significatif au seuil de 1 % (** et * respectivement 5 et 10 %).
Lecture : 8,8 % des salariés estimant ne pas faire quelque chose d’utile dans leur travail déclarent que celui-ci a toujours ou souvent des conséquences négatives sur l’environnement.
Champ : salariés appartenant à treize professions très qualifiées (citées en note 18).
Source : enquête Conditions de travail 2019, Dares.

Un travail insoutenable ?

37 L’association entre les conflits éthiques environnementaux et des conditions de travail délétères est cohérente avec l’hypothèse de la « seconde contradiction ». Les atteintes environnementales réduisent la soutenabilité écologique de la production, mais contribuent-elles aussi à réduire la soutenabilité du travail ? C’est ce qui semble ressortir de la corrélation entre le conflit éthique environnemental et le fait de déclarer « ne pas pouvoir faire le même travail jusqu’à 60 ans » (tableau 5) : 46,6 % des actifs qui vivent un tel conflit jugent leur travail insoutenable, contre 36,7 % de l’ensemble des actifs occupés. Cet écart est significatif toutes choses égales par ailleurs dans une modélisation logistique, et un modèle d’appariement sur le score de propension confirme son ampleur.

38 Cette dernière méthode permet de mieux prendre en compte les possibles inter­actions entre variables explicatives. Dans une première étape, est calculé un score de propension, c’est-à-dire la probabilité de connaître un conflit éthique environnemental, en fonction des variables explicatives pertinentes repérées ci-dessus [23] (tableau 3). Puis on constitue des paires de salariés ayant le même score mais dont l’un signale un conflit éthique environnemental, et l’autre pas. On calcule enfin l’écart entre la soutenabilité du travail des salariés signalant un conflit éthique et celle de leurs « jumeaux » qui n’en signalent pas (tableau 5).

Tableau 5

Conflit éthique environnemental, soutenabilité du travail et santé

En %
Mon travail a des conséquences négatives sur l’environnementJamaisParfoisSouvent outoujoursEnsembleRapports de chancesDifférence causale (méthode d’appariement)
Soutenabilité du travail
  Ne pas pouvoir tenir dans le même travail jusqu’à 60 ans33,941,546,636,71,18***+ 4 points
  Reconversion (devoir changer de métier dans les trois ans)26,931,737,728,81,20***+ 5 points
Santé
  Accident du travail (douze derniers mois)9,314,216,511,0ns
  Symptôme dépressif (Who 5 > = 32)8,79,913,99,6ns
  < 30 ans7,77,711,78,4ns
  30-49 ans9,29,616,69,91,33***+ 3 points
  Seniors (50 ans et plus)9,112,513,010,30,60***– 4 points

Conflit éthique environnemental, soutenabilité du travail et santé

Note : les odds ratios sont issus d’un modèle logit expliquant la probabilité d’un conflit éthique environnemental par les caractéristiques sociodémographiques du tableau 1 (+ la taille d’établissement) et les caractéristiques du travail. Dans ces modèles, les caractéristiques du travail sont décrites par des indicateurs synthétiques (contraintes physiques, intensité, autonomie, soutien social, reconnaissance, intensité émotionnelle, conflits de valeurs, insécurité socio-économique) dont on trouvera la définition et le mode de calcul dans Coutrot (2018).
*** indique un odds ratio significatif au seuil de 1 % (** et * respectivement 5 et 10 %).
Lecture : parmi les actifs pour qui leur travail n’a « jamais » de conséquences négatives sur l’environnement, 33,9 % jugent ne pas pouvoir tenir dans le même travail jusqu’à 60 ans.
Champ : actifs occupés ayant renseigné l’auto-questionnaire.
Source : enquête Conditions de travail 2019, Dares.

39 Si l’écart brut de fréquence du « travail insoutenable » associé au conflit éthique environnemental est de 11 points, une partie de cette différence provient des conditions délétères qui favorisent le conflit éthique environnemental (exposition à des produits toxiques, faible autonomie, etc.). L’écart causé par le conflit éthique en lui-même, après correction par la méthode d’appariement, est encore de 4 points, ce qui est loin d’être négligeable. De même, l’écart brut des probabilités de s’attendre à « changer de métier ou de qualification dans les trois ans à venir » est de 11 points, dont 5 points attribuables au conflit éthique environnemental après correction par la méthode d’appariement. Il faudrait pouvoir vérifier ce résultat sur la mobilité effective mesurée par des données longitudinales, mais il semble pouvoir suggérer une influence importante du conflit éthique environnemental sur les décisions de reconversion.

40 Si le conflit éthique dégrade la soutenabilité du travail, atteint-il la santé des travailleurs ? Du fait des conditions de travail délétères associées au conflit éthique environnemental, les accidents du travail sont près de deux fois plus fréquents dans ce cas : presque 17 % au cours des 12 derniers mois, contre 9 % pour ceux qui disent ne jamais penser que leur travail est nuisible à l’environnement (tableau 5). Ce résultat tient toutefois aux seules expositions, et ne persiste pas une fois celles-ci contrôlées par un modèle économétrique (logit ou appariement).

41 Concernant la santé psychique, on considère qu’un score de bien-être psycho­logique [24] inférieur ou égal à 32 indique un risque élevé de symptôme dépressif (Krieger et al., 2014). L’écart brut de risque dépressif entre les salariés signalant un conflit éthique environnemental et les autres est de 5 points (14 % contre 9 %), mais la méthode d’appariement réduit cet écart à presque rien : ici encore, l’écart apparent s’explique entièrement par les facteurs qui favorisent l’apparition d’un conflit éthique environnemental, et non pas par l’existence de celui-ci.

42 Cependant, ce résultat recouvre des différences surprenantes selon l’âge des répondants (tableau 5). On aurait pu penser que les jeunes seraient plus affectés psychologiquement par ces conflits éthiques, puisqu’ils auront à subir bien plus longtemps que leurs aînés les conséquences de la dégradation environnementale. Or, pour les jeunes (15-29 ans) comme pour l’ensemble de la population, aucun lien significatif n’apparaît entre conflit éthique environnemental et le fait de présenter un symptôme dépressif selon l’échelle Who 5. C’est pour la tranche d’âge intermédiaire, les 30-49 ans, que se révèle un net impact (+ 4 points) du conflit éthique environnemental sur le risque de symptôme dépressif : celui-ci concernerait, en l’absence de ce conflit et au vu des autres risques psychosociaux auxquels ces personnes sont exposées, 13 % d’entre eux au lieu des 16,6 % observés. Encore plus surprenant, le résultat pour les seniors (plus de 50 ans) : ceux qui signalent un conflit éthique environnemental présentent un risque de symptôme dépressif (13 %) faible, vu l’ampleur des autres risques psychosociaux auxquels ils sont exposés : c’est 4 points de moins qu’attendu.

43 En définitive, alors que les conditions de travail associées au conflit éthique environnemental (faible autonomie professionnelle, peur au travail, forte intensité émotionnelle) sont très fortement corrélées au risque de symptôme dépressif, ce dernier n’est guère, en moyenne, davantage expliqué par le sentiment de porter préjudice à son environnement. Il n’y a que pour les 30-49 ans qu’on peut parler de « souffrance éthique environnementale », tandis que les 50 ans et plus semblent au contraire ressentir un plus grand bien-être psychologique quand ils ont le sentiment que leur travail impacte l’environnement. Ce dernier résultat, paradoxal, est difficile à interpréter et devra être confirmé par des travaux ultérieurs.

44 Les conséquences environnementales du travail et les risques psychosociaux qui en découlent pour les travailleurs sont un domaine de recherche émergent, d’une importance stratégique dans le cadre d’analyse ici privilégié : « Puisque la production orientée par le profit et les solutions technologiques ne suffiront pas à la transformation nécessaire, la question est de savoir si les travailleurs et leurs représentants pourraient développer non seulement des résistances suffisantes à une exploitation plus poussée de la terre, mais aussi des perspectives politiques et économiques qui réuniront la protection environnementale, la justice sociale et les droits des travailleurs [25] » (Stevis et al., 2018, p. 442). L’une des sources de ces résistances et de ces politiques ne pourrait-elle pas être la réaction des travailleurs touchés par les conflits éthiques environnementaux ? Notre étude ne permet pas vraiment de l’affirmer, mais donne quelques indices en ce sens. Certes, ces conflits sont encore relativement rares, concernant moins de 10 % des travailleurs ; mais quand ils apparaissent, ils semblent affecter significativement les perspectives de carrière des travailleurs concernés et renforcer leur capacité d’engagement dans l’action collective, quoique de façon limitée et qui demande confirmation par des travaux ultérieurs.

45 Cette analyse a permis de confirmer l’existence de deux types de conflits éthiques environnementaux, le conflit direct et le conflit fonctionnel, et de mettre théoriquement et empiriquement en évidence les divers mécanismes à l’œuvre et les différentes catégories de travailleurs concernées. Les ouvriers, les jeunes, les hommes, les étrangers et les intérimaires sont particulièrement touchés par les conflits directs liés à des conditions de travail insalubres et dangereuses, tandis que les conflits fonctionnels concernent des professions très qualifiées du bâtiment, de la communication, du marketing ou de la vente. Encore peu fréquents en 2019, les conflits fonctionnels pourraient se développer rapidement dans les années à venir, si l’on en croit les sondages d’opinion sur la conscience croissante du désastre environnemental.

46 Les limites de cette étude sont évidentes : fondée sur une enquête consacrée exclusivement au travail professionnel rémunéré, elle n’intègre pas la dimension fondamentale du travail de reproduction, mené principalement par des femmes à l’extérieur du rapport salarial, et autour duquel se nouent la plupart des conflits sociaux liés à l’environnement (Barca, Leonardi, 2018), comme en rend compte le courant écoféministe (Salleh, 1997 ; Mies, Shiva, 1999). Si la dimension de la discrimination raciale apparaît dans notre étude – les conflits éthiques environnementaux sont plus fréquents chez les travailleurs étrangers, souvent exposés à des situations de travail plus dégradées –, la domination de genre n’apparaît pas : dans le travail rémunéré, les femmes sont même moins exposées que les hommes, à la fois aux expositions toxiques et au conflit éthique environnemental. L’étude n’intègre pas non plus les dynamiques communautaires locales qui peuvent émerger et s’affirmer du fait que les travailleurs sont aussi des habitants vivant à proximité des usines. On s’en est tenu ici à un aspect spécifique de l’environnementalisme au travail (labour environmentalism), celui des conflits éthiques éprouvés lors de l’activité de travail rémunérée. Avec toutes ces limites, notre étude contribue cependant à éclairer un pan largement méconnu de la conflictualité sociale en lien avec le travail et l’écologie.

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Date de mise en ligne : 10/07/2023.

Notes

  • [1]
    La première contradiction étant celle qui oppose la création et la réalisation de la valeur (le capital cherchant à réduire le plus possible les salaires dans la production, et se heurtant ensuite à des problèmes de demande solvable dans la réalisation).
  • [2]
    « The way in which nature and labour are intrinsically linked and equally threatened by globalising capital » (notre traduction pour cet extrait et les suivants).
  • [3]
    « initiatives which address members’ interests outside the workplace […], which link workers’ interests as producers and consumers (as, for example, in demands for the improvement of public health care) so as to enable the construction of new types of encompassing and solidaristic alliances ».
  • [4]
    « while they have had significant impacts on energy usage and harmful substances at the workplace, they have not aimed to redefine the labour-nature relationship in terms of environmental and social justice ».
  • [5]
    « Sadly, some UK trade unions have retrenched from previous commitments to climate campaigning, while the TUC has significantly reduced its environmental activity ».
  • [6]
    Il s’agit du « Pacte pour le pouvoir d’agir » (autour de la Confédération française démocratique du travail [CFDT] et du World Wildlife Fund [WWF]) et de « Plus jamais ça » (autour de la Confédération générale du travail [CGT] et de Greenpeace).
  • [7]
    Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
  • [8]
    La loi Blandin de 2013 définit le lanceur d’alerte comme une personne ayant relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives des faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l’environnement dont elle aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
  • [9]
    CnDAspe (2018), Rapport d’activité 2018, Paris, Ministère de la Transition écologique et solidaire, p. 17 [en ligne]. https://www.alerte-sante-environnement-deontologie.fr/IMG/pdf/rapport_activite_cndaspe_2018.pdf, consulté le 6 juin 2023.
  • [10]
    Voir la page « Amazon Employees Share Our Views on Company Business » [en ligne]. https://amazonemployees4climatejustice.medium.com/amazon-employees-share-our-views-on-company-business-f5abcdea849, consultée le 6 juin 2023.
  • [11]
    « converting what was already an exploited labor force into one which was also engaged in useless, uncreative, empty toil, no longer serving to satisfy social needs, but rather squandering both resources and lives ».
  • [12]
    22 321 personnes ont répondu à l’auto-questionnaire. Il comportait des questions sensibles concernant les troubles psychiques ou des situations de harcèlement moral.
  • [13]
    La plupart des résultats présentés ci-dessous demeurent cependant valides si l’on inclut la réponse « parfois » dans la définition du conflit éthique environnemental.
  • [14]
    Les commentaires qui suivent sont qualitativement validés dans une analyse à caractéristiques observables similaires (modèle logit expliquant la probabilité de signaler un conflit éthique environnemental par l’ensemble des variables ici mobilisées). Par souci de concision, on s’abstiendra de le répéter dans le texte. Ainsi, le fait d’être un homme ou un ouvrier est associé à un odds ratio supérieur à 1, tout comme l’exposition à un produit chimique.
  • [15]
    Y compris le métier (appréhendé par la nomenclature des familles professionnelles en 87 postes, FAP 87) et les expositions professionnelles.
  • [16]
    Dans ce sondage, les réponses à la plupart des « questions les plus importantes aujourd’hui pour la France » dépendent peu du sexe des répondants (emploi, inégalités, impôts, immigration, sécurité, etc.), mais certaines sont plus genrées : l’environnement (39 % des femmes, 34 % des hommes), la hausse des prix (38 % des femmes, 31 % des hommes), les déficits publics et la dette de l’État (35 % des hommes, 21 % des femmes).
  • [17]
    Dans l’enquête, la moitié d’entre eux sont originaires d’Afrique.
  • [18]
    Il s’agit des treize professions suivantes (en FAP 87) : A2Z, techniciens et cadres de l’agriculture ; B7Z, cadres du bâtiment et des travaux publics ; H0Z, ingénieurs et cadres techniques de l’industrie ; J6Z, cadres des transports, de la logistique et navigants de l’aviation ; L5Z, cadres des services administratifs, comptables et financiers ; L6Z, dirigeants d’entreprises ; M2Z, ingénieurs de l’informatique ; N0Z, personnels d’études et de recherche ; P3Z, professionnels du droit ; Q2Z, cadres de la banque et des assurances ; R4Z, cadres commerciaux et technico-commerciaux ; U0Z, professionnels de la communication et de l’information ; U1Z, professionnels des arts et des spectacles.
  • [19]
    Réponse 1 à la question : « Les indications données par vos supérieurs hiérarchiques vous disent ce qu’il faut faire. En général, est-ce que 1. ils vous disent aussi comment il faut faire, 2. ils indiquent plutôt l’objectif du travail et vous choisissez vous-même la façon d’y arriver. »
  • [20]
    Par les ordonnances de septembre 2017, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) au sein des comités d’entreprise (CE) ont été remplacés par les commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) au sein des comités sociaux et économiques (CSE).
  • [21]
    Et où seulement certaines professions se détachent vraiment, comme on l’a commenté ci-dessus.
  • [22]
    À la question « Travaillez-vous dans un bureau sans cloison, plateau ouvert (open space) ? », 19 % des salariés répondent « oui », de même que 38 % de ceux appartenant aux professions dites « à risque » de conflit fonctionnel. L’odds ratio associé à l’open space est supérieur à 2 (tableau 4).
  • [23]
    Notamment les variables relatives aux caractéristiques sociodémographiques, à la taille de l’établissement et aux caractéristiques du travail.
  • [24]
    L’enquête utilise le questionnaire « Who 5 » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les questions posées sont les suivantes : Au cours des deux dernières semaines : je me suis senti(e) bien et de bonne humeur ; je me suis senti(e) calme et tranquille ; je me suis senti(e) plein(e) d’énergie et vigoureux(se) ; je me suis réveillé(e) en me sentant frais(che) et dispos(e) ; ma vie quotidienne a été remplie de choses intéressantes. Les modalités de réponse sont : tout le temps, la plupart du temps, la moitié du temps, moins de la moitié du temps, de temps en temps, jamais. Un score de 0 à 100 est calculé à partir de ces réponses, le symptôme dépressif est diagnostiqué en dessous du score de 32.
  • [25]
    « Since profit-oriented production and technological fixes will not lead to the necessary transformation, the question is whether workers and their representatives might be able to develop not only sufficient resistance to further exploitation of the earth, but also political and economic perspectives that will connect environmental protection, social justice, and workers’ rights ».
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