Notes
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[1]
Par rapport à d’autres métiers des transports, le travail dans le transport aérien a également ses contraintes propres – décalage horaire, altitude – qui perturbent l’organisme et pèsent, par exemple, sur la fertilité. La compagnie étudiée a d’ailleurs mis en place des modalités d’aménagement du temps de travail pour les femmes engagées dans un programme de procréation médicalement assistée.
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[2]
« La fonction publique apparaît souvent au premier abord comme un contexte a priori plus égalitaire et propice aux carrières de femmes, en raison des règles qui encadrent le recrutement, les rémunérations et la promotion professionnelle» (Marry et al., 2015, p. 4). Voir également Alber, 2013. Des phénomènes de « plafond de verre » y sont cependant aussi observés (Marry et al., 2017 ; Fremigacci et al., 2016).
-
[3]
Infirmières, pilotes et secouristes de l’air (Ipsa), corps créé en 1934 au sein de la Croix-Rouge française.
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[4]
Les PCB désignent désormais uniquement les étudiants qui font des CDD courts, c’est-à-dire des « jobs d’été » pendant les périodes de pic saisonnier d’activité, notamment en juillet-août. Ils n’ont pas en charge la sécurité des passagers comme les PNC mais seulement d’assurer le service au client et de répondre au mieux à leurs attentes.
-
[5]
Fixée jusqu’en 1955 à 35 ans, la limite est repoussée à 50 ans en 1969 pour les seuls hommes. Elle est progressivement harmonisée jusqu’à être égale aujourd’hui entre les deux sexes.
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[6]
Ces indicateurs sont les suivants : la part des salariés en temps alterné (par modalités détaillées), la part des embauches en CDI, la part des intégrations en CDI de salariés recrutés en CDD, la répartition des motifs de sortie, la prise de congé sabbatique supérieure à six mois, le nombre d’heures annuelles de formation, l’accès aux services de proximité (crèche). La plupart de ces indicateurs complémentaires ne sont pas déclinés par sexe, à l’exception du temps alterné, mais par catégorie de personnel.
-
[7]
Il s’agit d’une modalité de temps partiel propre au secteur aérien. Le travail à temps alterné comporte une succession de périodes d’activité et de périodes d’inactivité sans solde permettant d’assurer, par année civile, respectivement 50 %, 66 %, 75 %, 80 % et 92 % d’un temps plein. Par exemple, un PNC à 75 % travaille par périodes de trois mois d’activité suivis d’un mois d’inactivité sans solde.
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[8]
Les critères de recrutement comme PNC dans la compagnie restent pourtant stables sur toute la période : être âgé de 18 ans ou plus, être titulaire du baccalauréat, avoir la nationalité française ou d’un pays de l’Union européenne, avoir passé avec succès les tests médicaux, savoir nager, parler couramment anglais, avoir un casier judiciaire vierge (Source : accords d’entreprise).
-
[9]
Dans les fichiers du personnel, il s’agit des enfants du salarié ou de son conjoint, que l’enfant soit issu ou non de l’union.
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[10]
La variable « diplôme » n’est pas présente dans la base de données car le diplôme n’est pas déterminant pour l’affectation dans le corps des PNC, où tous les nouveaux entrants commencent comme hôtesses ou stewards dans la même classe. On ne peut donc pas tester statistiquement le lien entre la hausse de l’âge médian à l’embauche et celle du niveau de diplôme des recrutés, mais les entretiens menés suggèrent fortement que les nouveaux recrutés sont plus diplômés que les anciennes générations.
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[11]
Ce type de modèle est particulièrement bien adapté aux données en temps discret comme c’est le cas ici (une observation par année) et permet de modéliser des événements concurrents en mettant en œuvre des régressions multinomiales.
-
[12]
Les données ont été centrées et réduites et le critère d’agrégation utilisé est celui de Ward. Les indicateurs ont été normalisés pour tenir compte des durées de carrière différentes en fonction de l’année d’entrée comme PNC (1998, 1999, 2000, 2001).
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[13]
La commission est composée du directeur des ressources humaines (DRH) PNC et des responsables syndicaux.
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[14]
Le service RH a accepté de fournir les effectifs ventilés entre les deux systèmes de promotion pour la seule année 2015.
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[15]
Les PNC accèdent au vol par un bâtiment spécifique où ils pointent en début et retour de vol.
1 Les inégalités de carrière entre les femmes et les hommes sont de mieux en mieux documentées. Si les mécanismes de ségrégation professionnelle verticale et horizontale limitent les chances de promotion des femmes (Marry, 2004 ; Laufer, 2005 ; Guillaume, Pochic, 2007), le concept d’organisation genrée (Acker, 1990 ; Mills, Tancred, 1992) a récemment permis de souligner le poids des organisations de travail dans la production de ces inégalités (Acker, 1990 ; Angeloff, Laufer, 2007 ; Buscatto, Marry, 2009). Des normes masculines, souvent présentées comme neutres, structurent le rapport au travail des employés, encadrent les carrières et régissent les promotions (Dunezat, 2006). Les métiers du transport apparaissent emblématiques de telles organisations. Incarnés par des groupes professionnels à dominante masculine, tels que les officiers de la marine marchande, les contrôleurs de train ou encore les chauffeurs routiers (Guichard-Claudic , 2006 ; Rodrigues , 2010 ; Bonanno, 2014), ils connaissent une féminisation limitée, étant perçus comme peu compatibles avec les rôles de mère et d’épouse car ils requièrent une « disponibilité biographique » (McAdam, 2012) extensive de la part de leurs salariés.
2 Issu des travaux de sociologie politique sur les mobilisations et l’engagement militant (Siméant, 2001 ; Barrault-Stella, 2014), le terme de « disponibilité biographique » permet d’appréhender la manière dont les situations individuelles structurent l’engagement public dans des contextes institutionnels en transformation (McAdam, 2012). Le terme désigne ainsi au départ « l’absence de contraintes personnelles augmentant les coûts et les risques de participation aux mouvements sociaux, comme un emploi à plein-temps, un mariage ou une famille » (McAdam, 1986, p. 70). Dans cet article, nous proposons d’utiliser cette notion dans une perspective dynamique et constructiviste, pour analyser la manière dont les sphères familiale et professionnelle interagissent, conditionnant le déroulement des carrières et l’avancement professionnel dans le temps long. La disponibilité biographique ne constitue pas, de notre point de vue, un simple indicateur objectif de la quantité de temps disponible une fois déduites les charges familiales et domestiques ; elle n’est pas une donnée substantielle. Au contraire, elle s’avère produite par le contexte institutionnel (ici l’organisation de travail), par les règles formelles qui régissent le déroulement des carrières et par les normes implicites qui contribuent à définir le « bon » rapport au travail – éminemment genrées.
3 Paradoxalement, la sociologie du travail a peu mobilisé cet outil d’analyse malgré l’importance des réflexions relatives à l’engagement professionnel. Les sociologues féministes qui se sont intéressées à l’articulation de la « vie en deux » des femmes mères et salariées ont souligné les effets de ce rapport spécifique au temps sur la charge mentale et la souffrance psychique ; elles ont moins analysé ses effets sur le déroulement des carrières professionnelles (Haicault, 1984). La notion de « disponibilité temporelle au travail » (Bouffartigue, 2012), qui se rapproche le plus de celle de disponibilité biographique, vise quant à elle à analyser les formes de subordination du temps humain au temps professionnel dans une perspective sociohistorique et critique (Thompson, 2004). Si la durée, la flexibilité et la prévisibilité des temps de travail – produites par les structures productives et le cadre législatif – conditionnent l’offre de travail des salariés (leur « disponibilité temporelle au travail »), cette dernière prend des formes variées selon la place dans la division du travail. L’appréhension des différences sexuées reste toutefois sommaire, comme l’illustre cette remarque de Paul Bouffartigue (2012, p. 9) : « Les travailleurs flexibles mais autonomes sont principalement des hommes, hautement qualifiés ; les salariées flexibles hétéronomes sont pour l’essentiel des femmes des milieux populaires […] et des travailleuses immigrées. »
4 Des travaux empiriques ont précisément cherché à objectiver la disponibilité temporelle au travail des femmes et des hommes. Si celle des femmes apparaît plus réduite que celle des hommes en début de carrière – notamment du fait des charges familiales – elle prend également des formes différentes (horaires fractionnés vs longue durée et travail nocturne) et souffre d’une moindre reconnaissance de la part des employeurs en termes de rémunération (Devetter, 2006). François-Xavier Devetter note toutefois la difficulté à mesurer les effets de long terme de la disponibilité temporelle au travail sur le déroulement des carrières en raison de l’absence de données longitudinales sur les temps de travail. C’est précisément ce que nous permettent de faire les fichiers du personnel adossés à un corpus d’entretiens (encadré 1), en comparant les carrières de femmes et d’hommes d’un même groupe professionnel, soumis à des régimes horaires semblables.
L’enquête et ses matériaux
La monographie d’une grande compagnie aérienne française a permis de collecter deux types de matériaux entre 2014 et 2016, sur lesquels s’appuie cet article :
(1) Les fichiers du personnel navigant commercial, mis à disposition par une convention de recherche, recensent l’ensemble des PNC en exercice dans la compagnie entre 1998 et 2015 (après recodages et sélection de l’échantillon : près de 25 000 personnes présentes au moins un an entre 1998 et 2015, dont environ 14 000 entrées dans la compagnie sur cette période). Construite à partir de l’extraction, du nettoyage et du recodage de ces fichiers, la base PNC a permis d’étudier le déroulement des carrières professionnelles au sein de la compagnie, dans un périmètre institutionnel relativement stable (après intégration d’une autre compagnie notamment). Les variables disponibles sont, d’une part, les variables sociodémographiques – sexe, âge, nombre et date de naissance des enfants – et, d’autre part, les variables relatives à la carrière dans l’entreprise – grade, secteur géographique d’affectation (long ou moyen-courrier), type de contrat (temps plein ou partiel) et quotité horaire de travail, date et motif de fin de contrat, âge à l’entrée et type d’entrée. Produits à des fins de gestion du personnel, les fichiers ne comportent aucune information relative à la situation professionnelle et personnelle du salarié antérieure à son entrée dans l’entreprise comme le niveau de diplôme, l’origine sociale ou l’expérience professionnelle.
Il existe plusieurs modes d’entrée dans le corps des PNC : les titulaires du certificat délivré par l’aviation civile intègrent directement la compagnie en contrat à durée indéterminée (CDI). D’autres sont entrés en contrat de qualification ou plus récemment en alternance, c’est-à-dire en contrat à durée déterminée (CDD), et ont été titularisés une fois le certificat obtenu (après généralement un seul CDD). Ils se distinguent d’autres entrés en CDD, les PCB (personnels complémentaires de bord), des étudiants embauchés pour aider les PNC dans les avions lors des pics d’activité, notamment l’été. Ces derniers enchaînent souvent plusieurs CDD (en moyenne 2,8, un quart d’entre eux en ont même connu plus de cinq) sur une ou plusieurs années mais n’intègrent que très rarement ensuite la compagnie. Sur les personnes présentes à un moment donné comme PNC dans la compagnie entre 1998 et 2015, 16 % (environ 4 000) n’ont connu que ce type de CDD : ils ont été supprimés du champ. Le champ considéré est donc d’environ 21 000 PNC dont on connaît toute la carrière entre 1998 et 2015. Les différentes variables sont extraites de fichiers administratifs distincts qui peuvent avoir des degrés de couverture différents. L’appariement avec la table qui décrit les affectations réseau (moyen ou long-courrier) réduit légèrement le nombre d’individus ; tous ceux « éliminés » étant entrés dans la compagnie avant 1998. L’appariement avec la table décrivant le temps de travail réduit encore le champ à environ 16 000 individus. Là encore, la majorité des « éliminés » sont des PNC relativement anciens : 91 % sont entrés dans la compagnie avant 1998 et 38 % avec le grade « reprise », c’est-à-dire qu’ils venaient d’une autre compagnie. Pour éviter ces problèmes de couverture et étudier le devenir d’une cohorte de PNC recrutés dans des conditions similaires, nous sélectionnons les PNC entrés dans la compagnie entre 1998 et 2001 (environ 5 000 PNC), dont on observe donc au maximum 18 années de carrière (jusqu’en 2015).
(2) L’analyse des carrières s’est également appuyée sur la collecte de matériaux qualitatifs permettant d’inscrire les carrières dans leur contexte social, familial et institutionnel. Trente entretiens biographiques approfondis ont ainsi été réalisés avec des PNC en CDI de cette compagnie, femmes et hommes, d’âges et de statuts familiaux variés (tableau ci-dessous). La moitié d’entre eux sont hôtesses ou stewards, les autres étant chefs de cabine (CC) ou chefs de cabine principaux (CCP). Ces entretiens visaient à reconstituer les modes d’entrée dans le métier et les représentations associées, en les inscrivant dans une histoire biographique plus longue. Ils cherchaient en outre à mettre au jour le système de ressources sociales et familiales sur lequel les individus peuvent s’appuyer pour « faire carrière », ou qui pèse sur leur parcours (origine sociale, diplôme et profession antérieure, statut professionnel du conjoint éventuel, etc.). Les archives institutionnelles (accords collectifs du PNC depuis 1997, bilans sociaux annuels, rapports de situation comparée et accords triennaux relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes) et les entretiens menés avec des représentants du personnel et de la direction ont enfin permis de questionner les écarts entre les règles régissant l’avancement et les pratiques de sélection opérées par les cadres de proximité (en vol), les cadres de secteur chargés de l’instruction des dossiers (au sol) et les commissions paritaires chargées des promotions.
Caractéristiques sociodémographiques du corpus d’entretiens PNC
Caractéristiques sociodémographiques du corpus d’entretiens PNC
6 L’analyse comparée des carrières des hôtesses et stewards dans le transport aérien, qui repose sur une approche relationnelle du genre dans les sphères professionnelle et familiale, est intéressante à plusieurs points de vue. Les hôtesses de l’air représentent deux tiers des effectifs des personnels navigants commerciaux (PNC) ; elles exercent un métier classé dans la catégorie des employés dans la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS), qui repose sur des compétences féminines naturalisées : accueil des passagers à bord des avions, service des repas et des collations, soins et premiers secours, mais aussi empathie diffuse à l’égard des clients (Hochschild, 2017 [1983]). Dans le même temps, les conditions de travail des PNC sont caractérisées par des déplacements géographiques de grande ampleur impliquant un éloignement chronique du domicile (les « découchés ») et par une désynchronisation des rythmes sociaux ordinaires liée aux changements de fuseaux horaires, aux vols de nuit, à la saisonnalité de l’activité ainsi qu’à l’irrégularité des plannings [1]. Dans la compagnie étudiée, les horaires de travail, soumis aux Codes des transports et de l’aviation civile, sont ainsi définis par des accords collectifs négociés tous les trois ans. Les hôtesses et stewards sont « immobilisés » douze jours par mois (pour un contrat à temps plein) et volent par cycle de un à six jours consécutifs selon le secteur géographique (court, moyen ou long-courrier). La durée maximale de travail est fixée à 92 heures mensuelles, mais les plannings d’activité des PNC varient d’un mois à l’autre en fonction des besoins de la compagnie.
7 Dès lors, les femmes exercent-elles cette profession de la même manière, pour la même durée, et avec les mêmes chances de promotion que les hommes ? Ces derniers bénéficient-ils, comme dans d’autres métiers tertiaires fortement féminisés, d’un avantage lié aux facteurs organisationnels, parfois appelé « escalator de verre » (Williams, 1992 ; Angelof, Arborio, 2002 ; Guichard-Claudic et al. 2008 ; Buscatto, Fusulier, 2013 ; Louey, Schütz, 2014) ? Et comment les différences de chances de mobilité entre femmes et hommes évoluent-elles en lien avec les modifications de la politique de ressources humaines de l’entreprise ? En effet, les PNC étudiés travaillent dans un contexte d’entreprise « semi-bureaucratique » (Pochic et al., 2011), où les carrières sont organisées autour de l’avancement à l’ancienneté caractéristique de la fonction publique (avancement par grade et échelon en fonction de la date d’entrée dans l’entreprise), souvent présenté comme moins discriminant pour les femmes [2]. Néanmoins, la privatisation de la compagnie aérienne en 2003 s’est accompagnée de l’introduction de modes de gestion plus individualisés de la main-d’œuvre avec un système de promotion au choix (25 % des promotions annuelles en 1997, puis 50 % à partir de 2003, sont décidées sur proposition des cadres de secteur et des syndicats, après avis de la commission paritaire). Ces changements dans les règles de promotion ont eu lieu en même temps que la signature d’accords sur l’égalité professionnelle. Dans ce contexte, assiste-t-on ou non à une réduction des inégalités de carrières entre femmes et hommes ?
Hôtesses et stewards, l’uniformisation inachevée des carrières
8 Les conditions d’emploi et de travail des hôtesses et stewards, très différenciées à l’origine, ont été peu à peu harmonisées. Depuis le début des années 2000, une politique d’égalité professionnelle entre femmes et hommes a aussi été mise en place, dans un contexte économique qui s’est fortement dégradé.
Des hôtesses et stewards aux personnels navigants commerciaux
9 L’aviation commerciale, qui se développe en France dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, voit embarquer à bord des avions deux types de personnels aux statuts, aux compétences et aux rémunérations distinctes : les stewards, ou anciens barmen des compagnies de navigation transatlantique, sont chargés de préparer les repas selon la tradition hôtelière itinérante ; les hôtesses de l’air, dont le statut est créé en 1946, sont majoritairement recrutées parmi les anciennes Ipsa [3]. Ces dernières sont issues des classes moyennes et supérieures, ce dont témoignent à l’époque leurs compétences médicales et leur maîtrise de l’anglais. Elles veillent à la sécurité et au bien-être des passagers, prodiguant les premiers secours à bord des avions.
« Durant cette première période, qui durera jusqu’à l’institutionnalisation du métier de PNC en 1954, les deux figures du steward de la Transatlantique et de l’Ipsa cohabitent dans l’avion. Chacune a son rôle défini, voire même son territoire à certains moments : ainsi au début, le steward n’a pas de contact avec le passager et ne fait que préparer les prestations. »
(Barnier, 1997, p. 22)
11 C’est en 1954 que les métiers d’hôtesse et de steward fusionnent au sein d’un métier commun, celui de personnel navigant commercial, remplaçant l’ancienne appellation de personnel complémentaire de bord (PCB) [4]. Le premier stage de formation commun aux hôtesses et stewards se déroule la même année. La présence des PNC à bord des avions devient dès lors réglementaire et est encadrée par la loi : elle est conditionnée par l’obtention du certificat de sécurité sauvetage (CSS) délivré par la Direction générale de l’aviation civile (arrêté du 24 mai 1955). Dans le même temps, les salaires et les classifications des hôtesses et stewards sont uniformisés au sein d’une même grille.
12 Pour autant, l’institutionnalisation du métier de PNC et l’uniformisation des statuts n’entraînent qu’une homogénéisation partielle des carrières entre les femmes et les hommes. Comme le note un rapport de recherche du ministère des Transports en 1982, « le métier d’hôtesse n’a jamais été considéré comme une “vraie profession” mais plutôt comme un emploi, c’est-à-dire une activité rémunératrice limitée dans le temps et sans perspective de carrière, suivant les arguments commerciaux des compagnies » (Florence-Alexandre , Ribeill, 1982). En particulier, jusqu’en 1959, il est obligatoire de reclasser les hôtesses de l’air dans un emploi au sol après huit années d’activité, celles qui se marient sont tenues de démissionner jusqu’en 1963 (Barnier, 1997). Il existe également une limite d’âge différente entre hôtesses et stewards [5].
13 Aujourd’hui, les termes d’hôtesse et de steward, qui renvoient à des rôles historiquement séparés et sexués, sont encore en vigueur dans les accords collectifs du PNC qui régissent les conditions de travail et de rémunération bien que les fonctions des unes et des autres soient totalement identiques. Par définition, « l’hôtesse et le steward sont chargés d’assurer à bord la sécurité en cabine ainsi que le service au passager » (accord collectif du PNC 1997). Ils sont soumis aux mêmes règles de recrutement, de rémunération et d’avancement, constituant le premier grade du corps des PNC, avant ceux de chef de cabine (CC) et de chef de cabine principal (CCP) (encadré 2). Seules les questions liées à la maternité et aux congés afférents contribuent à différencier les hôtesses et stewards dans les accords d’entreprise relatifs aux PNC.
La carrière du PNC
Les règles d’évolution de carrière varient d’une compagnie aérienne à l’autre. Toutefois, la hiérarchie reste la même, avec le passage du grade d’hôtesse et steward à celui de chef de cabine (CC) et, enfin, de chef de cabine principal (CCP) sur long-courrier. Les CC et CCP ont des statuts d’agents de maîtrise (ils assurent la répartition du travail des salariés placés sous leur autorité en cabine et leur encadrement), tandis que les hôtesses de l’air et stewards sont classés dans la catégorie des employés administratifs d’entreprise dans la nomenclature des PCS. L’ensemble des hôtesses et stewards, CC, CCP sont encadrés au sol par des cadres PNC, eux-mêmes d’anciens PNC.
Deux types de principes régissent l’organisation des carrières PNC dans la compagnie étudiée : l’avancement et la promotion. Les hôtesses et stewards, recrutés au niveau baccalauréat (minimum) avec un certificat de membre d’équipage de cabine (Cabine Crew Attestation ou CCA), sont d’abord placés en classe d’adaptation pendant une durée de dix-huit mois, avant d’entrer dans la quatrième classe du grade des hôtesses et stewards. Chaque année, au 1er janvier, l’ancienneté est prise en compte pour l’avancement dans la classe immédiatement supérieure, selon des règles définies dans la convention d’entreprise PNC. Sur proposition de sa hiérarchie, un PNC peut aussi bénéficier d’une majoration fictive de douze mois de son ancienneté dans la classe.
Au bout de quatre ans d’ancienneté en tant que PNC dans l’entreprise, l’hôtesse ou le steward peut prétendre à changer de grade pour passer CC. La promotion à l’emploi de chef de cabine ou chef de cabine principal – c’est-à-dire le passage au grade immédiatement supérieur – peut alors s’effectuer de deux manières. Le PNC peut être proposé à la sélection par son supérieur hiérarchique ou faire acte de candidature. Le CC ou CCP ayant réussi la sélection est alors mis en ligne sur un secteur de vol en fonction des besoins de la compagnie. S’il n’a pas satisfait à la période probatoire, il reprend son emploi d’hôtesse ou de steward dans sa division de vol d’appartenance. La programmation des campagnes de sélection dépend de la politique de ressources humaines de l’entreprise. Les règles d’avancement présentées ici sont issues du dernier accord collectif du PNC ; elles ont toutefois évolué au cours de l’histoire de la compagnie.
Évolutions de la politique de ressources humaines de l’entreprise : arrêt progressif des recrutements et mesures d’égalité professionnelle
14 La compagnie étudiée a connu un certain nombre de changements dans sa politique de ressources humaines (RH) sur la période, en lien avec l’évolution générale de l’économie du secteur de l’aérien et avec les changements législatifs obligeant les grandes entreprises à négocier sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La période est ainsi caractérisée par un contexte d’embauches importantes, notamment à la fin des années 1990-début des années 2000, avant que le secteur n’entre en crise en 2009. C’est ce que fait ressortir l’analyse des flux et motifs d’entrée et de sortie du corps des PNC entre 1998 et 2015 : de 1998 à 2001, les entrées de PNC titulaires ou titularisés sont en moyenne cinq fois supérieures aux sorties. Le nombre d’hôtesses et de stewards croît fortement. Puis, de 2002 à 2008, les entrées diminuent mais restent supérieures aux sorties qui pourtant augmentent. Le stock de PNC continue de croître mais plus faiblement. En 2009, les entrées et sorties de titulaires s’équilibrent à peu près et depuis, les sorties ont toujours été plus nombreuses que les entrées, avec même plusieurs années d’arrêt total des recrutements de titulaires (de 2012 à 2015). Les rares entrées sur la période sont uniquement des emplois saisonniers (PCB). Les motifs de sortie de la compagnie évoluent également, avec une part importante des motifs de retraite de 2002 à 2012 (les départs en retraite représentent alors entre la moitié et les trois quarts, selon les dates, des motifs de sortie hors fins de CDD) et l’apparition des plans de départs volontaires (PDV) en fin de période (deux tiers des motifs de sortie entre 2013 et 2015). Ces changements sont le reflet des évolutions du secteur aérien français : longtemps florissante, cette activité a connu un net ralentissement à partir du milieu des années 2000 avec l’arrivée des compagnies low cost sur le secteur du moyen-courrier (Europe) et des compagnies du Golfe sur le secteur du long-courrier. Le secteur de l’aérien, et particulièrement la compagnie étudiée, ont donc connu un changement de situation économique d’ampleur, dont les effets sur les carrières des navigants sont importants, comme nous le verrons.
15 La période se caractérise également par le développement d’une politique relative à l’égalité entre les sexes. En effet, à partir des années 2000, dans la compagnie aérienne étudiée comme dans la plupart des grandes entreprises françaises, la prise en compte de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes devient réglementaire, constituant une obligation juridique. Elle est mise en œuvre dans des accords d’entreprise ou dans des documents ad hoc rédigés par les services de gestion du personnel. Soumise à l’obligation faite aux entreprises de 50 salariés et plus de publier un rapport de situation comparée (RSC), la compagnie aérienne a intensifié la production de textes (chartes de bonnes pratiques, accords, plans d’action) relatifs à l’égalité professionnelle, notant que « la publication du rapport annuel sur la situation comparée des femmes et des hommes (RSC) s’inscrit dans un cadre plus large d’une politique visant à promouvoir l’égalité professionnelle » (RSC 2014 PNC, p. 3). Concrètement, la mise en œuvre de cette politique est passée par la signature de trois accords triennaux entre 2002 et 2014, par la mise en place d’un plan d’action pour 2014-2015 ainsi que par la prise en compte de cette thématique dans les accords salariaux depuis 2008. Deux indicateurs statistiques sont principalement suivis : les écarts de rémunération femmes-hommes à grade égal (mesurés par le revenu brut fiscal annuel des PNC, des CC, des CCP et des cadres) et les effectifs de femmes et d’hommes promus annuellement aux différents postes d’encadrement. À ces indicateurs légaux, fixés par décret, s’ajoute une série d’indicateurs inscrits sur proposition de la commission Égalité professionnelle de l’entreprise [6].
16 Les RSC soulignent dans l’ensemble le « faible écart de rémunération » entre hôtesses et stewards, de l’ordre de « 162 euros bruts par mois en 2014 », même si ces écarts se creusent avec l’avancée dans les fonctions d’encadrement. Ils sont alors expliqués par les différences de temps de vol effectif, les femmes recourant plus fréquemment au temps alterné [7] et perdant donc automatiquement une part importante de leur salaire, liée aux primes de vol et aux indemnités journalières perçues en rotation. En outre, les rapports mettent en avant le nombre égal de femmes et d’hommes promus annuellement aux différents grades comme le signe d’une progression des normes et pratiques de l’égalité professionnelle au sein de l’entreprise. Néanmoins, la finalisation de l’accord triennal 2011-2013 a achoppé sur l’intégration des indicateurs relatifs de promotion demandés par le principal syndicat de navigants, rapportant les effectifs de femmes et d’hommes promus chaque année au nombre de personnes de chaque sexe éligible à la promotion en poste à l’échelon inférieur.
17 Ces indicateurs relatifs, quoique centraux, donnent une vision tronquée des carrières. Pour analyser les différences entre les carrières des femmes et celles des hommes, il est nécessaire d’analyser l’ensemble de leur déroulement : les entrées, les progressions et les sorties. Les évolutions du contexte RH de l’entreprise ont-elles conduit à un rapprochement des situations des femmes et des hommes aux différentes étapes de leurs carrières ?
Un rapprochement apparent des carrières des PNC femmes et hommes
18 De premiers éléments – tirés de statistiques en coupes répétées sur les fichiers du personnel et des entretiens – laissent entrevoir un rapprochement des carrières des femmes et des hommes.
Baisse de la part des femmes, recul de l’âge à l’entrée dans la carrière et convergence des motifs de sortie
19 Sur la période étudiée, les conditions d’entrée dans la carrière des hôtesses et stewards telles qu’elles apparaissent dans les fichiers du personnel tendent à se rapprocher. Ainsi, les femmes représentent 67 % des effectifs de PNC sur la période 1998-2015, mais leur part dans les flux d’entrants, supérieure ou égale à 67 % entre 1998 et 2000, diminue ensuite pour se situer autour de 58-60 % en 2007-2008, un niveau historiquement bas (figure 1). Dans le même temps, les âges médians en début de carrière augmentent et se rapprochent, avec une hausse un peu plus marquée pour les femmes (de 24 ans en 1998 à 27-28 ans en 2005-2008 et même 29 ans en fin de période) que pour les hommes (de 26 ans à 28-29 ans puis, comme pour les femmes, 29 ans en fin de période) [8]. Enfin, la composition familiale à l’entrée dans la carrière diffère peu entre les femmes et les hommes, une très grande majorité n’ayant que peu ou pas d’enfants [9] au moment de prendre leur premier poste : c’est par exemple le cas de 98 % des hommes et de 99 % des femmes parmi les PNC entrés dans la compagnie en 1999.
Figure 1 : Flux d’entrées de femmes et d’hommes comme PNC, 1998-2011
Figure 1 : Flux d’entrées de femmes et d’hommes comme PNC, 1998-2011
Lecture : en 2001, environ 500 hommes et 900 femmes sont entrés comme PNC titulaires ou en CDD et plus tard titularisés.Champ : premières entrées comme PNC titulaires ou CDD ensuite titularisés entre 1998 et 2011.
Source : fichiers du personnel de l’entreprise (calculs des auteures).
21 Les modèles d’entrée dans la carrière de PNC, historiquement différenciés entre femmes et hommes, évoluent donc dans le temps et paraissent se rapprocher, dans un contexte économique de crise qui a pu pousser de nouveaux profils masculins vers cette profession. En effet, l’augmentation de l’âge médian à l’entrée dans la carrière laisse supposer une évolution des profils de recrutement dans le temps vers une hausse des niveaux de diplôme [10] ou de l’expérience professionnelle préalable. Alors que seul le baccalauréat est requis pour un recrutement en tant que PNC, les entretiens menés auprès des stewards révèlent l’importance des diplômes de l’enseignement supérieur (maîtrise de droit, master de sociologie, petites écoles de commerce, BTS tourisme, etc.). En outre, les entretiens avec les gestionnaires RH montrent qu’au gré de la raréfaction des recrutements, la compagnie a cherché à recruter des PNC ayant déjà une certaine expérience sur le marché du travail et/ou issus de formations de niveau bac + 2 (notamment des BTS tourisme). Les difficultés d’insertion sur le marché du travail allant croissant, ce métier a pu attirer des diplômés pour ses conditions d’emploi et de rémunération qui sont souvent prépondérantes dans la présentation du choix professionnel chez les hommes enquêtés, avant même l’attrait de l’aéronautique ou le goût du voyage. C’est ce que rapporte Stéphane :
« J’ai toujours voulu travailler chez X. Ça reste en France, quand même, une référence en matière de conditions d’emploi, de rémunération, de tous les à-côtés qu’il peut y avoir, de CV, etc. Socialement, ça reste quand même une chouette boîte. »
(Stéphane, 41 ans, CC, maîtrise de droit, sans enfant)
23 En comparaison, les femmes interrogées présentent le choix du métier d’hôtesse, sinon sur un mode vocationnel (relativement rare), du moins sous la forme d’une certaine évidence, dans la « suite logique » d’études tournées vers le tourisme et/ou les métiers de service (licence en langues étrangères appliquées [LEA], brevet de technicien supérieur [BTS] tourisme, BTS secrétariat trilingue, licence de psychologie), centrées sur la relation avec les clients (soins aux passagers) et la présentation de soi (port de l’uniforme, formations aux soins corporels, etc.). La possibilité de voyager est aussi parfois présentée comme émancipatrice vis-à-vis de l’autorité parentale et de la norme familiale qui pèse sur elles (se mettre en couple, faire des enfants). L’entrée dans le métier s’est souvent déroulée par étapes successives, d’abord comme hôtesse saisonnière ou contractuelle dans des compagnies de second rang (charter, etc.), comme dans le cas de Noémie, fille d’une institutrice et d’un postier, qui a commencé à voler alors qu’elle était en faculté d’anglais :
« À l’époque, je sortais d’internat, j’étais pas très sérieuse. J’ai fait la fête. Les TD [travaux dirigés] et tout, c’était… j’y étais, j’étais présente, mais j’ai lâché prise quoi. Et quand je suis arrivée en fac, j’ai découvert comment on apprenait à voler en fait ! Je le regrette, parce que j’aurais pu valider une licence. Mais bon, j’ai un boulot qui me correspond complètement, rencontrer des gens, discuter… »
(Noémie, 38 ans, CC, licence langues, civilisations et littératures étrangères)
25 Dans ce cas, les entretiens menés auprès des hôtesses révèlent souvent une projection temporelle limitée dans la carrière ; le travail d’hôtesse de l’air se présente ainsi comme occupation qui devient progressivement profession :
« J’avais très peu voyagé petite, et ça me faisait rêver. C’est vrai qu’au début, on se dit qu’on va faire ça quelque temps et en fait voilà, les avantages, le mode de vie, le niveau de vie aussi font que, ben, on reste rarement un ou deux ans. »
(Sylvie, 43 ans, CC, BTS technique de commercialisation
et diplôme d’études universitaires générales [Deug] de droit)
« Moi, j’avais toujours vécu comme un métier d’une époque [sic], d’un moment. Je suis rentrée à X, je savais que je n’aurais pas fait toute ma carrière là-dedans, c’est un métier de mes 20-30 ans, je ne voulais pas aller jusqu’à la retraite. »
(Maïté, 45 ans, hôtesse, master en littérature anglaise)
28 Reconstituées ex post par les entretiens biographiques, les représentations associées à la carrière de PNC révèlent ainsi une certaine différence entre les hommes et les femmes. Là où les premiers envisagent d’emblée le métier de PNC dans la durée, les secondes ne semblent pas faire de projection de long terme, ou alors pour anticiper un ajustement en milieu de carrière avec l’arrivée du premier enfant, qui intervient en moyenne plus tardivement que dans le reste de la population française. Les propos de ces hôtesses tranchent ainsi avec ceux de David, fils d’un mécanicien dans l’aéronautique :
« Alors j’ai choisi d’entrer à X, pourquoi ? Parce que X, on est sur les rails jusqu’à la retraite ! »
(David, 48 ans, steward, BTS aménagement du territoire)
30 Ces projections temporelles différenciées sont visibles dans la répartition des motifs de sortie et la distribution des âges à la sortie entre hommes et femmes (figure A1 en annexe) : sur la période 1998-2015, les hommes sortent en moyenne trois ans plus tard que les femmes (50 ans contre 47 ans), plus souvent pour motif de retraite ou lors d’un plan de départs volontaires (qui s’adresse aux salariés en fin de carrière) tandis que les femmes sont surreprésentées dans les démissions, qui sont peu fréquentes (18 % des motifs pour les hôtesses sorties entre 1998 et 2015) mais interviennent assez tôt dans la carrière (34 ans en moyenne pour les femmes). Les hôtesses partent également en moyenne plus jeunes à la retraite que les stewards. Les reclassements au sol sont très rares (moins d’un pourcent des motifs de sortie) – ils correspondent à des situations où le PNC perd sa licence de vol. Ces différences dans la distribution des motifs de sortie entre femmes et hommes, importantes en début de période, se sont réduites : en 1998, 73 % des hôtesses sorties de la compagnie sont parties à la suite d’une démission contre 57 % des stewards ; en 2008, le premier motif de sortie pour les deux sexes est le départ en retraite (68 % des motifs de sortie des hôtesses et 76 % de ceux des stewards) même si les femmes restent surreprésentées dans les démissions (16 % de leurs motifs de sortie contre 10 % pour les hommes). En 2015, cette surreprésentation des femmes dans les démissions ne s’observe plus et ce motif est devenu quasi inexistant (1 % des sorties des hommes comme des femmes) ; cette année-là, pour les deux sexes, environ 90 % des sorties ont eu lieu par le biais d’un plan de départs volontaires.
Une progression de la part des femmes aux postes d’encadrement et du temps partiel pour les deux sexes
31 Les modes d’entrée et de sortie de la carrière des hôtesses et des stewards paraissent donc s’être rapprochés sur la période 1998-2015. Qu’en est-il de leurs conditions de travail et de leur accès aux postes d’encadrement ?
32 Le tableau 1 décrit la répartition hommes/femmes aux différents grades de la carrière, du plus bas (hôtesses/stewards) au plus élevé (cadres au sol), en considérant le stock de PNC à différentes dates. Si les femmes sont majoritaires aux échelons inférieurs, leur part diminue au fur et à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie. Leur part aux grades élevés a néanmoins augmenté récemment pour se stabiliser autour de 64 % dans les fonctions de chef de cabine (CC) et de 60 % dans celles de chef de cabine principal (CCP). Si les femmes apparaissent encore légèrement sous-représentées dans les postes d’encadrement, le plafond de verre semble s’être érodé dès le début des années 2000 pour l’accès au grade de CC et plus récemment pour l’accès à celui de CCP.
Tableau 1 : Répartition du stock de PNC selon le sexe et le poste
Tableau 1 : Répartition du stock de PNC selon le sexe et le poste
Lecture : en 1998, 71 % des PNC (hôtesses et stewards) sont des femmes, elles sont 59 % chez les CC, 46 % parmi les CCP et les cadres.Champ : stocks de PNC y compris ceux en CDD (puis titularisés) ou en grade « reprise » 1998, 2002, 2008, 2015.
Source : fichiers du personnel de l’entreprise (calculs des auteures).
34 Concernant les conditions de travail, la répartition des hommes et des femmes entre moyen et long-courrier laisse apparaître une légère surreprésentation des femmes sur moyen-courrier : l’écart entre hommes et femmes est statistiquement significatif mais faible et ne s’accroît pas (tableau 2). Les femmes sont plus nettement surreprésentées dans le temps partiel, notamment dans les quotités horaires les plus faibles (50 %, 66 % et 75 %). Le temps partiel augmente sur la période pour les deux sexes, mais plus nettement pour les femmes, surtout pour les quotités « longues » (83 %, 92 %), en lien avec les incitations faites aux salariés par la compagnie, notamment au travers du dispositif de « temps alterné » pour gérer le sureffectif lié au recul de l’activité sur court et moyen-courrier.
Tableau 2 : Répartition du stock de PNC selon les caractéristiques du poste de travail
Tableau 2 : Répartition du stock de PNC selon les caractéristiques du poste de travail
Lecture : en 1998, 36 % des femmes PNC sont sur moyen-courrier contre 29 % des hommes et 34 % de l’ensemble des PNC. 71 % des femmes travaillent à temps plein contre 88 % des hommes.Champ : stocks de PNC titulaires ou titularisés 1998, 2002, 2008, 2015.
Source : fichiers du personnel de l’entreprise (calculs des auteures).
36 En somme, les données en coupes répétées laissent entrevoir un certain rapprochement des carrières des femmes et des hommes et notamment un effritement du plafond de verre pour les générations recrutées avant les années 2000 et même sans doute avant les années 1990. On a vu que les femmes étaient très majoritaires dans les embauches à cette époque. Une part d’entre elles accède mécaniquement aux postes d’encadrement compte tenu des règles de promotion à l’ancienneté. Pour autant, des écarts de chances de promotion semblent persister entre hommes et femmes, ces dernières restant sous-représentées dans les postes d’encadrement, même en 2015. Il convient d’expliquer cette persistance en observant à quel moment de la carrière se nouent ces inégalités par la comparaison de cohortes de femmes et d’hommes entrés au même moment dans la compagnie. En outre, le rapprochement des conditions de recrutement entre femmes et hommes sur la période récente, dans un contexte de promotion de l’égalité professionnelle, conduit à s’interroger sur l’évolution des chances de promotion selon le sexe pour les PNC plus récemment recrutés (à la fin des années 1990-début des années 2000).
Des modèles de carrière qui restent sexués avec de moindres chances de promotion pour les femmes
37 L’analyse comparée des carrières d’une cohorte d’hôtesses et de stewards recrutés au tournant des années 2000 montre que les chances de promotion des hommes demeurent supérieures à celles des femmes, notamment pour ceux sans enfant. Les écarts de chances de promotion selon le sexe ne sont pas uniquement liés à un rapport différent à la fécondité des hôtesses et des stewards, ils s’enracinent dans des modèles de carrières sexués, avec une surreprésentation des femmes dans les carrières à temps partiel pour motif familial.
Un escalator de verre pour les hommes sans enfant ?
38 Pour comparer et analyser le déroulement des carrières au sein d’une cohorte de PNC récemment recrutés, nous avons sélectionné ceux entrés dans la compagnie entre 1998 et 2001, dont nous avons donc observé au maximum les dix-huit premières années de carrière (jusqu’en 2015). Cette cohorte est entrée dans la compagnie à un moment de forte croissance des effectifs. Les deux tiers (66 %) des entrants de cette cohorte sont des femmes et ont commencé leur carrière en CDD (tableau 3). Un pourcentage similaire et faible (7 % environ) de femmes et d’hommes de la cohorte est sorti de la compagnie avant 2015. Si 98 % des stewards et 99 % des hôtesses de la cohorte n’avaient pas d’enfant à leur entrée dans la compagnie, les écarts se creusent au cours de la carrière : 25 % de ces femmes n’ont toujours aucun enfant lors de leur dernière année d’observation (2015) contre 46 % des hommes. Surtout, les chances de progression des hôtesses sont moindres : 16,1 % des hommes de la cohorte 1998-2001 ont connu une promotion sur la période d’observation, contre 8,7 % des femmes. À quel moment de la carrière s’instaurent ces écarts et quels sont les facteurs associés ? Peut-on établir un lien avec le rapport différencié des hôtesses et stewards à la fécondité ?
Tableau 3 : Description de la cohorte de PNC entrés dans la compagnie entre 1998 et 2001
Tableau 3 : Description de la cohorte de PNC entrés dans la compagnie entre 1998 et 2001
Lecture : entre 1998 et 2001, environ 5 000 PNC sont entrés dans la compagnie. La part des hommes dans les entrées a eu tendance à augmenter légèrement, de 32 % en 1998 à 37 % en 2001, l’âge médian à l’entrée également, pour les hommes comme pour les femmes. Seuls 7 % en moyenne (6,5 % des hommes et 7 % des femmes) sont sortis des PNC avant 2015 qui est la dernière année d’observation.Champ : cohorte d’entrants comme PNC dans la compagnie (en CDD ou CDD titularisés) entre 1998 et 2001.
Source : fichiers du personnel de l’entreprise (calculs des auteures).
40 Un simple modèle de durée avant la première promotion (méthode actuarielle) montre que pendant les sept premières années suivant le recrutement des membres de la cohorte, ni les femmes ni les hommes ne connaissent de promotion (figure A2 en annexe). Les règles qui régissent les promotions dans la compagnie imposent en effet des durées d’ancienneté minimales (quatre ans en général) qui tendent à s’allonger dans le contexte économique dégradé. Ensuite, les courbes représentant la durée écoulée avant la première promotion selon le sexe s’écartent progressivement, mais l’événement « promotion » reste relativement rare pour l’ensemble de la cohorte et les chances de promotion ne sont pas constantes sur toute la période d’observation : les promotions sont nombreuses de 2006 à 2008, puis ralentissent nettement jusqu’en 2014.
41 Le même modèle par nombre « final » d’enfants (celui observé lors de la dernière observation) semble indiquer que les PNC ayant des enfants ont moins de chances d’être promus que ceux qui n’en ont pas. Par ailleurs, les écarts de vitesse de promotion selon le nombre d’enfants semblent plus importants parmi les hommes que parmi les femmes. Et l’avantage d’être sans enfant sur les chances de promotion semble être plus élevé pour les premiers que pour les secondes – la pente de la courbe masculine est en effet plus forte que celle de la courbe féminine. On a vu qu’une plus grande part des stewards restait sans enfant comparativement aux hôtesses. Aussi, l’effet « accélérateur » d’être un homme sur les chances de promotion peut tenir, au moins en partie, à un rapport différencié des femmes et des hommes à la fécondité parmi les PNC et il faut tenter d’isoler cet effet des autres facteurs explicatifs des meilleures chances de promotion des hommes, en mettant en œuvre un modèle de régression.
42 Par ailleurs, ces premiers modèles de durée tiennent compte du fait que certains individus ne sont pas observés tout au long de la période maximale d’observation car ils sont sortis précocement de l’entreprise : certaines données sont donc tronquées ou censurées. Cependant, les modèles supposent que ce processus d’interruption est non informatif sur ce que l’on cherche à mesurer. Or on peut supposer que certains PNC quittent l’entreprise parce qu’ils ne sont pas promus, notamment ceux qui sortent pour certains motifs administratifs (comme les démissions) et nous avons vu que la distribution de ces motifs diffère entre femmes et hommes. Pour tenir compte de ces deux issues possibles – la promotion et la sortie du corps des PNC – et analyser l’effet des différentes variables toutes choses égales par ailleurs, nous mettons en œuvre un modèle de régression logistique multinomial à temps discret (Allison, 1982) [11]. Il permet de modéliser la probabilité de connaître un événement (ici une promotion ou une sortie de l’entreprise) sachant qu’on ne l’a pas connu auparavant. Certaines variables explicatives introduites sont constantes dans le temps (le sexe, l’âge à l’entrée, etc.), d’autres non (durée à temps complet, durée sur long-courrier, nombre d’enfants). Les résultats (tableau 4) montrent que les femmes ont, toutes choses égales par ailleurs et notamment à nombre d’enfants contrôlé, de moindres chances de promotion que les hommes mais pas significativement davantage de risques de sortie. Les individus entrés les plus jeunes comme PNC, et plus encore les plus âgés à l’entrée ont davantage de chances de promotion. On peut supposer qu’il s’agit des plus diplômés ou des plus expérimentés professionnellement préalablement à leur entrée dans la compagnie. Les individus entrés en CDD sont moins promus. Le fait d’avoir des enfants, quel que soit le nombre, réduit les chances de promotion par rapport à ceux qui n’en ont pas. Mais des modèles séparés femmes-hommes (non présentés ici) montrent que cet effet négatif des enfants sur les chances de promotion est croissant avec le nombre d’enfants pour les femmes alors qu’il n’est significatif que pour un enfant pour les hommes. Enfin, la durée à temps complet augmente les chances de promotion tandis que la durée sur long-courrier les diminue.
Tableau 4 : Régression logistique multinomiale à temps discret (odd ratios)
Tableau 4 : Régression logistique multinomiale à temps discret (odd ratios)
* : significatif à 10 % ; ** : significatif à 5 % ; *** : significatif à 1 %. NS non significatif.Lecture : toutes choses égales par ailleurs, être une femme diminue les chances de promotion ; être entré comme PNC âgé de 28 ans ou plus les augmente.
Champ : cohorte d’entrants comme PNC dans la compagnie (en CDD ou CDD titularisés) entre 1998 et 2001.
Source : fichiers du personnel de l’entreprise (calculs des auteures).
44 En somme, les différences de chances de promotion entre femmes et hommes semblent s’enraciner dans des modèles de carrière différents. À ce stade, deux modèles de carrière sexués semblent ainsi se dessiner : le temps partiel pour les femmes hôtesses qui ont des enfants ; le temps complet et la promotion pour les hommes qui ont moins souvent des enfants. Des analyses complémentaires sont toutefois nécessaires pour mieux appréhender la diversité des carrières et la manière dont elles se structurent.
Des carrières à temps partiel pour raisons familiales chez les hôtesses
45 Pour rendre compte de la diversité des carrières de PNC et de leur caractère sexué, notamment des liens entre type de carrière et chances de promotion, nous avons réalisé une typologie des carrières de la cohorte de PNC recrutés entre 1998 et 2001, encore présents dans la compagnie en 2015. Nous excluons donc ici, par construction, les hôtesses et stewards qui ont quitté la compagnie avant 2015, c’est-à-dire les PNC aux carrières courtes dont on a vu qu’ils étaient relativement peu nombreux et dans une proportion égale entre femmes et hommes. Il s’agit de mettre en évidence des modèles différenciés de carrière parmi ceux ayant des anciennetés comparables dans la compagnie. Pour réaliser cette typologie, nous avons résumé les parcours à l’aide d’indicateurs synthétiques quantitatifs (durées, nombre de transitions) sur différentes dimensions des carrières – les grades, le temps de travail et l’affectation sur les différents types de réseaux (long ou moyen-courrier) (tableau A3 en annexe) [12]. Ces indicateurs constituent les variables actives d’une classification ascendante hiérarchique. Nous distinguons cinq classes de carrière que nous décrivons en analysant les sur- et sous-représentation de chaque variable active dans les différentes classes. Le croisement des classes obtenues avec les variables sociodémographiques (variables supplémentaires), notamment le nombre d’enfants ou le sexe, permet également de mieux caractériser chacune des classes (tableau 5). Celles-ci sont également illustrées par des cas typiques issus des entretiens.
Tableau 5 : Typologie de carrières
Tableau 5 : Typologie de carrières
Champ : PNC recrutés comme PNC entre 1998 et 2001 (CDD et CDI) et toujours PNC dans la compagnie en 2015.47 La première classe, très largement majoritaire (56 % de la cohorte), rassemble des hôtesses et stewards à temps complet, sur long-courrier, qui n’ont pas connu de promotion : 98 % sont toujours hôtesses ou stewards lors de leur dernière année d’observation, en moyenne 87 % de leur carrière s’est déroulée sur long-courrier et 89 % à temps plein (96 % de celle des hommes et 84 % de celle des femmes). Les hommes sont surreprésentés dans cette classe : ils représentent 40 % des effectifs de la classe contre 34 % globalement dans la cohorte (tableau 5). Le nombre moyen d’enfants est de 1,11 pour les hommes (42 % n’ont aucun enfant) et de 1,42 pour les femmes. Celles et ceux de la cohorte avec le moins d’ancienneté (entrés en 2000 ou 2001) et ayant débuté en CDD y sont surreprésentés. Cette classe ne regroupe pas seulement des individus affichant une certaine distance au travail, qui se seraient d’eux-mêmes détachés des enjeux de carrière ; elle est aussi nourrie par le ralentissement du marché interne du travail qui touche la compagnie aérienne depuis 2009. La trajectoire de Jules, 45 ans, steward, en couple, sans enfant, apparaît emblématique de cette catégorie. Entré dans la compagnie en 1998 après avoir passé un diplôme d’ingénierie en maintenance aéronautique, il a travaillé un an et demi sur moyen-courrier avant de passer sur long-courrier :
« J’envisage pas du tout ce métier sur moyen-courrier. Parce que pour moi, ça n’a aucun intérêt. L’avantage, c’est de voyager, d’aller dans les endroits, d’avoir un peu de temps en escale… »
49 Dans le même temps, il devient rapidement délégué syndical, ce qui lui permet de mieux faire face à la fatigue liée aux vols sur long-courrier :
« C’était trop fatigant. Je ne me voyais pas faire ça toute ma vie. J’aurais bien aimé me mettre en temps alterné comme certains, mais je gagnais pas assez ma vie. Du coup je suis resté là. J’ai trouvé cette solution avec le syndicat. »
51 Près de quinze ans plus tard, Jules se présente comme « simple steward ». Il analyse, avec une certaine amertume, la dynamique interrompue de sa carrière :
« Aujourd’hui je suis steward. J’ai passé six sélections en chef de cabine, on m’a toujours refusé. Et je suis pas encore à l’ancienneté… Avec mon mandat syndical, comme j’ai fait quand même beaucoup de négociations, tout ça, bon on me fout la paix quoi. Alors maintenant, ça m’a quand même coûté. C’est vrai que bon ben, j’ai jamais fait carrière. »
53 La deuxième classe est composée de carrières qui sont également à temps complet (91 % de la durée des carrières de cette classe en moyenne), cette fois sur moyen-courrier (plus de trois quarts de la carrière en moyenne). Elle rassemble 10 % des effectifs de la cohorte, dont 67 % de femmes. Ces dernières y sont donc très légèrement surreprésentées. La quasi-totalité des PNC de cette classe n’a pas connu de promotion (99 % sont encore hôtesses ou stewards en 2015). Des PNC à temps complet peuvent choisir le secteur du moyen-courrier avec l’arrivée des enfants pour avoir le moins de découchés possibles dans leur planning de vol (c’est d’ailleurs une des deux classes qui compte le plus de changements de réseau, 3,4 en moyenne pour les femmes et 3 pour les hommes). C’est le choix effectué par Marie-Pierre, 40 ans, cheffe de cabine, mère de deux enfants, qui exerce ce métier depuis quinze ans, après avoir obtenu une licence LEA. Elle a longtemps volé sur moyen-courrier et effectue depuis plus de trois ans des vols à la journée sur les lignes intérieures :
« C’était plus facile pour moi pour m’occuper de mes filles. Moi j’avais émis le vœu de faire essentiellement majoritairement des vols du matin. C’est assez dense, parce qu’on fait quatre vols par jour. C’était assez… assez fatigant. Pour les autres, pour ma famille, c’était très bien [rires]. »
55 Elle est récemment passée à temps alterné à 80 %, une mesure temporaire de temps partiel aidé liée aux sureffectifs, dégageant deux « mois off », et envisage de reprendre à temps plein par la suite pour des raisons financières. Plus largement, cette classe regroupe des PNC encore assez jeunes dans leur carrière (entrés fréquemment en 2001 ou en 2000), qui n’ont souvent pas (encore) beaucoup d’enfants (1,12 en moyenne pour les hommes et 1,19 pour les femmes) et arrivent à concilier leur vie de couple ou familiale avec un temps complet sur moyen-courrier. Mais on voit que cette position paraît plus tenable pour les hommes avec enfants que pour les femmes dans la même situation. En effet, dans cette classe sont surreprésentés les hommes avec un ou deux enfants et les femmes avec zéro ou un enfant.
56 Le troisième type de carrière (classe 4) est celui qui rassemble quasiment tous les promus, chez les femmes comme chez les hommes : 93 % sont chefs de cabine en 2015, 5 % cadres et le reste CCP. Les hommes y sont très largement surreprésentés puisqu’ils constituent plus de la moitié des effectifs de la classe (51 %). Les PNC concernés ont travaillé à temps complet quasiment toute leur carrière (86 %) et ont passé une grande partie de celle-ci sur long-courrier (71 % en moyenne). Tous ont néanmoins connu plus de changements de réseau que la moyenne et la durée sur moyen-courrier y est légèrement surreprésentée. C’est la classe où le nombre moyen de réseaux est en effet le plus élevé (4). Dans les deux cas, femmes et hommes de cette classe ont peu d’enfants, ce qui constitue un indice du lien entre disponibilité familiale et le fait de « faire carrière » : c’est en effet la classe où le nombre moyen d’enfants est le plus faible pour les femmes (1,11) et la deuxième où il est le plus faible pour les hommes (0,85 enfant en moyenne). Les plus âgés et les PNC entrés en 1998 sont également surreprésentés dans cette classe, ce qui témoigne du rôle de l’ancienneté (voire du diplôme ou de l’expérience préalable) dans les promotions. Emblématique de ce type de carrière, François, 55 ans, chef de cabine depuis treize ans sur le réseau long-courrier, a toujours travaillé à temps complet depuis son entrée dans la compagnie en 1998, après une formation de dessinateur industriel. Il n’a pas d’enfant, est divorcé et dédie une large partie de son temps libre à l’aéronautique (il suit une formation privée de pilotage) et aux courses hippiques. Il aurait souhaité devenir pilote de ligne mais a échoué plusieurs fois aux sélections. En entretien, il se dit satisfait de son travail, qui combine à ses yeux une rémunération avantageuse et du temps libre :
« Je demande souvent des vols X parce que je monte à cheval, ça me coûte une fortune. Et donc pour payer mes heures d’équitation, je vais à X. Je prends un bon bouquin, l’hôtel est sympa, il y a une piscine, il y a du sport, je vais faire un tour dehors, dans un parc zen, et en revenant j’ai 250 € pour payer les courses. »
58 Il prend aussi plaisir à servir en cabine, en particulier dans les cabines affaires qu’il fréquente souvent.
59 Les deux dernières carrières-types correspondent à deux classes où les PNC sont fréquemment à temps partiel. Le temps partiel est encouragé dans la compagnie sur la période récente. Ces deux classes concernent plus souvent les femmes que les hommes : elles représentent 85 % des effectifs de la classe 3 et 88 % de ceux de la classe 5. La classe 3 est une classe de temps partiel (temps alterné ou parental) sur long-courrier qui regroupe 18 % des effectifs de la cohorte : c’est la classe où la durée moyenne de carrière en long-courrier est la plus élevée (88 % de la carrière). En moyenne, seulement 35 % de la carrière des PNC de cette classe ont été effectuées à temps plein. Les quotités moyennes à longues de temps partiel (de 66, 75 et 83 %) sont particulièrement surreprésentées. Les PNC concernés ont un nombre plus élevé d’enfants que la moyenne : 1,05 enfant pour les hommes et surtout 1,72 pour les femmes, mais ce sont les hommes avec un enfant qui y sont surreprésentés, tandis que, du côté des femmes, ce sont celles avec deux ou trois enfants et plus qui y sont particulièrement nombreuses. La très grande majorité (99 % des femmes et 98 % des hommes de cette classe) n’a pas connu de promotion. Les PNC entrés dans la compagnie en 1998 ou 1999 et relativement âgés y sont pourtant surreprésentés. La trajectoire professionnelle de Marie-Christine, 43 ans, hôtesse, apparaît emblématique de cette catégorie. Entrée à X en 1998 sur long-courrier après avoir obtenu une licence de psychologie, elle a eu trois enfants, la conduisant à s’arrêter de voler pendant près de dix ans. De retour de congé parental, elle a repris son activité sur long-courrier à temps partiel. À ses yeux, c’est « ce qui fait que [sa] carrière n’a pas pris le tournant qu [’elle aurait] souhaité ». Marie-Christine quitte finalement la compagnie en 2015, à l’occasion d’un plan de départs volontaires, en raison de l’absence de perspective d’évolution professionnelle liée à la conjoncture économique dégradée et à sa carrière hachée.
60 La dernière carrière-type est aussi une classe de temps partiel (alterné, parental ou autre temps partiel) mais plus atypique (elle regroupe 7 % des effectifs de la cohorte) et plutôt sur moyen-courrier. Seuls 37 % en moyenne de la carrière des PNC de cette classe ont été effectués à temps complet (40 % de celle des hommes, 36 % de celle des femmes) et les trois quarts sur moyen-courrier. Les quotités très courtes de temps partiel (50 %) et les quotités très longues (92 %) sont surreprésentées dans cette classe, la première concernant surtout des femmes et la seconde des hommes. On voit là la trace de deux usages différents du temps partiel selon le sexe. Pour les femmes de cette classe, le temps partiel semble en effet s’apparenter à un temps partiel classique pour motif familial (c’est la classe où le nombre moyen d’enfants, 1,72, est le plus élevé pour les femmes, celles ayant deux ou trois enfants et plus y étant surreprésentées) et sur des quotités courtes (fréquemment 50 %). Ainsi, Julie, 46 ans, hôtesse, diplômée d’une petite école de commerce, est divorcée et mère de deux adolescents. Elle est à temps partiel sur moyen-courrier depuis la naissance de sa fille. Elle travaille à 75 % depuis douze ans, au détriment de son avancement professionnel :
« J’ai toujours été à 100 % jusqu’à la naissance de Juliette en 2004. Et j’ai failli passer à 66 %, et puis comme j’ai divorcé, j’ai dit : “Non, non, non, ça va pas être possible. Je vais essayer de maintenir les 75 et puis voilà.” Je suis restée à 75. […] Moi ça m’a permis de gérer les enfants, depuis que je suis divorcée, d’être en garde alternée. Mais comme je suis pas à 100 %, c’est pour ça aussi que je suis pas passée CC, parce que bon ben là j’ai l’ancienneté hôtesse qui me permet d’avoir un petit peu plus… Après, c’est un choix de vie. Pour moi, c’était pas une fin en soi la promotion. Je préférais ma vie personnelle par rapport à ça. »
62 Les hommes qui appartiennent à cette classe ont un profil relativement atypique : ils travaillent à temps partiel, sur des quotités horaires courtes ou longues (50 %, 75 % voire 92 %) mais visiblement pas pour motif familial puisque les PNC sans enfant y sont surreprésentés (le nombre moyen d’enfants pour les hommes de cette classe est de 0,74 enfant, le plus faible de toutes les classes). En outre, il s’agit de temps alterné ou d’autre temps partiel. Pour les représentants du personnel comme pour la direction, il s’agit d’un « mois surf » que les hommes consacrent à leurs activités de loisirs. Les PNC entrés plus récemment dans la compagnie (en 2001) et les plus âgés y étant surreprésentés, on peut penser que ces hommes ont répondu aux incitations récentes de la compagnie au temps partiel, pour combiner une activité de loisirs ou une deuxième activité professionnelle avec leur métier principal. Certains stewards ont ainsi développé des activités rémunérées « à côté » dans le secteur du courtage immobilier, du coaching sportif ou encore de l’hôtellerie, qui nécessitent une présence régulière mais non continue auprès des clients et s’accommodent d’un décalage horaire limité. Cet investissement dans des activités annexes s’effectue vraisemblablement au détriment de leur avancement professionnel au sein de la compagnie, la grande majorité des PNC de cette classe (91 %) n’ayant eu aucune promotion, mais les hommes de cette classe sont cependant très largement surreprésentés parmi les rares PNC de la classe à avoir atteint le grade de chef de cabine.
63 La classification a donc permis de distinguer différents types de carrière et de montrer que celles et ceux qui arrivent à faire carrière parmi les PNC de cette cohorte sont plus souvent sans enfant et parviennent ainsi à être disponibles pour la compagnie (à voler à temps complet, à faire de fréquents changements de réseaux, etc.). Les femmes sont bien plus fréquemment que les hommes dans des trajectoires de temps partiel, sur long ou moyen-courrier, pour des motifs familiaux avant tout. C’est aussi le cas d’une partie des (plus rares) trajectoires masculines à temps partiel, celles sur long-courrier. En revanche, les carrières à temps partiel des hommes sur moyen-courrier semblent relever d’une autre logique : ces stewards sans enfant choisissent d’investir leur temps dans des activités annexes rémunératrices ou de loisirs plutôt que de faire carrière dans l’entreprise. Enfin, on constate que les stewards avec enfants parviennent davantage que les hôtesses dans la même situation à se maintenir à temps complet : c’est dans les deux classes de temps plein sans promotion (classes 1 et 2) que le nombre moyen d’enfants est le plus élevé chez les hommes, alors que pour les femmes, il l’est dans les deux classes de temps partiel (classes 3 et 5). Ce maintien à temps plein, même s’il ne permet pas à ces stewards d’accéder (pour l’instant) aux positions d’encadrement, leur procure des rémunérations supérieures.
Le genre de la règle : un nouveau système de promotion qui accentue les inégalités entre femmes et hommes
64 Les modèles de carrière et les chances de promotions différenciés, tels qu’ils ressortent des analyses précédentes, prennent sens au regard des règles qui régissent les avancements.
Les procédures de sélection et leur évolution
65 L’analyse des procédures de sélection en vue d’une promotion permet de préciser le rôle des normes de genre et des contraintes organisationnelles dans la formation des inégalités de carrière. La promotion aux rangs de chef de cabine et chef de cabine principal s’effectue en deux phases, l’admissibilité et l’admission. Au préalable, le PNC doit remplir les conditions réglementaires d’éligibilité à la promotion : avoir l’ancienneté requise dans le poste ; avoir fait acte de candidature en s’inscrivant aux campagnes annuelles de promotion ; n’avoir subi aucun échec aux tests de langue et aux tests de sûreté/sécurité aérienne dans les vingt-quatre mois précédant la date de clôture des inscriptions. Enfin, il faut n’avoir reçu aucun « avis défavorable » de la part des responsables de division – avis « basé sur des données objectives et précises du dossier professionnel incluant notamment les appréciations en vol et les vols d’instruction des deux dernières années ».
66 Les candidats dont la candidature est déclarée recevable lors de la phase d’admissibilité passent ensuite, lors d’une journée de « test », des épreuves dites « qualitatives » de « mise en situation » et de « vérification des connaissances professionnelles ». La comparaison des différents accords collectifs du PNC montre que la nature et le contenu des épreuves ont sensiblement varié au cours du temps, la part des critères visant à évaluer le niveau de compétences techniques (niveau d’anglais, tests de sécurité et de sûreté aérienne, épreuves collectives de mise en situation) prenant moins de place relativement aux épreuves censées évaluer le degré de motivation personnelle du salarié. Ainsi, des « épreuves de groupe et/ou individuelle à vocation professionnelle » ont progressivement été incluses, ainsi qu’un entretien de motivation mené par un chargé de recrutement appartenant à un organisme extérieur et par un cadre PNC (accord collectif du PNC 2003). Lors de l’examen du dossier par la commission paritaire chargée des promotions [13], le rapport produit à l’issue de cet entretien individuel vient étayer le dossier du candidat où est consigné l’ensemble de ses agissements dans l’entreprise, en particulier : ne pas avoir refusé de promotion préalablement, ne pas avoir fait l’objet de sanction disciplinaire, ne pas faire preuve d’un « absentéisme critique », ne pas avoir fait l’objet d’un avis défavorable du chef de division. Figure également dans ce dossier l’ensemble des contributions écrites que le PNC a pu remettre, de manière volontaire, aux cadres de secteur, et visant par exemple à améliorer le service à bord ou à documenter un rapport d’incident de vol. Ces « mémoires », ou « rapports », produits à l’initiative du salarié, ne sont pas mentionnés dans les accords collectifs du PNC, mais sont pris en compte dans les évaluations individuelles comme indicateur de connaissance de l’environnement professionnel ainsi que comme un marqueur de la motivation du salarié.
67 Parallèlement à ces évolutions, le système de promotion à l’ancienneté a été partiellement remplacé par un système de promotion « au choix », à hauteur de 25 % des effectifs promus. En 2003, ce système a été étendu à la moitié des effectifs promus. À chaque campagne de sélection ouverte par la compagnie aérienne, la liste des candidats admissibles est ainsi établie à raison de 50 % des postes offerts par ordre décroissant d’ancienneté PNC et 50 % des postes offerts « selon le choix de la hiérarchie ». Autrement dit, le PNC ne candidate pas, il est proposé à la sélection par sa hiérarchie, le responsable de division étant alors chargé d’instruire son dossier et de le défendre lors de la commission paritaire.
68 Les données montrent que ce nouveau mode de sélection renforce certaines inégalités de carrière. Si l’ancienneté moyenne à la promotion est la même pour les femmes et les hommes au cours de la première période (1998-2002), au cours de la seconde, qui voit le développement des promotions au choix, les hommes sont promus en moyenne avec une ancienneté plus faible que les femmes et ce, quel que soit le grade. En outre, au grade de chef de cabine, qui constitue la très grande majorité des promotions en raison de la structure des emplois, le pourcentage de femmes parmi les promus diminue très légèrement entre les deux périodes, dans un contexte de baisse du nombre absolu de promotions. Pour la seule année 2015 (dernière sélection CC ouverte par la compagnie), les chiffres ventilés montrent que 45 femmes ont été promues chefs de cabine à l’ancienneté pour 49 hommes ; au choix, seules 15 femmes ont été promues chef de cabine contre 49 hommes [14]. Ainsi, le système de promotion au choix semble renforcer le poids des normes de genre : il accentue le rôle du capital social interne à l’entreprise, que les femmes ont structurellement plus de mal à accumuler.
De la sélection à l’autosélection
69 Plusieurs filtres semblent jouer un rôle particulièrement puissant en amont et en aval du processus de sélection proprement dit. Tout d’abord, l’auto-élimination des femmes des processus de sélection est alimentée par les politiques de gestion des carrières et par les règles qui entourent la promotion. En effet, les candidats promus sont affectés sur moyen ou long-courrier selon les besoins de la compagnie et perdent la possibilité de voler à temps partiel (lors de la première année de stage et de l’année de titularisation) ainsi que le choix du secteur géographique de vol. Les nouveaux promus perdent également les avantages liés à l’ancienneté pour la demande des congés et les arrangements de planning. En raison de cette contrainte, de nombreuses femmes ne se présentent pas aux campagnes de promotion afin de ne pas déstabiliser l’organisation familiale souvent complexe qu’elles sont parvenues à mettre en œuvre avec leur entourage pour pallier leur absence lors des départs en vol (Lambert, 2018). Comme le rappellent des études récentes (Lesnard , 2009 ; Pailhé, Solaz , 2009 ; Brousse , 2015 ; Villaume, Virot, 2016), le désajustement des emplois du temps individuels et conjugaux pèse plus particulièrement sur les femmes qui gèrent la continuité du service à la maisonnée, même si les hommes apparaissent davantage impliqués dans le travail parental lorsque les mères ont des horaires atypiques : « les pères assureraient principalement un rôle de relais dans la garde » (Briard, 2017, p. 1).
70 De manière indirecte, l’intensification de la concurrence sur le marché interne du travail, liée aux plans de restructuration engagés par la compagnie aérienne depuis 2009, semble limiter l’inscription des femmes sur la liste des candidats à la sélection. Le fait de se porter candidat, alors que la dégradation continue du chiffre d’affaires de l’entreprise depuis 2005 a ralenti les campagnes de promotion, allongé les listes d’ancienneté et durci la concurrence entre les PNC (un sujet récurrent dans les cabines des avions), semble en effet moins assumé par les femmes, qui se tiennent à l’écart de la compétition professionnelle comme le montre cet extrait d’entretien avec Valérie, 40 ans, hôtesse sur long-courrier, titulaire d’un BTS de commerce international :
« Et tu as passé les sélections de chef de cabine ou… ?
– Non, alors ça, pas du tout. […] Il faut être clair, il y a pas de place pour le moment. Comme ils sont en train de virer du monde à travers les plans de départs volontaires, eh bien il y a quand même moins de places. Donc là, j’ai d’autres priorités. »
72 Par ailleurs, le rôle de la cooptation par les pairs est connu de ces femmes qui sont conscientes que la réussite aux épreuves techniques constitue une condition nécessaire, mais non suffisante, à la promotion et critiquent certains aspects de cette sélection au nom de valeurs morales considérées comme supérieures. Émeline, 40 ans, hôtesse sur long-courrier, d’une ancienneté de treize ans, affirme ainsi valoriser la solidarité entre PNC plutôt que la concurrence et incarne la force de ce mécanisme de retrait :
« Il y a beaucoup de délation, des gens qui reviennent après leur vol : “Je rentre de ce vol, c’était super et tout. Mais quand même, j’ai constaté que sur ce vol, la CCP, il s’est passé ça, elle avait mal géré le truc.” Et bam, vas-y que je te balance ! Même pas besoin de prendre rendez-vous. Tu montes voir ton cadre au secteur, il y a toujours quelqu’un. Et ces gens-là, c’est eux qui sont triés sur dossier après pour les sélections CCP ou CC. Ça leur constitue le dossier, genre “je suis impliqué, patati patata”… Nos cadres sont assez friands de ce genre de choses. Parce qu’est-ce que tu veux : il faut bien trouver 25 hôtesses parmi 13 000 ! C’est pour ça qu’envisager une carrière là-dedans, c’est pas mon truc. Non merci. »
(Émeline, 40 ans, hôtesse sur long-courrier, mariée, sans enfant, diplômée d’école de commerce)
74 Ainsi, les femmes tendent non seulement à intérioriser davantage que leurs homologues masculins l’idée de leurs moindres chances de réussite professionnelle dans un contexte de diminution des campagnes de promotion, mais également à refuser certains aspects des processus de sélection. Certaines femmes promues attribuent même leur réussite professionnelle au hasard plutôt qu’à des compétences techniques et managériales individuelles. Ce n’est pas le cas des hommes promus, comme le montre la comparaison des deux extraits d’entretien suivants, réalisés avec deux chefs de cabine promus « au choix » en 2015. Marie-Pierre, 40 ans, titulaire d’un BTS secrétariat trilingue et d’une licence LEA, entrée dans la compagnie à l’âge de 25 ans, peine à endosser son nouveau rôle de cheffe de cabine en même temps qu’elle met à distance la dimension carriériste de cette promotion :
« J’ai accepté la promotion. Mais c’est vraiment un coup de chance quand on est pris au choix. C’est juste que j’ai volé avec mon instructeur deux mois de suite, sinon il ne me connaissait pas. J’ai volé avec lui deux mois de suite et on a bien accroché. Il y en a qui ne voient pas leur instructeur pendant des années ! Mais après, je ne suis pas l’hôtesse plus plus. J’en fais pas des caisses. Je suis très gentille avec les gens à bord, oui, mais je ne suis pas là à aller au-devant de…, je me mets pas à genoux à côté. J’ai pas de plan de carrière. »
(Marie-Pierre, 40 ans, CC, mariée, deux enfants)
76 Au contraire, Stéphane, steward de 40 ans, se montre heureux de sa promotion, un objectif qu’il s’était fixé. Il revendique des compétences relationnelles et managériales et mobilise l’avis de collègues pour légitimer sa réussite professionnelle, au-delà de la décision du cadre de secteur :
« Je suis jeune et pour l’ancienneté, c’était sûr que ça ne passerait pas. Donc c’était uniquement au choix, et donc au choix de la direction. Donc il fallait que mon encadrement me coache, il fallait qu’il me présente à Paris. Et ça s’est bien passé. Pour moi, en tout cas ça s’est toujours très bien passé, toujours. Il y a toujours des gens qui remettent en cause les choix. Pourquoi lui, pourquoi pas moi ? Moi, la légitimité, elle ne s’est jamais posée. Les gens au contraire m’ont dit : “C’est normal, on est content pour toi. Tu seras un super chef de cabine. Tu le mérites cent fois.”
– Et concrètement, comment ça s’est passé ?
– Alors le cadre, il le voit à ton investissement, à ton dossier professionnel, il te voit quand il vient te voir bosser à bord. Donc il regarde le positionnement que tu as sur l’équipe, le recul que tu as sur le boulot, ton discours, l’interaction que tu as avec les clients, avec l’équipage. Il regarde tout ça. Moi en l’occurrence, elle m’a dit : “S’il y en a un c’est toi.” Moi en amont, j’avais fait ce qu’il fallait, c’est-à-dire que mon dossier depuis dix ans, j’avais travaillé, je m’étais investi sur plein de missions dans l’entreprise. J’ai fait de la formation pendant cinq ans. Je participe aux stages. Je suis à 100 % dans le boulot. Tu vois ? Puisque c’était un but que je souhaitais atteindre. »
(Stéphane, 40 ans, CC, sans enfant)
« Passer au secteur » : les conditions de l’accumulation du capital social
78 Analyser l’effet de la dégradation de la conjoncture économique sur les processus de sélection (et d’auto-élimination) des femmes ne doit pas conduire à oublier les effets de structure qui perdurent et sont liés à la composition du groupe des cadres de proximité – cadres de secteur et instructeurs. La part des hommes s’y renforce à mesure que l’on monte en grade (tableau 1). Or l’introduction de la promotion au choix renforce le poids des cadres de proximité et de la cooptation par les pairs dans les processus d’avancement. Les propos de Cécile, 54 ans, hôtesse passée tardivement CC, après avoir essuyé un premier refus de soutien de la part de sa hiérarchie, rappellent le rôle déterminant du cadre de secteur et des affinités interpersonnelles dans la possibilité d’accéder à la promotion :
« En 2007, je passe les sélections CC. J’ai eu mes UV de CC, mais je n’ai pas été choisie parce que mon cadre m’a dit : “On ne te connaît pas au secteur, je ne peux pas te faire passer.” Alors j’ai dit : “Ben écoute, je passerai jamais, parce que j’ai une vie, quand je rentre, je rentre chez moi. Je ne vais pas traîner dans les bureaux.” Et je suis allée voir ma nouvelle cadre et elle m’a fait passer au choix. C’était quelqu’un de très austère, très sévère… je ne sais pas, peut-être, justement, moins de copinage, tu vois. Elle était réglo. »
(Cécile, 54 ans, CC, mariée, un enfant, licence de géographie)
80 Ce poids des cadres de proximité soulève du même coup la question des conditions de l’accumulation du capital relationnel interne à l’entreprise, nécessaire à la promotion. De fait, les hôtesses et stewards ont d’autant plus de chances d’être repérés et promus par la hiérarchie qu’ils travaillent à temps plein, dans un secteur où les contrôles sont fréquents. C’est aussi ce qui peut expliquer en partie l’effet négatif du temps passé en long-courrier sur les chances de promotion (tableau 4) : d’après un entretien réalisé avec un cadre du service RH, les personnes qui volent en moyen-courrier ont souvent un dossier plus « alimenté » (contenant davantage de rapports) que celui de ceux qui volent sur long-courrier. Les vols étant plus courts, les chances de voler avec un cadre sont en effet plus nombreuses.
81 Mais l’évaluation en vol et la bonne exécution de son travail ne suffisent pas à garantir l’accès à la promotion. Il faut également fournir la preuve de sa bonne disposition à travailler, évaluée à l’aune du temps travaillé d’une part (nombre limité d’absences, etc.), et de son investissement matériel et moral dans la vie de l’entreprise d’autre part (participation à des formations continues, rédaction de notes visant à améliorer la qualité du service à bord, volontariat pour effectuer des remplacements hors des périodes de réserve obligatoire, par exemple lors des pics d’activité à Noël, pendant des jours fériés, etc.).
« J’ai passé les sélections chef de cabine. Là, pendant sept ans, il n’y en avait pas eu. Donc, j’ai eu la note, ce qu’il fallait et tout. Sauf qu’il y avait très peu de personnes admises… et le problème, c’est que quand on est mère de famille, souvent, les journées enfant malade et tout, c’est les mamans qui les posent. En l’occurrence, c’est moi qui les pose. Du coup, les arrêts, les arrêts de travail aussi. Et quand on est célibataire, un homme célibataire, bon ben le résultat c’est que sur Nice, ils ont choisi un homme… Il y a pas de jugement de valeur, c’est juste un constat. Mais dans les faits, c’est la réalité aussi. C’est que quand on est célibataire, on a plus de temps à consacrer à l’entreprise que quand on a une vie de famille… Même si on adore ce qu’on fait, c’est plus difficile. »
(Noémie, 38 ans, hôtesse sur moyen-courrier, mariée, deux enfants)
83 Enfin, la possibilité de mobiliser un temps « personnel » au service de l’entreprise, permettant d’effectuer le travail relationnel nécessaire à la promotion, amplifie les inégalités de genre dans un contexte professionnel où les salariés vivent loin des bases aéroportuaires et ne disposent pas de bureau fixe. Elle rappelle plus largement l’enjeu lié à la disponibilité biographique des salariés. En effet, le fait de se présenter spontanément « au secteur » après chaque vol, dans les bureaux occupés par les cadres de sa division de rattachement, alors que les règles relatives à la prise de service ne le requièrent pas [15], augmente les chances d’être identifié comme un salarié sérieux et impliqué dans la vie de l’entreprise, et digne de promotion. Les entretiens montrent de ce point de vue que « passer au secteur », selon l’expression consacrée, constitue une activité essentiellement masculine : rendre compte de ses activités à ses collègues et aux chefs de flotte, au-delà des convocations obligatoires et des entretiens annuels, est plus souvent le fait d’hommes que de femmes au sein de notre corpus d’entretiens. Rares sont les femmes qui disent passer « au secteur » à leur retour de vol, même si elles connaissent cette pratique informelle et ont conscience de son importance pour l’avancement professionnel : elles regagnent bien plus souvent rapidement leur véhicule au sous-sol de l’aéroport, sans « monter dans les étages », pour chercher les enfants à la garderie ou prendre la relève d’une nourrice ou d’un conjoint mobilisé depuis plusieurs jours au domicile.
84 La disponibilité temporelle au travail est donc centrale pour analyser les dynamiques de carrière ; son rôle dans l’avancement professionnel apparaît même renforcé par les règles de promotion et la composition sociodémographique du groupe des cadres de secteurs, où la part des hommes est prépondérante.
85 En définitive, cet article décrit une marche en trompe-l’œil vers l’égalité professionnelle pour les carrières des personnels navigants commerciaux du transport aérien. Les données sur les flux d’entrées, de sorties et le stock des PNC femmes et hommes à différentes dates ont montré un certain rapprochement des carrières des femmes et des hommes dans le temps, de façon concomitante à l’évolution de la situation économique et de la politique RH de l’entreprise : hausse de la part des hommes dans les entrées, rapprochement des conditions d’entrée et de sortie de la compagnie pour les deux sexes dans un contexte de raréfaction des embauches et de croissance des départs (hausse de l’âge à l’entrée, plans de départs volontaires qui deviennent le premier motif de sortie pour les hommes comme pour les femmes), développement du temps partiel. On observe également une progression indéniable de la part des femmes aux postes d’encadrement pour les générations arrivées avant les années 2000, voire avant les années 1990, synonyme d’effritement relatif du plafond de verre, qui s’explique largement par la composition démographique du corps des PNC et les règles de promotion en vigueur : une part des nombreuses femmes recrutées par le passé accède mécaniquement (à l’ancienneté) aux postes d’encadrement en cabine. Mais les chances de promotion demeurent inférieures pour les femmes. Qui plus est, un changement, a priori indépendant des questions d’égalité entre les sexes, comme le développement des promotions au choix, tend à renforcer les inégalités entre femmes et hommes à l’encontre de la politique d’égalité professionnelle affichée par l’entreprise. L’inégale disponibilité biographique des femmes et des hommes se traduit en effet par des choix de carrière différents, notamment plus de passages à temps partiel ou sur moyen-courrier pour les femmes, et des investissements dans l’entreprise moins favorables aux promotions, voire une auto-élimination des femmes face aux procédures de promotion. S’il serait faux de dire que la question de la disponibilité biographique n’affecte pas les carrières des hommes (voir par exemple les vitesses de promotion différentes au sein des hommes en fonction du nombre d’enfants), femmes et hommes ne gèrent pas de la même façon l’articulation entre ce métier particulier (caractérisé notamment par des découchés et des horaires atypiques) et leur vie personnelle : une plus grande proportion de stewards que d’hôtesses reste sans enfant ; les femmes sortent plus fréquemment du métier par démission que les hommes, assez tôt dans la carrière ; en outre, la quasi-totalité des femmes avec enfants qui restent dans le métier passent à temps partiel, diminuant leurs chances de promotions. C’est ce que nous a permis de montrer l’analyse du déroulement de carrière d’une cohorte de navigants recrutés au tournant des années 2000 et le corpus d’entretiens biographiques, rappelant dans le même temps l’intérêt de mobiliser des données du personnel longitudinales en panel à côté des données en stock et en coupes répétées, et de les combiner avec des données qualitatives.
86 Les injonctions relatives à l’égalité professionnelle n’ont donc pas permis de réduire sensiblement les écarts de carrière entre femmes et hommes dans l’entreprise. La « performance de genre » (Schütz, 2012), censée être plus favorable aux hôtesses qu’aux stewards en cabine, joue un rôle secondaire dans l’avancement professionnel comparativement à d’autres facteurs qui permettent de répondre aux besoins de la -compagnie, d’accepter la forte flexibilité des plannings de vol liée au caractère cyclique de l’activité aérienne, ou encore d’accumuler du capital relationnel auprès des collègues et de l’encadrement de proximité.
Figure A1 : Fréquence des sorties et âge à la sortie selon les motifs de départ de l’entreprise chez les hommes et chez les femmes
Figure A1 : Fréquence des sorties et âge à la sortie selon les motifs de départ de l’entreprise chez les hommes et chez les femmes
Lecture : entre 1998 et 2015, environ 1 800 hommes et 3 200 femmes sont sortis des PNC (hors sorties pour fins de CDD ou décès). L’âge moyen des femmes à la sortie est de 47 ans et celui des hommes de 50 ans. L’âge à la sortie est inférieur lorsqu’il s’agit d’une démission que lorsqu’il s’agit d’un licenciement et, pour les démissions, il est un peu inférieur chez les femmes que chez les hommes (en moyenne 34 et 35 ans).Champ : sorties du corps des PNC hors motifs « décès » et « fins de CDD » entre 1998 et 2015.
Figure A2 : Durée écoulée avant la première promotion selon le sexe et le nombre d’enfants (méthode actuarielle)
Figure A2 : Durée écoulée avant la première promotion selon le sexe et le nombre d’enfants (méthode actuarielle)
Champ : cohorte d’entrants comme PNC dans la compagnie (en CDD ou CDD titularisés) entre 1998 et 2001.
Source : fichiers du personnel de l’entreprise (calculs des auteures).
Tableau A3 : Variables actives de la typologie de carrière
Tableau A3 : Variables actives de la typologie de carrière
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Mots-clés éditeurs : disponibilité biographique, organisations, fichier du personnel, carrière, inégalités de genre, promotions, méthodes mixtes
Date de mise en ligne : 04/03/2019
https://doi.org/10.4000/travailemploi.8141Notes
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Par rapport à d’autres métiers des transports, le travail dans le transport aérien a également ses contraintes propres – décalage horaire, altitude – qui perturbent l’organisme et pèsent, par exemple, sur la fertilité. La compagnie étudiée a d’ailleurs mis en place des modalités d’aménagement du temps de travail pour les femmes engagées dans un programme de procréation médicalement assistée.
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« La fonction publique apparaît souvent au premier abord comme un contexte a priori plus égalitaire et propice aux carrières de femmes, en raison des règles qui encadrent le recrutement, les rémunérations et la promotion professionnelle» (Marry et al., 2015, p. 4). Voir également Alber, 2013. Des phénomènes de « plafond de verre » y sont cependant aussi observés (Marry et al., 2017 ; Fremigacci et al., 2016).
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Infirmières, pilotes et secouristes de l’air (Ipsa), corps créé en 1934 au sein de la Croix-Rouge française.
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Les PCB désignent désormais uniquement les étudiants qui font des CDD courts, c’est-à-dire des « jobs d’été » pendant les périodes de pic saisonnier d’activité, notamment en juillet-août. Ils n’ont pas en charge la sécurité des passagers comme les PNC mais seulement d’assurer le service au client et de répondre au mieux à leurs attentes.
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Fixée jusqu’en 1955 à 35 ans, la limite est repoussée à 50 ans en 1969 pour les seuls hommes. Elle est progressivement harmonisée jusqu’à être égale aujourd’hui entre les deux sexes.
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[6]
Ces indicateurs sont les suivants : la part des salariés en temps alterné (par modalités détaillées), la part des embauches en CDI, la part des intégrations en CDI de salariés recrutés en CDD, la répartition des motifs de sortie, la prise de congé sabbatique supérieure à six mois, le nombre d’heures annuelles de formation, l’accès aux services de proximité (crèche). La plupart de ces indicateurs complémentaires ne sont pas déclinés par sexe, à l’exception du temps alterné, mais par catégorie de personnel.
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Il s’agit d’une modalité de temps partiel propre au secteur aérien. Le travail à temps alterné comporte une succession de périodes d’activité et de périodes d’inactivité sans solde permettant d’assurer, par année civile, respectivement 50 %, 66 %, 75 %, 80 % et 92 % d’un temps plein. Par exemple, un PNC à 75 % travaille par périodes de trois mois d’activité suivis d’un mois d’inactivité sans solde.
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Les critères de recrutement comme PNC dans la compagnie restent pourtant stables sur toute la période : être âgé de 18 ans ou plus, être titulaire du baccalauréat, avoir la nationalité française ou d’un pays de l’Union européenne, avoir passé avec succès les tests médicaux, savoir nager, parler couramment anglais, avoir un casier judiciaire vierge (Source : accords d’entreprise).
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Dans les fichiers du personnel, il s’agit des enfants du salarié ou de son conjoint, que l’enfant soit issu ou non de l’union.
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La variable « diplôme » n’est pas présente dans la base de données car le diplôme n’est pas déterminant pour l’affectation dans le corps des PNC, où tous les nouveaux entrants commencent comme hôtesses ou stewards dans la même classe. On ne peut donc pas tester statistiquement le lien entre la hausse de l’âge médian à l’embauche et celle du niveau de diplôme des recrutés, mais les entretiens menés suggèrent fortement que les nouveaux recrutés sont plus diplômés que les anciennes générations.
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Ce type de modèle est particulièrement bien adapté aux données en temps discret comme c’est le cas ici (une observation par année) et permet de modéliser des événements concurrents en mettant en œuvre des régressions multinomiales.
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[12]
Les données ont été centrées et réduites et le critère d’agrégation utilisé est celui de Ward. Les indicateurs ont été normalisés pour tenir compte des durées de carrière différentes en fonction de l’année d’entrée comme PNC (1998, 1999, 2000, 2001).
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La commission est composée du directeur des ressources humaines (DRH) PNC et des responsables syndicaux.
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Le service RH a accepté de fournir les effectifs ventilés entre les deux systèmes de promotion pour la seule année 2015.
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Les PNC accèdent au vol par un bâtiment spécifique où ils pointent en début et retour de vol.