Notes
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[1]
L’iris, fleur typique des anciens marécages bruxellois, est l’emblème officiel de la Région bruxelloise depuis 1991. De ce fait, il est souvent associé à des plans, projets, structures publiques et autres établissements bruxellois.
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[2]
Voir TU 114
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[3]
Le lecteur aura noté que nous sommes déjà fin 2009 et qu’au moment de rédiger ce texte, le plan n’est pas encore approuvé par le Gouvernement régional.
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[4]
Cette scission aurait lieu au niveau de l’actuelle station Trône, qui correspond à l’endroit où, venant du nord-ouest par la ligne 6, il vaut mieux rester dans la rame et poursuivre la boucle via la gare du Midi plutôt que de prendre une correspondance à Simonis.
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[5]
L’automatisation étant alors supposée résoudre le problème de capacité du tronc commun des actuelles lignes 1/5.
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[6]
Non comptés les subsides régionaux aux communes qui sont affectés aux voiries.
1En 1998, soit presque 10 ans après sa création, la Région de Bruxelles-Capitale adoptait son premier plan des déplacements, dit plan Iris ou Iris 1 [1]. Entre-temps, la Région a adopté, en 2002, son second Plan Régional de Développement (PRD). Pour satisfaire les engagements du protocole de Kyoto, sa 9e priorité retient pour l’horizon 2010 un objectif de réduction de 20% du trafic automobile mesuré en véhicules-km par rapport à l’année de référence 1999. Ceci a conduit à l’élaboration d’un nouveau plan régional des déplacements, dit Iris 2, intégrant ce nouvel objectif. Après une longue période d’étude, celui-ci a été officiellement présenté et soumis à l’enquête publique en 2008. La suite du processus est maintenant entre les mains de la Région qui doit adopter un plan final. Force est cependant de constater que cela ne fut pas possible avant les élections régionales de juin 2009.
Des constats alarmants
2Dans un premier temps, le projet Iris 2 a le mérite de dresser un bilan de la mise en œuvre du plan Iris 1. L’objectif de celui-ci était de stabiliser à l’horizon 2005 le nombre de déplacements effectués en voiture à son niveau de 1991. Dans un contexte de mobilité croissante, cela impliquait un important transfert modal de la voiture vers les transports collectifs. Les moyens pour y parvenir consistaient en particulier à mieux localiser les activités en fonction de la mobilité qu’elles suscitent, à dégrader les conditions de circulation automobile par le biais d’une stricte hiérarchisation des voiries évitant les itinéraires de transit dans les rues locales, et à améliorer notoirement l’efficacité des transports collectifs tout en assurant leur complémentarité avec la voiture particulière en certains points clés (parcs relais). À l’horizon 2005, il a bien fallu constater que les objectifs n’avaient été que partiellement atteints, tant pour des raisons internes aux institutions bruxelloises (parkings de transit non réalisés, politique de stationnement balbutiante, hiérarchisation des voiries partiellement mise en œuvre, contreperformance des trams et bus,…) qu’externes à celles-ci (fort retard pris par la mise en œuvre du futur RER, dont l’achèvement complet est aujourd’hui annoncé à l’horizon 2016 voire au-delà) [2]. En particulier, la pression automobile a encore augmenté (avec notamment des périodes de pointe plus étalées dans le temps) alors que la situation des transports collectifs de surface demeure préoccupante.
3Les nouvelles projections tendancielles réalisées par la Région à l’horizon 2015 demeurent sombres. Sur 24 heures, la part de marché de la voiture dans les déplacements mécanisés serait de 63% pour les Bruxellois et 69% pour les « entrants », soit des chiffres équivalents à ceux constatés en 2001. Couplée à une augmentation du nombre de déplacements, voire à leur longueur, cela signifie une augmentation du trafic exprimé en véhicules km. Les émissions de polluants, la congestion et la dégradation de la qualité de vie ne pourraient qu’en être aggravées.
Évolution de la demande de déplacements sur le réseau routier
Évolution de la demande de déplacements sur le réseau routier
Scénarios et objectifs
4Trois scénarios ont été étudiés par la Région. Le premier scénario, dit « Iris 1 », consiste à réaliser pleinement le premier plan régional des déplacements. Selon les prévisions, cette option ne suffirait pas à enrayer le déclin des conditions de circulation des trams et bus, imposerait d’augmenter la capacité de l’axe est-ouest du métro (lignes 1 et 5), impliquerait des parkings de transit bien plus importants que ceux prévus et conduirait à une réduction de trafic automobile de 6% seulement.
5Le second scénario, dit « scénario idéal », est d’emblée qualifié de scénario « irréaliste d’ici 2015 ». Il propose notamment un péage urbain lié à la distance parcourue, le paiement par l’automobiliste pour l’utilisation des parkings de son employeur, une politique de stationnement plus contraignante sur l’ensemble de la Région, le ramassage scolaire de la moitié des élèves (à pied, à vélo ou en bus), la gratuité des transports collectifs pour les étudiants scolarisés à Bruxelles et, pour les travailleurs, le financement total des frais de transports collectifs par leur employeur. Ce scénario, certes improbable, conduirait à une réduction du trafic automobile de 27%, soit plus que ce que requiert le PRD. Cependant, ce scénario conduirait à la saturation de l’axe métro est-ouest tandis que la concentration du trafic automobile sur les grands axes y augmenterait le problème des conditions de circulation des trams et bus. Tant le RER que le péage urbain impliquent des études sur leurs impacts potentiels, notamment en termes de délocalisation de la population et des activités économiques. Enfin, un troisième scénario, dit « Iris 2 », est un scénario présenté comme « intermédiaire réaliste ». Il correspond au « scénario idéal » amputé, en particulier du péage urbain (tant pour la circulation que pour le stationnement dans les immeubles de bureau). Ce scénario conduirait à une réduction de 16% du trafic automobile à Bruxelles. Selon la Région, sans péage, on n’atteindrait donc pas l’objectif de 20% de réduction du trafic routier.
6Ensuite, le projet de plan Iris 2 fixe trois objectifs principaux : réduire la pression automobile, rejoindre les objectifs de Kyoto et améliorer la qualité de l’air. Pour y parvenir, il retient les trois scénarios brièvement résumés ci-avant, sous la forme d’autant de phases successives : la période 2008-2012 vise à « donner l’impulsion » (scénario « Iris 1 ») [3], la période 2013-2015 « accélère la transition » (scénario « Iris 2 ») et la période 2016-2020 veillera à « respecter nos engagements de réduction effective de la circulation », c’est-à-dire à parvenir à 20% de réduction du trafic automobile (scénario « idéal »).
7Au-delà des incertitudes et des contradictions contenues dans le projet de plan (voir l’article de Michel Hubert ci-après), voyons quelles en sont les mesures les plus marquantes concernant les transports collectifs.
Le métro : le retour des grandes ambitions
8Depuis la création de la Région de Bruxelles-Capitale en 1989, il n’y avait plus vraiment eu de grands projets concernant le réseau de métro. L’inauguration du tunnel de prémétro au sud de la gare du Midi (1993) et les prolongements successifs de la ligne 2 du métro (1993, 2006 et 2009) correspondent à l’achèvement de projets initiés jadis par l’État national. Le prolongement du métro vers l’hôpital Érasme (2003) était une « simple » extension de 2,8 km. Le manque de moyens financiers, et sans doute aussi une vision de la ville devenue plutôt pro-tram dans le chef de divers responsables, a clairement limité les ambitions en la matière.
9Le projet Iris 2 renoue avec les grandes ambitions en proposant plusieurs projets d’ampleur (figure 3). Plusieurs raisons concourent à ce revirement. Primo, il y a la crainte que l’axe est-ouest (lignes 1 et 5) ne puisse à terme répondre à la demande. Secundo, le projet de plan Iris 2 retient un taux de 3 personnes debout par m2, soit bien moins que l’usage actuel qui complique l’exploitation (la sur-occupation des rames sur certains tronçons est source d’irrégularités). Tertio, il semble que face aux blocages politiques qui rendent difficile un partage de l’espace public réellement favorable aux transports collectifs (voir TU 114), le métro apparaît comme une solution de secours évitant de devoir trancher. Enfin, si l’on s’en tient aux simulations du projet de plan Iris 2, l’ampleur des mesures « scénario idéal » générerait une telle augmentation de la fréquentation des transports collectifs que de nouveaux tronçons de métro s’imposeraient pour pouvoir absorber la demande.
Le réseau de métro projeté
Le réseau de métro projeté
10Que propose le projet ? Tout d’abord, une extension de l’actuel axe de prémétro Nord-Midi-Albert (ligne 3) tant vers le nord-est (Schaerbeek) que vers le sud (Uccle). Il s’agit là d’une classique extension de ligne qui, côté nord, desservirait les quartiers parmi les plus denses de Bruxelles. La ligne 3 aboutirait « quelque part » dans la grande friche ferroviaire de Schaerbeek-Formation, dont personne ne sait aujourd’hui quel sera l’avenir. Pour le reste, c’est ni plus ni moins qu’un spectaculaire bouleversement du réseau de métro qui est proposé pour répondre au problème de capacité attendu à terme sur l’axe est-ouest (actuelles lignes 1/5). Le raisonnement de la Région est le suivant : il y aurait saturation de la ligne à terme, et l’exploitation en Y côté oriental ne simplifie pas l’exploitation. Qui plus est, la capacité du tronc commun limite les augmentations de fréquences sur les branches. Par ailleurs, le « bouclage » de la ligne 2/6, s’il présente certains avantages, a aussi pour inconvénient de former un grand « sigma » passant deux fois à la station Simonis, d’où une situation peu claire pour l’usager non familier et des trajets que personne n’effectue de bout en bout. Dès lors, la solution retenue propose de dédoubler la ligne est-ouest (entre les stations Merode et Trône) dont une des deux branches serait reprise par l’actuelle ligne 2/6 elle-même scindée en deux lignes distinctes [4] (figure 3). La scission de la ligne de rocade 2/6 rend possible une nouvelle ligne 4 vers Ixelles et Uccle (Vanderkindere). Le résultat est la disparition des actuelles branches (une infrastructure = une ligne exploitée), la possibilité d’augmenter les fréquences sur celles-ci et une exploitation a priori plus souple. Les autres avantages sont une meilleure desserte du quartier dit européen (pôle d’emploi de tout premier plan), la création d’une liaison directe entre ce quartier et la gare du Midi (pôle TGV), une diversification des liens entre le futur RER et le tissu urbain via les nouvelles correspondances SNCB / métro à la gare du Luxembourg, et la suppression du tracé ambigu de la ligne 2/6. Les inconvénients sont potentiellement le coût — qui risque d’être élevé compte tenu des difficultés techniques liées aux sites et autres infrastructures préexistantes — et la discontinuité créée dans la rocade de petite ceinture (actuelles lignes 2/6). Par ailleurs, du strict point de vue de la capacité, on peut se demander dans quelle mesure ce problème ne serait pas résolu par l’automatisation annoncée de ligne 1/5. En l’état, le projet condamne aussi définitivement toute extension occidentale du métro dans la chaussée de Gand, sauf à imaginer qu’à l’Est, la nouvelle ligne 2 ne reprenne pas l’actuelle ligne 1, mais desserve plutôt d’autres quartiers [5].
11Quoi qu’il en soit, la question du financement de cet ambitieux projet est clairement posée. La preuve en est sans doute que la mise en service d’une grande partie de ces investissements est prévue après 2020, donc au-delà du terme du scénario « idéal », alors qu’il en constitue une pièce importante. Plus précisément, 51% du budget métro et prémétro du projet de plan Iris 2 sont planifiés après 2020…
Le tramway : vers une revalorisation ?
12Outre le développement du réseau de métro, le projet de plan Iris 2 retient également quelques nouvelles lignes de tram et l’amélioration du réseau existant (mise en site protégé ou détournement de la circulation automobile) (figure 4). Les extensions concernent tant des projets anciens mais jamais réalisés que des projets inédits. De nouveaux tunnels sont prévus, soit par prolongement du prémétro en attendant une conversion ultérieure en métro, soit pour le franchissement ponctuel de carrefours complexes et/ou la simplification d’itinéraires. Une partie du réseau de tramways doit devenir « à haut niveau de service ». Si ces projets présentent de l’intérêt, on ne peut qu’espérer que « cette fois-ci sera la bonne ». On ne dénombre en effet plus les projets de mise en site propre ou de développement du réseau de trams avortés parce que mettant en cause la place de la voiture dans la ville, que ce soit pour la circulation ou pour le stationnement. Il en va de même pour la priorité aux feux, qui était censée constituer une « action immédiate » du premier plan Iris et qui demeure embryonnaire… Soyons clairs : la revalorisation du réseau de tramways bruxellois, et plus généralement du réseau de surface, ne sera possible que moyennant une politique régionale courageuse dépassant les obstacles, notamment communaux.
Le réseau de tramways projeté
Le réseau de tramways projeté
Quel financement ?
13L’ensemble du projet de plan Iris 2 est évalué à 2,355 milliards d’euros, dont 1, 558 milliards (34%) après 2020 et 163 millions (7%) pour la période 2008-2010 alors que fin 2009, le plan n’est pas encore approuvé. Outre le retard au démarrage, un tiers du budget (et même 51% pour le métro) serait donc dépensé après le terme auquel on espère être parvenu à l’objectif de 20% de réduction du trafic automobile ! Qui plus est, ces coûts sont certainement des minima, car certains projets n’ont pas encore été évalués précisément alors que leur réalisation présentera sans doute des difficultés techniques importantes.
14Si l’on s’en tient à la période 2008-2020, 120 millions d’euros par an sont requis en sus des budgets régionaux récurrents déjà destinés aux transports (708 millions d’euros prévus en 2008, soit 1/4 du budget régional) [6]. Une partie de ce montant pourrait, à terme, provenir de Beliris, l’accord de coopération selon lequel l’État fédéral contribue au financement des charges de la capitale. Celui représente pour l’instant un budget annuel de 125 millions d’euros, toutes politiques confondues. Le projet cite par ailleurs diverses mesures potentielles pour accroître les moyens financiers. Mais la plupart ne font en l’état l’objet d’aucun accord politique clair. Ainsi, les modalités du péage ne sont pas réellement définies, au point que ses recettes potentielles n’ont pas été intégrées au budget du plan. D’aucuns rêvent d’une contribution financière de l’Union européenne, mais est-ce souhaitable du point de vue de l’indépendance des politiques menées ? D’autres pensent évidemment au PPP (partenariat public-privé), formule à la mode mais qui pose évidemment le problème de la rémunération du partenaire privé. La mise en œuvre d’une surtaxe de 2,05 EUR sur les billets SNCB à destination de l’aéroport de Bruxelles, destinée à rémunérer les acteurs privés mêlés au développement des infrastructures ferroviaires desservant l’aéroport, apparaît de ce point de vue comme une mise en garde très concrète.
15Finalement, le plan se clôture par cette formule un peu triste et laconique : « Il revient aux gouvernements futurs soit de prévoir, en tout ou en partie, les moyens nécessaires, via le budget régional, Beliris ou via des moyens de financement supplémentaires pour Bruxelles, soit d’adapter le calendrier d’investissement en fonction des moyens disponibles ».
Notes
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[1]
L’iris, fleur typique des anciens marécages bruxellois, est l’emblème officiel de la Région bruxelloise depuis 1991. De ce fait, il est souvent associé à des plans, projets, structures publiques et autres établissements bruxellois.
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[2]
Voir TU 114
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[3]
Le lecteur aura noté que nous sommes déjà fin 2009 et qu’au moment de rédiger ce texte, le plan n’est pas encore approuvé par le Gouvernement régional.
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[4]
Cette scission aurait lieu au niveau de l’actuelle station Trône, qui correspond à l’endroit où, venant du nord-ouest par la ligne 6, il vaut mieux rester dans la rame et poursuivre la boucle via la gare du Midi plutôt que de prendre une correspondance à Simonis.
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[5]
L’automatisation étant alors supposée résoudre le problème de capacité du tronc commun des actuelles lignes 1/5.
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[6]
Non comptés les subsides régionaux aux communes qui sont affectés aux voiries.