Topique 2012/3 n° 120

Couverture de TOP_120

Article de revue

Quand l'âme chante. La voix mélodique et son pouvoir affectif

Pages 21 à 37

Notes

  • [1]
    Cornaros V., Erotocritos, trad. Marguerite Papazoglou in livret cd Kaki Fimi, Paka Paka, L’autre distribution, Paris, 2012, p. 8.
  • [2]
    Cornaros V., Erotocritos, trad. Robert Davreau, Collection Merveilleux, 2007.
  • [3]
    Reik Th., Variations psychanalytiques sur un thème de Gustav Mahler, tr. fr. Ph. Rousseau Denoël, 1972.
  • [4]
    Massin J. et B., Ludwig van Beethoven, Paris, Club français du Livre, 1960, p. 406 in Mijolla A. de, « En guise d’ouverture », in Psychanalyse et Musique, Les Belles Lettres, Paris, 1982, p. 13.
  • [5]
    Gatewood (1927), Hevner (1936), Capurço (1952) et Catell (1953) cités par Lecourt E., Actualité et développement de la musicothérapie, in La musicothérapie et les méthodes d’association des techniques, Guilhot M-A., Guilhot J., Jost J., Lecourt E., ESF, Paris, 1984, p. 42.
  • [6]
    Voir par exemple Colet H., Chants et Chansons populaires de la France : Romances, Rondes et Complaintes, Garnier, Paris, 1855.
  • [7]
    Voir par exemple les Thinoi (lamentations) sur la chute de Constantinople, chantés encore aujourd’hui dans la tradition musicale orale grecque ; par exemple ‘Yiati pouli m’ den kelaidis’, chanté par C. Aidonidis, grand maître du chant de la thrace occidentale in Aidonidis Chronis, T’aidonia tis anatolis, Giorgos Dalaras, Athènes, 1990.
  • [8]
    Tiby O., La Musique dans l’antiquité classique, in Histoire de la Musique sous la direction de Roland-Manuel, Encyclopédie de la Pléiade, tome I, Gallimard, 1960, p. 416.
  • [9]
    Ibid, p. 417.
  • [10]
    Vervliet F., Sappho Le désir, Arléa, Paris, 1996, p. 19.
  • [11]
    Chailley J., La musique post-grégorienne, in Histoire de la Musique sous la direction de Roland-Manuel, Encyclopédie de la Pléiade, tome I, Gallimard, 1960, p.736-749.
  • [12]
    Guillaume de Machaut., Ballade N.14.
  • [13]
    Jürgenson-Rupprecht M., Suttner K., Das Europäische Kunstlied, Schott, Meinz, 1979, p. 34-117.
  • [14]
    Castarède M.F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p.186-187.
  • [15]
    Viret J., Entre Jubilus et lamento : les affects cries, parlés, chantés, in La Revue de Musicothérapie XXVIII, No1, 2008, p. 14.
  • [16]
    Iliopoulos D., Méthode de Musique Ecclésiastique Byzantine, Athènes, 1993 p. 63, (?????????? ?., ??????? ?????????? ?????????????? ????????, ?????, 1993).
  • [17]
    Ibid., p. 64.
  • [18]
    Communication personnelle avec Spiridon Pavlakis, protopsalte et maître de la musique byzantine à Athènes.
  • [19]
    Vives J-M., Approche psychanalytique d’une voix inouïe : une histoire des castrats, in La Revue de Musicothérapie XXVIII, N°1, 2008, p. 24
  • [20]
    Touma H., The music of the Arabs, trad. Schwarz L., Amadeus Press, Oregon, 1996, p. 97.
  • [21]
    Ibid., p. 96-97.
  • [22]
    Aksoy B., Ottoman Classical music and the art of Improvisation, in Gazeller II, Ottoman-Turkish Vocal Improvisations livret, Kalan, Istanbul, 1997, p. 52.
  • [23]
    Ibid., p. 54.
  • [24]
    Lecourt E., L’expérience musicale, résonnances psychanalytiques, L’Hartmann, Paris, 1994, p. 150-154.
  • [25]
    Fonagy I., La vive voix, Paris, Payot, 1983 p.89 cité par Castarède M-F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p.70.
  • [26]
    Schaeffner A., Genèse des instruments de musique, in Histoire de la Musique sous la direction de Roland-Manuel, Encyclopédie de la Pléiade, tome I, Gallimard, 1960, p. 76.
  • [27]
    Ibid., p. 77.
  • [28]
    Castarède M.F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p. 20.
  • [29]
    Gleason (J. Berco), Talking to children : some notes on feedback, in Snow C.E. et Ferguson C.A. p. 199-205, cité par Castarède M.F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p. 84.
  • [30]
    Maiello S., (1991), L’Oracolo, Un ‘esplorazione alle radici della memoria auditiva, Analysis, Rivista Internazionale di psicoterapia clinica, Anno 2 N.3, p. 245-268, trad. fr. L’objet sonore. L’origine prénatale de la mémoire auditive ; une hypothèse, Journal de la psychanalyse de l’Enfant, n° 20, p. 40-66.
  • [31]
    Mehler J., et coll., « La reconnaissance de la voix maternelle par le nourrisson », La Recherche, 70, sept. 76 cité par Castarède M.F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p. 77.
  • [32]
    Condon W.S., « Speech makes babies move », in R. Lewin E.D. op.cit. cité par Castarède M.F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p.78.
  • [33]
    Anzieu D., « L’enveloppe Sonore du Soi », in Nouvelle Revue de Psychanalyse, N° 13, 1976, p.161-179.
  • [34]
    Ibid., p.175.
  • [35]
    Freud S., « Esquisse d’une psychologie scientifique », trad. fr p.336, cité par Anzieu D., « L’enveloppe Sonore du Soi », in Nouvelle Revue de Psychanalyse, N° 13, 1976, p. 171.
  • [36]
    Vives J-M., La voix sur le divan, Musique sacrée, opéra, techno, Aubier, Paris, 2012, p. 38- 39.
  • [37]
    Green A., Préface : La voix, l’affect et l’autre, in Castarède M.F. et Konopczynski G., Au commencement était la voix, Érès, Toulouse, 2005, p. 24.
  • [38]
    Stern D., Mère-Enfant : les premières relations, Bruxelles, Mardaga, 1981, p. 30 cité par Castarède M.F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p. 84.
  • [39]
    Winnicott D., Jeu et réalité, Gallimard, Paris, 1975, p. 29.
  • [40]
    Freud S., Essais de Psychanalyse, Paris, Payot, 1967, p. 15-20.
  • [41]
    Castarède M., F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p. 150.
  • [42]
    Mijolla-Mellor S., de, Le choix de la sublimation, PUF, Paris, 2009, p. 286.
  • [43]
    Freud S., Le Petit Hans, PUF, Paris, 2006, p. 121.
  • [44]
    De Lucia M., Clarke S., Murray M., « A Temporal Hierarchy for Conspecific Vocalization Discrimination in Humans », The Journal of Neuroscience, vol. 30, n° 33, 2010, p. 11 210-11 221.
  • [45]
    Cornut G., La voix, PUF, Paris, 1983, p. 41-42.
  • [46]
    Konopczynski G., Les enjeux de la voix, in Castarède M.F. et Konopczynski G., Au commencement était la voix, Éres, Toulouse, 2005, p. 43-44.
  • [47]
    Sachs O., Musicophilia, Picador, New York, 2008, p. 333-338.
  • [48]
    Cité par Cornut G., La voix, PUF, Paris, 1983, p. 45.
  • [49]
    Lecourt E., L’expérience musicale, résonnances psychanalytiques, L’Hartmann, Paris, 1994, p. 20.
  • [50]
    Rousseau-Dujardin J., « Génération de la musique, du côté du compositeur », in Schneider M. et al, À la musique, Belles Lettres, Paris, 1993, p. 37-89.
  • [51]
    Klein M., Envie et gratitude et autres essais, Gallimard, Paris, 1968, p. 122.
  • [52]
    Mc Clellan R., The Healing forces of Music, Element Inc Rockport, USA, 1991, p. 21-23.
  • [53]
    Lecourt E., Actualité et développement de la musicothérapie, in La musicothérapie et les méthodes d’association des techniques, Guilhot M-A., Guilhot J., Jost J., Lecourt E., ESF, Paris, 1984, p.14.
Que je chante et que j’exprime la douleur qui me tourmente
Et il me semble qu’elle devient une eau qui apaise le feu en moi
Quarante fontaines et soixante-deux puits ne peuvent éteindre
Le feu qui flambe dans les tréfonds de mon cœur[1]
Vintsentzos CORNAROS, poète crétois du XVIIesiècle, ?rotocritos

1 Quand Erotocritos, le héros du poète crétois chante, son chant devient de l’eau, qui apaise le feu de l’amour passionnel qu’il a dans le cœur pour la belle Arethousa... C’est d’ailleurs par son chant, qu’elle tombe amoureuse de lui quand, un soir, dans le jardin du palais, sans savoir qu’elle est là et l’entend, il chante pour elle [2]... Ce long poème, rappelant Romeo et Juliette ou Tristan et Iseut, a été écrit au XVIIe siècle en Crète par le poète Vintsentzos Cornaros mais il hante jusqu’à aujourd’hui les lèvres des jeunes et vieux chanteurs de l’île de Crète, devenant ainsi leur hymne « national » à l’amour.

2 Comment pourrait-on expliquer qu’à toutes les époques, dans toutes les civilisations le chant semble être l’expression la plus profonde de l’état affectif humain ? Théodore Reik, un des plus anciens élèves de Freud, croyait que la structure musicale peut représenter des sentiments. Il suggère l’idée que le matériel inconscient émerge parfois en tant que mélodie plutôt qu’en tant que mot pour la raison que la première pourrait mieux indiquer les états d’âme et les émotions inconnus [3]. Cette vision semble convenir à la l’acte de création de Beethoven qui, interrogé sur l’origine de ses idées musicales répondait ainsi : « ... Elles surgissent sans avoir été évoquées, immédiatement ou par étapes ; ce qui les suscite, ce sont les dispositions d’esprit (Stimmungen) qui s’expriment avec des mots chez le poète et qui s’expriment chez moi par des sons[4]... » Aujourd’hui, de nombreuses études relevant du champ des sciences cognitives, menées en particulier aux États-Unis, se penchent sur l’impact de la musique sur l’émotion : elles confirment que celle-ci peut modifier un état d’âme existant, que les réponses affectives à une œuvre musicale sont uniformes chez la grande majorité des sujets, mais aussi que la musique vocale a un pouvoir évocateur plus important que la musique instrumentale [5]. Le protocole scientifique vient donc confirmer ce que les hommes avaient ressenti et pratiqué durant des siècles.

3 Nous allons nous concentrer ici sur l’articulation de la mélodie et de l’affect. Nous allons étudier le pouvoir d’expression émotionnelle du chant et plus concrètement de la voix mélodique, qui est la forme musicale la plus ancienne, et nous allons ensuite analyser l’origine de ce pouvoir particulier.

4 Le chant est donc composé de trois éléments : texte, voix et mélodie. Quel élément porte l’émotion et à quel degré ? Souvent la thématique du texte mis en musique – le poème lui-même – est déjà fortement chargée affectivement. Dans les anthologies de chants populaires de diverses cultures [6], ces derniers sont souvent « catégorisés » en chapitres, selon le contenu de leur texte. Nous pouvons remarquer alors qu’une grande partie de ces « catégories » représentent des chansons qui expriment un état d’âme à travers leurs vers : berceuses, chants d’amour, de deuil, d’éloignement – voire même de chants historiques liés à la mémoire d’un événement historique qui a fortement marqué le sentiment collectif [7].

5 Se pose alors la question suivante : pourquoi mettre en musique le texte ? Ne suffirait-il pas de réciter le poème ? Le chant rajoute au poème la mélodie, chantée par la voix humaine, et celle-ci se charge d’un message émotionnel qui ne passe pas par les mots et donc le sens. Elle vient souligner, servir le texte et même parfois le dépasser, pour transmettre un état d’âme pur. Ainsi, la combinaison du sens (texte) et de l’affect (mélodie et souvent aussi texte) donne au chant un pouvoir expressif unique, utilisé dans toutes les civilisations et toutes les époques.

LES FORMES EXPRESSIVES DU CHANT ET LEUR « CHARGE » AFFECTIVE. DOSER SENS ET AFFECT À TRAVERS LE TEXTE ET LA MÉLODIE

6 Nous allons explorer quelques formes de chants utilisés dans des cultures différentes depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Nous allons voir en particulier le dosage sens/affect qui se forme à travers la combinaison texte/mélodie et le rôle particulier de la voix et de la mélodie qu’elle fait naître, dans la transmission du message émotionnel.

7 La forme la plus courante du chant est peut-être la mélodie vocale monodique composée sur un poème et accompagnée par un ou plusieurs instruments. Sous cette forme, la mélodie sert le texte et elle est souvent syllabique — c’est-à-dire, une syllabe correspond à une ou quelques notes chantées. L’affect se transmet à travers le texte et la mélodie à la fois de façon très intime. Selon Tibby, « il n’y a pas de poésie plus étroitement liée à la musique que celle qui est destinée à un seul exécutant où à un très petit ensemble d’exécutants[8] ».

8 Dans l’Antiquité grecque, on retrouve cette forme dans les chants de Sappho entre autres, la « dixième muse », comme l’appelait Platon. La poétesse et musicienne ayant chanté le printemps lyrique de l’humanité a composé de nombreux chants d’amour qu’elle interprétait accompagnée de sa lyre – chants d’expression intime d’une âme solitaire. Bien qu’elle soit restée dans l’histoire comme poétesse – puisque la mélodie de ces chants n’a pas pu être transmise jusqu’à nos jours – c’était bien des chansons qu’elle écrivait. À cette époque, d’ailleurs, les écoles de poésie furent aussi des écoles de musique [9]. Entre autres états d’âme, prières, odes à la nature et aux dieux, chagrins, le désir fut fortement exprimé par cette poétesse musicienne. « Je t’en prie, Abanthis, prends ta lyre et chante la belle Gongyla dont le désir t’obsède[10]... »

9 Sur le même modèle – une poésie mise en musique et interprétée par une seule voix intimiste accompagnée d’un instrument – se développera en Europe du XIIe au XIVe siècle le chant courtois. Trouvères (nord de la France), troubadours (Occitanie) ainsi que Minnesinger (Allemagne) chanteront, à travers des compositions de Guillaume de Machaut, Adam de la Halle, Guillaume IX, Beatritz de Dia, Albert Johannsdorf et d’autres compositeurs de l’époque [11], l’amour d’objet, souvent sans véritable espoir de conquête. « Je ne cuit pas qu’onques à créature amours partist ses biens si largement[12]... »

10 Le lied romantique germanique de compositeurs comme Schubert, Schumann, Brahms, Mendelssohn mais aussi de compositeurs français comme Fauré, Debussy, Ravel [13]... fonctionne sur un modèle semblable : une mélodie vocale monodique composée sur un texte. L’expression intime d’une âme, qui chante souvent l’amour-passion romantique. Selon Castarède, le lied romantique représente la perfection esthétique du narcissisme vocal mais aussi, comme tout chant, un narcissisme heureux [14].

11 Enfin, cette forme d’expression musicale, mélodie vocale monodique composée sur un texte et accompagnée par un ou plusieurs instruments, correspond aussi à de nombreux chants populaires dans tous les continents et toutes les époques jusqu’à nos jours ; rappelons entre autres la chanson française d’aujourd’hui ou la pop, qui fonctionne souvent avec un chanteur, souvent auteur et compositeur de sa musique, accompagné de sa guitare.

12 Mais la voix musicale a trouvé d’autres formes d’expression durant les siècles et le dosage texte et mélodie a pu jouer avec d’autres analogies. Parfois la musique prime sur le texte au lieu de l’enjoliver ou de le souligner simplement, surtout quand le but principal de l’œuvre est l’expression affective pure. On observe que plus le chant sert la parole et donc le sens, plus la mélodie est syllabique, tandis que quand il vise plutôt à l’expression de l’émotion, la voix s’exprime à travers la mélodie mélismatique, des vocalises et des ornements sans support verbal, en brodant librement autour de l’idée musicale. C’est comme si les ondes des ornements vocaux traduisaient les vibrations affectives de façon plus immédiate et fidèle que les mots.

13 Nous pouvons constater ce phénomène dans plusieurs formes d’expression vocale dans l’histoire de la musique, en commençant par le chant sacré. Le chant grégorien servait d’abord à transmettre le sens de la parole divine sauf dans le jubilus, long mélisme à la fin de la syllabe chantée qui laissait la voix ornementer heureuse, pour épancher le sentiment de joie associée à la divine louange. C’est d’ailleurs sur le mot alleluia, acclamation hébraïque signifiant « louez l’éternel » mais qui n’a pas de sens dans les langues latines de la messe occidentale, que ces mélismes trouvaient leur place [15].

14 Dans le chant byzantin, le chant sacré orthodoxe des églises grecques et de l’Orient, on observe que le même psaume (texte) peut être chanté sur une mélodie différente et même des modes différents, selon le jour et le rituel ecclésiastique exécuté. Cette observation souligne justement que dans ce chant sacré syllabique (irmologikon eidos – ??????????? ?????[16]), la mélodie vient souligner le texte, l’enjoliver, le rendre peut-être plus touchant, mais que le but principal est la transmission de la parole divine. Les chants mélismatiques et virtuoses (papadikon eidos – ????????? ?????[17]) sont réservés aux rituels complexes ou aux jours de fêtes exceptionnels. Toutefois, on trouve aussi dans le chant byzantin d’une part les chants « kallophonika », longs chants mélismatiques qui, comme le laisse entendre l’étymologie du mot, laissent la place à la « belle voix », et d’autre part les improvisations mélismatiques terirem (sans mots, juste sur les syllabes te-ri-rem) chantés à table, quand à l’époque les prêtres et leurs psaltes faisaient des fêtes dans tel ou autre monastère, ce qui nous renvoie au plaisir de chanter et d’exprimer sa joie et son bien-être à travers la voix et le chant [18].

15 Dans l’opéra aussi, les récitatifs servent plutôt à transmettre le sens et la parole, à faire avancer l’histoire, tandis que les airs (aria) sont des passages vocaux riches en mélismes où la mélodie se déploie et où la voix se contente d’exprimer les sentiments. La naissance même de l’opéra à Florence, aux alentours de l’an 1600, est due à des recherches autour de la « récitation chantée », une esthétique qui s’est répandue ensuite dans toute l’Europe. L’opéra tentait de réinventer le drame grec, perçu à l’époque comme un harmonieux mélange entre parole, chant et danse. Dans l’Orfeo de Monteverdi, représenté en 1607, la musique semble être l’humble servante du texte ; mais il y a déjà des traces de ce que deviendra l’opéra plus tard dans l’air d’Orfeo descendu aux enfers, passage excessivement virtuose et mélismatique [19]. On remarquera que l’aria portera en elle les moments affectifs les plus intenses du drame, donc encore une fois ce sera à la mélodie d’exprimer l’émotion en premier plan, le texte passant alors en second. Notons par exemple l’expression de la plainte et de la douleur dans l’air de lamento conclusif de l’opéra de Purcell Didon et Enée « when I am laid.. » mais aussi l’expression de la joie dans l’air des bijoux de Marguerite dans Faust de Gounod, interprété merveilleusement par Maria Callas.

16 Dans la musique classique et populaire orientale, à part les compositions vocales, nous retrouvons aussi des improvisations extrêmement virtuoses et mélismatiques chantées en solo : les gazel en musique classique ottomane, les amané en musique grecque populaire (rebetiko), les mawwal dans la musique arabe [20]. Ces passages vocaux expriment souvent des émotions profondes liés au maqam (mode musical) choisi [21], tels que l’amour, le chagrin, le deuil, la douleur de l’exil et sont souvent le moment le plus précieux du concert où le public voit le chanteur s’investir affectivement dans son chant le plus intensément. Il s’agit d’improvisations non métriques sur un court poème, lentes et mélismatiques avec une structure mélodique modale qui explore la gamme utilisée dans toute la tessiture du chanteur. Dans ce genre, une belle improvisation est aussi remarquable qu’une composition écrite ; c’est à travers celles-ci qu’on juge les connaissances, l’inspiration et le talent du chanteur [22]. C’est d’ailleurs ainsi que les grands chanteurs comme Hafiz Sami ou Hafiz Osman [23] (musique classique ottomane), Roza Ashkenazy (rebetiko grec) ou Farid-Al-Atrash (musique arabe) sont restés dans l’histoire des genres respectifs. Il est intéressant de noter qu’ici aussi, dès que l’on passe à l’improvisation mélodique et l’expression affective le texte se perd, se prolonge, se déforme et on chante souvent les vocalises ornementées sur un mot sans sens, comme le mot aman, utilisé souvent pour improviser dessus en musique turque et grecque ou la phrase ya ain ya laili (ah, œil, ah, nuit) répétée dans l’improvisation vocale avant les mawwal. Ceci rappelle aussi les vocalises chantées sur le mot alleluia du chant sacré grégorien.

17 En dehors de la musique monodique, la musique polyphonique offre à l’analyse une situation où les voix différentes peuvent exprimer différentes situations concernant la personne ou la société, entre autres sentimentales. Édith Lecourt en analysant des motets de l’aube de la musique polyphonique, notamment du manuscrit de Montpellier (XIIIe siècle), a décrit les « voix du groupe interne » qui se manifestent entre autres dans ce genre. Ces voix expriment plusieurs niveaux de conscience d’un même personnage simultanément perçus. À l’intérieur des voix du groupe interne peuvent s’exprimer donc de façon condensée des affects différents de la même personne — par exemple sur le motet N.143 (Pucelete/Bele et avenant) s’expriment simultanément la joie, la tristesse et l’angoisse de l’amoureux en question [24].

CAS CLINIQUE : LE JEUNE ROGER

Parfois le message affectif porté par la voix et celui porté par la parole diffèrent. Dans la musique, ce phénomène est aussi présent par exemple dans certains chants dont la mélodie est joyeuse mais dont les paroles sont tristes (dans les chants des îles grecques à la mélodie enjouée mais aux paroles tristes qui parlent de la mer qui éloigne le marin de sa famille ; mais aussi dans le reggae, où l’on peut avoir une musique joyeuse avec des paroles pessimistes sur la cruauté du monde).
En musicothérapie, nous pouvons utiliser la voix chantée pour détecter la vraie émotion du patient, information très utile cliniquement.
Je vais citer ici le cas d’un patient, fils d’un père schizophrène, un jeune homme diagnostiqué avec une psychose dépressive et longtemps hospitalisé dans l’institution où nous travaillons. En musicothérapie et à travers le chant, je me suis rendue compte qu’il mettait un autre message affectif aux mots d’amour du texte chanté. Au lieu d’investir ce texte avec l’amour ou la tendresse, il investissait les mots d’amour chantés avec une colère violente.
À travers la prise de conscience de cette expression émotionnelle dans la voix chantée, nous avons pu faire un travail sur cette colère rentrée qui visait le sexe opposé et qui partait bien de ses premières expériences affectives. Il s’est rendu compte de ses sentiments d’infériorité liés à la place de l’homme dans sa famille « matriarcale » avec ce père schizophrène absent, de sa tendance à tomber amoureux de filles qu’il percevait comme toutes-puissantes comme sa mère et sa sœur et de l’agressivité et colère qu’il ressentait contre ces mêmes femmes.
Le travail vocal a permis d’identifier l’émotion ressentie, de l’accepter et de travailler sur son expression libre et sur son origine, puis ensuite d’expérimenter l’expression d’autres états d’âme à travers la voix chantée.

18 Nous allons finir ce court passage en revue des formes de chant correspondant à la voix mélodique associée aux paroles d’un texte avec quelques réflexions sur deux formes modernes : le hip hop et le métal. Selon Fonagy, dans le chant, comme dans la parole, les voyelles et la mélodie sont prédominantes dans l’expression de l’amour et de la tendresse, tandis que le rythme et les consonnes prédominent dans l’expression de l’agressivité ; la joie combinerait les traits sonores des deux mais resterait dans l’organisation, tandis que la colère se manifesterait par l’anarchie complète [25]. Dans le hip-hop, nous notons souvent une manifestation d’agressivité mais aussi de colère, à travers le chant dense, où le rythme et les consonnes priment sur la mélodie. Dans le genre métal, la voix est expulsée, crachée – marque d’une analité et de la colère rentrée : la haine.

19 Nous pouvons conclure que toutes les émotions peuvent être exprimées par le chant, comme d’ailleurs par la voix humaine. Amour, passion, tendresse mais aussi agressivité, colère... Pourquoi le chant permettrait-il d’exprimer des sentiments de manière si efficace ? Nous avons vu à travers ces quelques exemples la particularité de la mélodie, qui vient souligner le texte et le rendre encore plus touchant, ou qui le fait même passer complètement au deuxième plan quand il s’agit de transmettre un état d’âme pur. Il y aurait donc un pouvoir affectif particulier de la voix mélodique qui, à notre avis, consisterait en une sublimation de la voix préverbale dans un système de règles quasi-universelles du phénomène sonore. Ce sont ces règles qui sont ensuite exploitées par l’esthétique particulière de chaque genre et de chaque époque pour former le chant comme on le connaît.

LA VOIX, INSTRUMENT DU CHANT ET SA CAPACITÉ D’EXPRESSION AFFECTIVE

20 Commençons par l’instrument musical utilisé dans le chant : la voix humaine. Celle-ci n’est pas juste un instrument mais l’instrument mélodique primordial de l’homme ; c’est de la voix que la mélodie est née. Dans l’histoire de la musique on voit que l’homme a d’abord chanté puis inventé les instruments pour imiter son chant. La musique vocale de peuples dits primitifs, d’ailleurs, se montre parfois d’une extraordinaire imagination : polyrythmie, contrepoint, harmonie, densité symphonique, tout ceci se retrouve dans des chœurs de diverses régions du monde [26]. Les premiers instruments utilisés par l’homme étaient les instruments rythmiques, parce que la voix ne marquait pas le rythme efficacement [27]. Les instruments mélodiques sont venus plus tard dans la recherche d’autres timbres et sonorités, toujours à l’imitation de la voix cependant. Jusqu’à aujourd’hui, dans les musiques monodiques de l’Orient (musique indienne, classique arabe, ottomane, etc.) les instruments à vent ou à cordes cherchent à imiter la voix dans son ornementation et dans la subtilité des intervalles pour perfectionner le jeu instrumental. Cette importance de la voix dans la musique provient bien de l’importance affective et communicative qu’elle représente pour l’homme depuis le début de sa vie.

21 En regardant l’aube de l’humanité mais aussi de la vie humaine, la phylogénèse semble rejoindre l’ontogenèse, comme le souligne Castarède : le premier homme parlant ressemble, par configuration de son cerveau, au bébé actuel dans sa première année de vie et tous les deux privilégient le langage des émotions transmis par la voix, bien avant que les idées ou les concepts ne s’expriment [28]. D’ailleurs si on analyse l’expression vocale du bébé avant d’avoir accès au langage (babytalk), on remarque que celle-ci est très musicale [29]. On pourrait dire alors d’une certaine façon que l’homme chante avant même de parler !

22 Le premier contact du fœtus avec sa mère est corporel, tactile. Le deuxième est sonore et vient des bruits corporels et de la voix de la mère que le fœtus commence à entendre dès le quatrième mois de grossesse, quand l’oreille commence à fonctionner ; les sons extérieurs sont bien sûr déformés en passant à travers le liquide amniotique. Maiello [30] définit cette voix comme le premier « objet sonore », le premier élément perçu comme non-moi par le fœtus à cause de sa discontinuité. Selon cet auteur, la première relation d’objet se crée non pas avec le sein mais bien avant la naissance, avec la voix maternelle.

23 Suite à la naissance, il est certain que la voix devient une façon importante de communiquer avec la mère et ensuite avec l’entourage. Ce partage premier de la mère avec son enfant est d’une grande importance affective et stimule son développement. Le bébé reconnaît la voix maternelle très vite, et dès la deuxième semaine, cette voix calme le bébé plus vite que n’importe quel autre son ou stimulus visuel. Elle stimule entre autres la succion du bébé âgé de quatre à six semaines [31], et provoque le phénomène de « synchronie interactionnelle » mis en évidence par Condon et Sander [32] ; c’est-à-dire que le bébé réagit à la voix et « danse » en harmonie avec elle.

24 Didier Anzieu dans l’« Enveloppe Sonore du Soi » [33] souligne l’importance du miroir sonore que renvoie la mère à son enfant, pour qu’il puisse constituer son Soi à partir de ce qu’elle lui reflète. Ce miroir sonore ou peau audiophonique serait bien plus précoce que le miroir visuel, décrit par Lacan et aussi Winnicott. Il écrit : « Le bain mélodique (la voix de la mère, ses chansons, la musique qu’elle fait écouter) met à la disposition [du bébé] un premier miroir sonore dont il use d’abord par ses cris (que la voix maternelle apaise en réponse), puis par son gazouillis, enfin par ses jeux d’articulation phonématique.[34] » Selon cet auteur, le Soi se forme comme une enveloppe sonore dans l’expérience du bain des sons, qui préfigure le Moi-peau et sa double face tournée vers le dedans et le dehors, puisque l’enveloppe sonore est composée de sons alternativement émis par l’environnement et par le bébé.

25 Le bébé au début utilise sa propre voix à travers le cri pour extérioriser, exprimer ses tensions internes, ce qu’il ressent, puis ensuite se rend compte que ce cri attire les soins maternels qui l’apaisent. Il commence alors à utiliser sa voix autrement, pour communiquer avec la mère et, plus tard, avec son entourage. Comme l’écrit Freud, tout en fournissant une décharge, le cri devient le prototype de la demande : « La voie de décharge acquiert ainsi une fonction secondaire d’une extrême importance, celle de la compréhension mutuelle[35]. » Le cri du bébé, sa voix, devient aussi alors appel à l’Autre [36]. À quel autre s’adresse la voix ? André Green souligne que cet autre n’est pas seulement l’interlocuteur, mais l’autre en nous[37]. La voix, qui servira ensuite à la parole, restera une voie de communication très importante avec les autres jusqu’à la fin de notre vie.

26 Une fois qu’il entre dans la communication « vocale », le bébé commence à dialoguer avec sa mère et son entourage, à expérimenter avec les sons du langage, à vocaliser, à babiller. Le « babytalk », la façon particulière avec laquelle parlent le bébé mais aussi les adultes qui s’adressent à lui, apparaît. De nombreux écrits décrivent l’importance de celui-ci. Le « babytalk » est musical ; la mère et les adultes régressent vers cette façon particulière de parler quand ils s’adressent au bébé, mais on observe aussi que les amoureux se parlent de la même façon ! Stern note que le modèle de vocalisation le plus commun au cours de la communication vocale entre la mère et le bébé est celui où ils vocalisent en unisson au lieu de se répondre par des répliques alternées [38] ; non seulement l’échange vocal est « musical » mais en plus il utilise l’unisson ! Marie-France Castarède y trouve là les sources du « chœur ».

27 Quand le bébé reste seul, on note que souvent il se « berce », il joue avec sa propre voix en faisant des petites phrases musicales, en expérimentant avec les sons du langage maternel. Ce jeu vocal le console de l’angoisse de rester seul. Ces premiers « chants » peuvent être considérés selon Winnicott comme des phénomènes transitionnels. « Le gazouillis du nouveau-né, la manière dont l’enfant plus grand reprend au moment de s’endormir son répertoire de chansons et de mélodies, tous ces comportements interviennent dans l’aire intermédiaire en tant que phénomènes transitionnels[39] »

28 Freud a décrit dans « Au-delà du principe du plaisir » le jeu visuel « fort-da » du petit Heinz à la bobine, jeu qui le liait à sa mère absente et consolait sa douleur de cette séparation [40]. Le psychanalyste Brousselle cité par Castarède a appelé la musique un « jeu de la bobine vicieux et sublime » et ce dernier auteur a plus tard parlé des gazouillis du bébé en tant qu’équivalent de « bobine sonore » qui lieraient le bébé avec la mère et apaiseraient la douleur de sa séparation d’elle [41]. L’état de manque de la mère, alors, susciterait ce premier « chant » du bébé, qui l’apaiserait de leur séparation et en même temps le lierait à elle.

29 Si le manque de la mère suscite ce premier chant que se passe-t-il plus tard dans des situations de la vie où on fait le deuil d’objet, comme cela se passe après le stade d’œdipe à la période de latence ? Encore, est-ce par hasard que les adolescents, au moment où ils renoncent justement à leurs objets parentaux qui ne sont plus conformes aux images idéales qu’ils incarnaient pour eux pendant l’enfance, commencent à être passionnés de musique ? Plus loin encore, comment expliquer les nombreux chants écrits dans toutes les civilisations suite à la séparation d’objet à l’âge adulte ?

30 Sophie de Mijolla-Mellor conçoit les périodes de crise de la vie du sujet, dont le travail de deuil, comme des moments clefs à la sublimation comme issue possible. Selon elle, « si toute sublimation commence par un renoncement, le Moi n’y consent que dans la mesure où il a trouvé pour ses objets soit des substituts soit une possibilité de métabolisation conformes à ses visées[42] ». Elle cite l’analyse du petit Hans, décrit par Freud en 1909 – qui commence à développer précocement, à l’âge de 5 ans, un intérêt pour la musique juste quand il entre à la période de latence suite à l’Œdipe, au moment où le refoulement de son agressivité pour le père et le symptôme de l’anxiété commencent à se manifester [43].

31 Les périodes du deuil œdipien, mais aussi du deuil du renoncement des objets parentaux de l’adolescent, du renoncement de l’objet perdu dans une séparation de couple de la vie adulte et même du deuil suite à la mort d’un être cher seraient donc des périodes qui ouvriraient une possibilité importante à la sublimation des pulsions sexuelles destinées initialement à l’objet perdu. Ainsi, en ce qui nous concerne, une partie de la libido destinée à l’amour d’objet perdu pourrait bien se sublimer en création musicale. Il me semble que la réalité de la création musicale confirme cette hypothèse.

32 La voix en elle-même est aussi très liée à la sexualité. N’oublions pas la « génitalisation » de la voix qui a lieu à la puberté ; la voix nous indique le sexe ainsi que l’âge du sujet. Elle est pour l’oreille ce qu’est le visage pour l’œil, unique et reconnaissable. On peut tomber amoureux d’une voix, parlante ou chantante, c’est comme un visage ! Combien de fans tombent amoureux de chanteurs ? Sûrement beaucoup plus que de flûtistes, contrebassistes ou percussionnistes. Le lien direct de la voix à la sexualité renvoie à son lien à la relation d’objet et donc justifie tous les affects qui seraient ressentis là : amour, passion, tendresse, colère, haine, etc.

33 Les neurosciences aussi confirment que la voix est un stimulus sonore « prioritaire » pour le cerveau humain, qui le traite plus vite que d’autres bruits ; le cerveau reconnaît les voix aussi vite que les visages, ce qui montre qu’elles sont le lieu d’un investissement particulier [44]. Certainement, il s’agit d’un investissement affectif que la psychanalyse avait depuis longtemps repéré.

34 Aussi, les états affectifs et les sentiments interviennent à chaque instant dans la phonation pour moduler tonalité, timbre et intensité de la voix. C’est au niveau du diencéphale que se produit une sorte d’aiguillage de l’émotion – vers le haut (cortex), qui fait que l’émotion est « ressentie » et vers le bas, ce qui explique l’expression corporelle de l’émotion qui se manifestera en particulier par une modification de la respiration et de la voix [45]. Après tout, nous sommes tous capables, mêmes les bébés, de déceler dans la voix, en l’absence de tout autre indice, l’état émotionnel d’un individu. De nombreuses études sont faites sur ce sujet, Konopczynski reconnaît l’étude de l’équipe de Genève faite par Bäntziger et Scherer comme le modèle le plus complet. Cette étude relève douze types de catégories d’émotions, qu’elle relie avec des aspects de la voix parlée comme la hauteur, la vitesse, l’articulation, la mélodie, etc [46].

35 Le professeur de neurologie et psychiatrie Oliver Sachs décrit de nombreux cas cliniques neurologiques souffrant de dommages cérébraux importants situées dans des topographies cérébrales liées à l’émotion (par exemple dommage important des lobes frontaux suite à une rupture d’anévrisme cérébral, apathie suite à encéphalite) mais aussi certains cas psychiatriques (par exemple autisme, psychopathie) qui pourtant semblent être tous remarquablement connectés à l’émotion à travers la pratique musicale et particulièrement le chant [47].

36 Cela dénote qu’une explication du pouvoir d’expressivité émotionnelle du chant réside dans le pouvoir affectif de l’instrument même du chant qu’est la voix humaine. La voix qui est utilisée dans le chant pour former la mélodie, celle qui nous renvoie à l’affect, est une voix avec des caractéristiques de la communication préverbale : musicale, mélodieuse, chargée de messages affectifs.

37 Là est l’origine de la mélodie vocale et donc l’origine de la mélodie dans la musique. Rappelons-nous aussi que c’est de la mélodie vocale que sont nés tous les instruments mélodiques, qui ont essayé d’imiter la voix. À cette voix préverbale déjà très chargée en émotions, se rajouteraient les règles universelles du sonore et l’esthétique de l’époque pour aboutir à la mélodie vocale du chant. Si pour André Green l’opéra est la sublimation du cri, le chant, lui, serait tout simplement la sublimation de la voix préverbale selon des qualités musicales esthétiquement appréciées que nous analyserons.

LA MÉLODIE, SUBLIMATION DE LA VOIX PRÉVERBALE, PORTEUSE DU MESSAGE AFFECTIF

38 La mélodie aurait donc ses sources dans la voix, et plus précisément dans la voix préverbale. Effectivement, il y a des liens entre la voix parlée et la mélodie chantée. Voyons-en quelques-uns.

39 Dans la voix parlée, la hauteur tonale oscille autour d’une fréquence moyenne différente pour chacun ; celle-ci dépend de l’âge du sujet, de son sexe, de la longueur de ses cordes vocales et d’autres paramètres. Tarneaud appelle cette fréquence « le fondamental usuel de la parole » [48]. Toute mélodie oscille aussi autour d’une hauteur tonale qu’on appelle « la tonique ». Le sentiment de « tonique » est naturel chez l’homme, qui peut reconnaître intuitivement cette fréquence « fondamentale » sur laquelle se base toute mélodie. Ce sentiment est utilisé dans la pédagogie musicale.

40 Édith Lecourt forme l’hypothèse que dans les premières empreintes sonores et musicales se trouvent les premiers schémas musicaux, y compris les intervalles de l’harmonie [49]. À propos d’intervalles utilisés en polyphonie, elle cite notamment Jacqueline Rousseau-Dujardin : apparemment les intervalles qui distinguent naturellement les voix d’hommes, de femmes et d’enfants (octave, quinte, tierce, avec des variantes selon les cas) sont ceux-là mêmes qui furent d’abord utilisés dans les premières polyphonies et qui ont ensuite défini l’harmonie musicale [50]. On voit alors que les sources de la polyphonie seraient liées aux premières perceptions vocales, déjà présentes dans le groupe vocal familial.

41 Dans les échanges « babytalk » que nous avons vus auparavant sont déjà présentes les formes de « question-réponse » et d’« unisson » avec la voix maternelle, formes utilisées aussi dans le chant depuis les sociétés primitives. Ils seraient donc peut-être introduits dans le chant pour rappeler cet échange avec la voix maternelle.

42 La mélodie serait donc une sublimation de la voix préverbale, qui nous renvoie à la mère et la première relation d’objet, aboutissement du jeu vocal, phénomène transitionnel qui nous console de son absence et qui nous aide à être seuls et finalement sublimation des pulsions sexuelles destinées à l’objet absent ou perdu. Quel autre lien pourrait mieux nous lier à cet objet que la voix mélodieuse, premier lien sonore avec le premier objet aimé ?

43 La mélodie, qui définit le chant, si on lui donne un statut d’œuvre d’art serait bien une sublimation de cette voix, la voix avec les qualités de la communication préverbale : musicale, mélodieuse, chargée de transmettre le message affectif avant que le bébé ne comprenne le code du langage. Elle serait la sublimation de la voix de la mère introjectée comme « bon objet » dans le sens kleinien. Plaisir auditif et corporel qui pourrait nous renvoyer à la communication non-verbale, mais aussi au jeu du babillage et aux plaisirs et sensations de l’oralité. Une façon de régresser agréablement à ce stade de communication préverbale où l’on n’a pas besoin de recourir à la parole pour se sentir compris, aspiration qui représente, en dernière analyse, la nostalgie de la toute première relation à la mère [51].

44 Dans le travail artistique de la création musicale, la voix sera élaborée selon les règles universelles du phénomène sonore mais aussi les préférences esthétiques personnelles et de l’époque pour donner un résultat reconnu par l’oreille comme mélodieux.

45 D’abord, la hauteur « fondamentale » de la voix parlée sera analysée et développée : ce son fondamental, qui sera la « tonique » de notre mélodie, possède en lui « verticalement » – comme tous les sons – les intervalles de la série d’harmoniques qui sont à la base de toute musique, décrits depuis Pythagore (octave, quinte, quarte, tierce, ton majeur, ton mineur, etc. [52]). Si on prend les hauteurs toniques de cette analyse et qu’on les met horizontalement en transposant sur la fondamentale/tonique l’une après l’autre, on obtient les notes de la gamme issues ainsi de cette fondamentale/tonique. Il suffit de rajouter le rythme, et de jouer avec ces éléments en formant l’espace transitionnel du jeu-chant pour créer une ligne mélodique. Rajoutons l’esthétique de l’époque, l’esthétique personnelle et bien sûr le « message » émotionnel que notre compositeur veut faire passer et nous avons la mélodie. Si là nous rajoutons le texte, nous obtiendrons le chant.

46 Ainsi, nous comprenons mieux pourquoi le chant se charge d’un tel pouvoir affectif pour le chanteur mais aussi pour l’auditeur. Ce dernier va éprouver la catharsis de ses propres sentiments à travers l’identification au chanteur et le message affectif transmis par son chant. C’est pour cela que l’auditeur choisit inconsciemment d’entendre un chant proche de son état d’âme actuel ; cela lui permet de s’y identifier. Et c’est à cause de ce grand pouvoir affectif qu’aujourd’hui il y a des approches en musicothérapie (Reinhart, Bachli, Alvin) qui utilisent les éléments isolés de la musique pour changer l’état d’âme actuel vers un nouvel état d’âme, induit par la musique [53]. L’auditeur va ressentir dans le chant la transformation des pulsions sexuelles destinées à l’objet, cela va lui rappeler les situations qu’il vit dans sa propre vie et ceci l’aidera à faire ses propres sublimations.

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Mots-clés éditeurs : Musicothérapie, Sublimation, Affect, Mélodie, Voix

Mise en ligne 08/11/2012

https://doi.org/10.3917/top.120.0021

Notes

  • [1]
    Cornaros V., Erotocritos, trad. Marguerite Papazoglou in livret cd Kaki Fimi, Paka Paka, L’autre distribution, Paris, 2012, p. 8.
  • [2]
    Cornaros V., Erotocritos, trad. Robert Davreau, Collection Merveilleux, 2007.
  • [3]
    Reik Th., Variations psychanalytiques sur un thème de Gustav Mahler, tr. fr. Ph. Rousseau Denoël, 1972.
  • [4]
    Massin J. et B., Ludwig van Beethoven, Paris, Club français du Livre, 1960, p. 406 in Mijolla A. de, « En guise d’ouverture », in Psychanalyse et Musique, Les Belles Lettres, Paris, 1982, p. 13.
  • [5]
    Gatewood (1927), Hevner (1936), Capurço (1952) et Catell (1953) cités par Lecourt E., Actualité et développement de la musicothérapie, in La musicothérapie et les méthodes d’association des techniques, Guilhot M-A., Guilhot J., Jost J., Lecourt E., ESF, Paris, 1984, p. 42.
  • [6]
    Voir par exemple Colet H., Chants et Chansons populaires de la France : Romances, Rondes et Complaintes, Garnier, Paris, 1855.
  • [7]
    Voir par exemple les Thinoi (lamentations) sur la chute de Constantinople, chantés encore aujourd’hui dans la tradition musicale orale grecque ; par exemple ‘Yiati pouli m’ den kelaidis’, chanté par C. Aidonidis, grand maître du chant de la thrace occidentale in Aidonidis Chronis, T’aidonia tis anatolis, Giorgos Dalaras, Athènes, 1990.
  • [8]
    Tiby O., La Musique dans l’antiquité classique, in Histoire de la Musique sous la direction de Roland-Manuel, Encyclopédie de la Pléiade, tome I, Gallimard, 1960, p. 416.
  • [9]
    Ibid, p. 417.
  • [10]
    Vervliet F., Sappho Le désir, Arléa, Paris, 1996, p. 19.
  • [11]
    Chailley J., La musique post-grégorienne, in Histoire de la Musique sous la direction de Roland-Manuel, Encyclopédie de la Pléiade, tome I, Gallimard, 1960, p.736-749.
  • [12]
    Guillaume de Machaut., Ballade N.14.
  • [13]
    Jürgenson-Rupprecht M., Suttner K., Das Europäische Kunstlied, Schott, Meinz, 1979, p. 34-117.
  • [14]
    Castarède M.F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p.186-187.
  • [15]
    Viret J., Entre Jubilus et lamento : les affects cries, parlés, chantés, in La Revue de Musicothérapie XXVIII, No1, 2008, p. 14.
  • [16]
    Iliopoulos D., Méthode de Musique Ecclésiastique Byzantine, Athènes, 1993 p. 63, (?????????? ?., ??????? ?????????? ?????????????? ????????, ?????, 1993).
  • [17]
    Ibid., p. 64.
  • [18]
    Communication personnelle avec Spiridon Pavlakis, protopsalte et maître de la musique byzantine à Athènes.
  • [19]
    Vives J-M., Approche psychanalytique d’une voix inouïe : une histoire des castrats, in La Revue de Musicothérapie XXVIII, N°1, 2008, p. 24
  • [20]
    Touma H., The music of the Arabs, trad. Schwarz L., Amadeus Press, Oregon, 1996, p. 97.
  • [21]
    Ibid., p. 96-97.
  • [22]
    Aksoy B., Ottoman Classical music and the art of Improvisation, in Gazeller II, Ottoman-Turkish Vocal Improvisations livret, Kalan, Istanbul, 1997, p. 52.
  • [23]
    Ibid., p. 54.
  • [24]
    Lecourt E., L’expérience musicale, résonnances psychanalytiques, L’Hartmann, Paris, 1994, p. 150-154.
  • [25]
    Fonagy I., La vive voix, Paris, Payot, 1983 p.89 cité par Castarède M-F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p.70.
  • [26]
    Schaeffner A., Genèse des instruments de musique, in Histoire de la Musique sous la direction de Roland-Manuel, Encyclopédie de la Pléiade, tome I, Gallimard, 1960, p. 76.
  • [27]
    Ibid., p. 77.
  • [28]
    Castarède M.F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p. 20.
  • [29]
    Gleason (J. Berco), Talking to children : some notes on feedback, in Snow C.E. et Ferguson C.A. p. 199-205, cité par Castarède M.F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p. 84.
  • [30]
    Maiello S., (1991), L’Oracolo, Un ‘esplorazione alle radici della memoria auditiva, Analysis, Rivista Internazionale di psicoterapia clinica, Anno 2 N.3, p. 245-268, trad. fr. L’objet sonore. L’origine prénatale de la mémoire auditive ; une hypothèse, Journal de la psychanalyse de l’Enfant, n° 20, p. 40-66.
  • [31]
    Mehler J., et coll., « La reconnaissance de la voix maternelle par le nourrisson », La Recherche, 70, sept. 76 cité par Castarède M.F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p. 77.
  • [32]
    Condon W.S., « Speech makes babies move », in R. Lewin E.D. op.cit. cité par Castarède M.F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p.78.
  • [33]
    Anzieu D., « L’enveloppe Sonore du Soi », in Nouvelle Revue de Psychanalyse, N° 13, 1976, p.161-179.
  • [34]
    Ibid., p.175.
  • [35]
    Freud S., « Esquisse d’une psychologie scientifique », trad. fr p.336, cité par Anzieu D., « L’enveloppe Sonore du Soi », in Nouvelle Revue de Psychanalyse, N° 13, 1976, p. 171.
  • [36]
    Vives J-M., La voix sur le divan, Musique sacrée, opéra, techno, Aubier, Paris, 2012, p. 38- 39.
  • [37]
    Green A., Préface : La voix, l’affect et l’autre, in Castarède M.F. et Konopczynski G., Au commencement était la voix, Érès, Toulouse, 2005, p. 24.
  • [38]
    Stern D., Mère-Enfant : les premières relations, Bruxelles, Mardaga, 1981, p. 30 cité par Castarède M.F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p. 84.
  • [39]
    Winnicott D., Jeu et réalité, Gallimard, Paris, 1975, p. 29.
  • [40]
    Freud S., Essais de Psychanalyse, Paris, Payot, 1967, p. 15-20.
  • [41]
    Castarède M., F., La voix et ses sortilèges, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p. 150.
  • [42]
    Mijolla-Mellor S., de, Le choix de la sublimation, PUF, Paris, 2009, p. 286.
  • [43]
    Freud S., Le Petit Hans, PUF, Paris, 2006, p. 121.
  • [44]
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