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Article de revue

Souveraineté alimentaire

Mobilisations collectives agricoles et instrumentalisations multiples d'un concept transnational

Pages 151 à 168

Notes

  • [*]
    CIRAD-ES Arena, marie.hrabanski@cirad.fr
  • [1]
    Les réflexions de Johanna Siméant sur les travaux consacrés aux « mouvements sociaux transnationaux » permettent de clarifier les apports et les limites de ces études.
  • [2]
    La Confédération internationale des betteraviers européens (Cibe) s’est constituée en 1925.
  • [3]
    http://www.fao.org/wfs/begin/paral/cngo-f.htm
  • [4]
    Une précision s’impose : « Nord » et « Sud » ne sont pas utilisés ici comme des catégories analytiques pertinentes. Les types d’agriculture, dans les pays riches, sont extrêmement hétérogènes, et certains pays situés au Sud, comme le Brésil, sont de gros exportateurs et déséquilibrent, comme certains exportateurs du « Nord », les marchés locaux des pays les moins avancés. Toutefois, nous avons repris ici la distinction « Nord / Sud » afin d’en montrer l’utilisation par les organisations agricoles et non agricoles, cette indication géographique leur permettant de construire des clivages idéologico-politiques.
  • [5]
    Transnational social movement.
  • [6]
    Transnational social movement organisation.
  • [7]
    Transnational advocacy network.
  • [8]
    Association des organisations professionnelles paysannes du Mali.
  • [9]
    Coordination nationale des organisations paysannes du Mali.
  • [10]
    Confédération paysanne du Faso.
  • [11]
    La Fédération internationale des producteurs agricoles rassemble traditionnellement plutôt des syndicats agricoles majoritaires.
  • [12]
    Oxfam signifie Oxford Committe for Famine Relief. L’organisation a été créée en 1942 sur des fonds privés pour attirer l’attention des Anglais sur la famine en Grèce, alors occupée par les nazis. Aujourd’hui, l’Oxfam est une confédération de 12 organisations nationales, elle soutient 3 000 partenaires locaux dans le tiers monde.
  • [13]
    Confédération générale des betteraviers (France).
  • [14]
    Confédération des betteraviers belges.
  • [15]
    Confédération internationale des betteraviers européens.
  • [16]
    Comité des organisations professionnelles agricoles (Europe).
  • [17]
    Coordination paysanne européenne.
  • [18]
    L’Association pour la redynamisation de l’élevage (Niger).
  • [19]
    Alain Felix se demande en effet si le désarmement douanier n’a pas avant tout permis au blé américain et européen, aux volailles congelées aux hormones et aux bas morceaux de viande de concurrencer le sorgho sahélien, les « poulets bicyclettes » ou la viande de zébu.
  • [20]
    Organisation commune de marché, qui organise pour chaque filière agricole le système de soutien du secteur.
  • [21]
    Les primes perçues ne sont plus liées aux productions de l’exploitation mais à une référence historique (calculée en faisant la moyenne des primes perçues sur trois années de référence).
  • [22]
    Sur le plan externe, l’UE s’était engagée à importer une part importante de sucre à prix garanti (c’est-à-dire à un prix plus élevé que celui du marché mondial) dans le cadre du protocole sucre signé avec les ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). En outre, dans le cadre des accords EBA (Everything but arms) engagés en 2001, l’UE a modifié les accords concernant les importations des PMA. Ainsi, ces derniers, plutôt que de bénéficier de prix élevés pour des volumes limités, pourraient exporter sur le marché européen sans limite de volume dès 2009. Dans le même temps, en plus de ces accords internationaux, d’autres contraintes externes pesaient sur la réforme. Le Brésil, l’Australie et la Thaïlande déposaient plainte devant l’OMC pour s’opposer aux exportations de l’UE qui, selon ces derniers, correspondaient à des exportations subventionnées.
  • [23]
    On observe des positionnements différents sur cette question entre Oxfam International et certaines antennes nationales de l’Oxfam.
  • [24]
    Le Roppa a été créé en 2000, suite au rapprochement des fédérations nationales de dix pays de la sous-région. Cette initiative prend racine, au cours des années 1970, au Cesao, et fut relayée par l’ONG Six-S et nourrie par certaines initiatives du CILSS et du Club du Sahel. Au cours des années 1990, le fonctionnement de ces rencontres évolue et les paysans vont y jouer une part plus importante. Mamadou Cissokho, alors leader charismatique du mouvement sénégalais, va créer, en 1995, la Plate-forme des paysans du Sahel afin de susciter des rencontres à l’échelle sous-régionale.
  • [25]
    L’Ecopwap est la politique agricole de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest)
  • [26]
    http://loa-mali.info/IMG/pdf/LOA_VOTEE.pdf Le titre III de la LOA traite spécifiquement de la souveraineté alimentaire.
  • [27]
    Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique.

1 Après avoir longtemps été délaissée, l’analyse des mouvements sociaux transnationaux semble à présent être l’objet de nombreuses études (Siméant, 2005) [1]. Cette littérature met l’accent sur la nouveauté du processus de transnationalisation (Khagram, Riker, Sikkink, 2002). Cependant, on constate de longue date [2], au sein des répertoires d’actions agricoles (Tilly, 1986), des actions coordonnées dans divers pays et des actions protestataires hors des frontières. Si ce phénomène n’est pas nouveau, les récentes évolutions macro-économiques l’ont toutefois accentué. Depuis la fin des années 1980, l’agriculture mondiale s’inscrit dans une phase de libéralisation croissante de ses échanges commerciaux (Boussard, Delorme, 2007).

2 Face à cette libéralisation, les agriculteurs, parfois rassemblés au sein de syndicats historiquement très structurés, tentent de se mobiliser afin de représenter leurs intérêts dans un contexte économique mondial. Ainsi, la libéralisation des échanges et la mise en concurrence des agricultures, en modifiant les cadres d’interprétation des acteurs et leurs intérêts (Muller, 2000), favorisent indirectement l’émergence de mobilisations transnationales. En outre, le développement politique d’organisations internationales (l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Organisation des Nations unies (ONU), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Union européenne (UE)...) a accompagné cette tendance, en fournissant aux agriculteurs des interlocuteurs stables et responsables, directement ou indirectement, des décisions agricoles.

3 Certaines études sur les mobilisations internationales considèrent que ce type de mouvements transnationaux est annonciateur de l’avènement d’une société civile mondiale organisée (Held, 1995), d’autres l’analysent comme le signe du développement d’une « société politique mondiale » (Ougaard, Higgott, 2002). Il semble toutefois qu’ils soient surtout évoqués sur le mode de la prophétie auto-réalisatrice (Merton, 1998). Dans la lignée de plusieurs travaux de sciences politiques (Dauvin, Siméant, 2004 ; Pommerolle, Siméant, 2008 ; Tilly, 1986), notre article rejette l’idée de l’émergence d’une société civile globale. En effet, comme de nombreux auteurs l’ont montré (Cohen, 2004 ; Haubert, 2000 ; Offerlé, 2003 ; Roy, 2005), la notion de société civile a une portée analytique extrêmement limitée, mais, surtout, la dimension transnationale des mobilisations doit avant tout être appréhendée à la lumière des logiques locales et nationales des mobilisations, ce que vient confirmer l’analyse des mobilisations transnationales qui ont émergé autour du thème de la souveraineté alimentaire.

4 En effet, en 1996, Via Campesina, l’organisation agricole internationale altermondialiste, profite de la fenêtre d’opportunité offerte par le Sommet mondial de l’alimentation pour promouvoir le concept de souveraineté alimentaire [3]. L’initiative est rapidement rejointe par de multiples ONG, et la notion va peu à peu s’imposer sur la scène politique internationale. Elle rencontre un succès important dans la mesure où elle émerge d’abord dans une période de remise en question du consensus de Washington (1989) et des politique de libre-échange. De plus, elle constitue une synthèse consensuelle entre des intérêts sectoriels et la lutte contre la sous-alimentation des populations vulnérables africaines. Depuis 2000, plusieurs actions collectives transnationales ont ainsi émergé en Afrique de l’Ouest sur le thème de la souveraineté alimentaire à des échelles sous-régionales et nationales. Au Sénégal, le président Wade, au pouvoir depuis 2000, est ainsi devenu un farouche militant de la notion et a, à ce titre, lancé de multiples programmes spéciaux tels que le programme Sésame Maïs (2003), le programme Bissap (2005) ou encore le programme Goana (2008).

5 L’analyse des mobilisations qui ont émergé sur le thème de la souveraineté alimentaire, en Afrique de l’Ouest, depuis 2000 permet de proposer des pistes de réflexion stimulantes sur le rôle de la transnationalisation de la question alimentaire dans un contexte de multi-level governance (Bache, Flinders, 2004). Nous estimons que la notion de souveraineté alimentaire, qui est apparue sur la scène politique internationale, est appropriée par différents acteurs lors de mobilisations transnationales afin qu’elle serve des objectifs nationaux. Si le débat sur la sécurité alimentaire a été, pendant les décennies précédentes, largement dépolitisé via le rôle accordé au marché, l’émergence de la notion de souveraineté alimentaire va faire naître des coalitions inattendues au profit d’intérêts localisés.

6 Dans un premier temps, il s’agira d’analyser les conditions d’émergence et de mise à l’agenda politique international de la notion de souveraineté alimentaire. L’objectif est ici de souligner comment la notion participe à la repolitisation de la question alimentaire (Janin, Suremain, 2005) sur la scène politique internationale et, d’autre part, les circonstances qui ont été favorables à son appropriation par des acteurs nationaux lors de mobilisations transnationales. À partir de l’Appel de Dakar (2003), il s’agira d’examiner, dans un deuxième temps, les recompositions organisationnelles inattendues qui peuvent émerger lors des mobilisations transnationales et les usages domestiques de la notion de souveraineté alimentaire par les différents signataires du Nord et du Sud [4]. Ensuite, afin d’étayer la thèse de l’ancrage local de la souveraineté alimentaire, nous ferons varier l’échelle d’analyse en nous intéressant au cas sénégalais. Au Sénégal, les paysans comme la présidence se sont en effet largement emparés de la notion à des fins politiques nationales.

DE NOUVEAUX TERMES POUR UN VIEUX DÉBAT ?

7 Depuis 2000, en Afrique de l’Ouest, plusieurs mobilisations collectives agricoles transnationales ont émergé sur le thème de la souveraineté alimentaire, telles que les mobilisations contre les APE (2002-2008), l’Appel de Dakar en 2003 et, plus récemment, l’Appel de Niamey (2006), les forums sociaux africains (Bamako en 2006, Lomé en 2008) et les forums sociaux ouest-africains (depuis 2004). Les conditions d’émergence, la nature et les objectifs de ces actions diffèrent profondément, toutefois la notion de souveraineté alimentaire est présentée comme le thème fédérateur de la mobilisation. La notion n’a pourtant pas émergé en Afrique de l’Ouest puisqu’on doit son apparition sur la scène politique internationale à Via Campesina, en 1996. L’analyse débute par les conditions d’émergence de la notion à l’échelle internationale et ses conséquences en termes de repolitisation de la question alimentaire. Ensuite, après avoir clarifié le concept d’action collective transnationale, il sera question dans cette première partie des conditions d’émergence des mobilisations transnationales en Afrique de l’Ouest sur le thème de la souveraineté alimentaire.

La souveraineté alimentaire : une relecture de la question alimentaire

8 Créée en 1993, Via Campesina est le fruit du rapprochement entre la Coordination paysanne européenne (CPE) et des associations d’Amérique du Sud, du Canada, des États-Unis et des Caraïbes. Peu à peu, l’organisation internationale altermondialiste va multiplier les rencontres avec des syndicats d’Asie et d’Afrique et collabore, depuis la création du Roppa (2000), avec les représentants du réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest. Forts de son implantation à l’échelle internationale et en quête de légitimité et de reconnaissance, les représentants de Via Campesina vont profiter de la vitrine offerte par la FAO au Sommet mondial de l’alimentation pour faire émerger la notion de souveraineté alimentaire dans le débat international. Cette relecture de la question alimentaire et des politiques agricoles, à travers la notion de souveraineté alimentaire, interroge les cadres d’interprétation forgés dans les décennies précédentes et qui avaient concouru à la dépolitisation de la question. L’évolution de la question alimentaire en Afrique de l’Ouest illustre ces transformations.

9 En effet, au lendemain des Indépendances, l’objectif des États d’Afrique de l’Ouest est de construire des États-nations économiquement forts et indépendants. Sur le plan alimentaire, cette vision politique va s’incarner dans la notion d’autosuffisance alimentaire, principe qui sera également l’objectif premier de la PAC. Toutefois, alors qu’en Europe l’objectif est rapidement atteint, en Afrique de l’Ouest, les efforts publics vont surtout se concentrer sur les cultures d’exportation (arachide, cacao...), celles-ci assurant une manne financière importante aux États. Au début des années 1980, les économies agricoles des États d’Afrique de l’Ouest s’essoufflent. La corruption, l’endettement des États et leur fonctionnement clientéliste vont justifier les privatisations souhaitées, dans le cadre des politiques d’ajustement structurel (PAS) (1984), par le FMI et la Banque mondiale (Oya, 2006). L’application des PAS, au milieu des années 1980, va ainsi ouvrir la voie à des réformes à la fois politiques et économiques (retrait de l’État des fonctions d’appui à l’agriculture, désarmement des protections, ouverture des marchés), mettant ainsi fin aux ambitions d’autosuffisance alimentaire déclinées à l’échelle nationale. L’autosuffisance alimentaire nationale va dès lors laisser la place à la sécurité alimentaire, celle-ci étant atteinte lorsque la situation d’offre de biens alimentaires correspond à la demande globale de biens alimentaires, selon l’analyse néolibérale (Azoulay, 1998). Dans cette perspective, la sécurité alimentaire n’est plus confiée aux États mais se trouve entre les mains du marché, participant de cette façon à la dépolitisation de la question de la sécurité alimentaire.

10 C’est justement cette dernière acception qui va être dénoncée par Via Campesina en 1996, deux ans après les accords de Marrakech et les négociations sur la libéralisation des biens agricoles à l’OMC. La notion de souveraineté alimentaire va permettre à l’organisation altermondialiste de dénoncer l’instauration d’un marché mondial, libre et concurrentiel, des biens agricoles. L’action centrale en faveur de la sécurité alimentaire mondiale ne doit pas reposer, selon elle, sur l’augmentation de la productivité et des volumes de production des pays exportateurs, mais sur le développement des capacités agricoles des Pays les moins avancés (PMA), principales victimes de l’insécurité alimentaire. Les altermondialistes de Via Campesina souhaitent rompre avec la libéralisation des marchés et garantir un prix rémunérateur aux agriculteurs via l’instauration d’un marché interne. Ces mesures de soutien rejettent en outre la possibilité d’exporter à des prix bas sur d’autres marchés (dumping). En s’opposant à la régulation par le marché, la souveraineté alimentaire réinscrit la question alimentaire au cœur du débat politique, celui-ci ayant été largement dépolitisé via le rôle dominant accordé au marché régulateur.

11 Ainsi, à la fin des années 1990, le contexte économique se caractérise par l’accélération de la libéralisation du commerce agricole et, sur le plan politique, les arènes internationales se multiplient, offrant ainsi des fenêtres d’opportunités à des organisations en quête de légitimité. Des acteurs nationaux vont conjointement se saisir de la notion. Précisons ici qu’il ne s’agit pas de découper artificiellement différents niveaux politiques d’intervention. Les échelles politiques nationales et internationales sont largement enchevêtrées et les porteurs de la notion de souveraineté alimentaire sont avant tout ancrés dans des réalités nationales (Dezalay, Garth, 2002). Toutefois, c’est bien la fenêtre d’opportunité internationale offerte par la FAO et le sommet mondial de 1996 qui a favorisé la visibilité et la promotion de la notion. Ainsi, dès les années 2000, de nombreuses mobilisations agricoles ont émergé en Afrique de l’Ouest sur le thème de la souveraineté alimentaire.

Des mobilisations transnationales en Afrique de l’Ouest

12 Plusieurs approches existent pour appréhender les actions menées en dehors du cadre national. Il y a, d’une part, la littérature proche des recherches sur les ONG et, d’autre part, des recherches plus récentes orientées vers l’étude du ou des mouvements altermondialistes (TSM [5], TSMO [6], TAN [7]...) (Siméant, 2005). Afin de s’extraire des biais analytiques inhérents à ces catégories, il convient plutôt d’utiliser le concept d’action collective transnationale défini comme « la défense de causes par les acteurs dépassant les frontières ou revendiquant une action qui les dépasse » (idem, 2005). Il semble bien plus pertinent pour étudier les mobilisations transnationales qui ont émergé sur le thème de la souveraineté alimentaire. La définition permet de prendre en compte des mobilisations orientées vers la représentation et le lobbying. L’utilisation de l’adjectif « transnational » suggère une définition large de l’activité transnationale. Il s’agit « des contacts, des coalitions et des interactions dépassant les frontières étatiques qui ne sont pas contrôlés par les organes de politique étrangère centraux des gouvernements » (Tarrow, 1998). Les actions transnationales en Afrique de l’Ouest sur le thème de la souveraineté alimentaire sont avant tout ancrées dans un contexte national.

13 En Afrique de l’Ouest, malgré les nombreux obstacles qui se dressent face à la libéralisation politique et au multipartisme (Guèye, 2009), les avancées démocratiques, dans les années 1990, ont encouragé l’émergence et la consolidation d’organisations agricoles et rurales telles que le CNCR au Sénégal, l’AOPP [8] et la CNOP [9] au Mali (Roy, 2005), ou encore la CPF [10] au Burkina Faso. Dans toute la sous-région, les produits agricoles sont soumis à une concurrence forte de la part des pays les plus riches, encouragée par les accords de Marrakech en 1994. C’est dans ce contexte que va être créée, en 1994, l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA). Sa création va favoriser l’émergence du Roppa en 2000, dont l’objectif est de faire entendre la voix des ruraux à l’échelle de la sous-région (Pesche, 2009). La problématique agricole va ainsi rapidement émerger et, en 2001, l’UEMOA élabore une politique publique en faveur des agriculteurs de la sous-région sans concertation avec les organisations paysannes. Leur marginalisation, lors de l’élaboration de la politique agricole sous-régionale, va néanmoins renforcer leur volonté de participer au débat politique. Tout en étant adhérentes de la FIPA [11], certaines organisations agricoles subsahariennes vont se rapprocher des revendications portées par les altermondialistes et dénoncer l’étranglement de l’agriculture paysanne africaine par les subventions aux agriculteurs occidentaux, l’imposition des semences génétiquement modifiées, etc. Peu à peu, les paysans ouest-africains, avec l’aide d’ONG internationales et nationales, vont dénoncer, via le Roppa, la position asymétrique dans laquelle ils se trouvent sur le marché mondial. L’organisation sous-régionale et ses plateformes nationales sont invitées à participer à plusieurs réunions, lesquelles vont rassembler des représentants du mouvement altermondialiste et également des représentants de puissants syndicats majoritaires comme le Comité européen des organisations professionnelles agricoles (Copa) (Delorme, 2002 ; Hrabanski, 2006), la Confédération internationale des betteraviers européens (Cibe) ou encore les Jeunes agriculteurs (JA), jusqu’alors peu enclins à rencontrer des interlocuteurs altermondialistes.

14 Ces rencontres ont pourtant abouti à une action collective commune. En effet, quelques mois avant les négociations de l’OMC à Cancun en septembre 2003, des représentants d’organisations agricoles d’Afrique, d’Amériques, d’Asie et d’Europe se sont réunis à Dakar en mai et ont publié un document commun afin de « promouvoir des politiques agricoles et commerciales solidaires ». Appelé la Déclaration de Dakar, cet Appel de Dakar constitue ce que les signataires appellent une plate-forme transnationale et sera suivi, trois années plus tard, par l’Appel de Niamey. Dans le même temps, les forums sociaux africains commencent à se développer sur le continent et le premier est organisé à Bamako en 2002 ; y participe la plupart des organisations professionnelles agricoles de la sous-région. Enfin, les mobilisations transnationales hostiles aux accords APE vont émerger à plusieurs reprises dans toute la zone de l’UEMOA.

15 Ces mobilisations, malgré leur hétérogénéité, forment des actions collectives transnationales et se sont toutes organisées autour du thème de la souveraineté alimentaire.

LES USAGES DE LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE LORS DE L’APPEL DE DAKAR

16 La souveraineté alimentaire semble avoir permis de rassembler des acteurs extrêmement hétérogènes dans des actions collectives transnationales. Il s’agira de montrer, à partir de l’exemple de l’Appel de Dakar, l’hétérogénéité des participants, les alliances inattendues qu’elle va produire et la façon dont les diverses structures se sont emparées de la question, puisque la notion s’ancre avant tout dans des réalités locales au profit d’intérêts domestiques.

L’Appel de Dakar : des alliances contre-nature ?

17 En 2003, la déclaration de Dakar s’articule autour de trois axes différents. Dans le premier, intitulé « les conceptions à l’OMC : le monde à l’envers », les signataires identifient le responsable des difficultés qu’ils rencontrent. L’identification du responsable constitue une démarche clé dans l’émergence d’une action collective dénonciatrice (Castel, 1995 ; Maurer 2001 ; Touraine, 1973). L’OMC, le Fonds monétaire international et les accords de libre-échange sont présentés comme les responsables. Le « cadrage du problème » est international, et la responsabilité incombe au système politique international. Le deuxième axe de la déclaration vise à promouvoir des politiques agricoles fondées sur le droit supposé gravé dans le marbre des revendications d’égalité de traitement entre acteurs. Après avoir décliné les différents droits prioritaires pour les signataires, et notamment le droit à l’alimentation, ces derniers estiment que « c’est de la responsabilité des pouvoirs publics [...] que de faire respecter ces droits ». Ils ajoutent que « c’est la base de la souveraineté alimentaire ». Après avoir identifié les responsables du problème, des solutions à ce problème sont proposées. Elles passent par la mobilisation des pouvoirs publics autour du respect de la souveraineté alimentaire. Enfin, dans le troisième axe, les signataires énoncent leur objectif : un commerce international solidaire. La déclaration a été ratifiée par des acteurs aux cultures organisationnelles et idéologiques divergentes.

18 En examinant les différents signataires de l’Appel de Dakar, on distingue une quarantaine d’organisations professionnelles agricoles et plus d’une trentaine d’ONG, majoritairement européennes. Les syndicats ne se limitent pas à défendre des intérêts exclusivement matériels et peuvent aussi préserver une identité, un mode de vie et une culture particulière. Les alliances entre groupes dits « postmatérialistes » et des organisations syndicales « traditionnelles » bousculent ces clivages. Des organisations agricoles européennes de type catégoriel se sont alliées dans le cadre d’une déclaration commune élaborée par l’Oxfam [12]. La transnationalisation des actions collectives faciliterait donc les coopérations ponctuelles entre des organisations syndicales dites classiques et des ONG comme l’Oxfam ou le Collectif de stratégie alimentaire (CSA).

19 La déclaration de Dakar a permis de rassembler des organisations très différentes les unes des autres. La notion d’adhérent à la déclaration de Dakar n’a pas de sens ici puisqu’il s’agit d’une forme organisationnelle souple qui n’implique pas la mise en place d’une nouvelle organisation pour porter cette position commune. Tout ceci ne remet pas en cause les clivages nationaux, mais l’échelle transnationale permet à des opposants de s’allier sans que cela remette en cause les divergences nationales. Ainsi, on peut identifier plusieurs réseaux organisationnels distincts.

20 Nous avons souhaité nous concentrer sur trois d’entre eux. Le premier rassemble des syndicats majoritaires européens (CGB [13], CBB [14], Cibe [15], Copa [16]) qui s’inscrivent dans la défense catégorielle de leur secteur professionnel et bénéficient de relations privilégiées avec les décideurs publics. Les betteraviers se sont dotés de syndicats nationaux spécialisés puissants, particulièrement écoutés par les instances décisionnelles nationales. Les syndicats nationaux des betteraviers les plus compétitifs s’inscrivent dans des relations de type corporatiste (Muller, 2003) avec les décideurs nationaux. En outre, une part importante de leurs adhérents bénéficie des aides à l’exportation tant dénoncées par les agriculteurs du Sud. Toutefois, en soutenant l’appel, les organisations de ce premier réseau soutiennent le droit à l’alimentation des peuples et la souveraineté alimentaire.

21 Le second réseau est composé de la Confédération paysanne, de la CPE [17], de Via Campesina et d’autres syndicats agricoles proches de l’altermondialisme. Si ces organisations occupent une place centrale dans la contestation altermondialiste (Bruneau, 2006) au niveau mondial, elles ne trouvent cependant que peu d’échos au sein des sphères décisionnelles internationales, malgré leur collaboration avec des ONG puissantes, extérieures au monde agricole.

22 Enfin, le troisième réseau rassemble des organisations agricoles d’Afrique de l’Ouest, telles que le Roppa, à l’échelle sous régionale, le CNCR (Sénégal), l’AOPP (Mali) ou encore l’Aren [18] (Niger). Les agriculteurs qu’elles représentent sont perçus comme les « perdants » des importations européennes, déstabilisant le tissu social et les productions locales (Felix, 2006) [19].

23 Aussi improbable que cela puisse paraître, puisque les politiques agricoles dont bénéficient certains nuisent directement à d’autres signataires, l’ensemble des organisations a soutenu l’Appel de Dakar au nom de la souveraineté alimentaire. Il s’agit à présent de comprendre les ressorts de cet engouement en faveur de la souveraineté alimentaire.

Tous ensemble pour la souveraineté alimentaire ?

24 Ayant été portée à la connaissance de tous via la scène politique internationale, la notion de souveraineté alimentaire a fait l’objet d’appropriation afin de répondre à des objectifs domestiques.

25 Ainsi, pour le réseau composé d’organisations agricoles majoritaires européennes, la souveraineté alimentaire a été l’occasion de réaffirmer la nécessité d’un marché européen protégé d’une partie des importations. En effet, en Europe, au cours de l’année 2003, se préparait à Bruxelles la réforme de l’OCM [20] sucre. Un alignement sur les nouveaux principes de la PAC, et notamment sur le découplage [21], invitait à une transformation du régime de soutien au secteur betteravier [22]. Pour tenter de conserver ce régime avantageux, les producteurs de betteraves européens estimaient qu’il fallait réguler le marché par une gestion quantitative de l’offre, et que des mesures d’intervention devaient être mises en place. Ces mesures de protection leur permettraient de demeurer compétitifs, d’exporter et de s’enrichir sur le marché mondial tout en assurant, comme ils le signalent, la souveraineté alimentaire de l’Europe, et leur propre sécurité. Ainsi, c’est la notion de souveraineté alimentaire qui va pousser les syndicats majoritaires à se rapprocher d’une initiative comme l’Appel de Dakar. En se rapprochant des grandes ONG comme l’Oxfam, ils bénéficient de leur légitimité symbolique et institutionnelle (Cohen, 2004). Toutefois, cette alliance semble contre-nature dans la mesure où, si l’Oxfam [23] défend la souveraineté alimentaire, celle-ci doit passer par une plus grande libéralisation des échanges, se situant donc aux antipodes des positions de la plupart des syndicats agricoles du Nord et du Sud. Toutefois, en s’alliant à l’Oxfam et en signant l’Appel de Dakar, les betteraviers européens maximisent leur chance d’être écoutés. Les betteraviers soutiennent pourtant la souveraineté alimentaire lorsqu’elle leur permet de soutenir le système des prix rémunérateurs en Europe, mais ne souhaitent pas restreindre leurs ambitions exportatrices.

ENTRETIEN AVEC UN DIRIGEANT DE LA CIBE, 2006

- « Dans l’Appel de Dakar, c’est la souveraineté alimentaire qui est prônée, qu’est-ce que vous pensez ? - ... tout le monde a le droit de se protéger, ... c’est comme ça que la PAC a fonctionné. Alors pourquoi l’interdire... On doit pouvoir être aidé par son pays, par son groupe de pays... comme l’Union européenne... il faut aider les agriculteurs à produire, parce qu’il faut nourrir tout le monde et puis, nous, ici il faut qu’on nous laisse les moyens de nourrir tout le monde... cette souveraineté alimentaire on y a droit aussi, et puis, bien sûr, qu’on fournisse aux populations là-bas de quoi se nourrir, parce que là-bas, pour l’instant, ils n’ont pas de quoi manger ».

26 Ainsi, on identifie une première acception de la notion de souveraineté alimentaire. Les organisations majoritaires européennes réclament en effet des mesures de protection aux frontières pour limiter les importations, et revendiquent des prix rémunérateurs sans avoir besoin de les négocier au niveau international et sans abandonner leurs velléités exportatrices.

27 Le second réseau identifié se compose d’organisations se réclamant de l’altermondialisme telles que la CPE, la Confédération paysanne, Via Campesina, ainsi que plusieurs ONG du Nord et du Sud. L’altermondialisme doit avant tout être considéré comme un label revendiqué dans des contextes donnés, marqués par un certain état des luttes politiques et des structurations du champ militant (Fillieule et alii, 2004 ; Tarrow, 2005). Ces organisations tentent de lier défense professionnelle et défense de l’intérêt général, et proposent une alternative profonde au modèle de développement productiviste actuel. Leur vision de la souveraineté alimentaire est fondée sur la défense des exploitations familiales et paysannes développant des systèmes de production diversifiés et écologiques, et sur le refus de la dépendance à l’égard des semences des entreprises multinationales. La promotion de cette agriculture multifonctionnelle ne peut se faire qu’à l’abri d’une protection suffisante aux frontières. Cette vision de la souveraineté alimentaire combat le libéralisme, tant à l’intérieur des espaces économiques que dans les échanges commerciaux internationaux. Plus largement, la notion apparaît comme l’étendard global des altermondialistes, en réaction à une interprétation libérale de la sécurité alimentaire, permettant de développer des politiques agricoles alternatives.

28 Pour elles, l’engagement transnational permet de pallier leur faible audience au niveau national et régional. Le niveau transnational vient ainsi offrir des opportunités politiques à des acteurs sociaux faibles en encourageant l’établissement de liens avec des homologues et en leur fournissant des ressources utilisables dans les conflits infranationaux et transnationaux (Tarrow, 1998, 2005).

29 Enfin, le troisième réseau est composé de représentants syndicaux du Sud tels que le Roppa, le CNCR, la CNOP, etc. Tout en soulignant l’hétérogénéité entre les différentes organisations rassemblées au sein de ce troisième réseau, il semble que la souveraineté alimentaire relève d’un développement peu différent de celui qu’ils défendaient avant 1996. L’affichage de la notion dans les politiques agricoles et les lois d’orientation de la sous-région permet surtout de mesurer l’orientation plus ou moins forte de ces politiques en faveur de l’agriculture familiale.

30 Ainsi, à l’échelle sous régionale, à la fin des années 1990, une politique de sécurité alimentaire a été impulsée par le CILSS (Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel) et approuvée en 2000. Les représentants agricoles de la sous-région, qui n’étaient pas encore rassemblés au sein du Roppa [24], officiellement constitué en 2000, ont porté à cette époque des positions qui sont aujourd’hui considérées comme relevant d’une approche de la souveraineté alimentaire (CILSS-Sahel 21, 1997). Connecté à Via Campesina et participant à de multiples actions telles que l’Appel de Dakar, le Roppa va peu à peu se familiariser avec la notion de souveraineté alimentaire, celle-ci renouvelant le cadrage du « problème » de la production agricole au Sud. L’organisation, en quête de reconnaissance, va y voir rapidement un moyen de poursuivre la défense de l’agriculture familiale, structurant ainsi le débat autour de la question agricole. Il va en outre bénéficier de l’expertise et des ressources politiques, organisationnelles et médiatiques de Via Campesina et de la multitude d’organisations, d’ONG et de bailleurs qui en sont proches. Ces échanges d’informations et d’expertises entre militants syndicaux du Nord et militants africains ne vont toutefois pas sans poser de questions sur l’internationalisation des modes de pensée et des formes d’action collective (Wagner, 2003). Une des premières actions du Roppa a ainsi été la prise de parole dans le processus d’élaboration de la politique agricole de l’UEMOA (PAU) entre 2000 et 2002. Il est ensuite parvenu à afficher la notion de souveraineté alimentaire au cœur des objectifs de l’Ecowap [25] et de la CEDEAO (Fouilleux, Balié, 2009), médiatisant ainsi sa capacité à se faire entendre.

31 Parce que les financements attribués aux ONG et aux organisations sont très largement proportionnels aux résultats obtenus sur le terrain, une concurrence s’installe entre elles (Niane, 2003). Insérés dans ce benchmarking international et national, les syndicats agricoles ouest-africains, et notamment le CNCR et la CNOP, se sont emparés de la notion de souveraineté alimentaire. Toutefois au-delà du buzz word que la souveraineté alimentaire peut représenter, les usages de la notion sont ancrés dans des réalités politiques nationales. Ainsi au Mali, le contexte politique du début des années 2000 est marqué par le processus de consolidation de la démocratie (Baudais, Chauzal, 2006). La question de la sécurité alimentaire a toujours constitué un enjeu politique majeur dans ce pays, mais elle a pris une importance particulière ces dernières années du fait d’une très forte variabilité du prix des denrées alimentaires (Dury, Fouilleux, Bricas, 2011). De multiples acteurs tentent de s’en emparer, lesquels interviennent de façon concurrente dans la politique agricole malienne. Pour le ministère de l’Agriculture malien, l’augmentation de la production agricole locale constitue la réponse à la question alimentaire, mobilisant ainsi la notion de souveraineté alimentaire. Les syndicats maliens se sont également engagés dans cette voie (Belières et alii, 2008). Leur adhésion à la notion de souveraineté alimentaire a ainsi pu faciliter leur participation à l’élaboration de la Loi d’orientation agricole [26] (LOA) du Mali adoptée en 2005, soutenant de fait l’interprétation politique générale qu’en fait le ministère de l’Agriculture malien.

32 C’est à partir de l’exemple sénégalais que nous étayerons la thèse de l’ancrage local de la souveraineté alimentaire.

LES DISCOURS SUR LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE AU SÉNÉGAL

33 Dans le cas sénégalais, le CNCR, comme le président Wade, vont se saisir de la médiatisation internationale de la notion afin d’affirmer leurs positions politiques.

34 Le mouvement paysan sénégalais a émergé pendant les années 1970 et s’est d’abord structuré autour de la FONGS (Ba, Ndiaye, Sonko, 2002 ; Gentil, Mercoiret, 1991 ; Hrabanski, 2010). En 1993, le mouvement va s’ouvrir à l’ensemble du monde rural et proposer des valeurs (autonomie vis-à-vis de l’État et des bailleurs, agriculture familiale opposée à l’agriculture d’entreprise) qui vont façonner le CNCR créé en 1993.

35 Les années 1990 sont des années fastes pour la reconnaissance et la consolidation du mouvement paysan sénégalais par l’État (Pesche, 2009). Peu à peu les responsables du CNCR, avec l’aide des bailleurs internationaux, s’inscrivent dans des relations de concertation avec les fonctionnaires nationaux : d’un côté, le CNCR est reconnu en tant qu’acteur crédible et légitime par le gouvernement d’Abdou Diouf, et de l’autre, le CNCR reconnaît le rôle prééminent de l’État dans la politique agricole sénégalaise. Ces relations permettent « la mobilisation d’une expertise proche des pouvoirs publics et l’utilisation des colloques et séminaires pour construire une vision et promouvoir des idées » (idem, 2009). Toutefois, le CNCR n’a pas hésité à boycotter les négociations avec l’État en 1996, marquant ainsi son désaccord avec la politique gouvernementale (Mc Keon, Watts, Wolford, 2004). Rapidement, le CNCR s’inscrit dans de multiples réseaux internationaux, dont Via Campesina, et se familiarise avec la notion de souveraineté alimentaire. Les dirigeants paysans sénégalais adaptent les revendications qui étaient déjà les leurs à la sémantique de la souveraineté alimentaire. Abdoulaye Wade est élu en 2000 et son élection semble favoriser une recentralisation de l’État autour de la personne du président. Son charisme, son activisme diplomatique et la croissance économique continue du Sénégal depuis le milieu des années 1990 vont largement bénéficier au nouveau président. En outre, les transformations du paradigme de l’aide vont favoriser la concentration du pouvoir dans les mains de l’État (Dahou, Foucher, 2004).

36 L’alternance politique modifie les relations entre l’État sénégalais et les responsables du CNCR. Le dialogue est rapidement quasiment rompu entre eux. La nouvelle présidence mise majoritairement sur le potentiel du secteur privé et des capitaux extérieurs à l’agriculture pour développer l’agriculture sénégalaise et la voir éventuellement rivaliser avec les autres pays en compétition. A contrario, le CNCR privilégie une agriculture familiale tournée avant tout vers la réduction de la pauvreté et les marchés locaux, prônant ainsi la souveraineté alimentaire du Sénégal. Dans le même temps, le président Wade se méfie du CNCR, jugé trop proche du PS, alors qu’une partie des adhérents du CNCR semble avoir rejoint le PDS lors de l’alternance (Pesche, 2009). Depuis, le pouvoir favorise l’émergence et / ou le réveil d’organisations paysannes concurrentes du CNCR qui soutiennent officiellement le pouvoir en place.

37 Toutefois, le CNCR n’est pas le seul à s’être emparé de la notion de souveraineté alimentaire. Des facteurs internes et externes expliquent l’investissement fort du président sur la question de l’autosuffisance alimentaire et de la souveraineté alimentaire du pays. L’aggravation du déficit alimentaire du Sénégal, l’inefficacité globale des politiques de sécurité alimentaire qui y ont été développées (Ba, 2008 ; Lailler, Minvielle, 2005) et la volonté de marquer une rupture avec les politiques gouvernementales précédentes va l’inciter à investir cette question brûlante. En outre, la mise à l’agenda politique international de la question et, à travers elle, celle des rapports Nord / Sud peut expliquer l’affichage politique et médiatique du président sur ce thème.

38 Ainsi, M. Abdoulaye Wade, depuis son élection, multiplie les déclarations en faveur de l’agriculture sénégalaise, celle-ci devant permettre d’aboutir à l’autosuffisance alimentaire nationale. Ce dernier va ainsi multiplier les initiatives au nom de l’autosuffisance alimentaire, en lançant plusieurs programmes tels que Sésame, Maïs (2003), Manioc (2004), Bissap (2005), Reva (2006), visant à accroître et à diversifier la production agricole et animale. De même, en pleine crise alimentaire, le président a lancé la Goana (2008), une vaste initiative publique visant elle aussi à mettre fin à la dépendance alimentaire du Sénégal, et l’année suivante, c’est Révolution rurale (2009) qui sera lancée. Il a ainsi engagé des ressources publiques importantes. Ces projets nationaux se combinent à des initiatives sous-régionales (APE), et même continentales (Nepad [27]), pour lesquelles il s’est également mobilisé au nom de la souveraineté alimentaire. Le président semble ainsi développer un discours national, sous-régional et panafricain d’émancipation à l’égard de l’Europe et se construire une notabilité internationale.

39 L’appropriation de la notion de souveraineté alimentaire par le président Wade et l’évincement du CNCR dans les choix de politique agricole ont fortement ébranlé le mouvement paysan. Afin de réaffirmer son rôle central dans la représentation politique des paysans sénégalais et ses capacités de mobilisation, tout en alertant le gouvernement des difficultés rencontrées par le monde paysan, le CNCR va multiplier les actions nationales et transnationales pour souligner sa légitimité.

ENTRETIEN AVEC UN LEADER PAYSAN CNCR, JANVIER 2010

- « Et comment vous avez été amené à participer à l’Appel de Dakar ?
- À cette époque, c’était vraiment très difficile pour nous. Ici au CNCR, on se demandait ce qu’on pouvait faire parce que ce pouvoir-là, il ne nous prenait pas du tout en compte alors que nous, ça faisait des années qu’on disait qu’il fallait une loi d’orientation agricole. Alors, avec tous nos partenaires de longue date ici et en Europe, on a trouvé que c’était un bon moyen de dire arrêtez de faire sans les peuples ! ».

40 En s’insérant dans les réseaux internationaux, le CNCR renforce ses stratégies de recours à l’extérieur (Bayart, 1999). Ces échanges contribuent à diffuser des référentiels communs concernant « le cadrage du problème » en termes de souveraineté alimentaire. Le CNCR peut ainsi se prévaloir du soutien d’acteurs internationaux. Aussi, malgré la monopolisation de la question agricole par la présidence, le CNCR parvient en 2004 à participer au projet de la LOASP sénégalaise. En profitant des inquiétudes que le texte suscitait (lois sur le foncier), de la faible cohésion du groupe des bailleurs de fonds, et de ses soutiens politiques extérieurs sur le thème de la souveraineté alimentaire, le CNCR est parvenu « à revenir en force sur la scène politique nationale pour mettre en forme ses positions et les défendre de façon articulée sur la base de la contre-proposition de loi » (Pesche, 2009). Toutefois, ce retour reste précaire, le président continuant de faire de l’agriculture le fer de lance de sa politique nationale et internationale et poursuivant sa stratégie de monopolisation politique de la question.

CONCLUSION

41 Face à la libéralisation croissante de l’agriculture, les syndicats agricoles se rassemblent dans de larges mobilisations transnationales qui tendent à gommer l’hétérogénéité des situations agricoles. Insérées dans un espace politique résolument polycentrique, les organisations agricoles du Nord et du Sud ont ainsi modifié leurs stratégies de mobilisation afin de profiter au mieux des occasions offertes par la multi-level governance. La scène politique internationale offre des opportunités politiques et sémantiques. À ce titre, l’appropriation de la notion de souveraineté alimentaire permet de servir des objectifs domestiques (nationaux-sous-régionaux). Ces transformations induisent une adaptation des modalités d’action et d’intervention des OP (organisations paysannes) et également des États sans forcément conduire à leur affaiblissement comme c’est souvent évoqué (Halpin, 2005). En outre, en soulignant l’ancrage local des actions collectives qui ont émergé autour de la souveraineté alimentaire, l’article interroge les thèses soutenant l’émergence d’une société civile internationale et montre les limites de ce postulat. L’analyse rejette toutefois l’idée d’une instrumentalisation des pays les plus pauvres par les plus puissants. Cela négligerait la capacité des acteurs dominés à renforcer la structuration de leur mouvement, intrinsèquement liée au processus de construction des positions et à leur socialisation dans des espaces de négociations internationales.

42 Enfin, depuis l’Appel de Dakar, le thème de la souveraineté alimentaire a été mobilisé à maintes reprises en Afrique de l’Ouest. Que ce soit lors des forums sociaux ou des mobilisations contre les APE, les acteurs ont interprété les difficultés qu’ils rencontrent en termes de souveraineté alimentaire car la notion, de par sa polysémie, propose des opportunités dans le débat politique national. Ainsi, la question alimentaire constitue un enjeu politique majeur, ce que confirment les récentes émeutes de la faim (Janin, 2009). Il est de fait approprié par de multiples acteurs, servant ainsi des intérêts parfois bien éloignés de l’intérêt général, plus proches des intérêts d’un groupe, et même de ceux d’un homme.

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Mots-clés éditeurs : Action collective, organisation, transnational, souveraineté alimentaire, agriculture, Sénégal

Date de mise en ligne : 27/09/2011

https://doi.org/10.3917/rtm.207.0151

Notes

  • [*]
    CIRAD-ES Arena, marie.hrabanski@cirad.fr
  • [1]
    Les réflexions de Johanna Siméant sur les travaux consacrés aux « mouvements sociaux transnationaux » permettent de clarifier les apports et les limites de ces études.
  • [2]
    La Confédération internationale des betteraviers européens (Cibe) s’est constituée en 1925.
  • [3]
    http://www.fao.org/wfs/begin/paral/cngo-f.htm
  • [4]
    Une précision s’impose : « Nord » et « Sud » ne sont pas utilisés ici comme des catégories analytiques pertinentes. Les types d’agriculture, dans les pays riches, sont extrêmement hétérogènes, et certains pays situés au Sud, comme le Brésil, sont de gros exportateurs et déséquilibrent, comme certains exportateurs du « Nord », les marchés locaux des pays les moins avancés. Toutefois, nous avons repris ici la distinction « Nord / Sud » afin d’en montrer l’utilisation par les organisations agricoles et non agricoles, cette indication géographique leur permettant de construire des clivages idéologico-politiques.
  • [5]
    Transnational social movement.
  • [6]
    Transnational social movement organisation.
  • [7]
    Transnational advocacy network.
  • [8]
    Association des organisations professionnelles paysannes du Mali.
  • [9]
    Coordination nationale des organisations paysannes du Mali.
  • [10]
    Confédération paysanne du Faso.
  • [11]
    La Fédération internationale des producteurs agricoles rassemble traditionnellement plutôt des syndicats agricoles majoritaires.
  • [12]
    Oxfam signifie Oxford Committe for Famine Relief. L’organisation a été créée en 1942 sur des fonds privés pour attirer l’attention des Anglais sur la famine en Grèce, alors occupée par les nazis. Aujourd’hui, l’Oxfam est une confédération de 12 organisations nationales, elle soutient 3 000 partenaires locaux dans le tiers monde.
  • [13]
    Confédération générale des betteraviers (France).
  • [14]
    Confédération des betteraviers belges.
  • [15]
    Confédération internationale des betteraviers européens.
  • [16]
    Comité des organisations professionnelles agricoles (Europe).
  • [17]
    Coordination paysanne européenne.
  • [18]
    L’Association pour la redynamisation de l’élevage (Niger).
  • [19]
    Alain Felix se demande en effet si le désarmement douanier n’a pas avant tout permis au blé américain et européen, aux volailles congelées aux hormones et aux bas morceaux de viande de concurrencer le sorgho sahélien, les « poulets bicyclettes » ou la viande de zébu.
  • [20]
    Organisation commune de marché, qui organise pour chaque filière agricole le système de soutien du secteur.
  • [21]
    Les primes perçues ne sont plus liées aux productions de l’exploitation mais à une référence historique (calculée en faisant la moyenne des primes perçues sur trois années de référence).
  • [22]
    Sur le plan externe, l’UE s’était engagée à importer une part importante de sucre à prix garanti (c’est-à-dire à un prix plus élevé que celui du marché mondial) dans le cadre du protocole sucre signé avec les ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). En outre, dans le cadre des accords EBA (Everything but arms) engagés en 2001, l’UE a modifié les accords concernant les importations des PMA. Ainsi, ces derniers, plutôt que de bénéficier de prix élevés pour des volumes limités, pourraient exporter sur le marché européen sans limite de volume dès 2009. Dans le même temps, en plus de ces accords internationaux, d’autres contraintes externes pesaient sur la réforme. Le Brésil, l’Australie et la Thaïlande déposaient plainte devant l’OMC pour s’opposer aux exportations de l’UE qui, selon ces derniers, correspondaient à des exportations subventionnées.
  • [23]
    On observe des positionnements différents sur cette question entre Oxfam International et certaines antennes nationales de l’Oxfam.
  • [24]
    Le Roppa a été créé en 2000, suite au rapprochement des fédérations nationales de dix pays de la sous-région. Cette initiative prend racine, au cours des années 1970, au Cesao, et fut relayée par l’ONG Six-S et nourrie par certaines initiatives du CILSS et du Club du Sahel. Au cours des années 1990, le fonctionnement de ces rencontres évolue et les paysans vont y jouer une part plus importante. Mamadou Cissokho, alors leader charismatique du mouvement sénégalais, va créer, en 1995, la Plate-forme des paysans du Sahel afin de susciter des rencontres à l’échelle sous-régionale.
  • [25]
    L’Ecopwap est la politique agricole de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest)
  • [26]
    http://loa-mali.info/IMG/pdf/LOA_VOTEE.pdf Le titre III de la LOA traite spécifiquement de la souveraineté alimentaire.
  • [27]
    Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique.

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