Notes
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[*]
CREDAL-CNRS.
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[1]
- Les données sur le PIB sont assez différentes selon les sources, tant celles qui concernent l’État de São Paulo que celles qui concernent le Brésil. Nous ne faisons ici état que d’un ordre de grandeur.
-
[2]
- Região metropolitana de São Paulo
-
[3]
- Voir A rota da riqueza, par Artur Araujo, Editor do Cosmo on Line, 25/07/2001 ; et A Metrópole das Economias Emergentes, São Paulo, Guia de Investimentos et geração de emprego, 26/08/2003. Voir aussi les articles de Martine Droulers, São Paulo, cidade mundial e espaço regional et de Hervé Théry, São Paulo, capital do Brasil, in Alessandri Carlos et Umbelino de Oliveira (org.), 2004.
-
[4]
- Moins riches dans le sens où leur PIB et /ou les investissements dont elles sont le théâtre sont proportionnellement inférieurs à ceux de São Paulo.
-
[5]
- Nous employons « classe moyenne » dans le sens que lui donne Catherine Bidou-Zachariasen : un groupe social défini non seulement par ses revenus mais aussi par son capital culturel et son mode de vie. Cette définition renvoie d’ailleurs à la notion de « classe moyenne de service » construite par la sociologie anglaise. Voir Bidou-Zachariasen, 2004.
-
[6]
- SEADE (Sistema Estadual de Analise de Dados) et IBGE (Instituto Brasileiro de Geografia e Estatistica), cités par Artur Araujo, site de l’Etat de São Paulo, 20/08/2003
-
[7]
- IBGE, Departamento de Contas Nacionais, Site de la Prefeitura de São Paulo, 20/08/2003
-
[8]
- Traduction du terme municipio, division administrative et politique des États fédérés.
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[9]
- Celui de Campinas semble atteindre le double de celui de São Paulo
-
[10]
- ABC : périphérie industrielle traditionnelle de São Paulo, comprenant les municipalités de Santo André, São Bernardo do Campo et São Caetano.
-
[11]
- La région métropolitaine de São Paulo est formée par 39 municipes (Lei complementar federal No 14. Lei complementar estadual, no 94, 1973). Le municipe de São Paulo comprend 96 districts regroupés aujourd’hui en 23 sous-préfectures et neuf groupes de préfectures sur lesquels s’articulent les plans directeurs. On notera qu’ils ne s’appellent pas « plan stratégique » mais gardent la vieille formulation de « plan directeur ». Secretaría municipal de Planejamento urbano, Prefeitura de São Paulo, 2003.
-
[12]
- Nous n’utilisons volontairement pas la notion d’élites, car elle mériterait, pensons-nous, d’être rediscutée. Nous utilisons la notion de « classe moyenne » comme précédemment.
-
[13]
- On n’emploie pas ici le mot de « mixité » car il n’existe pas vraiment dans le langage sociologique brésilien.
-
[14]
- Voir Prefeitura de São Paulo, 2001
-
[15]
- Les tranches salariales limitent à 40 salaires minimums les revenus les plus élevés par foyers. On devrait dire 40 salaires minimums et plus, ou définir une tranche supérieure.
-
[16]
- Pour Ana Fani Alessandri Carlos (2004), le capital industriel « recyclé » en capital financier trouve dans l’immobilier une façon peu coûteuse de faire des profits rapides. Ce serait un volet explicatif de la faiblesse de l’accumulation de capital productif au Brésil, observée par Pierre Salama dans de nombreux articles.
-
[17]
- Cf. la mise en perspective de différentes cartographies : Aldaiza Sposati, Mapa de exclusão social da cidade de São Paulo, Renda familiar em salarios mínimos 1997, 2000, CD Polis, INPE, PUC/SP ; et Prefeitura do Municipio de São Paulo, Secretaria Municipal de Planejamento Urbano, Rede estrutural de Eixos e Pólos de centralidades.
-
[18]
- Le modèle centre-périphérie continue en effet de fonctionner partiellement : si le centre historique a perdu de ses fonctions et de ses habitants, il s’est fortement dégradé mais concentre les gares de métro et de bus ainsi que nombre d’emplois. Il jouxte le premier anneau résidentiel, où l’on trouve création et prestation des services les plus huppés de l’agglomération. Cette centralité au sens large du point de vue géographique correspond donc à une représentation qui dure.
-
[19]
- Malgré l’appauvrissement vraisemblable d’une partie d’entre elles, que l’on saisit plutôt par intuition qualitative que par l’évidence quantitative.
-
[20]
- Voir les nombreux travaux écrits jusqu’à aujourd’hui sur les quartiers fermés et les shopping centers à l’intention de chaque strate de la classe moyenne.
-
[21]
- 25 % des logements du centre-ville seraient aujourd’hui des cortiços.
-
[22]
- C’est le critère « accès aux services », constitutif de l’indice, qui surdétermine la bonne performance de l’ensemble du centre du municipe de São Paulo, même par rapport aux municipes cossus de la périphérie. Cette carte a été aimablement mise à notre disposition par ses auteurs lors d’une visite que nous avons faite au SEADE (2003). Nous les en remercions.
-
[23]
- www.prefeitura.sp.gouv.br
-
[24]
- Dans quels espaces urbains travaillent les salariés qui sont au plus haut de l’échelle sociale que l’on recense au lieu de leur résidence ? Vraisemblablement dans les business centers ? Mais ce sont aussi des personnes dont la mobilité dans l’espace urbain est réduite à quelques lieux.
-
[25]
- Voir, par exemple, plusieurs articles de l’ouvrage de Araujo Guimaraes et Martin, 2001.
-
[26]
- Apoyo del Programa de Acción en Cortizos del Estado de São Paulo, BID 2000
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[27]
- L’exemple emblématique de l’association mairie/grande entreprise est actuellement l’association de la mairie de Mexico (dirigée par le leader du PRD, Andres Manuel Lopez Obrador) et le milliardaire mexicain, président de Teletel, Carlos Slim, pour « requalifier » le centre de Mexico. A São Paulo, le Boston Bank et son président d’alors (1999), Henrique Meireilles, préconisaient pour le centre ville un mécénat culturel et la promotion d’une requalification productive. Dans un cas comme dans l’autre, le capital privé fait un pari sur les centres villes.
-
[28]
- Discours d’Henrique Meireilles, aujourd’hui Président de la Banque centrale, alors Président de Fleet Boston Global Bank, Président Mondial de Boston Bank, Président de Associaçaão Viva o Centro, in Centro de São Paulo, a grande virada 1999-2000, Boston Bank.
1 Plus que toute autre ville, celle de São Paulo est emblématique de trois séries de constats et débats qui, bien que d’ordre différent, sont au cœur de l’actualité des sciences sociales et de l’urbanisme. 1 – São Paulo symbolise la permanence des inégalités régionales au Brésil malgré les variations statistiques observées dans le temps et selon les sources, qui sont supposées en rendre compte. C’est la capitale d’un état dont le PIB (300 milliards de dollars en 2000) représente près de 40 % de celui du Brésil pour 15 % de la population, et environ 5 000 à 6 000 dollars par personne [1]. 2 – São Paulo, dans ses différentes dimensions territoriales (agglomération et/ou municipe) peut être vue comme un laboratoire d’analyse de cette problématique devenue récurrente : dans le contexte de la mondialisation, le local devient le lieu de gestion du global ou de la mondialisation, œuvre d’une nouvelle hiérarchie d’élites socio-économiques dont on peut lire quelques-unes des représentations et des préjugés à l’échelle du lieu face à des populations qui n’en font pas partie, nombreuses et parfois sur la défensive. 3 – São Paulo vient de connaître pendant un mandat de quatre ans une gestion municipale exercée par le Parti des Travailleurs, un parti qui s’est en son temps appuyé sur les mouvements sociaux urbains et a rendu populaire la notion de participation, ce qui permet de projeter au niveau national quelques-unes des réflexions, des expériences et des innovations dont elle est le théâtre et le scénario, malgré la réversibilité de cette expérience politique qui a pris fin en 2004.
2 Cependant la taille de la métropole de São Paulo et sa complexité donnent une connotation particulière à l’analyse des compromis sociaux qui participent de la définition de son « modèle de développement » comme global city (quelle que soit la couleur politique de son gouvernement local) pour les économistes spatiaux et/ou les géographes (GERAIGES de LEMOS, 1999 ; RAMOS SCHIFFER, 2002). Ce qui fait que les uns et les autres s’efforcent de reporter les données statistiques disponibles, et elles sont nombreuses, sur l’espace considéré comme urbanisé et de s’interroger sur les surprises que cette relation apporte. On fait ensuite entrer en scène l’action réformatrice, c’est-à-dire les politiques municipales, dont l’une des intentions est de briser l’inéluctabilité apparente du dualisme social.
3 Ces approches permettront-elles alors d’associer la dimension spatiale/locale/ territoriale à la question posée par plusieurs économistes, celle du modèle de développement brésilien empêtré dans une vulnérabilité externe qui fait du recours et de l’appel aux investisseurs étrangers la clef de voûte de sa politique économique, mais aussi d’une soumission à la mondialisation économique qui donne des formes nouvelles au dualisme socio-économique local ? À l’inverse, le « local », – et cette ville en l’occurrence, puisqu’elle est le comble de la complexité – est-il révélateur des tendances inéluctables ou non de ce modèle ? Où bien est-il révélateur de nouvelles combinaisons territoriales où s’ancrent, à travers des stratégies diverses, « les investissements internationaux et nationaux » dont l’impact en termes d’effets sociaux n’est pas visible ?
I – DEUX DISCOURS SUR SÃO PAULO
4 Cette ville est le territoire d’une dynamique sur laquelle sont portés deux discours différents. 1 – L’agglomération de São Paulo (RMSP [2]) est une métropole globale extrêmement moderne et post-fordiste où règnent mobilité et accumulation flexible. Elle préfigure l’avenir du Brésil. Elle passe par une étape incontournable dont elle est un laboratoire. La combinaison systémique des faits sociaux et économiques qui s’y déroulent a un impact sur la vie politique nationale et internationale du Brésil [3]. 2 – São Paulo, pas plus que d’autres villes moins riches et/ou moins modernes qu’elle, au Brésil ou ailleurs [4], ne parvient à enrayer plusieurs symptômes de la dégradation de la cohérence sociale qui prend des formes relativement nouvelles dans l’espace urbain : violence extrême, modernisation de l’informalité sous forme de précarité, ségrégation urbaine qui se consolide malgré les mobilités quotidiennes d’un endroit à l’autre dont font preuve les populations, pollution.
5 Ces deux discours qui sont également vrais renvoient à la représentation de la composition sociale extrémiste qui colle au Brésil. Pour donner des arguments au premier discours, on dira que pour atteindre une telle modernité, il faut une accumulation locale de capital accompagnée par une productivité performante. Il faut aussi de très hauts salaires de « niveau international ». Pour renforcer le second, on dira que la dégradation de la cohérence sociale, si toutefois cette expression a un sens, à l’autre extrême, suppose la consolidation de la pauvreté, malgré les politiques sociales ciblées et/ou micro-économiques mises en place à São Paulo depuis deux décennies. Dans les années 1990, comme pour excuser cette consolidation ou le peu d’efficacité de ces politiques, on a parfois entendu des voix qui disaient que les immigrés d’autres régions avaient apporté leur pauvreté et leurs modes de vie de pauvres avec eux.
6 Une des hypothèses de cet article est que la situation exceptionnelle de São Paulo, plus qu’à une explication dualiste, tient à la consolidation d’une classe moyenne fortement éduquée et fortement consommatrice qui joue le jeu de l’innovation mais qui ne s’identifie pas collectivement dans un projet, ni dans un cadre de références (O’DOUGERTHY, 2002). Mais elle n’est peut-être pas numériquement suffisante pour tirer vers l’avant de façon conséquente le marché local et généraliser l’innovation dans l’ensemble de l’agglomération. Elle est d’ailleurs dispersée, et mal connue autant dans sa composition que dans ses représentations [5]. L’analyse socio-spatiale et la lecture des cartes de l’espace urbain qui se multiplient actuellement permettent-elles de cerner la place de cette classe moyenne, clase media, toujours présente dans le propos et le sens communs mais qui semble si inoffensive qu’on l’oublie ?
II – QUELLES DONNÉES STATISTIQUES POUR QUELLE ÉCHELLE ?
7 Si l’on observe de façon sommaire la répartition de la richesse dans l’état de São Paulo, le plus riche du Brésil, on note que la croissance et le revenu par tête dans l’ensemble de l’état sont supérieurs à ceux de l’agglomération et plus encore du municipe : près de 9 000 dollars en août 2003 [6] dans ce qu’on appelle « l’intérieur », 5 500 dollars dans la zone métropolitaine et 4 900 dans la métropole [7]. L’intérêt de ces données est seulement de montrer que le municipe [8], c’est-à-dire le centre de l’agglomération – soit un peu plus de 10 millions d’habitants – ne possède plus le niveau de vie le plus élevé de l’état de São Paulo [9]. Comment interpréter ce constat ? Il semble qu’il y ait appauvrissement de la zone centrale de l’agglomération au profit d’autres centres urbains (Campinas, par exemple, la deuxième ville) et même d’une partie de sa périphérie.
8 Par ailleurs, et il s’agit là d’une autre évaluation de la richesse et d’une autre échelle, la part impressionnante de la production de richesses que l’on attribue à l’agglomération et au municipe de São Paulo dans l’ensemble du Brésil doit être relativisée. Une comparaison sommaire avec la région Île de France par exemple montre qu’avec 309 milliards d’euros en 2002, le PIB de la région d’Île de France (29 % de celui de la France, 11 millions d’habitants) représente trois fois celui de la RMSP (100 milliards de dollars, 18 millions de personnes et 10 % seulement du PIB du Brésil).
9 Un résultat de cette comparaison est donc que les effets de concentration, traduits en termes statistiques, ne sont pas, et de loin, aussi élevés au Brésil qu’en France.
10 L’observation de ces chiffres révèle deux surprises : l’une porte sur la part très élevée tenue par l’état de São Paulo dans le PIB de l’ensemble du Brésil ; l’autre sur le haut niveau de la moyenne des revenus dans l’ensemble de l’état, non seulement par rapport au pays mais par rapport à l’agglomération. La deuxième surprise, celle qui a trait à l’enrichissement de l’ensemble de l’état par rapport à l’agglomération, amène la constatation suivante : si la diffusion des investissements dans ce qui constitue la « province » de l’état est élevée, la concentration des hauts salaires et des hauts revenus dans le municipe de São Paulo l’est aussi. C’est donc dans l’agglomération que l’extrémisme social est le plus présent. Ce qui permet d’en déduire l’existence d’une société duale et peut-être d’un espace en cours de « dualisation » qui s’accentue. Le municipe concentrerait services, épargnes, hauts salaires, consommation et très petits salaires ; dans certains municipes de l’état et de la périphérie de la capitale, de grands investissements productifs continueraient à créer de l’emploi pour salariés moyens.
11 Laissons maintenant de côté l’état de São Paulo et revenons à l’échelle urbaine. L’intuition et quelques indicateurs conduisent à représenter l’espace urbain (soit celui de l’agglomération, échelle intermédiaire) de la façon suivante :
- le centre (historique) du municipe semble caractérisé par l’appauvrissement de ses résidents. Il crée des emplois traditionnels peu rémunérés mais abondants s’adressant à des gens venus de partout ;
- un premier demi-cercle (centre sud-ouest de la ville) est caractérisé par la richesse de ses résidents en termes de salaires et de revenus captés dans leur lieu de résidence souvent assez proche de leur lieu de travail ; cette richesse doit être pensée aussi selon un mode de vie qui inclut une mobilité professionnelle à longue distance très fréquente ;
- un deuxième cercle est caractérisé par la pauvreté renouvelée de ses résidents, par la pauvreté de la consommation, par le déplacement constant de ses habitants vers d’autres zones de la ville pour travailler et par la présence de favelas ou espaces de non-ville ;
- le quatrième cercle compte des agglomérations plutôt riches (une partie de l’ABC [10]) et des agglomérations très pauvres, où l’offre de travail est rare et l’accès aux services difficile.
Région métropolitaine de São Paulo (RMSP), les municipes.
Région métropolitaine de São Paulo (RMSP), les municipes.
13 Pour mieux comprendre la dynamique socio-spatiale de São Paulo et si l’intuition évoquée ci-dessus a quelque validité, il serait bon, croyons-nous, de distinguer et de comparer dans le temps : 1 – la relation (ou mobilité) entre résidence et activités professionnelles ; 2 – toute offre de travail ou d’accès à un revenu par unité spatiale. Mais les données nécessaires à la réalisation de cet exercice n’existent pas car les catégories statistiques perdent de leur pertinence à cette échelle et dans le temps.
14 En tentant d’ordonner et de croiser une quantité de données fournies par l’IBGE (Instituto Brasileiro de Geografia e Estadisticas) et le SEADE (Sistema Estadual de Análise de Dados), ces données appartenant à des circonscriptions qui n’ont pas le même statut administratif, qui ont changé spatialement ainsi que dans leur fonction administrative [11], dont certaines ont perdu des habitants tandis que d’autres en gagnaient, où la mesure et les causes de la mobilité et des déplacements internes sont de plus en plus difficiles à cerner, on risque de figer des combinaisons qui sont extrêmement mouvantes (SPOSATI, 2001).
III – DUALISME SOCIAL OU MIXITÉ SPATIALE ?
15 La carte de projection des revenus des familles sur les unités administratives du municipe de São Paulo, c’est-à-dire le centre de l’agglomération, laisse penser que la moyenne de ces revenus est assez faible. 20 districts seulement sur 96 comptent une moyenne de revenus de plus de 20 salaires minimums . Cela n’éclaire pas sur un éventuel dualisme social, selon une relation binaire que l’on pourrait exprimer de la façon suivante : pauvres versus « élites » mondialisées. Et, dans la mesure où l’on ne sait pas où faire passer la fracture, on conclut à l’ « inertie » [12]. Cette « inertie » socio-spatiale que nous avons déjà mentionnée au début de cet article, exprimée en termes de salaires/revenus, conforterait d’ailleurs quelques-unes des conclusions énoncées par Luiz Cesar de Queiros Ribeiro et Edmond Prétéceille pour la ville de Rio (et pour Paris, qui fait partie de leur comparaison), confirmées dans une certaine mesure par Suzana P. Taschner et Lucia M. Bógus dans leur étude sur les structures spatiales et socio-professionnelles de São Paulo (PRÉTECEILLE et QUEIROS RIBEIRO, 1999). Tous mettent en avant un renforcement nuancé des tendances qui caractérisent la structure socio-professionnelle des habitants selon les districts.
1 – Peu de changement socio-spatial dans le temps ?
16 Si l’on reprend l’hypothèse de l’inertie, cela conduit à poser une nouvelle question : comment mettre en relation au plan spatial le statut des emplois proposés localement avec la connaissance de l’activité professionnelle des résidents dans leur domicile ? Or c’est une question importante lorsqu’on présente le projet de « diversité » (ou convivencia ?) sociale et spatiale comme un élément clé du nouveau projet urbain [13]. En effet, dans son projet Morar no Centro, la Préfecture de São Paulo (2000-2004) proposait par exemple, en partenariat avec la Caixa Económica Federal, de rendre accessible à la location des appartements réhabilités pour des familles de moins de six salaires minimum [14] pour les rapprocher de leur lieu de travail. Or, si l’on observe que la moyenne de revenus des habitants du centre-ville oscille entre 5 et 20 salaires minimum, on peut en déduire qu’il s’agit par là de promouvoir l’idée de mixité sociale et spatiale, injonction actuellement presque universelle.
17 Insistons ici sur cette expérience parce qu’elle est emblématique d’une volonté de rupture avec le dualisme émise par le gouvernement municipal du PT et que l’engagement de cette politique ne pourra vraisemblablement pas être totalement interrompu.
18 Le centre dit « historique » de São Paulo, laboratoire de la réflexion des professionnels de l’urbain depuis une décennie, correspond au centre-ouest du municipe. Dans l’espace de l’administration régionale Sé, composée de neuf districts, Se, Republica et Bras correspondent pour des raisons historiques aux représentations les plus fortes. Ce sont des lieux qui ont connu leur apogée du point de vue résidentiel et de leurs activités dans les années 1930-1950. Bras reçut des foules d’ouvriers italiens ; Niemeyer a dessiné des immeubles sur la Praza da República. Depuis la fin des années 1970, ce centre perd des habitants ; ceux qui restent, font état de revenus petits/moyens ; ils vieillissent (on ne sait pas cependant quelle est la proportion de retraités qui y vit) ; nombre d’immeubles sont abandonnés, parfois squattés par des personnes qui ne sont pas toujours recensées. En revanche, les lignes de transport en commun, les nombreux commerces souvent très traditionnels et les petits établissements divers témoignent de l’immense espace de ressources que constitue ce centre. Le SEADE évoque dans ces lieux une considérable augmentation de la branche d’activité appelée « services » plus encore que de celle qualifiée de « commerce », bien que l’on ne sache pas vraiment distinguer l’une de l’autre, puisqu’il s’agit souvent de petites entreprises informelles (autonomos). L’argument selon lequel près de 600 000 personnes, dont plus de la moitié qui n’y réside pas mais y vient chaque jour, travaille et s’active dans cette zone centrale, apparaît comme une donnée essentielle car on en conclut qu’elle est le principal « bassin d’emplois » et d’activités modestes de la RMSP. Est-ce un paradoxe ? Est-ce parce qu’il y règne encore une certaine mixité de fait, composée de résidents/moyens appauvris associés à la présence d’employés informels et/ou précaires en grand nombre ? De fait, le projet de réhabilitation du centre historique est construit sur cette hypothèse sociale. Ou bien serait-ce qu’il existe une grande capacité de résistance à la délocalisation de la part de populations assez pauvres mais aussi travailleuses qui, au cours de l’histoire de la ville, ont compris l’importance de sa géographie et de l’espace public qu’elle propose, pour maintenir et renouveler leurs activités ?
Le centre historique de São Paulo.
Le centre historique de São Paulo.
19 Les districts centraux de Consolação, Santa Cecilia et Bela Vista qui appartiennent aussi au centre ancien, correspondent encore à la division fonctionnaliste mise universellement à l’honneur dans les années 1960, étant entendu par ailleurs que le fordisme pauliste, dans le régime de croissance qui prévalait alors et dans sa dynamique accélérée, avait laissé à la traîne ceux qui recevaient les plus bas salaires, ou ceux qui attendaient d’en avoir un. Ainsi trouve-t-on encore aujourd’hui dans cet espace quelques-unes des quartiers résidentiels huppés, qui abritent les PDG et l’élite la plus sélecte, mais aussi les hauts et moyens/hauts revenus (de 20 à 40 salaires minimums, nous disent les statistiques) [15]. Et quand on s’évade de ces lieux et qu’on se dirige vers le sud-ouest, on rencontre alors les business centers, emblèmes du fonctionnalisme urbain d’aujourd’hui, associés à d’immenses shopping centers d’assez haut standing [16]. Voilà donc qu’est apparu le nouveau quartier d’affaires de Berrini, trente ans après que l’Avenida Paulista ait supplanté dans les années 1960 ce que l’on qualifie aujourd’hui de « centre historique » (Sé et República). On ne sait pas quelle est la proportion de bas salaires que ces business centers proposent. Ils se répartissent vraisemblablement entre les ouvriers de la construction, car de nouveaux chantiers surgissent sans cesse, et des employés divers qui leur succèdent, qui n’habitent généralement pas dans ces lieux et qu’on pourrait sans doute assimiler à cette population salariée précaire que Saskia Sassen appelle les cleaners (1999).
20 La complexité de cet espace cache-t-elle alors le dualisme social, la fracture, la ségrégation, ou bien, comme nous venons de le dire, renvoie-t-elle à une mixité de fait ? cette dernière existerait-elle ici même, au centre de São Paulo, entre un fragment de classe moyenne mondialisée et une petite classe moyenne appauvrie parce qu’elle exerce des métiers et des activités très faiblement productives, plus proche des couches populaires ?
2 – Diversité socio-spatiale accentuée en périphérie de RMSP ?
21 Autre type d’analyse : si l’on s’écarte quelque peu de la zone considérée comme centre du municipe, on y observe des degrés de sous-équipement divers ; la zone nord et la fameuse zona leste font relativement bonne figure face à la zone sud qui concentre pour sa part, tous les mauvais indicateurs sociaux et spatiaux dans ses trois districts, très étendus et peu denses, les plus périphériques au demeurant [17].
22 Quelques-uns des municipes qui constituent le grand São Paulo ont un revenu par tête d’habitant très élevé, São Caetano do Sul (135 000 habitants) par exemple et São Bernardo do Campo, où il dépasse 8 000 dollars en 2000. Autre part, il peut être très bas. Mais d’une façon générale, la moyenne des revenus semble un peu plus élevée dans la RMSP que dans le municipe et celle-ci affiche trois caractéristiques : c’est là que l’on trouve les municipes qui constituent des taches de hauts revenus incluant les condominios fechados. Cette périphérie en tache attire les moyens/hauts salaires d’une classe moyenne qui semble avide d’espace, d’air pur mais aussi de sécurité. Elle connaît une assez forte croissance en termes de population, tout en demeurant peu dense du point de vue géographique. Elle est également le lieu de résidence d’une population plus jeune, largement atteinte par le chômage ouvert et occulte, selon la nomenclature du SEADE (PESQUISA DE EMPREGO E DESEMPREGO, 2002).
23 Ces lieux qu’on appelle la périphérie ne sont donc pas homogènes, même s’ils constituent un troisième anneau géographique. Le nord de cet anneau, et surtout Guarulhos, abrite beaucoup de misère ; le sud-ouest vit fortement les chocs financiers et le chômage lié à la fermeture des industries sidérurgiques, mais parvient à conserver son pouvoir d’attraction auprès des investisseurs. D’autres municipes font preuve d’innovation politique (Diadema, par exemple, ou encore Santo Andre, avec leurs budgets participatifs et leurs programmes de développement durable). Bref, cette périphérie est spatialement et socialement complexe. Ainsi, certaines formes de polarisation spatiale éclatée succèdent au modèle centre-périphérie même si celui-ci reste partiellement valable [18]. Mais ces nouvelles polarisations sont le résultat d’agencements qui se transforment en fonction des représentations, des aspirations et des modes de vie et de consommation de certains fragments des classes moyennes, dont les revenus s’échelonnent selon une gamme extrêmement étendue, mais sur lesquelles les politiques urbaines s’appuient finalement toujours [19]. Toute menace d’appauvrissement est donc une des terreurs des journalistes et des experts locaux. Toute politique territoriale passe ainsi par des mesures qui sous-entendent, même implicitement, les considérations suivantes : faire en sorte que les couches moyennes ne partent pas d’un lieu donné qui est le leur et/ou créer les conditions pour en attirer d’autres et pour les séduire. Elles demeurent le point de référence des politiques urbaines publiques, privées et accomplies en partenariat.
3 – Où se situe la pauvreté ?
24 La difficulté de lecture et d’analyse des données dans le centre-ville, notamment celles qui concernent la pauvreté, conduit à l’examiner à des échelles plus vastes que ce centre et selon un indicateur plus ou moins précisé. Il semble bien qu’elle ait augmenté dans le municipe de São Paulo entre 1991 et 2000 tandis qu’elle diminuait légèrement dans l’état, non incluse la RMSP.
Chefs de familles pauvres jusqu’à 1,46 salaire minimum | ||
1991 | 2000 | |
Municipe de São Paulo RMSP Etat de São Paulo moins la RMSP |
492 358 831 000 1 127 602 |
589 057 1 080 000 1 111 517 |
25 Au vu de ce tableau, on peut dire que la pauvreté a augmenté dans le municipe de São Paulo parce que le nombre d’habitants y stagne, qu’elle n’a pas augmenté dans la RMSP qui a connu une croissance urbaine beaucoup plus forte et qu’elle a diminué dans l’état de São Paulo.
26 Il s’agit donc bien de l’appauvrissement des pauvres dans le municipe. Face à cet ancrage, les bilans des nombreux et souvent modestes programmes ciblés de la Préfecture (il existe par exemple neuf programmes différents en faveur de la petite entreprise afin de recruter des sans-emplois), mis en application au niveau des districts, présentent des bilans mitigés. Même leurs concepteurs émettent des réserves sur leur efficacité. Ils permettent cependant une légère augmentation des rentrées d’impôts dans certains quartiers centraux (venant des petites entreprises), mais n’annoncent guère de création d’emplois au sens strict. Ces bilans, apparemment un peu paradoxaux, incitent à revoir les critères d’évaluation des politiques micro-économiques orientées vers la requalification et la réhabilitation : sur combien d’années doivent-elles être prises en compte, et en fonction de quelle mesure comptable ?
27 La pauvreté, à des degrés divers, reste apparemment présente dans toute la ville, soit qu’il s’agisse d’une majorité de pauvres, résidents dans certaines zones urbaines, soit qu’il s’agisse de résidents constituant des taches de pauvreté, soit qu’il s’agisse dans d’autres quartiers de la présence de travailleurs pauvres (moins de deux salaires minimums) et/ou précaires, qui n’y résident pas mais y travaillent, soit enfin qu’il s’agisse de fragments de population en cours d’appauvrissement inéluctable parce qu’ils sont âgés.
28 Le corollaire de cette réalité est la dégradation matérielle et sociale des quartiers qui comptent beaucoup de pauvres, résidents et travailleurs, la ségrégation résidentielle et une nouvelle fonctionnalisation de l’espace, non plus démocratique comme l’avaient rêvé Le Corbusier ou Lucio Costa pour Brasilia, mais très sélective [20].
29 Ce fonctionnalisme a fait en effet partie de la pensée urbanistique pendant tant de décennies qu’il ressurgit sans cesse avec des visages différents. La grande époque du Banco Nacional de Habitação (BNH) a connu essentiellement l’édification de zones résidentielles périphériques nouvelles sous formes d’immeubles en barres ou de petites maisons identiques d’assez médiocre qualité, destinées à des couches sociales qui étaient ainsi désignées : de deux à cinq salaires, de cinq à dix etc. L’urbanisation ne suivait véritablement que pour les « plus de dix salaires ». Et à l’époque, les sociologues décrivaient déjà que les montages financiers du BNH n’étaient accessibles qu’aux classes moyennes. En fait, ils contribuaient sans doute aussi à l’ascension sociale de certains par l’accès à la propriété. Très nombreux en effet, sont ceux – salariés parfois relativement modestes – qui sont devenus propriétaires pendant cette période.
30 La promotion de la ville d’aujourd’hui n’est plus la même, elle ne se dit pas fonctionnaliste. Ce rappel des politiques sociales/urbaines/territoriales qui ont marqué les années 1960-1985 n’a pour but que de mettre en perspective la pensée dominante qui prévalait alors avec celle d’aujourd’hui : industrialisation, urbanisation et salarisation allaient de pair, devant conduire à la formation d’une sorte de continuum social constitué de salariés. L’espace urbain dans ses nouveaux contours devenait le reflet de cette croyance et les études urbaines décrivant l’ascension sociale individuelle se multipliaient alors.
31 Or les quartiers anciens, ou du moins ceux construits avant les années 1950, n’entraient pas dans ce schéma. L’image – et la matérialité – du nord et de l’est de la ville de São Paulo se sont dégradées. Beaucoup d’habitants propriétaires sont partis ; ceux qui n’ont pas vendu leurs biens ont cessé de payer leurs impôts. Squatts et taudis se sont multipliés [21]. Pourquoi les rues sont-elles alors devenues des shopping centers bas de gamme ? Quelle attraction exerce les quartiers centraux pour le secteur informel ? Quelle relation y a-t-il entre espace urbain central/commerce et échanges informels/consommation populaire ? La dynamique économique qui reflétait une certaine mixité spatiale et sociale perd vraisemblablement de son caractère « hybride », mais résiste en tant qu’espace de représentations, d’activités et de services populaires.
IV – COMMENT LIRE LA VILLE AUJOURD’HUI ?
32 L’impression d’une marche alors inéluctable vers une situation de ségrégation socio-spatiale extrême et radicale fait surgir une sorte de nostalgie d’une hybridité qui aurait prévalu dans un passé plus ou moins lointain.
33 Pas un document scientifique ni prescriptif, qui ne déplore la nouvelle dualité, les nouvelles polarités socio-spatiales excluantes sur le plan résidentiel. Les cartes de l’espace urbain dessinées dans la perspective de confirmer ces tendances lourdes se multiplient ; celles de Suzana Taschner (2001) révèlent la diffusion de la pauvreté des résidents dans la périphérie est et sud. Celle d’Aldaiza Sposati montre la répartition en couronne de ce qu’elle appelle l’exclusion, un indicateur construit à partir d’une comparaison avec la situation dite d’intégration qui correspondrait à quelques quartiers du centre sud-ouest du municipe. Et on peut observer que les zones d’ « exclusion » concerneraient plus des trois quarts de la superficie du municipe de São Paulo. Enfin, pour compléter cette petite recension, on évoquera la carte de l’indicateur de « privations » inspirée, semble-t-il, de l’approche d’Amartya Sen sur les inégalités (Qualities of Life, Reexamined inequalities ...1993,1994). Cette carte classe la société urbaine selon huit groupes où il apparaît nettement que le centre-sud-ouest du municipe de São Paulo est nettement privilégié [22]. Quant aux cartes de la Secretaria Municipal de Planejamento urbano, Rede Estrutural de Eixos e Polos de Centralidades (Portal da Prefeitura de Sao Paulo, 2003), elles présentent un semis de « centralités » autour du centre historique au sens large dont l’extension et les fonctions sont surdéterminées par la convergence des lignes de transport qui y parviennent. Mais l’anneau de « centralités » existantes, et même en projet, est tronqué : il ne concerne que la zone sud-sud-ouest, c’est-à-dire celle considérée comme bourgeoise. Or la multicentralité, tout comme ailleurs la mixité, devenue un concept important de la représentation du territoire, est en devenir dans l’espace du municipe ; la faire exister est une tâche fortement affichée par le gouvernement de la ville.
Municipe de São Paulo, classement des secteurs censitaires en fonction du niveau de privation et de l’âge des habitants.
Municipe de São Paulo, classement des secteurs censitaires en fonction du niveau de privation et de l’âge des habitants.
Légende : Marina Regitz Montenegro, La contemporanéité de Sao Paulo :
ville « globale » et fragmentée, Mémoire de DEA, Université de Paris III, 2005
34 Toutes ces représentations cartographiques vont à peu près dans le même sens malgré la diversité des sources statistiques qui les fondent et des concepts qu’elles prétendent illustrer. Nous avons déjà commenté les modèles dualiste ou mixte qu’elles expriment selon les échelles. Ce qui est important maintenant, c’est de les ajuster aux représentations des habitants et en l’occurrence de ces classes moyennes que nous cherchons à cerner. On peut les résumer ainsi : un centre coupé en deux, celui qui tend vers la richesse et celui qui tend vers la pauvreté. S’y maintient cependant une relative mixité sociale, plus ou moins marquée selon les quartiers et assez mal acceptée parce qu’elle est associée à l’idée d’insécurité. De fait, la mixité ne semble faire rêver les classes moyennes que le temps d’une visite au marché réhabilité ou dans une ville européenne, lorsque les multiples durées qui contribuent à construire le paysage urbain rappellent au promeneur une histoire populaire à laquelle renvoie la littérature, les chansons ou même les mythes. En revanche, la commodité des quartiers huppés et l’air pur des périphéries semblent mieux combiner les souhaits d’urbanité de ceux qui se sont, depuis deux générations, engouffrés dans l’ascenseur social [24].
V – DE L’ « HYBRIDITÉ » PROFESSIONNELLE ET SOCIALE DANS LA VILLE
35 Nous avons vu qu’il était fort difficile de spatialiser la présence de ces classes moyennes dont on a pourtant l’intuition qu’elles donnent le ton, et que la connaissance de leurs aspirations par les agents immobiliers contribue à dessiner les espaces et les changements dans les formes urbaines à la mode, et mises à l’ordre du jour. Dans ce contexte, la notion d’hybridation empruntée à plusieurs économistes du travail, moins connotée par l’utopie de l’alliance de classe » que celle de mixité sociale, nous aide à « aller contre les raisonnements binaires », peu adaptés à la profondeur historique dont les territoires urbains sont les scénarios (C. AZAÏS, 2003). Elle est fort utile pour mettre en relation sur un même territoire les différences sociales associées aux différences/communautés de représentations (ce serait l’ « hybridation sociale »). Elle est aussi utile pour introduire les changements de statut dans le travail selon les moments de la vie de l’individu mais aussi selon la période économique que l’on est censé vivre, en l’occurrence la période post-fordiste actuelle. Certains espaces urbains, examinés du point de vue de leur profondeur historique et de l’imbrication des activités et des groupes sociaux qui s’y déplacent, constituent ce territoire ; c’est le cas du centre-ville, quelle que soit l’acception de cette notion (qui est triple, comme on l’a vu, pour São Paulo). Ceci dit, l’hybridation ne veut pas dire que le territoire que l’on reconnaît comme hybride soit consensuel. Elle n’est pas forcément « positive » ; elle peut aussi conduire à l’accentuation de tendances centrifuges et à la dégradation spatiale. Dans un article intitulé Reabilitação do centro de São Paulo, uma tentativa de inclusão social, l’auteur, Dirceu Bertran de Freitas, 2003, montre par exemple que, contrairement à ce que l’on croit, le système moderne de gestion de coopératives auto-financées, activité vue comme une des plus positives et innovantes, ne connaît guère de succès jusqu’à aujourd’hui dans la zone centrale de la ville. Il est donc recommandé de l’aider à créer les conditions de ce succès. De fait, les activités formelles, informelles et commerçantes s’y déroulent en effet de façon assez traditionnelle et peu innovante.
36 Malgré les décalages statistiques que révèle la tentative sommaire de spatialisation que nous avons faite dans ces pages, on peut tirer, croyons-nous, quelques leçons de cette dernière. 1 – Malgré les tendances centrifuges dont le territoire du centre-ville rend compte, il existerait un continuum dans la société pauliste dont ce centre serait susceptible d’incarner la mémoire autant que l’avenir, notamment parmi certaines élites (du secteur public et gouvernemental mais aussi d’affaire) ; 2 – Dans une logique inverse, on peut se demander pourquoi n’abandonnerait-on pas le centre-ville aux plus pauvres des moins pauvres qui comprennent l’intérêt de sa situation géographique et ont partiellement intégré ses espaces comme des éléments stratégiques de leur vie ? 3 – Ces deux faces d’un miroir cachent-elles la difficulté de construire un projet autour d’une mémoire inventée, mais aussi d’un pari économique risqué sur l’avenir ? 4 – Les transformations des formes urbaines relativement nouvelles (shopping centers, mais aussi multiplication des lieux culturels), le renforcement de nouvelles « centralités », les services quand ils ne s’adressent pas exclusivement aux entreprises mais aussi aux individus et aux habitants, semblent plutôt destinés à cette classe moyenne gagnante dont on ne sait pas très bien où se situe la ligne de fracture avec la perdante (dix salaires minimums ou la limite entre Sé et Republica ?). Des études menées en Californie ont montré que la présence de cinq marques de produits – les mêmes – dans chaque groupe de pâtés de maisons atteste du goût « diversifié », soit les cinq marques, de la population locale, donc de son statut de middle class (STORPER, 2000). Ce genre de signe serait-il valable à São Paulo pour déceler les changements d’intérêts ?
37 Peu de moyens donc pour confirmer ces intuitions, car on connaît et on mesure mal les transformations des métiers et des activités qui continuent de figurer sous les mêmes rubriques dans les recensements et les diverses enquêtes disponibles au SEADE. Certaines catégories socio-économiques nouvelles qui désignent soit le statut du travailleur, soit l’organisation du travail, objet de constructions théoriques nouvelles, ne peuvent être véritablement mises à l’épreuve à São Paulo où l’on répète pourtant sur tous les tons que le comble de la modernité (post-fordiste, culturelle, médiatique, religieuse, de consommation etc.) côtoie la tradition (informelle et sociale).
38 Peu de connaissances nouvelles regroupées en catégories éclairent en effet sur les nouvelles conditions des salariés (hybride, précaire, poor, flexible, mobile, nomade et bien d’autres ...). On reste dans le champ des catégories correspondant à la productivité/performance associée aux droits et à la protection sociale [25] dont seule la condition des salariés de certaines grandes firmes peut alimenter la connaissance. Peu d’informations sur la performance de certaines petites entreprises (qualifiées en général d’entreprises de service) et sur l’attrait qu’elles exercent sur la main-d’œuvre, tant du fait de leur activité que de leur statut. On pense ici à l’artisanat, la construction, les services nouveaux, les commerces, l’entretien, les start-up, les franchises, la musique, etc. Comment distinguer petite entreprise de pointe, petite entreprise performante et petite entreprise traditionnelle, chacune de ces catégories étant associée à un certain statut du travail et à un niveau de qualification ? Comment par ailleurs évaluer la modernisation des métiers en fonction des catégories : flexibilité/précarité/informalité, avec leur corollaire augmentation ou diminution du chômage, lorsque les données statistiques renvoient à l’existence d’une très grande proportion de chômeurs dans la classe d’âge 10-14 ans et 15-17 ans ? Comment considérer cette population active ? Quel statut lui donner ? De fait, l’inclusion des « chômeurs » de 10 à 14 ans modifie peu, paraît-il, le taux moyen de chômage tant dans le municipe que dans la région métropolitaine de São Paulo ; on peut se demander alors si la lecture au premier degré de cette statistique doit conduire à se réjouir de son maintien à 40 %, ce qui peut signifier que 60 % de cette classe d’âge va à l’école à temps plein et qu’elle n’a donc pas le temps de travailler. Quoi qu’il en soit, la permanence d’une telle catégorie, lorsqu’on prétend observer le marché du travail dans cette immense métropole post-fordiste qu’est São Paulo, pose un problème d’ordre scientifique et éthique qui renvoie aussi au rôle du centre-ville comme espace de mixité sociale et spatiale, mais aussi comme espace de ressources tout à fait particulières : celui d’assurer du travail ou du moins des rémunérations, ou bien encore la situation de chômeur à de nombreux enfants.
39 Cela conduit à émettre l’hypothèse qu’il faudrait sans doute penser São Paulo selon des catégories nouvelles. Celle qui correspondrait à une nouvelle définition plus complexe de la flexibilité/précarité. Celle, du fait de son statut et de ses intérêts professionnels, d’une « nouvelle classe moyenne » mondialisée, prise entre ses aspirations humanistes et écologiques et son pouvoir d’orienter certains choix politiques locaux. Enfin celle d’une nouvelle division du travail qui inclurait de nouvelles formes de mobilité dans le travail et de nouvelles activités. Il faudrait enfin donner aux enfants une autre condition que celle de travailleur ou de « population active ». De fait, si on ne passe pas par la réflexion sur de nouvelles catégories construites autour de la réalité urbaine d’aujourd’hui, il sera difficile de comprendre le modèle de développement de cette ville, l’impact qu’elle joue à l’échelle nationale et à celle du Mercosur, en tant que lieu d’innovation, de production et de consommation ; en somme, en tant que global city.
VI – LES PARIS SUR LA VILLE
40 L’agglomération de São Paulo continue de connaître le taux d’investissements étrangers et nationaux le plus élevé du Brésil, en chiffres absolus : sur 87 milliards de dollars en investissements étrangers au Brésil de 1996 à 1999, l’état de São Paulo en a reçu 40 %, la RMSP a reçu 60 % des 40 % et le municipe 50 % des 60 %. Des 24 milliards de dollars d’investissements privés en 2000, la RMSP a reçu également 60 % et le municipe 50 % des 60 %. Mais son niveau d’endettement n’a guère permis au municipe central d’attirer les fonds du BNDES (Banco Nacional de Desenvolvimento Economico e social) dans un secteur public qui ne peut plus emprunter sur recettes anticipées (Lei de responsabilidade fiscal). Cette situation a obligé la mairie gouvernée par le PT à imaginer des formes de partenariat avec un secteur privé – quel qu’il soit – plus apte à s’endetter, tandis qu’elle négociait des prêts complémentaires à long terme avec la BID (Banque Internaméricaine de développement) et la Banque Mondiale. Quel pari font ces différents investisseurs sur la ville, alors que le gouvernement municipal a changé en 2004 ?
1 – Les banques
41 La BNDES ne soumet pas ses financements aux évaluations d’experts. Elle examine tous les projets, du plus petit au plus grand, quand le dossier est conforme à ses exigences ; mais l’habileté et la cohérence des montages financiers proposés passent avant le caractère innovateur ou risqué du projet. Ainsi la trouve-t-on dans le projet de « réhabilitation » du quartier asiatique de Liberdade dont le caractère ethnique est associé à la tradition et à la sécurité.
42 Dans un ensemble de bonnes intentions au centre desquelles se trouve la réduction des inégalités et de la pauvreté, et dans le cadre de la décentralisation, la BID – qui met en principe l’accent sur l’éducation et la santé – s’associe par ailleurs aux municipalités et aux états pour réaliser des programmes de développement urbain et d’amélioration de la qualité de la vie, en particulier les politiques de logement social en centre-ville (PAR). Dans le contexte d’endettement interne extrême où se trouvent nombre de municipalités brésiliennes, seules les institutions internationales peuvent répondre aux besoins de crédits à très long terme (de 12 à 20 ans), associés à des taux d’intérêt internationaux (autour de 8 %). C’est ainsi que les actions de réhabilitation des cortiços à des fins résidentielles, locatives ou en propriété, trouvent actuellement des échos forts dans les municipalités et les gouvernements de certains états [26]. Associé à la CDHU (Companhia de Desenvolvimento Habitacional e Urbano), la BID finance la moitié de cette opération à São Paulo (ville et état), soit 110 millions de dollars, participant ainsi d’une vaste campagne lancée par le Programme Habitat des Nations Unies, non seulement en Amérique latine mais dans le monde, en faveur du logement en centre-ville. Une politique qui risque de se heurter à un degré d’insolvabilité trop élevé chez les actuels habitants de cortiços, souvent squatters, mais dont la « participation » est un volet important des politiques municipales et, à l’autre extrême, au projet de « pari sur les centres villes » que les mairies tentent de promouvoir auprès de très grandes entreprises [27].
43 Quant à La Banque Mondiale qui met largement l’accent sur le concept de « développement durable » dans le cadre de l’Agenda 21, elle appuie les programmes de décentralisation et prend partiellement en charge le coût d’infrastructures, en particulier les transports sur rail. Ainsi finance-t-elle le São Paulo Metro 4 Line Project par un prêt de 209 millions de dollars qui, selon un modèle inspiré de celui de Curitiba (modèle « intégré ») devrait mettre en correspondance métro, train et bus. Il s’agit avant tout – est-il affirmé – « de mettre à la disposition des paulistes dont les revenus sont les plus bas un système de transport efficace, rapide et peu onéreux », même si le coût du ticket de métro de São Paulo paraît particulièrement élevé par rapport aux revenus les plus bas. La Banque Mondiale s’engage avec un projet de ce type, dans un programme qui implique différentes institutions nationales et locales dans un territoire, la RMSP, partiellement frappé par ailleurs par la Lei de responsabilidade fiscal.
44 Ces politiques urbaines, surtout celles imprégnées de l’idée de justice sociale et de participation, comme quelques-unes de celles pratiquées de 2000 à 2004 par la Mairie de São Paulo dont le personnel était issu d’un parti qui s’est appuyé longtemps sur les luttes urbaines pour se construire, ont eu recours à l’intervention sur les espaces de convivencia (pour ne pas employer le terme de « mixité »), comme alternative positive face à l’envahissement de la précarité, de l’insolvabilité et de l’urgence. On peut se demander si elles infléchissent alors vraiment les grandes tendances économiques, sociologiques et culturelles que les observateurs du « temps long » soulignent, au nom de la frontière entre sociologie scientifique et action réformatrice, telles que ségrégation ou dualisme.
2 – Partenaires privés
45 L’action des partenaires privés révèle aussi un « pari » sur la ville qui s’exprime ainsi : « le centre se transforme en pôle d’activités culturelles majeures de la région métropolitaine de São Paulo. Il reçoit des investissements pour la construction de nouveaux hôtels. Il dispose aujourd’hui d’une infrastructure complète de télécommunications, avec des réseaux de fibres optiques ... la requalification du centre serait impensable sans les investissements publics et privés qui s’orientent vers les équipements culturels, les services avancés et de nouvelles options en commerce, hôtellerie et loisirs », disait, en 2000, le Président du Boston Bank, Henrique Meireilles, également président de l’Association Viva o Centro, évoquant par là les vingt-sept chantiers sur lesquelles interviennent la Banque et l’Association [28].
46 Le « pari » existe donc, même s’il n’est pas aussi affiché que celui que brandit la Fundación del Centro Histórico de la Ciudad de México où Telmex crée des emplois pour jeunes dans ses nouveaux call centers qui renseignent sur tous les services accessibles par téléphone et qui appuient l’installation de caméras de vidéo-surveillance dans les rues du centre historique.
47 Les hypothèses provocatrices de Jordi Borja et de Manuel Castells, « nous pouvons évoluer vers un monde sans ville », que Melvin Webber avait eues avant eux, vues cependant d’un œil plus ou moins pessimiste par leurs auteurs, ont sans doute trouvé des résistants (BORJA et CASTELLS, 1997 ; CASTELLS, 1997). Paradoxalement, cette résistance semble venir d’une certaine conscience de l’urgence associée à un souci de recherche – considérée comme indispensable – de plus d’équité sociale. Mais à quel prix ? Reconstituer un modèle centre-périphérie traditionnel ou créer les conditions de nouvelles valeurs urbaines capables de réunir « les classes moyennes » et les classes populaires dans un même projet.
48 L’idée qu’il existe une sorte de continuité sociologique nous laisse penser que les villes sont le miroir d’une classe moyenne conquérante et d’une autre qui l’est moins, dont les situations sont dispersées mais dont les communautés de représentations (vis-à-vis de l’environnement urbain, de l’avenir, de l’éducation etc.), sont importantes pour les décideurs et donnent du sens à leurs projets et à leurs politiques. Or ces classes moyennes sont mal connues, sauf peut-être des agents immobiliers. Et le territoire urbain, notamment l’espace construit avant les années 1950, comme continuum historique et spatial, renvoie à leur présence comme productrices et consommatrices des produits culturels et des technologies qui permettent d’articuler les réseaux modernes aux réseaux apparemment traditionnels (CASTELLS, 1997), comme acteurs de la convergence en certains lieux des sphères de développement économique qui allient le moderne et le traditionnel. Selon qu’elle est conquérante et selon le quartier où elle vit, on peut dire qu’elle est mondialisée (ce qui n’empêche pas que l’on puisse débattre sur la réinvention de son identité culturelle) et fait le lien avec les « new high-incomes urban elites », chères à Sassen (SASSEN, 2002) ou en perte de dynamisme par l’obsolescence de ses activités ; elle devient alors si invisible qu’on ne sait plus où elle habite. Les tensions centrifuges/centripètes au sein de ces classes moyennes se jouent dans les centres-villes : dans les villes européennes, réhabilitées depuis plus ou moins longtemps, où la question foncière a rattrapé et perturbé le déroulement des projets sociaux de mixité ; en Amérique latine où les représentations d’un utopique continuum social – territorial sont vite perturbées par le spectre de la pauvreté économique et parfois même culturelle.
49 Pourtant l’action réformatrice de la municipalité de São Paulo, face aux analyses sociologiques qui parlent de dualisme ou d’inertie, se positionne sans cesse à travers des mesures exemplaires, parmi lesquelles est particulièrement emblématique la rénovation des cortiços (RIVIÈRE D’ARC, 2003) comme ceux qui composent actuellement l’immeuble São Vito (624 appartements), partie du programme Morar no Centro, près du Parc Pedro II qui sera lui-même restauré dans l’esprit du plus célèbre paysagiste de parcs brésiliens, Roberto Burle Marx.
50 Ces programmes où l’on prétend que tout le monde aurait sa place apparaissent un peu comme rawlsiens. Dans un environnement – en l’occurrence un périmètre, le centre de la ville au sens large – où petite classe moyenne et couches populaires se côtoient, l’action réformatrice se doit d’aller vers les plus démunis, mais en faisant aussi en sorte que les moins démunis ne s’en aillent pas. Dans ce cadre de référence cependant, chercheurs et opérationnels posent la question des plus pauvres, des habitants de la rue, des Sem Têto, des représentants de la pauvreté structurelle, de la pauvreté à la racine, dont l’environnement urbain est la couverture des aqueducs centraux ou les favelas de la deuxième couronne où est ancrée la pauvreté extrême. Entre les plus pauvres et les plus démunis par rapport aux moins démunis, l’action réformatrice, impuissante vis-à-vis de la pauvreté absolue, est évidemment tentée de choisir les moins démunis parmi les démunis et d’intervenir auprès d’eux. Dans ce sens, les municipalités du PT sont héritières de l’esprit des ONG, de la Théologie de la Libération où le communautarisme/ solidarisme est en tension avec l’idée corporatiste et individualiste des droits des citoyens. Ce qui ne veut pas dire pour autant que cette tension soit menacée par une rupture interne ou par le renforcement d’une frontière invisible qu’on n’aura pas pu empêcher de voir s’ériger – naturellement – entre les districts de Sé et de Consolação.
51 Mais en fait, l’important est plutôt de se demander si la découverte et la connaissance d’une classe moyenne morcelée et éparpillée, dans cette ville perçue par ailleurs comme essentiellement duale, et des intérêts qu’elle exprime, permettent de l’inscrire dans une perspective historique à l’instar des villes européennes, ou dans un modèle a-historique où une partie de la société ne fonctionnerait plus que selon un mode de vie mondialisé, où le droit (à la ville) s’inclinerait devant les technologies, tandis que l’autre serait marginalisée ou plutôt exclue des lieux de références donc invisibles. Les cartes et les statistiques aident à répondre à un certain infondé de ces hypothèses mais laissent les modes de vie et de travail en suspens. Le volontarisme municipal qui tente de mener en quelque sorte des campagnes de « droit à la ville », tout en s’associant aux paris que lance a posteriori le secteur privé, contribue à créer de nouveaux espaces qui sont le reflet d’une réalité complexe où les relations binaires ou purement diachroniques n’ont pas cours.
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- WUHL Simon, L’égalité, nouveaux débats, Rawls, Walzer, PUF, Paris 2002.
Notes
-
[*]
CREDAL-CNRS.
-
[1]
- Les données sur le PIB sont assez différentes selon les sources, tant celles qui concernent l’État de São Paulo que celles qui concernent le Brésil. Nous ne faisons ici état que d’un ordre de grandeur.
-
[2]
- Região metropolitana de São Paulo
-
[3]
- Voir A rota da riqueza, par Artur Araujo, Editor do Cosmo on Line, 25/07/2001 ; et A Metrópole das Economias Emergentes, São Paulo, Guia de Investimentos et geração de emprego, 26/08/2003. Voir aussi les articles de Martine Droulers, São Paulo, cidade mundial e espaço regional et de Hervé Théry, São Paulo, capital do Brasil, in Alessandri Carlos et Umbelino de Oliveira (org.), 2004.
-
[4]
- Moins riches dans le sens où leur PIB et /ou les investissements dont elles sont le théâtre sont proportionnellement inférieurs à ceux de São Paulo.
-
[5]
- Nous employons « classe moyenne » dans le sens que lui donne Catherine Bidou-Zachariasen : un groupe social défini non seulement par ses revenus mais aussi par son capital culturel et son mode de vie. Cette définition renvoie d’ailleurs à la notion de « classe moyenne de service » construite par la sociologie anglaise. Voir Bidou-Zachariasen, 2004.
-
[6]
- SEADE (Sistema Estadual de Analise de Dados) et IBGE (Instituto Brasileiro de Geografia e Estatistica), cités par Artur Araujo, site de l’Etat de São Paulo, 20/08/2003
-
[7]
- IBGE, Departamento de Contas Nacionais, Site de la Prefeitura de São Paulo, 20/08/2003
-
[8]
- Traduction du terme municipio, division administrative et politique des États fédérés.
-
[9]
- Celui de Campinas semble atteindre le double de celui de São Paulo
-
[10]
- ABC : périphérie industrielle traditionnelle de São Paulo, comprenant les municipalités de Santo André, São Bernardo do Campo et São Caetano.
-
[11]
- La région métropolitaine de São Paulo est formée par 39 municipes (Lei complementar federal No 14. Lei complementar estadual, no 94, 1973). Le municipe de São Paulo comprend 96 districts regroupés aujourd’hui en 23 sous-préfectures et neuf groupes de préfectures sur lesquels s’articulent les plans directeurs. On notera qu’ils ne s’appellent pas « plan stratégique » mais gardent la vieille formulation de « plan directeur ». Secretaría municipal de Planejamento urbano, Prefeitura de São Paulo, 2003.
-
[12]
- Nous n’utilisons volontairement pas la notion d’élites, car elle mériterait, pensons-nous, d’être rediscutée. Nous utilisons la notion de « classe moyenne » comme précédemment.
-
[13]
- On n’emploie pas ici le mot de « mixité » car il n’existe pas vraiment dans le langage sociologique brésilien.
-
[14]
- Voir Prefeitura de São Paulo, 2001
-
[15]
- Les tranches salariales limitent à 40 salaires minimums les revenus les plus élevés par foyers. On devrait dire 40 salaires minimums et plus, ou définir une tranche supérieure.
-
[16]
- Pour Ana Fani Alessandri Carlos (2004), le capital industriel « recyclé » en capital financier trouve dans l’immobilier une façon peu coûteuse de faire des profits rapides. Ce serait un volet explicatif de la faiblesse de l’accumulation de capital productif au Brésil, observée par Pierre Salama dans de nombreux articles.
-
[17]
- Cf. la mise en perspective de différentes cartographies : Aldaiza Sposati, Mapa de exclusão social da cidade de São Paulo, Renda familiar em salarios mínimos 1997, 2000, CD Polis, INPE, PUC/SP ; et Prefeitura do Municipio de São Paulo, Secretaria Municipal de Planejamento Urbano, Rede estrutural de Eixos e Pólos de centralidades.
-
[18]
- Le modèle centre-périphérie continue en effet de fonctionner partiellement : si le centre historique a perdu de ses fonctions et de ses habitants, il s’est fortement dégradé mais concentre les gares de métro et de bus ainsi que nombre d’emplois. Il jouxte le premier anneau résidentiel, où l’on trouve création et prestation des services les plus huppés de l’agglomération. Cette centralité au sens large du point de vue géographique correspond donc à une représentation qui dure.
-
[19]
- Malgré l’appauvrissement vraisemblable d’une partie d’entre elles, que l’on saisit plutôt par intuition qualitative que par l’évidence quantitative.
-
[20]
- Voir les nombreux travaux écrits jusqu’à aujourd’hui sur les quartiers fermés et les shopping centers à l’intention de chaque strate de la classe moyenne.
-
[21]
- 25 % des logements du centre-ville seraient aujourd’hui des cortiços.
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[22]
- C’est le critère « accès aux services », constitutif de l’indice, qui surdétermine la bonne performance de l’ensemble du centre du municipe de São Paulo, même par rapport aux municipes cossus de la périphérie. Cette carte a été aimablement mise à notre disposition par ses auteurs lors d’une visite que nous avons faite au SEADE (2003). Nous les en remercions.
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[23]
- www.prefeitura.sp.gouv.br
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[24]
- Dans quels espaces urbains travaillent les salariés qui sont au plus haut de l’échelle sociale que l’on recense au lieu de leur résidence ? Vraisemblablement dans les business centers ? Mais ce sont aussi des personnes dont la mobilité dans l’espace urbain est réduite à quelques lieux.
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[25]
- Voir, par exemple, plusieurs articles de l’ouvrage de Araujo Guimaraes et Martin, 2001.
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[26]
- Apoyo del Programa de Acción en Cortizos del Estado de São Paulo, BID 2000
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[27]
- L’exemple emblématique de l’association mairie/grande entreprise est actuellement l’association de la mairie de Mexico (dirigée par le leader du PRD, Andres Manuel Lopez Obrador) et le milliardaire mexicain, président de Teletel, Carlos Slim, pour « requalifier » le centre de Mexico. A São Paulo, le Boston Bank et son président d’alors (1999), Henrique Meireilles, préconisaient pour le centre ville un mécénat culturel et la promotion d’une requalification productive. Dans un cas comme dans l’autre, le capital privé fait un pari sur les centres villes.
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[28]
- Discours d’Henrique Meireilles, aujourd’hui Président de la Banque centrale, alors Président de Fleet Boston Global Bank, Président Mondial de Boston Bank, Président de Associaçaão Viva o Centro, in Centro de São Paulo, a grande virada 1999-2000, Boston Bank.