Notes
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[1]
Cette recherche a bénéficié du soutien du programme de recherche « Genre et discriminations sexistes et homophobes » (GEDI), financé par la région des Pays de la Loire et dirigé par Christine Bard.
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[2]
Le chef d’arrondissement de la médina de Rabat déclare à ce propos : « la mer représente pour les Marocains le danger. Historiquement, la mer, c’est les attaques des envahisseurs : la côte est plutôt considérée comme une frontière, d’où les citadelles, les grandes murailles dans les villes anciennes. Moi, je me souviens que mon père était obligé d’aller nager le matin très tôt à six heures pour que personne ne le voie. Et quand il rentrait, mon grand-père lui léchait les poignets pour savoir s’il y avait du sel ! Il n’avait pas intérêt à se faire remarquer ! » (Entretien effectué en juillet 2002 à Rabat. Guibert, 2008).
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[3]
Passionné de jet-ski et de sports nautiques, le Roi du Maroc a notamment décidé de favoriser le surf dans la capitale grâce à la construction de l’« Oudaya Surf Club » en 1999, luxueuse association face à la plage de Rabat, dont il est le président d’honneur, et dirigée actuellement par un proche conseiller du souverain (Guibert, 2008).
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[4]
Entretien effectué en avril 2014. Ancienne fonctionnaire au sein du Bureau des Sports au Ministère, elle est inscrite en master de management du sport à l’Institut Moulay Rachid de la Jeunesse et des Sports à Rabat.
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[5]
Entretien effectué au Ministère, avril 2014. Ce propos confirme les analyses proposées par C. Mennesson et Z. Pillas (2009) au sujet de femmes dirigeantes sportives au Maroc.
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[6]
Comme si, de manière doxique, la faiblesse de capital économique dédié aux loisirs sportifs ne concernait que les femmes.
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[7]
Cela fait écho ici à l’observation des dynamiques de mobilités des femmes saisonnières marocaines vers le sud de l’Espagne, où les migrations sont permises par la négociation avec les familles et l’autorisation au départ des pères, des frères et/ou des maris (Arab, 2013).
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[8]
Technique consistant passer sous une déferlante en appuyant sur la planche à l’aide d’un genou.
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[9]
Entretiens effectués en avril 2014 sur les plages de Taghazout.
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[10]
Française de 25 ans et diplômée de l’université de Bordeaux, Julie est une ancienne surfeuse de haut niveau, née à Casablanca mais de nationalité française. Elle affirme avoir « baigné dans un milieu de garçons » lorsqu’elle pratiquait le surf au Maroc.
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[11]
Ahmed a fait des études de formation de fandak (tourisme ou commerce). Il nous interpelle en anglais. Entretien effectué le 18 avril 2014.
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[12]
La proportion actuelle de licenciées à la Fédération Française de Surf est d’environ un quart.
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[13]
Soumia n’était pas prédisposée à découvrir et à pratiquer le surf : sa mère, seule, l’élève avec son grand frère et ses autres sœurs, tout en travaillant dans un petit hôtel de la ville d’Agadir.
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[14]
Extrait d’entretien réalisé à l’école de surf de Malika, 23 avril 2014.
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[15]
http://www.kristenpelou.com, en ligne, consulté le 29 juillet 2015.
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[16]
Spot de grosses vagues le plus réputé d’Hawaii, sur l’île d’Oahu.
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[17]
Entretien effectué à la plage de Mehdia, suite à la session de surf d’Atifa et Madiha, le 26 avril 2014.
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[18]
Tentant de masquer sa gêne lorsque sont évoquées des périodes difficiles de sa vie, Soumia débute souvent ses réponses par des rires.
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[19]
Entretien effectué à Taghazout, avril 2014.
Introduction [1]
1Au Maroc, la plage n’est pas, historiquement et culturellement, un espace – au sens géographique du terme – dédié aux loisirs. L’océan représente encore parfois le danger dans les catégories de pensée ordinaires [2]. Mis à part Agadir et plus récemment Casablanca, Rabat ou encore Tanger, les villes ne sont pas explicitement aménagées « vers » la mer. Les effectifs licenciés des sports nautiques, modestes au regard des sports collectifs ou des sports de combat, témoignent d’usages limités du littoral : sur un total de près de 300 000 licences délivrées en 2012, la Fédération royale marocaine de surf et de bodyboard (FRMSB) ne compte que 612 licenciés, la Fédération de voile 851 licenciés, la Fédération de jet ski et ski nautique 60 licenciés, la Fédération de canoë kayak 291 licenciés (source : Ministère des Sports). Pratiqué depuis les années 1970 à la faveur de militaires américains et d’expatriés français autour de Mehdia et Casablanca, le surf s’est ultérieurement développé dans la région touristique d’Agadir (Guibert, 2008). L’institutionnalisation de ce sport au Maroc est un processus plutôt récent – la FRMSB a été créée en 2002, la pratique étant encore ces dernières années organisée par un réseau peu structuré d’une vingtaine d’associations.
2Des freins culturels expliquent l’investissement et l’appropriation très relatifs des Marocains en général et des Marocaines en particulier à l’égard du littoral. Les disparités de pratiques entre femmes et hommes sont sensibles et impliquent divers facteurs dont notamment la question du rapport au corps sur la plage, considérée comme un espace public. Dans ce contexte particulier, cet article vise à interroger les variations sexuées de la pratique du surf, activité qui implique d’être libre de ses mouvements et donc d’être revêtu-e de combinaisons isothermes ou de maillots qui dévoilent le corps et ses formes. Le surf au Maroc constitue ainsi un cas illustrant les processus de différenciation et de hiérarchisation sexuée (Bourdieu, 1980). Au travers des parcours de surfeuses marocaines comme des discours portés par des hommes sur leur pratique, nous interrogerons ici le poids des structures sociales, culturelles et religieuses en terme d’accès à la pratique, notamment via les représentations des hommes et des femmes à l’égard du corps dénudé ou en partie dénudé. La première partie a ainsi pour objectif de caractériser les discours et les représentations des hommes sur la pratique féminine du surf. La seconde partie précisera tout d’abord l’idée selon laquelle être surfeuse marocaine, c’est contester les rapports de genre, et exposera enfin quelques rares cas où des contextes socialisateurs peuvent néanmoins conforter la pratique du surf « au féminin ».
3L’analyse est ici fondée sur des phases longues d’observation sur des plages ainsi qu’une vingtaine d’entretiens de type semi-directif avec des responsables de clubs de surf, des surfeurs puis des surfeuses. Deux types de terrains ont été privilégiés : Rabat, Mehdia, Casablanca et Oualidia au nord d’une part – avec des plages « populaires » ou plus hétérogènes socialement – puis Agadir et Taghazout au sud d’autre part – largement destinés à un tourisme international « occidental » depuis le début des années 1960, comprenant son lot d’usages sociaux ordinaires propres aux plages européennes. À l’inverse de Taghazout et d’Agadir, villes internationalement connues pour leurs vagues propices à la pratique du surf, où une quinzaine de magasins spécialisés et une quarantaine de surf camps (habitations aménagées pour accueillir des surfeurs internationaux) sont disséminés le long du littoral, l’axe Mehdia/Rabat/Casablanca est peu marqué par l’arrivée massive de touristes internationaux venus spécifiquement pour surfer. L’espace est moins identifié par la présence d’établissements commerciaux (surf shops ou surf camps) mais davantage par un maillage territorial cohérent d’associations sportives [3]. Les entretiens ont été enregistrés et réalisés en différentes langues (arabe, berbère et français). Les surfeuses régulières, peu nombreuses, et qui se connaissent quasiment toutes, que ce soit à Taghazout ou au nord du Maroc, ont été facilement identifiées. L’utilisation de la photographie, eu égard à « sa force représentationnelle et analytique » (Piette, 2007) est également convoquée ici aux fins de description et de preuve, en particulier au sujet des corps exposés à la plage.
Regards d’hommes sur un sport d’hommes pratiqué par des femmes
4Le sport féminin a connu un développement quantitativement limité au Maroc. Les femmes représentent en 2004 15 % des licenciées de l’ensemble des fédérations sportives, contre près de 37 % en France en 2011 (Source : Stat-info, « Les licences et clubs des fédérations sportives agréées en 2012 », 2014). Cela, malgré la volonté et les affichages politiques parfois exprimés dans les discours officiels. Notons par exemple les propos de la responsable d’un réseau national de développement du sport féminin créé en 2010 par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, fataliste quant à son succès : « Malgré l’affichage, le sport féminin ne constitue pas une priorité du Ministère. Il nous donne que des médailles, des coupes et du matériel pour les manifestations mais pas de subventions. » [4] Le message du roi Mohammed VI aux participants des Assises Nationales du Sport en octobre 2008 est révélateur de la position du sport féminin. Le sport féminin n’est jamais évoqué dans les six pages de discours royal au sujet du redressement stratégique du sport qui fait constat « d’échecs sportifs » lors de compétitions internationales, de « l’improvisation » et du « pourrissement » du sport marocain. Compte tenu de la mise en jeu du corps dans les pratiques sportives, la participation féminine pose des problèmes spécifiques localement en raison des significations culturelles et religieuses – et corrélativement des « interdits » – associées au corps féminin (Rigar, Ejjanoui, Smouni, 2010). Si la modification récente du droit de la famille et la progression de la scolarité des filles témoignent d’une mutation progressive de la société marocaine sur la question de l’égalité des genres, les disparités entre hommes et femmes restent fortes, notamment dans les milieux populaires où les modes éducatifs des familles s’organisent majoritairement selon le principe de la séparation des sexes et du contrôle des filles.
5Selon Abderrazak Elakari, directeur du Bureau des Sports du Ministère de la Jeunesse et des Sports, « Peu de femmes pratiquent le sport et peu de femmes sont en responsabilité, seulement 3 femmes sont présidentes de fédération sur 45 » [5]. Les raisons sont selon lui multiples, en particulier au sujet de la pratique du surf : « Il y a des freins économiques mais aussi des freins culturels. Les Marocains sont tournés sur l’intérieur du pays et sont toujours méfiants de la mer, surtout pour les femmes ». Au sein des lieux de pratique du surf, les Marocaines qui s’engagent régulièrement ou occasionnellement dans ce sport ont ainsi à composer avec le regard des hommes. Les discours des individus de sexe masculin interrogés, qu’ils soient moniteurs de surf, vendeurs dans des surf shops ou gérants de ces mêmes entreprises, alternent entre deux postures antinomiques. La première tend à nier les difficultés des surfeuses à pratiquer leur sport, tandis que la seconde se fait plus réaliste quant à l’accès des filles au surf. Cette vision binaire peut par ailleurs être mise en perspective plus généralement avec les représentations et les images du surf au Maroc : celles-ci alternent également entre « modernité » et « tradition », entre « ouverture » et « conservatisme ». Comme en témoignent les photographies ci-dessous (encadré 1), prises dans le village de Taghazout, près d’Agadir, un haut lieu du surf hivernal pour nombre de surfeurs européens, le surf peut être positionné au croisement d’une activité sportive de type « occidental » d’une part et des signifiants « traditionnels » d’autre part. La présence de marqueurs et l’agencement des objets – social objectivé et cristallisé – permettent d’exposer l’ambivalence des images du surf.
Encadré 1- Pluralité des images et des traces du surf à Taghazout (clichés : C. Guibert, avril 2014)
Les autocollants proposés à la vente dans les surf shops témoignent aussi de cette double perspective qui ne semble pas contradictoire. Si les mots « Incha Allah », lien direct à la religion musulmane, sont accolés au surfeur de Taghazout « à la djellaba » (à droite), l’illustration attachée au spot de Oualidia (à gauche) met en évidence un corps sexualisé de surfeuse (en faveur du regard des hommes) à la poitrine gonflée et à la cambrure prononcée.
« Ce n’est pas toujours très bien vu » : une culture et des normes sociales restrictives
6L’autorité sociale est prégnante dans les usages sociaux de la plage et des sports nautiques au Maroc. La « culture marocaine », « la religion », « la famille », « les grands frères » sont tour à tour mobilisés par les individus masculins interrogés pour justifier la faible pratique féminine du surf. À l’instar des jazzmen et fumeurs de marijuana américains étudiés par Howard Becker dans les années 1960, le surf féminin est une activité sociale stigmatisante et les filles s’adonnant à ce sport risquent d’être catégorisées comme déviantes. Il apparaît de plus ici que plus que la seule personne de la surfeuse, c’est la famille dans son ensemble qui peut potentiellement être stigmatisée, d’où le « contrôle » des parents tel un rempart social et symbolique à l’égard du franchissement des normes. Surfer implique une négociation avec sa famille. Il en résulte une pratique féminine quantitativement limitée, socialement contrôlée et spatialement confinée. Les effets sont d’ailleurs observables au sujet de la pratique compétitive organisée par la FRMSB : si plus d’une centaine de surfeurs sont engagés dans un circuit national d’une dizaine de compétitions par an, les surfeuses compétitrices ne sont qu’une dizaine à s’affronter au sein d’un championnat qui ne compte que trois « étapes ». Ces surfeuses sont connues de tous les surfeurs ainsi que des responsables d’associations. En comparaison, la Fédération française de surf compte, en 2015, 1450 compétiteurs et 270 compétitrices. Si la proportion est sensiblement équivalente entre les deux pays, avoir 270 compétitrices engagées est davantage structurant (visibilité des compétitions féminines, présence de surfeuses dans chaque club, etc.) qu’une dizaine au Maroc, disséminées au sein d’un nombre réduit de clubs. Ainsi, pour Hicham, 23 ans, vendeur chez « Surfmaroc Taghazout », un magasin spécialisé géré par deux Anglais, la « culture marocaine », le regard des parents, expliquent le fait que « les filles, on les compte sur “les bouts des doigts” » :
« Elles sont peut-être cinq ou six ! En fait, ici au Maroc, il y a la religion. C’est la culture marocaine qui est comme ça. On n’aime pas que les filles fassent du surf avec le hijab. [– Mais qui ? « on n’aime pas » ?] [Rires] C’est pas moi qui n’aime pas… c’est les parents, c’est la culture. »
8À Oualidia, station balnéaire fréquentée principalement par des touristes marocains du fait de son éloignement géographique avec les principales destinations du Maroc (Agadir, Marrakech), les surfeuses marocaines sont absentes. Les discours recueillis sur ce point corroborent l’argument de la prégnance du coût économique de la pratique [6], de la pression familiale liée « au refus des parents, du fiancé ou du mari » [7] (Samaali, 2004) et plus globalement de la place des femmes marocaines dans l’espace public que constitue la plage. Ainsi selon Aziz, moniteur de surf dans l’entreprise « Surfland » gérée depuis 23 ans par un Français :
« Ici, il n’y a pas de surfeuses marocaines, je n’en ai jamais vues. Il n’y a que des garçons. Je pense que le prix du matériel est un frein, une planche, ça coûte très cher. Tout le monde ne peut pas surfer à cause du prix des planches et des combinaisons. Donc si une fille dit à ses parents, moi je veux surfer, ses parents ne voudront pas. Et puis il y a aussi les parents qui ne veulent pas que les filles surfent parce qu’ils pensent que c’est dangereux… et puis ce n’est peut-être pas toujours très bien vu ! »
10Ce constat est confirmé par Mohamed, ex-industriel dans la conserverie de poisson et actuel gérant d’un des principaux hôtels de la baie de Oualidia, l’hôtel Hippocampe :
« Je n’ai jamais vu de filles surfer ici. Il y a bien des occidentales mais jamais de Marocaines. Certaines s’initient peut-être un peu mais aucune ne pratique régulièrement. Déjà, le matériel coûte cher ! Au Maroc, il y a aussi une sorte de couverture [il fait un geste avec les mains pour illustrer un processus englobant] : les pères et les grands frères autorisent en quelque sorte les filles à surfer. Si les frères surfent, ils peuvent aller surfer avec leurs sœurs. Sinon, les filles surfent au moins à deux pour ne pas se faire… embêter sur la plage quoi. Les filles peuvent rapidement avoir des problèmes si elles sont seules. Donc c’est une superposition d’éléments : le prix, la culture marocaine : aller surfer implique de se mettre en combinaison et on voit le corps, les formes du corps, puis la couverture… »
12La « couverture » sociale et symbolique évoquée ci-dessus renvoie implicitement à la gestion et au contrôle des corps suivant les préconisations de la religion musulmane « qui recommande de dissimuler le corps et toutes les parties du corps qui peuvent éveiller le désir masculin » (Samaali, 2004). La pudeur, constitutive des comportements féminins (Chebel, 1999), traverse, dans un espace comme la plage, les représentations des hommes et des femmes et plus particulièrement le regard des hommes sur le corps des femmes (encadré 2). Être surfeuse au Maroc équivaut donc à s’autoriser à franchir des normes sociales et morales profondément ancrées.
Encadré 2- Scènes de vie « ordinaires » et rapports de genre sur les plages marocaines (clichés : C. Guibert, avril 2014)
L’islam à la plage : « la clique des barbus »
13Le littoral est un espace, un miroir, de la société marocaine, illustrant ses contrastes et ses contradictions. D’un côté du continuum, les « libéraux » profitent de la plage sans restriction tandis qu’à l’autre extrémité, les « barbus » et les « conservateurs » revendiquent leur place dans l’espace public dans le cadre autorisé de leurs convictions religieuses. À Taghazout en particulier, un groupe de surfeurs, eu égard au rapport soutenu de ces derniers envers l’islam, est dénommé la « clique des barbus » par les surfeurs locaux. Arborant une barbe fournie, ils surfent toutefois avec des combinaisons isothermes classiquement utilisées pour ce sport. L’un d’entre eux est shaper (réparateur) de planches à Tamraght près d’Agadir, il a appris à réparer les planches avec un Français à Imsouane. Taha, surfeur local, comprend la gêne qu’occasionnent, auprès des « barbus », les surfeuses ne respectant pas les codes moraux et religieux :
« Pour les barbus, ce n’est pas le surf en soi qui les dérange, mais c’est ce corps dévoilé et dénudé et la tentation… Ça dérange de voir des corps de femmes dénudés. Si tu vas dans une plage et que tu es tout seul, tu fais ce que tu veux. Mais s’il y a des femmes voilées, c’est un manque de respect de se mettre en bikini, ou de mettre des maillots transparents. Elle va faire son canard [8], et on va voir la moitié de son cul ! C’est hchouma … [honteux] ».
15Pour autant, les discours ne sont pas tous aussi univoques. D’autres surfeurs de Taghazout interrogés à ce sujet évoquent l’ouverture d’esprit des « barbus » et la nécessité pour ces derniers de s’adapter aux configurations et interactions sociales lors des sessions de surf entre surfeuses et surfeurs. Pour Abdel, « ce sont des barbus ouverts. Ce n’est pas comme au Pakistan. Mais ils te diront “Allah Y Hdi” : que Dieu lui pardonne et le remette dans le droit chemin. » Un responsable d’une école de surf explique quant à lui que « S’il y a des barbus, c’est à eux de ne pas regarder. Les barbus ici, il y en a plein, ils surfent le matin tôt ou le soir pour être tranquilles. Moi parfois je viens pendant le Ramadan, il y a des filles en maillot de bain, je détourne la tête. C’est normal c’est à nous de ne pas regarder. » [9] Au-delà des considérations culturelles, les conséquences liées au fait de se revêtir de foulard et de djellaba, peuvent parfois être d’un autre ordre et engager la vie comme l’indique Julie [10], gérante de l’hôtel « Paradise Plage », près d’Agadir :
« La culture et la religion jouent beaucoup, c’est pesant. On a même des filles qui font du surf avec le foulard. C’est dangereux et c’est complètement fou. Elles ne mettent pas que le foulard, elles entrent avec leur djellaba, et j’en ai sorti plein de l’eau qui ont failli se noyer. De toutes façons, que tu entres en maillot, en combinaison ou en djellaba, l’eau fait que ça moule et donc ça revient au même. »
« Il n’y a pas de problème pour les filles » : entre dénégation et angélisme
17À l’inverse, des discours empreints de dénégation sont également mobilisés par les personnes interrogées dans les entretiens. « L’ouverture d’esprit » ou encore les valeurs d’émancipation soutenues par le Roi sont convoquées comme des allégations permettant aux filles de surfer « sans problème ». Seule la dimension économique semble dans ces discours constituer un frein au développement quantitatif du surf féminin au Maroc. Pour Ahmed, 21 ans, vendeur dans un surf shop de Taghazout dont est propriétaire son frère [11], « c’est ouvert » : « Il n’y a pas de problème pour les filles : elles peuvent faire du surf. C’est ouvert à Taghazout, tu peux tout faire. C’est parce qu’il y a des touristes. Tu peux te mettre en maillot “deux pièces”. »
18Mustapha, 45 ans et vendeur depuis 14 ans à l’« Atlantis surf shop » de Taghazout, affirme quant à lui que les Marocaines, des « bourgeoises » surtout, peuvent pratiquer le surf sans contrainte grâce en particulier à « la liberté » assurée par le régime politique en vigueur.
« Ici au Maroc, il n’y a pas de problème. Du nord au sud les filles peuvent surfer ! Elles peuvent se mettre en maillot de bain, sur la plage il n’y a pas de problème. Ce n’est pas comme en Algérie ! Au Maroc il y a la liberté. C’est grâce à Mohammed VI notre roi. Il vient tous les ans nous voir à Taghazout, il nous dit bonjour et on le voit avec nos yeux. On est content, c’est un bon roi. […] Il y a une seule surfeuse à Taghazout, c’est Mina. Il y a que quatre ou cinq filles à Agadir : ça a commencé que depuis 2010. Par contre il y a beaucoup de filles qui viennent de Casablanca, Mohammedia et Kenitra, c’est des bourgeoises [rires]. Pour les garçons c’est tous les milieux. »
20Ces propos, teintés d’un certain angélisme selon lequel l’interdit ne serait qu’illusion, font l’impasse sur une réalité plus complexe où être surfeuse marocaine au Maroc implique une contestation plus ou moins explicite de la définition des rapports entre femmes et hommes.
Contester l’orthodoxie des rapports de genre ?
21Les techniques du corps et les apprentissages sportifs sont éminemment corrélés au social (Mauss, 1943). Aussi, contester des normes par incorporation – mécanisme puissant de reproduction sociale – c’est, au-delà des rapports sociaux de classe, contester l’orthodoxie des rapports de genre.
22Au Maroc, l’espace des possibles de la pratique sportive féminine est limité quantitativement (effectifs), qualitativement (type de sports) comme spatialement (effets de lieux). Le surf est en conséquence un bon exemple de cette « domination masculine » : l’engagement du corps dans ce sport, dont certains attributs renvoient à la masculinité et à la virilité, pose plusieurs problèmes potentiels pour les filles. Le surf est en effet une activité exigeante techniquement et physiquement, il implique un « savoir nager » minimal, ce qui ne va pas de soi au Maroc. Il questionne le rapport au corps en partie dénudé au sein de l’espace public qu’est la plage et est pratiqué dans un environnement jugé dangereux. Les diverses socialisations et l’apprentissage précoce pendant l’enfance des techniques de natation et de surf ont permis aux surfeuses interrogées de dépasser les représentations négatives de la mer comme espace – de jeu – périlleux et risqué.
Des socialisations et dispositions inversées : l’influence des environnements masculins
23L’engagement des femmes dans des sports typiquement masculins demeure marqué, au Maroc comme en France [12], par le poids des stéréotypes socio-culturels, « spécialement en ce qui concerne la corporéité » (Lachheb, 2008). Le corps possède toutefois une force expressive qui peut devenir, dans certaines conditions sociales, historiques et spatiales, « une force de subversion » (Suaud, 2013). Le corps des surfeuses au Maroc est, pour certaines d’entre elles, au cœur de dispositions inversées dans le sens où elles doivent s’approprier des attitudes, une « hexis corporelle », dans des activités d’hommes, ou du moins perçues ordinairement comme telles. La pratique du surf chez les jeunes filles marocaines implique directement la construction de dispositions « à contre normes » (Mennesson, 2013), que les entretiens révèlent être acquises de manière précoce pendant l’enfance ou l’adolescence.
24À l’image des femmes parachutistes étudiées par Nicolas Penin, les socialisations de Soumia, Samira, Mina, Malika, Hanane – les surfeuses marocaines que nous avons rencontrées – sont marquées « par des interventions implicites et explicites de socialisateurs très influents [qui] appartiennent de façon quasi systématique à l’entourage familial. Il s’agit très souvent des pères, mais parfois, du frère. Elles s’inscrivent aussi dans des réseaux de sociabilité dits “masculins”. Parfois ces femmes partagent leur vie avec un compagnon qui aura lui-même un engagement fort avec ce sport. » (Penin, 2012). La construction de ces dispositions sociales inversées se fait dans des conditions sociales particulières et se caractérise par un engagement sportif intensif. Ainsi, pour Soumia (22 ans, surfeuse de Taghazout, monitrice dans l’école « Surf Berbère », issue d’un milieu populaire [13]), la découverte du surf et d’autres « sports extrêmes » se réalise lors de l’adolescence dans un monde masculin, c’est-à-dire hors de la famille et des réseaux classiques de sociabilité des jeunes adolescentes marocaines :
« J’ai 22 ans. Je fais du surf depuis 5 ans. Bah en fait, quand j’avais 15 ans j’avais un ami qui avait une maison à Banana Beach. Et il m’invitait toujours pour passer les vacances et je voyais des surfeurs en train de surfer. Et une fois j’ai pris une planche et j’ai essayé. J’ai bien aimé. Et c’est comme ça que j’ai appris le surf. La planche, c’est un surfeur qui m’a prêté sa planche. Depuis que je suis toute jeune, j’aime les sports nautiques et les sports extrêmes. Je fais du longboard skate et j’ai fait du parapente. »
26Samira, 25 ans, titulaire d’une licence universitaire en sciences de gestion à l’université de Nanterre, est une surfeuse de Rabat. Elle est fille d’une fonctionnaire dans l’enseignement supérieur et d’un fonctionnaire du Ministère de la Justice qui est aussi entraineur de natation et gérant d’un centre nautique à la plage de Rabat. Sa socialisation sportive s’est réalisée auprès de son père qui lui a appris très tôt à nager et à surfer. « J’ai grandi plus avec mon père qu’avec ma mère. Je suis sa “chouchoute” et il a eu l’habitude de me surveiller » précise-t-elle. C’est d’ailleurs lui qui autorisera sa fille à être interrogée lors de l’entretien, démontrant le fait que les modes éducatifs des familles s’organisent encore souvent au Maroc selon le principe du contrôle des filles – elle avoue à la fin de l’entretien que son père la « tape toujours ».
27Son père reste omniprésent dans la constitution de ses propres goûts et passions sportives :
« J’ai appris à nager avant de marcher parce que mon père, c’est un entraineur de natation, et il m’a mise à l’eau à l’âge de six mois ! À l’âge de quatre ans, j’ai participé aux championnats du Maroc, j’étais la plus petite des nageuses et j’ai nagé un 50 m “papillon”. Après j’ai commencé les entrainements et en 1999, j’ai participé à un meeting international au Havre : j’ai gagné 3 médailles et j’ai battu un record ! C’est à partir de là où ma carrière internationale a vraiment commencé. […] Concernant le surf, c’est mon père qui m’a appris ce sport, ma passion du surf est venue comme ça. »
29Samira est devenue championne du Maroc de natation et a pu mettre à profit ses compétences et ses performances en compétition pour voyager en France et à l’international avec un statut de semi-professionnelle lorsqu’elle était licenciée dans les clubs français. Elle est consciente des profits symboliques de ce parcours atypique « à Rabat, je suis connue… je suis populaire et tout. J’ai eu une carrière sportive incroyable et un niveau supérieur à l’université. Au Maroc, c’est un miracle ! ». La pratique du surf chez Soumia et Samira pose la question des « rapports de pouvoir entre les sexes » (Mennesson, 2005). L’usage atypique du corps à la plage, surfer en maillot de bain, dévoiler son corps dans un sport exigent, résulte ici de socialisations inversées dans la famille ou auprès de groupes de pairs masculins. Dépassant les jugements dépréciatifs à leur égard, Soumia et Samira assument toutefois totalement l’usage qu’elles font de leur corps (encadré 3).
Encadré 3- Des usages dépréciatifs du corps (clichés : C. Guibert, avril 2014)
Soumia, mobilise des attributs, des traces et des usages du corps à contre normes au Maroc : Piercing (« oui c’est pas bien ! » dit-elle en riant), tatouage (avec le mot « mother »), short court lors de l’entretien, lunettes de marque de surf, etc.
Samira, une ancienne championne de natation
Samira surfe et nage depuis son retour de France en 2011 à la plage de Rabat : « Quand on est nageur, c’est bien de rester dans le milieu aquatique, de faire d’autres activités comme le surf ». Elle avoue avoir pris du poids suite à la prise de médicaments pour pallier une dépression (« je suis en excès de poids de 40 kilos là ! »). Elle surfe en maillot quelles que soient les conditions météorologiques. Elle a un piercing, ce qui est source de dispute avec son père.
30La négociation – couronnée de succès ou non – de surfeuses marocaines avec les membres masculins de leur famille a été identifiée à plusieurs reprises. Malika, surfeuse et gérante d’une école de surf à la plage de Rabat précise que son mari lui a dit : « Ne t’inquiète pas, si on se marie, je ne t’interdirai jamais de surfer » [14]. Hanane, ex-surfeuse de Mohammedia, a dû quant à elle arrêter de surfer : « Elle a eu de gros problèmes avec son père. Elle était très très bonne surfeuse. Son papa a voulu la renier : il lui a dit si tu rentres dans l’eau pour surfer, tu ne seras plus ma fille. Elle devait faire un choix entre le surf et sa famille. » indique Malika. Native de Mohammedia, Hanane a vu les meilleurs surfeurs du Maroc y progresser. Elle décide à 19 ans de se jeter à l’eau malgré les réticences paternelles : « il m’a frappée et m’a cassé la planche pour m’empêcher de surfer » précise-t-elle, interrogée au sein d’un site internet d’une photographe française spécialisée dans le surf [15]. Les succès en compétition lui ont par ailleurs permis d’avoir une parution dans un magazine de surf français en 2009 sous le titre quelque peu dogmatique : « Surfeuses du bled, la révolution est en marche ».
31Enfin, concernant Mina, une jeune espoir du surf marocain de 17 ans, compétitrice de Taghazout, « c’est ses frères qui l’ont poussé. Ses parents sont derrière elle et c’est une autorisation familiale, et donc il n’y a pas de problème » indique Julie. Le dernier cas est singulier en ce sens que Mina n’a pas eu à affronter les refus des membres de sa famille d’origine populaire (père pêcheur à la retraite, mère au foyer). Selon ses propres mots, rien ne peut l’arrêter dans sa « passion ». Excellente surfeuse, Mina est amatrice de grosses vagues – elle nous montre lors de l’entretien sur son téléphone portable une photographie d’elle surfant une vague de deux fois sa taille. À l’image de l’émancipation des femmes alpinistes françaises au début du XXe siècle (Ottogalli-Mazzacavallo, 2006), ce type de performance permet à Mina de s’approprier symboliquement une identité antinomique de la féminité marocaine, caractérisée par la performance et le courage dans les vagues. Scolarisée en terminale, elle est monitrice de surf le week-end après la semaine d’école et a été, elle aussi, soumise à une socialisation explicitement masculine :
« J’ai commencé à 11 ans, sur la plage d’Imouran, au Rocher du Diable. J’étais la seule fille dans l’eau avec les garçons. C’est mon cousin qui m’a appris. Avant de commencer le surf je faisais du bodyboard, et quand je faisais du body, il voyait que je me mettais debout. Mon cousin et mes frères m’ont ramené une planche et ils ont commencé à m’apprendre le surf. Ça fait 7 ans que je surfe. Quand je fais des compétitions, je suis souvent la seule fille et je suis qu’avec des garçons. En, fait je m’en foutais des regards des autres, déjà à la base je suis qu’avec des garçons. Dans ma famille je suis toujours avec les garçons, et même quand je joue, je joue qu’avec des garçons. J’ai quatre sœurs et deux frères et moi je suis toujours à traîner avec mes frères. Si je me mets à avoir honte, je ne ferai plus rien. Je ne surferai plus jamais. C’est ma famille le plus important et elle m’encourage à aller de l’avant. Donc c’est normal. »
Des prédispositions sociales facilitatrices
33Les pratiques sportives étant au Maroc comme ailleurs soumises à une différenciation sociale aussi bien que sexuée, la présence des femmes dans les pratiques sportives masculines posent la question du rôle joué par le milieu social d’origine dans ces parcours à contre-courant. Les cas de Madiha et Atifa, deux surfeuses de Mehdia (à 30 km au nord de Rabat) dont la pratique est régulière, constituent des exemples ici intéressants. Madiha est la fille de Bassam, un Algérien, gérant d’une école de surf et d’hébergements associés dans une petite station balnéaire. Bassam, passionné de surf, a voyagé en Indonésie et rêve de « surfer Waimea [16] et d’y mourir », dit-il en plaisantant. La clientèle de son école de surf est principalement constituée d’Européens ou de Marocains fortement dotés en ressources économiques. Madiha est donc depuis de nombreuses années habituée à fréquenter des surfeurs et des étrangers. Atifa, quant à elle, a un père chirurgien et une mère médecin à Kenitra. Ses parents ont effectué leurs études en France. Madiha et Atifa souhaitent poursuivre leurs études en France, « si possible près des vagues ! À Bordeaux, ce serait super ! ». Atifa a déjà voyagé en France : « Je suis venue en France une fois en vacances, c’était à Montalivet. J’ai surfé, c’était super ! » [17].
34Les normes sociales dominantes formalisent un cadre qui sert de référence pour distinguer le socialement acceptable du socialement inacceptable (Becker, 1985). La pratique féminine du surf, initialement et majoritairement jugée déviante au Maroc, dans le cas des situations de Madiha et Atifa devient une ressource pour l’affichage d’un capital social et symbolique singulier, celui de se percevoir hors des conditions ordinaires d’existence : être d’ici (Mehdia, Kenitra, Rabat) et de là-bas (en particulier la France pour y surfer et pour y faire ses études supérieures). Le surf est pour ces – rares – jeunes filles un moyen privilégié d’assumer la distance symbolique et physique de leur vie sociale avec celles de jeunes de leur âge de Kenitra. Atifa et Madiha ne côtoient pas la population ordinaire de Kenitra dans le cadre de leurs activités de loisirs ni dans le cadre scolaire (elles fréquentent les établissements scolaires élitistes de Rabat). « Nos copains et nos copines, ce sont ceux qui vont à l’école française de Rabat. Ces copains-là, on les retrouvera au lycée Descartes. En fait on ne connaît pas d’autres jeunes à Kenitra » indique Atifa.
35Atifa et Madiha sont conscientes des profits symboliques et des effets (rareté, prouesse sportive, danger) que produit la pratique du surf au Maroc. Si, pour Atifa, le paramètre économique est clivant : « Généralement, les filles qui surfent ici, ce sont des filles dont les parents ont de l’argent, parce qu’il faut s’acheter du matériel, des combi, c’est cher ! », Madiha convoque un argumentaire davantage techniciste qui n’en est pas pour autant moins classant :
« On est deux copines, on surfe toujours ensemble. On a appris depuis qu’on est toutes petites, mais ça fait 5 ans qu’on surfe vraiment plus sérieusement. Nos copines, elles nous disent qu’on est folles d’aller faire du surf car c’est dangereux. On a quelques copines qui ont essayé le surf mais elles arrêtent rapidement : c’est un sport dur, il faut être musclée. Et puis parfois les parents ne veulent pas parce qu’ils disent que c’est dangereux ! »
37L’entrée progressive des femmes dans les pratiques sportives traditionnellement masculines questionne l’ordre culturel établi. Ces choix atypiques « témoignent de l’existence de dispositions de genre particulières » (Mennesson, 2005). Les dispositions sociales et sexuées incorporées pendant l’enfance et l’adolescence sont au principe de ces choix qui se pensent comme évidents (encadré 4). Intégrée au style de vie familial, la pratique sportive fait partie ici du cadre de socialisation primaire, plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’un cas de transmission directe : de père surfeur à la fille surfeuse comme c’est le cas de Madiha et de son père Bassam. Les pères contribuent donc à la structuration d’un habitus sportif chez leurs filles. Les représentations des parents – liées à leur capital culturel comme à leur position sociale – à l’égard des pratiques sportives féminines en général et du surf en particulier, contribuent à prédisposer Madiha et Atifa à voir dans le surf une activité sportive en bonne place dans leur propre espace des possibles.
Encadré 4- Madiha et Atifa, les surfeuses de la plage de Mehdia (Cliché : Guibert C., 26 avril 2014)
Lorsque qu’une institutrice française expatriée à Kenitra évoque la pratique du surf féminine elle dit : « Je suis souvent la seule fille à l’eau. Les Marocaines ne surfent pas beaucoup ici. Si, il y a bien deux jeunes surfeuses de Kenitra, mais ce sont des Marocaines de France ». Elle parle en réalité d’Atifa et de Mehdia.
« Descends ta combinaison Atifa, tu pourras bronzer »
Madiha et Atifa surfent en combinaison intégrale – il y a un vent assez fort le jour de l’entretien – mais une fois sorties, ôtent spontanément le haut de la combinaison : maillot « deux pièces » (de marque « Roxy » pour Atifa) dont le haut est assez « échancré ». Conscient des profits potentiels de distinction sociale, Bassam dit à Atifa de baisser sa combinaison « pour bronzer » tout en poursuivant l’entretien. Toutes deux s’expriment dans un français impeccable, sans « accent ». La planche d’Atifa est équipée d’une caméra aquatique de marque « Go Pro » (coût approximatif : 2000 à 3500 Dh soit entre 185 et 330 €) [1] lui permettant de filmer les vagues qu’elle chevauche.
« J’ai beaucoup d’amis » / « Ils disaient que je suis une pute, une prostituée » : Profits sociaux et coûts symboliques
38Si « la force de l’ordre masculin se voit au fait qu’il se passe de justifications » (Bourdieu, 1998), les surfeuses marocaines doivent souvent justifier auprès de leurs pairs et de leurs familles respectives leur engagement – à la fois profitable et coûteux – dans ce sport.
39Se positionner hors des normes sociales dominantes, c’est-à-dire hors des « bonnes » manières d’être avec son corps sur la plage, permet à Soumia de renforcer un capital social et un capital symbolique hors des réseaux ordinaires : amis marocains et famille. Echappatoire à sa condition sociale, surfer implique de côtoyer des étrangers, de partager un même espace physique qu’est le lieu de déferlement des vagues, et a pour effet chez Soumia un sentiment diffus d’émancipation alimentant son souhait de travailler en Indonésie, haut lieu mondial du surf : « J’ai beaucoup d’amis Européens, Australiens, Américains. Le surf m’a beaucoup ouvert de portes. En fait il m’a permis de rencontrer des gens du monde et d’apprendre des langues étrangères. Je ne suis jamais partie du Maroc. Mais aujourd’hui je rêve d’aller travailler en Indonésie. » L’apprentissage progressif de langues étrangères (Soumia parle le français, l’espagnol et l’anglais) ou encore l’acquisition de connaissances pratiques sur le surf dans les pays de provenance des touristes étrangers : les meilleurs spots, les bonnes saisons, etc. renforcent à la fois son capital culturel et son capital symbolique.
40Ces profits semblent toutefois parfois assez maigres au regard du coût qu’implique l’émancipation liée à la pratique du surf et aux usages du corps inhérents. Les configurations observées sur les plages marocaines sont en ce sens très différentes de celles propres aux plages françaises, en particulier au sujet du dévoilement du corps des femmes tel qu’a pu le montrer Jean-Claude Kauffman (1995). Soumia relève des regards négatifs portés à son endroit : « les hommes et même les filles ont des jugements négatifs sur moi ». Le seul fait de surfer la place dans une position sociale contestataire difficile à tenir, entremêlant « hchouma », déshonneur, mais aussi distance et indifférence. La transgression des normes implique au final dans le même temps violence et profit symboliques :
« Ou lala, [rires dans un mélange de gêne et d’amusement], C’est un truc de fous. C’est hchouma. D’habitude quand je vais à la plage je pars toujours en short. Et quand je passe avec ma planche, tout le monde me regarde bizarrement comme si j’étais un extraterrestre. Il y a des gens là où j’habite qui ne savent même ce que ça veut dire le surf. Il y a des gens qui me demandent ce que je fais et quand je leur dis “monitrice de surf”, ils ne savent pas ce que c’est. Quand je rentre dans l’eau, je suis toujours avec mon maillot de bain. Je me bronze toujours. Et oui il y a des gens qui parlent. Moi ça ne me pose pas de problème. Les gens me jugent mal ici à Taghazout, ils disaient que je suis une pute, une prostituée. Mais je m’en fous car je suis un peu libre. »
42Les relations avec certains membres de la famille de Soumia, avec son frère notamment, ont également été compliquées par sa pratique du surf, avec des conséquences allant jusqu’à la violence physique.
« [Rires] [18] J’ai mon grand frère qui était très méchant avec moi. Il était très dur, il ne me laissait pas sortir avec mes potes, mes amis… Je ne pouvais pas m’habiller comme je veux. J’aurais voulu m’habiller avec des jeans déchirés, mais il ne voulait pas, il me donnait des claques. Mais bon… Là je suis bien avec lui, ça a changé. Mes sœurs, elles ne sortaient pas donc il n’y avait pas de problème. J’étais différente. C’est vrai que je faisais beaucoup de bêtises quand j’étais jeune. Je voulais faire la fête, on boit de l’alcool, on fume… S’il avait su, il m’aurait tué ! Maintenant il sait et il me respecte. Aujourd’hui je travaille, donc il me respecte. J’ai dû me battre au sein de la famille car j’appartenais à une famille qui n’avait pas beaucoup de moyens, on n’était pas très riches. Et donc peu de moyens pour le surf, pour acheter du bon matos. Il y a que des gens qui me prêtaient leur matériel pour que je puisse surfer. »
44Non sans difficultés, la pratique du surf dans un cadre professionnel sert ici néanmoins d’appui à Soumia, qui se définit comme « différente », pour s’extraire, à tout le moins en partie, des fonctions domestiques ou de reproduction dévolues à son genre.
45Samira aussi surfe en maillot. Plus qu’une forme de pression religieuse : « dans ma famille, on n’est pas trop pratiquant » précise-t-elle, c’est le regard des autres qui a pour effet de renforcer chez son père la volonté de contrôle sur sa fille. Le fait qu’elle soit connue à Rabat l’empêche d’avoir des usages qu’elle pourrait avoir ailleurs, renforçant l’hypothèse d’effets de lieu : « à Bouznika, je pourrais avoir un maillot “deux pièces” ». Elle avoue avoir été blâmée et stigmatisée, par des hommes principalement, ce qu’elle vit mal :
« Oui ça fait deux ans que je surfe en maillot, je ne surfe pas avec une combinaison, ça me gêne… Le regard des autres, ça me gênait, ils disaient des choses et tout. J’ai eu des remarques méchantes : ah t’es chaude toi ! Ça me gênait, ça me donnait l’envie de pleurer quoi ! Je disais non, je suis une fille normale quoi. Mes copines elles me disent “Oh Samira, t’as pas froid ?”, c’est pas blessant quoi. C’est plutôt les mecs qui me demandent si je suis chaude ou pas… Mais moi je reste en maillot de bain, j’assume. »
47Les dispositions inversées, les socialisations masculines et la volonté de maintenir sa pratique à contre normes structurent le sentiment de se sentir tel un « garçon manqué » : « Il faut se battre, il faut être forte, une personnalité très forte, tu dois toujours te défendre. Moi je suis moitié fille - garçon. Et parfois je dois me battre dans la mer, quand un garçon prend ma vague… il faut être forte ! » indique Soumia. Les dispositions sexuées « masculines », l’identification au « garçon manqué » et à son hexis corporelle sont ici fortement stigmatisées et stigmatisables. Grâce au surf Soumia assume en quelque sorte ce ce « schéma corporel » singulier (Bourdieu, 1979) dans des situations de confrontations qui autorisent le courage, l’usage de la force physique et l’équité avec les garçons dans les vagues. Si Soumia se sent « libre » et « forte », elle ne dissimule pas le fait de se sentir stigmatisée (Goffman, 2002) : être surfeuse constitue un écart par rapport aux attentes normatives de la société paternaliste marocaine.
48A contrario, pour Mina – qui est la dernière d’une fratrie de neuf enfants, la protection masculine au sein de la famille constitue un processus facilitateur. Elle doit toutefois rester vigilante aux critiques émises à son égard afin d’éviter que « ça lui retombe dessus » :
« Oui il y a des gens qui parlent. Par exemple quand je traîne qu’avec des garçons, ils disent que je sors avec tel garçon, et patati et patata. Tu comprends [Rires]. Alors que moi je ne fais rien de mal, pour moi les garçons avec qui j’étais, c’est comme mes frères… Je rigole bien avec eux c’est tout. Mes frères ne me disent rien, ils me connaissent. D’autres connaissances du village et d’Agadir disent que je couche avec les garçons avec qui je pars et avec qui je fais du surf. Mais je ne ferme jamais ma bouche. Je vais tout de suite en parler à mes frères. Parce que si je ne dis rien, ça va me retomber dessus et on va croire que c’est vrai. Dès qu’il y a une rumeur sur moi j’en parle à ma famille. Plutôt que cela n’arrive à leurs oreilles de l’extérieur. » [19]
50L’un des frères de Mina travaille dans un surf camp qui appartient à un Européen, un autre frère s’occupe de locations de jet-ski. D’une certaine manière, Mina s’autorise à surfer mais avec des limites : elle ne porte pas le maillot de bain, elle ne fume pas et ne boit pas d’alcool. « Ah non, moi par exemple je ne suis jamais en maillot, je suis toujours en combi. Et dès que je sors je me rhabille. En maillot, tu te fais emmerder, les hommes ne te respectent pas. » Certaines représentations associées à ce sport sont en effet reportées sur les jeunes femmes qui le pratiquent : elles seraient des filles faciles, elles boivent, elles fument, elles sortent avec des garçons. Mina lutte donc contre ces stéréotypes en se donnant une image irréprochable.
Conclusion
51Cet article a permis d’interroger les modalités de la possibilité d’une pratique féminine du surf au Maroc dans un contexte où la contrainte sociale structure puissamment les rapports de genre et notamment par l’enjeu du contrôle des corps des femmes. L’analyse des trajectoires et des carrières des surfeuses marocaines a permis de repérer les processus de constitution du goût pour le surf. Davantage qu’une contestation exclusive de l’orthodoxie des rapports de genre, les résultats confirment l’analyse selon laquelle l’engagement dans un monde masculin s’explique avant tout par des modes de socialisations spécifiques et par les relations aux groupes de pairs. Les surfeuses convoquées dans cet article s’engagent dans des modalités et des usages de leur corps qui questionnent fortement l’ordre établi entre les sexes, autrement dit l’injonction culturelle et « religieuse » assurant la persistance des « discriminations de sexe » (Lahire, 2001). Pour la plupart d’entre elles, l’acte même de surfer implique finalement de rompre avec la morale féminine et les dispositions corporelles ordinaires en vigueur au Maroc : manières permanentes de tenir son corps, éviter de tenter les hommes, discipline de tous les instants, éviter la hchouma pour soi et sa famille, etc. L’accès progressif et encore limité quantitativement des femmes marocaines à la pratique du surf correspond, dans une certaine mesure, à ce que Thierry Terret a appelé « la conquête d’une citadelle masculine » (2005) en France au XXe siècle. Toutefois, les plages marocaines et les pratiques de loisirs qui lui sont liés caractérisent encore l’imposition du pouvoir masculin. La culture marocaine ne laisse finalement aux femmes – aux surfeuses marocaines –, que des « niches territoriales » (Bard, 2004), caractérisant « l’inégale distribution des ressources et des espaces sociaux entre hommes et femmes » (Revillard, de Verdalle, 2006).
52À l’entrée de la plage d’Anza, près d’Agadir, les pancartes disposées par des surfeurs marocains avec pour inscription « Respect Ramadan No Bikinis » en juin 2015, indiquent bien que certains usages féminins de la plage au Maroc sont encore controversés. Phénomène largement relayé par la presse et les réseaux sociaux, le lien entre le religieux et le recouvrement du corps (féminin) a ici été clairement réalisé. Retirées par les autorités de la Wilaya au motif d’une détérioration de l’image de la destination touristique d’Agadir, les pancartes « anti-bikini » ont même provoqué l’intervention du Ministre du Tourisme du Maroc, Lahcen Haddad, pour qui, interrogé par la presse marocaine (Medias24), « Personne n’a le droit de faire la loi à la place des pouvoirs publics. Nous n’admettrons jamais ces comportements inacceptables de personnes qui s’érigent en justiciers de la morale et de la vertu ». Ce cas illustre encore une fois l’intérêt que présentent les plages comme terrain d’enquête, en ce qu’elles révèlent des rapports de genre dans la société marocaine.
Bibliographie
Références
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Mots-clés éditeurs : normes sociales, Maroc, corps, surfeuses, socialisations
Date de mise en ligne : 12/09/2016.
https://doi.org/10.3917/tt.028.0175Notes
-
[1]
Cette recherche a bénéficié du soutien du programme de recherche « Genre et discriminations sexistes et homophobes » (GEDI), financé par la région des Pays de la Loire et dirigé par Christine Bard.
-
[2]
Le chef d’arrondissement de la médina de Rabat déclare à ce propos : « la mer représente pour les Marocains le danger. Historiquement, la mer, c’est les attaques des envahisseurs : la côte est plutôt considérée comme une frontière, d’où les citadelles, les grandes murailles dans les villes anciennes. Moi, je me souviens que mon père était obligé d’aller nager le matin très tôt à six heures pour que personne ne le voie. Et quand il rentrait, mon grand-père lui léchait les poignets pour savoir s’il y avait du sel ! Il n’avait pas intérêt à se faire remarquer ! » (Entretien effectué en juillet 2002 à Rabat. Guibert, 2008).
-
[3]
Passionné de jet-ski et de sports nautiques, le Roi du Maroc a notamment décidé de favoriser le surf dans la capitale grâce à la construction de l’« Oudaya Surf Club » en 1999, luxueuse association face à la plage de Rabat, dont il est le président d’honneur, et dirigée actuellement par un proche conseiller du souverain (Guibert, 2008).
-
[4]
Entretien effectué en avril 2014. Ancienne fonctionnaire au sein du Bureau des Sports au Ministère, elle est inscrite en master de management du sport à l’Institut Moulay Rachid de la Jeunesse et des Sports à Rabat.
-
[5]
Entretien effectué au Ministère, avril 2014. Ce propos confirme les analyses proposées par C. Mennesson et Z. Pillas (2009) au sujet de femmes dirigeantes sportives au Maroc.
-
[6]
Comme si, de manière doxique, la faiblesse de capital économique dédié aux loisirs sportifs ne concernait que les femmes.
-
[7]
Cela fait écho ici à l’observation des dynamiques de mobilités des femmes saisonnières marocaines vers le sud de l’Espagne, où les migrations sont permises par la négociation avec les familles et l’autorisation au départ des pères, des frères et/ou des maris (Arab, 2013).
-
[8]
Technique consistant passer sous une déferlante en appuyant sur la planche à l’aide d’un genou.
-
[9]
Entretiens effectués en avril 2014 sur les plages de Taghazout.
-
[10]
Française de 25 ans et diplômée de l’université de Bordeaux, Julie est une ancienne surfeuse de haut niveau, née à Casablanca mais de nationalité française. Elle affirme avoir « baigné dans un milieu de garçons » lorsqu’elle pratiquait le surf au Maroc.
-
[11]
Ahmed a fait des études de formation de fandak (tourisme ou commerce). Il nous interpelle en anglais. Entretien effectué le 18 avril 2014.
-
[12]
La proportion actuelle de licenciées à la Fédération Française de Surf est d’environ un quart.
-
[13]
Soumia n’était pas prédisposée à découvrir et à pratiquer le surf : sa mère, seule, l’élève avec son grand frère et ses autres sœurs, tout en travaillant dans un petit hôtel de la ville d’Agadir.
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[14]
Extrait d’entretien réalisé à l’école de surf de Malika, 23 avril 2014.
-
[15]
http://www.kristenpelou.com, en ligne, consulté le 29 juillet 2015.
-
[16]
Spot de grosses vagues le plus réputé d’Hawaii, sur l’île d’Oahu.
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[17]
Entretien effectué à la plage de Mehdia, suite à la session de surf d’Atifa et Madiha, le 26 avril 2014.
-
[18]
Tentant de masquer sa gêne lorsque sont évoquées des périodes difficiles de sa vie, Soumia débute souvent ses réponses par des rires.
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[19]
Entretien effectué à Taghazout, avril 2014.