Couverture de TT_020

Article de revue

« Changer de système » : une analyse des transitions vers l'agriculture biologique à l'échelle des systèmes agri-alimentaires territoriaux

Pages 139 à 156

Notes

  • [1]
    Ce travail de terrain a été mené en 2009 et 2011 avec l’aide de Léa Cambien et Julia Tual, que je remercie ici, dans le cadre de leurs stages de mastère.
  • [2]
    Elles s’opposent ainsi aux théories classiques du changement technique qui mettent l’accent, de manière uni-dimensionnelle, soit sur le marché (market-pull theories) soit sur la seule innovation technologique (technology-push theories).
  • [3]
    Effet conjugué des économies d’échelle et de l’apprentissage par la pratique.
  • [4]
    Le projet ANR Gédupic (2006-2009) a abordé ces questions de verrouillage et de transition en ciblant les aspects de protection des plantes, à partir des cas des filières blé et pomme (Ricci et al., 2011).
  • [5]
    Il faut en effet distinguer les citadins ou personnes non issues du milieu agricole et venus d’ailleurs (en quelque sorte « doublement » néo), les locaux non issus du milieu agricole (qui peuvent toutefois être ruraux), et les extérieurs issus du milieu agricole, sachant que de leur côté, les agriculteurs « de souche », issus du milieu agricole ont pu avoir travaillé dans un autre secteur avant de s’installer en agriculture, souvent pour reprendre l’exploitation familiale.
  • [6]
    Le rôle des grossistes et plateformes de la grande distribution (bios et généralistes) n’est évidemment pas négligeable dans les transitions vers l’AB, mais nous l’avons peu investigué, à l’exception des deux principaux grossistes bio collectant aujourd’hui sur les deux départements. Il faut ajouter que nos deux territoires se caractérisent pour ce qui est des légumes et contrairement à d’autres régions (de Bretagne, Provence ou Roussillon par exemple), par des petits volumes peu appropriés à ces débouchés.
  • [7]
    Le statut SCIC, créé en 2001, permet d’associer des salariés, des producteurs, des bénéficiaires (clients), et des contributeurs (collectivites, associations etc.) autour de la production de biens ou services d’intérêt collectif.
English version

1Malgré une forte croissance récente, l’agriculture biologique occupe une place encore très minoritaire dans le paysage agricole (2,6 % des surfaces agricoles) et agro-alimentaire français. Dans un contexte de marché prometteur et d’injonctions politiques fortes (Grenelle de l’Environnement de 2007), la question des conditions permettant de faciliter les transitions vers cette forme d’agriculture reste posée. Or, les changements au niveau de l’agriculture impactent et dépendent de changements à d’autres niveaux du système « agri-alimentaire », système sociotechnique que l’on peut définir comme englobant les agriculteurs, le conseil, la recherche, les acteurs de l’amont et de l’aval des filières, les politiques publiques et les instances de régulation (réglementation des phytosanitaires, des pollutions, des semences et de la qualité des produits notamment), les consommateurs et la société civile. À partir du cas de la réduction d’intrants chimiques, on a montré que ces changements doivent engager, au-delà des systèmes agricoles, de manière articulée, les différents composantes de ce système agri-alimentaire (Lamine et al., 2010). Il en va de même pour l’agriculture biologique.

2Dans le présent article, nous nous proposons d’aborder la question des transitions vers l’agriculture biologique (AB) à partir de deux études sur des territoires du sud de la région Rhône Alpes : l’Ardèche méridionale et la vallée de la Drôme.

3L’examen de ces cas procède d’une approche ethnographique combinant (i) une première série d’entretiens auprès d’une quinzaine d’agriculteurs de chaque territoire, visant à saisir les logiques d’évolution des exploitations et les liens qu’ont les producteurs avec divers types de réseaux, (ii) une seconde série d’entretiens auprès d’une douzaine d’autres acteurs de chaque territoire (conseil agricole, collectivités territoriales, promoteurs d’initiatives de mise en marché issus du monde économique ou de la société civile), visant à éclairer leurs modes d’intervention et de coordination, ainsi que (iii) des observations de collectifs et de situations (marchés, réunions, manifestations sur l’agriculture et les circuits courts) [1].

4Le choix de l’échelle territoriale facilite l’identification des acteurs du système agri-alimentaire au-delà du cercle des agriculteurs et permet de mettre en relief les interactions qui se jouent à la fois au sein des filières et du monde agricole mais aussi avec le monde non agricole. À partir des cas étudiés, nous souhaitons montrer comment les dynamiques de développement de l’AB et leur pérennisation supposent un certain degré de reconception du système agri-alimentaire territorial et une vision politique partagée de ce dernier.

5Dans un premier temps, nous développons un cadre d’analyse fondé sur les théories des transitions, jusque-là peu appliquées au domaine agricole ou agri-alimentaire. Puis nous synthétisons les transitions observées dans les exploitations et l’ensemble du système agri-alimentaire territorial, tout en les resituant dans la dynamique historique locale et globale. Ensuite, nous analysons un ensemble de projets et dynamiques associant les divers types d’acteurs du système agri-alimentaire territorial afin de saisir les modalités de coordination à l’œuvre, qu’elles relèvent de projets plus alternatifs ou plus classiques.

Analyser les transitions vers l’agriculture biologique : objets et échelles

6Notre approche des changements de l’agriculture et plus largement du système agri-alimentaire s’inscrit entre deux pôles classiques. D’un côté, ces changements peuvent être analysés à l’échelle du temps long et comme un phénomène social englobant, redevable d’une approche de type socio-historique, ou de l’autre, au travers de trajectoires singulières (bien qu’éventuellement reliées) d’acteurs de l’agriculture, à une échelle de temps variable combinant temps long des parcours socio-professionnels et temps court des changements de pratiques observables.

7Le premier aspect renvoie à de nombreux travaux analysant le processus de modernisation agricole d’après-guerre. L’enjeu d’assurer à la fois l’approvisionnement de la population et le rattrapage social du monde agricole, objectif devenu central dans les années 1960, a conduit au déploiement du paradigme productiviste (Alphandéry et al., 1988 ; Allaire et Boyer, 1995). L’ampleur de cette modernisation agricole résulte de ce qu’elle a été conjointement portée par une large gamme d’acteurs (agriculteurs, institutions agricoles, acteurs des filières, politiques publiques et instances de régulation), et ceci malgré les résistances d’une partie du monde professionnel et de la société qu’on qualifie aujourd’hui de « civile ».

8La seconde perspective recouvre une série de travaux justement centrés sur ces résistances et leurs effets. Ils mettent en évidence la façon dont les changements d’agriculture engagent des reconfigurations techniques et cognitives et s’appuient sur des dynamiques collectives multiples, souvent informelles. Par ailleurs, ils soulignent le rôle d’acteurs et de réseaux débordant le monde agricole (Lémery, 2003 ; Lamine, 2011 ; Cardona et al., 2012). D’autres études sont plutôt axées sur les formes de production, de commercialisation et de consommation alimentaire dites « alternatives », en ce qu’elles résistent au mouvement général de distanciation entre producteurs et consommateurs et proposent d’autres principes de production et d’échanges d’aliments (Deverre et Lamine, 2010). Toutefois, les travaux sur les systèmes alternatifs portent en général une attention assez faible au type d’agriculture et aux pratiques techniques, et en se focalisant sur les interactions directes entre producteurs et consommateurs, ignorent souvent les autres acteurs du système agri-alimentaire.

9Dans cet article, nous nous situerons à une échelle intermédiaire, entre analyse globalisante de l’ensemble du système socio-technique et analyse compréhensive de trajectoires singulières, en faisant le choix de l’échelle territoriale, et d’un cadre théorique inspiré des théories anglo-saxonnes des transitions technologiques.

10Ces théories, initialement ancrées dans l’économie évolutionniste, partent de l’idée que les trajectoires technologiques se caractérisent par une causalité multi-dimensionnelle, du fait de la multiplicité des acteurs impliqués dans un « régime technologique » donné : les interactions entre innovations scientifiques et technologiques, facteurs économiques et actions institutionnelles génèrent de puissants effets d’exclusion des voies alternatives (Dosi, 1982) [2]. Ainsi, dans le cas de l’agriculture, les trajectoires convergentes des différents acteurs contribueraient à l’émergence et au renforcement d’un régime technologique productiviste (Possas et al., 1996) reposant sur une très forte dépendance aux intrants chimiques, comme l.ont aussi montré les travaux français sur la modernisation agricole. Mais pourquoi les voies alternatives n’ont-elles pu percer ? C’est le « verrouillage » progressif du régime technologique qui explique par exemple le non passage à la protection intégrée, alternative aux pesticides chimiques pourtant assez bien éprouvée (Cowan et Gunby, 1996). Malgré les externalités négatives des pesticides (environnementales et de santé) et l’émergence de problèmes techniques (baisses de rendement dues aux résistances aux pesticides dès les années 1970), leur utilisation a continué à augmenter, les agriculteurs étant « captifs » de ce système de protection chimique des cultures, et les financements de la recherche et du développement continuant à se porter sur les systèmes agricoles intensifs aux dépens des solutions alternatives (Wilson et Tisdell, 2001). C’est aussi qu’une hiérarchie des problèmes pertinents, propre à une époque et une société données, sous-tend les régimes technologiques et contribue à ce phénomène de verrouillage. Ce dernier peut aussi être éclairé par la notion de path dependency (David, 1985). Cette notion permet d’expliquer la stabilité des technologies dominantes : des technologies ayant des performances et fonctions similaires, et peut-être des potentiels de long terme supérieurs, sont mises de côté (Liebowitz et Margolis, 1995), du fait d’effets de rendement croissant [3].

11Plus récemment, des chercheurs hollandais ont proposé une théorie des transition pathways ou voies de transition (Geels et Schot 2007) selon laquelle les transitions dans un régime technologique résultent d’interactions à trois niveaux : les innovations de niche, les changements du « paysage sociotechnique » qui créent des pressions sur le régime dominant, et les effets en termes de déstabilisation de ce régime et d’ouverture de fenêtre d’opportunité pour les innovations de niche. Ces auteurs caractérisent différents types de voies de transition en fonction notamment de la coïncidence temporelle entre pressions sur le régime et émergence d’innovations de niche. Ainsi, quand il y a peu de pressions et un régime technologique stable (peu d’innovations alternatives), il y aurait processus de reproduction, alors qu’à l’opposé quand il y a beaucoup de pressions et une disponibilité d’innovations, on pourrait assister à une reconfiguration profonde du régime. Entre ces deux extrêmes sont décrites des voies de transition intermédiaires telles qu’une réorientation du régime « de l’intérieur » (changements modérés). Dans le secteur agricole et agri-alimentaire, assiste-t-on à une reconfiguration profonde de ce que nous préférons appeler le système socio-technique, défini comme on l’a vu comme englobant l ensemble des acteurs contribuant à la production, à la normalisation, à la commercialisation et à la consommation des produits agricoles [4] ?

12En nous appuyant sur l’appareil conceptuel de ces théories des transitions, construites à partir du monde industriel, nous en reformulons donc les concepts pour mieux les adapter aux spécificités de l’agriculture et du secteur agro-alimentaire : des processus de production non entièrement codifiables du fait de leur caractère organique et soumis aux aléas naturels, des consommateurs potentiellement plus directement impliqués du fait du caractère intime et symbolique de l’alimentation et de la familiarité relative de la production, une grande diversité d’acteurs impliqués. En outre, alors que ces théories abordent les transitions de manière assez « macro », leur mérite étant du reste de proposer un cadre d’analyse très général, nous ancrons notre analyse à une échelle territoriale, afin de baser une objectivation des phénomènes d’interdépendance, de verrouillage, ou encore d’émergence ou marginalisation des voies alternatives à partir d’analyses documentaires et d’enquêtes. À l’échelle territoriale, les différents niveaux du système sociotechnique peuvent être appréhendés concrètement, même si ce système n’est évidemment pas clos sur un territoire. Nous parlerons donc de système agri-alimentaire territorial, englobant non seulement les acteurs locaux des filières de production, de transformation, de distribution, mais aussi le conseil technique, les politiques publiques territoriales ou territorialisées, les consommateurs et la société civile. On peut dire que ce système englobe également, de fait, les différents dispositifs et réseaux mettant en relation production, commercialisation et consommation (qu’il s’agisse de circuits courts ou longs), ces deux définitions facilitant de fait le repérage des acteurs. Nous assumons ainsi une perspective dans laquelle le territoire est pour le sociologue un cadre d’observation des diverses formes d’interaction et de coordination entre acteurs (Alphandéry et Bergues, 2004).

Des transitions inscrites dans une dynamique historique plus globale et traduites dans des trajectoires professionnelles singulières

13Les deux territoires étudiés ont en commun d’être ruraux et en forte mutation ; ils connaissent un renouveau démographique succédant à 150 ans de déprise. Ils associent massifs montagneux et vallées enclavés, ouverture relative sur la vallée du Rhône et les grandes voies de communication. Leurs agricultures sont en partie comparables : forte présence de la viticulture en coteaux, de l’élevage extensif en zone de montagne, des grandes cultures dans les plaines.

14En Ardèche Méridionale, l’agriculture d’après-guerre s’est tournée vers l’arboriculture fruitière (pêchers, pommiers, cerisiers, pruniers) dans les vallées irrigables, tandis que la traditionnelle culture du châtaignier persistait dans les zones plus élevées. La profession s’est structurée et dès 1949 fut créée une coopérative fruitière ayant en charge la collecte, la centralisation et la distribution des fruits en dehors du territoire. Mais ce secteur est depuis près d’une vingtaine d’années en déclin, principalement du fait de la perte de compétitivité d’une région relativement enclavée et dont les structures d’exploitation, assez petites, étaient moins rationalisables que celles de régions concurrentes, dans un contexte de montée en puissance de la grande distribution et de durcissement des conditions de prix et de qualité imposées aux producteurs, mais aussi d’émergence d’un projet viticole important sur le territoire et de vieillissement de la population agricole.

15Aussi le territoire a-t-il connu une forte réduction de ses surfaces de vergers. Aujourd’hui, la coopérative traite 2000 tonnes de fruits contre 25.000 à 30.000 t à son apogée au milieu des années 1980, avec un recentrage fort sur la châtaigne et le kiwi. Ce mouvement structure fortement l’évolution économique et sociale de l’agriculture du territoire dans sa composante « traditionnelle », celle des agriculteurs « de souche », et peut conduire certains de ceux-ci à se tourner vers le maraîchage, secteur sur lequel nous avons centré nos enquêtes.

16La vallée de la Drôme est affectée par les mêmes difficultés dans sa partie aval (secteurs de Loriol et Livron traditionnellement gros producteurs de fruits), bien que cette zone soit moins enclavée que les zones de production ardéchoises. Dans le haut de la vallée, la viticulture s’est elle aussi développée, et a été tirée par une typicité de produits (la Clairette de Die), des signes de qualité et une structuration collective semble-t-il assez efficaces. Mais notre second territoire se caractérise également par la place importante et spécifique qu’occupent les plantes aromatiques et médicinales (PAM). Dans le Diois, les néo-ruraux ont commencé à développer dans les années 1970-80 la production de PAM bio. Certains agriculteurs locaux, qui produisaient déjà traditionnellement de la lavande et du lavandin, suivront le mouvement en développant d’autres productions. La présence d’entreprises de transformation sur le territoire ainsi que la nécessité de conduire en AB les productions en rotation avec les PAM et/ou les autres productions de l’exploitation tireront un mouvement plus large vers l’AB, notamment dans les grandes cultures et la viticulture. Dès le début des années 1990, des programmes locaux, appuyés par des financements européens notamment, seront consacrés au développement de l’AB, qui occupe aujourd’hui (2010) 17 % des surfaces agricoles, contre 2,5 % pour la France et 5,1 % pour la région Rhône-Alpes, tandis que le territoire construit depuis quelques années son projet autour de l’image de « Biovallée », terme englobant du reste aussi bien les filières de construction écologiques ou les transports que l’agriculture.

17Comme d’autres secteurs, ces deux territoires ont été à partir des années 1970, une terre d’accueil pour de nombreux néo-ruraux, dont certains se sont pleinement intégrés, développant parfois comme on le verra des systèmes innovants d’organisation collective soutenant leur activité agricole. Précisons que cette catégorie des néo-ruraux, trop souvent considérée comme homogène, nécessite d’être déconstruite [5]. En outre, cette distinction entre mondes agricoles traditionnel et néo-rural est peut-être moins pertinente pour saisir les mutations actuelles : de nombreux réseaux et initiatives mêlent aujourd’hui les deux publics. « Vrais » ou « faux » néo-ruraux, une assez forte proportion des agriculteurs en installation s’orientent en partie au moins vers le maraîchage en AB, secteur dans lequel ils sont d’ailleurs plus nombreux que les agriculteurs « de souche », du fait de moindres besoins en foncier et en investissement.

18À partir de notre corpus d’entretiens auprès des agriculteurs, nous avons identifié les configurations d’exploitation autour du maraîchage ainsi que leurs évolutions, dans une approche centrée sur le « comment », complémentaire d’études des motivations au passage à l’AB (le « pourquoi ») qui montrent l’entrecroisement des visées environnementales, éthiques, économiques et de projet de vie (voir Lamine et Bellon, 2009 pour une revue bibliographique). Ainsi, les trajectoires des producteurs rencontrés en Ardèche méridionale sont toutes singulières, mais trois principales logiques d’évolution des exploitations se dégagent. La première est celle de maraîchers bio ayant un système de production et de commercialisation diversifié et choisissant de conserver ce système en visant une forte valorisation de leurs produits. La deuxième correspond à des maraîchers bio s’orientant progressivement vers une « rationalisation » de leur production (re-spécialisation partielle, mécanisation, extension des surfaces, choix de variétés plus productives notamment) pour fournir des volumes plus importants. Enfin la troisième est celle d’arboriculteurs (et/ou viticulteurs) conventionnels contraints de diversifier leur système de production et de commercialisation, ce qu’ils font par la mise en place de cultures maraîchères et une orientation vers l’AB. Dans ces trois types de trajectoires, c’est avant tout la viabilité, celle d’un projet d’installation ou d’une exploitation existante, qui est en jeu : optimisation sur une structure très contrainte, viabilisation de l’activité après quelques années d’une hyper-diversification (productive et commerciale) difficilement tenable sur le long terme, ou maintien dans un contexte de crise sectorielle. Toutes ces transitions s’appuient sur une combinaison de circuits (courts, et souvent courts et longs), de productions, voire de modes de production (bio et conventionnel). Ces différentes formes de combinaison apparaissent donc comme des voies de viabilisation des exploitations, non seulement économique, mais aussi sociale, puisqu’il s’agit aussi pour ces producteurs d’avoir un rythme de travail et des conditions de vie plus acceptables (Lamine et Cambien, 2011).

19Cette mixité des modes de production et des circuits, certes originale, est loin d’être totalement nouvelle, et l’AB ou les points de vente privés par exemple ont une certaine antériorité. Dans les années 2000, de nouveaux débouchés se sont développés (points de vente collectifs, systèmes de paniers, restauration collective) qui ont pu pour partie se substituer à des formes plus anciennes de vente directe ou s’y articuler. Or, l’accès à ces nouveaux débouchés nécessite souvent de mieux s’organiser collectivement : loin d’être purement individuelles et spontanées, ces transitions vers l’AB (ou en bio) sont fortement inscrites dans des dynamiques collectives et des réseaux. Ici, en nous penchant sur quelques systèmes locaux articulant production et commercialisation, nous souhaitons porter notre regard sur les modalités de coordination qui se construisent au sein du système agri-alimentaire territorial.

Les tentatives de construction de modalités de coordination adaptées à la bio

20Notre travail de repérage nous a permis d’identifier sur ces territoires, outre les opérateurs privés classiques tels que les grossistes [6], différents types d’initiatives collectives, en matière de mise en marché des produits bio et locaux, qu’elles émergent plutôt du côté de l’offre ou de la demande, et qu’elles relèvent plutôt de dispositifs « alternatifs » ou « dominants » ou enfin « hybrides ».

Des initiatives « alternatives »

21Outre des stratégies individuelles de points de vente privés, certains producteurs se sont lancés dans des démarches collectives de vente directe. L’un des pionniers de ces points de vente collectifs – dans lesquels les producteurs assurent à tour de rôle la vente des produits et le lien direct aux consommateurs – fut créé à Aubenas en 1998 à l’initiative d’un animateur d’une formation agricole centrée sur la pluri-activité, la notion d’ « entrepreneur rural » (Muller, 2009) et l’intégration production – transformation – commercialisation – services, et de quelques anciens stagiaires. L’idée était d’accompagner ces jeunes agriculteurs – en majorité des néo-ruraux, plus récemment rejoints par des agriculteurs « de souche » – dans leur installation en les impliquant dans l’outil de commercialisation de manière à structurer leur exploitation et leur production autour des besoins du magasin. Pour les légumes, ce point de vente collectif comme d’autres des deux territoires a dû surmonter les classiques difficultés d’approvisionnement lorsqu’on veut être en mesure de proposer un étal de légumes complet et bien fourni tout au long de l’année. Bien que les points de vente collectifs se soient au départ construits sur le principe un type de produit = un producteur, aujourd’hui la présence sur le point de vente de plusieurs maraîchers devient plus fréquente. Cela leur permet de se répartir entre eux les productions, facilite leur travail et sécurise l’approvisionnement du magasin.

22Nous ne développerons pas ici le cas des Amap (Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne), dispositif fondé sur des contrats d’approvisionnement durables entre un ou plusieurs producteurs et des consommateurs, qui se sont développées sur ces territoires comme ailleurs en France, de même que d’autres systèmes de paniers n’adhérant pas forcément aux principes et au réseau des Amap. Ces dispositifs génèrent aussi des dynamiques collectives entre producteurs : certains producteurs s’échangent des produits ponctuellement ou s’associent durablement pour parvenir à fournir un panier de légumes variés.

23Dans ces initiatives alternatives, les modalités de coordination construites par les acteurs visent à donner directement prise aux producteurs sur les attentes qualitatives voire quantitatives des consommateurs, au travers ou non d’une contractualisation qui permet un partage des risques entre producteurs et consommateurs (Lamine, 2005), et éventuellement d’une planification collective des productions entre maraîchers.

Des initiatives inscrites dans le système agricole « dominant »

24Les coopératives agricoles, acteurs essentiels de la collecte et de la commercialisation des produits agricoles, ne restent pas à l’écart de ces transitions vers l’AB. Dans la vallée de la Drôme, les coopératives locales ont été incitées à se tourner vers l’AB relativement tôt. Ainsi, dans le Diois un programme de développement de l’AB a engagé, en 1992, les quatre coopératives du secteur : coopérative de plantes aromatiques, coopérative viticole, coopérative céréalières et coopérative d’approvisionnement, autour d’actions d’appui technique, d’aide à la reconversion, et de promotion. Le conseil agricole et la recherche ont aussi été associés à ce mouvement, au travers d’expérimentations et de diagnostics de conversion d’exploitations. Aujourd’hui, les coopératives viticole et céréalière ont respectivement environ 25 % et 60 % de bio dans leur collecte. Ce succès est lié notamment à la mobilisation d’une partie assez large des acteurs du système agri-alimentaire mais aussi à une gouvernance laissant une large place décisionnaire aux agriculteurs biologiques.

25En Ardèche méridionale, du fait de la diminution progressive des volumes transitant par la coopérative fruitière locale, celle-ci a lancé diverses initiatives de diversification : le développement des fruits bio déjà évoqué, l’ouverture de magasins « de producteurs » pour partie approvisionnés par les produits des coopérateurs, et le développement des légumes bio sur lequel nous nous centrerons ici. Satisfait des apports en fruits de cette coopérative, un important grossiste bio lui fait en 2008 une demande pour l’approvisionnement en légumes biologiques. Une réflexion collective se met alors en place impliquant la coopérative, ce grossiste et la Chambre d’Agriculture, qui assure un accompagnement technique pour les producteurs. Le projet démarre en 2008 avec quelques légumes (pomme de terre, courges, courgettes) jugés faciles à mener pour des producteurs ne pratiquant pas, ou peu, le maraichage (qui plus est bio), et s’intégrant bien dans le calendrier de production de ces arboriculteurs, la gamme devant être progressivement élargie. La coopérative et les quelques producteurs qui s’engagent (7 en 2009) sont encouragés par le fait d’avoir un débouché assuré et de disposer de terres vacantes issues de l’arrachage de fruitiers, ce qui leur permet de valoriser les légumes en AB dès la première année (au lieu de la troisième). La coopérative décide d’ouvrir cette commercialisation à des maraîchers bio non-adhérents, ses statuts l’autorisant à commercialiser un certain pourcentage de produits non issus de ses adhérents, de manière à étoffer les volumes expédiés.

26La première année fut relativement satisfaisante au niveau de la commercialisation. C’est la deuxième année que les problèmes apparurent : une livraison de courgettes expédiée par la coopérative fut refusée par le grossiste, une partie des courgettes étant malformées, et suspectées de médiocre conservation. Une réunion fut organisée en urgence sur le terrain du producteur concerné, mettant en présence la coopérative, le grossiste, la Chambre d’Agriculture et deux autres maraîchers impliqués, mais les positions relatives des différents protagonistes les amenèrent à interpréter l’événement de manière différente. Les agréeurs du grossiste auraient été particulièrement sévères pour faire un exemple et « mettre les producteurs au pli », interprètera après coup l’un des maraîchers concernés. La coopérative n’aurait pas su gérer correctement le stockage en chambre froide des courgettes, par rapport aux fruits qu’elle était davantage habituée à traiter. D’autres hypothèses furent également émises : la nouvelle variété de courgette ne donnerait pas des légumes répondant aux critères de qualité visuelle et de calibre du grossiste - certains producteurs jugeant le semencier producteur de la variété adoptée au départ éthiquement peu recommandable, une autre variété avait été choisie en seconde année. Ou bien, le producteur avait peut-être mal trié ses courgettes lors de sa première récolte. Ou encore, la production de courgettes étant pléthorique partout, le grossiste aurait pu d’autant plus facilement refuser une livraison imparfaite qu’il était déjà saturé avec ses autres fournisseurs habituels. En tout cas, deux des producteurs se retirèrent du projet et s’organisèrent ensemble pour livrer leurs courgettes à un autre grossiste bio, en mobilisant leur réseau local (décrit ci-après), ce qui s’avéra moins coûteux pour eux, en comparaison avec les charges de structure de la coopérative. Ces producteurs, ayant conclu de l’expérience que le risque n’était porté que par eux, et non partagé entre les différents opérateurs, firent ainsi le choix de limiter les facteurs de risque et d’incertitude qu’ils ne pouvaient maîtriser.

27Quels enseignements peut-on tirer de ce semi-échec ? Certes, la vente des légumes en filière longue nécessite le respect de certains critères de qualité censés permettre la circulation et la conservation des produits sur des circuits longs (Dubuisson-Quellier, 2003). Mais l’ensemble des acteurs influent sur la qualité des produits. En outre, des facteurs indépendants de la volonté des acteurs de l’amont peuvent jouer à l’aval : la qualité relative des produits en comparaison de ceux qui transitent déjà par le grossiste, ou encore l’état d’engorgement du marché. Le fait de ne pas mettre suffisamment au clair au départ les responsabilités respectives des acteurs à chacune des étapes de commercialisation du produit laisse en suspens un certain nombre de zones d’incertitude qui rejaillissent au premier problème rencontré. Ainsi, l’absence de contractualisation, parce que non souhaitée par les producteurs non-adhérents et semble-t-il les autres acteurs, tous se considérant en « période d’essai », génère un climat de partenariat vague, n’engageant réellement ni les uns ni les autres, alors que tous sont fortement interdépendants du fait du faible nombre de producteurs et de la présence d’un seul client. Pour les producteurs, ce système s’est avéré présenter finalement les inconvénients habituels des circuits longs : des critères de qualité physique exigeants qui imposent une vigilance accrue et un ramassage quotidien, des incertitudes sur les prix de vente et les volumes écoulés. Cette expérience exprime aussi par contraste avec le cas des coopératives drômoises, une difficulté classique des coopératives dans leur transition vers l’AB lorsque la représentation des intérêts des agriculteurs biologiques n’est pas (encore) bien assurée dans la gouvernance des structures.

28Dans ces initiatives relevant du monde agricole « dominant », les modalités de coordination apparaissent très différentes de celles des initiatives alternatives analysées précédemment. Elles n’engagent pas les consommateurs directement, mais elles associent en revanche les intermédiaires et partenaires classiques du monde agricole (comme le conseil). Toutefois, les critères de qualité régissant les échanges ne peuvent être négociés (contrairement au cas des Amap par exemple) et le partage des risques entre opérateurs apparait difficile à clarifier, surtout lorsqu’il n’y a pas de contractualisation.

Des initiatives « hybrides »

29L’étude des trajectoires a montré l’importance des collectifs informels de producteurs : certains maraichers diversifiés s’échangent entre eux des produits pour s’assurer la possibilité de fournir des paniers complets aux consommateurs. Nous avons repéré en Ardèche Méridionale trois petits réseaux de ce type regroupant chacun deux à quatre producteurs de légumes. Ces réseaux permettent de viabiliser des systèmes de paniers qui seraient autrement trop contraignants pour les producteurs : parce qu’ils débutent et n’ont pas encore les compétences techniques nécessaires, ou parce qu’ils n’ont pas la structure leur permettant de fournir tous les légumes en diversité et en volume. Ces réseaux sont aussi source d’échanges de conseils et d’entraide au niveau du matériel et même de certaines tâches. L’implication dans la communauté locale permet ainsi une certaine flexibilité dans l’organisation du travail.

30De leur côté, d’autres maraîchers aux trajectoires de rationalisation et re-spécialisation partielle, confrontés aux difficultés organisationnelles liés à la mixité de leurs circuits (à la fois clients locaux et opérateurs distants), s’organisent eux aussi de manière informelle pour centraliser leurs produits et les redistribuer. L’un des réseaux informels repérés repose sur un arboriculteur bio qui a quitté la coopérative locale il y a une vingtaine d’années déjà pour valoriser directement ses produits auprès de grossistes spécialisés en AB. Pour assurer des volumes suffisants, il a fondé sa propre société commerciale et associe comme fournisseurs divers producteurs locaux, ce qui permet de réduire les coûts de palettisation et de transport. Comme les précédents, ces producteurs forment un réseau d’entraide informel et à géométrie variable sur le prêt de terrains et le matériel, qui implique environ une dizaine de producteurs en bio, dont certains font d’ailleurs partie de l’un des réseaux de paniers précédents. En revanche, ce réseau a pour l’heure peu de retombées sur l’approvisionnement des marchés locaux, ce qui n’est « pas un idéal » pour les producteurs, même si le développement de certains débouchés comme la restauration collective pourrait changer la donne.

31Ce réseau informel de producteurs repose en tout cas sur des modalités de coordination hybrides puisqu’elles articulent organisation et ajustements de proximité et respect de critères de qualité propres aux circuits longs.

32Dans le Diois, un magasin coopératif de produits biologiques incarne lui aussi une forme hybride d’initiative. C’est un groupement d’achat de produits biologiques créé dans les années 1970, qui est assez vite monté en puissance (300 à 400 familles), avec le recrutement d’un premier salarié, un local, l’inclusion des produits frais, et est devenu un acteur majeur de la distribution de produits bio. Au fil du temps, la structure a souhaité accentuer ses liens avec les producteurs locaux ainsi qu’avec les autres acteurs concernés par l’alimentation biologique locale. Alors que le magasin ne travaillait qu’avec un seul maraîcher pour son approvisionnement en légumes, achetant la majorité des produits auprès de grossistes, à partir de 2009, un petit collectif informel de maraîchers a été sollicité et une planification collective des cultures et des apports a été mise en œuvre. Les producteurs et la structure ont également convenu ensemble de plusieurs principes : ne pas faire jouer la concurrence entre eux, se caler sur les prix des producteurs (ainsi si à un moment le grossiste a des prix plus avantageux, le magasin privilégiera malgré tout les producteurs locaux si ceux-ci sont en mesure de l’approvisionner). En parallèle, un conseiller agricole a accompagné ce groupe de maraîchers pendant quelques temps, et le groupe continue indépendamment de tout soutien institutionnel à échanger du matériel ou des conseils techniques. Là aussi, on observe donc des modalités de coordination intermédiaires, puisque malgré ces engagements de principe, il n’est pas possible de tout contractualiser comme dans les Amap.

33D’autre part, la structure, auparavant sous statut associatif, s’est transformée en SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) en 2009. Ainsi, les salariés (au nombre de 7 aujourd’hui) mais aussi les producteurs, les consommateurs et d’autres partenaires comme les collectivités locales sont associés à sa gouvernance [7]. Ce statut de SCIC est une innovation juridique intéressante qui permet de reconnaitre que les sociétaires peuvent être intéressés à la coopérative de façon différente, dans un « multisociétariat » mettant en présence les intérêts respectifs des différentes parties prenantes (Thomas, 2009). Une SCIC peut comme ici associer les acteurs de l’ensemble de la filière, ce qui permet de renforcer la confiance et la transparence, et concrètement d’échanger sur les logiques de chacun et l’articulation possible des divers acteurs du système agri-alimentaire territorial. C’est probablement un statut prometteur dans le monde coopératif agricole, jusqu’à présent relativement déconnecté des autres secteurs et acteurs des territoires.

Conclusion : changer le système agri-alimentaire territorial

34Quel retour cette analyse d’une série d’initiatives et des modes de coordination en jeu nous permet-elle d’opérer sur la théorie des transitions ? Si l’on regarde ces initiatives au prisme de cette théorie, trois conclusions peuvent être avancées.

35Le premier point concerne la coïncidence temporelle entre les pressions sur le régime et l’émergence d’innovations de niche, supposée dans cette théorie être décisive pour les transitions du régime. Nos cas montrent que ce sont surtout les innovations très alternatives et à petite échelle qui, faisant effectivement écho à des attentes sociétales fortes, se développent avec un certain succès, comme les systèmes de paniers ou points de vente collectifs. Or, ces dispositifs, s’ils permettent une réelle évolution en matière de coordination et de partage des risques entre acteurs et sont ainsi le signe d’une évolution possible des pratiques au sein du système agri-alimentaire plus large, ne touchent de fait qu’une faible partie des acteurs de ce système et de la population. De l’autre côté, des projets potentiellement à plus grande échelle comme celui de la coopérative fruitière semblent achopper sur la question d’un renouvellement des modes de coordination permettant un partage des risques plus équitable entre les acteurs de la filière.

36Le deuxième point que nous souhaitons avancer est l’intérêt, pourtant, de ne pas opposer, comme dans ces théories des transitions, les acteurs « dominants » et les acteurs « alternatifs » (ou de niche). Dans ces théories, les voies de transition mettent en coexistence ou en concurrence ces acteurs et leurs types d’initiatives, mais ils ne se mélangent pas ni ne font émerger des dispositifs hybrides. Or, nous avons pu repérer des dispositifs hybrides prometteurs, au travers des réseaux informels de producteurs transversaux aux deux milieux conventionnel et bio et du magasin coopératif de produits bio et de sa gouvernance visant à associer un large ensemble d’acteurs de la filière.

37Outre ce mélange possible des types d’initiative, c’est enfin la combinaison de dynamiques « top down » (venant plutôt d’une impulsion institutionnelle) et « bottom up » (venant plutôt des initiatives privées ou collectives des professionnels ou de la société civile) que nous pouvons souligner. À ce titre, les deux territoires présentent probablement un dosage différent de ces deux grands types de dynamiques, qui reste à mieux analyser : dans la vallée de la Drôme, l’agriculture biologique bénéficie d’un important soutien institutionnel (collectivités locales, région, Europe entre autres) depuis longtemps, alors qu’il semble qu’en Ardèche Méridionale, soient plutôt décisives des initiatives privées ou issues de la société civile autour de la production et de la commercialisation de produits locaux (dont bio) dans un contexte de soutien des politiques publiques probablement plus faible ou plus éclaté.

38Nos études de cas montrent bien l’importance de l’engagement de l’ensemble des acteurs du système agri-alimentaire territorial. Certes, dans aucun des deux territoires, on ne peut encore identifier aujourd’hui un projet agri-alimentaire territorial explicite et formalisé, bien que celui-ci semble en émergence autour de la restauration collective par exemple, dont on a montré ailleurs combien elle parvenait à relier, à faire « pont » entre les mondes professionnels conventionnels et alternatifs ainsi qu’entre les agriculteurs et les autres habitants du territoire (Lamine et Cambien, 2011). On voit dans de nombreux territoires s’affirmer les arguments sur la relocalisation de la production agricole et l’autonomie alimentaire à l’échelle territoriale, en lien à la fois à un processus plus global de réappropriation de la question alimentaire et à une tendance à la territorialisation des politiques publiques alimentaires et agricoles (Chiffoleau et Prévost, 2010). Cependant, passer de tels arguments à la formulation d’un projet agri-alimentaire territorial en tant que tel pose la difficulté de la construction d’une vision politique cohérente, difficulté liée d’une part au fait que le système agri-alimentaire n’est pas clos sur lui-même (ni au niveau de la production/commercialisation ni au niveau de la consommation) et d’autre part, au manque de légitimité politique du lien entre les questions agricoles et alimentaires, qui demeurent déconnectées dans les responsabilités et compétences politiques et institutionnelles.

Références

  • Allaire G., Boyer R., 1995. La grande transformation de l’agriculture. INRA Economica, Paris
  • Alphandéry P., Bitoun P., Dupont Y., 1988. Les champs du départ. Une France rurale sans paysans ? Paris : La Découverte, 1988, 268 p.
  • Alphandéry P., Bergues M., 2004. Territoires en questions : pratiques des lieux, usages d’un mot, Ethnologie française, XXXIV, 1, 5-12.
  • Cardona A., 2011. Agriculteurs et acteurs non-agricoles : des interactions facilitées par l’intervention des pouvoirs publics? Analyse de trois situations franciliennes, article soumis à la revue Terrains et Travaux.
  • Chiffoleau Y., Prévost B.,, 2010. Les circuits courts alimentaires, des innovations sociales pour une alimentation durable. Xèmes Rencontres du Réseau Inter-Universitaire de l’Économie Sociale et Solidaire (RIUESS), Luxembourg, 3-4/06/2010.
  • Cowan R., Gunby P., 1996. Sprayed to death: Path dependence, lock-in and pest control, Economic Journal 106(436), 521-43
  • David P. A., 1985. Clio and the economics of QWERTY. American Economic Review 75, 332-337.
  • Deverre C., Lamine C., 2010. Les systèmes agroalimentaires alternatifs. Une revue de travaux anglophones en sciences sociales, Economie Rurale, 317, 57-73
  • Dosi G., 1982. Technological paradigms and technological trajectories, Research Policy 11, 147-162
  • Dubuisson-Quellier S., 2003. Confiance et qualité des produits alimentaires : une approche par la sociologie des relations marchandes, Sociologie du travail, 45 (1), 95-111
  • Geels F.W., Schot J., 2007. Typology of sociotechnical transition pathways, Research Policy 36 (3), pp. 399-417
  • Lamine C., 2005. Settling the shared uncertainties : local partnerships between producers and consumers, Sociologia Ruralis, 45, 324-345
  • Lamine C, Bellon S., 2009. Conversion to organics, a multidimensional subject at the crossroads of agricultural and social sciences. A review, Agronomy for sustainable Development, 29, 97-112
  • Lamine C., Meynard J-M., Bui S., Messéan A., 2010. Réductions d’intrants : des changements techniques, et après ? Effets de verrouillage et voies d’évolution à l’échelle du système agri-alimentaire, Innovations Agronomiques, 8, 121-134
  • Lamine C., 2011. Anticiper ou temporiser. Injonctions environnementales et recompositions des identités professionnelles en céréaliculture, Sociologie du travail, 53 : 75-92
  • Lamine C., Cambien L., 2011. Les transitions vers l’agriculture biologique : une approche à l’échelle d’un système agri-alimentaire territorial, colloque Ecologisation, mars 2011, Avignon
  • Lémery B., 2003. Les agriculteurs dans une fabrique d’une nouvelle agriculture. Sociologie du travail 45 (1), 9-25
  • Liebowitz S.J., Margolis E., 1995. Path-dependence, Lock-in and History, Journal of Law, Economics and Organization, 11 (1), 205-226
  • Muller P., 2009. Le basculement du regard. La question de « l’entrepreneur rural », Etudes rurales, 183, 101-112
  • Possas M. L., Salles-Filho S., Maria da Silveira J., 1996. An evolutionary approach to technological innovation in agriculture: some preliminary remarks. Research Policy 25, 933-945
  • Ricci P., Bui S., Lamine C., dir., 2011. Repenser la protection des cultures, Quae Educagri
  • Thomas F., 2009. SCIC et agriculture : le temps des défricheurs, Revue Internationale de l’Economie Sociale, 310, 17-30
  • Wilson C., Tisdell C., 2001. Why farmers continue to use pesticides despite environmental, health and sustainability costs., Ecol. Econ. 39, 449-462

Date de mise en ligne : 23/05/2012

https://doi.org/10.3917/tt.020.0139

Notes

  • [1]
    Ce travail de terrain a été mené en 2009 et 2011 avec l’aide de Léa Cambien et Julia Tual, que je remercie ici, dans le cadre de leurs stages de mastère.
  • [2]
    Elles s’opposent ainsi aux théories classiques du changement technique qui mettent l’accent, de manière uni-dimensionnelle, soit sur le marché (market-pull theories) soit sur la seule innovation technologique (technology-push theories).
  • [3]
    Effet conjugué des économies d’échelle et de l’apprentissage par la pratique.
  • [4]
    Le projet ANR Gédupic (2006-2009) a abordé ces questions de verrouillage et de transition en ciblant les aspects de protection des plantes, à partir des cas des filières blé et pomme (Ricci et al., 2011).
  • [5]
    Il faut en effet distinguer les citadins ou personnes non issues du milieu agricole et venus d’ailleurs (en quelque sorte « doublement » néo), les locaux non issus du milieu agricole (qui peuvent toutefois être ruraux), et les extérieurs issus du milieu agricole, sachant que de leur côté, les agriculteurs « de souche », issus du milieu agricole ont pu avoir travaillé dans un autre secteur avant de s’installer en agriculture, souvent pour reprendre l’exploitation familiale.
  • [6]
    Le rôle des grossistes et plateformes de la grande distribution (bios et généralistes) n’est évidemment pas négligeable dans les transitions vers l’AB, mais nous l’avons peu investigué, à l’exception des deux principaux grossistes bio collectant aujourd’hui sur les deux départements. Il faut ajouter que nos deux territoires se caractérisent pour ce qui est des légumes et contrairement à d’autres régions (de Bretagne, Provence ou Roussillon par exemple), par des petits volumes peu appropriés à ces débouchés.
  • [7]
    Le statut SCIC, créé en 2001, permet d’associer des salariés, des producteurs, des bénéficiaires (clients), et des contributeurs (collectivites, associations etc.) autour de la production de biens ou services d’intérêt collectif.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.89

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions