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Article de revue

La structure de la stratégie militaire

Pages 17 à 50

Notes

  • [1]
    Canevas d’une conférence prononcée à l’Army War College des États-Unis en novembre 1954, conservé dans les Rosinski Papers au Naval War College (Newport, USA). Traduit de l’anglais par le commandant Jean Pagès.
  • [2]
    Jusqu’à présent inédites en français, ces lettres vont être traduites en appendice de la réédition de la Théorie du combat, Paris, ISC-Économica, 2e éd. 2010.
  • [3]
    Dans la suite du texte, Vom Kriege apparaîtra sous le sigle VK.
  • [4]
    Publié dans B. Mitchell Simpson III (ed.), War, Strategy and Maritime Power, Rutgers University Press, 1977(Nde).
  • [5]
    Voir Sir Julian Corbett, The Campaign of Trafalgar, Londres, 1911.
  • [6]
    Extension de la théorie de la flotte en vie (in being) : aussi longtemps qu’une force n’est pas détruite, même si elle est totalement passive, elle continue à peser sur le cours des événements (HCB).
  • [7]
    Traduit en appendice de Herbert Rosinski, Commentaire de Mahan, Paris, ISC-Économica, 1996.
  • [8]
    Air Vice-Marshall B.J. Ringston-McCloughry, War in Three Dimensions, Londres, 1949, pp.26-27.

I – Relation générale entre Politique et Guerre

1A – Selon Clausewitz (d’après la soi-disant note du 10 juillet 1827, les lettres sur la stratégie adressées au major von Roeder en date des 22 et 24 décembre 1827 [2] et le chapitre 6 B du Livre VIII de Vom Kriege) [3] : “La guerre n’est rien d’autre que la continuation de la politique avec (l’usage) d’autres moyens”.

2B – Cette pensée est ambiguë. “La guerre est la continuation de la politique” peut vouloir dire :

31) La guerre est conçue en fonction des conditions générales dans une période particulière de l’histoire mondiale afin que :

  1. le degré de coordination politique en vue d’une action politico-militaire donnée soit atteint ;
  2. le niveau des ressources économiques et les moyens pour leur mobilisation efficace soient satisfaisants ;
  3. les moyens pour assurer les mouvements des transports et les communications soient acquis ;
  4. la pensée psychologique du moment, c’est-à dire, avant tout la stabilité ou l’instabilité émotionnelle des civilisations à cette époque particulière, soit connue ;
  5. ainsi que les opinions générales des populations à une époque donnée sur le rôle et le caractère de la guerre et de la paix, avec comme exemples :
    • la guerre comme état d’hostilité naturelle contre tous les étrangers, ou, comme chez les Grecs, la guerre comme moyen de faire montre de sa bravoure individuelle : la guerre totale ;
    • la guerre comme un devoir religieux (djihad chez les Musulmans, croisades chez les Chrétiens) ;
    • la guerre comme moyen politique, qui a été pleinement utilisé dans le système européen d’équilibre des forces au xviie siècle ;
    • la guerre résultant de conflits pour lesquels aucune solution politique n’a pu être trouvée ; c’est le point de vue militaire du xixe siècle ;
    • la guerre en tant que maladie, démence ou crime ; c’est le point de vue des pacifistes au xixe siècle.

42) Cela peut signifier que toute la guerre est conditionnée par les structures spécifiques internes des deux adversaires (ou États et coalitions d’États se trouvant en conflit ouvert l’un avec l’autre). C’est ce que montrent :

  • les différences entre les systèmes français et anglais aux plans politique, économique et militaire au cours des guerres du xviiie siècle ;
  • aujourd’hui, ce serait entre des systèmes “démocratiques” et des systèmes “totalitaires”, pour ce qui est :
    1. de leur cohérence, leur moral, leur capacité de résistance, leur coopération et leur discipline au plan interne ;
    2. de leur attitude face à d’autres civilisations et États pour des questions comme :
      • la guerre préventive,
      • le maintien des libertés civiles,
      • les attitudes envers les combattants ennemis et les prisonniers de guerre ;
    3. de leurs positions spécifiques, de leurs forces et de leurs capacités.

53) Cette pensée peut aussi signifier que la guerre est tout simplement la poursuite immédiate d’objectifs politiques, lesquels sont au-delà des moyens d’action politiques (y compris les pressions économiques et psychologiques) et que, seul, le recours manifeste à la force est la solution. Clausewitz (VK, VIII, 6B) affirme que : “La guerre n’est rien d’autre que la continuation de l’interaction politique dans laquelle d’autres nouveaux moyens (application directe des forces) ont été introduits”. Dans VK, I, 1, 6, 23, il a avancé que : “La guerre que mène une communauté – c’est-à-dire l’ensemble d’une nation et tout particulièrement une nation hautement évoluée – naît toujours d’une situation politique spéciale provoquée elle-même par un dessein politique. C’est donc un acte politique”.

6C – L’analyse de la guerre en tant qu’“acte politique” pourrait toutefois conduire, à son tour, à deux idées extrêmes et opposées et déboucher sur la conclusion suivante :

71) La guerre est la continuation de la politique au sens où elle est le “substitut” de la politique. Dès lors que la politique a eu recours à la guerre, elle doit renoncer au pouvoir afin de laisser les chefs militaires décider de la forme de leur action uniquement selon l’essence de “sa logique interne”, dégagée de toutes les influences extrêmes et de toute interférence d’ordre politique.

8Il n’est pas rare de rencontrer ce point de vue. D’ailleurs, il était largement dominant parmi les chefs militaires des armées napoléoniennes, d’où son rejet par Clausewitz. Il était implicite chez le général McClellan dans ses relations avec le président Lincoln durant la guerre de Sécession. Il l’était aussi chez Moltke dans son opposition à Bismarck en 1866 et en 1870/1871 ; il l’a énoncé explicitement en 1871 dans son article “Sur la stratégie”. Finalement, ce point de vue était fondamentalement présent dans l’attitude du maréchal Joffre, face au gouvernement de la République française en 1914-1916, et aussi du haut état-major impérial japonais au cours de la deuxième guerre mondiale (voir le témoignage de l’ex-Premier ministre Tojo lors de son procès pour crimes de guerre qui s’est tenu à Tokyo).

92) À l’inverse, la guerre est un des moyens grâce auquel la politique cherche à atteindre ses objectifs ; en conséquence, il faut que la politique exerce sa prédominance et conduise la guerre. C’était la doctrine de Winston Churchill, de Joseph Staline, d’Adolf Hitler et de Benito Mussolini dans la deuxième guerre mondiale.

10D – Contrastant avec ces deux interprétations extrêmes, s’excluant mutuellement, l’approche de Clausewitz face à cette question est caractérisée par son effort pour reconnaître les deux faces de l’alternative et pour analyser en profondeur les rôles respectifs et les revendications des deux camps. Cette analyse, à la fois prudente et complète, voit le jour vers 1816 avec ce que Clausewitz appelle “un nouveau point de vue sur la théorie militaire” qui constitue le chef d’œuvre de toute sa philosophie de la guerre enfin arrivée à maturité. Il commence sa recherche en se posant les questions suivantes :

11

La nature d’une guerre est-elle la même que celle de toutes les autres ? L’objectif militaire d’un effort de guerre est-il différent de son but politique ? De quelle quantité de forces doit-on disposer pour une mobilisation en vue d’une guerre ? Avec quelles réserves d’énergie peut-on envisager de mener une guerre ?
Comment, dans l’“acte de guerre”, les nombreuses pauses se situent-elles ? Constituent-elles des éléments indispensables de l’“acte de guerre” ou de simples accidents (contradictions internes avec la nature de la guerre ?)
Sommes-nous contraints d’admettre que les guerres ne sont pas d’une unique espèce, mais sont modifiées et déterminées par les conditions variables dans lesquelles elles ont lieu ? Dans ce cas, quelles sont ces circonstances et ces conditions ?
Toutes les questions que soulèvent ces interrogations n’apparaissent dans aucun ouvrage écrit sur la guerre à cette date. Elles sont au moins esquissées dans des ouvrages parus récemment sur la conduite de la guerre dans son ensemble, c’est-à-dire sur la stratégie.
Cependant ces questions représentent les bases de toutes les réflexions, de tous les aphorismes que nous sommes capables de proposer en ce qui concerne l’ensemble des aspects de la guerre.
Sans la connaissance de ce qu’est l’objectif de la guerre (remporter la victoire), aucune théorie de la guerre n’est concevable.
Les tentatives pour bâtir une théorie de la stratégie sans tenir compte de ces questions ont, par conséquent, été vaines. La pratique les a réfutées, les a condamnées.

12E – Clausewitz (VK, VIII, 6, B) débute son raisonnement par trois réponses importantes à ces interrogations :

  1. La guerre n’est qu’une partie de la politique ;
  2. La politique exerce son influence prédominante à travers tout le déroulement des actions militaires ;
  3. Seule la politique peut concevoir la guerre de manière à en faire un tout unifié.

13La guerre est la continuation de la politique avec d’autres moyens. Nous affirmons ainsi, à la fois, que cette interaction politique ne s’interrompt pas parce qu’il y a la guerre, qu’elle ne s’est pas transformée en quelque chose de radicalement différent, mais que la politique doit continuer à être appliquée conformément à ses fondements, quels que soient les moyens employés pour atteindre ses objectifs.

14Nous affirmons ainsi que les lignes directrices grâce auxquelles les opérations militaires ont pu être conçues et menées à bien ne sont rien d’autre que les lignes d’action mises à la disposition de la guerre par la politique et qui courent à travers les opérations militaires jusqu’à aboutir à une décision dans la paix. Comment pourrait-il en être autrement ?

15Quand l’échange de notes entre diplomates cesse, cela veut-il dire que les relations politiques entre les différentes nations et entre leurs gouvernements respectifs sont dès lors interrompues ?

16La guerre pour les nations, n’est-elle pas une autre façon de manifester leurs pensées politiques ainsi que leurs intentions ? Il est vrai que la guerre possède son propre code, mais pas sa propre logique qui reste celle de la politique dominante.

17Ce n’est qu’en considérant la guerre à travers cet aspect “politique” qu’elle peut être comprise comme une action unifiante, cohérente et solide. À partir de ce “point de vue politique”, quelles que soient leurs profondes différences dans leur cohésion et dans leurs objectifs, les guerres peuvent être envisagées comme diverses variantes d’une seule et même faculté d’agir. Seule cette “conception politique de la guerre permet d’en établir le correct et exact fondement et le point de vue à partir desquels les plans d’opérations de campagne peuvent être conçus, analysés et critiqués” (VK, VIII, 6B).

18La guerre n’est pas qu’une simple explosion de violence ; dès le début, après avoir été déclenchée par la politique, elle ne prend pas la suite de celle-ci comme quelque chose de complètement indépendant et obéissant à ses propres lois ; en d’autres termes, elle n’est pas comme une mine qu’on a réglée pour exploser dans une direction donnée et uniquement suivant ces conditions initiales, mais est insensible à l’influence extérieure qui s’exerce sur son fonctionnement.

19Tout au contraire, la guerre naissant d’une intention politique, il est naturel que cet élan qui en est à l’origine continue à faire prévaloir pendant toute la durée du conflit la raison primordiale qui détermine l’évolution de la guerre.

20Ceci ne signifie pas que l’influence prépondérante de l’intention politique dans la guerre devrait être une tyrannie digne d’un despote. Cette intention politique doit tenir compte de la nature particulière de l’instrument qu’elle emploie ; il arrive fréquemment qu’elle soit complètement transformée par les exigences de cet instrument. Cela signifie uniquement que l’intention politique se trouve être à tout moment et dans toutes ses phases, l’influence qui doit être d’abord prise en considération.

21C’est ainsi que nous arrivons à la conclusion que l’influence politique s’insinue dans l’“acte de guerre” et cela à tous ses stades ; elle exercera sans cesse son action sur le cours des événements. Clausewitz ajoute prudemment que le degré du “caractère explosif” des forces et des événements que la politique a déclenché en ayant recours à la guerre va provoquer des phénomènes d’interférence (VK, V, 1 ; vers 1829).

22F – Clausewitz est donc loin de prôner une prédominance absolue et inconditionnelle de la direction politique et de ses objectifs sur les préoccupations professionnelles du militaire. En réalité, il a débuté son raisonnement en donnant de l’influence prépondérante du leadership politique une image très forte, mais il l’a fait seulement afin de réfuter et d’éliminer d’emblée les notions erronées largement répandues, à savoir que la guerre pouvait être menée par la direction politique ou bien en dehors d’elle, en progressant exclusivement selon sa “logique ou son raisonnement militaire interne”.

23La direction politique doit prédominer :

  1. parce qu’elle est le maître alors que le militaire n’est que l’exécutant ;
  2. parce que, seul, le point de vue politique peut coordonner les formes d’action politique spécifiquement militaires avec d’autres formes, par exemple, l’influence qu’exercent l’économie et la psychologie ; cela assurera la coordination parfaite de l’effort de guerre.

24À partir du moment où Clausewitz a affirmé avec force l’absolue nécessité de l’indiscutable prédominance du politique sur le militaire, il revient sur ses pas et entreprend de lui donner des compétences indispensables. La politique se doit de connaître la guerre, instrument qu’elle se propose d’utiliser, et en particulier ses limites.

25Si la guerre est une chose trop dangereuse pour être confiée aux seuls militaires, elle l’est aussi quand elle est déclenchée par des politiques à qui manque la parfaite connaissance de ce qu’exige sa préparation et de ce qu’entraînent ses possibles conséquences.

26Par conséquent, la politique doit s’abstenir d’exiger du commandement militaire des efforts que manifestement il n’est pas en mesure de fournir (VK, VIII, 6B). Les organisations militaires en général et les commandants en chef, dans tous les cas concrets, ont également le droit indéniable d’exiger que la direction politique ne donne pas à la guerre et à ses objectifs une direction qu’ils ne peuvent pas satisfaire. On doit prendre très au sérieux cette exigence des militaires, laquelle dans bien des cas peut contraindre la direction politique à une révision radicale de ses intentions et donc de ses plans. Cette révision doit être toujours clairement comprise comme n’allant pas au-delà d’une modification des exigences fondamentales de la politique qui reste prédominante (VK, I, 1).

27G – Ainsi, le système de relations entre la “politique” et la “guerre” n’est ni simple, ni susceptible d’être défini avec exactitude. Le droit de prévaloir que détiennent le politique et la direction est irréfutable et cette prévalence indiscutable tire sa légitimité uniquement des exigences et des moyens purement militaires. Par conséquent, la question n’est pas celle d’une simple tutelle d’une orientation politique sur une action militaire, mais d’une relation de réciprocité entre “politique” et “guerre”. Cette relation de réciprocité entre “politique” et “guerre”, entre directions politique et militaire et entre considérations politiques et raison militaire est cependant entachée d’“inégalité”.

28Les deux côtés, bien qu’exerçant des influences réciproques, ne sont pas, pour ainsi dire, sur le même plan. La situation supérieure du leadership politique étant, comme on l’a dit, indiscutable, n’est mise en doute dans aucun cas concret par une quelconque restriction imposée par des exigences militaires.

29Les relations entre “politique” et “guerre” peuvent ainsi être comparées aux relations réciproques, également “inégales”, entre parents et enfants. Il existe un facteur qui confère plus d’importance à la signification de la “guerre” par rapport à la “politique” quand on la compare à celle qu’a l’enfant vis-à-vis de ses parents.

30La guerre est une question de “vie et de mort” pour la communauté qui s’y est engagée. Les évaluations des capacités militaires et des décisions prises dans le domaine stratégique risquent donc d’entraîner des conséquences incomparablement plus graves que dans la plupart des autres domaines.

31Même si des erreurs d’appréciation ont été découvertes, on n’aura généralement pas le temps de les corriger assez tôt. Ainsi, les exigences de la direction militaire dans ces relations foncièrement “inégales” devraient être prises sérieusement en compte par la direction politique prédominante, sauf évidemment quand d’impérieuses raisons s’y opposent. Voici des exemples historiques illustrant ce propos :

  1. la controverse à propos de la décision politique prise par Churchill d’arrêter les opérations militaires de la viiie armée britannique victorieuse des troupes du maréchal Graziani et d’envoyer des forces alliées au secours des Grecs menacés par l’offensive imminente de Hitler au printemps 1941 ;
  2. la protestation définitive du général Ridgway contenue dans sa lettre du 15 juillet 1955.

32H – Dans les relations entre “politique” et “guerre”, cette dernière n’est :

  1. ni une forme absolument autonome d’action se situant elle-même à la place de la politique ;
  2. ni une forme complètement dépendante d’action commandée par les diverses considérations des exigences politiques ;
  3. ni un domaine semi-autonome d’action qui possède, dans le langage de Clausewitz, son propre “code”, bien qu’il soit d’une manière permanente soumis à la “logique” ou à la “politique” prépondérantes.

33Ainsi, la guerre a ses raisons militaires propres qui sont logiques en théorie alors que, dans quelques cas concrets, elles sont immanquablement détournées et déformées par l’influence prépondérante des considérations et des décisions politiques.

II – Théorie générale de la guerre considérée comme appartenant à un “domaine semi-autonome’’

34L’existence de cette “argumentation militaire” de l’acte de guerre, est d’une importance vitale pour le développement d’une théorie de la guerre crédible et structurée.

351) En principe, la planification dominante de la politique et de la direction de la guerre ne peut être réduite à une théorie universelle. Les situations, les intentions et les influences politiques sont trop complexes et trop variables pour permettre une généralisation. Elles sont, selon l’affirmation répétée de Clausewitz, si complexes que leur enseignement déconcerterait Newton lui-même. Les exigences politiques et les conséquences d’une guerre particulière ne peuvent en principe être déterminées à l’avance. Il n’est pas possible de fixer en termes généraux, soit ce que nous devrions exiger de l’adversaire, soit les moyens militaires grâce auxquels nous pourrions espérer nous en emparer. À certaines époques et dans certaines circonstances, par exemple au cours des guerres de la fin du xviie siècle et de la première moitié du xviiie siècle, même la menace d’actions militaires ou bien une faible, mais concrète, manifestation de telles actions ont été suffisantes pour amener l’adversaire “à traiter”. Dans d’autres cas, l’occupation même de la capitale du pays ennemi (Napoléon en 1812 en Russie) ou la menace d’une occupation possible de Moscou (Hitler en novembre 1941) n’ont pas permis de faire fléchir une résistance déterminée.

36L’occupation complète ou partielle du territoire ennemi n’a même pas donné l’assurance que l’adversaire se rendrait. Ainsi, un adversaire déterminé peut, “en exil” continuer la lutte avec ses propres forces ou, plus vraisemblablement, avec celles de ses alliés invaincus.

37Les exemples historiques de tels faits sont nombreux :

  1. les “Gueux de la Mer” hollandais dans leur lutte contre l’Espagne ;
  2. les “réformateurs” prussiens en 1812 ;
  3. les “gouvernements en exil” à Londres en 1940-1945.

382) À l’inverse, l’effort militaire nécessaire pour :

  1. provoquer l’“effondrement complet de la puissance de résistance ennemie”
    ou
  2. remporter un succès militaire de moindre importance comme :
    • la conquête partielle d’une province ou celle d’une simple forteresse,
    • une guerre défensive,

39est susceptible d’être analysé avec exactitude pour déterminer quand on devrait avoir recours à de telles actions et quelle devrait être la stratégie.

40Clausewitz analyse le premier cas, celui des opérations se portant contre des “objectifs logiques” entraînant une défaite complète de la faculté de résistance de l’ennemi, sous le titre “guerre totale”, laquelle constitue l’argument militaire prédominant en temps de guerre, à la fois pour l’attaque et pour la défense (VK, VIII, 4, 9).

41Partant de l’analyse fondamentale de l’argumentation militaire qu’elle soit “logique” ou “naturelle”, en tant que “guerre totale”, Clausewitz s’emploie à établir l’argumentation de ces types de guerre dans lesquelles les conditions pour arriver à un effort décisif sont absentes ; la stratégie doit alors se résoudre à rechercher un objectif de moindre importance soit :

  1. une offensive limitée, ou
  2. une défense limitée.

42Le cas d’une “défense illimitée”, c’est-à-dire celui d’une stratégie qui débute par la défensive mais qui, ayant réussi à affaiblir définitivement l’adversaire, décide alors de choisir l’objectif qui conduira à l’effondrement complet de sa capacité de résistance (ainsi la stratégie russe de 1812-1814 et celle de 1941-1945) est traité par Clausewitz à la fin du chapitre capital sur la “guerre totale” (VK, VIII, 4).

433) Les oppositions entre “guerre limitée” et “guerre totale” et, à l’intérieur de cette dernière, entre “offensive limitée” et “défensive limitée” sont traitées par Clausewitz. À propos de la confusion constante entre une guerre politiquement limitée et une guerre militairement limitée, il est nécessaire de souligner que, dans son analyse centrale (VK, VIII, 4 et 5), il s’occupe de la guerre militairement limitée. En fait, toute son argumentation n’est compréhensible et concluante que si la “guerre limitée” est essentiellement définie comme une guerre au cours de laquelle il est impossible de parvenir à une décision.

44La conséquence, c’est-à-dire la limitation de la guerre due à l’insuffisance des moyens militaires, est le résultat d’une nécessité objective. En résumé, on peut définir ce type de guerre comme représentant un contraste parfait avec le type dans lequel les forces prévues pour assurer la décision finale sont disponibles, une telle décision aboutissant à la “guerre totale”.

45Ce plan de guerre logique, aussi simple que clair, est :

  1. soit prévu pour une décision finale qui est l’effondrement total de la capacité de résistance de l’ennemi ;
  2. soit incapable de conduire à une décision finale, donc se restreignant à une offensive limitée ou à une défense limitée.

46Ce plan de guerre logique est susceptible d’être confondu avec un autre type de “guerre limitée”, dans lequel la limitation n’est pas la conséquence d’une force insuffisante, mais plutôt d’un manque de détermination ou d’intérêt. Cela signifie essentiellement qu’on a affaire à une restriction pour motif politique, limitée au domaine politique et non en fonction d’une argumentation militaire (VK, VIII, 5).

47Ce type de guerre était le plus fréquent dans les conflits du xviie et du xviiie siècles. Il faisait intimement partie de la conception qu’avaient les militaires de la “guerre limitée”. Clausewitz, pendant longtemps, n’a pas pu différencier les deux types de guerre limitée car ils étaient intimement mêlés. Ce n’est qu’au moment où il a élaboré sa note du 10 juillet 1827 qu’il est finalement parvenu à résoudre cette question avec clarté et précision, distinguant bien la guerre limitée militairement (VK, VIII, 5) de la guerre limitée politiquement (VK, VIII, 6A).

48Sa dernière affirmation, à savoir que la guerre n’est “rien d’autre que la continuation de la politique par d’autres moyens” sert, outre d’autres buts, à fournir un fondement commun, ou une base, à trois types de guerre définis militairement (VK, VIII, 6) :

  • guerre totale ;
  • guerre offensive militairement limitée ;
  • guerre défensive militairement limitée et guerre politiquement limitée (VK, VIII, 6).

49Pour Clausewitz, cette distinction n’est pas une simple subtilité théorique, car elle possède une signification pratique parfaitement définie. Les deux types de guerre militairement limitée le sont pour des raisons militaires pertinentes ; ainsi, elles sont susceptibles d’être définies avec une grande précision par la théorie militaire. En revanche, la guerre politiquement limitée ne peut être l’objet d’une analyse théorique claire et précise.

50Il est tout à fait évident (Clausewitz résume la question à la fin de VK, VIII, 6A) que la théorie de la guerre est en mauvaise posture (en essayant de définir une guerre politiquement limitée) si cette théorie tient à demeurer une étude philosophique (c’est-à-dire universellement valable et contraignante).

51Tout ce qui est indispensable à la théorie de la guerre semble en être absent. La théorie militaire se trouve alors en danger de perdre tous ses véritables appuis. Ce cas spécial trouve rapidement sa propre et naturelle échappatoire hors du dilemme. Plus l’“acte de guerre” est déterminé par des influences qui tendent à réduire sa cohérence ou plutôt, plus les motifs (dans chaque camp) sont insuffisants, plus la conduite de la guerre dégénère et passe de l’“action” à l’attitude passive qui consiste à “laisser les événement suivre leur cours”.

52Dès lors que les entreprises ne sont plus des actions résolutives, il n’est plus besoin pour les conduire de faire appel à des principes très stricts. Ainsi, l’art de la guerre dans sa totalité se transforme en une simple manœuvre de précaution ; celle-ci ne sera pas d’abord une action formelle, mais plutôt une action destinée à éviter que cet équilibre instable ne s’effondre soudain sous nos pieds ; cela empêche aussi que cette guerre menée sans enthousiasme ne se transforme soudain en un véritable sursaut.

III – Le cadre général de la guerre et les caractéristiques de la stratégie

53A – L’interprétation que donne Clausewitz de la guerre n’est pas convenablement éclaircie :

541) Sa théorie de la guerre est trop étroitement axée sur les opérations de campagne et plus spécialement sur leur aspect stratégique.

552) La théorie politique de la guerre est exclue comme n’étant pas susceptible d’être théoriquement analysée. Elle forme ainsi seulement un cadre pour sa propre “théorie stratégique” (VK, I, 1).

563) L’analyse de l’organisation de l’effort de guerre (mobilisation industrielle, ravitaillement, logistique) est reconnue possible par Clausewitz, mais trop ennuyeuse à traiter (VK, II, 1).

574) La définition clausewitzienne de la stratégie elle-même hésite entre deux concepts différents :

  1. un concept originel, étroitement lié aux aspects stratégiques des opérations sur le terrain. La stratégie est la combinaison de tous les combats individuels en vue d’atteindre l’objectif de l’opération ou de la guerre (VK, II, La théorie de la guerre, 1 ; III, Stratégie, 1) ;
  2. parallèlement à cette définition stricto sensu de la stratégie, la coordination des opérations sur le terrain apparaît de plus en plus chez Clausewitz comme une définition “au sens large” qui s’apparente à “l’organisation générale et à la coordination de la guerre dans sa totalité”.

585) La comparaison entre les diverses définitions clausewitziennes fait apparaître :

  1. qu’il élabore au début une théorie de la stratégie de campagne, contrairement aux idées de von Bülow et à d’autres définitions basées sur des théories mécaniques et superficielles ;
  2. que, par la suite, il a admis que la stratégie comportait, au-delà de cette idée d’opérations sur le terrain, une connotation plus large ; en revanche, il n’élargit pas suffisamment ses définitions et même ne les rend pas plus claires ou encore, ne les différencie pas nettement de la définition (a).

59B – Ce manque de précision dans la définition de la stratégie par Clausewitz n’est pas accidentel, mais tient à la nature du sujet. Nous avons ailleurs défini à nouveau la stratégie (New Thoughts on Strategy, US War Naval College, 12 septembre 1955) [4], comme étant :

60

L’organisation dans son ensemble de la puissance militaire, alors que la tactique est son application immédiate.

61Cette redéfinition de la pensée fondamentale de Clausewitz a été nécessaire pour l’élargir dans deux directions essentielles :

621) Celle qui couvre l’organisation de la puissance militaire nationale dans tous ses domaines et aspects, mettant sous le pouvoir de la stratégie :

  1. la mobilisation de la nation ;
  2. la défense territoriale passive et active ;
  3. la direction et la maîtrise du ravitaillement et du réseau de communications.

63Tout cela est exclu de la définition de la stratégie des opérations de Clausewitz et exposé sans grande netteté dans sa définition de la stratégie globale.

642) Celle qui reformule la définition de la stratégie de telle manière qu’elle puisse servir de définition de la stratégie globale des opérations ; dans ce cas, les stratégies spécifiques aux guerres sur terre, sur mer ou dans les airs peuvent être considérées comme des variantes particulières ; leurs caractéristiques sont déterminées par les particularités physiques du milieu dans lequel ces stratégies opèrent, ainsi que par le type des armements (navires, avions, missiles) en fonction desquels ces stratégies spécifiques ont été conçues.

65C – Dans le même texte du 12 septembre 1955, faisant un bref survol de la stratégie, nous avons proposé une définition de celle-ci en invoquant la notion de maîtrise. Cette définition de la stratégie en tant que maîtrise possède les avantages suivants :

661) Elle définit exactement le caractère particulier de la stratégie ;

672) Elle coordonne ses différents domaines :

  1. direction de la mobilisation nationale,
  2. direction de la défense territoriale,
  3. maîtrise des lignes de communication et du ravitaillement (logistique),
  4. direction des opérations sur le terrain ;

683) Elle coordonne les deux aspects principaux des opérations sur le terrain :

  1. par l’action contre la faculté de résistance de l’ennemi,
  2. en s’emparant d’une de ses possibles voies de contre-attaque ;

694) Elle étend, clarifie et organise l’application des deux conceptions de Clausewitz :

  • la stratégie opérationnelle sur le terrain,
  • la direction globale de la guerre.

IV – La stratégie en tant que maîtrise : maîtrise globale de la guerre

70A – La guerre a besoin de l’effort suprême de la communauté quelle qu’elle soit, entraînant la mobilisation totale :

  1. de la main d’œuvre ;
  2. de ses ressources.

71B – La guerre est, par conséquent, la plus complexe de toutes les actions humaines (VK, I, 3 ; II, 1 ; VIII, 3A).

72C – Tous ces divers aspects de la guerre constituent un tout cohérent (VK, II, 5 III, 1 ; VIII, 3A).

73D – À la guerre toute chose doit être aussi simple que possible (VK, II, 2).

74E – La tâche de la stratégie est de coordonner et par conséquent de simplifier la complexité des éléments entrant dans l’effort de guerre lesquels réagissent les uns sur les autres (VK, III, 1) :

75

Ainsi dans le domaine de la stratégie tout est très simple mais pour cette même raison tout n’est pas facile pour autant. Quand on a déterminé, d’après la situation générale d’un État, quel type de guerre il peut entreprendre pour le mener à la victoire, le moyen d’y parvenir est aisément vérifiable. mais quand il s’agit d’entreprendre les efforts nécessaires pour appliquer les plans prévus, les conduire à bonne fin et empêcher qu’on s’en écarte mille fois sous l’empire de circonstances diverses, alors tout cela exige qu’il existe, au niveau supérieur de l’État, des hommes doués d’une force de caractère exceptionnelle, d’une vue claire et exacte des choses et d’une puissance intellectuelle hors du commun.
Ainsi, parmi les nombreux peuples, l’un se distinguant par son énergie, l’autre par son intelligence, cet autre encore par son audace ou son opiniâtreté, il est possible qu’aucun d’entre eux ne soit capable de rassembler en lui-même toutes les qualités qui feraient de lui le commandant en chef placé au-dessus de la médiocrité.

76F – “Stratégie en tant que maîtrise” signifie que toutes les forces et les ressources d’une communauté agissent et œuvrent d’une manière claire et déterminée pour :

  1. rendre possible une action réputée efficace ;
  2. porter au maximum l’efficacité de cette action.

77G – Dans ce sens, voici ce que la maîtrise implique :

  1. maîtrise de la guerre à l’échelon national, c’est à-dire maîtrise politique de la volonté et du moral de la nation ; maîtrise économique des ressources nationales, des moyens industriels, de l’équilibre des finances et de l’économie ; défense de la nation contre toutes les formes d’attaque grâce à des forces actives, passives et psychologiques ;
  2. maîtrise des lignes de communication, comprenant la possibilité de projeter des forces nationales au-delà des frontières, ainsi que la protection de la circulation du ravitaillement et des renforts ;
  3. maîtrise des opérations, qui comprend la maîtrise stratégique au sens restreint de Clausewitz dans sa définition de la stratégie de campagne ;
  4. maîtrise de la coordination au plus haut niveau, c’est-à-dire coordination de ces trois domaines séparés, en vue d’une seule action réfléchie accomplie avec le maximum de puissance et de flexibilité.

V – La stratégie en tant que maîtrise : maîtrise des opérations sur le terrain

78A – À l’exception des affrontements entre primitifs ou de cas très exceptionnels, la guerre n’est jamais simple au sens où elle est réduite à une unique action : la bataille. La conduite de la guerre est l’organisation et la direction du combat. Si ce dernier ne consistait qu’en une unique action, il serait inutile de s’en préoccuper davantage. Cependant, la guerre n’est qu’un ensemble d’un plus ou moins grand nombre d’actions individuelles, lesquelles sont indépendantes les unes des autres et que nous appelons “combats”. De cette multiplicité de combats dans la guerre, découle la nécessité d’établir une distinction entre deux activités différentes mais assurant toutes deux la direction des opérations :

  1. la préparation et la direction des tactiques de combat individuelles ;
  2. la combinaison de ces combats afin d’atteindre grâce à eux l’objectif militaire de la guerre : c’est la stratégie de campagne (field strategy), (VK, II, 1 ; I, 1 et 8).

79B – La guerre n’est donc pas réduite à une seule décision militaire. Normalement, elle n’est pas contrainte de suivre une seule ligne d’action autour de laquelle les deux adversaires doivent nécessairement s’affronter.

80D’habitude, c’est l’inverse ; les guerres sont livrées sur de vastes espaces de continent, de mer et d’air et sur un ensemble complexe de ces espaces qui s’interpénètrent : les théâtres du conflit.

81C – La guerre n’est pas livrée contre un ennemi statique, mais bien contre l’adversaire qui réagit, ou mieux qui contre-attaque. Dans la plupart des cas, notre adversaire ne se contentera pas de s’opposer à nos intentions, car il aura à réaliser les siennes. Les deux stratégies qui s’opposent feront qu’“on en viendra aux mains”.

82Selon l’analyse de Clausewitz, la stratégie n’est pas l’évaluation de l’importance des forces matérielles et de leur organisation (capacités militaires), mais elle consiste aussi à tenir compte des facteurs moraux et intellectuels (lesquels ne sont pas susceptibles d’être correctement évalués à l’avance). En second lieu, elle consiste dans les interactions mutuelles découlant de l’indépendance des volontés et desseins des deux adversaires.

83La vivacité de réaction et l’interaction mutuelle résultant du début des hostilités constituent une particularité de l’action militaire. Nous ne sommes pas ici intéressés par les difficultés d’évaluer simplement cette réaction, car cette question est déjà implicite dans la difficulté déjà évoquée, qui oblige à tenir compte des forces morales et intellectuelles comme éléments de l’équation stratégique. Nous dissocions cette question de la première parce qu’une telle interaction réciproque des directions stratégiques va à l’encontre de tout le système de planification.

84L’effet qu’une des actions est apparemment susceptible de produire sur l’adversaire est le plus irréductible de tous les facteurs donnés. Cependant, la théorie doit s’en tenir aux faits qui peuvent être retenus ; elle ne pourra jamais inclure le cas spécifique vraiment individuel qui reste partout du domaine du jugement et du talent personnels. Par conséquent, il est tout à fait naturel que, dans une activité telle que l’action militaire, un plan conçu à partir de l’analyse des circonstances générales soit souvent bouleversé par des réactions personnelles tout à fait imprévues ; il en résulte qu’on doit accorder au talent les plus larges possibilités et attacher moins de confiance aux instructions théoriques dans le domaine de la stratégie que dans tout autre champ d’activité (VK, II, 2). “Si l’ennemi n’a que trois solutions pour s’assurer la victoire, a dit Moltke l’Ancien, vous verrez, Messieurs, qu’il en choisira une quatrième”.

85D – Ainsi, la stratégie, alors qu’elle était engagée sur sa propre voie ou peut-être sur plusieurs de ses voies en vue d’une action, doit toujours prendre en considération les multiples et imprévisibles réactions de l’ennemi et le danger toujours présent d’une offensive imprévue de sa part dans un secteur où on ne l’attendait pas. En général, la stratégie a eu tendance à penser que l’hypothèse fondée sur la pression exercée sur l’ennemi par nos forces devait provoquer chez lui une inquiétude suffisante pour que ses réactions inattendues restent facilement maîtrisables.

86Cette action de nos forces paralysant les mouvements de l’ennemi n’a qu’un caractère général et non absolu. Il est en effet possible que notre offensive ne puisse pas détruire la faculté de réaction de l’ennemi et que sa contre-offensive se montre efficace au point de bouleverser notre dispositif.

87Ainsi donc, la stratégie est soumise à la contrainte consistant à établir son champ d’opérations depuis la simple poursuite d’un objectif jusqu’à la maîtrise totale de tous les autres possibles, autrement dit de tout le théâtre ou des théâtres sur lesquels ont lieu les opérations en question.

88La direction des opérations conformément à la stratégie a ainsi non seulement le devoir d’être aussi cohérente que possible (VK, VIII, 3A), mais aussi d’être complète et détaillée dans ses instructions. Cette dernière idée a vu sa pleine réalisation dans les opérations terrestres avec le fameux plan Schlieffen et, dans le domaine naval avec la maîtrise stratégique des escadres françaises pendant la campagne de Trafalgar [5], ainsi que celle exercée par lord Barham sur ces mêmes escadres.

89E – La stratégie de campagne est ainsi caractérisée par la combinaison de la recherche d’un plan complet d’action et, simultanément, de la maîtrise entière du terrain et de la situation pour s’opposer à une autre action possible de l’ennemi. Cette combinaison particulière constitue l’aspect le plus complexe de la stratégie et représente son côté le plus difficile à satisfaire.

90Il est évident qu’il serait impossible d’affecter des forces appropriées en tous points ou le long de toute ligne qu’on défend. Il ne serait pas bon de disperser ses propres forces si l’on agissait ainsi. Donc, la stratégie, pour être complète, se doit d’opérer un choix ; elle doit chercher à réduire son champ ou sa situation stratégique en les confrontant au nombre minimum de lignes d’action ou à celui des points clés ; à partir de celles-ci ou de ceux-ci, elle peut simultanément espérer réaliser ses plans tout en conservant la maîtrise du terrain partout où c’est nécessaire (VK, VIII, 9). Cette question est l’essence et le cœur même de la stratégie de mouvement.

91F – La maîtrise du champ stratégique d’action et, par conséquent, celle de l’adversaire qui s’y trouve, est la base de la conduite stratégique. Cette notion de la stratégie en tant que maîtrise est, en outre, antérieure à la distinction que l’on fait à l’intérieur d’elle, entre “offensive” et “défensive”. Dans les deux cas, chaque camp s’efforce de maîtriser l’autre.

92La stratégie de campagne offensive, depuis sa position dominante, cherche à briser, au-delà de tous les succès individuels, la maîtrise qu’exerce son adversaire sur sa propre liberté d’action. Elle entend détruire la cohésion du dispositif de l’adversaire et, par là, sa faculté de résister plus longtemps à nos poussées. Clausewitz dit qu’elle cherche à ruiner la faculté de résistance de l’ennemi.

93G – La stratégie de campagne défensive s’efforce de conserver la maîtrise de sa position malgré les assauts ennemis. Elle tente de préserver sa propre cohésion et d’empêcher l’offensive ennemie de détruire son dispositif et sa maîtrise sur les mouvements adverses. Aussi longtemps qu’elle sera capable de faire ainsi, et qu’elle pourra s’opposer à tous les assauts qui se veulent décisifs, elle pourra endurer une longue suite de revers, elle pourra toujours continuer à exercer une stratégie efficace in being[6] et s’opposer à l’effondrement total de sa résistance.

94H – La stratégie de campagne peut ainsi être brièvement décrite comme la direction globale de la puissance militaire. Quant à la tactique, elle est son application immédiate.

95Cette dernière possède en outre l’avantage de pouvoir être transposée du terrain militaire dans lequel elle est née à n’importe quel autre domaine où elle a été appliquée par analogie ; par exemple, la stratégie et la tactique dans les campagnes politiques, dans les sciences, etc.

96La tactique est définie plus simplement comme étant l’application immédiate de la puissance (militaire) au-delà de laquelle la maîtrise totale de tout le domaine n’est pas nécessaire.

VI – Stratégie terrestre, navale et aérienne

97A – Toute guerre a été finalement livrée à partir d’une base sur terre pour être dirigée contre cette même terre ; la terre est le milieu naturel où vit l’homme. En outre, elle est la source principale des biens dont se sert l’homme. Les territoires des belligérants ont été les forteresses à partir desquelles les actions offensives et défensives ont été menées et contre lesquelles celles de l’ennemi se sont portées. Occuper complètement les bases territoriales d’un adversaire a toujours été l’objectif extrême et ultime de la guerre et de la stratégie. Toutefois, une telle prise de possession n’a pas été toujours suffisante pour triompher de l’ennemi (voir la note de Clausewitz datée de 1807/1808 proposant de livrer une guerre à la France reposant sur l’idée de couper les forces de Napoléon de ses bases territoriales : “Le territoire (ennemi) doit être conquis parce qu’une armée de notre temps hors de son territoire ne pourrait être que vaincue”) (VK, I, 2).

98Même si l’on a réussi à triompher de l’ennemi et si l’on a occupé son territoire, la guerre, c’est-à-dire la tension hostile et l’activité de forces ennemies, ne peut être considérée comme terminée aussi longtemps que la volonté de ces forces n’a pas été également annihilée ; c’est-à-dire, aussi longtemps que le gouvernement adverse et ses alliés n’auront pas été convaincus de signer la paix ou que les peuples ne se soumettent. Même si nous nous trouvons occupant complètement son territoire, il sera toujours possible que le conflit renaisse, soit du fait de l’ennemi, soit de ses alliés.

99Cela peut aussi arriver même après la signature formelle de la paix, mais cela ne prouve rien de plus qu’une guerre terminée ne mène pas toujours à une paix ferme et définitive. Dans tous les cas, malgré la signature formelle de la paix, des brandons mal éteints peuvent ranimer la flamme du foyer au lieu de couver sous la cendre.

100Les tensions hostiles se calment parce que toutes ces forces veulent la paix car, dans chaque camp, elles existent et sont, en toutes circonstances, nombreuses à refuser de cautionner une résistance prolongée. Quelles que soient les situations concrètes et les cas particuliers, nous devons souligner avec force qu’avec la conclusion de la paix, l’objectif de la guerre est atteint et le conflit terminé.

101En fait, la guerre n’a été que rarement capable de se donner un objectif aussi exceptionnel. Cet ultime objectif, ultime moyen pour arriver au but politique du conflit vers lequel convergent des enjeux secondaires, est la destruction de la faculté de résistance de l’ennemi, laquelle n’est en aucune façon réalisée à tout coup. Elle ne constitue pas une condition nécessaire pour la paix et ne peut être établie par la théorie comme un présupposé indispensable. L’histoire parle d’innombrables traités de paix signés avant que l’un ou l’autre camp ait été rendu incapable d’une résistance prolongée. En fait, dans certains cas, la paix a été conclue avant que l’un ou l’autre adversaire n’ait été sérieusement déstabilisé.

102Nous devons aller au-delà si nous envisageons de faire état d’événements historiques et admettre que, pour beaucoup d’entre eux, la tentative pour rendre l’adversaire incapable de continuer la résistance constituerait un postulat inutile ; nous voulons dire que, dans tous ces cas, la puissance de l’ennemi est très supérieure.

103En dépit de ces deux possibilités (paix obtenue à la suite d’une conquête totale et paix accompagnée de quelques avantages de moindre valeur), il n’en demeure pas moins que les objectifs ultimes vers lesquels toutes formes de guerre tendent normalement à converger quel que soit le domaine : terre, mer ou air sont :

  1. l’effondrement de la maîtrise de l’ennemi ;
  2. l’occupation de son territoire.

104Les différences dans les trois formes de stratégie terrestre, navale et aérienne, ne concernent pas les objectifs ultimes qui sont les mêmes ; la différence réside dans les efforts pour atteindre ces objectifs grâce aux diverses armes avec lesquelles on monte les opérations, en employant de nombreux moyens et méthodes.

105B – De toute évidence, la guerre sur terre est la forme fondamentale de la guerre. La terre est l’élément naturel dans lequel l’homme se déplace librement, s’établit, se retranche, etc. Sur terre, une fois qu’on en arrive à la décision, aucun adversaire ne peut se soustraire à l’autre. L’attaquant a besoin de disposer de la supériorité et est contraint d’opérer dans l’inconnu au petit bonheur, mais il se doit de prononcer son offensive sur son adversaire en maintenant une pression continue sur lui, tout en poussant ses efforts jusqu’à atteindre son objectif extrême, c’est-à-dire l’occupation du territoire et la soumission de son peuple.

106Le défenseur, de son côté, se trouve dans la position la plus forte qu’il puisse obtenir, car les zones qu’il a à défendre sont limitées. Quant à l’attaquant, ses mouvements sont gênés par le terrain et par les points fortifiés. Le défenseur peut prendre une position grâce à laquelle l’attaquant devra lutter dans une situation défavorable contre tous les avantages de la défense, contre le terrain et les fortifications ; si l’attaquant tente de contourner son adversaire, il courra le risque de se voir soumis à une manœuvre de revers sur son flanc ou sur ses arrières.

107Le défenseur, de plus, peut agir ainsi alors qu’il conserve ses forces dans un état de cohésion flexible. Prudent, il peut avec raison éviter d’être submergé en détail, utiliser tous les moyens, mobiliser successivement toutes les ressources de son pays, profiter du terrain et des défenses fixes ; tant qu’il bénéficie du soutien de la population, “il se retire dans l’intérieur du pays” (VK, VI, Défense).

108Ces faiblesses et ces avantages de la défense et de l’attaque font que leurs incompatibilités donnent à la guerre sur terre un caractère précaire d’instabilité. La force de l’attaquant, sa capacité d’énergie sont graduellement affaiblies par l’utilisation des moyens nécessaires à sa progression, sans compter les lignes de communications qui s’allongent, les difficultés du ravitaillement, l’opposition de la population civile ennemie et la nécessité de défendre les territoires conquis à l’arrière. Le résultat cumulatif se situe quelque part à mi-chemin, “point culminant de l’attaque” chez Clausewitz (VK, VII, 5), qui montre que la force originellement supérieure de l’attaquant tend à être compensée par celle du défenseur.

109Une supériorité marquée des forces attaquantes ou bien une monstrueuse bévue de la part du défenseur peut permettre aux forces attaquantes de détruire cet équilibre et de rechercher à tout prix à s’emparer de l’avantage pour arriver à la décision. Cependant, si l’attaquant décide d’agir ainsi sans posséder la force suffisante, si son offensive l’entraîne par l’effet d’un simple élan au-delà du “point extrême de sa force réelle”, il s’expose lui-même au danger de recevoir un coup d’arrêt qui peut se transformer en défaite (VK, VIII, 22 ; VIII, 4, 9) (Charles XII de Suède en Russie, 1708 ; Napoléon, 1812 ; Hitler, 1941-1945).

110Par conséquent, dans la grande majorité des guerres sur terre, les deux adversaires ont été simultanément capables de maintenir leur maîtrise sur leurs bases territoriales, tandis que leurs conflits ont été réduits à une lutte pour une bande de territoire plus ou moins large de chaque côté de leur frontière.

111C – Sur mer et dans les airs, il n’existe ni action directe, ni maîtrise, ni force défensive, d’où l’absence d’une tendance vers un équilibre à mi-chemin. L’immensité de ces éléments comparés aux continents, l’absence d’obstacles naturels, l’impossibilité de construire des fortifications, la plus grande mobilité des forces permettent de réussir avec beaucoup plus de succès qu’à terre une manœuvre de dérobement. Ni la mer, ni l’air ne connaissent de tranchées ou de divisions.

112Ainsi, la situation qui prévaut sur terre, dans laquelle les deux camps sont simultanément capables de profiter de la possession assurée de leurs bases territoriales, est fondamentalement impossible à réaliser sur mer comme dans les airs. Dans ces deux éléments, seul le camp le plus fort peut assurer sa propre sécurité unilatéralement en maîtrisant ou en éliminant l’adversaire.

113D – La guerre sur mer : avec les moyens limités de communication et d’observation dont on disposait avant l’ère de l’industrialisation de la guerre au xxe siècle, la maîtrise de la mer ne pouvait être maintenue efficacement, même dans un espace aussi restreint que la Manche (voir les guerres anglo-espagnoles et anglo-hollandaises). Ainsi, une flotte quelconque, une fois qu’elle avait réussi à gagner le large sans avoir été aperçue, était capable de se soustraire à ses adversaires et d’attaquer à l’improviste une multitude d’objectifs pour lesquels on ne pouvait prévoir à l’avance une défense efficace pour tous en même temps. L’adversaire ne pouvait étendre sa défense à tout son territoire national, non plus qu’à celui de ses alliés, ni à ses possessions coloniales, ni à son commerce maritime.

114Les exemples historiques illustrant cette faculté de dérobement que possède une force à la mer non détectée sont les suivants :

  1. les nombreuses manœuvres réussies qui ont permis aux Espagnols de se dérober et d’échapper aux forces navales britanniques lors des tentatives de débarquement en Irlande au xvie siècle ;
  2. les Hollandais ont fait de même au cours des guerres anglo-hollandaises ;
  3. la traversée que fit le vieux prétendant au trône d’Écosse depuis la France en 1708 et celle du jeune prétendant, son fils, en 1740 ;
  4. l’attaque surprise de Minorque et sa conquête par les Français à la fin de la guerre de Sept Ans en 1756 ;
  5. l’arrivée inopinée de de Grasse devant Yorktown en 1781. L’“effet dissuasif” que produisit une telle force, qui n’avait pas été repérée, et l’incertitude quant au lieu où allait se produire le débarquement, étaient des facteurs essentiels dans la stratégie navale jusqu’à l’époque où le développement systématique de la reconnaissance dans la deuxième guerre mondiale fut chose courante.

115Napoléon fit reposer tous ses plans sur la reconnaissance systématique lors de la campagne de Trafalgar en 1804, afin de semer la confusion chez les Britanniques et ainsi s’emparer temporairement de la maîtrise de la Manche orientale qui lui était indispensable pour l’invasion de l’Angleterre. Quand l’escadre de Villeneuve prit finalement la mer de Toulon, les destinations qu’on supposait être les siennes étaient aussi diverses que Malte, Alexandrie, les Antilles, l’Irlande.

116Les Britanniques, de leur côté, avaient compris depuis la première guerre anglo-hollandaise que la seule protection efficace de leurs intérêts dispersés dans le monde contre les forces navales françaises consistait, dans la mesure du possible, à les intercepter aux ports de départ, avant qu’elles n’atteignent le large, leur livrer bataille et les détruire ; si les Français souhaitaient garder leurs escadres dans leurs ports, lesquelles joueraient ainsi un rôle dissuasif, les Britanniques les neutraliseraient par un blocus.

117Cette stratégie navale basée sur la maîtrise systématique des forces ennemies fut finalement rendue plus efficace par les Britanniques au cours de la guerre de Sept Ans avec Anson et Hawke ; elle atteignit son apogée au cours de la campagne de Trafalgar sous Barham et Nelson.

118Dans cette stratégie de maîtrise ou d’hégémonie sur mer, ses deux aspects, l’offensif et le défensif, coïncidaient (Mahan, “Blockade in Relation to Naval Strategy”, Journal of the Royal United Services Institution, 1895) [7]. En revanche, sur terre, les deux formes stratégiques peuvent être séparées, alors qu’elles coexistent simultanément sur mer. Le principe fondamental de toute guerre navale était défini comme étant “la défense qui ne peut s’assurer que par l’offensive” (Mahan).

119Parce que “la mer est une unité”, elle ne peut être divisée comme pourrait l’être la terre entre deux camps opposés. Seul, l’un d’eux pourrait assurer la sécurité à ses nombreux intérêts largement dispersés dans le monde, s’il réussissait à interdire la mer à son adversaire.

120E – La guerre aérienne : dans cette guerre, il n’existe ni maîtrise partagée comme cela se passe sur terre, ni maîtrise unilatérale comme sur mer. Les caractéristiques essentielles de la guerre à trois dimensions sous la forme d’un bombardement à longue distance découlent justement de ce dernier élément : la portée, et aussi des propriétés du milieu dans lequel on opère. Ce milieu est homogène, omniprésent et pratiquement illimité en altitude. En conséquence, les possibilités de dérobement, très faibles dans la guerre terrestre, limitées dans la guerre navale, deviennent d’une importance extrême, à la fois dans l’offensive et dans la défensive.

121L’arme qui sert au bombardement à longue distance peut, par conséquent, compter sur la possibilité sinon sur la probabilité d’atteindre son but sans rencontrer de forces ennemies ou sans que ces dernières se manifestent. Ces chances d’éviter le contact sont encore accrues par le facteur supplémentaire que représente la rapidité qui caractérise l’arme de bombardement à grande distance dans toutes ses formes et en particulier par le genre de projectile. Ce type de bombardement n’a pas à tenir compte des obstacles géographiques : montagnes, rivières, déserts, littoral maritime, lesquels contrarient généralement les mouvements de forces au sol, les canalisent vers certains axes le long desquels une résistance s’organiserait. Cette caractéristique de la puissance se conjugue naturellement avec celle de la flexibilité. À l’intérieur des limites de sa portée, à partir de sa base, un missile guidé ou un avion, que ce soit avant son décollage ou pendant son vol, peut passer d’une cible à une autre en quelques secondes.

122

Les caractéristiques combinées du dérobement et de la flexibilité donnent aux moyens de bombardement à longue portée cette puissance de pénétration qui différencie fondamentalement l’espace à deux dimensions de celui à trois. Théoriquement, il n’existe pas de cible de surface que ce bombardement à trois dimensions ne puisse prendre pour objectif sans se soucier pratiquement du dispositif et de l’importance relative des forces armées opérant sur ou sous la surface et même, jusqu’à un certain point, sans se préoccuper de celles opérant dans les airs.
Le choix de l’objectif ne se décide qu’au tout dernier moment et peut être changé instantanément[8].

123Une particularité de la guerre aérienne intéressant directement le problème crucial de la “maîtrise stratégique” se rapporte à la différence qui existe entre les forces “offensives” et “défensives”. Sur terre comme sur mer, les forces armées jouent un double rôle ; elles se sont toujours mutuellement attirées en tentant de se maîtriser l’une l’autre.

124Quant aux flottes, elles furent constamment confrontées à leur problème crucial, qui consiste à chercher, puis à fixer, enfin à détruire l’adversaire et cela dans une mer sans limites. Toutefois, des forces de bombardiers n’ont pas, en principe, à se rechercher aux altitudes auxquelles elles volent, car elles se croisent en allant chacune vers son objectif sur le territoire adverse. Ces objectifs sont défendus par des armes particulières de types tout-à-fait différents : barrages de ballons, batteries antiaériennes, missiles sol-air, etc.

125Il en résulte que, dans la guerre aérienne, il existe une stratégie conforme au sens “d’une action menée avec détermination”, mais la stratégie consistant à rechercher la “maîtrise” de la réaction ennemie est ignorée.

126Si l’attaque est conçue par un esprit stratégique supérieur, elle devient capable de frapper sans arrêt, avec une concentration de forces implacable, une défense déjà désorganisée, en partie clouée au sol, en partie de portée et de mobilité réduites. Dans ces circonstances, il ne reste aucun espoir d’arriver à un équilibre des forces sur terre comme sur mer.

127L’attaque, à la longue, prouvera qu’elle est supérieure à la défense ; elle ne prend pas la forme d’une unique action cohérente servant en même temps à maîtriser la réaction ennemie pour devenir, par la suite, un parfait bouclier contre-défensif de ses propres bases et de ses positions, mais un courant d’offensives contre des objectifs individuels. De son côté, la défense reposera non pas tant sur les différents efforts que fait la défense locale, mais sur les contre-attaques des bases de la puissance aérienne stratégique ennemie (bases aériennes ou sites de lancement de missiles guidés), avec l’objectif de détruire celles-ci dans le plus bref délai.

128Une fois l’hégémonie aérienne acquise de cette manière, l’offensive aérienne peut se consacrer à la destruction systématique de l’organisation du système adverse dans les trois zones que sont l’intérieur, les communications et la guerre.

Notes

  • [1]
    Canevas d’une conférence prononcée à l’Army War College des États-Unis en novembre 1954, conservé dans les Rosinski Papers au Naval War College (Newport, USA). Traduit de l’anglais par le commandant Jean Pagès.
  • [2]
    Jusqu’à présent inédites en français, ces lettres vont être traduites en appendice de la réédition de la Théorie du combat, Paris, ISC-Économica, 2e éd. 2010.
  • [3]
    Dans la suite du texte, Vom Kriege apparaîtra sous le sigle VK.
  • [4]
    Publié dans B. Mitchell Simpson III (ed.), War, Strategy and Maritime Power, Rutgers University Press, 1977(Nde).
  • [5]
    Voir Sir Julian Corbett, The Campaign of Trafalgar, Londres, 1911.
  • [6]
    Extension de la théorie de la flotte en vie (in being) : aussi longtemps qu’une force n’est pas détruite, même si elle est totalement passive, elle continue à peser sur le cours des événements (HCB).
  • [7]
    Traduit en appendice de Herbert Rosinski, Commentaire de Mahan, Paris, ISC-Économica, 1996.
  • [8]
    Air Vice-Marshall B.J. Ringston-McCloughry, War in Three Dimensions, Londres, 1949, pp.26-27.
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