Staps 2010/2 n° 88

Couverture de STA_088

Article de revue

Reports of reading

Recensions

Pages 115 à 119

Bréhon, J. et Chovaux, O. (2009). Études sur l’EPS du Second Vingtième Siècle (1945-2005). Artois Presses Université

1L’ouvrage Études sur l’EPS du Second Vingtième Siècle (1945-2005) paru en mars 2009 aux Artois Presses Université, dans la collection Cultures Sportives, présente neuf textes réunis par Jean Bréhon et Olivier Chovaux. Ces textes sont issus d’une série de conférences, réalisées dans le cadre des journées « Yves Gougeon », sous l’égide de l’IUFM Nord/Pas-de-Calais. Tout au long des 234 pages, les auteurs éclairent l’EPS du Vingtième siècle selon trois axes de réflexions.

2Le premier porte sur l’identité de la discipline ; les deux contributeurs interrogent plus spécifiquement le statut scolaire de cette matière d’enseignement pour le temps contemporain. À travers une approche sociologique, Christophe Gibout présente un enchaînement stimulant de cinq points, aux titres attrayants (« De la carte d’identité aux écarts d’identité », « D’une identité compère à une identité que l’on perd », à titre d’exemples), qui partagent un fil conducteur centré sur « la complexité de la question identitaire dans sa combinatoire avec l’Education physique et sportive ». Joris Vincent, quant à lui, s’attelle à un projet ambitieux, participer à l’écriture de l’histoire du temps présent de la discipline. Une telle démarche historique semble légitime au regard de finalités « pré-professionnelles » évidentes (les candidats aux concours de recrutement de l’EPS étant invités à composer sur des questions contemporaines), mais, en s’intéressant à des acteurs toujours engagés dans la dynamique de la discipline, elle se prive « de cette précieuse aide de l’écart temporel » et suscite quelques réticences. Et pourtant, pari réussi pour Joris Vincent qui propose ici « un modèle d’analyse des dynamiques consensuelles et conflictuelles » animant l’EPS de 1981 à 2002, « entre équilibre et instabilité identitaire ».

3Le deuxième porte sur les aspects idéologiques de l’EPS et montre notamment que les évolutions de l’EPS restent intimement liées aux mutations politiques des périodes considérées. Jean Bréhon analyse deux processus, la scientifisation de l’EPS et sa didactisation, en plaçant au cœur de sa réflexion les enjeux et les acteurs en jeu. Il encourage le lecteur à revisiter l’histoire de la discipline à l’aune « des relations fécondes entre le politique, le culturel et l’éducatif ». C’est ce que Jean-Pierre Bogialla réalise dans son article, puisqu’en étudiant les liens entre « idéal éducatif, institution et EPS », il montre que « la discipline obéit avant tout à des choix philosophiques et politiques reflétant la conception que la société se fait, à un moment de son histoire, de l’homme à venir ». Jean-Marc Piwinski, quant à lui, aborde l’« institutionnalisation en EPS de la conception matérialiste dialectique du sport » depuis le milieu des années 1930. Guy Dœuff enfin, s’intéresse plus spécifiquement aux conceptions et pratiques pédagogiques en EPS. Il livre au lecteur une « tentative de compréhension des problématiques disciplinaires par leur intégration dans les conjonctures socio-politiques ». À travers quatre périodes, caractéristiques des changements politiques que la France connaît depuis 1945, l’auteur nous invite à appréhender les pédagogies comme « de véritables mises en œuvre politiques ».

4Ces deux premières parties ont le mérite de synthétiser les connaissances maintenant stabilisées, qui concernent l’histoire de l’EPS, à partir de son identité et de son environnement. Le dernier axe de réflexions porte sur l’organisation de l’EPS dans les états de l’Union Européenne. Si cette perspective est venue enrichir le programme de la première épreuve écrite d’admissibilité au concours externe du CAPEPS, elle n’était jusque-là que peu explorée. Les trois contributeurs interrogent ici les spécificités d’une « EPS à la française » dans une perspective comparatiste en tentant notamment d’illustrer comment la discipline s’enseigne en Europe, tentative méritoire compte tenu des matériaux disponibles. Olivier Chovaux, s’interroge tout d’abord sur l’introduction de la dimension européenne dans le programme de la première épreuve écrite d’admissibilité au CAPEPS. En organisant ses propos autour de la « formulation volontairement ambiguë » du libellé (« l’Education Physique et Sportive en Europe aujourd’hui : organisations et objectifs »), il met au jour trois écueils à éviter. Puis, tout en mobilisant et problématisant des données historiques récentes, qui raviront les candidats aux concours tant les sources sur la dimension européenne sont rares, l’auteur passe au crible cette « euro-éducation physique ». Jean Bréhon, pour analyser l’histoire de la discipline au regard des relations qu’elle entretient avec les « conceptions et pratiques venues d’ailleurs », mobilise les concepts d’une éducation physique « à la française » ou « franceétrangère » pour la seconde moitié du vingtième siècle. Projet vaste et ambitieux car, comme l’indique l’auteur, « la fragilité des sources et travaux disponibles force, en réalité, à la prudence ». Enfin, Nathalie Niedzwialowska soumet à la question les propos de Gilles Klein qualifiant l’éducation physique française de « terriblement sportive ». Mobilisant avec prudence la méthode comparative, l’auteure analyse successivement la place de la culture sportive dans différentes éducations physiques européennes, la situation de l’éducation physique française sur l’échiquier européen et compare « la manière dont est prise en compte l’hétérogénéité du public scolaire » en France et au Royaume-Uni notamment.

5Contrairement à notre parti-pris de présenter succinctement toutes les contributions dans l’ordre annoncé par le sommaire, précisons que chaque article se suffit à lui-même et qu’aucun ordre de lecture ne préside à la compréhension de l’ouvrage. La somme, coordonnée par Jean Bréhon et Olivier Chovaux, fait le point sur les travaux en cours et suggère une multiplicité de pistes à creuser pour l’avenir. On l’aura compris, cet ouvrage s’adresse évidemment aux étudiants en STAPS qui souhaitent préparer la première épreuve écrite d’admissibilité au concours externe du CAPEPS, mais il n’est pas qu’un ouvrage de préparation aux concours. Les précautions épistémologiques prises par chaque auteur et les cadres théorique et méthodologique systématiquement et clairement annoncés en font une véritable publication scientifique.

6Par Oumaya HIDRI-NEYS

7Maître de conférences en sociologie

8Faculté des Sciences du Sport et de l’Education Physique

9Université de Lille 2

William Gasparini, Gilles Vieille-Marchiset, Le sport dans les quartiers. Pratiques sociales et politiques publiques, Presses Universitaires de France, Paris, 2008

10Cet ouvrage est écrit par deux auteurs expérimentés dans le domaine de la sociologie du sport, et en particulier au sujet des collectivités territoriales. William Gasparini (professeur à l’université de Strasbourg et directeur de l’équipe de recherche en sciences sociales du sport) et Gilles Vieille-Marchise (maître de conférences à l’université de Franche-Comté et membre du laboratoire de sociologie et d’anthropologie) prennent pour objectif de répondre à trois questions qui interrogent les acteurs politiques des collectivités territoriales. En premier lieu, pourquoi les politiques, dès 1980, se sont-elles orientées vers la pratique sportive en la considérant comme un véritable remède miracle aux problèmes émergents des cités ? En second lieu, pourquoi les acteurs politiques se sont-ils accordés sur cette croyance collective ? Enfin, en dernier lieu, quels enjeux politiques et sociaux les dispositifs d’encadrement par le sport des jeunes dans les quartiers populaires sous entendent-ils ?

11Les politiques publiques, depuis 1980, prémices des premières contestations dans les cités françaises, ont choisi d’utiliser la pratique sportive comme une solution presque « divine » à tous les maux de ces jeunes en difficulté d’intégration sociale, culturelle et professionnelle : « tout se passe comme si le sport pouvait contrecarrer les errements d’une société, générant des exclus et des relégués » (p. 151). Or il est évident que le seul fait de placer un terrain de multisports type « citystade » au pied de l’immeuble n’efface pas tout d’un coup de baguette magique : « encore faut-il que les actions soient réfléchies et non pas seulement conçues comme un pansement aux vertus quasi-magiques, capables de résorber immédiatement les plaies sociales, autrement plus longues à cicatriser », comme le disent Dominique Bodin, Luc Robène, Stéphane Héas et François Le Youndre (« Le sport dans la cité : approche critique d’un traitement préventif de la violence », International Journal on Violence and School, n° 4, déc. 2007, p. 44). Ce choix s’appuie, bien entendu, sur les vertus prétendues du sport. Le Conseil de l’Europe a défini en Mai 2003 « les valeurs sociales du sport pour la jeunesse ». Selon ses rapporteurs, « le sport est une activité humaine qui repose sur des valeurs sociales éducatives et culturelles essentielles. Il est facteur d’insertion, de participation à la vie sociale, de tolérance, d’acceptation des différences et de respect des règles » (p. 154).

12« Dans le sport comme dans la vie, chacun à sa chance, il faut savoir la saisir : tel est le credo de la plupart des politiques publiques de développement social par le sport », précisent les auteurs (p. 152). Or les politiciens ont parfois du mal à percevoir le besoin « d’un accompagnement social, d’un coup de pouce pour se relever et poursuivre la route » (p. 153).

13Il faut rappeler que le sport devient un vecteur d’intégration, de cohésion grâce à l’intervention d’un encadrant qualifié, un éducateur qu’il soit social, sportif ou socio-sportif. C’est la condition sine qua non pour que celui-ci atteigne les objectifs présomptueux que la croyance collective lui attribue. En effet, le sport doit être placé au cœur d’un partenariat, à long terme, où tous les acteurs (la famille, l’école, l’association sportive et les éducateurs sportifs) sont impliqués. Il est alors un formidable « tremplin pour aborder des objectifs éducatifs, généraux et opérationnels» (p. 157).

14Dans le premier chapitre, intitulé « Sport, quartiers populaires, politiques publiques : des catégories à l’épreuve des sciences sociales », les auteurs entament un recadrage des notions existantes relatives à l’intégration par le sport. La définition du sport est rendue complexe par la diversité des pratiques qu’il cache. Les valeurs contradictoires entre le sport de compétition, source d’exclusion, et la pratique pour tous, outil d’intégration, y sont également développées. Cette partie questionne ensuite les modalités de pratique dans les quartiers populaires. L’étude révèle une préférence des jeunes vers le football et le basketball. La forte médiatisation de l’équipe de France métisse et de la « dreamteam » américaine serait une explication. Enfin, ce chapitre se clôture par l’étude du territoire urbain. En rappelant les caractéristiques de ces « quartiers de relégation » ainsi que le contexte historique et social depuis 1981 et les premiers balbutiements dans la cité des « Minguettes » à Vénissieux, il révèle le début des préoccupations politiques et les premières expérimentations d’intégration sportive au cœur des quartiers.

15Dans un second chapitre intitulé « La diversité de pratiques sportives dans les quartiers populaires : entre l’associatif et l’auto-organisé », les auteurs opposent les pratiques associatives, institutionnalisées, et les sports de rue, auto-organisés, en pleine expansion. William Gasparini et Gilles Vieille-Marchiset identifient les transformations du sport associatif dans les quartiers populaires qui apparaissent en France dans les années 1980 en prenant pour exemple la ville de Strasbourg. Ils questionnent ainsi la fonction d’intégration sociale du club sportif. La seconde partie facilite la compréhension des enjeux des nouvelles formes de pratiques auto-organisées. L’ouvrage de Laurent Pouquet intitulé Le sport en liberté, les français privilégient la pratique conviviale et les articles sécurisants (1995) confirme l’intérêt des jeunes publics pour ce type d’activité. Aujourd’hui, « les pratiques informelles ont le vent en poupe », « elles constituent désormais le mode de pratique de près d’un quart des jeunes de 14 à 17 ans et de plus de 40 % des individus de 18 à 65 ans », indique l’auteur (p. 80). Cet engouement explique les préoccupations des collectivités territoriales quant à la sécurité des pratiquants de ces « nouveaux sports urbains » qui se pratiquent sur l’espace public.

16Dans la troisième et dernière partie de l’ouvrage, intitulée « Les politiques sociales urbaines par le sport », les auteurs retracent l’histoire, de 1981 à nos jours, de « l’intervention publique dans les banlieues » afin de répertorier et d’analyser de manière concrète les exemples d’intervention des collectivités dans le sport social. L’exemple de l’implication de la ville de Strasbourg et du conseil général du Bas-Rhin est étudié à travers son action d’« ouvrir les gymnases » en proposant aux pratiquants non licenciés des activités sportives. Dans cette dernière partie, les deux auteurs font un constat important à analyser, l’exclusion des filles, qu’ils qualifient d’« effet pervers ». A l’heure d’aujourd’hui, les actions d’insertion sociale au sein des quartiers entraînent paradoxalement l’exclusion de la gente féminine. C’est pour ces raisons que certaines collectivités, comme Rennes et Strasbourg par exemple, commencent à orienter une partie de leurs actions vers l’insertion des jeunes filles par le sport. Cette féminisation des interventions est et sera vraisemblablement un des enjeux majeurs des rédacteurs de nouvelles politiques sportives.

17Cet ouvrage est un véritable outil d’aide à la réflexion, que ce soit pour les chercheurs, les étudiants en sciences sociales, ou les décideurs du monde politique, du plus haut niveau européen ou national aux petites collectivités, ayant une volonté partagée de créer ou d’affiner leurs actions envers et dans les quartiers. Toutefois, il est nécessaire de rappeler que le choix d’investir dans le sport est laissé aux acteurs politiques. L’enquête du « cabinet Tereko » pour le quotidien « Les Echos » parue le 24 octobre 2003 analyse les budgets du sport délivrés par les collectivités françaises. Cette étude, révélant les montants des budgets alloués au sport, permet d’extraire un double constat. Tout d’abord, les dépenses sont variables d’une collectivité à l’autre, ce qui laisse à penser que la priorité sportive de l’intégration reste encore à relativiser chez certains politiques, qui sont toujours à convaincre. Par ailleurs, le budget des collectivités alloué au sport est en quasi-totalité utilisé pour combler « le gouffre financier » que représentent l’entretien des infrastructures existantes et la création de piscines.
Il n’est donc pas seulement question du financement du sport dans les collectivités mais aussi de la manière de gérer les budgets réservés au sport. L’ouvrage de Gasparini et Vieille-Marchiset, en évoquant les sports autogérés (nécessitant peu de moyens) et l’importance de l’encadrement, laisse place à de nouvelles perspectives dans la gestion des budgets sportifs : minimiser les infrastructures pour favoriser l’encadrement. Encore faut-il trouver l’équilibre.
Cédric Lagathu

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.80

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions