Notes
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[1]
Lancé par SOS Racisme en 1999, le testing consiste à envoyer, pour un même poste, deux CV qui ne diffèrent l’un de l’autre que par une variable de discrimination. Les résultats obtenus peuvent être utilisés par les tribunaux comme preuve de la discrimination à l’embauche et donc entraîner des sanctions civiles et/ou pénales. On comprend mieux le malaise que peuvent ressentir les recruteurs à l’idée d’être enquêtés à leur insu.
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[2]
L’enquête « Génération 2001 », réalisée par le Centre d’Études et de Recherches sur les Qualifications, à la demande de la Direction de l’Enseignement Supérieur et en collaboration avec l’Observatoire National des Métiers de l’Animation et du Sport, s’est appuyée sur un millier de jeunes sortants de la filière universitaire STAPS pour analyser les premières années de leur vie active.
-
[3]
À Décathlon, les « Hôtes » ont une fonction d’accueil mais peuvent aussi venir renforcer l’équipe de vendeurs – les « Vendeurs Sportifs » conseillent les clients dans leurs choix et assurent la qualité de leur rayon – les « Responsables-Univers » encadrent l’activité commerciale d’un secteur en prenant en charge le recrutement, la formation et l’animation de leur équipe. Ces commerciaux évoluent sous la responsabilité du « Responsable-Magasin ».
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[4]
Nous tenons ici à remercier Adrien Vigier, Anthony Verbrugghe, Gaëlle Le Corre, Élodie Kieffer, Cécile Cara, David Gouju, Élodie Taramini, Pauline Govillé et Delphine Lecoy, étudiant(e)s en Licence 2 STAPS à l’Université de Paris-Sud XI, pour leur participation à l’enquête.
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[5]
Eymard-Duvernay et Marchal (1997, 81) ont relevé la différence entre des « repères-critères », c’est-à-dire des repères mobilisés comme étant des conditions sine qua non, et des « repères-indices », c’est-à-dire des repères qui devront être approfondis pour être décisifs.
Introduction
1La mise au jour des logiques qui structurent l’accès à l’emploi manque encore d’égards en sociologie, ceci pour deux raisons. En premier lieu, Marchal (1999) a montré que les pratiques des recruteurs résistent à toutes formes excessives de formalisation, Roblain (2004) allant jusqu’à conclure que leurs compétences consistent en l’art de se débrouiller. En second lieu, il faut souligner l’imperméabilité des professionnels du recrutement au regard extérieur, a fortiori scientifique. Soumis depuis 1999 à la pratique du testing [1], ils élaborent des stratégies d’évitement censées protéger leurs pratiques professionnelles. La peur de voir divulguer les clés de la sélection, garantie du maintien de leur utilité-efficacité, constitue sans nul doute une raison supplémentaire à leur évitement (Amadieu, 2002 ; Hidri, 2008). Il n’est donc pas étonnant de constater que les conditions d’accès à l’emploi, plus particulièrement dans le champ de la distribution d’articles de sport, demeurent, à ce jour, inexplorées.
2Pourtant, ce dernier constitue un gisement d’emplois, notamment pour les étudiants en STAPS. L’enquête « Génération 2001 » [2] montre que 58 % d’entre eux s’insèrent dans le secteur privé trois ans après leur sortie de l’Université. Parmi eux, 13 % investissent lors de leur premier emploi les entreprises qui relèvent du secteur du commerce, parmi lesquelles on trouve celles de la distribution d’articles de sport. À l’heure où l’insertion professionnelle des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, a fortiori celle des étudiants en STAPS, est questionnée, mettre au jour les logiques et pratiques de recrutement de ces entreprises s’avère particulièrement heuristique. Pour débuter ce vaste projet de recherche, nous avons circonscrit notre champ d’étude à Décathlon. C’est en 1976, sous l’impulsion de Michel Leclercq, que cette première grande surface de vente d’articles de sport en libre service ouvre ses portes, en proposant un nouveau concept : « équiper sous un même toit et au meilleur prix tous les sportifs du débutant au passionné ». Trente ans après, le concept s’est exporté (350 magasins répartis dans le monde), attire 100 millions de clients chaque année et se décline à travers deux métiers complémentaires, la vente au détail et la conception/production d’articles de sport. Avec un chiffre d’affaires et des effectifs en constante augmentation, Décathlon devient vite un offreur d’emplois incontournable : 6000 personnes recrutées en 2004 dont 1500 créations d’emploi. Leader européen de la distribution d’articles de sport, devant des concurrents tels Go Sport, Intersport, Sport 2000 ou encore Twinner, Décathlon semble donc constituer un terrain empirique pertinent pour débuter cette exploration du champ.
3En 2005, l’enquête « Offre d’emploi et recrutement », a permis pour la première fois « de recueillir des informations sur le déroulement et le contenu des procédures de recrutement externe menées dans les établissements » (Garner & Lutinier, 2006, 1). S’appuyant sur 4050 entretiens, les résultats montrent que fournir un curriculum vitae (CV), écrire une lettre de motivation et se rendre à un entretien constituent les modes privilégiés des recruteurs pour sélectionner un(e) candidat(e). Les procédures de recrutement adoptées par Décathlon pour son personnel commercial [3] respectent cette chronologie, mais au-delà des procédures, ce sont les logiques que nous souhaitons ici mettre au jour, et plus particulièrement, la place qu’occupent les pratiques sportives dans ces logiques de recrutement. Comment les recruteurs mobilisent-ils, mesurent-ils ces données tout au long du processus d’embauche ? Quelle importance leur accordent-ils pour formuler un jugement de qualité sur les candidats ? Quels sont les systèmes de valeur et repères normatifs qui orientent leurs pratiques ? Telles sont les questions auxquelles cet article tente de répondre.
4Après avoir présenté le cadre de notre étude et précisé la méthodologie utilisée, nous exposerons nos premiers résultats. Tout d’abord, « faire du sport » apparaît comme une condition sine qua non d’embauche ; un tel critère posant problème, tant par son évaluation que son insuffisance. Puis, nous verrons que les qualifications et/ou compétences sportives des candidats semblent subordonnées aux « valeurs » que les recruteurs associent à la pratique de ce type d’activités. Leur évaluation n’en étant pas plus aisée, « paraître sportif » s’avère constituer in fine le critère qui satisfait le mieux aux enjeux économiques de Décathlon.
1 – Cadre de l’étude
5Depuis une vingtaine d’années, les études menées sur le lien entre sport et entreprise se développent. Pourvoyeur de valeurs (Pociello, 1999), connoté positivement (Defrance, 2000), le sport illustre l’idéologie compétitive liée à la performance (Ehrenberg, 1991), il est même devenu un outil de management des relations humaines (Pierre, 2006). Le discours managérial tenu autour de la dimension symbolique du sport s’inscrit dans la volonté des entreprises de mobiliser leurs salariés. Ainsi, chez Décathlon, la formation, la gestion et l’évaluation du personnel se trouvent marquées par le langage sportif. Si l’on analyse les fiches-métier éditées et diffusées par l’entreprise, le Responsable-Magasin (RM) fait « gagner durablement son équipe », « fixe et fait vivre les règles de jeu de son équipe » et « fête les victoires », tandis que le Responsable-Univers (RU) « sanctionne les hors-jeu si nécessaire ». Quel que soit le poste occupé, l’entreprise attend de son personnel commercial d’avoir « un esprit sportif » (F13), étant entendu que l’esprit d’équipe, de compétition ou encore de dépassement de soi sont des valeurs communes aux deux espaces (Pierre, 2005). Ces discours ne sont pas spécifiques à Décathlon, ils relèvent du néo-management des années 1990 caractérisé par l’idéologie de la performance (Boltanski et Chiapello, 1999), mais ils semblent donner une cohérence plus forte à la gestion des ressources humaines d’une entreprise qui se présente comme un « micro-monde sportif » (F2). Si le rôle du sport dans la construction de l’identité de l’entreprise (Burlot, 2005), l’usage managérial de la pratique sportive (Pierre, 2006) et le recours à la métaphore sportive par les entreprises (Pociello, 1999) sont souvent questionnés, l’étude de la place du « sport » dans les logiques et pratiques de recrutement des entreprises fait figure d’exception (Hidri, à paraître). C’est ce que nous nous proposons de faire dans cet article pour le personnel commercial de Décathlon.
2 – Méthodologie
6Cet article s’appuie sur une enquête exploratoire menée par entretien semi-directif auprès de 15 recruteurs en exercice chez Décathlon. L’accès au terrain fut long (huit mois) et malaisé, il a exigé l’élaboration de nombreuses stratégies (mobilisation des tiers, activation de relais institutionnels, sollicitation de neuf étudiants [4]).
7À l’instar des travaux de Marchal (1999, 41), nous avons considéré le vocable « recruteur » dans son acception la plus large, c’est-à-dire qu’il englobe autant « les professionnels de cette activité » que « les personnes procédant plus ponctuellement à des recrutements ». Les premiers sont Responsables-Ressources Humaines (RH). De formation Bac +4/5 en management des RH, ils accompagnent les managers dans l’animation de leurs équipes, notamment lorsqu’il s’agit du recrutement des cadres commerciaux de l’entreprise. Les seconds peuvent être RU ou RM. Fonctions différentes dans l’entreprise, trajectoires et formations différentes (tableau 1) les caractérisent, mais « ces différences ne doivent pas masquer […] une certaine cohérence du groupe, du moins dans sa façon de “prendre” le métier » (Lazuech, 2000, 6). Cette cohérence s’exprime à travers l’utilisation systématique par les interviewés des pronoms pluriels « on » - « nous » pour évoquer des choix professionnels personnels, à travers les nombreuses redondances et expressions récurrentes repérées dans les discours recueillis. Cette homogénéité inter-entretiens de contenus s’explique par une politique forte de formation à l’interne développée par Décathlon. La formation « Recrutement » est d’ailleurs systématiquement suivie par les responsables commerciaux de l’entreprise. Bien que confidentiels, certains des outils-supports utilisés dans le cadre de cette formation nous ont été prêtés pour lecture par les interviewés.
8Les entretiens, d’une durée de 50 minutes à 1 h 55, abordaient systématiquement les trajectoires scolaire et professionnelle des interviewé(e)s, leurs représentations et pratiques professionnelles (évaluation des pratiques sportives, formulation du jugement de qualité, tests pratiqués, etc.), leurs attentes concernant les qualifications, compétences et qualités des candidats, leur rapport au corps et leur appartenance sociale. L’analyse des discours recueillis repose sur la base d’une analyse thématique réalisée à partir d’outils construits selon une double logique, horizontale et verticale. La première fait apparaître, à l’intérieur d’un même thème, des modes d’expression récurrents, des pratiques communes ou non. La seconde révèle, chez certains interviewés, des associations particulières de thèmes, des réticences manifestes à aborder certains sous-thèmes, etc.
3 – L’évaluation des pratiques sportives des candidats à l’embauche
3.1 – Faire du sport : une condition sine qua non ?
9Si certaines enquêtes ont pu montrer que les loisirs sportifs pouvaient recevoir une valeur positive facilitant l’accès à l’emploi (Hidri, à paraître), les logiques de recrutement adoptées chez Décathlon dépassent ce cadre puisqu’elles semblent faire du sport une condition sine qua non d’embauche. Quel que soit le poste à pourvoir, les annonces d’offres d’emploi diffusées par l’entreprise exigent « la pratique régulière d’un sport de l’univers ». Durant l’analyse des dossiers de candidature, les sports pratiqués, souvent expédiés dans la rubrique « divers » du CV, constituent pourtant « le critère numéro 1 » (H4), « la première ligne regardée » (F11), « la clé de voute » (F2). La pratique sportive apparaît tel un « repère-critère » [5] au sens de Eymard-Duvernay et Marchal (1997, 81), « un objectif d’entreprise » (H10), les recruteurs allant jusqu’à affirmer que « s’il n’y a pas de sport dans le CV, il passe à la trappe » (F2). Lors des entretiens de recrutement, cette thématique est à nouveau explorée, les recruteurs invitant les candidats à un jeu de questions-réponses qui, rapidement, se focalisent « sur les sports pratiqués, pour vérifier, valider oralement les données contenues dans les CV » (H9). Une différenciation des usages des « repères-critères » sportifs est à noter selon les postes proposés.
10Pour ceux d’hôtes et de vendeurs, « la pratique régulière du sport de l’univers » prime sur les qualifications détenues par les candidats. Même si les descriptions de chaque métier font état de compétences techniques (assurer la permanence flux de marchandises, la mise en rayon qualitative, la gestion fiable des retours, la rapidité des passages en caisse, etc.), les recruteurs sont unanimes, « ce que mon vendeur ou mon hôtesse a fait comme étude, je m’en fous, BEP Hôtellerie, Master de Droit et Bac pro horticole, c’est pas grave, c’est pas ca qui font d’eux des futurs décathloniens » (F13). Cependant, pour accéder au poste de RU, « une formation supérieure » est exigée, elle seule autorisant le passage immédiat au niveau de cadre commercial au sein du groupe. C’est ce que confirme Jonathan, titulaire d’un Master STAPS en management, « il faut soit être présent chez Décathlon depuis assez longtemps si on n’a pas fait un niveau d’étude assez grand ou alors il faut avoir un bac +4 pour pouvoir postuler en tant que responsable » (H3). Certes, le diplôme des candidats ne fait pas office d’« assurance qualité » (Ghaffari, 2004, 14) aux yeux des recruteurs interviewés, il représente plutôt une caution minimale. La pratique sportive et la possession d’un diplôme de l’enseignement supérieur constituent donc les deux premiers « repères-critères » activés lors du recrutement des cadres commerciaux de l’entreprise.
11Intégrer le personnel commercial de Décathlon suppose donc obligatoirement la pratique d’une activité sportive. Mais cette condition sine qua none d’embauche pose problème à deux niveaux.
3.2 – Des formations internes compensatrices
12En premier lieu, si les compétences professionnelles des hôtes, vendeurs et RU gravitent autour des produits utilisés dans le cadre d’activités sportives, elles n’obligent en rien la pratique effective de ces dernières. La formation « Produits », proposée à tous les commerciaux de l’entreprise, leur permet en effet de connaître les caractéristiques des articles mis en vente dans leurs rayons respectifs. Décathlon consacre 6 % de sa masse salariale à la formation de son personnel. Pour chaque métier, un programme de formation est dispensé en magasin par 2500 moniteurs internes et, depuis 1985, à l’Université Internationale Des Métiers de l’entreprise. Véritablement considérée comme un palliatif par les recruteurs interviewés, cette politique de formation justifie le manque d’intérêt qu’ils affichent à l’égard des qualifications présentées dans le CV des candidats à l’embauche, particulièrement pour le recrutement des hôtes et vendeurs. Même les compétences techniques habituellement évaluées semblent obsolètes puisque « savoir-faire, ça s’apprend sur le tas, n’importe qui peut s’en sortir avec nos formations internes […] si une femme veut être en caisse mais ne sait pas taper, c’est pas grave, on va la former, l’intégrer, l’accompagner dans son métier pour la rendre opé [opérationnelle] » (H8). Autrement dit, un vendeur « sédentaire » ayant suivi la formation Produits « Sports Collectifs » serait plus à même de « conseiller ses clients sportifs dans leurs choix » (H1) qu’un footballeur du dimanche, rendant ainsi caduque l’obligation affichée de « faire du sport » dans les procédures de recrutement. Pire, activer systématiquement les « repères-critères » sportifs lors du recrutement du personnel commercial contreviendrait à la loi du 31 décembre 1992 selon laquelle les informations demandées au candidat « ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles » et « doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé » (Code du travail, article L.121-6).
Tableau récapitulatif de l’analyse thématique des entretiens
Tableau récapitulatif de l’analyse thématique des entretiens
3.3 – Des modalités de sélection inadaptées
13En second lieu, il faut souligner que les compétences respectives des recruteurs ne leur permettent pas d’évaluer ces critères spécifiques. Excepté pour quatre recruteurs diplômés en management du sport, les formations universitaires antérieures des interviewés (Sciences de gestion, Chimie, Psychologie, etc.) ne dispensent guère de contenus liés au monde sportif. De surcroît, leurs trajectoires sportives ne sont que très rarement en adéquation avec l’univers qu’ils dirigent ou ont dirigé. On comprend mieux dès lors pourquoi Jonathan, ancien footballeur et pratiquant la musculation en loisir, déclare à propos d’un futur vendeur-Raquette : « Bon lui, il était 30/4 ou… 2/6… ou je sais plus en fait, mais bon on s’en fout, il est classé voilà » (H3). En admettant que le niveau de pratique puisse entériner des compétences sportives, ce recruteur n’est visiblement pas en mesure de distinguer l’écart significatif entre ces deux classements. Par ailleurs, même si les pratiques sportives des candidats sont longuement abordées en entretien d’embauche, force est de constater que les recruteurs interviewés sont contraints de « croire sur parole » les candidats. Cette méthode de sélection ne permet guère d’évaluer in situ et en actes des compétences sportives.
14Les premiers résultats obtenus corroborent l’hypothèse selon laquelle les caractéristiques sportives des candidats à l’embauche représentent d’abord et avant tout, pour l’entreprise, un gage d’implication/motivation des futurs salariés. Comme le dit Antoine, « c’est une entreprise jeune, sympa, on vend un produit fun, jeune, le sport, on est tous comme ça ici, on a les mêmes valeurs » (H1). Ce ne serait finalement pas tant les qualifications et/ou compétences sportives qui intéressent les recruteurs de l’entreprise que les « valeurs » qu’ils associent à la pratique de ce type d’activités.
4 – Sportif et décathlonien : les mêmes « valeurs » ?
4.1 – « Pourquoi recruter un collaborateur sportif ? »
15Alors que les qualifications et/ou compétences sportives se référeraient à des savoirs et savoir-faire indentifiables, autrement dit à « des données précisément circonscrites, renvoyant à des caractéristiques objectives pouvant donner lieu à des jugements de possession-non-possession sans ambiguïté » (Gangloff, 2000, 40), les « valeurs », ainsi nommées, que les recruteurs estiment possédées par tout sportif se présentent plutôt « sous forme de savoir-être flous et subjectifs » (Agulhon, 2003, 64). À quelques variantes près, quatre « valeurs » se dégagent des discours recueillis : « vitalité, vrai, fraternel et responsable » (F11) et leur possession est présentée comme une volonté forte de la politique de recrutement de l’entreprise. Ce sont d’ailleurs les quatre adjectifs qui répondent à la question posée en ces termes dans les outils-supports utilisés durant la formation interne « Recrutement » : « pourquoi recruter un collaborateur sportif ? ». Selon ces documents, le collaborateur sportif se voit attribuer « un certain état d’esprit : volonté, ténacité, remise en cause, dépassement de soi-même ».
16Le recours à la métaphore sportive (Pociello, 1999) marque véritablement le langage et les logiques adoptés par les interviewés lors du recrutement d’un commercial. Ils se considèrent tout d’abord comme « des détecteurs de talents » (H12), des « sélectionneurs » (F2), qui permettront à « ceux qui le méritent » (H7) d’accéder à des formations internes pour « accroître leurs performances » (H15), mission qui n’est pas sans rappeler celle de l’entraîneur sportif. Barbusse (2002, 404) a déjà souligné comment l’entreprise utilise la métaphore sportive en assimilant l’ensemble des salariés « à une équipe sportive, les salariés aux joueurs membres de cette équipe, et le personnel d’encadrement à l’entraîneur et/ou au capitaine », l’objectif étant de donner des significations claires et précises quant au fonctionnement de l’entreprise. Soulignons également l’« opportunité » garantie par l’enseigne aux commerciaux recrutés, à savoir « en tant que sportif pratiquant, allier votre style de vie à votre métier, vivre les valeurs du sport dans votre métier au quotidien ». Ces propos lisibles sur le site Internet de Décathlon, dans la rubrique présentant les fiches métiers et diffusant les offres d’emploi, sont largement relayés par les recruteurs interviewés : « les candidats, il faut qu’ils sachent que s’ils sont recrutés, ils auront la chance de vivre leur passion, de goûter au sport chaque jour ; alors en contrepartie, il faut qu’ils s’engagent, qu’ils aient vraiment les mêmes valeurs que nous, qu’ils s’intègrent complètement » (H1). Cela témoigne encore une fois de l’empreinte forte du néo-management des années 1990 dans la politique de recrutement de l’entreprise, qui tente de lier l’épanouissement de son personnel dans leur « sport-passion » et l’éthique managériale (Pierre, 2005), qui tend à transformer la nature de l’échange salarial, implication personnelle contre employabilité. Tandis que l’analyse thématique horizontale met au jour une récurrence des expressions utilisées et un consensus au niveau des mots adoptés par les recruteurs, l’analyse verticale révèle l’absence de différences interindividuelles dans leurs discours alors même que leurs trajectoires socio-professionnelles sont hétérogènes (tableau 1).
4.2 – Du sportif au décathlonien, un transfert problématique
17Selon les recruteurs interviewés, les activités sportives des candidats nécessitent et développent des « valeurs » particulières, confirmant ainsi que « le travail sur le corps a aussi une dimension morale » (Balazs & Faguer, 1996, 72), ces dernières étant réinvestissables dans le monde de l’entreprise. Comme en témoigne Laurent, « ici, nous pensons que les qualités qui font un sportif font également un bon décathlonien, vitalité, dépassement de soi, esprit d’équipe… dans le but de faire avancer l’entreprise humainement » (H8). Ce ne serait donc pas parce qu’ils possèdent des qualifications et/ou compétences sportives que les étudiants en STAPS seraient souvent recrutés par Décathlon – notons que la plupart des interviewés ne connaissent pas les contenus dispensés dans ces formations – mais parce que les recruteurs établiraient une corrélation entre leurs représentations, selon laquelle « ces jeunes diplômés sont passionnés de sport » (H3) et le fait que « si les candidats sont passionnés de sport, nous nous retrouvons autour des mêmes valeurs, donc ils sont recrutables » (H15). Ces logiques de recrutement particulières s’appuieraient sur l’idée selon laquelle il existerait un transfert des compétences de l’univers sportif à celui de l’entreprise. Pociello (1993, 52) a déjà montré les liens qui pouvaient exister entre le marché du travail et la sphère de loisirs et, selon lui, « les glissements des professions vers le secteur tertiaire et les mutations des métiers affectées par le développement de l’économie immatérielle et de l’industrie high-tech requièrent des dispositions qui se projettent déjà dans la sphère du loisir ». Parmi elles, il cite la souplesse et la rapidité d’adaptation, la maîtrise des technologies avancées, l’esprit d’équipe, le sens de l’initiative et la prise de risques calculés ; autant de qualités qui sont attendues lors du recrutement d’un commercial (Lazuech, 2000). Le candidat à l’embauche, se déclarant sportif, se verrait alors attribuer tout « naturellement » des qualités physiques et morales appréciées chez Décathlon car directement réinvestissables.
18Supposer que les logiques de recrutement reposent sur la vision philosophique des vertus du sport et de leur transférabilité au monde de l’entreprise était tentant, mais force est de constater que les recruteurs ne font guère de liens mécaniques entre pratiquer une activité sportive et être commercialement performant. Par ailleurs, même si Sandra nous explique que « quand tu es avec un client, il doit s’imaginer que dès que tu sors du magasin, c’est pour faire du sport, tu dois montrer que tu es sportif, c’est vraiment l’image qu’il faut donner » (F11), les données contenues dans le tableau 1 nuancent ces propos. Fréquence de pratique faible, activité essentiellement d’entretien corporel, voir absence de pratique dissimulée par un « mettez un peu de piscine, ça fait politiquement correct » (H1), il est clair que « le temps passé au travail » (H15) laisse peu de place à celui des loisirs sportifs des cadres commerciaux de l’entreprise. Autrement dit, s’il est séduisant de prime abord, le discours tenu par les recruteurs sur les propriétés physiques et symboliques du sport n’en demeure pas moins idéologique. Il ne parvient pas à masquer certains paradoxes relevés dans leurs pratiques et se heurte à la logique économique qui prévaut dans les entreprises. Au regard des premiers résultats, nous pouvons juste affirmer qu’ils semblent convaincus que la pratique d’une activité sportive assure une cohésion minimale au sein des équipes et ne peut qu’être bénéfique au fonctionnement de l’entreprise.
19Partager les « valeurs » historiquement associées au sport semble donc primordial pour intégrer le personnel commercial de l’entreprise car, comme Sandra le souligne, « le savoir-être c’est au-dessus du savoir et savoir-faire » (F11), étant entendu qu’à Décathlon, « on embauche avant tout une personnalité » (H3). Mais évaluer la personnalité d’un candidat n’est pas chose aisée, celle-ci n’étant pas associée à des critères mesurables, quantifiables. Selon Gangloff (2000, 20), la personnalité peut être définie par « l’ensemble des caractéristiques internes stables et différenciatrices d’un individu ». Il apparaît donc délicat de juger du comportement constant dans le temps d’un candidat lors d’un entretien d’embauche ; celui-ci dure trop peu de temps pour l’autoriser. Les outils-supports utilisés en formation « Recrutement » déclinent les « repères-critères » à respecter pour recruter un candidat mais les recruteurs interviewés sont contraints de les adapter, les ajuster pour pallier ces biais. Ils semblent adopter la même « technique » : ils tentent de dépasser les propos des candidats et s’appuient sur des données qu’ils estiment « plus stables » (H1) car « difficilement modifiables » (F3), contenues dans leur apparence physique. In fine, pour être recruté, il ne s’agirait pas tant d’être un sportif que de paraître sportif.
5 – Décathlon, à fond la (les) forme(s) ?
5.1 – Éviter les situations de dissonance cognitive
20Dans certains cas, les recruteurs interviewés ne réalisent pas le transfert des « valeurs » développées dans le cadre des loisirs sportifs vers la sphère professionnelle. Cette situation a lieu lorsque l’apparence physique du candidat entre en contradiction avec le « sport passion » qu’il déclare pratiquer. C’est ce dont témoigne Carine lorsqu’elle déclare : « Vous savez, écrire que l’on pratique un sport sur le CV, c’est facile de tricher, après en parler en entretien, c’est plus dur, mais quand même en s’entraînant, y en a qui y parviennent, et ceux-là, je dois les écarter […] je pars du principe que quand on fait un sport particulier, on a un corps particulier, un corps qui a vécu les entraînements, subi les régimes, et du coup, ça se voit » (F14). Ainsi, et comme l’a montré Amadieu (2002, 127), le recruteur « ne supporte pas les situations de dissonance cognitive où le candidat manifeste des dispositions qui sont contradictoires avec son image ».
21Les pratiques sportives auxquelles s’adonnent les candidats peuvent venir justifier des qualités supposées possédées, encore faut-il physiquement en augurer ! Pour que le candidat soit recruté, son corps doit porter les marques du travail physique et sportif qu’il déclare. Les recruteurs confrontent en effet leurs représentations de ce que doit être un « corps sportif » (Louveau, 2007) aux attitudes corporelles et caractères physiques du candidat pour estimer si ce dernier pratique réellement la ou les activités qu’il affirme, et par conséquent, s’il possède les « qualités professionnelles » supposées inhérentes. Cette rentabilisation indirecte s’opère de façon non verbale, uniquement à partir de l’évaluation visuelle de l’apparence physique du candidat réalisée par les recruteurs. Ils utilisent d’ailleurs une rhétorique autour de cette thématique : « c’est important ce qui se voit » (H1), « il faut le voir pour pouvoir y croire » (F2), « faire du sport, ça se voit » (F14). Ces logiques de recrutement justifient le recours systématique à la situation d’entretien d’embauche, parmi l’éventail des méthodes de sélection usitées en France, alors même que nombre d’enquêtes démontrent sa falsifiabilité (Garner & Lutinier, 2006).
5.2 – Satisfaire les exigences de la clientèle
22L’objectif de tout recruteur est de « détecter le candidat le mieux adapté aux caractéristiques exigées par l’entreprise » (Gangloff, 2000, 11). Chez Décathlon, nul doute que la satisfaction du client soit une exigence. Pour ne citer que quelques exemples, « la pratique du sport » et « la passion du client » sont dans cet ordre « l’état d’esprit » affiché publiquement par l’entreprise. « Aimer le contact client » apparaît dans toutes les offres d’emploi à pourvoir. «J’accueille chaque client comme mon invité » indique la fiche de compétences relative au métier de RU. Enfin, tout un chacun peut lire « sportifs satisfaits, c’est mon métier » sur les badges de tous les membres du personnel commercial. Cette référence systématique à la clientèle permet d’orienter l’entreprise vers le profit tout en déplaçant l’origine du contrôle, de la hiérarchie au client. Comme Jonathan l’affirme, « je n’obéis pas à un chef ici, à Décat’, mon chef, c’est le client, il est roi et du coup quand je recrute c’est pour lui, pour qu’il soit satisfait » (H3). Ces propos ne sont pas sans rappeler la thèse du « nouvel esprit du capitalisme » soutenue par Boltanski et Chiapello (1999, 124).
23Les recruteurs se déclarent contraints de détecter le candidat le plus à même de satisfaire la clientèle de Décathlon. Cette satisfaction passe, selon eux, par une apparence physique conforme aux représentations que les clients peuvent se faire d’un sportif. Suzie déclare en ce sens : « Le physique, faut pas se mentir, quelqu’un qui est obèse, si on le prend en tant que vendeur on n’est pas crédible, vous voyez ce que je veux dire ? » (H2). Ces propos relèvent de la discrimination à l’embauche et tombent sous la loi française du 16 novembre 2001 selon laquelle « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement […] en raison de son apparence physique » (Code du travail, article L.122-45). Ils sont pourtant récurrents dans les entretiens menés et semblent s’imposer avec une telle évidence qu’ils ne sont jamais remis en cause. Les propos de Mickael en témoignent : « vous allez dans un restaurant, vous imaginez le cuisinier avec un embonpoint avec une toque sur la tête. Ici, j’ai envie d’avoir des gens pratiquants pour que quand vous les voyez, vous vous dites “lui, c’est un sportif”, sans cette image, je recrute pas » (H4). David également, lorsqu’il nous explique pourquoi il n’a pas recruté Dimitri, candidat au poste de RU Randonnée-Montagne, parce que ce dernier présentait un léger surpoids : « c’est pas que j’aime pas les gros, je n’ai rien contre eux. Mais les clients, eux, ils ne laissent rien passer et ils ne sont pas crédules. Un client ne pourra jamais croire qu’il a affaire à un expert de la randonnée ou du ski, il ne fait pas du tout sportif… Quelqu’un qui fait de la randonnée en montagne, dans l’esprit des clients, dans leur imaginaire, c’est quelqu’un qui est mince, dynamique, qui se nourrit de produits lyophilisés, déshydratés, qui ne compte pas ses efforts, qui est très nature. Bref, l’anti-Dimitri dans notre cas [rires]. Je ne peux pas faire l’impasse là-dessus. Dans le monde de la grande distri, pour faire du chiffre, il faut aller dans le sens du client, il faut le brosser dans le sens du poil. Si je mets quelqu’un qui ne correspond pas à leurs attentes, c’est mauvais » (H12). Le surpoids de Dimitri est donc stigmatisé, il viendrait mettre en doute la sportivité déclarée du RU Randonnée-Montagne.
24Les recruteurs interviewés semblent anticiper une attitude discriminante de la part de la clientèle et ces anticipations, fondées ou non, orientent leur pratique professionnelle. Selon les théories de psychologie sociale, l’individu (le recruteur/employeur) est ici influencé par une majorité (la clientèle de l’entreprise), et « sans être profondément convaincue du bien-fondé du choix de la majorité » (Rebzani & Durand-Delvigne, 2003, 698), la minorité acquiesce. Il ne faut pas perdre de vue qu’une telle « externalisation » de l’origine de la discrimination, c’est-à-dire le fait de rejeter la responsabilité de ces pratiques sur les clients, permet également aux recruteurs interviewés de se dédouaner.
25Recruter des hôtes, vendeurs et RU pratiquant régulièrement le sport de leur univers répond à l’objectif affiché par Décathlon d’assurer une crédibilité envers ses clients. Cette recherche de conformité/crédibilité répondrait plus largement aux enjeux économiques de l’entreprise, quelques résultats surprenants nous incitant à creuser en ce sens.
5.3 – Quelques « ajustements » en matière de recrutement
26Au regard du tableau 1, on peut s’étonner du fait que l’univers dans lequel les recruteurs interviewés sont entrés en fonction et/ou celui dans lequel ils évoluent actuellement ne correspond que rarement aux sports pratiqués lors de leur entrée dans l’entreprise. Encore une fois, la politique de formation à l’interne autorise cette logique particulière de recrutement. Valérie explique le cas d’un candidat qu’elle a recruté pour être vendeur-rugby alors que celui-ci était tennisman de haut niveau « la pratique du rugby, en elle-même, ce n’est pas décisif puisqu’il a eu une formation produits derrière qui l’a rendu aussi expert que s’il en avait fait en haut niveau. La seule chose que je lui demandais, c’était de donner l’impression qu’il en avait fait, et justement, baraqué comme il était, fort en épaule, il faisait pas du tout tennisman, c’était pas crédible pour les clients… il faisait rugbyman ; alors voilà, je l’ai pris dans mon univers et tous les clients le prennent pour un rugbyman, donc tout est OK » (F13).
27Il en va de même pour Johan, footballeur en ligue 2, postulant à Décathlon pour devenir vendeur dans cet univers, qui s’est vu proposé par David (H12) le même poste mais en fitness. Il justifie son choix de la manière suivante : « trop carré, trop développé musculairement, les clients le prendraient pas pour un footballeur, ils n’y croiraient pas et ce ne serait pas un choix stratégique, alors qu’en muscu, il cartonne, les clients lui demandent quel appareil il utilise pour être comme il est, ça me fait marrer… mais sérieusement, il faut vraiment mettre le bon mec au bon endroit, si on veut continuer d’être leader ». Certains interviewés ont indiqué que les photographies des « collaborateurs sportifs » en activité, présentés dans le hall d’entrée de certains magasins, sont pure fiction. Nous avons d’ailleurs pu y découvrir Johan, photographié durant un développer-coucher et revêtu, non pas de l’équipement du footballeur qu’il est, mais d’une tenue de culturiste.
28Les logiques de recrutement adoptées obéissent ici aux stéréotypes des morphologies sportives, répondant au souci de crédibilité vis-à-vis des clients et par conséquent aux enjeux économiques de l’entreprise. Elles témoignent également de la différenciation des usages des « repères-critères » sportifs en fonction des métiers proposés. Un rugbyman pourrait parfaitement devenir vendeur dans l’univers « Fitness » s’il satisfait aux formations internes relatives à ce métier et s’il présente les caractères physiques et attributs que la clientèle alloue à un pratiquant d’activités de mise en forme.
Conclusion
29Les pratiques sportives occupent une place privilégiée dans les logiques et pratiques de recrutement du personnel commercial de Décathlon. L’analyse des outils-supports présentés en formation « Recrutement » et des entretiens semi-directifs réalisés auprès de 15 recruteurs de l’entreprise montrent que les « repères-critères » sportifs des candidats sont évalués tout au long du processus d’embauche. De la diffusion des profils de poste et offres d’emploi à la situation d’entretien, en passant par l’analyse des CV et lettres de motivation, la pratique d’une activité sportive se pare du statut de condition sine que non. Ce ne sont pas tant les qualifications et/ou compétences sportives des candidats qui semblent intéresser les recruteurs que les valeurs qu’ils associent à la pratique de ce type d’activités. Mais, nous l’avons vu, leur évaluation est problématique et les méthodes de sélection appliquées dans l’entreprise ne la favorisent guère. En dernier recours, les recruteurs confrontent leurs représentations de ce que doit être un corps sportif aux attitudes corporelles et caractères physiques des candidats pour formuler un jugement de qualité sur ceux-ci. Cette triple-évaluation des pratiques sportives des candidats, à l’écrit dans le CV, oralement et visuellement en entretien, répond au souci annoncé par Décathlon d’impliquer/mobiliser son personnel, d’assurer une crédibilité envers ses clients et plus largement aux enjeux économiques de l’entreprise.
30Les résultats obtenus et les ambiguïtés relevées incitent à explorer de nouvelles pistes. En premier lieu, toujours à Décathlon, nous aimerions procéder à une enquête qui conjugue observations et entretiens ethnographiques auprès des recruteurs. Si ce choix laisse présager des difficultés d’accès au terrain encore plus importantes, il nous permettrait de « résister aux constructions discursives des acteurs sur leurs pratiques pour s’assurer de la réalité de ces pratiques » (Arborio & Fournier, 2003, 6). En second lieu, et dans une perspective comparative, il semble important d’élargir notre champ d’étude à d’autres enseignes de la distribution d’articles de sport. Les 350 magasins Décathlon sont construits autour du libre-service, le client étant libre d’effectuer ses achats seul ou de solliciter l’aide d’un vendeur pour le conseiller. Il serait intéressant d’analyser les logiques et pratiques de recrutement dans des magasins hyper-spécialisés tel le Vieux Campeur ou dans des entreprises ayant une politique de formation à l’interne moins développée. On pourrait alors observer si les qualifications et compétences sportives des candidats deviennent primordiales au détriment d’autres « repères-critères » plus subjectifs. On pourrait enfin procéder par comparaison avec d’autres secteurs d’activité pour nuancer nos premiers résultats et mesurer la spécificité de la vente d’articles de sport de ce point de vue. Autant de perspectives qui, à l’heure actuelle, éveillent notre intérêt.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : emploi, corps, sport, entreprise, recrutement
Date de mise en ligne : 01/02/2009.
https://doi.org/10.3917/sta.082.0057Notes
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[1]
Lancé par SOS Racisme en 1999, le testing consiste à envoyer, pour un même poste, deux CV qui ne diffèrent l’un de l’autre que par une variable de discrimination. Les résultats obtenus peuvent être utilisés par les tribunaux comme preuve de la discrimination à l’embauche et donc entraîner des sanctions civiles et/ou pénales. On comprend mieux le malaise que peuvent ressentir les recruteurs à l’idée d’être enquêtés à leur insu.
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[2]
L’enquête « Génération 2001 », réalisée par le Centre d’Études et de Recherches sur les Qualifications, à la demande de la Direction de l’Enseignement Supérieur et en collaboration avec l’Observatoire National des Métiers de l’Animation et du Sport, s’est appuyée sur un millier de jeunes sortants de la filière universitaire STAPS pour analyser les premières années de leur vie active.
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[3]
À Décathlon, les « Hôtes » ont une fonction d’accueil mais peuvent aussi venir renforcer l’équipe de vendeurs – les « Vendeurs Sportifs » conseillent les clients dans leurs choix et assurent la qualité de leur rayon – les « Responsables-Univers » encadrent l’activité commerciale d’un secteur en prenant en charge le recrutement, la formation et l’animation de leur équipe. Ces commerciaux évoluent sous la responsabilité du « Responsable-Magasin ».
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[4]
Nous tenons ici à remercier Adrien Vigier, Anthony Verbrugghe, Gaëlle Le Corre, Élodie Kieffer, Cécile Cara, David Gouju, Élodie Taramini, Pauline Govillé et Delphine Lecoy, étudiant(e)s en Licence 2 STAPS à l’Université de Paris-Sud XI, pour leur participation à l’enquête.
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[5]
Eymard-Duvernay et Marchal (1997, 81) ont relevé la différence entre des « repères-critères », c’est-à-dire des repères mobilisés comme étant des conditions sine qua non, et des « repères-indices », c’est-à-dire des repères qui devront être approfondis pour être décisifs.