1Le sport, jusqu’à la fin des années 1990, n’était jamais apparu comme un service, et il n’a jamais été analysé comme tel. En effet, les travaux consacrés à l’analyse des services (leur évolution depuis les années 1960, leur répartition spatiale, leur aire d’influence, etc.) ne traitaient jamais du sport. Alors que, dès 1945, la notion de délégation de pouvoir au mouvement sportif était effective. Récemment, l’État a réaffirmé son rôle de service. « L’accumulation d’anomalies et de changements à la fois endogènes (corruption, dopage, violence...) et exogènes (décentralisation et privatisation de l’offre sportive) conduit aujourd’hui à une mise en question de la notion de service public du sport telle qu’elle fut pensée et voulue par M. Herzog. » En effet, avec la généralisation de la pratique du football, le besoin d’impulser et de soutenir les initiatives en sa faveur s’est fait sentir. La Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement durable du Territoire du 25 juin 1999 (LOADT, 1999) a confirmé ces évolutions et a reconnu le statut de service public au sport en général, et au football en particulier. La loi a défini neuf schémas de services collectifs qui organisent à un horizon de vingt ans le développement des territoires et déterminent l’organisation et les modalités d’accessibilité des services concernés. Un schéma étant consacré au sport, la notion de service public lui est donc reconnue autour de deux objectifs prioritaires : élargir l’offre d’accueil et répondre au mieux à la demande sociale. Ainsi, le schéma doit être un instrument de cohérence et de mobilisation de tous les acteurs du sport, notamment autour du Mouvement sportif, des collectivités locales et de l’État.
2La Loi du 6 juillet 2000, relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, a présenté quant à elle le sport comme un élément important de l’éducation, de la culture, de la santé, de l’intégration et de la vie sociale : son développement et sa promotion sont déclarés d’intérêt général. Les activités physiques et sportives sont désormais sous la dépendance de l’État : le sport est un service public. Ainsi, l’État délègue une mission de service public au Mouvement sportif. Ce dernier doit favoriser l’accès de toutes et de tous à la pratique des activités physiques et sportives. Les fédérations, délégataires de service public, fixent alors les règles des activités sportives. Elles ont en charge le développement de leur pratique.
3Ainsi, en campagne, le club de football fait office de service de base, au même titre que le bureau de poste ou le café (lieu de convivialité, maintien du lien social). En milieu urbain, la multiplication des équipes répond à des demandes diverses : football spectacle (recherche d’une élite), football loisir (pratique d’une activité de temps libre), football de quartier (encadrement des jeunes), etc. Une analyse géographique de ses composants dans un cadre régional apporte des éléments de connaissance permettant d’adapter au mieux l’offre des clubs aux diverses demandes des pratiquants. La Franche-Comté (1 100 000 habitants, 40 000 pratiquants répartis dans environ 400 clubs) est le cadre spatial de notre contribution. Cette région présente à la fois des espaces ruraux, urbains et périurbains. Dans ce cas, il est possible de mettre en évidence d’éventuelles différences entre un football des champs (service de base) et un football des villes (du service local à un service plus rare).
1 – La géographie des activités de services : références théoriques et conceptuelles de leur logique de localisation
4En préalable à l’étude géographique de l’offre et de la demande du service football, il importe de présenter le cadre théorique et conceptuel de la localisation des activités de services. La répartition de ces dernières dans un cadre national ou régional a été traditionnellement expliquée par la taille des villes et au poids de leur aire d’influence. Le cadre conceptuel était constitué de deux modèles : la théorie de la base et la théorie des lieux centraux.
1.1 – Le cadre conceptuel classique
5Le cadre conceptuel classique repose sur deux modèles (Illeris, 1994) qui ont pour base commune la contrainte de proximité car ils supposent que les utilisateurs de services achètent ces services le plus près possible de leur domicile afin de minimiser les coûts de transport. De ce fait, la localisation des producteurs de services semble déterminée par la distribution spatiale des utilisateurs et le développement des activités de services est corrélé au pouvoir d’achat de la clientèle locale (Mérenne-Schoumaker, 2003). Selon le cadre conceptuel classique, la localisation des clubs de football est influencée par les densités de population.
1.1.1 – La théorie de la base
6Le premier modèle, celui de la base, présenté par H. Hoyt avant 1940, traite des relations entre secteurs économiques et lie la croissance d’un territoire à la présence d’un secteur exportateur. Le secteur résidentiel, les services en l’occurrence, obéit à la demande locale qui émane d’abord des ménages des travailleurs employés dans le secteur exportateur (en général les industries), puis des ménages de travailleurs occupés dans les services qui à leur tour vont demander et acheter des services. L’industrie est donc le moteur régional et les services sont induits par la répartition de la population et de son pouvoir d’achat.
Centres et aires de marchés
Centres et aires de marchés
1.1.2 – La théorie des lieux centraux
7Le deuxième modèle, celui des lieux centraux, est dû au géographe W. Christaller (1993) et à l’économiste A. Lösch (1940). Le modèle considère la ville comme une place centrale dont le rôle est de fournir des biens et des services à l’espace environnant.
8S’il n’existe qu’un seul bien (Beguin, 1995), la répartition des producteurs tend à s’organiser progressivement en un système hexagonal de marchés dont la superficie correspond au seuil de production. S’il existe plusieurs biens, les producteurs de biens de même seuil ont tendance à se regrouper pour bénéficier à la fois d’économies d’échelle (économies liées à l’augmentation de la taille des unités de production de biens ou de services) et d’économies d’agglomération (économies liées au volume général de la production de l’agglomération). Ainsi, se met en place un premier ensemble de petites villes semblables qui produisent les biens les plus demandés, puis des villes de deuxième niveau moins nombreuses, ensuite des villes de troisième niveau…, chaque groupe de villes d’un même niveau exerçant des fonctions d’ordre égal et inférieur à celui du bien le moins demandé qu’elle produit. Biens et services sont donc regroupés dans des lieux centraux en fonction de leur portée et de leur seuil d’apparition (Mérenne-Schoumaker, 2003).
1.2 – Des distributions liées aux réseaux urbains et à la hiérarchie urbaine
9Plusieurs auteurs ont mis en évidence une dépendance générale entre le nombre des activités de services et la population des communes ou des villes. La relation n’est cependant pas linéaire, elle souligne des seuils de population : au-dessus l’équipement existe, en dessous il est absent. Les équipements se hiérarchisent ainsi selon la quantité de population nécessaire à leur existence et la hiérarchie des fonctions entraîne une hiérarchie des villes (Mérenne-Schoumaker, 2003).
10Le cas de la France illustre très bien ces propos (Saint-Julien, 1999). Les services à la population comme le commerce de détail sont largement liés aux distributions géographiques de la population. Les services les plus banals ont un semis particulièrement dense : les agences bancaires, les lycées ou bibliothèques municipales. Plus rare est le service, plus grande est l’aire de desserte (service public) ou l’aire de marché (services marchands).
Population desservie et communes équipées d’équipements ou de services élémentaires en France
Population desservie et communes équipées d’équipements ou de services élémentaires en France
1.3 – Les services publics : une géographie spécifique ?
11La localisation de nombreux services publics s’explique largement par le poids de contingences particulières, historiques, politiques… voire d’opportunités (Mérenne-Schoumaker, 2003). Ce constat est surtout vrai pour les services qui impliquent un déplacement entre eux et chaque usager (le cas du football) et moins pour les services distribués le long des réseaux dont la mise en œuvre a été dictée par des impératifs économiques. Concernant les premiers, toute localisation n’est jamais neutre (Bertrand, 1978) : elle obéit à la fois à des impératifs financiers, à des choix politiques et à des conditions socio-psychologiques des dirigeants.
12Parallèlement, il existe une certaine tension entre, d’une part, les coûts d’installation et de fonctionnement des équipements et, d’autre part, les coûts d’accès des usagers à ces équipements (Peeters et al., 2002). Il s’agit donc de trouver le meilleur compromis entre l’efficacité (nombre et répartition des équipements) et l’équité géographique en minimisant les coûts d’accès pour chaque service (Daniels, 1985). Dans le secteur scolaire, le meilleur compromis passe par exemple par la définition de bassin scolaire. À l’opposé, dans le cas du football, il n’existe aucune norme ou réglementation visant à assurer une équité géographique. À présent, sur la base des réflexions menées sur les problématiques de localisation des activités de services, il s’agit d’analyser la géographie du service football. En analysant à la fois l’organisation spatiale de l’offre et de la demande de ce service sportif, le but de la démarche est d’identifier d’éventuelles inadéquations territoriales en vue d’ajuster au mieux l’offre des clubs à la demande sociale. Ainsi, quelles sont les spécificités « spatiales » de ce service sportif ? L’ensemble de l’espace de référence (la Franche-Comté) est-il desservi par ce service ? L’offre du service football est-elle implantée à proximité des bassins de population ?…
2 – Les logiques d’implantation de l’offre du service football
13Placée dans la problématique classique de localisation des activités de services, l’analyse de la répartition géographique des clubs de football illustre les différences d’accessibilité à un service sportif. Sur les 1786 communes que compte la Franche-Comté, près de 380 possèdent au moins un club de football. Ces communes doivent avoir une population suffisante pour constituer une équipe car il leur faut réunir un nombre stable de joueurs ainsi que des dirigeants dévoués (logique de service de base). Les plus fortes concentrations de clubs se localisent dans le Nord-Est (les espaces urbains de Belfort et de Montbéliard) et autour de Besançon. Dans le Nord-Est, Belfort compte dix clubs, Montbéliard en compte quatre, Audincourt quatre… La concentration des équipes est également forte à Besançon et sa périphérie (Besançon compte vingt-cinq clubs). Les autres agglomérations principales de la région (Dole, Vesoul) et le Plateau (espace situé à l’est de Besançon) connaissent également des densités élevées de clubs. À l’opposé, la partie occidentale de la Haute-Saône et le Sud-Ouest du Jura sont faiblement dotés en clubs de football. Pour ces espaces possédant peu de structures d’accueil, des densités très basses de population constituent un obstacle majeur à l’apparition des clubs. L’intercommunalité (les Pays par exemple) représente une échelle de gestion de l’offre du service football à expérimenter en milieu rural. Par la mise en commun de ressources humaines et de moyens financiers limités, elle peut faciliter l’apparition de clubs de football dans des espaces peu peuplés. En conséquence, l’intercommunalité constitue une voie envisageable en vue de garantir une équité territoriale dans l’accès au service football, et de préserver une des dernières sources d’animation collective dans les petites communes. Les populations, si elles sont trop éloignées des structures sportives, ne jouent pas au football et préfèrent occuper leur temps libre par d’autres activités.
Une concentration des équipes en ville
Une concentration des équipes en ville
3 – Le marché du football : analyse spatiale de la demande exprimée par les pratiquants
14Les pratiquants expriment une demande du service football, au même titre que les spectateurs. Ils jouent au football pour s’entretenir physiquement, pratiquer une activité de loisir, satisfaire un esprit de compétition, s’insérer dans un tissu social. Sur le marché du temps libre, le football n’est pas seul à proposer ces services (centre de remise en forme pour l’entretien physique, pêche pour une activité de loisir). Lorsque le football ne répond plus aux attentes des pratiquants, ces derniers peuvent changer de club ou s’orienter vers une nouvelle activité.
15Dans le cadre d’une convention de partenariat avec la Ligue de Franche-Comté de Football, nous disposons d’informations précisant la commune de résidence et le club d’affiliation des pratiquants de la région. Il est ainsi possible d’identifier spatialement les zones de forte et de faible pratique de la discipline. Le taux de pratique est proche de 45 ‰ pour les communes rurales alors qu’il est en dessous de 25 ‰ pour les communes urbaines. Les variations d’intensité traduisent « avec force la différence d’organisation du marché des loisirs dans l’un et l’autre cas » (Mathieu et Praicheux, 1989). L’implantation du football, plus forte dans les petites communes que dans les entités importantes, tend à opposer les villes aux communes rurales. Mais une analyse par tranche de taille des communes s’impose pour dépasser ce constat simpliste (figure 4). La diffusion est maximale dans les bourgs ruraux (de 500 à 2000 habitants). Pour ces communes, près d’une personne sur vingt possède une licence de football !
16La pratique atteint ses plus faibles valeurs à la fois dans les entités les plus petites et les plus peuplées. Il est dès lors possible de définir deux seuils où la pratique est faible : en dessous de 200 et au-delà de 10 000 habitants. Les taux sont bas pour les communes de taille importante puisque d’autres formes de loisirs concurrencent directement le football qui voit ainsi ses possibilités de recrutement se réduire. Contrairement aux bourgs ruraux, le football ne règne pas ici en maître et sa position de monopole est largement remise en cause.
17Pour les plus petites entités géographiques (moins de 200 habitants), le phénomène de concurrence ne joue pas. La pratique est faible car ces communes ne possèdent généralement pas de club de football. On comprend aisément que, dans les plus petits villages, l’apparition d’une équipe se heurte à une principale difficulté : disposer d’un nombre suffisant de joueurs (une vingtaine au moins pour la durée d’un championnat) et de dirigeants pour constituer une équipe (logique d’implantation d’un service de base).
18L’effet de taille (population des communes) est une variable explicative certaine de la pratique du football. Il est alors possible de calculer des moyennes par classe de taille de commune et de mesurer pour chaque commune appartenant à une classe l’écart entre sa valeur et la moyenne. Lorsque celui-ci est positif, les communes connaissent une sur-pratique du football, lorsque les résidus sont négatifs, les communes se caractérisent par une sous-pratique.
19Les cantons du Plateau (secteur localisé à l’est de Besançon) se démarquent à nouveau par une sur-pratique du football qui peut s’expliquer par un fort sentiment d’appartenance communautaire, une pratique assez ancienne et un goût du sport prononcé.
20Les autres zones de sur-pratique sont de tailles plus limitées (les cantons de Clairvaux-les-Lacs et de Saint-Laurent au sud du Jura). À l’inverse, le Territoire de Belfort et le Pays de Montbéliard se caractérisent par une sous-pratique du football quasi constante et cela, malgré la présence d’un grand nombre de clubs. La plus grande partie de la Haute-Saône, tout comme le sud-ouest du Jura, du sud de Lons-le-Saunier à Saint-Julien, connaît également le même phénomène. L’absence de club et le vieillissement de la population ne favorisent pas ici une pratique intense du football.
La pratique du football en Franche-Comté : les zones de force et de faiblesse de la discipline
La pratique du football en Franche-Comté : les zones de force et de faiblesse de la discipline
21À la campagne, le football apparaît comme une source d’animation essentielle. Il fait office de service de base. En effet, en zone rurale, le football est bien souvent la seule activité présente (environ 45 licenciés pour 1000 habitants). En ville, la situation est différente : la discipline entre en concurrence avec de nombreuses activités. Les taux de pratique sont en ville deux fois moins élevés qu’en milieu rural. Mais en milieu urbain, le football ne se présente pas seulement comme un service de base (animation des quartiers). Il répond à des demandes multiples et les clubs doivent ainsi se spécialiser.
4 – Le football en milieu urbain : vers une segmentation du marché
22En milieu urbain, le football apparaît comme un produit multiforme dans lequel chacun vient puiser selon ses motivations : football spectacle (recherche d’une élite), football loisir (pratique d’une activité de temps-libre), football de quartier (encadrement des jeunes), etc. Certaines associations urbaines se caractérisent par des portées spatiales réduites (club de quartier), d’autres par des zones de chalandise étendues (club d’élite). L’examen de leur aire de recrutement se révèle alors intéressant pour l’élaboration d’une politique sportive locale cohérente (ajuster au mieux l’offre à la demande sociale). La ville de Besançon (120 000 habitants, capitale régionale) illustre cette analyse.
4.1 – Les bases pour une typologie des clubs urbains
23La figure 5 présente la diversité des profils des équipes urbaines. Quatre types de clubs se dessinent : les clubs de quartier, les clubs de convivialité d’adultes, les clubs que l’on qualifiera d’encadrement au quotidien et ouverts à tous et les clubs à la recherche d’une élite sportive. Certains clubs recrutent dans tout l’espace urbain et au-delà, alors que d’autres puisent leurs adhérents dans leur environnement immédiat. Ici, les portées spatiales des équipes traduisent moins leur enracinement que leur finalité de pratique. Il n’est donc pas illégitime de fonder une typologie des clubs sur leur rayonnement spatial, leur nombre de pratiquants et l’âge de leurs adhérents, même si d’autres typologies sont possibles, selon la composition sociale des adhérents au club par exemple.
La structure interne et la portée des clubs bisontins : recrutement de proximité et logique d’excellence (3)
La structure interne et la portée des clubs bisontins : recrutement de proximité et logique d’excellence (3)
4.2 – Les clubs de quartier : un football de proximité géographique
24La cartographie des aires de recrutement des équipes bisontines met ainsi en évidence des formes fort différentes. L’ASC Montrapon et l’AS Les Orchamps se localisent dans des quartiers d’habitat social. Ici, le football n’est qu’un élément supplémentaire d’identification de la population, comme le montrent les équipes qui portent le nom du quartier. Cette situation joue un rôle incontestable dans l’origine géographique des adhérents de l’ASC Montrapon et de l’AS Les Orchamps puisque les deux associations recrutent en priorité dans leur quartier d’implantation. Dans les deux cas, le football s’assimile à un service de proximité. En effet, la majeure partie des pratiquants est issue des classes populaires. Les associations sportives ne proposent ici aucune mixité sociale, puisqu’elles traduisent la composition sociale homogène de leur lieu d’implantation.
25Économiquement et socialement, les quartiers de Montrapon et des Orchamps souffrent de leur enclavement. « On constate (dans le quartier de Montrapon) une mobilité résidentielle inférieure à la moyenne bisontine dans les HLM du quartier. De plus, la vacance a disparu » (Direction Régionale de l’Équipement, 1992). Les pratiquants jouent donc au football en priorité dans leur quartier d’habitation : « le football joue un rôle dans l’identité d’un groupe dont il est devenu partie intégrante » (Mignon, 1998). La population choisit d’abord son quartier comme lieu de consommation et d’activité. Le club de football représente un vecteur d’affirmation, de reconnaissance vers l’extérieur.
Les aires de recrutement des clubs de quartier : l’espace immédiat privilégié
Les aires de recrutement des clubs de quartier : l’espace immédiat privilégié
4.3 – La convivialité d’adultes : un recrutement diffus dans la ville
26Les associations sportives de La Bousbotte, de l’AS Portugais et du Don Quichotte comptent chacune moins de 40 adhérents. Ces petits clubs recrutent, presque exclusivement, des joueurs adultes. L’AS Portugais et le Don Quichotte sont deux structures constituées autour d’une identité ethnique. Leur aire de chalandise est donc très éclatée dans la ville. Le rôle de la distance sociale est évident. De ce fait, la distance physique (éloignement au lieu de pratique) n’apparaît pas comme un facteur déterminant dans le choix de la structure sportive. À l’opposé des clubs de quartier, l’environnement immédiat n’est pas une priorité de recrutement. Ce dernier est fondé sur l’appartenance à une communauté étrangère.
27Le football est pratiqué dans ce type de club dans un esprit plus ludique que de compétition. La pluralité des activités proposées (sportives ou culturelles) dans le club de La Bousbotte atteste la primauté accordée aux relations sociales, et la moindre importance allouée aux résultats sportifs. La pratique exprimée ici connaît en outre un développement réel en dehors des structures officielles du football (pratique de loisir sans contrôle institutionnel).
4.4 – Les clubs d’encadrement au quotidien : des structures ouvertes à tous
28Regroupant chacun environ 150 pratiquants, l’ASC Velotte, l’ASPTT, le SP Clémenceau et l’US Prés de Vaux se caractérisent par un recrutement étendu dans la ville. En moyenne, ces structures sportives recrutent la moitié de leurs adhérents à plus de 2,5 km de leur lieu de pratique. Ces clubs se distinguent des clubs de quartier, au recrutement plus localisé dans l’espace, et des clubs de convivialité d’adultes, au recrutement plus diffus puisqu’ils recrutent dans des secteurs très divers. Ces clubs sont ouverts à tous les âges et tous les milieux sociaux.
29Sans rechercher l’excellence sportive, l’ASPTT ou l’US Prés de Vaux offrent à la population la possibilité de pratiquer le football dans des structures où chaque pratiquant a sa place, quels que soient ses aptitudes physiques, son appartenance sociale ou son âge. Ici, les différentes finalités possibles de la discipline cohabitent davantage que dans les autres types de structures, où un objectif tend à exclure les autres. À côté de clubs accordant la primauté à une finalité unique, ce type de club répond donc à des fonctions multiples et partagées : la convivialité, l’encadrement des jeunes, la recherche d’une élite (jeune et locale).
Les aires de chalandise des clubs de convivialité d’adultes : un recrutement diffus
Les aires de chalandise des clubs de convivialité d’adultes : un recrutement diffus
Le SP Clémenceau, l’ASC Velotte, l’ASPTT et l’US Prés de Vaux : un recrutement ouvert
Le SP Clémenceau, l’ASC Velotte, l’ASPTT et l’US Prés de Vaux : un recrutement ouvert
Les aires de chalandise du PSB et du BRC, la recherche d’une élite
Les aires de chalandise du PSB et du BRC, la recherche d’une élite
4.5 – Le football d’excellence : un recrutement élitiste (4)
30En termes d’effectifs, le Promo Sport Bisontin (PSB) et le Besançon Racing Club (BRC) sont de loin les structures d’accueil les plus importantes de la ville (plus de 300 pratiquants). Cette large audience résulte non seulement d’une assise forte à proximité de leur lieu d’implantation mais également d’une présence sur l’ensemble de l’espace urbain et au-delà. L’équipe fanion du BRC évolue en Ligue 2 (deuxième division nationale) et ses équipes de jeunes pratiquent le football au niveau national. Le PSB est compétitif surtout grâce à ses équipes de jeunes mais moins par ses équipes seniors dont la mieux placée opère au niveau régional.
31De plus, ces clubs recrutent une part importante de leurs joueurs dans les communes périphériques de Besançon (le tiers des adhérents du BRC n’habite pas Besançon). Plus que de simples clubs de ville, le PSB et le BRC s’affirment donc comme de véritables clubs d’agglomération. L’émergence d’une élite sportive à Besançon semble ainsi dépendre de l’apport de joueurs de la périphérie puisque le bassin de population de la ville apparaît insuffisant devant les besoins de deux clubs d’excellence.
Conclusion
32Le marché du football en ville répond à des demandes diverses de la part des pratiquants : entretien physique, pratique d’une activité de loisir, insertion dans un tissu social, etc. L’offre du service football (les clubs) doit donc s’adapter aux attentes de la demande (les pratiquants) : les structures sportives se positionnent donc sur un marché segmenté du football urbain (football d’élite, football loisir). Ainsi, le football urbain se différencie du football rural, où les caractéristiques démographiques (nombre d’habitants, composition par âge) interdisent la multiplication des équipes. Il est alors possible de parler d’un football des champs et d’un football des villes, celui-là faisant office de service de base, celui-ci pouvant quant à lui véhiculer une image plus différenciée (football d’élite assimilé à un service rare) mais également représenter une source de vitalité dans les quartiers.
33La différenciation rural-urbain observée pour le football se retrouve à maintes reprises dans l’accessibilité à d’autres activités de services : culturels (théâtre, bibliothèque), financiers, l’éducation (lycée, université), la santé, etc. Renseigné au même titre que d’autres activités qui participent au fonctionnement des territoires, le football se révèle alors comme un véritable élément de structuration de l’espace… mais qui s’ajuste également aux configurations spatiales. Le football s’adapte aux territoires.
34Notes
35(1) Taux de pratique : (nombre de pratiquants qui habitent la commune) / population de la commune * 1000.
36(2) Dans le cas de données quantitatives (nombre de pratiquants pour 1000 habitants), le lissage consiste à calculer les moyennes arithmétiques locales. Il est la transposition directe des « moyennes mobiles ». Donc, dans notre cas, le taux de pratique pour une commune x est : (Nb de pratiquants des communes contiguës + Nb de licenciés de la commune x) / (Population des communes contiguës + population de la commune x) * 1000.
37(3) La distance du joueur médian, indicateur utilisé dans le tableau, résume l’aire d’attraction des équipes. À titre d’exemple, une distance médiane de 2 km signifie que la moitié des adhérents de la structure sportive habite à plus de 2 km de celle-ci. La distance retenue est la distance à vol d’oiseau.
38(4) L’analyse des aires de recrutement du Promo Sport Bisontin et du Besançon Racing Club pose un problème méthodologique. En effet, les équipes de jeunes n’utilisent pas les installations sportives des formations d’adultes. De ce fait, il importe de considérer l’origine géographique des joueurs selon leur catégorie d’âge. L’aire de recrutement des jeunes joueurs sera ainsi dissociée de celle des joueurs adultes.
« Je ne revendique pas pour l’État la nationalisation pour les uns et la socialisation pour les autres du sport obligatoire […]. Mais en son nom et pour l’accès de tous les jeunes à l’éducation, dès l’instant qu’ils en ont les dons et les mérites nécessaires, je déplore le système actuel que certains, au nom du passé, voudraient maintenir. Le sport est un service public. Voilà ce qu’il nous faut proclamer. Seul l’État est capable actuellement de donner à chacun ses chances, dans la justice et dans le respect le plus intransigeant des principes de l’olympisme et de l’éducation tout court » (Conférence de Maurice Herzog, 16 mai 1963).
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : segmentation du marché, géographie, analyse spatiale, aire de recrutement, service sportif
Mise en ligne 01/11/2006
https://doi.org/10.3917/sta.074.0085