Staps 2005/3 no 69

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Article de revue

L'hypoxémie d'exercice limite-t-elle l'oxygénation musculaire et donc la performance chez le sportif d'endurance ?

Pages 7 à 19

1 – Introduction

1 Lors d’un exercice musculaire, l’homéostasie des gaz du sang est généralement maintenue. Toutefois, il est aujourd’hui bien connu que certains sujets entraînés en endurance (environ 50 %) présentent une hypoxémie induite par l’exercice (HIE) (Dempsey & Wagner, 1999). Ce sont des sportifs qui possèdent une forte aptitude aérobie (consommation maximale d’oxygène ( figure im16 O2max) supérieure à 60ml.min-1.kg-1) et qui, à force d’entraînement, ont repoussé les limites de la fonction cardiovasculaire, habituellement limitante à l’effort, jusqu’à ce qu’apparaissent les limites d’une autre fonction: la fonction pulmonaire. Cette limite se traduit par une chute d’au moins 10 mmHg de la pression artérielle en O2 (PaO2) et/ou une diminution d’au moins 4 % de la saturation en O2 de l’hémoglobine (SaO2) entre le repos et la fin de l’exercice. Cette diminution du niveau d’oxygénation artérielle apparaît à partir d’intensités d’exercice de l’ordre de 60 à 80 % de figure im17 O2max (Prefaut, Durand et al., 2000) et aurait un impact sur la performance. En effet, Powers et al., en 1992, ont montré qu’une diminution de 5 % de SaO2 a un effet négatif sur figure im18 O2max et que chaque diminution de 1 % de SaO2 diminue de 1 % la consommation maximale d’oxygène (Powers, Martin et al., 1993). Une récente étude traitant de l’HIE chez les femmes a rapporté une diminution significative de figure im19 O2max lorsque SaO2 chute de 3 % (Harms, McClaran et al., 2000).
En revanche, les données concernant l’impact de l’HIE sur la capacité de travail sont contradictoires. En provoquant une hypoxémie (exercice en hypoxie correspondant à une HIE importante, SaO2 < 87 %) chez des sujets entraînés ne présentant habituellement pas d’HIE, il a été observé une diminution de la capacité de travail associée à une augmentation de l’acidose métabolique (Koskolou & McKenzie, 1994). À l’inverse, en supprimant l’hypoxémie grâce à un mélange hyperoxique, il n’a pas été constaté d’augmentation de la capacité de travail malgré une augmentation de figure im20 O2max (Nielsen, Madsen et al., 1998). Une récente étude de Harms et al. (Harms, McClaran et al., 2000), portant sur les effets de l’HIE sur la performance de sujets féminins est en contradiction avec les études précédentes, puisque la restauration de l’oxygénation artérielle à un niveau normal chez des femmes hypoxémiques est accompagnée d’un accroissement de figure im21 O2max et de la capacité de travail.
Selon la littérature, la réduction de figure im22 O2max et de la capacité de travail chez les sujets hypoxémiques serait due à la diminution de l’apport en O2 vers les muscles. Pourtant, les études ayant comparé des sujets hypoxémiques et non hypoxémiques avec des niveaux de pratiques équivalents rapportent généralement des valeurs similaires de figure im23 O2max et de puissance maximale aérobie (PMA) (Chapman, Emery et al., 1999 ; Harms, McClaran et al., 2000 ; Aguilaniu, Flore et al., 2002). Cette dernière observation ne supporte donc pas l’hypothèse d’une limite de l’aptitude aérobie due à la diminution de l’apport en O2 vers les muscles et pourrait suggérer l’existence de mécanismes adaptatifs permettant aux sujets hypoxémiques d’atteindre de hauts niveaux d’exercice malgré la réduction de l’oxygénation du sang artériel.
Ainsi, les effets de l’hypoxémie induite par l’exercice sur l’oxygénation musculaire sont peu connus et n’ont jamais été étudiés en comparant des sujets hypoxémiques et non hypoxémiques. De plus, l’impact de cette désaturation artérielle sur l’aptitude aérobie reste controversé.
Le but de cette étude est d’étudier l’impact d’une hypoxémie artérielle sur l’évolution de l’oxygénation musculaire mesurée par spectroscopie du proche infrarouge lors d’un exercice maximal progressif et de confronter également les performances de temps limite à 90 % de figure im24 O2max entre des athlètes hypoxémiques et non hypoxémiques.

2 – Matériel et méthodes

2.1 – Sujets

2 Dix neufs athlètes masculins volontaires ont participé à cette étude. Tous pratiquaient un sport d’endurance de compétition (course à pied, cyclisme, triathlon) depuis 7,8 ± 3,6 années à raison de 9,8 ± 3,4 heures par semaine, auxquelles s’ajoutent deux à quatre heures durant les périodes de compétitions (environ quatre mois par an). Les sujets ont donné leur consentement écrit après avoir été informés du déroulement de l’étude. Avant d’être inclus dans l’étude, ces sportifs ont bénéficié d’un examen clinique afin de s’assurer de leur santé. Aucun ne présentait d’anomalies ou d’antécédents cardio-respiratoires et n’était médicamenté. Tous étaient non-fumeurs et présentaient un taux d’hémoglobine et un examen spirométrique normal.

2.2 – Test maximal progressif

3 Tous les sujets ont effectué un test maximal progressif sur cyclo-ergomètre (Ergometrics 900, Ergoline, Bitz, Allemagne). Après une période de repos de 5 minutes, l’épreuve débutait par un échauffement de 3 minutes à 60 watts, puis la charge de travail était augmentée de 30 watts toutes les minutes jusqu’à l’épuisement du sujet. Durant toute la durée du test, la fréquence de pédalage était imposée à 60 rpm. L’épreuve était considérée comme maximale lorsque trois des critères suivants apparaissaient : figure im25 O2max n’augmentait plus malgré une augmentation de puissance (augmentation inférieure à 100 ml.min-1), le quotient respiratoire (QR) était supérieur à 1,10, la fréquence cardiaque maximale théorique était atteinte (Fcmax th = 220-âge ± 10 %), la cadence de pédalage n’était plus maintenue malgré les encouragements.

2.3 – Test à puissance constante

4 Dans une limite de quinze jours après le test incrémental et au même moment de la journée, les sujets ont réalisé un test de temps limite à 90 % de figure im26 O2max sur le même cyclo-ergomètre. Ce test est un indicateur complémentaire de l’aptitude aérobie (Billat, Renoux et al., 1994). L’épreuve débutait par un échauffement de cinq minutes où la cadence de pédalage était imposée à 60 rpm et devait être maintenue tout au long de l’épreuve. Ensuite, le sujet pédalait jusqu’à épuisement à une puissance correspondant à 90 % de sa figure im27 O2max atteinte lors du test progressif.

2.4 – Paramètres cardio-pulmonaires

5 Pendant les deux tests, la fréquence cardiaque était mesurée en continu grâce à un électrocardiogramme 12 voies (Formula Biomedica, Esaote, Florence, Italie). Le sujet était également relié à un analyseur cycle à cycle d’échanges gazeux (CPX, Medical Graphics, St Paul, USA) permettant de mesurer le débit ventilatoire ( figure im28 E), le débit de dioxyde de carbone ( figure im29 CO2), la consommation d’oxygène ( figure im30 O2) et le quotient respiratoire (QR). Les données étaient moyennées toutes les trente secondes et l’appareil était calibré avant chaque exercice selon les recommandations du constructeur.

2.5 – Analyses sanguines

6 La lactatémie à la fin du test incrémental et du test de temps limite [La] était mesurée en prélevant un échantillon de 10 microlitres de sang par capillaire au bout du doigt immédiatement analysé par spectrophotométrie (Miniphotomètre LP-20, Dr. Lange, Berlin, Allemagne).

2.6 – Mesures de la saturation artérielle en oxygène et détermination de l’hypoxémie induite par l’exercice

7 La saturation artérielle en oxygène (SaO2) était évaluée en continu au cours des deux tests grâce à un oxymètre de pouls (Biox 3800, Datex Ohmeda, Louisville, USA) fixé au lobe de l’oreille. L’appareil était calibré automatiquement avant chaque exercice. Afin d’optimiser la qualité du signal, un vasodilatateur en pommade était appliqué sur le lobe de l’oreille et le capteur était fixé avec du ruban adhésif afin d’assurer le contact avec la peau. Une échelle visuelle permettait de s’assurer de la qualité du signal au cours de l’exercice. La SaO2 était enregistrée et moyennée sur trois minutes pendant le repos, puis était relevée pendant les dix dernières secondes de chaque palier d’exercice lors de l’exercice incrémental et toutes les minutes lors des tests continus. Cette méthode de mesure non invasive de SaO2 est admise dans la littérature pour déterminer l’hypoxémie d’exercice (Prefaut, Durand et al., 2000). L’HIE se traduit dans ce cas, par une variation de SaO2 d’au moins 4 % entre le repos et le dernier palier de l’exercice progressif. Ainsi, à l’issu de ce test, deux groupes étaient constitués : le groupe d’athlètes hypoxémiques HIE réunissant les sujets présentant une diminution de SaO2 supérieure à 4 % et le groupe NHIE constitué des athlètes présentant une désaturation inférieure à 4 %.

2.7 – Mesure de l’oxygénation musculaire

8 L’oxygénation du muscle vaste latéral droit était mesurée de manière non invasive pendant l’exercice incrémental grâce à une spectroscopie du proche infrarouge (NIRS) (RunMan Unit, NIM, Philadelphie, Pa, USA). Les principes de mesures de cette technologie ont été largement décrits. Brièvement, cette méthode est basée sur les propriétés optiques de l’hémoglobine, qui diffèrent selon que celle-ci soit liée à l’oxygène ou non. Ainsi, la NIRS permet de suivre l’évolution du niveau d’oxygénation (OXY) et du volume sanguin (VS) dans les capillaires musculaires (Chance, Dait et al., 1992 ; Belardinelli, Barstow et al., 1995). La validité de mesure au cours de l’exercice chez l’homme avec cet appareillage a été clairement établie (Mancini, Bolinger et al., 1994).

9 Le capteur était placé sur le muscle vaste latéral de la jambe droite à environ 12-14 cm du genou et était rigoureusement maintenu en position grâce à une bande élastique ne laissant pas passer la lumière. Du film transparent était placé entre la peau et l’électrode afin de protéger cette dernière de la sueur (Belardinelli, Barstow et al., 1995 ; Bhambhani, Buckley et al., 1997). Le capteur NIRS était relié au boîtier de numérisation qui envoyait les données à un ordinateur équipé du logiciel NIRCOM fourni avec la NIRS (RunMan Unit, NIM, Philadelphie, Pa, USA). Avant chaque exercice, l’appareillage était calibré selon les recommandations du constructeur. Les données étaient enregistrées toutes les secondes et moyennées sur quinze secondes au repos et au cours de l’exercice incrémental. La technologie de cet appareillage NIRS ne permettant pas d’obtenir des valeurs quantitatives, le signal était exprimé de manière qualitative, en fonction de l’échelle ischémie hyperémie (Mancini, Bolinger et al., 1994). Juste à l’arrêt de l’exercice, un brassard pneumatique était gonflé en amont du capteur NIRS à une pression de 260 mmHg afin de provoquer une ischémie du muscle et d’enregistrer le niveau minimal d’oxygénation. La valeur atteinte lorsque la chute d’oxygénation atteignait un plateau (entre six et dix minutes) était affectée de la valeur 0 % d’oxygénation. À l’atteinte de ce plateau, le brassard était dégonflé. À ce moment survenait un hyperémie réactive au cours de laquelle le niveau d’oxygénation dépassait le niveau de repos. La valeur maximale relevée pendant cette procédure correspondait au niveau maximal d’oxygénation et était attribuait de la valeur 100 %. En accord avec l’étude de Grassi et al. (Grassi, Quaresima et al., 1999), les variations d’oxygénation et de volume sanguin étaient exprimées par rapport aux valeurs de début d’exercice OXYD et VSD. Les figures 1A (OXY) et 1B (VS) montrent un exemple de signal NIRS enregistré au cours de l’exercice progressif. Nous avons comparé les variations d’oxygénation (?OXY) et de volume sanguin (?VS) entre les sujets hypoxémiques et non hypoxémiques. ?OXY était la différence entre OXYD et le niveau d’oxygénation à l’exercice maximal (OXYM) : ?OXY = OXYD-OXYM. ?VS était la différence entre VSD et le niveau de volume sanguin à l’exercice maximal (VSM) : ?VS = VSD-VSM.

Figure 1A

Exemple de tracé d’oxygénation musculaire mesuré par NIRS enregistré au cours de l’exercice progressif exprimé en pourcentage de l’échelle ischémie hyperémie.

Figure 1A

Exemple de tracé d’oxygénation musculaire mesuré par NIRS enregistré au cours de l’exercice progressif exprimé en pourcentage de l’échelle ischémie hyperémie.

?OXY est la variable étudiée pour comparer les deux groupes (?OXY = OXYD-OXYM).
Pour des raisons de représentation, l’illustration de la réalisation de l’ischémie et de l’hyperémie n’est pas à l’échelle. En effet, cette manipulation nécessite environ quinze minutes (voir « méthode »).
Figure 1B

Exemple de tracé de volume sanguin mesuré par NIRS enregistré au cours de l’exercice progressif exprimé en pourcentage de l’échelle ischémie hyperémie.

Figure 1B

Exemple de tracé de volume sanguin mesuré par NIRS enregistré au cours de l’exercice progressif exprimé en pourcentage de l’échelle ischémie hyperémie.

?VS est la variable étudiée pour comparer les deux groupes (?VS = VSD-VSM).
Pour des raisons de représentation, l’illustration de la réalisation de l’ischémie et de l’hyperémie n’est pas à l’échelle. En effet, cette manipulation nécessite environ quinze minutes (voir « méthode »).
Tableau 1

Caractéristiques des sujets

Tableau 1
Groupe Age (ans) Masse corporelle (kg) Taille (cm) Masse grasse (%) [Hb] (g/100ml-1) Volume d’entraînement (heures/semaine) NHIE (n = 9) 21,7 ± 1,5 66,5 ± 5,2 178,3 ± 3,8 9,6 ± 1,9 13,7 ± 1,0 10,0 ± 2,4 HIE (n = 10) 21,6 ± 3,1 65,2 ± 4,8 177,7 ± 4,6 8,0 ± 1,0 14,3 ± 1,5 9,6 ± 4,0

Caractéristiques des sujets

Les valeurs sont exprimées ± écart-type, [Hb] concentration en hémoglobine ;
NHIE, groupe de sujets non hypoxémiques ; HIE, groupe de sujets hypoxémiques

2.8 – Analyses statistiques

10 Les moyennes sont exprimées ± écart type. Les données ont été comparées entre les deux groupes de sujets au moyen du test-t de Student ou du test d’analyse non paramétrique de Mann-Whitney lorsque les données ne suivaient pas une loi normale. Les relations entre les paramètres de l’hypoxémie et ceux de l’oxygénation musculaire ont été analysées par des tests de régression linéaire. Pour chaque test, le seuil de significativité était fixé à P < 0,05.

3 – Résultats

3.1 – Caractéristiques anthropométriques

11 10 des 19 sujets ayant participé à l’étude ont présenté une chute de SaO2 supérieure à 4 % au cours du test maximal progressif et ont été inclus dans le groupe HIE. Les neuf autres athlètes formaient le groupe NHIE (figure 2).

12 Comme le montre le tableau 1, les caractéristiques anthropométriques, les taux d’hémoglobine et les volumes d’entraînement étaient similaires entre les deux groupes.

Figure 2

Évolution de la saturation artérielle en oxygène (SaO2) des groupes HIE (cercles noirs) et NHIE (cercles blancs) au cours de l’exercice incrémental

Figure 2

Évolution de la saturation artérielle en oxygène (SaO2) des groupes HIE (cercles noirs) et NHIE (cercles blancs) au cours de l’exercice incrémental

* différence significative entre le groupe HIE et NHIE, P < 0,001

3.2 – Données cardio-respiratoires et métaboliques

13 Les valeurs maximales atteintes au cours du test incrémental sont présentées dans le tableau 2. Les consommations maximales d’oxygène, les puissances maximales aérobie, les quotients respiratoires, les fréquences cardiaques maximales et les lactatémies d’exercice étaient similaires entre les deux groupes. Comme le montre la figure 2, les seules différences significatives étaient le niveau de SaO2, qui était plus bas dans le groupe HIE (P < 0,001) et la variation de SaO2 entre le début et la fin de l’exercice (?SaO2), qui était significativement plus importante dans ce même groupe (?SaO2 = 6,2 ± 0,8 % chez HIE vs. 2,4 ± 1,0 % chez NHIE, P < 0,05).

3.3 – Oxygénation et volume sanguin musculaires

14 Les valeurs d’oxygénation musculaire de début d’exercice n’étaient pas différentes entre les deux groupes (OXYD = 49,72 ± 21,95 % pour HIE vs. 44,83 ± 26,22 % pour NHIE, P = 0,66). La comparaison des variations d’oxygénation musculaire entre les deux groupes est présentée sur la figure 3A. ?OXY était significativement plus importante dans le groupe d’athlètes hypoxémiques à l’exercice maximal.

Figure 3A

Comparaison des variations d’oxygénation musculaire exprimées en fonction de l’échelle ischémie hyperémie au cours de l’exercice maximal progressif (?OXY = OXYD-OXYM) entre les groupes HIE et NHIE

Figure 3A

Comparaison des variations d’oxygénation musculaire exprimées en fonction de l’échelle ischémie hyperémie au cours de l’exercice maximal progressif (?OXY = OXYD-OXYM) entre les groupes HIE et NHIE

* significativement plus important dans le groupe HIE, P < 0,05
Tableau 2

Valeurs obtenues à l’exercice maximal lors du test progressif dans les groupes NHIE et HIE

Tableau 2
Groupe O 2max (ml·min ·kg -1 ) PMA (W) Fc (battements/min) QR [La] (mM) NHIE (n = 9) 60,7 ± 4,9 319,1 ± 33,6 182,1 ± 7,8 1,2 ± 1,0 10,7 ± 1,7 HIE (n = 10) 62,6 ± 9,2 343,3 ± 54,3 180,2 ± 8,2 1,2 0,1 11,4 ±1,5

Valeurs obtenues à l’exercice maximal lors du test progressif dans les groupes NHIE et HIE

Les valeurs sont exprimées ± écart-type. O2max, consommation maximale d’oxygène ;
PMA, puissance maximale aérobie, QR, quotient respiratoire; [La], concentration en lactates sanguins
En ce qui concerne, les mesures de volumes sanguins, les valeurs de début d’exercice n’étaient pas différentes entre les deux groupes (VSD = 29,53 ± 26,45 % pour HIE vs. 18,37 ± 24,54 % pour NHIE, P = 0,11). Les variations de volume sanguin à l’exercice maximal (?VS) semblaient moins importantes dans le groupe HIE mais cette différence n’était pas statistiquement significative (P = 0,480 ; figure 3B). Enfin, aucune corrélation n’a été trouvée entre les paramètres d’oxygénation musculaire et de saturation artérielle en oxygène.

Figure 3B

Comparaison des variations de volumes sanguins musculaires exprimées en fonction de l’échelle ischémie hyperémie au cours de l’exercice maximal progressif (?VS = VSD-VSM) entre les groupes HIE et NHIE

Figure 3B

Comparaison des variations de volumes sanguins musculaires exprimées en fonction de l’échelle ischémie hyperémie au cours de l’exercice maximal progressif (?VS = VSD-VSM) entre les groupes HIE et NHIE

3.4 – Exercice à puissance constante

15 Neuf sujets hypoxémiques et huit non hypoxémiques ont participé à cette deuxième session de test. Au cours de ce test, la SaO2 était significativement plus basse dans le groupe HIE (SaO2 = 92,00 ± 2,18 pour HIE vs. 94,62 ± 0,74 pour NHIE, P < 0,05). Les performances de temps limites à 90 % de figure im38 O2max n’étaient pas différentes entre les deux groupes (Tlim = 341,6 ± 97,6 sec. pour HIE vs. 362,9 ±232,2 sec. pour NHIE, P = 0,80). De plus, les lactatémies de fin d’exercice étaient similaires entre les deux groupes [La] = 11,5 ± 2,7 mM pour HIE vs. 10,9 ± 2,2 mM pour NHIE, P = 0,64).

4 – Discussion

16 Le principal résultat de cette étude est que les athlètes hypoxémiques présentent une diminution plus importante de l’oxygénation musculaire à l’exercice maximal que des athlètes non hypoxémiques. Ce résultat est associé à des niveaux d’aptitude aérobie ( figure im39 O2max, PMA et temps limites) similaires aux sujets non hypoxémiques ayant le même niveau d’entraînement.

4.1 – Hypoxémie induite par l’exercice et oxygénation musculaire

17 Plusieurs hypothèses pourraient expliquer la plus grande diminution de l’oxygénation musculaire chez les athlètes hypoxémiques. Tout d’abord, ce niveau d’oxygénation musculaire plus bas pourrait simplement être dû à la désaturation artérielle en O2 dans le groupe HIE. En effet, alors que chez les athlètes non hypoxémiques la diminution progressive de l’oxygénation musculaire au cours de l’exercice est très probablement due à l’augmentation de l’extraction musculaire en oxygène (Costes, Barthelemy et al., 1996), la réduction plus importante de OXY dans le groupe HIE pourrait être le résultat d’une extraction en O2 similaire aux athlètes NHIE combinée à la chute de SaO2. Cette explication est en accord avec les travaux de Costes et al. (Costes, Barthelemy et al., 1996) qui ont comparé l’évolution de l’oxygénation musculaire mesurée par NIRS lors d’exercices à charge constante en conditions normoxiques et hypoxiques. Ces auteurs ont observé une diminution plus importante de l’oxygénation musculaire à la fin de l’exercice en condition hypoxique. Ils ont suggéré qu’en normoxie, la réduction de l’oxygénation musculaire est due à l’augmentation de l’activité métabolique induite par l’exercice, alors qu’en hypoxie la réduction du contenu artériel en O2 ajoutée à la demande métabolique conduit à un niveau d’oxygénation musculaire plus bas. Néanmoins, dans notre étude, si la réduction de SaO2 était la seule explication à la plus grande diminution de l’oxygénation musculaire chez les athlètes hypoxémiques, la consommation maximale d’oxygène et la puissance maximale aérobie de ces sujets devraient être moins importantes dans le groupe HIE que dans le groupe NHIE. En effet, la réduction du niveau d’oxygénation artériel associée à un niveau d’extraction musculaire en O2 « normal » aurait dû conduire à une consommation maximale d’O2 plus basse chez les athlètes hypoxémiques. Or, dans notre étude, celle-ci est comparable par rapport aux sujets non hypoxémiques. Ceci suggère que d’autres mécanismes compensatoires tels que des adaptations métaboliques ou musculaires pourraient être impliqués dans le signal NIRS recueilli chez les athlètes hypoxémiques.

4.2 – Quelles adaptations pour compenser la diminution de l’apport en O2 vers les muscles ?

18 Une seconde hypothèse explicative à la diminution plus marquée de l’oxygénation musculaire chez l’athlète hypoxémique pourrait être l’acidose métabolique. En effet, chez le sujet normal au cours de l’exercice, l’augmentation de l’acidose locale facilite le relargage de l’O2 par l’hémoglobine (Stringer, Wasserman et al., 1994). La réduction plus importante de OXY chez les sujets HIE pourrait résulter d’une plus grande acidose métabolique permettant une plus grande libération d’oxygène par l’hémoglobine qui favoriserait par conséquent l’extraction musculaire. Ceci aboutirait donc à une diminution accrue du niveau d’oxygénation dans les capillaires musculaires. Néanmoins, les valeurs similaires de lacatémie entre les deux groupes mesurées à la fin de l’exercice incrémental ne permettent pas de retenir cette hypothèse. De plus, les études ayant comparé les valeurs de lacatémie (Harms, McClaran et al., 1998 ; Rice, Scroop et al., 2000 ; Aguilaniu, Flore et al., 2002) ou de pH (Harms, McClaran et al., 1998 ; St Croix, Harms et al., 1998) entre des sujets hypoxémiques et non hypoxémiques n’ont pas rapporté de différences significatives.

19 Une autre explication pourrait être l’existence d’adaptations musculaires en réponse au stimulus hypoxémique. En effet, les athlètes qui ont participé à cette étude s’entraînaient environ dix heures par semaine, auxquelles s’ajoutaient deux à quatre heures en période de compétition. Tous effectuaient des séances d’entraînements intermittents à haute intensité dont le but est de s’entraîner à des intensités proches de figure im40 O2max (Laursen & Jenkins, 2002). L’HIE survenant à des intensités comprises entre 60 et 80 % de figure im41 O2max (Prefaut, Durand et al., 2000), on peut présumer que les athlètes hypoxémiques sont fréquemment confrontés à une diminution de la saturation artérielle au cours de leurs entraînements et compétitions. Ils réalisent donc fréquemment des exercices dans des conditions d’hypoxie légère dont la chronicité pourrait provoquer des adaptations musculaires. À notre connaissance, l’éventualité de telles adaptations musculaires chez des athlètes hypoxémiques s’entraînant au niveau de la mer n’a jamais été étudiée. En revanche, il existe des données concernant les effets de l’entraînement en hypoxie intermittente sur la fonction musculaire (Desplanches, Hoppeler et al., 1996 ; Hoppeler & Vogt, 2001). Récemment, Hoppeler et al. (Hoppeler & Vogt, 2001) ont comparé un groupe de sujets qui s’entraînait en normoxie avec un autre s’entraînant en hypoxie. Les analyses de biopsies musculaires ont permis de conclure qu’un entraînement sous hypoxie à haute intensité d’exercice induit des adaptations locales pour compenser la diminution de l’apport en O2 au cours de l’entraînement. Ces adaptations périphériques se traduisent par une augmentation de la capillarisation musculaire, un accroissement de la concentration en myoglobine et de la densité mitochondriale ainsi qu’une up-regulation des voies oxydatives, ce qui résulte en une meilleure utilisation de l’oxygène. Considérant, le caractère chronique de l’HIE discuté précédemment, de telles adaptations pourraient exister chez l’athlète hypoxémique.
Tout d’abord, l’atteinte de valeurs similaires de figure im42 O2max dans le groupe HIE malgré la réduction du niveau d’oxygénation artériel pourrait être due à une amélioration de la perfusion du muscle. En effet, ceci augmenterait la quantité d’hémoglobine et compenserait la réduction de SaO2. Les études portant sur l’entraînement à haute intensité en hypoxie aiguë ont révélé de hauts niveaux d’ARN messager codant pour VEGF (facteur de croissance vasculaire et endothéliale) impliqué dans l’augmentation de la densité capillaire (Hoppeler & Vogt, 2001). Dans notre étude, les volumes sanguins relevés à la fin de l’exercice progressif paraissaient moins diminués dans le groupe d’athlètes hypoxémiques que dans le groupe d’athlètes non hypoxémiques, ce qui pourrait refléter une meilleure perfusion musculaire. Néanmoins, cette différence de variation n’est pas statistiquement significative et ne nous permet pas de confirmer l’hypothèse d’un volume sanguin musculaire plus important pour compenser la chute de SaO2 chez les athlètes hypoxémiques. Toutefois, il serait intéressant d’obtenir des données complémentaires sur le débit sanguin musculaire en utilisant une méthode plus précise (technique Doppler par exemple).
D’autres adaptations possibles en réponse au stimulus HIE pourraient inclure l’amélioration de l’extraction de l’O2 par le muscle et de ces capacités oxydatives. Tout d’abord, comme l’ont montré les études sur l’entraînement en hypoxie, une augmentation de la concentration en myoglobine augmenterait la capacité de stockage et de transport de l’oxygène au niveau des cellules musculaires (Hoppeler & Vogt, 2001). Néanmoins, bien qu’il semble que la myoglobine contribue en partie au signal NIRS, les variations d’oxygénation de l’hémoglobine et de la myoglobine ne peuvent pas être distinguées (Mancini, Wilson et al., 1994). Par ailleurs, les capacités oxydatives pourraient être améliorées grâce à une augmentation de la densité mitochondriale. L’oxygène serait utilisé ainsi de manière plus efficiente (Hoppeler & Vogt, 2001). Cette hypothèse est en accord 1) avec l’atteinte des mêmes figure im43 O2max chez les athlètes hypoxémiques et non hypoxémiques malgré une diminution de l’apport en O2 dans le groupe HIE ; 2) avec la diminution plus importante du niveau d’oxygénation musculaire chez les sujets HIE. De plus, de telles adaptations permettraient d’expliquer l’atteinte de mêmes performances de temps limite entre nos deux groupes de sujets malgré le fait qu’au cours de cette épreuve les athlètes hypoxémiques aient présenté une diminution significative de SaO2. Enfin, la plus grande augmentation de figure im44 O2max chez les athlètes hypoxémiques par rapport aux athlètes non hypoxémiques en conditions hyperoxiques reportée dans plusieurs études (Powers, Lawler et al., 1989 ; Harms, McClaran et al., 2000) conforte également cette hypothèse. Des analyses de biopsies musculaires sont nécessaires pour étudier précisément les adaptations cellulaires chez les sujets hypoxémiques.

4.3 – Limites de l’étude

20 Par ailleurs, quelques points sont à préciser. En effet, le caractère chronique de l’hypoxémie induite par l’exercice n’a pas pu être totalement établi dans notre étude car même si les volumes et types d’entraînement étaient connus pour chaque sujet, il n’a pas été possible de déterminer le temps que passait chacun à des intensités d’exercice correspondant à l’apparition de l’HIE. De plus, les valeurs de SaO2 relevées dans le groupe HIE étaient plus élevées que celles obtenues lors des entraînements en hypoxie intermittente auxquelles nous avons fait référence (Desplanches, Hoppeler et al., 1996 ; Hoppeler & Vogt, 2001). Ainsi, le stimulus hypoxique auquel les athlètes de notre étude sont soumis au cours de leurs entraînements et compétitions est probablement moins important que dans les études citées et les adaptations périphériques pourraient être par conséquent moins importantes. Toutefois, il est probable que les réductions de SaO2 auxquelles sont confrontés nos sujets lors de leur pratique sportive soient plus importantes que celles observées dans notre étude. En effet, la plupart des athlètes hypoxémiques étaient des coureurs (mis à part un cycliste) et il a été démontré que la réduction de SaO2 est plus importante en course à pied que sur vélo (Rice, Scroop et al., 2000).

21 En conclusion, il apparaît que l’hypoxémie induite par l’exercice est associée lors d’un exercice maximal progressif à une plus grande réduction de l’oxygénation musculaire. Cette diminution plus importante de l’oxygénation musculaire en comparaison aux athlètes non hypoxémiques de même niveau de pratique peut être expliquée du moins, en partie, aux effets combinés de la demande métabolique due à l’exercice et de la réduction du niveau d’oxygénation artériel. Néanmoins, les aptitudes aérobies similaires chez les sujets hypoxémiques et non hypoxémiques suggèrent l’existence d’adaptations musculaires afin de compenser la diminution de l’apport en O2 vers les muscles au cours de l’exercice chez les athlètes HIE. Cette hypothèse ouvre alors de nouvelles perspectives concernant les adaptations cellulaires chez l’athlète hypoxémique.

5 Remerciements

Nous tenons à remercier le Docteur Dominique Choquet ainsi que toute l’équipe du Centre de réadaptation cardiaque du CHU de Corbie. Remerciements également à Alexandre Marles et à Wassim Moalla pour leur assistance technique.

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Mots-clés éditeurs : spectroscopie du proche infrarouge, aérobie, temps limite, performance, saturation artérielle

Mise en ligne 01/02/2006

https://doi.org/10.3917/sta.069.0007

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