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Article de revue

L'art culinaire ou l'insaisissable beauté d'un art qui se dérobe

Quelques jalons (XVIIIe-XXIe siècle)

Pages 13 à 36

Notes

  • [1]
    Pierre Bourdieu (dir.), Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, éditions de Minuit, 1965 ; François Brunet, « La photographie, une éternelle aspirante à l’art », dans Nathalie Heinich, Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris, EHESS, 2012, p. 29 et suiv. Ce statut a conduit Michel Melot à proposer comme réponse à la question « la cuisine est-elle un art ? » qu’elle était « un art pas comme les autres », Michel Melot, « La cuisine est-elle un art ? », Bien Manger, Médium, n° 22, juillet-septembre 2011, p. 6-30. La question a été le thème de la table ronde « La cuisine est-elle un art ? », Julia Csergo (université Lyon 2), Jacqueline Vurpas (musée des Confluences), Lyon 17 octobre 2011, dans le cadre de l’exposition « Mise en bouche ».
  • [2]
    Le dictionnaire Le Robert donne comme première mention du terme la date de 1546. Il le définit comme « ce qui a rapport à la cuisine ». En réalité, cette première mention certainement tirée du Tiers Livre de Rabelais, se rencontre dans une expression hermétique où il est question de « caballe culinaire et monastique ». Voir l’analyse qu’en fait Marie Holban, « Autour de Jean Thénaud et de Frère Jean des Entonnoirs », Études Rabelaisiennes, n° 9, Genève, Droz, 1971 p. 56. C’est ce qui explique que l’adjectif ne figure pas dans le Dictionnaire de Furetière de 1690. Le Trésor de la langue française n’atteste l’usage véritable du terme que du xixe siècle.
  • [3]
    « Lieu où l’on cuit et prépare la viande » et « fonds destiné pour la dépense de cuisine » sont les seules définitions données pour le mot « Cuisine » par le Dictionnaire de Furetière (1690). Le verbe « cuisiner », est défini comme « savoir faire la cuisine, apprester à manger ». On peut se demander si ce « savoir faire la cuisine » renvoie à la gestion de la dépense ?
  • [4]
    Une réflexion avait été initiée par Caroline Champion, Hors d’œuvre. Essai sur les relations entre arts et cuisine, Paris, Menu Fretin, 2010. Un programme de recherche pluridisciplinaire est engagé, depuis 2011 et pour trois ans, dans le cadre du LaBex HESam « Création, arts et patrimoines » : L’Art du Culinaire : artification et patrimonialisation du culinaire, direction Julia Csergo (UQAM-Lyon2) et Frédérique Desbuissons (INHA), avec la collaboration d’Évelyne Cohen (ENSSIB-université de Lyon).
  • [5]
    Nathalie Heinich et Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, op. cit.
  • [6]
    Ms. S 103 de la bibliothèque Supersaxo, Bibliothèque cantonale du Valais (Sion), édition de Terence Scully, 1985, 11r.
  • [7]
    Le De Re culinaria, édition de la Bibliotheca Pisanorum Veneta dite édition de Venise, imprimé en 1498 est ensuite publié en 1542, par G. Humelberg puis en 1705 et 1709, par M. Lister sous le titre de Apicii Caelii de Opsoniis et condimentis, sive arte coquinaria, libri X. Voir L. Douet d’Arcq, « Un petit traité de cuisine écrit en français au commencement du xive siècle », Bibliothèque de l’École des chartes, 21e année, t. 1, 5e série, 1860 ; voir aussi Apicius, L’Art culinaire, texte établi, traduit et commenté par Jacques André, Paris, Les Belles Lettres, 1974.
  • [8]
    Voir le travail de Bruno Laurioux, Gastronomie, humanisme et société à Rome au milieu du xve siècle. Autour du De honesta voluptate de Platina, Florence, Edizioni del Galuzzon, 2006.
  • [9]
    Nous n’omettons pas l’antériorité de L’Art de bien traiter, Paris, Jean du Puys, 1674, signé LSR, sans doute par le sieur Rolland, officier de bouche de la princesse de Carignan. L’ouvrage, consacré à la cuisine et à l’office, est centré sur la façon de « traiter », c’est-à-dire « de recevoir chez soi, de convier à sa table, de régaler un invité », pour reprendre les définitions du Trésor de la langue française. Ces ouvrages s’inscrivent dans une vogue de publications d’art de… Vivre longuement (1630), Trancher la viande (1650), Diriger la maison d’un seigneur (1692), et encore, bien plus tard, Bien faire les glaces d’office (1768) ou Préparer les alimens (1787)
  • [10]
    Marie-Antoine Carême, L’Art de la cuisine française au xixe siècle, 1833, p. v, xiv, lxiij, lxvij.
  • [11]
    Essais, Paris, Firmin Didot, 1870, I, XLIX, p. 151.
  • [12]
    Dans le Gorgias, Socrate dit que la cuisine n’est qu’un savoir faire et qu’elle s’est glissée sous la médecine, mais que ce n’est pas un art parce que le cuisinier ne sait pas donner l’explication de ce qu’il fait. C’est sur ce critère que la médecine accèdera plus tard et avec difficultés, au statut d’art libéral.
  • [13]
    Sur les corporations des cuisiniers et les hiérarchies, voir Alain Drouard, Histoire des cuisiniers en France, xixe-xxe siècle, Paris, CNRS Éditions, 2004 ; et Philippe Meyzie, L’Alimentation en Europe à l’époque moderne, Paris, Armand Colin, 2010.
  • [14]
    Voir Alain Rey, « Le nom d’artiste », Romantisme, n° 55,1987, p. 5-22 ; Annie Becq, « Artiste », dans Michel Dulon (dir.), Dictionnaire européen des Lumières, Paris, Puf, 1997 ; Nathalie Heinich, Du peintre à l’artiste. Artisans et académiciens à l’âge classique, Paris, Éditions de Minuit, 1993.
  • [15]
    Voir récemment dans le Guardian le « On Art Blog » de Jonathan Jones, Food for thought… Why cuisine ou couture can never equal great art, 21 avril 2011.
  • [16]
    Jean-François Marmontel, « Arts libéraux », dans Supplément de l’Encyclopédie, Amsterdam, Rey, 1776.
  • [17]
    Claude Henri Watelet et Pierre-Charles Levesque, dans Pancouke, Encyclopédie méthodique, section « Beaux-arts », 1788.
  • [18]
    Annie Becq, « Artiste », dans Michel Dulon (dir.), op. cit. ; Nathalie Heinich et Roberta Shapiro (dir.), op. cit.
  • [19]
    Barbara Cassin (dir.), Vocabulaire européen des philosophies, Le Seuil, Le Robert, 2004.
  • [20]
    Voir notamment Nelson Goodman, Manières de faire des mondes (1978), Paris, 2006, Folio, coll. « Essais », p. 483.
  • [21]
    René Huyghe, Dialogue avec le visible, Paris, Flammarion, 1955, p. 102.
  • [22]
    Voir l’essai de Priscilla Parkhust-Ferguson, Accounting for Taste. The Triumph of French Cuisine, Chicago, University of Chicago Press, 2004 ; voir aussi dans Olivier Assouly (dir.), Goûts à vendre. Essai sur la captation esthétique, Paris, IFM Regard, 2007 ; lire également les articles d’Olivier Assouly, « L’arrière-goût du goût. De l’origine du goût au jugement du goût », et de Nathalie Heinich, « Ce que la sociologie fait au goût », dans Goûts à vendre : essais sur la captation esthétique, Paris, Éd. du Regard, Institut français de la mode, 2007, p. 117-127.
  • [23]
    Voir Caroline Champion, Hors d’œuvre. Essai sur les relations entre arts et cuisine, op. cit.
  • [24]
    Voir Baldine Saint Giron, Fiat lux. Une philosophie du sublime, Paris, Quai Voltaire, 1993.
  • [25]
    Son approche culturelle assez peut renouvelée en France depuis les travaux de Jean-Paul Aron et Jean-Louis Flandrin, bénéficie surtout de l’avancée des food-studies
  • [26]
    Kant, Critique de la faculté de juger. Esthétique (1790), Livre I, « Analytique du beau », Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1985.
  • [27]
    Nous avons eu l’occasion d’évoquer l’importance de l’olfaction dans le rapport au goût alimentaire au xviie siècle, Julia Csergo, « Tables provençales à la fin du xviie siècle », dans Gilbert Garrier (dir.), Boire et manger en Provence au temps de Madame de Sévigné, université de Suze la Rousse, p. 111-136 (IIe symposium « Vin et Histoire », université Lyon 2-université du Vin, Suze la Rousse, 16 et 17 octobre).
  • [28]
    Graham M. Jones, « L’art au miroir de la magie », dans N. Heinich, R. Shapiro (dir.), op. cit., p. 114-131.
  • [29]
    Voir infra p. 37-48.
  • [30]
    Tables royales et festins de cour en Europe 1661-1789, actes du colloque international de Versailles, Paris, École du Louvre, 2004.
  • [31]
    Antonin Carême, Le Pâtissier pittoresque, extraits choisis et présentés par Allen S. Weiss, Paris, Mercure de France, 2003.
  • [32]
    Javier Villegas, « Le cuisinier du troisième type : de la cacophonie alimentaire à l’émergence d’une dynamique de goûts », Écologie & Politique, n° 32, 2006/1, p. 153-168.
  • [33]
    Caroline Poulain, Couleurs du goût. La couleur dans les livres de cuisine depuis le xixe siècle, catalogue de l’exposition de la BM de Dijon, 15 septembre-27 novembre 2007.
  • [34]
    L’Homnivore. Le goût, la cuisine et le corps, Paris, Odile Jacob, 1990, p. 239 et suiv.
  • [35]
    « Vive la nouvelle cuisine française », dans Nouveau Guide Gault-Millau, n° 54, 1973.
  • [36]
    Table ronde avec Michel Bras et Pierre Gagnaire, Portes ouvertes du Nouvel Observateur, La Folie du bien manger, Paris, 22 janvier 2010. Michel Troisgros fait ici référence à l’exposition Mondrian/de Stijl (Centre Pompidou, 1er décembre 2010-21 mars 2011).
  • [37]
    À propos de la sortie du film documentaire de Paul Lacoste, Entre les Bras. La cuisine en héritage, 2012, voir Anne-Cécile Beaudoin, « L’Aubrac entre les Bras », Paris Match, n° 3297, 26 juillet-1er août 2012.
  • [38]
    Voir infra p. 138-147.
  • [39]
    Julia Csergo, Wided Batat (dir.), « Enquête sur les pratiques culinaires populaires », menée dans le cadre d’un projet professionnel VGTPATR- université Lyon 2, pour l’OCPop, octobre 2011-février 2012. La méthode consistait en une enquête basée sur un questionnaire et des entretiens semi directifs. L’échantillon est constitué de trente personnes résidant dans la région Rhône-Alpes, âgées de 21 à 79 ans, disposant d’un revenu moyen de 1 700 € mensuels.
  • [40]
    Ouvert aux expériences musicales, Gonzales est l’auteur de performances comme le plus long concert de l’histoire (27 h 03 mn 44 s) ou un concert debout, en touches blanches uniquement.
  • [41]
    Pierre Gagnaire, Chilly Gonzales, Bande Originale, Paris, Flammarion, 2010.
  • [42]
    http://www.flmag.fr.chef.htlm, septembre 2009 (consulté le 16 juin 2012).
  • [43]
    Voir le film de Sophie Bensadoun, Invention de la cuisine. Alain Passard, Allegro Entertainment (Warner), 2010.
  • [44]
    Baudelaire, « Correspondances », Les Fleurs du mal (1re édition 1857).
  • [45]
    Nous renvoyons aux travaux de neurobiologie et de neurophysiologie, notamment aux multiples articles sur la gustation d’Annick Faurion (CNRS).
  • [46]
    Édition consultée, Chymie du goût et de l’odorat ou principes pour composer facilement et à peu de frais les liqueurs à boire et les eaux de senteur, Paris, Pissot, 1767.
  • [47]
    Ibid., p. xxij.
  • [48]
    « Fiat Lux : la sublimation des saveurs », dans Michel Erman (dir.), Le Goût dans tous ses états, Berne, Peter Lang, 2009, coll. « Littératures de langue française », vol. 8, p. 45-56.
  • [49]
    Édition Garnier-Flammarion, 2000.
  • [50]
    L’Optique des couleurs : fondée sur les simples observations et tournée surtout à la pratique de la peinture, de la teinture et des autres arts coloristes, Paris, Chez Briasson, 1740.
  • [51]
    À partir des travaux de Kircher sur les analogies entre sons et couleurs, le père Castel a supposé que les sept couleurs produites par l’effet du prisme sur les rayons de la lumière se rapportaient exactement aux sept sons de la musique. Voir « Le Piano », Revue de Paris, 1839, p. 173-200 ; l’article de Maarten Franssen, « The Ocular Harpsichord of Louis-Bertrand Castel », Tractrix, n° 3, 1991, p. 15-77 ; voir encore Hervé Hasquin, Roland Mortier, « Autour du père Castel et du clavecin oculaire », Études sur le xviiie siècle, vol. XXIII, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 1995 ; Jean-Marc Warzawski, « Le clavecin oculaire du père Louis-Bertrand Castel », dans Michel Costantini, Jacques Le Rider et François Soulages (dir.), La Couleur réfléchie, actes du colloque de l’université Paris 8, mai 1999, Paris, L’Harmattan, 2001. À l’époque contemporaine les mêmes interrogations, autour de l’audition colorée, traverseront les recherches de Scriabine, de Kandinsky ou de Messiaen.
  • [52]
    Chymie du goût et de l’odorat, op. cit., «  Dissertation préliminaire sur la salubrité des Liqueurs & l’harmonie des saveurs », p. xviij et p. xix.
  • [53]
    « The Ocular Harpsichord of Louis-Bertrand Castel », art. cité.
  • [54]
    Mémoires ou Essais sur la musique, Paris, imprimerie de la République, pluviôse, an V, t. 3, p. 235 et suiv.
  • [55]
    Grimod de La Reynière, Manuel des Amphitryons (1808), présentation de Misette Godard, Paris, Anne-Marie Métailié, 1983, p. 9.
  • [56]
    Grimod de La Reynière, Almanach des Gourmands servant de guide sur les moyens de faire excellente chère, Paris, Maradan, 1803-1812 ; voir 1803, Préface, p. i.
  • [57]
    Jean-Paul Aron, qui était lui aussi un homme de théâtre, a le premier perçu cette dimension, Le Mangeur du xixe siècle, Paris, Laffont, 1973
  • [58]
    Gustave Desnoiresterres, Grimod de la Reynière et son groupe (1877), préface de Jean-Claude Bonnet, Paris, Menu Fretin, 2009.
  • [59]
    Julia Csergo, « La Gastronomie dans les guides de voyage : de la richesse industrielle au patrimoine culturel, France xixe-début xxe siècle », In Situ. Revue des patrimoines, n° 15, 2010, ministère de la Culture et de la Communication, http://www.insitu.culture.fr
  • [60]
    Le même intitulé est repris par Paput-Lebeau, chef de cuisine à Angers, qui publie en 1883 sous ce titre un ouvrage de soixante menus et 275 recettes.
  • [61]
    Voir Alain Drouard, Histoire des cuisiniers en France xixe-xxe siècle, Paris, CNRS Éditions, 2004 ; nous renvoyons aussi à la somme extraordinaire du chef de bureau des sociétés de secours mutuel au ministère de l’Intérieur, Joseph Barberet, « Cuisiniers » dans Le Travail en France. Monographies professionnelles, t. VI, Paris, Berger Levrault, 1889, p. 15-285.
  • [62]
    Notons qu’aujourd’hui, en France, la nomenclature de l’INSEE ne reconnaît pas la cuisine comme un métier d’art, non plus que comme un artisanat d’art, mais classe le cuisinier et les commis de cuisine dans la catégorie 6-63, « ouvriers qualifiés de type artisanal » en le définissant comme « professionnel qualifié préparant des aliments destinés à être consommés dans un lieu de restauration ».
  • [63]
    Carême n’a pas mesuré pas la tension qui s’était jouée pour l’architecture, entre art et technique, et la difficulté qui fut la sienne pour se faire reconnaître parmi les beaux-arts. Voir l’article très éclairant de Luc Noppen, « L’Architecte dans l’histoire : entre maître d’œuvre et maître d’ouvrage », revue Liberté, n° 29, vol. 5 (173), 1987, p. 48-54.
  • [64]
    Daniel Rabreau, « Carême, le citoyen-architecte », dans L’Art culinaire au xixe siècle. Antonin Carême, Catalogue de l’exposition, mairie du IIIe arrondissement, Délégation à l’action artistique, 1984.
  • [65]
    Lady Morgan, La France en 1829 et 1830, Bruxelles, J. P. Meline, 1931.
  • [66]
    Les liens de la cuisine et de la franc-maçonnerie sont attestés pour Vincent La Chapelle dans le premier tiers du xviiie siècle. La recherche est à approfondir pour les années ultérieures, mais le fait que les premières expositions culinaires se déroulent au Grand Orient de France nécessiterait une recherche spécifique.
  • [67]
    Joseph Barberet, op. cit.
  • [68]
    Cité par Alain Drouard, op. cit., p. 65.
  • [69]
    Pascal Ory, Le Discours gastronomique français des origines à nos jours, Paris, Gallimard, 1998.
  • [70]
    Nathalie Heinich et Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, op. cit., p. 281.
  • [71]
    Voir à ce sujet Ricciatto Canudo, Naissance d’un sixième art. Essais sur la cinématographie (1911) et Le Manifeste des 7 arts (1923) ainsi que le passionnant texte de l’historien d’art Élie Faure, De la ciné-plastique, 1922, édition électronique de l’université de Chicoutimi (Canada) « les Classiques des sciences sociales », http://www.uqac.uquebec.ca
  • [72]
    Noël Coret, Salon d’automne, 1903-2003 : l’Art en effervescence, Casta Diva, 2003 ; Voir aussi le remarquable travail de fond de Béatrice Joyeux-Prunel, « L’art de la mesure. Sur le Salon d’automne (1903-1914). L’Avant Garde, ses étrangers et la nation française », Histoire et Mesure, vol. XXII, n° 1, 2007, p. 145-182.
  • [73]
    9e Art. Le Livret d’Or de la section gastronomique régionaliste, catalogue du Salon d’automne, Grand Palais, 1923.
  • [74]
    Filippo Tommaso Marinetti & Fillià, La Cuisine futuriste (1931), traduction de Nathalie Heinich, Paris, Anne-Marie Métailié, 1982.
  • [75]
    Signalons notamment sa production par l’ensemble Amici à Toronto, dans le cadre d’un événement « Explorer goût et musique » (23 octobre 2011). Nous pouvons rapprocher la démarche de Bernstein de celle du Festin joyeux ou la cuisine en musique, en vers libres (1738), donné comme une mise en musique de livres de cuisine de l’époque et dans lequel l’auteur explique aux dames de la Cour que le petit traité « pourra (vous) servir d’amusement & de récréation, aussi utile qu’agréable ; puisqu’en chantant vous pourrez, Mesdames, enseigner à faire des ragoûts & sausses à quelqu’uns de vos sujets subalternes pour vous réjouir… ». Cependant, ils ne résultent pas du même processus, de la même façon que l’opéra-bouffe d’Offenbach utilise le thème de la nourriture dans un tout autre contexte. Voir Béatrice Fink (dir.), Les Liaisons savoureuses. Réflexions et pratiques culinaires au xviiie siècle, université de Saint-Étienne, 1995 ; et Jean-Claude Yon, « Un vrai opéra-bouffe : manger chez Offenbach », dans Françoise Hache-Bissette et Denis Saillard (dir.), Gastronomie et identité culturelle française. Discours et représentations (xixe-xxie siècles), Paris, Nouveau Monde, 2007, p. 105-120.
  • [76]
    Illustrations de Pablo, Paris, Denoël et Steel, 1931
  • [77]
    Voir Françoise Hache-Bissette et Denis Saillard (dir.), Gastronomie et identité culturelle française. Discours et représentations (xixe-xxie siècles), op. cit., notamment les articles de Kyri W. Clafin, de Denis Saillard et de Didier Francfort, p. 215-275.
  • [78]
    Voir la trop rapide mais éclairante étude de Vincent Seveau, « La bande dessinée » dans Nathalie Heinich et Roberta Shapiro, De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, op. cit., p. 253-260 ; voir aussi le manifeste de Francis Lacassin, Pour un Neuvième art. La bande dessinée, Paris, Union générale d’édition, 1971.
  • [79]
    Les projets culturels officiels se multiplient, notamment depuis l’inscription du « Repas gastronomique des français » au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité, dont j’ai porté la responsable scientifique et qui a été inscrit à l’Unesco en novembre 2010.
  • [80]
    De la même façon pourrait-on avancer, que la photographie. Voir Pierre Bourdieu, La Photographie, un art moyen. op. cit.
  • [81]
    Pour reprendre l’expression de Nathalie Heinich et Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, op. cit. L’ouvrage comporte des chapitres sur la photographie, le cinéma, les graffiti, la mode, la BD, l’art brut, etc., mais aucun n’est consacré à la cuisine. Les auteurs justifient implicitement cette absence en évoquant la « gastronomie » comme « un cas d’artification impossible » au même titre que la typographie, l’œnologie, l’art des jardins, le parfum (p. 291).
  • [82]
    http://www.ledevoir.com, actualités culturelles, 15 juin 2007. Nous ne discuterons pas ici cette déclaration et la relation de l’œuvre et du support.
  • [83]
    La tendance s’inverse depuis quelques années. Elle peut s’interpréter comme la manifestation d’un passage à l’art.
  • [84]
    Nous renvoyons à la définition que nous avons proposée du champ culturel qu’est la « gastronomie », voir Julia Csergo, Le Repas gastronomique des Français à l’Unesco. Éléments d’une inscription au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité, le mangeur-ocha.com, texte exclusif, mis en ligne en septembre 2011.
English version

1L’art culinaire est difficile à approcher et à définir. Comme on a pu le dire de la photographie, on peut dire de la cuisine qu’elle entretient, en termes de statut social, « un rapport incertain à l’art [1] ». Et, si nous tentons de pousser plus loin l’investigation, nous ne pouvons que constater que l’art culinaire est un objet de recherche qui cumule les obstacles épistémologiques. Ceux-ci tiennent autant à la complexité signifiante et fonctionnelle du terme « art » – et au régime d’historicité de ses usages qu’à l’apparition, relativement récente de l’adjectif « culinaire [2] ». Il ne serait pas plus éclairant d’évoquer l’expression qui lui est proche, « l’art de la cuisine », tout aussi complexe à définir en raison des glissements sémantiques opérés par le terme « cuisine » entre le xviie et le xviiie siècle [3].

2Sans prétendre à la moindre exhaustivité dans les références que nous allons livrer, nous proposons de rassembler ici quelques hypothèses sur ce rapport de la cuisine à l’art « esthétique », et sur certains éléments de la construction historique de ce rapport. Notre démarche, qui concerne une recherche en gestation, engage une réflexion qui n’a pas encore été finalisée [4]. Elle ne consiste donc pas à s’interroger sur un « processus d’artification » tel que l’ont défini Nathalie Heinich et Roberta Shapiro, c’est-à-dire d’un « passage de la cuisine à l’art [5] », mais propose des termes de discussion autour de certains moments – discours, représentations, actions – qui nous semblent constituer des jalons témoignant à la fois de la construction de la cuisine comme « bel art », et, paradoxalement, des obstacles à sa perception comme tel.

La cuisine et ses états d’art

3L’association des termes « art » et « cuisine » n’est pas propre aux Temps modernes ou à l’époque contemporaine. Au début du xve siècle, par exemple, l’auteur Du fait de cuisine (1420), Maître Chiquart, dans l’adresse qu’il en fait au duc de Savoie, évoque la « science de l’art de cuysinerie et de cuysine [6] ». Plus tard, à partir du xvie siècle, c’est sous le titre Arte coquinaria qu’est reproduite et enrichie l’édition princeps de 1498 du recueil attribué à Apicius (385-400), dont le titre est alors De Re culinaria[7]. Nous pourrions passer en revue les livres de cuisine des Temps modernes pour recenser ce type de formulation et l’analyser en procédant à une contextualisation des textes et des lexiques, ce qui demeure un vaste chantier à venir dans le domaine de l’histoire de la cuisine nécessaire à la prévention de tout risque d’interprétation anachronique [8]. Cette recherche n’est pas de notre propos ici. Retenons seulement qu’au début du xixe siècle, André Viard dans son Cuisinier impérial ou l’art de faire la cuisine et la pâtisserie (1806), et Antonin Carême, dans son Art de la cuisine française au xixe siècle (1833), inaugurent les premiers recueils de recettes affichant dans leurs titres les termes « art » et « cuisine [9] », une formulation qui marquera la littérature culinaire contemporaine, sans doute en référence à l’esthétique développée par le théoricien de l’art Carl Friedrich von Rumohr, qui publie en 1822 (ou 1832) son Geist der Kochkunst (L’Esprit de l’art culinaire).

4En réalité, à travers l’usage du terme « art », André Viard évoque « la science ». Dans sa « Préface dédicatoire », il écrit : « Tous les arts, toutes les sciences ont considérablement gagné depuis un siècle. […] La cuisine qui est aussi une espèce de chimie [a] suivi la marche générale. » Et Carême fait explicitement référence aux « arts et métiers » et à la « science » de la cuisine et du cuisinier. Reprenant, au début de son ouvrage, des extraits de la « XXVIIe Méditation » de Brillat Savarin, dont la Physiologie du Goût est parue cinq ans auparavant, il souscrit à la reconnaissance de la cuisine comme « le plus ancien des arts […] le plus important pour la vie civile car ce sont les besoins de la cuisine qui nous ont appris à appliquer le feu, et c’est par le feu que l’homme a dompté la nature [10] ». Il s’inscrit ainsi, comme Brillat, dans la tradition de l’Encyclopédie qui définit la cuisine comme un « art mécanique », précisant qu’elle est l’« art d’apprêter les viandes » (qui comporte des méthodes de conservation des aliments, de cuisson et d’assaisonnement afin de les rendre digestibles), mais aussi, de façon plus complexe à appréhender, qu’elle est l’« art de flatter le goût » – un art qui se situe du côté de la « science de gueule » qui suit « les caprices de la Gastrologie. » Nous y reviendrons.

5La cuisine est ainsi une « science », un terme dont il ne semble pas inutile de contextualiser le sens. Le Trésor de la langue française indique, comme sens vieilli : « somme de connaissances qu’un individu possède ou peut acquérir par l’étude, la réflexion ou l’expérience », donc « savoir » ; mais aussi « connaissance approfondie des règles et des techniques propres à une activité » ; et, par métonymie, « adresse, habileté dans la pratique, compétence qui résulte de cette connaissance. » C’est à ces titres que, jusqu’au xixe siècle, la cuisine est reconnue comme un art, c’est-à-dire une connaissance réduite en pratique, un savoir-faire, et, dans le sens aristotélicien du terme, une méthode de bien faire quelque chose ; elle est un art de faire, ou, pour reprendre l’expression de Montaigne, un « scavoir apprester [11]. » Art mécanique, elle est aussi un art opératoire qui engage un travail de la main, mais qui peut supposer – ou non – un travail de l’intelligence, de l’esprit [12]. Dans ce cas, ainsi que le voulait l’organisation de la profession de cuisinier sous l’Ancien Régime, l’ouvrier – c’est-à-dire celui qui possède une habileté pratique et qui accède par la réalisation d’un chef-d’œuvre au rang de maître [13] – devient un artiste dont on fait, par l’emploi de ce terme, l’éloge de l’excellence [14].

6Si la cuisine est une tekhnè nourricière, elle est aussi, au-delà de la seule satisfaction d’un besoin physiologique auquel on ne saurait la réduire – puisque la nécessité que nous avons de nous nourrir peut ne pas engager d’acte culinaire –, un art appliqué à la physiologie. Elle est encore un art, pris au sens de « manières et inventions dont on se sert pour déguiser les choses, ou pour les embellir », un artifice. Et, par l’émotion et le plaisir qu’elle procure dans sa pratique la plus élaborée, elle est enfin « une manière de » – se nourrir –, une conduite, et, à ce titre peut-être, « un grand art » ainsi que l’on désignait au xviiie siècle l’art de vivre (et celui de mourir). C’est cette considération qu’exprimait probablement Talleyrand en déclarant que l’art culinaire faisait partie de l’art de vivre.

7La cuisine serait-elle aussi un « art » au sens esthétique du terme ? La question, qui émerge dans le courant du xviiie siècle, peut paraître datée. Mais le fait qu’elle demeure récurrente justifie qu’on la pose [15]. Ne serait-elle qu’un seul « art décoratif » et/ou aurait-elle prétendu, à un moment dont la contextualisation s’imposerait ici, être un « art libéral » c’est-à-dire appartenir à un domaine dont le contenu a eu tendance, à partir de la fin du xviiie siècle, à se restreindre aux seuls « beaux-arts », une catégorie jusque-là fluctuante mais que la convention nouvelle oppose alors aux « arts mécaniques » et aux « sciences », par la production de l’agrément [16] ou par la « satisfaction des besoins du sentiment [17] » qu’ils procurent. Et quels auraient été les signes et/ou les leviers – mis ou non en actes –, de cette ambition ? Aurait-elle été reconnue, collectivement et/ou institutionnellement, comme telle, et ce à travers les logiques de reconnaissance des « beaux-arts », perceptibles depuis la Renaissance : libération du carcan des structures corporatives de l’artisanat qui passe par la création des académies et des salons, demande institutionnelle et/ou anonyme, perception d’une subjectivité exceptionnelle, d’une puissance créatrice singulière, d’un prestige individuel qui induisent les nouvelles représentations de l’artiste et de son atelier [18]. Au fond, le cuisinier – qui n’a jamais été un artisan – serait-il un artiste ?

8Notre référence renvoie ici explicitement à une conception de l’art et des Beaux-arts qui prévaut encore largement dans la collectivité et dans les institutions, car elle résulte d’une longue histoire d’attitude mentale de l’Occident, et se rattache à l’histoire complexe des classements entre arts libéraux et arts mécaniques, tant à travers l’héritage conceptuel des Anciens – qui s’intéresse au processus de fabrication de tout objet et de toute œuvre – qu’à travers celui de l’esthétique des modernes qui s’intéresse aux sensations que l’objet produit sur son public [19]. Ainsi, l’approche d’un cheminement tel qu’il a pu se dérouler dans le temps long, ne peut-il faire l’économie de la prise en compte, quels que soient les théories et débats qui traversent depuis quelques années l’esthétique [20], de cette perspective essentialiste et institutionnelle de l’art qui a prévalu jusque dans les années 1960 et que René Huyghe résumait dans son monumental Dialogue avec le visible :

9

L’art commence là où cessent les mécanismes de la technique, puisqu’il n’est pas un moyen mis au service de quelque autre activité mais a son propre but et sa propre fin. De même l’art est un langage d’images qui ne s’assigne un sujet et des règles d’exécution que pour y trouver la Beauté : il n’est d’art que par cette ambition [21].

Métaphores ou correspondances ?

10Poser la question du « beau » en cuisine peut paraître aujourd’hui à la fois naïf et inapproprié. Elle n’est pourtant pas infondée dans le cadre de notre démarche puisqu’elle occupe dans l’Encyclopédie, une grande partie de l’article « Goût » – dans lequel Jaucourt, qui évoque la sensation, pose sur le même plan le goût pour la musique, pour la peinture ou les ragoûts, et le discute en référence à des textes de Voltaire et Montesquieu – et de l’article « Beau » signé de Diderot, lequel, annonçant Kant, distingue le beau du bon : « On dit un mets excellent, une odeur délicieuse, mais non un beau mets, une belle odeur [22]. » Alors même que la question du beau ne se pose plus dans le monde des arts constitués, elle continue de traverser le monde culinaire contemporain où dominent des références esthétiques plutôt conservatrices tant sur le plan du « beau » que sur celui du « bon [23] ». Il n’est pas de notre propos d’en faire ici une analyse critique, mais d’approcher cette question en tenant compte d’une part de l’indétermination de la catégorie du « beau », d’autre part de son régime d’historicité. À ce titre, la fin du xviiie siècle constitue le moment charnière pour interroger la cuisine sous cet angle, puisque nous savons que, si l’expression équivalente de « beaux-arts » se retrouve dès le xviie siècle, c’est le xviiie siècle qui a opéré une jonction privilégiée entre le beau et l’art, notamment à travers l’expression devenue consacrée de « beaux-arts », redéfinissant de la même façon le beau en autonomisant la valeur esthétique [24].

11Ainsi nous semblerait-il indispensable de confronter l’histoire de la cuisine, traitée trop souvent du seul côté de la technique culinaire [25], à ce moment crucial où se cumulent l’esthétique forgée par Baumgarten, la critique, fondée par La Font de Saint-Yenne et Diderot, la théorie kantienne du goût et l’histoire de l’art de Winckelmann. Des notions, catégories et théories marquantes qui nous amènent, dans le cadre du sujet qui nous préoccupe ici, à formuler, de façon certes un peu mécaniste, la question qui se rencontre en filigrane depuis le xviiie siècle : la cuisine peut-elle satisfaire à « l’idée du beau » – c’est-à-dire de ce qui procurerait une satisfaction désintéressée et libre, – ou se limite-t-elle à un « bon » (goût), catégorie dont les fins ne sont pas suffisamment « déterminées et fixées par un concept » et dont on ne peut se représenter un idéal [26] ?

12Ici, les questions de la sensation, de la connaissance et de l’expérience sensibles du goût et du plaisir qu’il procure, les traitements dont elles firent l’objet à diverses époques, depuis l’empreinte d’Aristote jusqu’aux travaux de Descartes, Berkeley et Condillac, s’imposeraient. Nous ne nous y risquerons pas car elles ne relèvent pas de notre compétence. Nous pouvons néanmoins présumer qu’elles s’avéreraient complexes à appréhender en raison de la fondamentale poly-sensorialité du goût, dont les travaux de neurophysiologie ont montré que le seul « sens du goût » représenterait grossièrement moins de 20 % de l’ensemble de la perception qui relève en majeure partie de l’odorat.

13Nous ignorons l’importance qu’accordaient les cuisines du Moyen Âge et des Temps modernes aux odeurs. Nous pouvons penser que les épices, dont nous savons la vogue qu’elles ont connue dans la cuisine médiévale des élites, ou les herbes autochtones et odoriférantes de la cuisine du xviie siècle, procuraient aussi des stimulations olfactives, aspects dont les travaux des historiens ne font que rarement mention [27]. C’est que, les traces que nous conservons, à travers les livres de recettes et les images, biaisent considérablement, par l’effet de support, l’approche que nous pouvons en avoir. Elles nous assurent en revanche qu’une place importante était accordée à l’esthétique visuelle. On ne saurait en déduire pourtant que la cuisine privilégiait la vue sur les autres sens, en y voyant une référence à la hiérarchie des sens développée dans la philosophie antique et dans la scolastique médiévale. Au début du xve siècle, Maître Chiquart, par exemple, nous laisse des témoignages qui montrent combien la cuisine s’élabore, non seulement sur un art du déguisement et de l’illusion qui renvoie à l’histoire de l’illusionnisme et de la prestidigitation [28], mais encore sur des constructions spectaculaires et des recherches chromatiques, dont les enjeux sociaux ont été analysés par Mireille Vincent-Cassy [29] et qu’ont approchés Béatrice Saule et Catherine Arminjon pour les tables royales à l’époque moderne [30]. Bien plus tard, au début du xixe siècle, les « folies » culinaires de celui qui fut surnommé le Palladio de la cuisine, Antonin Carême, attestaient, notamment en pâtisserie – mais pas seulement –, la prépondérance du beau visuel sur le goût, puisque, ainsi que le rappelait Allen S. Weiss, « son perfectionnisme décoratif transcendait souvent ses aspirations culinaires », lorsque, pour ses pièces montées, il n’hésitait pas à utiliser des liants impropres à la consommation [31]. Les magnifiques illustrations du livre de cuisine de Massialot (1691) ou du Cannaméliste français (1751), puis les monuments culinaires que sont le Livre de cuisine de Jules Gouffé (1867), premier livre de cuisine comportant des planches en couleur, ou plus tard L’Art culinaire moderne de Henri-Paul Pellaprat (1936), attestent du même rapport intime de la cuisine et d’une esthétique visuelle du goût, de plus en plus normée, codifiée dans les manuels des professionnels de la cuisine [32] et largement diffusée par les médias [33].

14Plus près de nous, l’un des « Dix commandements de la Nouvelle cuisine » édictés par Gault et Millau en 1973, place aussi le visuel au cœur des préoccupations de la haute cuisine, à la fois par le décor de l’assiette et par la mise en valeur des ingrédients, des volumes, des harmonies chromatiques, des compositions culinaires. Une analyse fine de l’ensemble de ce manifeste, qui n’a pas été approfondie depuis le travail fondateur de Claude Fischler [34], expliquerait les fondements esthétiques de la cuisine contemporaine, qui renvoie à l’esthétique culinaire japonaise que découvre Raymond Oliver lors des Jeux olympiques de Tokyo de 1964 [35], et les obstacles à son affranchissement du visuel. C’est sans doute dans cette visée que, transposant d’une certaine façon au goût, la question de l’expérience esthétique telle que Diderot l’évoquait dans sa Lettre sur les aveugles (1749), se sont développés ces dernières années des restaurants « dans le noir », d’où la vue des plats est bannie. On pourrait, suivant Diderot, pousser plus loin l’expérience cognitive, et se demander quelle perception esthétique d’un plat pourrait avoir un sujet privé non seulement de la vue, mais aussi de l’odorat, du tact ou de l’ouïe.

15Affirmant cette primauté du beau visuel, nombreux sont les grands chefs étoilés qui, évoquant, de façon inattendue, assez peu le goût, définissent leur cuisine et leur démarche « créatrice » à travers la métaphore de la peinture. Michel Troisgros, amateur d’art contemporain, raconte avoir « reconnu » le plat nouveau sur lequel il travaillait, dans un tableau de Mondrian qu’il découvre lors d’une exposition consacrée au peintre. Ce qui donnera sur sa carte un « Rouget laqué façon Mondrian [36]. » Michel Bras se reconnaît plus volontiers dans Soulages dont il s’approprie l’expression de la quête créatrice, « plus les moyens sont limités, plus l’expression est forte » ; tandis qu’à propos de son retrait progressif des cuisines, il dit se contenter désormais, chaque matin, de livrer fleurs, racines et herbes : « Et je taille les légumes. On ne peut pas demander à un peintre d’arrêter de peindre [37]. » Cette référence prégnante à la peinture ne veut pas pour autant dire que la cuisine ne serait un art qu’au sens métaphorique du terme. On peut aussi l’analyser en vertu de l’influence du modèle esthétique japonais qu’elle subit largement, mais qui ne trouve en France, et en Occident, que de rares modes d’expression parmi les arts constitués [38].

16Il n’en demeure pas moins que cette emprise du visuel imprègne aujourd’hui fortement l’ensemble du corps social. Nous avons pu le vérifier à travers les prémisses d’une enquête portant sur les pratiques et les représentations de la cuisine dans les milieux populaires. À la fin de l’entretien, la question suivante était posée : « la cuisine est-elle un art au même titre que la peinture ? » Sur trente personnes interrogées, seules sept ont exprimé l’avis que la cuisine n’est pas un art « visuel », car sa finalité est d’être « bonne à manger », même si on cherche à la rendre plus appétissante en la rendant plus agréable à voir ; les autres ont toutes affirmé que la cuisine était un art et que l’esthétique visuelle jouait un rôle aussi important que le goût [39].

17

« C’est l’art de tous les jours », Marie-Paule, 69 ans, niveau BTS, retraitée, 2 000 € de revenu mensuel ; « La cuisine est un art même s’il existe de mauvais plats comme il existe de mauvais tableaux, pourtant ce n’est pas pour ça qu’on pense que la peinture n’est pas un art », Fanelie, 22 ans, niveau BTS, chômage, 700 € par mois.

18Quelques cuisiniers enrichissent cette conception visuelle du « beau » culinaire par d’autres approches. Celles-ci ne se situent pas dans le domaine des « beaux-arts » au sens conventionnel du terme, mais dans celui de la musique et de la poésie, à travers lesquelles Hegel abordait la dématérialisation de l’art. Ce qui souligne le paradoxe de l’esthétique du goût, puisque la cuisine n’a à aucun moment d’existence immatérielle mais que les saveurs relèvent, comme les parfums, de l’immatériel. Pierre Gagnaire, par exemple, accorde une part déterminante à la stimulation auditive et à la musique lorsqu’il dit trouver l’inspiration du piano et des batteries de ses cuisines, dans le jazz. Au-delà de cette métaphore, il invente un passage à l’acte quand il s’associe au pianiste électro-pop canadien Chilly Gonzales [40] pour composer à quatre mains, des plats et des musiques qui se correspondent. Ils produisent ainsi un livre qui incite à consommer la cuisine des yeux – les plats ressemblent à des tableaux futuristes – et des oreilles – la bande-son dure une heure – ; ou des cinq sens au moment de l’élaboration culinaire et de la consommation du repas : « la musique est dans le tempo d’un repas avec ses pleins et ses déliés, ses rythmes syncopés, ses ruptures ; le chaud et le froid, un bouillon qui coule… » écrit Gagnaire sur la quatrième de couverture [41].

19Toute autre est la démarche d’Alain Passard, avec ses références à la couleur, à la musique – son « solfège des légumes » –, mais aussi à l’émotion poétique – l’ars metrica de la mesure et de la cadence –, dont nous trouvons l’illustration non seulement dans l’énoncé de sa carte mais aussi dans l’ensemble de ses commentaires. Ainsi, en est-il de « l’Avis » qu’il donne pour sa recette de « Gratin d’oignon doux des Cévennes au Parmigiano Reggiano » :

20

L’Oignon est un messager. Dans un plat, la mission de l’oignon est de porter et de transmettre les saveurs. Sa pulpe est un fin buvard, elle aime s’enrichir d’une épice, d’une huile, d’un vin, d’une saveur en général, pour aller ensuite voyager dans une salade, un mijoté, une fondue, et lui communiquer un avis, une dépêche [42].

21Ou de l’expression qu’il formule de la saisonnalité des produits, dans une succession d’« abandons » et de « retrouvailles » :

22

Nous avons besoin de ce repos créatif. Sinon ce serait l’ivresse. Impossible de penser tomates et courgettes douze mois sur douze au risque d’entraîner le rétrécissement du produit [43].

23Dans la position qu’il revendique, d’intermédiaire entre la nature et l’homme, Passard fait du cuisinier une autre figure du « mage romantique », plus d’un siècle après que le poète en ait été l’incarnation symbolique.

24Ainsi, l’ensemble de ces démarches de déchiffrement des analogies entre cuisine, peinture, musique, poésie, évoquent-elles moins des métaphores, auxquelles on tente trop souvent de les réduire, que des « correspondances » au sens baudelairien du terme : celles qui, à travers « les parfums, les couleurs et les sons », se renvoient « comme de longs échos qui de loin se confondent », et qui « chantent les transports de l’esprit et des sens [44]. » Dans cette perspective, il serait extrêmement réducteur de limiter l’apport de la cuisine moléculaire de Ferran Adrià et de ses émules à une seule forme de rationalisation scientifique de la haute cuisine. Elle nous apparaît surtout comme une recherche, qui tente à partir des sciences et des techniques contemporaines, de dépasser la primauté de l’esthétique visuelle, ou harmonique, ou poétique, pour mieux explorer ce que pourrait être une esthétique du goût, sollicitant tout ensemble des sensations visuelles, tactiles, olfactives, auditives, gustatives et somesthésiques, et faire ainsi de la cuisine une expérience esthétique totalisante en proposant de renouveler l’approche jusque-là maniériste de ce que pourraient être le « beau » et le « bon [45] ».

Explorations d’une esthétique du goût

25Cette recherche menée par la cuisine moléculaire, sur laquelle il n’est pas de mon propos de porter un jugement, n’a pas de véritable précédent dans l’histoire. Ce qui ne signifie pas que l’exploration d’une esthétique du goût n’ait jamais été tentée.

26N’est-ce pas ainsi que nous pouvons comprendre le projet de « clavecin des saveurs » que le père Polycarpe Poncelet, dont nous savons peu de chose si ce n’est qu’il appartenait (ou avait appartenu) à l’ordre récollet, et qu’il était un agronome dont les travaux sur le froment et la farine font référence, propose de réaliser en 1755 [46]. Si son projet concerne en premier lieu la fabrication des liqueurs, il pose néanmoins la question plus générale de « l’harmonie » des goûts à partir d’une réflexion comparée plus que métaphorique, sur l’harmonie des sons et des couleurs :

27

Un Compositeur de Ragoust, de confitures, de Ratafiats, de Liqueurs, est un Symphoniste dans son genre, & il doit connoître à fond la nature & les principes de l’harmonie, s’il veut exceller dans son art, dont l’objet est de produire dans l’âme des sensations agréables [47].

28Poncelet (1720-1780) qui n’a été contemporain que des jeunes Grimod de la Reynière (1758-1838) et Brillat Savarin (1755-1826), n’a pu connaître la vogue que prendra le discours gastronomique après sa mort. Son projet s’inscrit néanmoins dans le contexte d’une « montée en grade du culinaire », pour reprendre l’expression de Béatrice Fink qui a retracé ce processus [48]. Il s’inscrit aussi, doit-on le rappeler, à un moment où le clavecin a enfin imposé son caractère et son indépendance vis-à-vis de l’orgue, à travers l’émergence d’une nouvelle esthétique musicale, la musique baroque ; il s’inscrit enfin dans un temps où la rationalisation scientifique aboutit aux travaux de Newton (1643-1727) sur la réfraction de la lumière et la couleur, et de Kircher (1601-1680) sur les sons, l’acoustique, l’harmonie mais aussi l’optique (on le reconnaît comme l’un des inventeurs de la lanterne magique). Ces avancées de la science vont renouveler le débat philosophique sur la question de la saisie sensible du monde et sur le statut de la connaissance, mais vont aussi inciter à de multiples travaux sur la physiologie, notamment sur celle du goût et de l’odorat.

29C’est ce contexte qui produit notamment la Lettre sur les aveugles (1749) et la Lettre sur les sourds et muets (1751) de Diderot [49], mais qui produit aussi, à partir de 1735, le projet qui occupera la vie entière du savant jésuite Louis-Bertrand Castel, auteur notamment d’une Optique des couleurs[50], celui d’un clavecin oculaire, susceptible de « mettre la musique en couleur » et de produire ainsi sur l’œil, par une succession de couleurs, l’effet produit sur l’ouïe par la succession des sons [51], de manière qu’un sourd puisse jouir et juger de la beauté d’une musique et qu’un aveugle puisse juger par les oreilles de la beauté des couleurs.

30Le clavecin des saveurs ne peut donc se comprendre hors de cette contextualisation. Anticipant d’une certaine façon, pourrait-on dire et toutes proportions gardées, les recherches de neurophysiologie sur les processus de transmission des stimulations gustatives, Poncelet recours à la science et aux technologies de son époque pour poser en fait, à propos du goût, la question de l’expérience esthétique. Il part du principe que :

31

Les saveurs consistent dans des vibrations plus ou moins fortes de sels qui agissent sur le sens du gout, comme les sons consistent dans les vibrations plus ou moins fortes de l’air qui agit sur le sens de l’ouie : il peut donc y avoir une musique pour la langue et pour le palais, comme il y en a une pour les oreilles ; il est très vraisemblable que les saveurs pour exciter différentes sensations dans l’ame, ont, comme les corps sonores, leurs tons générateurs, dominans, majeurs, mineurs, graves, aigus, leur coma même, et tout ce qui en dépend, par conséquent leurs consonances et leurs dissonances [52].

32Il propose donc une gamme où l’acide répond à l’ut (A), le fade au ré (B), le doux au mi (C), l’amer au fa (D), l’aigre-doux au sol (E), l’austère au la (F), le piquant au si (G). À partir de là, il établit des règles harmoniques pour créer ce qu’il nomme « une musique savoureuse » :

33

[…] Mêlez […] Le Citron, par exemple, avec le sucre, vous aurez une consonance simple, mais charmante, en quinte majeure : mêlez l’Acide avec le Doux, le suc de Bigarade, par exemple, avec du miel, vous aurez une saveur passablement agréable, analogue à A…C…ut…mi…I…3. Tierce majeure : mêlez l’aigre-doux avec le Piquant, la consonance sera moins agréable, aussi n’est-elle qu’en tierce mineure : pour la rendre plus agréable, haussez ou baissez d’un demi-ton l’une ou l’autre saveur, ce qui revient au dièse & au B mol, & vous trouverez un grand changement : voulez vous composer un air savoureux en grand dièse ? Prenez pour Dominante l’Acide, le Piquant, l’Austère ou l’Amere […] Les Dissonances ne sont pas moins analogues dans l’une et l’autre musique […] mêlez l’Acide avec l’Amere ; du vinaigre par exemple avec de l’Absynthe, le composé sera détestable […]

34Nous ne nous attarderons pas ici sur les diverses conceptions de l’objet technique qui ont été remarquablement traitées par Maarten Franssen [53]. Mais à la fin du siècle, alors que se prépare l’œuvre de Grimod de La Reynière et de Brillat-Savarin, le compositeur et claveciniste André Grétry le mentionne. En 1797, il écrit : « On nous dit aussi qu’il existe un clavecin des saveurs […] Quel plaisir il y aurait pour un gourmand de préluder sur un pareil clavecin ! En rapprochant, en mélangeant de mille manières toutes les saveurs, il composerait des harmonies gutturales, tantôt mauvaises, tantôt bonnes, et ferait des découvertes ridiculement précieuses pour un tel homme et ses pareils. Étant à table, lorsque je vois un mets mal apprêté, repoussé par tous les convives, je me dis : « Ces gens-là ne cherchent pas pourquoi ce mets leur déplaît ; il répugne à leur goût et tout est dit ; si un mets est bien assaisonné, ils l’adoptent sans raisonnement. Il en est de même de la bonne musique ; elle plaît, elle est saisie par les oreilles pures, elles ne se trompent jamais [54]. »

35Quelques années plus tard, l’interrogation cruciale qui concerne les « compositions » et les « harmonies » du goût ne se posera plus dans les mêmes termes. D’abord parce que, ainsi que l’avait souligné Misette Godard [55], du côté de la cuisine à proprement parler, la Révolution n’a rien mis en péril. C’est donc autour de ce qui touche à la table, à ses manières, à sa qualité, que Grimod va orienter ses Almanachs, « guides » destinés aux nouvelles fortunes, pour leur donner « les moyens de tirer, sous le rapport de la bonne chère, le meilleur parti possible de leurs penchants et de leurs écus [56] », alors que les grandes maisons aristocratiques sont perdues. Dans l’ensemble de son œuvre, Grimod développe plusieurs formes de métaphorisation des arts de la table. Il est avant tout, ne l’oublions pas un homme de théâtre, qui a mené une carrière de critique théâtral. La scène, les décors et leur machinerie, l’artifice, l’émotion du jeu d’acteurs, les rôles principaux tenus par l’amphitryon et son cuisinier – est-ce en référence à l’acteur qu’il use de l’expression « artiste culinaire » ? –, sont au cœur de l’esthétique de la table qu’il développe. La cuisine, œuvre éphémère au sein de la représentation éphémère qu’est la scène du repas, n’en est qu’un élément [57]. C’est sans doute ainsi, et pas seulement en y voyant des facéties destinées à irriter son père, un fermier général dont la table était réputée, que l’on peut aussi comprendre ses repas que nous pourrions dire « dissonants », tant en termes sociaux qu’en termes gustatifs : ceux qu’il compose de tartines beurrées garnies d’anchois, d’un aloyau et de café au lait, ou celui de son « fameux souper », simulacre mortuaire, dont l’amphitryon est le comédien Dugazon [58].

36Ce n’est pas tout. Certainement marqué par les débats sur les monuments historiques qui agitent son époque, Grimod développe, par de multiples entrées, la métaphore de l’art de la table et de l’architecture : il s’intéresse, comme nous avons tenté de le démonter dans un précédent article, aux « produits » alimentaires qu’il monumentalise et dont il inaugure le processus de patrimonialisation [59]. L’architecture est ainsi sa référence, non pas dans le sens où Carême le développera quelques années plus tard pour la pâtisserie – dont il disait, au-delà de la métaphore, qu’elle était la branche principale du « bel art » qu’est l’architecture – mais dans la double approche de la commoditas et de la voluptas, pour reprendre les buts de l’architecture tels que les avaient exposés Alberti au xve siècle. À ce titre, c’est le repas tout entier que Grimod expose comme « l’architecture d’un palais somptueux et régulier », dont chaque service constitue un élément :

37

Le Potage est au dîner ce qu’est le portique ou le péristyle à un édifice ; c’est-à-dire que non seulement il en est la première pièce, mais qu’il doit être combiné de manière à donner une idée juste du festin, à peu près comme l’ouverture d’un Opéra-comique doit annoncer le sujet de l’ouvrage (1805). […]
Les entrées en forment le premier étage et les appartements les plus importants […], on peut regarder les Hors-d’œuvre comme ces petits cabinets, ces boudoirs, ces pièces de dégagement, qui ajoutent à l’agrément d’une distribution, font valoir les pièces majeures, et complètent un bel appartement […], nous dirions que le Rôti en est le salon, la pièce principale, celle en un mot sur laquelle se reporte l’orgueil du propriétaire, parce que c’est celle qu’il a décoré avec le plus de soin, qui doit réunir le plus de monde, et dont l’ameublement lui coûte le plus d’argent. Les entremets sont comparés aux attiques, « peu élevés, peu étendus, mais ordinairement décorés avec élégance […] » (1806) ; les sauces, aux meubles sans lesquels les appartements seraient inhabitables (1807).

38Cette construction que nous pourrions illustrer de bien d’autres exemples, manifeste à quel point l’esthétique développée par Grimod a, d’une part, dissout la cuisine dans le champ bien plus vaste qu’est celui de la gastronomie, d’autre part installé la gastronomie – et non la cuisine – du côté d’un art métaphorique. Son approche marquera durablement l’époque contemporaine.

Quand le 9e art se dérobe à la cuisine

39Pourtant, entre la fin du xixe siècle et l’entre-deux-guerres, les conditions semblaient avoir été réunies pour que la cuisine fonctionne comme « un art ».

40Posons ici quelques repères. Si en 1864 et 1865 on relève la parution de quelques numéros, d’un Journal de l’Art culinaire[60], Le Gastrophile – une alternative malheureuse à « gastronome », et dont la fortune ne fut que de courte durée –, c’est à partir des années 1880 que la formule « art culinaire » s’impose durablement.

41L’expression est adoptée par les cuisiniers qui tentent alors de s’organiser et de défendre leurs droits. La réflexion menée sur la structuration de la profession les conduit à s’interroger sur son statut social et juridique [61], dans l’objectif de se démarquer de l’activité de domestique à laquelle elle réfère depuis la fin des corporations, et de celle d’« ouvrier » à laquelle la rattache l’appartenance à l’Union des chambres syndicales ouvrières de France. Comme ils ne sont pas artisans, le terme « ouvrier » ne les renvoie pas au statut noble de l’ouvrier et de son ouvrage tel qu’il se maintient dans les métiers d’art, mais à la signification moderne de salarié d’usine qui ne possède que sa force de travail. Dans cet « entre deux statuts » qui disent l’un comme l’autre l’humilité d’une condition, les cuisiniers affichent leur perplexité, et parfois leurs dissensions puisque la profession regroupe des grands cuisiniers reconnus, des ouvriers salariés, des employés aux tâches subalternes, des commerçants, des salariés d’entreprises… une variété de statuts telle qu’elle se retrouve dans le cinéma ou la photographie, et n’a pas été un obstacle à leur reconnaissance comme arts.

42Le 1er août 1887, un article du cuisinier Philéas Gilbert, pose ouvertement la question dans un article du Progrès des Cuisiniers intitulé « l’Arbitrage : Ouvriers ou Artistes ? ». Il y écrit :

43

À dire vrai, que sommes-nous encore à l’heure actuelle dans la société ? Les uns se disent artistes, les autres se dénomment simplement ouvrier. Des deux appellations laquelle est la vraie ? Sommes-nous ouvriers ? Oui. Sommes-nous considérés comme tels par la loi ? Non. Possédons-nous des artistes dans toute l’acception du mot ? Oui. Leur accorde-t-on la considération due aux artistes ? Non. Alors nous ne sommes ni ouvriers ni artistes. Que sommes-nous ? Rien. Qu’aspirons nous à devenir ? L’un et l’autre […].

44Et aussi :

45

Depuis quelques années on s’occupe beaucoup de tout ce qui a trait à la cuisine, et il n’est personne, même dans les sphères supérieures, qui ne remarque avec surprise et intérêt l’activité que nous déployons. Notre premier desideratum a été de remettre la cuisine à sa véritable place, c’est-à-dire à côté des arts libéraux [62].

46On comprend mieux l’attachement de la profession à l’« art culinaire ». Les statuts de l’Union universelle pour le projet de l’art culinaire, créée en 1883 par le cuisinier Joseph Favre (fondateur en 1877 du premier journal professionnel, La Science culinaire), et qui deviendra en partie la Société des cuisiniers français, nous informent que la formule se réfère à la fois à la science (« donner le plus grand essor possible au développement de l’art culinaire par l’étude des sciences qui se rattachent à l’alimentation ») mais aussi à l’art libéral puisqu’ils prévoient d’encourager les « créations culinaires » par des expositions et des concours. Et c’est un journal intitulé L’Art culinaire, créé en 1883, qui deviendra en 1885 l’organe professionnel de la Société. Revendiquant clairement les outils conventionnels du passage de la cuisine à l’art, les cuisiniers réalisent alors les vœux qu’avait émis en son temps Antonin Carême. Rappelons combien la figure de Carême, lieu crucial de l’histoire de la cuisine, a pu favoriser la montée en visibilité de l’art culinaire : affichant un statut de cuisinier – pâtissier, architecte et érudit, c’est lui qui avait mobilisé pour la cuisine, la stratégie du dessin dans ce qu’il a de l’expression d’un dessein, cette idée qui avait pu faire de l’architecte et du jardinier des artistes [63]. Lié aux plus grands artistes de son temps (Rossini, Chopin, Ingres, Lamy, Delacroix), amateur d’art, c’est lui qui conseillait ses amphitryons – notamment les Rothschild – pour l’achat d’œuvre d’art [64], et qui était attendu par des admirateurs du rang de Lady Morgan à la fin d’un dîner, comme le sont les artistes à la sortie du théâtre [65].

47C’est ainsi, qu’en 1883, Joseph Favre crée, sur le modèle de l’Académie française, une Académie de cuisine, qui deviendra en 1888 l’Académie culinaire, et poursuit, à partir de 1877, le projet académicien d’un Dictionnaire universel de Cuisine qui paraîtra au complet entre 1889 et 1891. Des concours culinaires sont lancés en 1882 pour favoriser l’émulation et exposer publiquement les artéfacts de la cuisine. En 1884 et 1885, le Grand Orient de France à Paris leur ouvre ses locaux [66], et ce sont les ministres, députés, sénateurs, banquiers et gens du monde qui viennent y admirer les merveilles de cuisine, mais aussi de charcuterie, de pâtisserie et de confiserie. En 1888, cependant, Urbain Dubois, qui évoque le succès de ces expositions, fait l’amer constat que la cuisine s’est vue débordée par les productions des autres métiers de bouche, beaucoup plus spectaculaires [67]. Quoi qu’il en soit, en 1891, la grande école de cuisine, projetée pour en finir partiellement avec l’apprentissage et pour académiser les transmissions des savoirs et savoir-faire culinaires, voit le jour à Paris. Son règlement précise la vocation qu’elle manifeste à « former des praticiens dans toutes les branches de l’art culinaire et des sciences alimentaires : cuisine, pâtisserie, confiserie, liqueur, office et sommellerie, charcuterie, conserves alimentaires [68] ».

48Ainsi, nombreux sont les actes de « passage à l’art » du culinaire opérés en cette fin de xixe siècle : reconnaissance collective, légitimation critique que nous n’avons pas évoquée ici [69], opérateurs engagés, mise en place de vecteurs d’institutionnalisation. Un des derniers actes du processus, que Nathalie Heinich énonce comme « le premier signe d’artification », nous renvoie à l’étape d’invention lexicale qui manifeste le statut d’art de la cuisine [70]. En se référant au classement des arts formulé par Hegel au début du xixe siècle, et alors que les arts de la scène et le cinéma s’y construisent non sans difficultés une place [71], la cuisine joue aussi cet acte ultime. Il se produit à Paris, au Salon d’automne de 1923. Créé en 1903 par l’architecte Frantz Jourdain, président du syndicat de la critique d’art, qui s’allie à Sauvage, Vuillard, Bonnard, Vallotton, etc., le Salon affirme une remise en question de la conception conventionnelle et institutionnelle de l’art dont il envisage d’élargir les frontières [72]. C’est ainsi que Jourdain et ses amis y exposent, auprès des peintres et des sculpteurs, les décorateurs – à travers ce qui deviendra « le design » –, mais aussi la littérature, le théâtre, la danse, la mode, le cinéma, l’art urbain… En 1923, le Salon accueille l’Art Culinaire qu’il porte officiellement, par la voix de l’écrivain et folkloriste, Austin de Croze, au nombre des beaux-arts :

49

Pourquoi cette Cuisine ne compterait-elle pas, en France, parmi les Arts et puisqu’après la Peinture, la Sculpture, l’Architecture et la Gravure – les Quat’Z’Arts –, la Littérature, la Musique et la Danse, la Cinégraphie et la Mode ont porté à huit le nombre de nos arts, pourquoi la Cuisine ne serait-elle pas […] le Neuvième Art [73] ?

50De nombreuses traces de l’impact de cet acte de dénomination subsistent, pour la période comprise entre les années 1920 et les années 1950. Citons-en quelques exemples : la prise en compte de la cuisine par les futuristes avec le manifeste que Marinetti publie en 1931 [74] ; l’association de la cuisine, de la musique et de la danse dans la Revue de cuisine composée par l’adepte du surréalisme et du jazz, Bohuslaf Martinu, un ballet pour clarinette, basson, trompette, violon, violoncelle et piano, créé en 1927 à Prague par la troupe de la danseuse et chorégraphe Jarmila Kröschlová, elle aussi rattaché aux milieux surréalistes et dadaïstes et aux avant garde de la scène ; mais aussi la composition par Léonard Bernstein, de « La bonne cuisine », un cycle vocal sur un livret d’extraits de La bonne Cuisine française (1re édition, 1873), le livre de recettes du romancier, mémorialiste et directeur des Échos de Paris, Émile Dumont [75]. Nous pouvons encore citer des ouvrages qui affichent explicitement le propos : celui qu’Alin Laubreaux, le maurassien devenu tristement célèbre dans les annales de la collaboration, publie en 1931 sous le titre L’Amateur de Cuisine. Essai sur la cuisine considéré à la fois comme un des beaux-arts et comme une volupté[76], une publication qui rappelle, et ce n’est pas négligeable dans la question qui nous intéresse ici, à quel point la cuisine a pu mobiliser les milieux de l’extrême droite dans la France de l’entre-deux-guerres [77] ; et celui, plus tardif, que le peintre et dessinateur suisse Roger Wild, illustrateur de belles éditions de Mallarmé, Baudelaire, Balzac, Louÿs, Mac Orlan, fait paraître en 1951, sous le titre La Cuisine considérée comme un des Beaux-Arts. Publié dans la maison d’édition, le Tambourinaire, fondée par le mécène Étienne de Lassus, président de Thomson puis vice-président d’Alsthom, et spécialisée sur les ouvrages consacrés à l’art et à la musique, le livre dirigé par Wild réunit dans un véritable manifeste les voix les plus réputées, les plus officielles et les plus académiques de l’après-guerre, dont certaines d’entre elles, qui avaient pu être entachées de collaborationnisme, étaient à cette date réhabilitées. Nous y trouvons ainsi les signatures de Jean Babelon, archiviste paléographe et numismate, qui dirige alors le cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale ; Jérôme Carcopino, l’historien de la Rome antique qui fut sous l’Occupation directeur de l’École normale supérieure puis ministre de Vichy ; Sacha Guitry ; René Héron de Villefosse, lui aussi archiviste paléographe, chartiste, conservateur en chef honoraire des musées de la Ville de Paris ; Édouard de Pomiane, le célèbre médecin gastronome, chercheur à l’Institut Pasteur et auteur de nombreux livres de cuisine, l’écrivain André Maurois, membre éminent de l’Académie française depuis 1938 ; le compositeur Jacques Ibert, directeur de l’Académie de France à Rome (villa Médicis) de 1936-1940, puis de 1946 à 1960 ; la cofondatrice, avec Hélène Lazareff, du magazine Elle, Marcelle Auclair, auteur à succès de livres sur le bonheur où la cuisine trouve une place éminente, et bien d’autres encore.

Si c’est un art

51Bien que nous n’ayons eu ici aucune prétention à l’exhaustivité, les jalons que nous avons tenté de poser éclairent les discours, les opérateurs, mais aussi les actions lancées depuis les années 1880 par les cuisiniers pour faire reconnaître la cuisine comme un art. Appuyés par les médias et les critiques gastronomiques, les « gens du monde » et les viveurs du xixe et du début du xxe siècle, la cuisine a fini par intéresser les milieux culturels avant-gardistes, puis, durant les années 1950, les milieux académiques. Ce qui ne l’empêchera pas de perdre sa dénomination de 9e art, puisque, au cours des années 1960 [78], cette terminologie sera détournée au profit de la bande dessinée. On peut se demander pourquoi. Une hypothèse serait que, tournés vers la modernité et vers le nouveau modèle de réussite économique du cuisinier devenu entrepreneur de multinationales et star en puissance, les grands chefs ne se sont pas mobilisés pour rappeler que le champ du 9e art appartenait à la cuisine.

52Sans ce statut, la cuisine, et plus particulièrement la haute cuisine, continue pourtant à se revendiquer comme un art esthétique, même s’il lui reste à se faire pleinement reconnaître par les institutions culturelles et devenir l’objet de politiques publiques [79]. Les cuisiniers, les grands chefs tout du moins, sont reconnus comme des artistes à la réputation mondiale, et leur cote internationale se mesure sur les marchés financiers de la restauration ; la demande du public ne cesse de croître ; les collectionneurs de signatures culinaires parcourent le monde ; la cuisine a son Dictionnaire Larousse, ses critiques dédiés qui ne sont plus des journalistes en reconversion de fin de carrière ; ses amateurs éclairés qui font d’elle aussi un « art moyen [80] » ; ses librairies spécialisées, ses expositions culturelles, sa critique, ses écoles de formation, ses reconnaissances intellectuelles et académiques, ses masters et ses doctorats.

53Alors, pour quelles raisons peut-elle apparaître comme un cas d’artification impossible, c’est-à-dire un art qui ne le resterait qu’au sens métaphorique du terme [81] ?

54Reprenons les catégories de référence : l’art culinaire n’est pas seulement utilitaire, du moins pas davantage qu’une architecture qui peut cumuler, non sans tensions, fonctionnalité et beauté sans que soit remis en question son statut de 1er art. Il n’est pas plus éphémère que le « Land Art », sauf que l’un s’incorpore car il s’attache à une esthétique du goût, et que l’autre demeure dans la seule esthétique visuelle. À partir d’une création originale, il n’est pas plus reproductible en série qu’une photographie, qu’un film ou qu’une bande dessinée. Il n’est pas plus dépendant de techniques industrielles, d’un marché et de clients – spectateurs et/ou acheteurs –, que les productions des arts constitués, fussent-ils éphémères mais dont le concept persiste. La création culinaire n’est pas moins protégée juridiquement que l’idée. Ainsi, ce sentiment d’une difficulté de la cuisine à être un art ne serait-il pas le résultat d’un effet de représentation qui manifesterait la force prégnante d’une conception conventionnelle de l’art et d’une hiérarchie de valeurs culturelles persistant à dévaluer le culinaire ? La réception faite à la présence de Ferran Adrià à la Documenta XII de Kassel (2007), un des temples de l’art contemporain, en témoigne. L’événement fait date car, pour la première fois, un cuisinier est invité à participer à une manifestation d’art contemporain. Placée au cœur de l’exposition, sans qu’ait été présentée la moindre réalisation, l’œuvre d’Adrià, affirmant l’indissociabilité de la création et du restaurant – à la fois atelier, scène et galerie d’exposition –, attendait chaque soir au Bulli, des visiteurs tirés au sort et auxquels étaient offerts billets d’avion et places à table. Cette « performance », dirions-nous, aurait sans doute pu être conceptualisée par un « artiste ». Mais sans doute en raison du statut de cuisinier d’Adrià, elle a été relativement mal reçue des milieux culturels alors même que le commissaire, Roger M. Buergel déclarait :

55

Ferran Adrià a su créer son propre langage, qui est devenu très influent sur la scène internationale. C’est important de dire que l’intelligence artistique ne dépend pas du support [82].

56Nous ne saurions, à ce stade de notre recherche, apporter de réponses définitives à ces questions, mais nous proposons d’esquisser quelques hypothèses.

57Tout d’abord, il nous semble que les professionnels de la cuisine, longtemps issus de milieux humbles [83] ont, jusque dans les années 1960, manifesté une conception de l’art culinaire qui se référait à des représentations conventionnelles de l’art, déjà vacillantes parmi les élites. Les cuisiniers n’auraient pas su tirer parti de l’intérêt que les avant-gardes lui manifestaient, car la distance sociale et culturelle qui les en séparait était sans doute trop importante. Ensuite, au moment où la cuisine se proclame 9e art, ce sont le cinéma et la photographie qui occupent le terrain et alimentent les débats sur les arts nouveaux, sans doute parce qu’ils interrogeaient et révolutionnaient les arts constitués, comme la peinture. Plus sournoisement, car il s’agit de facteurs relevant de l’internalité, alors que, depuis les années 1960, l’inflation des « passages à l’art » touche l’ensemble des domaines de la création, la cuisine continue à subir, ainsi que nous l’avons vu dans le cadre des expositions culinaires, les effets de l’amalgame avec les « métiers de bouche », autour de savoir-faire dont la visée décorative et ornementiste a fini par la catégoriser du côté du maniérisme, du kitsch ou du désuet. Reste ce que nous considérons comme le principal obstacle, non pas à l’artification, mais peut-être à la perception du processus d’artification du culinaire : son manque d’autonomisation du champ de la gastronomie, un champ dont l’ampleur et la complexité d’approche que nous avons précédemment tenté de cerner [84], ne peut que nuire à sa visibilité. Ainsi, distinguer l’art culinaire et la gastronomie semble-t-il être le préalable nécessaire à toute étude qui se voudrait rigoureuse de chacun de ces deux objets.


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Mise en ligne 04/02/2013

https://doi.org/10.3917/sr.034.0013

Notes

  • [1]
    Pierre Bourdieu (dir.), Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, éditions de Minuit, 1965 ; François Brunet, « La photographie, une éternelle aspirante à l’art », dans Nathalie Heinich, Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris, EHESS, 2012, p. 29 et suiv. Ce statut a conduit Michel Melot à proposer comme réponse à la question « la cuisine est-elle un art ? » qu’elle était « un art pas comme les autres », Michel Melot, « La cuisine est-elle un art ? », Bien Manger, Médium, n° 22, juillet-septembre 2011, p. 6-30. La question a été le thème de la table ronde « La cuisine est-elle un art ? », Julia Csergo (université Lyon 2), Jacqueline Vurpas (musée des Confluences), Lyon 17 octobre 2011, dans le cadre de l’exposition « Mise en bouche ».
  • [2]
    Le dictionnaire Le Robert donne comme première mention du terme la date de 1546. Il le définit comme « ce qui a rapport à la cuisine ». En réalité, cette première mention certainement tirée du Tiers Livre de Rabelais, se rencontre dans une expression hermétique où il est question de « caballe culinaire et monastique ». Voir l’analyse qu’en fait Marie Holban, « Autour de Jean Thénaud et de Frère Jean des Entonnoirs », Études Rabelaisiennes, n° 9, Genève, Droz, 1971 p. 56. C’est ce qui explique que l’adjectif ne figure pas dans le Dictionnaire de Furetière de 1690. Le Trésor de la langue française n’atteste l’usage véritable du terme que du xixe siècle.
  • [3]
    « Lieu où l’on cuit et prépare la viande » et « fonds destiné pour la dépense de cuisine » sont les seules définitions données pour le mot « Cuisine » par le Dictionnaire de Furetière (1690). Le verbe « cuisiner », est défini comme « savoir faire la cuisine, apprester à manger ». On peut se demander si ce « savoir faire la cuisine » renvoie à la gestion de la dépense ?
  • [4]
    Une réflexion avait été initiée par Caroline Champion, Hors d’œuvre. Essai sur les relations entre arts et cuisine, Paris, Menu Fretin, 2010. Un programme de recherche pluridisciplinaire est engagé, depuis 2011 et pour trois ans, dans le cadre du LaBex HESam « Création, arts et patrimoines » : L’Art du Culinaire : artification et patrimonialisation du culinaire, direction Julia Csergo (UQAM-Lyon2) et Frédérique Desbuissons (INHA), avec la collaboration d’Évelyne Cohen (ENSSIB-université de Lyon).
  • [5]
    Nathalie Heinich et Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, op. cit.
  • [6]
    Ms. S 103 de la bibliothèque Supersaxo, Bibliothèque cantonale du Valais (Sion), édition de Terence Scully, 1985, 11r.
  • [7]
    Le De Re culinaria, édition de la Bibliotheca Pisanorum Veneta dite édition de Venise, imprimé en 1498 est ensuite publié en 1542, par G. Humelberg puis en 1705 et 1709, par M. Lister sous le titre de Apicii Caelii de Opsoniis et condimentis, sive arte coquinaria, libri X. Voir L. Douet d’Arcq, « Un petit traité de cuisine écrit en français au commencement du xive siècle », Bibliothèque de l’École des chartes, 21e année, t. 1, 5e série, 1860 ; voir aussi Apicius, L’Art culinaire, texte établi, traduit et commenté par Jacques André, Paris, Les Belles Lettres, 1974.
  • [8]
    Voir le travail de Bruno Laurioux, Gastronomie, humanisme et société à Rome au milieu du xve siècle. Autour du De honesta voluptate de Platina, Florence, Edizioni del Galuzzon, 2006.
  • [9]
    Nous n’omettons pas l’antériorité de L’Art de bien traiter, Paris, Jean du Puys, 1674, signé LSR, sans doute par le sieur Rolland, officier de bouche de la princesse de Carignan. L’ouvrage, consacré à la cuisine et à l’office, est centré sur la façon de « traiter », c’est-à-dire « de recevoir chez soi, de convier à sa table, de régaler un invité », pour reprendre les définitions du Trésor de la langue française. Ces ouvrages s’inscrivent dans une vogue de publications d’art de… Vivre longuement (1630), Trancher la viande (1650), Diriger la maison d’un seigneur (1692), et encore, bien plus tard, Bien faire les glaces d’office (1768) ou Préparer les alimens (1787)
  • [10]
    Marie-Antoine Carême, L’Art de la cuisine française au xixe siècle, 1833, p. v, xiv, lxiij, lxvij.
  • [11]
    Essais, Paris, Firmin Didot, 1870, I, XLIX, p. 151.
  • [12]
    Dans le Gorgias, Socrate dit que la cuisine n’est qu’un savoir faire et qu’elle s’est glissée sous la médecine, mais que ce n’est pas un art parce que le cuisinier ne sait pas donner l’explication de ce qu’il fait. C’est sur ce critère que la médecine accèdera plus tard et avec difficultés, au statut d’art libéral.
  • [13]
    Sur les corporations des cuisiniers et les hiérarchies, voir Alain Drouard, Histoire des cuisiniers en France, xixe-xxe siècle, Paris, CNRS Éditions, 2004 ; et Philippe Meyzie, L’Alimentation en Europe à l’époque moderne, Paris, Armand Colin, 2010.
  • [14]
    Voir Alain Rey, « Le nom d’artiste », Romantisme, n° 55,1987, p. 5-22 ; Annie Becq, « Artiste », dans Michel Dulon (dir.), Dictionnaire européen des Lumières, Paris, Puf, 1997 ; Nathalie Heinich, Du peintre à l’artiste. Artisans et académiciens à l’âge classique, Paris, Éditions de Minuit, 1993.
  • [15]
    Voir récemment dans le Guardian le « On Art Blog » de Jonathan Jones, Food for thought… Why cuisine ou couture can never equal great art, 21 avril 2011.
  • [16]
    Jean-François Marmontel, « Arts libéraux », dans Supplément de l’Encyclopédie, Amsterdam, Rey, 1776.
  • [17]
    Claude Henri Watelet et Pierre-Charles Levesque, dans Pancouke, Encyclopédie méthodique, section « Beaux-arts », 1788.
  • [18]
    Annie Becq, « Artiste », dans Michel Dulon (dir.), op. cit. ; Nathalie Heinich et Roberta Shapiro (dir.), op. cit.
  • [19]
    Barbara Cassin (dir.), Vocabulaire européen des philosophies, Le Seuil, Le Robert, 2004.
  • [20]
    Voir notamment Nelson Goodman, Manières de faire des mondes (1978), Paris, 2006, Folio, coll. « Essais », p. 483.
  • [21]
    René Huyghe, Dialogue avec le visible, Paris, Flammarion, 1955, p. 102.
  • [22]
    Voir l’essai de Priscilla Parkhust-Ferguson, Accounting for Taste. The Triumph of French Cuisine, Chicago, University of Chicago Press, 2004 ; voir aussi dans Olivier Assouly (dir.), Goûts à vendre. Essai sur la captation esthétique, Paris, IFM Regard, 2007 ; lire également les articles d’Olivier Assouly, « L’arrière-goût du goût. De l’origine du goût au jugement du goût », et de Nathalie Heinich, « Ce que la sociologie fait au goût », dans Goûts à vendre : essais sur la captation esthétique, Paris, Éd. du Regard, Institut français de la mode, 2007, p. 117-127.
  • [23]
    Voir Caroline Champion, Hors d’œuvre. Essai sur les relations entre arts et cuisine, op. cit.
  • [24]
    Voir Baldine Saint Giron, Fiat lux. Une philosophie du sublime, Paris, Quai Voltaire, 1993.
  • [25]
    Son approche culturelle assez peut renouvelée en France depuis les travaux de Jean-Paul Aron et Jean-Louis Flandrin, bénéficie surtout de l’avancée des food-studies
  • [26]
    Kant, Critique de la faculté de juger. Esthétique (1790), Livre I, « Analytique du beau », Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1985.
  • [27]
    Nous avons eu l’occasion d’évoquer l’importance de l’olfaction dans le rapport au goût alimentaire au xviie siècle, Julia Csergo, « Tables provençales à la fin du xviie siècle », dans Gilbert Garrier (dir.), Boire et manger en Provence au temps de Madame de Sévigné, université de Suze la Rousse, p. 111-136 (IIe symposium « Vin et Histoire », université Lyon 2-université du Vin, Suze la Rousse, 16 et 17 octobre).
  • [28]
    Graham M. Jones, « L’art au miroir de la magie », dans N. Heinich, R. Shapiro (dir.), op. cit., p. 114-131.
  • [29]
    Voir infra p. 37-48.
  • [30]
    Tables royales et festins de cour en Europe 1661-1789, actes du colloque international de Versailles, Paris, École du Louvre, 2004.
  • [31]
    Antonin Carême, Le Pâtissier pittoresque, extraits choisis et présentés par Allen S. Weiss, Paris, Mercure de France, 2003.
  • [32]
    Javier Villegas, « Le cuisinier du troisième type : de la cacophonie alimentaire à l’émergence d’une dynamique de goûts », Écologie & Politique, n° 32, 2006/1, p. 153-168.
  • [33]
    Caroline Poulain, Couleurs du goût. La couleur dans les livres de cuisine depuis le xixe siècle, catalogue de l’exposition de la BM de Dijon, 15 septembre-27 novembre 2007.
  • [34]
    L’Homnivore. Le goût, la cuisine et le corps, Paris, Odile Jacob, 1990, p. 239 et suiv.
  • [35]
    « Vive la nouvelle cuisine française », dans Nouveau Guide Gault-Millau, n° 54, 1973.
  • [36]
    Table ronde avec Michel Bras et Pierre Gagnaire, Portes ouvertes du Nouvel Observateur, La Folie du bien manger, Paris, 22 janvier 2010. Michel Troisgros fait ici référence à l’exposition Mondrian/de Stijl (Centre Pompidou, 1er décembre 2010-21 mars 2011).
  • [37]
    À propos de la sortie du film documentaire de Paul Lacoste, Entre les Bras. La cuisine en héritage, 2012, voir Anne-Cécile Beaudoin, « L’Aubrac entre les Bras », Paris Match, n° 3297, 26 juillet-1er août 2012.
  • [38]
    Voir infra p. 138-147.
  • [39]
    Julia Csergo, Wided Batat (dir.), « Enquête sur les pratiques culinaires populaires », menée dans le cadre d’un projet professionnel VGTPATR- université Lyon 2, pour l’OCPop, octobre 2011-février 2012. La méthode consistait en une enquête basée sur un questionnaire et des entretiens semi directifs. L’échantillon est constitué de trente personnes résidant dans la région Rhône-Alpes, âgées de 21 à 79 ans, disposant d’un revenu moyen de 1 700 € mensuels.
  • [40]
    Ouvert aux expériences musicales, Gonzales est l’auteur de performances comme le plus long concert de l’histoire (27 h 03 mn 44 s) ou un concert debout, en touches blanches uniquement.
  • [41]
    Pierre Gagnaire, Chilly Gonzales, Bande Originale, Paris, Flammarion, 2010.
  • [42]
    http://www.flmag.fr.chef.htlm, septembre 2009 (consulté le 16 juin 2012).
  • [43]
    Voir le film de Sophie Bensadoun, Invention de la cuisine. Alain Passard, Allegro Entertainment (Warner), 2010.
  • [44]
    Baudelaire, « Correspondances », Les Fleurs du mal (1re édition 1857).
  • [45]
    Nous renvoyons aux travaux de neurobiologie et de neurophysiologie, notamment aux multiples articles sur la gustation d’Annick Faurion (CNRS).
  • [46]
    Édition consultée, Chymie du goût et de l’odorat ou principes pour composer facilement et à peu de frais les liqueurs à boire et les eaux de senteur, Paris, Pissot, 1767.
  • [47]
    Ibid., p. xxij.
  • [48]
    « Fiat Lux : la sublimation des saveurs », dans Michel Erman (dir.), Le Goût dans tous ses états, Berne, Peter Lang, 2009, coll. « Littératures de langue française », vol. 8, p. 45-56.
  • [49]
    Édition Garnier-Flammarion, 2000.
  • [50]
    L’Optique des couleurs : fondée sur les simples observations et tournée surtout à la pratique de la peinture, de la teinture et des autres arts coloristes, Paris, Chez Briasson, 1740.
  • [51]
    À partir des travaux de Kircher sur les analogies entre sons et couleurs, le père Castel a supposé que les sept couleurs produites par l’effet du prisme sur les rayons de la lumière se rapportaient exactement aux sept sons de la musique. Voir « Le Piano », Revue de Paris, 1839, p. 173-200 ; l’article de Maarten Franssen, « The Ocular Harpsichord of Louis-Bertrand Castel », Tractrix, n° 3, 1991, p. 15-77 ; voir encore Hervé Hasquin, Roland Mortier, « Autour du père Castel et du clavecin oculaire », Études sur le xviiie siècle, vol. XXIII, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 1995 ; Jean-Marc Warzawski, « Le clavecin oculaire du père Louis-Bertrand Castel », dans Michel Costantini, Jacques Le Rider et François Soulages (dir.), La Couleur réfléchie, actes du colloque de l’université Paris 8, mai 1999, Paris, L’Harmattan, 2001. À l’époque contemporaine les mêmes interrogations, autour de l’audition colorée, traverseront les recherches de Scriabine, de Kandinsky ou de Messiaen.
  • [52]
    Chymie du goût et de l’odorat, op. cit., «  Dissertation préliminaire sur la salubrité des Liqueurs & l’harmonie des saveurs », p. xviij et p. xix.
  • [53]
    « The Ocular Harpsichord of Louis-Bertrand Castel », art. cité.
  • [54]
    Mémoires ou Essais sur la musique, Paris, imprimerie de la République, pluviôse, an V, t. 3, p. 235 et suiv.
  • [55]
    Grimod de La Reynière, Manuel des Amphitryons (1808), présentation de Misette Godard, Paris, Anne-Marie Métailié, 1983, p. 9.
  • [56]
    Grimod de La Reynière, Almanach des Gourmands servant de guide sur les moyens de faire excellente chère, Paris, Maradan, 1803-1812 ; voir 1803, Préface, p. i.
  • [57]
    Jean-Paul Aron, qui était lui aussi un homme de théâtre, a le premier perçu cette dimension, Le Mangeur du xixe siècle, Paris, Laffont, 1973
  • [58]
    Gustave Desnoiresterres, Grimod de la Reynière et son groupe (1877), préface de Jean-Claude Bonnet, Paris, Menu Fretin, 2009.
  • [59]
    Julia Csergo, « La Gastronomie dans les guides de voyage : de la richesse industrielle au patrimoine culturel, France xixe-début xxe siècle », In Situ. Revue des patrimoines, n° 15, 2010, ministère de la Culture et de la Communication, http://www.insitu.culture.fr
  • [60]
    Le même intitulé est repris par Paput-Lebeau, chef de cuisine à Angers, qui publie en 1883 sous ce titre un ouvrage de soixante menus et 275 recettes.
  • [61]
    Voir Alain Drouard, Histoire des cuisiniers en France xixe-xxe siècle, Paris, CNRS Éditions, 2004 ; nous renvoyons aussi à la somme extraordinaire du chef de bureau des sociétés de secours mutuel au ministère de l’Intérieur, Joseph Barberet, « Cuisiniers » dans Le Travail en France. Monographies professionnelles, t. VI, Paris, Berger Levrault, 1889, p. 15-285.
  • [62]
    Notons qu’aujourd’hui, en France, la nomenclature de l’INSEE ne reconnaît pas la cuisine comme un métier d’art, non plus que comme un artisanat d’art, mais classe le cuisinier et les commis de cuisine dans la catégorie 6-63, « ouvriers qualifiés de type artisanal » en le définissant comme « professionnel qualifié préparant des aliments destinés à être consommés dans un lieu de restauration ».
  • [63]
    Carême n’a pas mesuré pas la tension qui s’était jouée pour l’architecture, entre art et technique, et la difficulté qui fut la sienne pour se faire reconnaître parmi les beaux-arts. Voir l’article très éclairant de Luc Noppen, « L’Architecte dans l’histoire : entre maître d’œuvre et maître d’ouvrage », revue Liberté, n° 29, vol. 5 (173), 1987, p. 48-54.
  • [64]
    Daniel Rabreau, « Carême, le citoyen-architecte », dans L’Art culinaire au xixe siècle. Antonin Carême, Catalogue de l’exposition, mairie du IIIe arrondissement, Délégation à l’action artistique, 1984.
  • [65]
    Lady Morgan, La France en 1829 et 1830, Bruxelles, J. P. Meline, 1931.
  • [66]
    Les liens de la cuisine et de la franc-maçonnerie sont attestés pour Vincent La Chapelle dans le premier tiers du xviiie siècle. La recherche est à approfondir pour les années ultérieures, mais le fait que les premières expositions culinaires se déroulent au Grand Orient de France nécessiterait une recherche spécifique.
  • [67]
    Joseph Barberet, op. cit.
  • [68]
    Cité par Alain Drouard, op. cit., p. 65.
  • [69]
    Pascal Ory, Le Discours gastronomique français des origines à nos jours, Paris, Gallimard, 1998.
  • [70]
    Nathalie Heinich et Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, op. cit., p. 281.
  • [71]
    Voir à ce sujet Ricciatto Canudo, Naissance d’un sixième art. Essais sur la cinématographie (1911) et Le Manifeste des 7 arts (1923) ainsi que le passionnant texte de l’historien d’art Élie Faure, De la ciné-plastique, 1922, édition électronique de l’université de Chicoutimi (Canada) « les Classiques des sciences sociales », http://www.uqac.uquebec.ca
  • [72]
    Noël Coret, Salon d’automne, 1903-2003 : l’Art en effervescence, Casta Diva, 2003 ; Voir aussi le remarquable travail de fond de Béatrice Joyeux-Prunel, « L’art de la mesure. Sur le Salon d’automne (1903-1914). L’Avant Garde, ses étrangers et la nation française », Histoire et Mesure, vol. XXII, n° 1, 2007, p. 145-182.
  • [73]
    9e Art. Le Livret d’Or de la section gastronomique régionaliste, catalogue du Salon d’automne, Grand Palais, 1923.
  • [74]
    Filippo Tommaso Marinetti & Fillià, La Cuisine futuriste (1931), traduction de Nathalie Heinich, Paris, Anne-Marie Métailié, 1982.
  • [75]
    Signalons notamment sa production par l’ensemble Amici à Toronto, dans le cadre d’un événement « Explorer goût et musique » (23 octobre 2011). Nous pouvons rapprocher la démarche de Bernstein de celle du Festin joyeux ou la cuisine en musique, en vers libres (1738), donné comme une mise en musique de livres de cuisine de l’époque et dans lequel l’auteur explique aux dames de la Cour que le petit traité « pourra (vous) servir d’amusement & de récréation, aussi utile qu’agréable ; puisqu’en chantant vous pourrez, Mesdames, enseigner à faire des ragoûts & sausses à quelqu’uns de vos sujets subalternes pour vous réjouir… ». Cependant, ils ne résultent pas du même processus, de la même façon que l’opéra-bouffe d’Offenbach utilise le thème de la nourriture dans un tout autre contexte. Voir Béatrice Fink (dir.), Les Liaisons savoureuses. Réflexions et pratiques culinaires au xviiie siècle, université de Saint-Étienne, 1995 ; et Jean-Claude Yon, « Un vrai opéra-bouffe : manger chez Offenbach », dans Françoise Hache-Bissette et Denis Saillard (dir.), Gastronomie et identité culturelle française. Discours et représentations (xixe-xxie siècles), Paris, Nouveau Monde, 2007, p. 105-120.
  • [76]
    Illustrations de Pablo, Paris, Denoël et Steel, 1931
  • [77]
    Voir Françoise Hache-Bissette et Denis Saillard (dir.), Gastronomie et identité culturelle française. Discours et représentations (xixe-xxie siècles), op. cit., notamment les articles de Kyri W. Clafin, de Denis Saillard et de Didier Francfort, p. 215-275.
  • [78]
    Voir la trop rapide mais éclairante étude de Vincent Seveau, « La bande dessinée » dans Nathalie Heinich et Roberta Shapiro, De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, op. cit., p. 253-260 ; voir aussi le manifeste de Francis Lacassin, Pour un Neuvième art. La bande dessinée, Paris, Union générale d’édition, 1971.
  • [79]
    Les projets culturels officiels se multiplient, notamment depuis l’inscription du « Repas gastronomique des français » au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité, dont j’ai porté la responsable scientifique et qui a été inscrit à l’Unesco en novembre 2010.
  • [80]
    De la même façon pourrait-on avancer, que la photographie. Voir Pierre Bourdieu, La Photographie, un art moyen. op. cit.
  • [81]
    Pour reprendre l’expression de Nathalie Heinich et Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, op. cit. L’ouvrage comporte des chapitres sur la photographie, le cinéma, les graffiti, la mode, la BD, l’art brut, etc., mais aucun n’est consacré à la cuisine. Les auteurs justifient implicitement cette absence en évoquant la « gastronomie » comme « un cas d’artification impossible » au même titre que la typographie, l’œnologie, l’art des jardins, le parfum (p. 291).
  • [82]
    http://www.ledevoir.com, actualités culturelles, 15 juin 2007. Nous ne discuterons pas ici cette déclaration et la relation de l’œuvre et du support.
  • [83]
    La tendance s’inverse depuis quelques années. Elle peut s’interpréter comme la manifestation d’un passage à l’art.
  • [84]
    Nous renvoyons à la définition que nous avons proposée du champ culturel qu’est la « gastronomie », voir Julia Csergo, Le Repas gastronomique des Français à l’Unesco. Éléments d’une inscription au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité, le mangeur-ocha.com, texte exclusif, mis en ligne en septembre 2011.
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